La vie d’un motif : la colonnette khmère
p. 99-158
Texte intégral
1“Vie d’un motif’ : en art, un motif, tel un être vivant, a sa jeunesse (formation, hésitations), son âge mûr (équilibre, harmonie), sa vieillesse (excès et surcharge des motifs), sa décrépitude (dessèchement) ; ses moments de fatigue (monotonie, appauvrissement) et sa vitalité retrouvée (renouvellement, rajeunissement). Parfois –et c’est le plus curieux– se maintient dans l’évolution d’un thème une direction constante, imperturbable. Mais aussi, –souplesse de la vie– de brusques réactions coupent cette ligne continue et apportent rénovation, diversité, création, emprunts au dehors. Nul thème ne montre mieux, croyons-nous, ces deux tendances que la colonnette khmère à travers son développement, au Cambodge, du VIe au XIIIe s. de notre ère. C’est la raison de notre choix.
2Etudier un motif isolé est factice : la méthode qui s’efforce de faire apparaître l’évolution encore inconnue d’un art ou d’un style par la comparaison du développement des motifs demande justement la confrontation constante d’un assez grand nombre de motifs divers et de leur croissance. Séparer l’un d’eux pour mieux suivre son déroulement est alors artificiel. Ce peut cependant être utile soit pour préparer une étude d’ensemble soit pour clarifier et compléter une évolution complexe déjà dégagée pour la compléter, soit enfin pour mieux saisir la vie d’un motif.
3Avant de s’attaquer à un ensemble trop touffu et surtout pour ceux qui affrontent un premier travail personnel, l’étude préalable d’un motif détaché peut permettre d’aborder les difficultés de biais en quelque sorte. Mais les résultats devront alors être considérés comme faits incertains et tout à fait provisoires jusqu’à la confrontation avec les développements des autres motifs qui permettent soit de vérifier et de consolider, soit, bien souvent, de remettre en question et de corriger.
4Le travail général accompli, et c’est le cas pour l’art khmer, l’étude d’un motif isolé peut contribuer à l’éclairer. Appuyées sur une chronologie déjà établie par comparaison du développement d’un assez grand nombre de thèmes, les évolutions particulières acquièrent une bien plus grande solidité. Retracées après l’étude d’ensemble, elles peuvent dans une publication être placées avant, en tête de l’ouvrage. Ces évolutions dissociées préparent alors le lecteur à la comparaison du déroulement de nombreux motifs qui seule, dans sa complexité, peut, par de constants recoupements, assurer le bien-fondé de la succession proposée. De ce point de vue, l’histoire de la colonnette khmère qui va se dérouler dans les pages qui suivent ne serait qu’une partie détachée d’un ouvrage général où la justification surgirait de la confrontation des différents motifs.
5Mais une évolution gagne à être ainsi isolée : les inflexions et les détails qui risqueraient d’être noyés dans un ouvrage d’ensemble apparaissent mieux. Une telle étude enrichit donc le clavier des observations qui, par leur accumulation et leurs recoupements, situent les oeuvres dans le mouvement général de l’art auquel elles appartiennent.
6Enfin et surtout, l’étude d’un motif détaché en fait mieux ressortir la vie propre, ses âges, sa continuité, ses renouvellements. Elle a ainsi un intérêt en elle-même. Le montrer est le but principal de la présente recherche.
7Les colonnettes khmères forment avec le linteau l’encadrement des entrées. Colonnettes et linteaux ont un rôle plus décoratif que structural. Ces motifs sont constants dans l’art khmer de son début à sa fin. Les colonnettes sont en pierre (grès toujours ou presque toujours) à l’entrée principale au moins, même dans les tours-sanctuaires de briques. Elles sont placées aux entrées réelles ou figurées des tours-sanctuaires, portes et fausses portes ; leur usage s’étend assez vite aux autres entrées, portiques d’entrées (gopura) ou entrées des galeries par exemple mais elles n’ont aucun rapport donc avec les colonnes-piliers des galeries ou celles qui soutiennent les perrons. Colonnettes et linteaux sont dans l’art khmer les motifs décoratifs les plus employés, ceux qui donnent pour l’évolution du décor le plus grand nombre d’indications. Dans d’autres arts, ce sont d’autres motifs qui prédominent, ainsi l’arcature et le pilastre dans l’art du Champa.
8C’est surtout le fût qui importera dans l’évolution proposée : bagues, groupes de moulures, nombre de divisions, feuilles présentes ou non sur les nus, forme. Le couronnement est relativement secondaire ; quant à la base, on l’ignorera car elle se rapproche relativement du couronnement et, le plus souvent, st trop mutilée pour fournir des renseignements.
9C’est Henri Parmentier qui a, semble-t-il, remarqué pour la première fois dans l’art khmer la surcharge progressive des colonnettes réduisant les nus entre des groupes de moulures toujours plus rapprochées. Mais une telle évolution paraissait alors contredite par l’interversion chronologique entre deux des plus importants groupes des monuments khmers, interversion due a la date fausse attribuée avant 1926 au Bayon d’Angkor.
10Tâchant avec des observations sur l’évolution de la sculpture de redresser cette fausse chronologie, nous avions été amené, dès 1927, à esquisser en deux pages l’évolution de la colonnette1. Un premier essai de présentation moins réduite de cette évolution, basé sur nos recherches, a été inséré dans l’ouvrage général de Gilberte de Coral Rémusat en 19402.
11Etudiant le style du Kulên, nous avions, peu avant, entrepris un examen complet des colonnettes de ce style3, et dans un travail conjoint, figuraient quelques indications sur la colonnette dans les anciens styles khmers4.
12Cette évolution de la colonnette fut reprise dans son ensemble, d’une manière à la fois plus détaillée et plus décantée dans nos cours à l’Ecole du Louvre (en 1951 principalement).
13Certaines réserves vont être maintenant précisées afin de ne plus avoir à y revenir.
14Ce que nous indiquons, pour les colonnettes, comme caractéristique d’un style répond à l’ensemble de ce style. Mais d’un style à un autre, il ne peut y avoir changement brusque et simultané de tous les motifs au même instant. Un échelonnement se dessine alors, d’où une plus ou moins longue transition. Ayant été amené, pour définir les divers styles khmers, à nous baser surtout sur les linteaux, les modifications des colonnettes ont toute chance de ne pas correspondre exactement à ces transformations des linteaux et donc à ce que nous avons par convention nommé changement de style. Elles précèdent légèrement semble-t-il plusieurs fois ; elles suivent peut-être ailleurs. Loin d’être un signe d’erreur dans l’étude d’évolution des motifs, ces décalages permettent parfois de mieux suivre les passages entre les styles.
15Assez souvent, dans l’évolution d’un art, un motif ancien se perpétue pendant une période en général brève, parallèlement au motif nouveau qui apparaît et tend à le remplacer. Il y a alors chevauchement. Pierre Dupont semble avoir montré une telle coexistence de linteaux khmers de types différents au moment du passage, vers la fin du VIIe s. du style de Prei Kmeng au style de Kompong Prah5. Un phénomène analogue a dû exister parfois pour les colonnettes. Mais dans la première partie de l’art khmer, peu de monuments restent encore debout avec leurs colonnettes en place. Aucune certitude en la matière n’est donc possible. Ainsi, là où nous voyons la succession, il n’est pas impossible qu’il y ait quelquefois, aux extrémités des styles et au moment des changements, courte simultanéité.
16En cas de chevauchement, c’est, bien entendu, la colonnette la plus “avancée” dans l’évolution maximum qui indique le point où l’on est parvenu.
17Cependant, le fait de découvrir des colonnettes différentes dans un même petit monument n’implique pas forcément cette simultanéité. Les réemplois sont en effet fréquents et particulièrement aisés pour les colonnettes. Il peut déjà être difficile, devant le monument, de différencier l’emploi simultané du réemploi de certaines colonnettes plus anciennes. La possibilité d’une hiérarchie entre des colonnettes selon leurs emplacements peut venir, nous le verrons dans un instant, compliquer la question. Sur photographies, cette difficulté augmente encore. Il devient pratiquement impossible d’être fixé quand on découvre, comme si souvent dans la première partie de l’art khmer, des colonnettes sur terre ou en terre, éléments de grès, mutilés fréquemment mais conservés, ayant fait partie d’un édifice de briques écroulé et ainsi anéanti. On pourrait même hésiter à affirmer dans ce cas que deux colonnettes trouvées proches l’une de l’autre appartiennent à un même édifice.
18Nous voyons ainsi à plusieurs reprises, provenant d’un ou de plusieurs édifices détruits, côte à côte, une colonnette du style de Prei Kmeng et une autre du style de Kompong Prah qui suit. Est-ce coexistence de ces deux types pendant une assez longue transition entre ces deux styles, est-ce –ce qui paraît plus probable– réemploi d’une colonnette du style de Prei Kmeng dans un édifice du style de Kompong Prah ; est-ce enfin –ce qui n’est pas impossible– appartenance à des temples différents ? Comment le savoir ? Les colonnettes des styles de Prei Kmeng et de Kompong Prah sont souvent réemployées. Peut-être est-ce dû à la période troublée que furent les VIIe et VIIIe s. ? Elles peuvent être réemployées ensemble, dans un même temple, tel au Prasat Chrei du Kulên.
19Une autre difficulté vient encore compliquer notre étude : celle de l’ordonnance des colonnettes dans un même temple d’après leur emplacement.
20Les diverses colonnettes d’un même temple ne sont pas toutes semblables : un décor surajouté, une richesse plus grande se marquent assez souvent aux portes à la fois les plus sacrées et les plus centrales. Cet accent souligne parfois le sanctuaire central et ce qui y mène par rapport aux autres, ou le groupe des sanctuaires centraux tout entier, ou encore, dans un portique, l’entrée centrale et principale, ou enfin dans une tour-sanctuaire isolée, la porte par rapport aux fausses portes.
21Cela apparaît dès le début de l’art khmer, à Sambor (VIIe s.), sur l’unique exemple où nous pouvons vérifier une telle tendance : les colonnettes de la porte ont un ornement de plus (volatile dans des guirlandes) que celles des fausses portes. Au Kulên (première moitié du IXe s.), la colonnette octogonale est employée au sanctuaire central de Rup Arak, la colonnette carrée moins noble aux sanctuaires de côté et aux gopura d’entrée. A Banteay Srei (milieu du Xe s.) la pendeloque semble réservée au groupe central du temple et la colonnette du sanctuaire central est plus chargée que celle des sanctuaires de côté. Aux entrées du Palais Royal, ou Kleang Sud (début du XIe s.) accentuation, croyons-nous, par la colonnette la plus avancée dans l’évolution des entrées centrales. A Chosay Tevada, à Banteay Samré, à Beng Méaléa peut-être (trois premiers quarts du XIIe s.) les colonnettes ayant le plus grand nombre de divisions, 10 et 12, semblent être dans la partie centrale des temples, la plus sacrée sans doute.
22Avouons d’ailleurs que cette ordonnance n’est pas continue à travers l’art khmer. Quelquefois-est-ce parce que certaines colonnettes ont disparu, est-ce parce que l’art a évolué ? – c’est aux entrées extérieures que se trouvent les colonnettes les plus avancées (au Prasat Thom de Koh Ker par exemple). Parfois, c’est l’ancien type plus chargé qui se maintient aux entrées périphériques (Banteay Srei).
23Ce qui complique encore, justement à Banteay Srei, l’observation, c’est qu’en période de renouvellement, où l’innovation est liée au dégagement, ce ne sont pas les colonnettes les plus chargées (avec par exemple division aux huitièmes) qui sont au centre. Vers ce centre sont les colonnettes les plus nouvelles, les plus dégagées, avec, comme signe de noblesse, les pendeloques et, différence du sanctuaire central par rapport aux sanctuaires de côté, l’adjonction des feuilles aux quarts. Mais l’ancienne surcharge avec huitièmes se trouve aux entrées extérieures.
24Cette hiérarchie des colonnettes dans un même ensemble est moins nette dans l’art khmer que dans l’art de l’Inde. A Ajaṇṭā, un des fils d’Ariane qui nous permit de comprendre l’évolution de la colonne gupta est justement cette hiérarchie des colonnes d’après leur emplacement. Nous ne l’avions pas remarquée lors de notre travail de documentation au Cambodge en 1936. C’est J. Boisselier - et nous l’en remercions – qui a attiré notre attention sur ce point. D’où notre gêne. Déjà, sur place, dans des temples dont bien souvent une grande partie est détruite et où beaucoup de colonnettes ont été enlevées, cette ordonnance, en général peu remarquée ou curieusement marquée, risque d’échapper. De loin, sur photographies, il est souvent impossible de préciser.
25Si on considère la première partie de l’art khmer et la colonnette ronde, on s’aperçoit que, pour chaque type, nous ne connaissons, en général, qu’un nombre très réduit d’exemples. C’est parfois surprenant mais s’explique par le fait qu’aucune étude systématique des colonnettes n’a été faite, que les édifices de ces styles sont très dispersés, que beaucoup d’entre eux, tours-sanctuaires isolées en briques, se sont écroulés et qu’alors les éléments de grès, surtout les colonnettes assez peu volumineuses, se sont trouvées très vite recouvertes de terre. Or, nulle recherche n’a été poursuivie pour tenter de les retrouver. Nous sommes forcé ainsi de généraliser à partir d’exemples insuffisants. Nous croyons que ce que nous avons pu dégager se maintiendra dans ses grandes lignes mais les découvertes futures amèneront sans doute à infléchir certaines indications, comme elles l’ont déjà fait pour une première rédaction du manuscrit : la période qui précède le style du Kulên a dû être revue à la lumière de divers travaux, entre autres ceux de Mireille Bénisti6.
26Ajoutons que dans l’art khmer une certaine fantaisie transperce le goût de l’ordre et de la tradition. Il est souvent impossible d’indiquer de trop nombreuses et parfois minuscules différences qui risqueraient de masquer les grandes lignes que nous cherchons à dégager.
Style du Phnom Da (la plus grande partie du VIe s.)
27Il est antérieur à Iśanavarman (régnant déjà en 616) et à Sambor Prei Kuk. Epoque artistique nommée style du Phnom Dà d’après le nom des collines (et non du sanctuaire ainsi désigné qui est postérieur) où a été découvert le plus grand et le plus ancien ensemble de sculptures khmères en ronde-bosse et où se trouve l’édifice peut-être également le plus ancien de l’art khmer, l’Asram Maha Rosei.
28Ce monument a deux paires de colonnettes (fig. 74 et 75). Une autre paire flanque l’entrée d’un édifice analogue : Kuk Prah That près d’Hanchei. Définir un type de colonnette sur une base si frêle serait peu sage. Ces colonnettes peuvent cependant nous servir de point de départ.
29Elles sont rondes comme toutes les colonnettes vers la fin du style de Kompong Prah sans doute, jusqu’à de timides et rares essais, transition vers le style du Kulên.
30Leur caractère dominant paraît être des guirlandes et pendeloques simples sans décor dans l’anse des guirlandes. On les trouve au sommet du fût (fig. 74 et 75), sous le couronnement, dans les trois paires de colonnettes. Elles sont répétées une seconde fois au centre du fût sur les colonnettes de la celia de Maha Rosei (fig. 75 ; voir aussi : BEFEO, XXXVI, 1, p. 69). Peut-être est-ce là un embryon de hiérarchie. A Bayang, plus tard, ce seront 3 rangs de guirlandes et pendeloques tombantes qui figureront.
31Une bague très simple semble exister au centre du fût : perlage et deux filets à Kuk Prah That ; à Maha Rosei, elle ne paraît être qu’une triple nervure.
32Le couronnement (fig. 75) comprend un bulbe séparé par un double filet d’une partie évasée qui le surmonte, suivi –avec une double moulure de passage– par un haut abaque carré.
33Les colonnettes du style du Phnom Dà et de celui de Sambor qui suit sont le plus souvent minces. Avec ces guirlandes au sommet du fût, elles évoquent nettement les fines colonnettes en bois de l’Inde qui leur ont probablement donné naissance, sveltes colonnettes de bois soutenant les constructions légères à l’époque gupta et si fréquentes dans les peintures d’Ajaṇṭā7. Sur ces colonnettes de bois les guirlandes et pendeloques étaient sans doute de réelles guirlandes et pendeloques orfévries que la sculpture a copiées.
34Le couronnement avec bulbe de Maha Rosei, bien que différent des couronnements de ces colonnettes en bois de l’Inde, semble cependant y trouver sa source8.
Style de Sambor (première moitié du VIIe s. environ)
35La colonnette de ce style est en liaison avec le linteau à arc de bois et makara convergents mais se modifie peut-être un peu plus tôt que ce linteau. Elle se rencontre à Sambor Prei Kuk (fig. 78 et 79) et à Vat Choeng Ek (fig. 77).
36Certains éléments sont nouveaux ou transformés.
37Une modification se décèle dans la guirlande en haut du fût. Sauf dans certaines colonnettes frustes où la guirlande n’apparaît peut-être pas9 (fig. 76) il semble y avoir pratiquement toujours des pendeloques dans les anses de la guirlande (fig. 78) –adjonction par rapport aux guirlandes des colonnettes du style de Phnom Dà– et, souvent, des fleurs au bout de ces pendeloques10. Nous voyons même, à la porte principale du sanctuaire S 1 de Sambor (fig. 79), des volatiles dans les anses des guirlandes. Cet enrichissement est sans doute dû à une tendance à la hiérarchie, les colonnettes de la porte du sanctuaire étant plus riches que celles des fausses portes (fig. 78).
38La bague centrale semble plus ornée que précédemment, mais elle est généralement si mal conservée qu’on la juge difficilement. Elle paraît décorée de têtes à la porte principale du sanctuaire Est 1 de Sambor (fig. 79) et porter ailleurs des médaillons (fig. 77 et 78) évoquant parfois des volatiles (fausses portes du sanctuaire S 1 à Sambor).
39Une décoration rappelant des feuilles en triangle monte de la base (fig. 77).
40Les filets, plus nombreux, ne bordent pas directement les guirlandes tombant au sommet du fût. A Vat Choeng Ek (fig. 77) où on les voit nettement, il y en a 5, bordant la bague centrale (2) et les motifs du bas (1) et formant intermédiaire au quart du fût (2).
41La partie évasée du couronnement vers le sommet se termine maintenant en partie ronde et décorée. Les moulures de séparation s’ornent de petits pétales.
42La colonnette demeure ronde et en général frêle.
43Mais les exemples connus étant trop peu nombreux, les indications concernant ce style sont sujettes à révision.
Charnière style de Sambor – style de Prei Kmeng
44Une colonnette de Tuol Ang Srah Theat découverte par R. Dalet (BEFEO, XL, pl. XLIV, A) et peut-être datée de 651 semble former transition entre se style et le suivant, celui de Prei Kmeng : du style de Sambor, elle conserve un centre assez dégagé, du style de Prei Kmeng, elle présente le type de guirlande et le filet qui borde cette dernière. Aberration de cette colonnette : elle a peut-être été reprise au style de Kompong Prah, en témoignent les feuilles du bas (registre d’ailleurs inachevé).
Style de Prei Kmeng (deuxième moitié du VIIe s. environ)
45Malgré le très petit nombre de colonnettes de ce style, nous pouvons signaler certains changements probables qui d’ailleurs ont chance de précéder légèrement la transformation des linteaux (disparition des makara, médaillons devenant fleurons sur l’arc en bois, etc.).
46Nous ne pouvons malheureusement nous baser pour ce style que sur des exemples provenant de quatre monuments : Prasat Prei Kmeng (dans la ville du Baray occidental, BEFEO, XXXVIII, pl. XLIX, B), Prasat Trapeang Pong, sanctuaire S 4 (Hariharâlaya, BEFEO, XXXVIII, pl. LV, C), Prasat Chrei (au Kulên, une des colonnettes sans doute en réemploi, BEFEO, XXXVIII, pl. XXIX, C) et Prasat Prei, sanctuaire Sud (Haliharâlaya, fig. 80).
47Les filets, plus nombreux que précédemment, viennent maintenant border aussi la base des guirlandes et pendeloques au sommet du fût. Il y en a en général 6 (2 bordant les deux côtes de la bague centrale et éventuellement les motifs qui l’accompagnent, 2 bordant les motifs en haut et en bas, 2 aux quarts), parfois 8 (BEFEO, XXXVIII, pl. LV, C), deux filets intermédiaires au lieu d’un dans chaque moitié de la colonnette.
48La bague centrale se modifie. Elle est :
soit élargie et plus chargée de décor (parfois de fleurons médaillons, avec fine crosse caractéristique du style),
soit mince et flanquée de part et d’autre de fleurons ou de feuilles-fleurons (avec souvent des crosses minces caractéristiques du style) devenant vite des feuilles dentelées.
49Pour les guirlandes et pendeloques en haut du fût, la modification concerne le décor dans l’anse des guirlandes qui est :
soit plus chargé (BEFEO, XXXVIII, pl. XLIX, B),
soit remplacé par des feuilles minces en languette ondulée qu’on trouvait également dans les anses des guirlandes des linteaux dès l’époque précédente (fig. 80).
50Sur le couronnement, nous assistons au développement des pétales montants (pétales avec étamines ?) qui se fixent sur la base du bulbe et sur la base de la partie évasée.
51La colonnette reste ronde, les réemplois aux époques suivantes paraissent fréquents.
Passage du style de Prei Kmeng à celui de Kompong Prah. Style de Kompong Prah (VIIIe s.)
52L’aspect nouveau de la colonnette correspond au linteau nouveau du style de Kompong Prah avec rouleau de feuillage d’où pendent des crosses de feuillages et disparition de l’arc en bois des guirlandes et des pendeloques, linteau en général assez bas. Mais le changement de la colonnette semble ici aussi précéder un peu celui du linteau.
53Parmi l'assez grande diversité du décor des colonnettes ce qui semble déterminant, c’est l’apparition d’un décor nouveau : feuillage non plus vu de face mais représenté presque de profil, dont les pointes des feuilles sont recourbées sur le côté, décor qui, continu, peut alors cerner la colonnette. Ce feuillage nouveau n’exclut pas les précédentes feuilles vues de face et dentelées avec parfois terminaison évoquant la fleur de lys, qui subsistent parfois sur certains registres ou, sur d’autres, alternent avec les feuilles nouvelles, pointes recourbées sur le côté (Kompong Prah ; Ak Yom, fig. 84). Mais la présence de ces feuilles avec pointes recourbées sur le côté indique, semble-t-il, une époque postérieure aux styles de Phnom Dà, de Sambor et de la plus grande partie du style de Prei Kmeng où ce décor n’apparaît jamais. Comme il ne sera, croyons-nous, jamais repris après ce style, sa présence constante, dans le style de Kompong Prah, constitue une précieuse indication.
54Presque en même temps surgissent également, de part et d’autre de la bague de quart, de petites feuilles en général courtes, souvent triangulaires.
55Dans les exemples les plus anciens qui correspondent, si on s’en réfère au linteau, au style de Prei Kmeng finissant et à la transition vers le style de Kompong Prah, les guirlandes et pendeloques avec feuilles en languette dans les anses se maintiennent encore, sur la colonnette, au sommet du fût. L’évolution amène alors –sans que nous puissions savoir, vu le petit nombre d’exemples s’il y a succession ou chevauchement– à la disparition des guirlandes d’abord, et ensuite des pendeloques. Nous aboutissons ainsi avec le style de Kompong Prah qui s’affirme et avec le linteau typique de ce style à des colonnettes d’où guirlandes et pendeloques ont disparu.
56Cette transition entre le style de Prei Kmeng et celui de Kompong Prah paraît nettement indiquée au Prasat Andet11. Le linteau de ce temple présente encore l’arc en bois, les guirlandes et les pendeloques du style Prei Kmeng mais le feuillage envahit l’arc en bois qui surtout se termine en feuillage. Nous nous acheminons ainsi vers le rouleau en feuillage du style de Kompong Prah. La statue –une des plus belles de l’art khmer– semble postérieure à celle de Sambor. Le linteau conduit à la fin du style de Prei Kmeng, en transition déjà vers le style suivant.
57Or, sur la colonnette de Prasat Andet (fig. 81), le motif nouveau avec pointes des feuilles de côté existe déjà de part et d’autre de la bague centrale. Nous voyons aussi les motifs courts de part et d’autre des filets intermédiaires ici redoublés et au sixième au lieu d’être au quart. Mais, au sommet du fût, il y a encore guirlandes et pendeloques avec petites feuilles en languette dans les anses comme dans le style de Prei Kmeng.
58A cette colonnette semble correspondre la colonnette de He Phkà dont nous n’avons que la partie supérieure (BEFEO, XXXVIII, 1, pl. LV, A) et la colonnette de Vat Prasat (reproduite par R. Dalet, BEFEO, XXXVI, 1, pl. X, B), mais les bagues intermédiaires sont ici au quart.
59La colonnette de Bos Prah Nol (avec évidemment un linteau en réemploi) présente également le motif en feuilles avec pointes sur le côté, mais en haut du fût demeurent les guirlandes et pendeloques avec feuilles en languette dans les anses. Là, aucun motif de part et d’autre de la bague centrale, ni des bagues de quart, ni des motifs terminaux. Les bagues sont plates, larges et décorées comme souvent dans le style de Prei Kmeng.
60Il semble que ce type de bagues larges et entièrement couvertes de décoration, fréquentes dans le style précédent, va maintenant tomber en désuétude. Nous avons toujours ou presque toujours dans le style de Kompong Prah des bagues centrales minces et ornées d’un perlage avec feuilles de part et d’autre. Une colonnette de Phom Rung (ville du Baray occidental) montre, au sommet du fût et sous la bague centrale, dans les anses de guirlandes qui subsistent encore, le motif nouveau des feuilles pointes sur le côté. Ces feuilles remplacent les minces feuilles en languette du style précédent qui s’étaient maintenues jusque-là. C’est là peut-être une étape de la transition.
61Ensuite, (s’il n’y a pas chevauchement), guirlandes et pendeloques disparaissent du sommet du fût, les pendentifs demeurant.
62Deux exemples peuvent en être donnés.
63Ce sont les colonnettes de :
Prasat Kô près du Phnom Bayang, le linteau est du style de Prei Kmeng déjà avancé mais presque certainement, comme les colonnettes d’ailleurs, en réemploi, car il est coupé et déborde les colonnettes, et de
Prasat C de Kok Pô (ville du Baray occidental), accompagnant un linteau du style de Kompong Prah, lui.
64Le type le plus net de la colonnette du style de Kompong Prah s’affirme enfin (en liaison, semble-t-il, avec le linteau caractéristique de ce style).
65Au sommet du fût, guirlandes et pendeloques ont disparu.
66Les feuilles presque de profil avec pointes recourbées sur le côté dominent. Dans les registres les plus importants, des deux côtés du centre et en haut et en bas du fût, cette forme de feuilles est souvent seule employée. La feuille de face dentelée plus ancienne, figure aussi parfois, soit sur un registre entier, soit en alternance avec la feuille pointes de côté (Kompong Prah, Ak Yom).
67La bague centrale est en général composée d’une mince bague perlée accostée de part et d’autre de feuilles.
68Les bagues de quart présentent souvent cette même bague mince et perlée avec, de part et d’autre, des motifs plus courts, parfois triangulaires.
69Les filets continuent en général à border le décor de part et d’autre au centre et en haut et en bas, avec parfois des filets intermédiaires au huitième (Kompong Prah, etc.).
70A ce type correspondent, avec parfois de légères variantes :
les colonnettes assez nombreuses de Kompong Prah,
la plupart des assez nombreuses colonnettes de Ak Yom (ville du Baray occidental, sanctuaire central et enceinte extérieure, fig. 82, 83, 84).
une ou plusieurs colonnettes de Trapeang Pong (Hariharâlaya, sanctuaire S 2 et peut-être S 3, BEFEO, XXXVIII, pl. LV, D),
une colonnette mutilée à Vat Khnat (ville du Baray occidental),
une colonnette non terminée et sans doute en réemploi à Prasat Chrei (Kulên, BEFEO, XXXVIII, pl. XXIX, C),
une colonnette simplifiée sans quart et peut-être légèrement antérieure aux autres, le linteau n’étant pas encore totalement du style de Kompong Prah, au Prasat Srei Krup Lasck du Phnom Baset12,
un fragment de colonnette dont les feuilles sont plus petites au sommet du fût, trouvé dans le Baray occidental (fig. 85),
une colonnette analogue mais avec décor de fleurs au quart au Phum Prasat (fig. 88).
71Ici aussi, comme dans le style de Sambor, le décor de certaines colonnettes se réduit à des moulures, par exemple à Ak Yom.
72Le couronnement se modifie un peu : accentuation des séparations peut-être avec parfois un perlage comme celui des bagues.
73La forme ronde se maintient partout dans ces colonnettes. Cependant, il existe, liés au style de Kompong Prah, quelques exemples de colonnettes octogonales :
au Prasat Sakhla, où elles sont taillées dans la brique aux fausses portes, tandis que la porte principale a des colonnettes rondes, caractéristiques des styles de Prei Kmeng et de Kompong Prah puisque le prasat se situe à la charnière des deux styles13,
au Prasat Praeh Theat Thom (Banteay Prei Nokor), à la face septentrionale du sanctuaire central, qui se révèle également intermédiaire entre les styles de Prei Kmeng et Kompong Prah14,
au sanctuaire Nord de Prasat Prei Prasat de Roluos qui est daté de 719 AD15, qui est lui du style de Kompong Prah. Cette colonnette est, dans son ensemble, du style de Kompong Prah : on remarquera la feuille en crosse posée sur la feuille vue de face, à la partie supérieure du fût, et qui est assez analogue à celle qui se trouve sur un linteau du prasat central de Sambor Prei Kuk (C I),
provenant des environs de Trapeang Pong (à l’Est du S I, Roluos)16 ; elle n’est pas, à proprement parler, octogonale : c’est là un essai maladroit de colonnette carrée aux angles abattus. La bague semble ornée de volatiles ( ?). Les bagues étroites, perlées, avec courtes feuilles ornent les quarts et sont typiques du style du Kompong Prah. En haut du fût, les feuilles ont des pointes en fleur de lys ; en bas, le centre des feuilles est arrondi : partie qui deviendra trilobée dans le style suivant du Kulên où elle sera quasi toujours figurée (signe avant-coureur de la transition vers le style du Kulên peut-être).
à la tour-sanctuaire principale du groupe central de Sambor Prei Kuk (C I) (fig. 86 et 87). Jusqu’il y a peu17, ce monument était considéré comme appartenant à la charnière entre ce style et le suivant du Kulên. Il appert aujourd’hui que c’était peut-être là chronologie fausse et qu’il faut le resituer à l’extrême fin du VIIe siècle, et donc antérieurement au style de Kompong Prah, stricto sensu, ce serait là un monument de la transition style de Prei Kmeng – style de Kompong Prah.
74Il y a là plusieurs motifs du style de Kompong Prah : les feuilles sont dentelées et terminées en fleur de lys, les bagues sont plates et décorées, un élément haut et non évasé demeure au sommet du couronnement.
75D’autres recherches expliqueront peut-être le pourquoi de certains éléments du décor de cette colonnette qui se retrouveront, évolués, au style du Kulên, puisqu’en acceptant l’actuelle chronologie, on “saute” une période (style de Kompong Prah) du C I de Sambor au style du Kulên, style avec lequel la tour-sanctuaire partage :
la forme octogonale,
le galbe incurvé aux extrémités du fût et la suite de fleurs qui deviendra filet à fleurons au style du Kulên),
les grands fleurons sur la partie supérieure du couronnement (ce seront des feuilles dans le style du Kulên),
les filets décollés d’où partent les feuilles de part et d’autre des bagues, feuilles vues de face et non de profil.
76Nous laisserons la parole à Mireille Bénisti elle-même18 pour évoquer les rapports entre les colonnettes du monument C I de Sambor et la charnière Prei Kmeng-Kompong Prah : “Son examen (de la décoration) ne nous permet pas, jusqu’à plus ample informé, de la situer dans une suite typologique ; du moins nous a-t-il amenée à remarquer que quelques motifs ne manquent pas de correspondances : des bagues centrales ont des losanges floraux sur fond feuillu, comme sur les pilastres flanquant la fausse porte Sud de Prasat Sakhla (ibid., fig. 49 et fig. 14) ; des fleurons bordent, en bas, les bagues centrales ressemblent fort à ceux qui se succèdent au centre d’une colonnette de Trapeang Pong, du style de Prei Kmeng” (M. Bénisti, Recherches sur le premier art khmer. II. La “bande à châtons”, critère chronologique ?, Arts Asiatiques, XX, 1969, pp. 99-120 : voir fig. 7. Des fleurettes en file, au haut et en bas du fût (ibid., fig. 51 et ici : fig. 86, 87), ont leur écho au Prasat Phum Prasat (ici : fig 88).
77Le dernier motif à déjà été remarqué plus haut dans cette étude.
78Les réemplois du style de Kompong Prah paraissent fréquents car ce style semble correspondre à une époque troublée (séparation du Tchen la de terre et du Tchen la de l’eau19), d’autre part, le nombre relativement restreint des exemples de chaque type continue à gêner la recherche.
Transition vers le style du Kulen
79Le passage au style du Kulên n’est pas une évolution continue. C’est plutôt une rénovation totale, une brusque mutation, un renouvellement de presque tous les éléments. Mais il est rare qu’un tel changement ne soit pas annoncé par des signes avant-coureurs, qu’il n’y ait pas au moins un monument intermédiaire. Ces signes avant-coureurs, nous les avons rencontrés dans le style de Kompong Prah : fleurs jointives et filets décollés à Phum Prasat, rares essais de colonnettes octogonales tout au long du style. Quant au monument de transition, il semble faire, pour l’heure, défaut : la tour-sancturaire principale du groupe central de Sambor Prei Kuk jadis placée ici étant déplacée dans le temps.
80Phum Prasat est nettement du style de Kompong Prah. Le monument est daté de 628 śaka, soit A.D. 706. Cependant, sur la colonnette (fig. 88) ce n’est pas la bague feuillue mais un motif spécial, fleurs jointives, qui se trouve au quart du fût. Ce même motif, monté sur moulure en filet, apparaît placé sur le galbe aux extrémités du fût au Prasat central de Sambor, et également sur les parties évasées du couronnement et de la base (fig. 86 et 87). Nous le retrouverons avec fleurs espacées à la même place à Damrei Krap du style du Kulên (BEFEO, XXXVIII, pl XXVIII, A) puis, la fleur transformée en fleuron, sur presque toutes les colonnettes de ce style dont c’est une des marques caractéristiques, toujours sur les galbes aux extrémités du fût. Ajoutons que le filet décollé d’où partent les feuilles de part et d’autre des bagues, autre signe distinctif du style du Kulên, se voit exceptionnellement à Phum Prasat.
81Si Phum Prasat correspond à l’inscription du début du Ville siècle (A.D. 706) nous serions en face d’essais isolés repris, semble-t-il, sensiblement plus tard. A moins que Phum Prasat ne soit de la fin du style de Kompong Prah annonçant déjà la transition vers le style du Kulên.
82Enfin, une des colonnettes trouvées sur le Kulên, celle de Peam Krê (BEFEO XXXVIII, pl XXXI, C), semble être encore de transition (mais d’une transition déjà bien avancée) vers le style du Kulên. Elle a beaucoup des caractères du nouveau style mais conserve les feuilles dentelées anciennes, les feuilles aux angles, un décor spécial. De plus, elle n’a ni galbe, ni filet à fleurons.
Style du Kulen
83(Première moitié et plus probablement deuxième quart du IXe siècle ; ce style est postérieur à 802, date de l’avènement de Jayavarman II qu’il faudrait sensiblement postposer selon Pierre Dupont).
84Rénovation totale, avons-nous dit, de la colonnette dans le style du Kulên ; départ nouveau vers une surcharge de plus en plus marquée dans une hiérarchie stricte.
85Si, parmi les colonnettes trouvées sur le Phnom Kulên, nous excluons les deux colonnettes différentes du Prasat Chrei (l’une du style de Prei Kmeng, l’autre du Style de Kompong Prah), trouvées avec un linteau de style postérieur, colonnettes visiblement en réemploi, ainsi que la colonnette de briques des fausses portes de Damrei Krap copiée évidemment, comme tous les ornements de briques de ce temple, de l’art cham, et quelques colonnettes ou fragments de colonnettes seulement épannelés, nous nous trouvons, après les travaux de 1936, devant 16 exemples de colonnettes du style du Kulên, découvertes sur le Phnom Kulên même.
86On y adjoindra une ou deux colonnettes de Hariharâlaya, probablement exécutées après le retour du Kulên (elles sont analysées ci-dessous en rapport avec la transition Kulên-Prah Kô)20
87L’unité du style du Kulên nous est donnée par ses colonnettes alors que la diversité des influences reçues se voit sur les linteaux et le passage du passé vers l’avenir plus nettement dans la statuaire.
88Sur les colonnettes (fig. 89 à 95) un certain nombre de signes assure l’unité du style : forme octogonale ou carrée, galbe et filet à fleurons, une feuille par côté sur la colonnette octogonale et, partant, en général, de filets décollés des bagues, bagues en relief, couronnement avec un seul motif – une feuille – sur chaque côté de la haute partie évasée octogonale. Ces caractères ne sont pas toujours tous présents sur chaque colonnette mais une majorité d’entre eux suffit à assurer le style.
89De ces éléments, certains sont caractéristiques du Kulên, ils ne se voient ni avant, ni après ce style. Ce sont le galbe et le filet à fleurons surtout, la forme carrée, les filets décollés avec feuilles de part et d’autre des bagues, l’unique feuille, par côté, seul décor de la haute partie évasée du couronnement.
90D’autres caractères se poursuivront après le style du Kulên et forment le point de départ de l’évolution nouvelle. Ce sont la forme octogonale, les feuilles triangulaires (une par côté) de part et d’autre des bagues sur les fûts octogonaux, les bagues en relief.
91Mais ces nombreux signes d’unité, considérés successivement (formes, galbe et filet à fleurons, une feuille par côté sur le fût et filets décollés, bague, couronnement), n’excluent pas une grande diversité, signe d’une époque de rénovation et de richesse, diversité qui sera examinée ensuite.
92Formes – Les colonnettes du style du Kulên sont de section octogonale ou carrée. C’est la forme octogonale qui domine. Elle s’oppose à la forme ronde des colonnettes des époques précédentes. Elle se généralise et sera la forme prédominante jusqu’à la fin de l’art khmer. Parmi les colonnettes trouvées sur le Phnom Kulên, 10 sont de forme octogonale et 6 à 8 de forme carrée. Les colonnettes octogonales paraissent toujours employées pour le sanctuaire principal d’un ensemble important.
93L’autre forme, la forme carrée, ne se maintiendra pas au-delà du style du Kulên. Elle semble avoir été adoptée par économie de main d’oeuvre car 2 de ses 4 faces adhérant presque complètement à l’angle droit de l’encoignure sur le côté de la porte peuvent n’être pas sculptées. Ces colonnettes carrées paraissent plutôt réservées soit aux édifices moins importants, soit aux parties secondaires des édifices principaux, sanctuaires annexes (Rup Areak) ou portes d’enceinte. Elles sont secondaires, semble-t-il, car elles donnent l’impression d’avoir été copiées sur les colonnettes octogonales. En effet, le décor d’une feuille par côté sur le fût paraît emprunté à la forme octogonale sur laquelle il s’applique parfaitement, alors qu’il s’adapte mal à la forme carrée, d’où une hésitation ; soit une feuille au centre de chaque face et une feuille par angle, ce qui est maladroit (trois exemples : fig. 92, 93, 95), soit une feuille seulement par côté au milieu de chaque face, mais cette feuille semble alors perdue dans une trop grande surface non décorée (deux exemples, fig. 94, BEFEO, XXXVIII, pl. XXIX, E). De très rares colonnettes carrées ont été rencontrées en dehors du Kulên à Hariharâlaya (Kuk Dong par exemple), mais elles paraissent appartenir au prolongement du style du Kulên.
94Galbe et filet à fleurons – C’est sans doute le signe le plus caractéristique du style du Kulên, signe qui n’apparaît qu’avec ce style, qui caractérise la très grande majorité des colonnettes de ce style et qui ne s’étend guère au-delà de son prolongement.
95Sur ces colonnettes, les deux extrémités du fût s’élargissent, dessinant de belles lignes courbes, creusées, galbées. Conséquence sans doute ; les feuilles que l’on trouve au sommet et à la base du fût avant et après le style du Kulên, sont ici remplacées en général par un filet à fleurons posé sur le galbe.
96Ces fleurons sont différents des feuilles du fût. Nous en avons vu la formation. Le point de départ paraît être les fleurs jointives, fantaisie semble-t-il, remplaçant au Phum Prasat (style de Kompong Prah) la bague feuillue au quart du fût. Au prasat central de Sambor (antérieur au Phum Prasat), ces mêmes fleurs, posées sur un filet, servent à orner les galbes des colonnettes. Ce sont des fleurs identiques sur filet, également posées sur les galbes mais plus espacées, une par côté comme les feuilles du fût, que l’on retrouve à Damrei Krap (BEFEO, XXXVIII, pl. XXVIII, A.) (style du Kulên). Ces fleurs se transforment alors en fleurons : les cinq pétales sont ramassés, allongés, dressés et donnant un aspect de fleuron-lyre tout en conservant une même disposition et une même place sur la majorité des colonnettes du style du Kulên.
97Ce galbe avec filet à fleurons, nous le rencontrons dans 11 exemples de colonnettes parmi les 16 découvertes sur le Phnom Kulên. La seule colonnette où ce motif semble totalement absent est celle de Peam Krê (BEFEO, XXXVIII, pl. XXXI, C) qui paraît être un des exemples les plus anciens dans le style du Kulên non encore totalement formé. A Bos Neak, le galbe existe et s’il n’y a pas de filet à fleurons c’est que cette colonnette est sans aucun décor végétal. A Kraham I (fig. 96), il y a des feuilles à la place du filet à fleurons mais la forme galbée demeure nette. A Thma Dap (fig. 89), ni forme galbée, ni filet à fleurons n’existent mais aux extrémités du fût sont sculptés non des feuilles mais des fleurons-lyres analogues à ceux qui reposent en général sur le galbe. Sur ces deux derniers exemples, les modifications sont peut-être dues au désir d’éviter la superposition maladroite du filet de huitième, utilisé sur ces colonnettes et du filet à fleurons. Enfin, à Damrei Krap, il y a galbe et filet décoré, nous l’avons indiqué, de fleurs précédant sans doute les fleurons.
98En dehors du site de Phnom Kulên, nous ne rencontrons, semble-t-il, le galbe et filet à fleurons qu’à la tour-sanctuaire principale de Trapeang Pong (fig. 97) qui a chance d’être le premier construit après le retour à Hariharâlaya. Le galbe sans filet à fleurons se voit encore à Kok Pô B (fig. 98) (ville du Baray occidental, peut-être de 857) et à Olok (Hariharâlaya) (fig. 99). On en voit de très rares prolongements dans le style de Prah Kô et peut-être encore, très maladroitement traités sur une des paires de colonnettes du Prasat Kravan (921).
99Sur chaque côté du fût : présence d’une feuille vue de face et partant de filets décollés par rapport à la bague.
100L’unique feuille par côté, vue de face, triangulaire, constitue une transformation et le point de départ d’une évolution qui se continuera jusqu’à la fin de l’art khmer. Les filets décollés, au contraire, sont un des caractères spécifiques du style du Kulên qui disparaîtra avec lui.
101La transformation semble être une conséquence directe du changement de forme de la colonnette.
102En effet, le motif nouveau et prépondérant du style précédent de Kompong Prah était la feuille en partie de profil, à pointes recourbées sur le côté, formant le plus souvent un motif ininterrompu orienté dans la direction de la pointe, motif tout à fait apte à cerner la courbure continue d’une colonnette ronde. Ce motif est par contre très difficilement utilisable sur les pans séparés par des arêtes de la forme octogonale.
103Déjà, à la partie supérieure de la colonnette octogonale de Prei Prasat (style de Kompong Prah) (BEFEO, XXXVIII, pl. LV, B) les feuilles symétriques, délimitées, vues de face, qui se prêtent mieux aux faces plates de l’octogone, supportaient, chacune, une crosse de feuille orientée. Pendant la transition et peut-être le tout début du style du Kulên (Peam Krê) la colonnette est ornée de feuilles de face, symétriques mais dentelées et terminées en fleurs de lys employées aux époques précédentes et placées non seulement sur chaque pan mais également sur chaque angle.
104Modification et fixation alors. Nous parvenons ainsi à ce qui est caractéristique du style du Kulên et que nous trouvons sur toutes les autres colonnettes octogonales de ce style (9 exemples : fig. 89, 90, 91). Les feuilles nouvelles, vues de face, symétriques, plus denses et ramassées, moins dentelées que précédemment, prennent une forme triangulaire au côté légèrement bombé. Elles se présentent une par face, séparées, et (sauf à Kraham I, fig. 96) partent de filets décollés par rapport à la bague qu’ils encadrent.
105Sur les feuilles nouvelles, souvent, une nervure arrondie en forme d’anse détermine une partie interne. Cette nervure courbe deviendra trilobée dans le style suivant et divers motifs s’y logeront, même non végétaux. Sur la colonnette carrée, nous l’avons vu, on hésitera entre :
mettre le même nombre de feuilles (et de fleurons sur filet) par face que sur la colonnette octogonale, en ayant l’inconvénient d’avoir des feuilles (et des fleurons) chevauchant les angles droits de la colonnette (Khting Slap sanctuaire, Khting Slap gopura, Phnom Sruoch, fig. 92, 93, 95),
ou supprimer ces feuilles d’angle et n’avoir sur chaque côté visible, d’une largeur double environ des pans octogonaux, qu’une seule feuille au centre (et donc un seul fleuron) qui semble ainsi perdue sur une trop grande surface (Rup Arak gopura, Don Meas, fig. 94, BEFEO, XXXVIII, pl. XXIX, E).
106Bagues – Innovation : alors qu’auparavant les bagues de colonnettes, qu’elles fussent larges et couvertes de décorations ou étroites, perlées et accompagnées de feuilles, demeuraient plates, les bagues du Kulên, tout en étant accompagnées de feuilles partant de filets décollés, sont relativement larges, en relief et décorées. Ce relief – nouveau – ira s’accentuant à travers l’art khmer. Il se trouve souligné par de minces moulures parfois perlées qui bordent les bagues et qu’il ne faut pas confondre avec les filets – décollés ou non – d’où partent les feuilles. Le décor sur les bagues est souvent composé de fleurs et de losanges ou carrés sur pointe alternant.
107Couronnement – Ce couronnement suit la forme de la colonnette ; il est ainsi souvent octogonal. Dans ce cas – et c’est caractéristique du style du Kulên – une feuille par côté occupe toute la hauteur de la partie évasée qui est sensiblement plus grande que la partie non évasée qui la surmonte. Plus tard (style de Prah Kô), la partie reprendra de l’importance.
108Le couronnement comprend souvent deux rangs de doubles pétales (fig. 91).
109La diversité et la richesse du style du Kulên sont très grandes. Elles s’expriment plus encore dans les linteaux que dans les colonnettes. Ces dernières en font cependant preuve : par une relative fantaisie dans le décor et parfois, plus souvent, par la variété des dispositions sur la colonnette plus ou moins chargée. On assiste ici (contrairement à ce que nous pensions peu après avoir découvert le style du Kulên) à des essais de décharge plutôt que de surcharge.
110Le phénomène paraît être le suivant : aux époques de rénovation, on copie le passé, on y cherche la diversité, source de richesse, le changement. Or, on est déjà devant une colonnette très chargée et les modèles anciens qui servent à multiplier la variété le sont moins. Ainsi, la richesse procèdera de la diversité mais cette diversité pourra s’exprimer par une moins grande surcharge. Phénomène qui se répètera dans le style de Banteay Srei et, mais moins marqué, dans ceux de Prah Kô et d’Angkor Vat.
111Au Kulên, la colonnette la plus chargée ne l’est guère plus que la colonnette de l’époque précédente la plus complexe, les filets à fleurons remplaçant aux extrémités du fût les feuilles. La colonnette se présente ainsi : une bague au centre et des bagues aux quarts portant des feuilles, des filets à fleurons aux huitièmes. La colonnette la plus touffue de ce type est celle de Damrei Krap (BEFEO, XXXVIII, pl. XXVIII, A,), peut-être une des plus ancienne puisque ce sont encore des fleurs et non des fleurons qui ornent le filet aux extrémités du fût. Citons comme aussi chargées les colonnettes de Peam Krê, d’O Paon, de Kraham II (BEFEO, XXXVIII, pl. XXXI, C et XXVIII, B). Kraham I (fig. 96) a autant d’éléments mais les feuilles remplacent les filets à fleurons sur le galbe. Thma Dap (fig. 89) est aussi surchargée mais sans galbe et filet à fleurons ; des fleurons y remplacent cependant les feuilles aux extrémités du fût. La surcharge, parfois maladroite, que constitue la superposition, à Damrei Krap, des filets de huitième et des filets à fleurons, a pu amener ces deux dernières modifications ainsi que le dégagement des autres colonnettes.
112L’épuration décorative n’est pas identique pour toutes les colonnettes. Mais on peut y suivre comme une progression :
Viennent d’abord les colonnettes où sont absents les filets de huitième ainsi que celles où l’allègement se marque par l’absence de feuilles aux bagues de quart, l’absence de filets au huitième se voit aux colonnettes octogonales de Neak Tà, celles de feuilles aux bagues de quart aux colonnettes carrées des sanctuaires de Khting Slap et de Phnom Sruoch (fig. 92, 95).
Plus dégagées encore sont les colonnettes n’ayant ni filets au huitième, ni feuilles aux bagues de quart. Ainsi sont les colonnettes octogonales du sanctuaire de Rup Arak et celles carrées du gopura du même temple (BEFEO, XXXVIII pl XXVIII, D, pl. XXIX, E).
Enfin viennent les moins chargées des colonnettes qui sont peut-être les plus belles : colonnettes octogonales de Kaki, d’Anlong Thom (ou Sak Tuk) (fig. 91 ; BEFEO, XXXVIII, pl. XXX, D) qui portent la seule bague centrale avec des feuilles de part et d’autre sur filets décollés, les filets à fleurons sur les galbes et de simples filets aux quarts. Sont également ainsi les colonnettes carrées du gopura de Khting Slap (fig. 92).
De rares colonnettes carrées sont encore moins décorées mais nous semblent plutôt montrer de la pauvreté que de l’harmonie. Ce sont celles de Bos Neak qui ne présentent que de simples filets au quart et celles de Daun Meas (fig. 94) dont la bague centrale est délimitée (en bas et en haut) par un filet sur lequel prend appui une feuille isolée, de part et d’autre de cet ensemble, un autre filet court, qui porte un fleuron unique.
113Ces essais divers de décharge plus ou moins grande se sont-ils succédés chronologiquement ? Nous l’ignorons.
114La dernière colonnette présentant tous les signes du style du Kulên se trouve à Hariharâlaya, au sanctuaire central de Trapeang Pong (fig. 97). Elle a des feuilles au centre et aux quarts mais ignore le filet au huitième qui viendrait lutter conte le filet à fleurons.
115Malgré la grande variété de dispositions ainsi rencontrée, l’ordre et la hiérarchie (centre, quart, huitième du fût) se maintiennent et peut-être s’affirment davantage.
116Cette diversité s’étend parfois au décor, mais plutôt semble-t-il avant les essais nouveaux de disposition générale. Ainsi à Peam Krê (BEFEO, XXXVIII, pl. XXXI, C), qui conserve comme à Sambor central les feuilles dentelées anciennes et les feuilles aux angles, nous voyons des têtes de monstres remplaçant certaines feuilles et peut-être copiées – rapprochement signalé par R. Dalet – à Sambor S I.
117Signalons encore l’alternance des feuilles et des fleurons sur certaines bandes horizontales, et d’autres fantaisies comme les têtes dans les fleurons sur la partie galbée des colonnettes du sanctuaire de Rup Arak (BEFEO, XXXVlII, pl. XXVIII, D).
Transition entre le style du Kulen et le style de Prah Ko
118Cette transition, prolongation du style du Kulên et début des modifications, commence au retour du Kulên à Hariharâlaya peu avant 850, date de la mort de Jayavarman II, et comprend la totalité ou la plus grande partie du règne de son successeur Jayavarman III (850-877). Pendant cette époque, on semble n’avoir guère construit de monument nouveaux mais plutôt ajouté des tours-sanctuaires principales dans des temples déjà existants : Trapeang Pong, Syay Pream et peut-être Olok à Hariharâlaya, Kok Pô dans la ville du Baray occidental (fig. 97, 98, 99, 100, BEFEO, XXXVIII, pl LXI, A).21
119Le seul monument où les colonnettes présentent encore tous les caractères du style du Kulên, est le sanctuaire principal de Treapeang Pong (fig. 97) qui semble être le premier monument construit après le retour à Hariharâlaya. Ces colonnettes seraient ainsi plutôt rattachées au style du Kulên, la transition ne commence qu’ensuite.
120D’autres colonnettes ne présentent, par rapport au style du Kulên, que de légères modifications mais qui sont déjà ouvertes au style qui vient. Ce sont les colonnettes de Kok Pô B, de Kok Pô A, les colonnettes octogonales d’Olok (fig. 98, 99, 100). La colonnette de Kok Pô B (fig. 98) n’a aux quarts ni feuilles, ni bagues mais seulement des filets, de même qu’aux huitièmes ; le galbe subsiste mais avec des feuilles et non le filet à fleurons qui parait disparaître alors. Sur le galbe de la colonnette octogonale trouvée à Olok (fig. 99) (Hariharâlaya) sont seulement de minuscules feuilles aux angles. La colonnette de Kok Pô A (fig. 100) n’a plus ni galbe, ni filet à fleurons ; l’unique feuille par côté se trouve au centre, au quart (en haut et en bas).
121Le premier changement semble être la disparition du filet a fleurons qui n’apparaîtra plus dans la suite. Celle du galbe paraît suivre rapidement.
122Plus caractéristique est l’adjonction à Kok Pô A d’un perlage sur le filet décollé de la bague centrale dont la grosseur et surtout le relief s’accentuent, perlage répété en haut et en bas du fût. Cette accentuation, ce perlage, se perpétueront à Bakong, Lolei, plus tard encore.
123Le couronnement se modifie. La partie évasée vers le haut avec une feuille par côté cesse d’occuper la presque totalité de la hauteur. La partie large qui la surmonte acquiert de l’importance. Ce haut de couronnement se retrouve ainsi divisé en deux parties parfois égales. Une troisième étroite bande intermédiaire s’y ajoute même quelquefois.
124C’est à Svay Pream et à Olok (fig. 99, 101) qu’apparaît, liée à des éléments de la période où nous sommes, la colonnette la plus caractéristique du style suivant de Prah Kô, colonnette avec pendeloques montantes. Comme à partir de l’avènement d’Indravarman en 877 et jusqu’en 881 l’effort principal semble porter sur Bakong et Prah Kô, il n’est pas impossible que les colonnettes rondes de Svay Pream et d’Olok soient un peu antérieures à l’avènement d’Indravarman. D’autant plus qu’à Svay Pream, cette colonnette semble en liaison avec un linteau (BEFEO, XXXVIII, pl LXI, A) caractéristique de la prolongation du style du Kulên et analogue aux exemples de Kôk Pô B et de Trapeang Pong (tour-sanctuaire centrale), que cette adjonction d’un sanctuaire central dans un temple plus ancien réalisé aussi à Trapeang Pong, a aussi chance d’être liée au règne de Jayavarman III, ici probablement avancé. Si on fait commencer le style de Prah Kô à l’avènement d’Indravarman, le changement des colonnettes est peut-être – comme tant d’autres déjà vus précédemment – un peu antérieur au changement de style. On peut aussi fixer le début du style de Prah Kô à cette modification des colonnettes.
Style de Prah Ko
125(A partir de 877 : avènement d’Indravarman quelque peu antérieur à 900 : fondation d’Angkor).
126Durant de dernier quart du IXe siècle, le style de Prah Kô constitue une époque de rénovation, d’enrichissement de l’art khmer : c’est peut-être l’apogée de son sens décoratif.
127Pour la colonnette il y a à la fois renouvellement par adoption d’éléments du passé, nouveauté et richesse dans l’ornement mais aussi – par réaction, peut-être normale des époques de rénovation, contre ce qu’on voit constamment et copie peut-être du passé – dégagement de la colonnette.
128La colonnette la plus nouvelle qui apparaît alors est ronde. On songe immédiatement à toutes celles qui précédaient le IXe siècle et qui étaient constantes dans la capitale même. Que cette colonnette ronde soit un rappel du passé, on ne peut en douter. En effet cette forme s’accompagne toujours d’un autre motif qui avait été abandonné : la pendeloque. Et, ce qui est plus frappant encore, on ne comprend pas bien ce que sont ces pendeloques puisqu’on en représente des montantes (fig. 102).
129Que s’est-il passé ? A l’adoption du motif indien, au VIe siècle probablement, on le copiait et on le comprenait, guirlandes et pendeloques souples et tombantes étaient accrochées au sommet du fût (et parfois au milieu) comme elles l’étaient sans doute réellement sur les colonnettes de bois de l’Inde. Or depuis le style du Kulên, – et déjà avant d’ailleurs – les motifs de part et d’autre des bagues (feuilles de face) se répondent ; ils sont retournés, devenant ainsi descendants et montants. Rétablissant entre les feuilles les pendeloques anciennes, on les retourne aussi. Normalement pendantes sous les bagues, elles sont au-dessus comme prétrifiées et dressées sur leurs fines pendeloques flexibles : pendeloques montantes, anomalie qui prouve la copie par l’incompréhension et la mécanique utilisation.
130Une curieuse découverte, à Svay Pream (Hariharâlaya), semble montrer comment cette copie du passé, dont on trouvait alors sur place les éléments, a pu prendre naissance. A Svay Pream ont été mis au jour les fragments de colonnettes commencées dans le style de Kompong Prah et continuées dans le style de Prah Kô (fig. 101). Sur un des registres, on distingue nettement la feuille avec pointes sur le côté caractéristique du style de Kompong Prah. Sur ce même registre, le décor se poursuit par la feuille vue de face, symétrique, traitée à la manière du IXe siècle et les pendeloques. Sur un autre registre, le motif ancien de guirlandes et pendeloques est repris, ce qui pourrait laisser supposer que la colonnette aurait été commencée pendant le style de Prei Kmeng. Cela est peu probable : les grosses pendeloques sont analogues à celles qui, partout ailleurs, enserrent les grandes feuilles trilobées, si typiques du style de Prah Kô. Comme ce thème décoratif est aussi retourné, certaines de ces pendeloques sont montantes (voir le décor inachevé en bas sur les deux colonnettes). N’assistons-nous pas là à la naissance de la colonnette ronde du style de Prah Kô à pendeloques montantes ?
131Si c’est le cas, ce serait une présomption de plus pour la légère antériorité des colonnettes rondes à pendeloques montantes par rapport à l’avènement d’Indravarman.
132Remarquons que malgré ces emprunts au passé, il n’y a aucune confusion possible entre la colonnette ronde à pendeloques du style de Prah Kô et les colonnettes rondes beaucoup plus anciennes. Les grandes feuilles de face, non dentelées, n’existaient pas avant le style du Kulên, ni les bagues en fort relief entre les filets à perlage, ni les pendeloques montantes, ni la forme nouvelle du couronnement. Or tous ces éléments figurent sur les colonnettes rondes du style de Prah Kô.
133La colonnette de la première partie du style de Prah Kô, (Bakong et Prah Kô, 881 et 879, fig. 102 à 105) est relativement plus dégagée que la précédente : rien au huitième, pas de feuille de part et d’autre de la bague de quart. Ainsi les feuilles existent seulement des deux côtés de la bague du centre et en haut et en bas du fût.
134Est-ce la continuation d’une des formes du style du Kulên ? Est-ce plutôt décharge nouvelle réagissant, par influence du passé, contre les colonnettes précédentes (celles du sanctuaire central de Trapeang Pong, de Kok Pô A, de la colonnette octogonale d’Olok) ? Nous ne savons.
135Nous pouvons considérer Bakong et Prah Kô comme contemporains et représentant la première partie et la période de renouvellement du style de Prah Kô. En effet, si Prah Kô est inauguré deux ans après le début du règne d’Indravarman et Bakong deux ans plus tard, ce dernier temple, par sa pyramide et son ampleur, a dû demander un temps de construction au moins double de celui de Prah Kô (4 ans au lieu de 2 ans). Ces deux monuments ont sans doute été commencés ensemble et probablement en 877, date de l’avènement du roi.
136Dans ces deux temples se voient quatre variétés de colonnettes. La première est celle que nous venons de décrire avec rappel du passé très marqué : forme ronde avec pendeloques montantes (fig. 101, 103). La seconde est ronde et avec pendeloques, mais pendeloques descendantes seulement, comme si on avait senti après coup l’absurdité de la pendeloque montante (fig. 105). Nous ne connaissons pas de colonnette ronde sans pendeloque, ce double rappel du passé semble lié. Parmi les colonnettes octogonales, nous avons la colonnette avec pendeloques descendantes seulement, troisième variété (fig. 104), et, enfin, quatrième variété, la colonnette sans pendeloque qui semble être hiérarchiquement inférieure.
137La colonnette où se marque le plus fortement la reprise du passé, forme ronde et pendeloques montantes mécaniquement utilisées, (fig. 102, 103) a chance de précéder celle, corrigée semble-t-il, où les pendeloques descendent seulement et qui existe aussi sous forme octogonale (fig. 104, 105). Ces colonnettes rondes à pendeloque montante seraient alors – mais ce n’est qu’une hypothèse – antérieures aux autres. On les rencontre dans certains édifices anciens où une tour-sanctuaire a été rajoutée ou qui ont été reconstruits avec réemplois, entre le style du Kulên et le style de Prah Kô : Svay Pream et Olok. Elles seraient ainsi contemporaines ou plutôt précéderaient immédiatement, semble-t-il, le début du règne d’Indravarman (877). Ce type de colonnette est presque le seul employé aux tours-sanctuaires importantes de Bakong – 8 tours-sanctuaires de briques au pied et sur les côtés de la pyramide qui ont pu être édifiées au commencement des travaux avec le début de la pyramide et peut-être avant les sanctuaires de Prah Kô (fig. 101, 103). Ces colonnettes, très typiques, ont été souvent reproduites. Le même type se voit sous une forme plus riche encore à Bakong (bâtiment annexe)22 et sous une forme bizarre avec pendeloques peut-être seulement montantes à Bakong encore (troisième enceinte)23.
138La colonnette ronde avec pendeloques descendantes seulement se rencontre aux entrées de Prah Kô24, peut-être exceptionnellement ailleurs à Prah Kô et également à Bakong (tour-sanctuaire N.O.). Cette variété paraît assez rare ; la colonnette à pendeloque descendante seulement a plutôt, semble-t-il, la forme octogonale. Nous la retrouvons sous une forme riche a Kaek (fig. 106).
139La colonnette octogonale avec pendeloques descendantes seulement paraît la plus employée à Prah Kô. On la trouve, flanquant toutes ou presque toutes les portes des sanctuaires masculins de ce temple, ceux de l’Est avec figures masculines – dvarapala – sur les murs. On la voit également, particulièrement belle (fig. 107), aux entrées de Bakong.
140Enfin – effet sans doute de la hiérarchie – nous rencontrons la même colonnette mais sans pendeloque à Prah Kô, aux sanctuaires féminins, à l’Ouest, avec figures féminines sur les murs, comme si on voulait marquer une différence entre les deux rangées de sanctuaires. (Le décor aussi s’affirme comme moins riche). Nous la trouvons également à Bakong aux entrées et sanctuaires extérieurs.
141Remarquons que cette dernière variété de colonnettes n’étant ni ronde, ni ornée de pendeloques, elle se rattache directement aux colonnettes de l’époque précédente. Deux éléments nous permettent cependant de les différencier : le perlage et le couronnement.
142Le perlage est apparu, semble-t-il, à Kok Pô A dans la transition qui précédait le style de Prah Kô. Là et dans beaucoup de colonnettes du style de Prah Kô (à Bakong et Lolei plutôt qu’à Prah Kô), le perlage accentue les filets principaux de part et d’autre de la bague centrale ainsi qu’en haut et en bas du fût (ce qui n’existait pas dans le style du Kulên). Est-ce vraiment un perlage ? Sur certains exemples agrandis que nous avons pu voir, ce paraît être plutôt des boutons de lotus comme au sommet des piliers carrés de plus grande taille. Réduits, on se rend difficilement compte si ce sont des boutons de lotus simplifiés ou un perlage. C’est cette dernière dénomination que nous conservons comme la plus simple. Elle désigne pour nous boutons de lotus ou perlage sur un filet qui sera plus tard flanqué de deux autres filets sans perlage.
143Le couronnement permet de distinguer, même lorsque le perlage manque, les colonnettes du style de Prah Kô de celles du style du Kulên, seule confusion possible, car ces deux styles seuls ont une grande feuille de face sur chacun des côtés du fût de la colonnette octogonale (sans feuille d’angle). Dans la partie supérieure du couronnement, la partie évasée qui, très haute, avait une grande feuille par côté dans le style du Kûlen devient, nous l’avons vu, dès la transition avec le style de Prah Kô, moins élevée par rapport à la partie non évasée qui termine le couronnement. La division alors s’affirme : en deux parties moins inégales ou même en trois (une mince bande est intermédiaire entre la division en deux), ce qui indique une postériorité par rapport au style du Kulên.
144Insistons sur la beauté du décor qui caractérise le style de Prah Kô. Aux colonnettes, la fantaisie apparaît dans la partie centrale des feuilles souvent délimitée par un petit arc tri-ou polylobé. Là, dans les feuilles montantes, se voit un fleuron et c’en est un autre, différent, typique du style de Prah Kô, qui termine fréquemment ces mêmes feuilles. Dans les feuilles descendantes plutôt (et sauf peut-être au début du style) nous voyons souvent de petites figures ou fragments de figures humaines, animales ou mi-humaines, mi-animales, garuda, têtes humaines à Prah Kô (fig. 104), à Bakong également aux entrées (gopura) (fig. 107), à Lolei (fig. 108). D’autres exemples de richesse décorative semblent parents (fig. 106).
145Signalons à Bakong, la tour 9 de la troisième enceinte25, seul exemple rencontré d’une survivance du style du Kulên.
146Sur cette colonnette, le galbe demeure (mais non le filet à fleurons) ainsi que les filets décollés et les hautes feuilles sur le couronnement. Ne sachant comment décorer la partie galbée on a simplement supprimé les feuilles aux extrémités du fût arrêtant le feuillage aux feuilles rattachées aux bagues de quart.
147Toutes les indications qui précèdent se rapportaient à la première partie du style de Prah Kô. Pour la seconde partie de ce style, nous nous référons au temple de Lolei, temple royal aux ancêtres daté de 893. Les colonnettes semblent reprendre là leur évolution (fig. 108 et 109). Elles sont octogonales, sans pendeloque, avec une grande feuille par côté comme les précédentes, avec aussi les petits personnages parfois dans la partie trilobée des feuilles. Mais reprise du mouvement en avant, nous retrouvons les filets aux huitième du fût, les feuilles de part et d’autre des bagues de quart, le perlage encadrant la bague du centre et bornant le fût en haut et en bas qui s’étend parfois aux bagues de quart. Le haut du couronnement est divisé en trois parties évasées. Enfin, et surtout peut-être, entre les très grandes feuilles qui se maintiennent, sur chaque pan, commencent à pousser sur les angles de très petites feuilles qui vont bientôt grandir. C’est déjà la transition vers le style suivant.
148Ces petites feuilles d’angle, mais plus petites encore, étaient déjà apparues à Kok Pô A ; d’autres colonnettes assez analogues semblent exister au Prei Monte de Hariharâlaya.
149A partir du début du style de Prah Kô nous ne cherchons plus a utiliser toutes les colonnettes, bien trop nombreuses qui nous sont connues. Il est aussi impossible – ce qui est valable pour l’ensemble de l’évolution mais qui s’avère encore plus vrai dès maintenant d’indiquer toutes les variations de détails souvent légères et généralement très nombreuses. Pour tenter d’être clair, nous suivons le déroulement des types les plus marquants des colonnettes en nous basant seulement, en général, sur les temples les plus importants, les mieux datés ou tout au moins les plus sûrement fixés dans l’évolution.
Style de Bakheng (vers 900)
150Ce style peut se centrer sur une période assez courte représentée par le Phnom Bakheng, temple-montagne royal correspondant à la fondation d’Angkor, et par deux monuments importants très analogues, le Phnom Krom et le Phnom Bok. La colonnette est alors très particulière (fig. 110, 111, 112).
151La transition entre le style de Prah Kô et celui de Bakheng a été donnée par Lolei (fin du style de Prak Kô). Celle entre les styles de Bakheng et de Koh Ker, Prasat Kravan, sera rattachée au style de Kok Ker.
152Dans le style de Bakheng (Phnom Bakheng, Phnom Krom, Phnom Bok) le signe distinctif est l'irrégularité des feuilles de part et d’autre de la bague de centre et aux extrémités du fût. Aux quarts, les petites feuilles moins grandes s’égalisent sans être plus nombreuses. Cette égalisation s’étendra partout plus tard.
153Nous sommes au début de l’évolution qui, partant des grandes feuilles séparées, une sur chaque pan de la colonnette octogonale (style du Kulên et de Prah Kô), aboutira au XIe siècle à un simple ornement en dents de scie de part et d’autre des bagues.
154Que s’est-t-il passé depuis le style précédent ? Les feuilles qui commençaient à pousser sur les arêtes à Lolei ont grandi. Mais elles sont loin d’atteindre, aux parties principales de la colonnette (centre, haut et bas) la taille de la feuille du milieu de chaque pan, d’où cette irrégularité. Aux bagues de quart, par hiérarchie sans doute, les feuilles sont en général plus petites et cette irrégularité y disparaît totalement ou presque. Partout la feuille médiane du pan s’entoure d’une feuille sur chaque angle, un côté est ainsi décoré d’une feuille et de 2 demi-feuilles.
155Ce changement s’accompagne d’une autre innovation – départ également d’un autre développement – qui multipliera, aux points importants, les éléments de part et d’autre de la bague. Jusqu’ici, de part et d’autre de ces bagues, y compris de la bague centrale, nous n’avions que 2 éléments : le filet initialement, puis le filet ou le perlage, soit 3 éléments en tout : la bague entre les deux filets ou les deux perlages. Maintenant, toujours ou presque toujours dans les colonnettes des édifices importants, la bague centrale compte 5 éléments car il y a à la fois de part et d’autre de la bague le perlage, puis le filet, soit la bague entre 2 perlages et 2 filets. Aux quarts, seuls sont présents les filets (3 éléments).
156Nous considérons de moins en moins souvent le couronnement des colonnettes. Il est irrégulier dans son évolution, présente en général moins d’indications précises que le fût et est donc difficile à étudier. Signalons seulement que c’est au moment actuel que semble s’opérer un changement assez curieux. Le haut de la colonnette souvent – est-ce le souvenir de l’ancien galbe ? – semble se gonfler et devenir comme un second bulbe placé sous le bulbe habituel pendant que la partie évasée au-dessus se creuse devenant un troisième et parfois un quatrième bulbe, d’où une apparence nouvelle de moins en moins compréhensible, incompréhension qui s’accentue encore quand, irrégulièrement, le couronnement s’aplatit. Nous n’envisagerons à nouveau ce couronnement que bien plus tard quand il changera vraiment, aux XIe et XIIe siècles. Déjà, les feuilles qui ornent le couronnement y sont souvent extrêmement petites.
157Au Phnom Krom et peut-être plus nettement encore au Phnom Bok, il y a aux bagues de quart, entre les feuilles de même taille (1 plus 2 demies par côté), apparition de minuscules feuilles intermédiaires qui, plus tard, vont, elles aussi, pousser, augmentant ainsi le nombre de feuilles de petite dimension.
158Les bagues de huitième, reprises à Lolei, semblent ne pas être utilisées aux colonnettes des sanctuaires principaux du style de Bakheng. Nous n’avons rencontré ces bagues de huitième qu’à certains édifices secondaires du Phnom Bakheng.
159Après l’étonnante richesse et invention décorative du style de Prah Kô, l’art khmer au point de vue ornemental s’appauvrit. Nous le voyons dans les colonnettes où disparaissent, semble-t-il, les personnages dans les parties tri-ou polylobées des feuilles.
160Sans nous attarder à chercher si certaines colonnettes d’autres monuments peuvent se rattacher à celles des Phnom Bakheng, Krom et Bok, signalons qu’à Kuṭīśvara, à Angkor, les colonnettes du sanctuaire central sont de ce style avec l’irrégularité de taille des feuilles même aux quarts, irrégularité qui se retrouve dans certains édifices du Phnom Bakheng au pied de la pyramide. Quant aux colonnettes du sanctuaire Sud de Kuṭīśvara, elles semblent postérieures.
161STYLE DE KOH KER, avec les transitions qui précèdent et avec les transitions qui précèdent et suivent (de 921 : Prasat Kravan à 961 : Pré Rup).
162Le développement de la colonnette est alors difficile, chaotique et complexe.
163Au Prasat Kravan (921) nous constatons qu’un pas en avant a eu lieu dans l’évolution. Le même type de colonnette se retrouve dans plusieurs monuments de Koh Ker, à Baksei Chamkrong et même au Mébon oriental (952) à Angkor. Ainsi se constitue un premier groupe.
164Mais à Koh Ker, entre 921 et 944 probablement, certaines colonnettes du temple principal nous montrent un état plus avancé, sorte de pointe dans l’évolution dont certains éléments ne seront repris qu’au XIe siècle. De plus nous trouvons aussi exceptionnellement à Koh Ker et dans d’autres temples de rares survivances de la pendeloque montante. Ces innovations et survivances formeront pour nous un second groupe.
165Enfin, à Pré Rup d’Angkor (961), une partie, mais une partie seulement des innovations les plus hardies, se généralise et un dégagement de la colonnette indique peut-être la transition vers le style de Banteay Srei. Nous verrons cela en troisième lieu.
166La postériorité par rapport au style du Bakheng est indiquée par les bagues en relief, d’au moins 5 éléments, par les filets de huitième qui réapparaissent et qui, nouveauté, peuvent être perlés. Une tendance générale nouvelle se décèle : l’égalisation de la taille des feuilles sur tous les registres. Même lorsque nous n’avons qu’une feuille de face et une feuille par angle (1 plus 2 demies par côté), les feuilles du milieu de chaque pan cessent de dominer. Feuilles de centre et feuilles d’angle ont même grandeur. Nous parvenons à la conception du rang de feuilles.
167Il en est ainsi au Prasat Kravan (921) : aux bagues de centre et de quarts (fig. 113, 114). Ces dernières prennent une plus grande ampleur. La réapparition du filet aux huitièmes au sanctuaire central seul (fig. 113, 114) est peut-être le fait d’une hiérarchie entre les sanctuaires. C’est un filet perlé, ou perlage, élément plus important que le simple filet, comme nous le verrons bientôt quand ce perlage s’agrémentera de part et d’autre de filets nus. A Prasat Kravan, il n’y a qu’une feuille par côté et une feuille par angle mais elles sont d’égale grandeur.
168Sur les colonnettes d’une des cinq tours (centre Sud), bizarrerie (fig. 114) : la bague avec feuilles ne se trouve qu’au centre seulement, les bagues de quart sont remplacées par un perlage, le galbe, dernier souvenir sans doute du style du kulên (et orné de feuilles plus petites), est maladroit aux extrémités du fût.
169Nous trouvons au sanctuaire central et parfois ailleurs, la bague centrale nouvelle à 5 éléments (bague avec de part et d’autre perlage puis filet). Quand il n’y a pas de division aux huitièmes, le perlage remplace, semble-t-il, la bague aux quarts.
170Au Mébon oriental (vers 952) (fig. 115), nous retrouvons encore le même type de colonnette exactement au sanctuaire central ou parfois ailleurs (perlage aux huitièmes, feuilles aux quarts et au centre, 1 et 2 demies par côté, égalisation des feuilles, 5 éléments au centre). En général, aux autres sanctuaires, les colonnettes sont presque semblables mais aux quarts il y a par côté 2 feuilles et 2 demi-feuilles, tendance qui va s’accentuer à Prè Rup. Exceptionnellement (tour Nord-Est) on ne trouve ni feuille, ni bague aux quarts mais à leur place un perlage entre deux filets.
171N’avons-nous pas ainsi, au Mébon oriental, la copie des colonnettes de Baksei Chamkrong restauré quelque temps avant ? En effet, l’inscription de Baksei Chamkrong est de 948 et celle du Mébon oriental de 952. Or, les colonnettes de Baksei Chamkrong ont exactement la même disposition que celles du sanctuaire central du Mébon oriental avec cette différence qu’aux huitièmes le perlage est flanqué de filets, ce que nous voyons exceptionnellement aux quarts dans certaines colonnettes du Mébon. Ce rapprochement empêche de savoir si les colonnettes de Baksei Chamkrong sont contemporaines de l’édification du temple par le successeur du fondateur d’Angkor sans doute avant le départ de Koh Ker ou si elles correspondent à la restauration par Rājendravarman après le retour de Koh Ker qu’indique l’inscription de 948 ?
172Une colonnette assez analogue à celle de Prasat Kravan se découvre à Bat Cum, d’autres, proches de celles de Baksei Chamkrong, se trouvent au Prasat Bei – au pied du Bakong.
173A Kok Ker, nous retrouvons le même type de colonnette sur certains temples mais, nous allons le voir, au temple principal et parfois ailleurs, les colonnettes montrent un aspect plus chargé et sensiblement plus avancé.
174Pourquoi, au retour à Angkor, cette continuité du modèle relativement plus simple d’avant le départ et non la colonnette nouvelle de Koh Ker ? Nous ne savons. Bien des hypothèses peuvent être proposées. Les plus simples ont le plus de chance d’être vraies. Les colonnettes du Mébon oriental, copient-elles directement celles de Baksei Chamkrong, puisqu’on a travaillé juste avant dans ce temple et que ses colonnettes existaient peut-être déjà avant le départ pour Koh Ker ? Les nouveautés de Koh Ker sont-elles dues à un seul atelier novateur pendant que d’autres conservaient la colonnette traditionnelle qui seule aurait été adoptée à Angkor au retour ? Ou peut-être Rājendravarman tentait-il de continuer ce qui se faisait avant le départ pour Koh Ker pour mieux se rattacher à l’ancienne dynastie plus légitime ? Certaines tendances manifestées dans ce règne semblent indiquer ce genre de préoccupations. Moins probables sont deux autres hypothèses : celle d’un début, dès le Mébon oriental, de transition vers le style de Banteay Srei dégageant la colonnette, celle d’une prolongation du travail à Koh Ker après la disparition du roi fondateur et le retour à Angkor pour transformer son temple-montagne (le Prasat Thom) en mausolée.
175A Koh Ker (entre 921 et 944 probablement) une curieuse et double innovation se marque aux colonnettes des entrées III Ouest du temple principal (Prasat Thom) (fig. 116, 117).
176Aux huitièmes, de part et d’autre du perlage, sont des filets comme à Baksei Chamkrong mais, ce qui est nouveau, de ces filets partent également des feuilles plus petites, 3 par côtés plus celles des angles (3 plus 2 demies). Ailleurs, aux bagues du centre, en haut et en bas, sont des feuilles plus grandes, 1 et 2 demies par côté comme précédemment. Aux quarts existent tantôt de grandes feuilles comme au centre, tantôt de plus petites comme aux huitièmes. Il y a donc apparition de feuilles aux huitièmes du fût de la colonnette. Elles ne reparaîtront plus qu’au XIe siècle.
177Autre innovation : le nombre des éléments flanquant la bague centrale passe de 5 à 7 éléments (fig. 116). En effet, un élément nouveau, le pétale montant, (sur moulure courbe en doucine), ornement qui prendra de plus en plus d’importance, s’introduit, il flanque immédiatement les deux côtés de la bague repoussant vers l’extérieur perlage et filet. La bague au centre a ainsi de chaque côté 3 éléments : pétale, perlage, filets, soit 7 en tout y compris la bague elle-même. Les 5 éléments (bague avec de part et d’autre perlage et filets) se trouvent ainsi repoussés aux quarts. Les 3 éléments (bague, perlage et filets) occupent alors les huitièmes. On le voit, cette innovation conserve plus strictement encore que précédemment la hiérarchie dans la colonnette (puisque on a ainsi au centre 7 éléments, aux quarts 5, aux huitièmes 3 et que là les feuilles sont plus petites).
178L’une ou l’autre de ces innovations apparaissent sur diverses colonnettes de Koh Ker : les feuilles aux huitièmes (mais non les 7 éléments au centre) au gopura II ouest de Prasat Thom (y flanquant directement le perlage, fig. 117), aux bâtiments K et E du Prasat Chen, etc., les 7 éléments au centre parfois simplifiés (mais sans les feuilles aux huitièmes), au petit sanctuaire derrière le sanctuaire principal au Prasat Thom, au Prasat Pramplé.
179En dehors de cette double innovation, les colonnettes de Koh Ker, assez diverses, semblent, nous l’avons vu, poursuivre souvent des modèles plus anciens avec des huitièmes décorés d’un perlage, ou d’un filet, ou non décorés. La rangée de feuilles (2 plus 2 demies par côté), disposition qui se généralisera à Prè Rup, apparaît peut-être à Koh Ker. Il semble qu’au Prasat Damrei, la bague de quart soit remplacée par les pétales sur doucine, flanquée du perlage et d’un filet, ce qui serait exactement le motif adopté, plus tard, par le style d’Angkor Vat, pour les huitièmes.
180Un cas spécial doit être signalé, survivance peut-être des pendeloques montantes du style de Prah Kô. Au Prasat Chen de Koh Ker semble-t-il, nous voyons une colonnette (fig. 118) où, entre la grande feuille centrale et les feuilles d’angle, s’insèrent des pendeloques symétriques descendantes et montantes. Les tours sanctuaires de côté de Prasat Pram (Koh Ker) ont également des pendeloques montantes. Des colonnettes presque semblables se trouvent en dehors du Koh Ker, à Neang Khman (une pendeloque par face, montante et descendante, entre les demi-feuilles d’angle).
181Nouvel aspect à Prè Rup (961). Entre le retour à Angkor et cette date, la colonnette ne semble donc pas employer certaines nouveautés apparues à Koh Ker.
182A Prè Rup, l’usage des sept éléments se généralise au centre du fût, le rythme nouveau des feuilles, 2 plus 2 demies par côté également. Le dégagement de la colonnette se produit, il paraît être le début de ce qui se manifestera si fortement, quelques années plus tard, à Banteay Srei (967).
183Aux sanctuaires principaux de Prè Rup, les cinq au sommet et ceux vers l’Est (fig. 119), au centre des colonnettes se trouvent les 7 éléments : la grosse bague entre, de part et d’autre, les pétales, les perlages et les filets. Aux quarts, sont les 5 éléments (les mêmes sans les pétales nouveaux). Cette innovation se propage ainsi sur toutes les colonnettes les plus importantes.
184Sur ces mêmes colonnettes, le dégagement se marque par la suppression de tout élément aux huitièmes (peut-être un premier pas vers ce qui sera si marqué à Banteay Srei). Le perlage sur huitièmes et la disposition des colonnettes précédant Prè Rup se maintiennent parfois dans ce dernier temple, non aux sanctuaires principaux mais aux entrées (fig. 120).
185Sur la très grande majorité des colonnettes de Prè Rup, il y a pour chaque face de l’octogone, à toutes les hauteurs du fût, 2 feuilles et 2 demies par côté. Cette disposition est intermédiaire entre les feuilles assez grandes (1 plus 2 demies) ou assez petites (3 plus 2 demies) presque toujours employées jusqu’ici. Ce qui fait l’intérêt de cette nouveauté déjà apparue exceptionnellement à Koh Ker et au Mébon oriental mais qui maintenant se généralise, c’est qu’elle montre le passage à la conception nouvelle du rang de feuilles qui ne se soucie plus de marquer le milieu de chaque pan. Jusqu’au moment où nous sommes parvenus, on semblait avoir gardé le souvenir de la grande feuille, une sur chaque coté, caractéristique du style du Kulên. Les autres feuilles sont apparues et ont peu à peu poussé aux angles d’abord (1 feuille plus 2 demies par côté), puis entre la feuille centrale et les feuilles d’angle (3 feuilles plus 2 demies par côté), nombre toujours impair. Maintenant, on semble avoir oublié la prédominance de la feuille du milieu de chaque pan et les feuilles s’étant égalisées, on choisit un nombre intermédiaire ni trop grand, ni trop petit, sans plus se préoccuper de la feuille du milieu (2 feuilles plus 2 demies par côté).
186Un ornement nouveau qui paraît s’être lentement formé s’affirme peut-être à Prè Rup. C’est un décor de la bague, accentuant surtout la bague centrale, décor en X profondément incisé. Ce sont, semble-t-il, les lignes de séparation formées par les carrés ou losanges sur pointe qui se sont marquées ; déjà souvent, elles dessinaient des traits sombres qui maintenant paraissent s’être reliés, avoir pris la première place, former ainsi un thème nouveau parfois encadré. Ce thème paraît lié aux bagues importantes déjà très grosses et qui le seront plus encore un siècle plus tard dans le style du Baphuong.
187Signalons que le couronnement de la colonnette, dès le style de Koh Ker, tend souvent à se mécaniser de plus en plus.
Style de Banteay Srei (967)
188Nous nous bornons ici au monument de Banteay Srei si essentiel pour l’art khmer, si beau, si caractéristique comme renouvellement et reprise du passé. La transition vers Banteay Srei nous a été donnée par Prè Rup ; celle qui suit Banteay Srei sera reportée dans la section suivante.
189Banteay Srei présente l’exemple le plus éclatant de ces rénovations périodiques de l’art khmer dues en grande partie à la copie de son propre passé, à une reprise mise au goût du jour de décors abandonnés qu’on retrouve dans la période de richesse révolue la plus proche. Gilberte de Coral Rémusat, qui a dégagé cette conception, l’a vue justement surgir de Banteay Srei qui reproduit, mêlés à des éléments du Xe siècle, la disposition des linteaux du style de Prah Kô empruntant une telle accumulation de détails que l’inspiration est évidente26.
190Quand dans les linteaux de Banteay Srei se voient des souvenirs d’arts antérieurs au style de Prah Kô, c’est, semble-t-il, par ricochet : un linteau de Banteay Srei copie un linteau de Bakong, qui lui-même s’inspirait d’un Hnteau du style du Kulên, celui de Damrei Krap, qui réutilisait déjà des éléments du passé trouvés dans les styles de Sambor et Prei Kmeng.
191Il en est ainsi, à Banteay Srei, pour les colonnettes. Reprise de la forme ronde mais copiée, croyons-nous, des exemples de Bakong, car l’incompréhension de la pendeloque montante est également reprise et il serait curieux qu’on ait commis deux fois la même erreur. Comme, de plus, la disposition de la colonnette la plus dégagée de Banteay Srei est identique à celle des colonnettes du style de Prah Kô (Prah Kô, Bakong) et qu’en plus, c’est à ce style que les éléments des Hnteaux et leur disposition à Banteay Srei ont été empruntés, cette copie est une quasi-certitude.
192Nous voyons ainsi, à Banteay Srei, plus vigoureusement indiqué que partout ailleurs, le double phénomène des époques de rénovation déjà signalé à plusieurs reprises, enrichissement d’une part, par copie de formes ou de décors abandonnés – ici forme ronde, pendeloques descendante et montante, feuilles anciennes dentelées et terminées en fleur de lys – (fig. 123), et, d’autre part – réaction habituelle contre ce qui a cours et peut-être aussi une copie du passé – dégagement de la colonnette pour diversifier (fig. 121, 122).
193C’est, de tous les temples khmers, celui de Banteay Srei qui nous montre sous la forme la plus frappante ce dégagement de la colonnette. La raison en est simple. Précédemment, les feuilles étaient plus grandes. A Banteay Srei (fig. 121), on reprend la disposition dégagée constante dans la première partie du style de Prah Kô (Bakong, Prah Kô) : rien aux huitièmes, bagues de quart sans feuilles. Mais on conserve la petitesse des feuilles atteinte à l’époque présente et qui avait été nécéssitée par la surcharge des colonnes précédentes. D’où une impression de dépouillement très marquée, presque de nudité, la surface sans feuille entre les bagues étant beaucoup plus grande que presque partout ailleurs.
194La colonnette de Banteay Srei où se marque le plus nettement la copie du passé et de Bakong (style de Prah Kô) est ronde et à pendeloques descendante et montante alternant avec les feuilles. Telle, on la trouve (fig. 123) au vestibule du sanctuaire central, sans pendeloque, sans doute par hiérarchie entre les parties du temple, à certaines entrées. Il semble que les pendeloques, sur les colonnettes rondes ou octogonales soient, comme à Prah kô, réservées aux parties les plus sacrées du temple : tours-sanctuaires centrales, tours-sanctuaires Nord et Sud, accès principaux vers le sanctuaire principal, ainsi elles paraissent absentes des colonnettes des entrées, des sanctuaires des autres points cardinaux et des édifices annexes.
195La forme octogonale reste la plus employée à Banteay Srei. Elle sera celle de toutes les colonnettes dont il va maintenant être question.
196Les plus dégagées, les plus caractéristiques des colonnettes de Banteay Srei sont octogonales. On les trouve aux sanctuaires Nord et Sud (fig. 122) et non au sanctuaire principal où, par hiérarchie, elles s’efforce d’être plus riches qu’ailleurs. La disposition adoptée, nous l’avons dit, est celle des colonnettes du style de Prah Kô : rien aux huitièmes du fût et bagues de quart dépourvues de feuille. De plus-est-ce pour se rapprocher des colonnettes du style de Prah Kô ? – les éléments autour des bagues sont moins nombreux que précédemment : il y a en général 5 éléments, la bague et les filets, avec souvent les pétales au centre (sans perlage) et du perlage aux quarts (sans pétales). Remarquons que bien que les feuilles ne soient pas très nombreuses – 1 plus 2 demies par côté avec 2 pendeloques descendante et montante intercalaires –, comme elles sont de taille égale et que les feuilles ne subsistent que de part et d’autre du centre, en haut et en bas, les nus demeurent très haut. Les pendeloques particulièrement frêles sont ainsi bizarres en position montante. Les feuilles ont souvent la forme ancienne, celle d’avant le style du Kulên, forme dentelée et terminée en fleur de lys. Ce type de colonnette est le plus caractéristique de Banteay Srei. Son aspect dégagé est saisissant.
197La même disposition sans pendeloques se trouve dans les salles en longueur (“bibliothèques”) devant les sanctuaires, à diverses entrées etc. Les colonnettes du sanctuaire central (fig. 121) sont analogues ; même disposition, 2 feuilles, 2 demies et 3 pendeloques par côté. Mais, sans doute pour indiquer le rang supérieur de ce sanctuaire, nous y voyons feuilles et pendeloques de part et d’autre des bagues de quart, moindre dégagement dès lors de la colonnette et cause possible de l’augmentation du nombre des feuilles dont la taille a diminué. Rien cependant n’apparaît aux huitièmes.
198Le perlage avec filets aux huitièmes mais sans feuille, tel que nous l’avons vu à Baksei Chamkrong par exemple, et souvent la bague et moulure, au centre du fût à 7 éléments comme précédemment, se retrouvent à Banteay Srei à certaines entrées.
199A Banteay Srei, comme aux autres époques de renouvellement, il est impossible de confondre cette copie du passé avec le passé copié. En effet, pour la colonnette, la différence est frappante avec le style de Prah Kô d’où proviennent les emprunts. La taille des petites feuilles à Banteay Srei, leur nombre, et aussi les bagues plus chargées (5 éléments et même exceptionnellement 7 aux entrées extérieures Est), tout cela n’existe pas encore à Prah Kô. Et si le nombre assez grand et la taille relativement petite des feuilles se rencontrent avant le IXe siècle, il n’y a alors ni forme octogonale, ni bagues en relief, ni adjonctions de part et d’autre des bagues de pétales, perlages et filets.
200Rappelons que Banteay Srei, d’abord fixé par une inscription mal interprétée à une époque beaucoup plus tardive a été après correction de cette fausse position par G. Coedès situé par l’étude de l’évolution des motifs à une place approximative que la découverte postérieure de l’inscription est venue confirmer.
Transition vers le style des Kleang, style des Kleang, transition qui suit ce style (de Banteay Srei, 967, au style du Baphuong 1050)
201Les périodes qui s’ouvrent maintenant devant nous – chose étrange et déjà mentionnée27 – sont beaucoup moins bien connues que les époques précédentes (802-967) où évolutions de motifs et inscriptions se contrebutaient constamment.
202Entre Banteay Srei et ce qui a chance d’être pour les colonnettes la première partie du style des Kleang – Kleang Nord, Ta Keo, Phimeneakas – s’étend une période plus ou moins longue où la continuité de l’évolution nous échappe. Les colonnettes du Kleang Nord, de Ta Keo, du Phimeneakas paraissent bien prolonger celles de l’époque précédente.
203Devant des colonnettes qui ont des feuilles égales (au moins une feuille de milieu et une feuille d’angle) et 5 ou 7 éléments au centre du fût, il peut parfois être difficile de distinguer celles qui se situent entre le style du Bakheng et Banteay Srei, de 921 à 967 environ, de celles qui suivent Banteay Srei jusqu’à la période de prolongation de ce style que nous examinons ici.
204La colonnette la plus curieuse est celle rencontrée au Kleang Nord (fig. 124). Elle rappelle fortement le style du Bakheng. Est-ce une ancienne colonnette de ce style réemployée ? Est-ce plutôt – le fleuron à l’extrémité des feuilles semble l’indiquer – un rappel du passé se rattachant au style de Banteay Srei ? Nous ne savons. Quoiqu’il en soit, au centre, en haut et en bas, cas exceptionnel, les feuilles sont irrégulières : une grande au milieu de chaque pan et de plus petites aux angles. Même nombre de feuilles mais de taille égale aux quarts. Rien aux huitièmes. Le centre est formé de 5 éléments et le quart de 3 (bague encadrée de filets seulement). Analogue semble être une colonnette du Prasat Sralao, monument qui paraît être du style de Banteay Srei.
205A Ta Keo (fig. 125), dans les rares parties inachevées de ce monument où les colonnettes sont sculptées, nous constatons encore l’absence de toute moulure aux huitièmes du fût, les feuilles restent assez grandes, 1 et 2 demies par côté comme au Kleang Nord mais ces feuilles sont d’une taille égale. Le centre a 7 éléments, le quart 5, ce qui semble plus normal à l’époque où nous sommes.
206Au Phimeanakas (fig. 126), une colonnette présente la division aux huitièmes : perlage entre filets et absence de feuilles. Le centre a 7 éléments, le quart en compte 5. Les pendeloques descendante et montante subsistent mais de toute petite taille. Elles cessent ainsi d’être bizarres et se perpétueront irrégulièrement comme élément du décor des petites feuilles qui va devenir une simple ornementation en dents de scie.
207C’est maintenant, pendant le style des Kleang, parallèlement aux colonnettes précédentes peut-être ou plus probablement juste après qu’une surcharge très forte apparaît avec des innovations jamais rencontrées jusqu’ici. Ces innovations, cette surcharge indiquent que nous sommes après le début du XIe siècle. En effet, ce changement semble correspondre aux entrées du Palais Royal qui portent une inscription de 1011 et qui doivent être de cette date ou de peu avant. Ces caractères se rencontrent également sur certaines colonnettes du Kleang Sud et de Prah Vihear.
208Aux huitièmes du fût (fig. 125), non seulement réapparaissent constamment les petites feuilles, qui y avaient été parfois figurées à Koh Ker mais cette division prend plus d’importance. Il y a là maintenant les 5 éléments comme aux quarts (bague entre 2 perlages et 2 filets) au lieu des 3 éléments seulement. L’adoption des 5 éléments et des feuilles aux huitièmes indique un bond en avant de l’évolution de la colonnette vers 1011.
209Comme conséquence, la hauteur des nus diminue de même que la taille des petites feuilles qui les ornent. C’est vers ce moment que celles-ci se transforment souvent en un décor en dents de scie. Ce changement est très irrégulier. Parfois elles sont plus ou moins nombreuses sur les registres différents d’une même colonnette. Le plus souvent, ce ne sont plus des feuilles ou des pendentifs mais une bande légère, ornement continu en faible relief bordant les nus. Quelquefois il n’y a, comme précédemment, que 2 feuilles et 2 demi-feuilles par face. Fréquemment, les feuilles en dents de scie se multiplient, de plus en plus nombreuses, jusqu’à atteindre plus tard, à Prah Palilai, 7 feuilles et 2 demies par côté (fig. 135). Le souvenir des pendeloques semble se maintenir souvent alternant avec des feuilles, le tout formant un ornement particulier. De 1011 environ jusque vers la fin du XIIe siècle nous voyons sur les nus ce décor en dents de scie qui disparaîtra dans la dernière partie de l’art khmer.
210Au Palais Royal, à la porte principale (1011, date du serment inscrit sur ce portique ou un peu avant, semble-t-il), au Kleang Sud (fig. 127), vers le centre, à Prah Vihear au gopura I (fig. 129) nous voyons la colonnette nouvelle : 5 éléments aux huitièmes avec feuilles comme aux quarts, 7 au centre, feuilles et parfois pendeloques relativement petites et tendant vers l’ornement en dents de scie.
211Ces colonnettes nouvelles, plus riches, réservées semble-t-il aux portes centrales ou à certaines entrées importantes, n’excluent pas, jusqu’à la fin du style des Kleang, les colonnettes d’aspect plus ancien.
212Au Palais Royal, on assiste peut-être à la formation de ce nouveau type car certaines colonnettes, très chargées avec feuilles aux huitièmes ont encore à cette division les 3 éléments de Koh Ker (perlage entre 2 filets). Ailleurs, aux entrées du Palais Royal toujours, le fût est divisé en 6 et non en 8 (fig. 128) et pour ces sixièmes, c’est la bague de quart à 5 éléments, doublés en nombre, qui est employée. Si on veut rendre cette colonnette plus riche en la destinant aux parties centrales, il suffit d’ajouter encore 2 ensembles de moulures semblables pour arriver à la colonnette nouvelle ayant les 5 éléments aux quarts et aux huitièmes.
213Au Kleang Sud, il y a sur les côtés, non la forme nouvelle mais une colonnette qui paraît intermédiaire entre celle du Kleang Nord et celle du Phimeneakas avec pendeloques.
214A Prah Vihear, grande est la diversité des colonnettes. Les plus ornées rejoignent le type nouveau et semblent se trouver au gopura I. Au sanctuaire central, la division aux huitièmes n’a d’après nos notes, pas de feuilles. Souvent encore, existe l’ancienne hiérarchie avec 7 éléments au centre, 5 aux quarts, 3 aux huitièmes ou même, ici, un simple perlage d’où partent des feuilles. Parfois, subsistent encore les assez grandes feuilles : 1 et 2 demies par côté. Les feuilles aux huitièmes sont encore quelquefois plus petites que les autres. Prah Vihear semble ainsi nous présenter à la fois la survivance de ce que nous voyons au début peut-être du style des Kleang et l’aspect nouveau qui surgit peu après.
215Le motif en X incisé souligne souvent, ici comme précédemment et dans le style suivant, les bagues principales.
216Ainsi le style des Kleang forme transition entre l’état ancien qui se maintient, totalement d’abord peut-être, puis partiellement, semble-t-il, et, aux places secondaires, l’état nouveau de surcharge (5 éléments avec feuilles aux huitièmes) qui s’affirme lui aux points importants et qui conduit aux colonnettes du Baphûon.
Style du Baphuon (entre 1050 et 1065 environ)
217La colonnette la plus typique du style du Baphûon, telle qu’on la voit au Baphûon même, est plus chargée encore que la colonnette précédente. Elle garde en général 8 mais atteint parfois 10 divisions.
218Nous parvenons à un terme de l’évolution : surcharge maximum compte tenu de la grosseur et de la hauteur des bagues qui ont encore augmenté par rapport au style précédent, rétrécissant au maximum les nus.
219Plus tard, si on augmente encore le nombre des divisions et des éléments formant des ensembles de moulures, on ne peut y parvenir qu’en diminuant la taille et surtout la hauteur des bagues.
220La colonnette qui semble la plus caractéristique du Baphûon garde les 8 divisions. Mais, innovation sans doute, les 7 éléments jusqu’ici réservés au centre gagnent les quarts, les 5 éléments demeurent réservés alors aux huitièmes. Cet enrichissement surcharge encore la colonnette d’autant plus que les bagues, nous l’avons dit, gardent toute leur importance, l’augmentent même, en se gonflant et en prenant une grande hauteur sur la colonnette, réduisant les nus et les petites feuilles qui les ornent, partout simple ornement en dents de scie. Au centre comme aux quarts, ces grosses bagues ont, de part et d’autre, pétales, perlage, filets : 7 éléments en tout. Les huitièmes étant à 5 éléments, il y a encre ces deux groupes alternance.
221Parfois la division en 10 est atteinte (fig. 130, 131 : gopura III du Baphûon). On ne modifiera pas pour cela l’alternance. On ajoute seulement, aux extrémité du fût, 2 groupes de 7 éléments qui viennent s’ajouter aux précédents, d’où 10 divisions.
222Dans ce style la division en 6 se maintient exceptionnellement. Dans ce cas nous avons les 7 éléments au centre seulement et les 5 éléments aux autres bagues, celles des sixièmes.
223Sur les dés des bases, de petits personnages caractéristiques constitueraient de précieuses indications s’ils étaient plus souvent conservés.
224Un caractère constant ou fréquent dans le style d’Angkor Vat semble apparaître déjà, rarement, maintenant. Ainsi, sauf réemploi ou erreur provenant des photos peu nettes, le rang de pétales sur doucine remplaçant la bague aux huitièmes (ou sixièmes) se découvrait à un gopura d’une galerie Nord du Baphûon, à Chau Srei Vibol et au Prasat Khna aussi peut-être. Le redoublement des pétales qu’on rencontrera plus tard semble aussi se voir à Phnom Chisor mais sur une colonnette si fruste que c’est peut-être maladresse ou restauration plutôt qu’innovation.
Style d’Angkor Vat (XIIe siècle jusque vers 1180 environ)
225Apparition dans ce style de nouvelles surcharges : les 10 divisions sont fréquentes, atteignant exceptionnellement même le chiffre de 12 ; de plus, mais assez rarement, au centre du fût, le nombre des éléments augmente, passant de 7 à 9.
226Mais ces surcharges ne sont possibles que par suite d’un dégagement dû peut-être à l’époque de renouvellement où nous sommes. Ce dégagement est moins spectaculaire que les précédents (style du Kulên, de Prah Kô, de Banteay Srei). C’est, semble-t-il, une réaction contre les énormes et nombreuses bagues qui, gonflées dans le style précédent, engoncent le fût. On semble vouloir diminuer de hauteur les groupes de moulures pour mieux dégager les nus. Cette transformation s’applique surtout aux groupes de huitièmes où la bague est remplacée par les pétales sur doucine, moins haute. Elle s’étend aux bagues de quart puis de centre qui diminuent de hauteur et d’ampleur. Les moulures sont plus ramassées et souvent moins nettes que précédemment.
227Le dégagement aux huitièmes semble être le premier à apparaître. La bague y est remplacée par l’ornement qui habituellement la flanque immédiatement de part et d’autre : les pétales sur moulure en doucine. Ces pétales, moins hauts que les bagues, constituent pour la colonnette une décharge ; ils se placent en général entre perlage et filets ce qui maintient les 5 éléments. Ce changement apparaît peut-être déjà mais rarement dans le style du Baphûon. Il est constant dans le style d’Angkor Vat, dès Phimai qui peut être daté par l’inscription de 1108 et semble le monument le plus ancien du style.
228Le dégagement du quart et du centre suit, semble-t-il, le dégagement du huitième. A Phimai – transition, les bagues de quart sont déjà beaucoup moins élévées. Elles deviendront en général convexes, ce qui distingue des bagues de centre, qui demeurent plates. A Phimai, la bague de centre avec décor en X profondément incisé reste particulièrement haute. Partout ailleurs dans le style d’Angkor Vat, elle sera beaucoup moins élevée que dans le style précédent.
229La colonnette sans doute la plus typique du style d’Angkor Vat peu donc se décrire ainsi : au centre, la bague est plate, peu haute, entre pétales, perlage et filets (7 éléments), ces mêmes 7 éléments et cette disposition se retrouvent aux quarts dont les bagues sont peu élevées, généralement convexes, décorées souvent, comme à la bague centrale, des X incisés ; aux huitièmes, les pétales (sur doucine) entre perlage et filets, nous font compter 5 éléments. La hiérarchie entre les divisions du fût apparaît ainsi très nettement. Les petites feuilles ou pendeloques en dents de scie demeurent sur les nus.
230Ces changements se répercutent sur le couronnement. Les larges bulbes analogues aux bagues, déjà peu nets, semblent disparaître. Les pétales sur doucine remplacent ces bulbes (même phénomène qu’aux huitièmes donc). On acquiert alors la nette impression de “pile d’assiettes” qui caractérise les derniers couronnements dans l’art khmer, les moins bien compris. Assez souvent 3 rangs de pétales sur doucine se succèdent superposés.
231Ces colonnettes typiques du style d’Angkor Vat sont employées totalement ou partiellement à Thommanon (fig. 133), à Chausay Tevada (fig. 132) à Banteay Samré (bibliothèques, etc.), à Beng Méaléa (colonnette du Musée Guimet), au Prah Khan de Kompong Svay, etc.
232De légères variantes sont fréquentes. Le nombre des éléments et leur disposition se maintiennent mais des feuilles remplacent parfois les pétales (Thommanon) ou des X le perlage (Thommanon, Angkor Vat ?). A Thommanon, de très rares, très exceptionnelles et frustes colonnettes rondes et carrées semblent exister (d’après nos anciennes notes).
233D’après ce que l'on vient de voir, le style d’Angkor Vat atteste donc un léger dégagement des colonnettes. Envisageons maintenant leur surcharge.
234La division non plus en 8 mais en 10 se généralise. Elle n’est pas employée partout mais semble plutôt réservée aux colonnettes des parties les plus sacrées du temple, celles qu’on voulait honorer par des colonnettes plus riches. On les découvre à la partie centrale de Chausay Tevada, vers le centre (tour-sanctuaire principale et galerie intérieure), à Banteay Samré, à Beng Méaléa enfin où elles dominent : c’est le type indiqué par J. Boisselier28. Mais ce n’est peut-être pas le seul type employé car une colonette donnée comme provenant de Beng Méaléa au Musée Guimet a 8 divisions.
235Cette division en 10 dans le style d’Angkor Vat (fig. 136) est différente de celle vue exceptionnellement dans le style de Baphûon : elle ne se base pas comme cette dernière sur l’alternance. La hiérarchie demeure plus nettement marquée. Les bagues de quart (7 éléments) sont seulement décalées vers le centre et des deux côtés, vers les extrémités du fût, sont non pas 1 mais 2 divisions secondaires (5 éléments : pétales, perlage, filets) qui deviennent ainsi des divisions de dixième.
236La division par 12 apparaît aussi mais semble rare : à Banteay Samré (entrée est venant de la première enceinte vers le sanctuaire central). Là, les bagues de quart ont retrouvé leur place exacte, mais chacun de ces quarts est divisé en 3 par des divisions analogues à celles employées ailleurs pour les huitièmes ou dixièmes. Nous avons donc en tout 12 divisions.
237La multiplication des divisions n’est qu’une des formes de la surcharge. Une autre consiste à multiplier les éléments de certains ensembles de moulures, ici, l’ensemble du centre. Le centre du fût, exceptionnellement, compte ainsi 9 éléments au lieu de 7. Diverses combinaisons sont tentées. A Banteay Samré (fig. 134 : gopura ouest) nous avons, de part et d’autre de la bague, un perlage d’abord, puis les pétales, puis de nouveau un perlage, enfin un filet (4 éléments de chaque côté plus la bague donc 9 éléments). A Beng Méaléa29 on peut distinguer sur le fût, comme ailleurs sur le couronnement, 3 rangs de pétales se suivant de part et d’autre de la bague centrale. A Prah Palilai, d’après nos notes, ce triple rang de pétales existerait également mais se situerait aux huitièmes, le rang de pétales de part et d’autre (ce qui donnerait 7 éléments au lieu de 5) (fig. 135).
238Ces surcharges n’empêchent pas, tout à fait exceptionnellement et dans des parties secondaires, de retrouver l’ancienne division en 6 (fig. 136 : Chausay Tevada, sur le côté de certaines entrées. C’est l’ensemble le moins important, pétales entre perlage et filets, généralement employé aux huitièmes, dixièmes, ou douzièmes, qui ici, est utilisé aux sixièmes du fût, la colonnette est alors beaucoup plus dégagée.
239Même dégagement quelquefois (accompagné parfois, mais rarement, de feuilles plus grandes) lorsque les ensembles sont tous pareils sur une même colonnette, les ensembles à 7 éléments s’y répètent et annoncent peut-être le style suivant : à Prah Palilai (fig. 135), à un des édifices de Prah Pithu (1 ou 7 ?), à Beng Méaléa aussi30 mais à la galerie II, qui a pu fort bien être ajoutée à l’époque du Bayon, aux entrées Est extérieures de Banteay Samré, peut-être ajoutées avec déjà le décor en fleurs séparées aux angles du style du Bayon, mais avec un couronnement subsistant.
240Vers la fin du style d’Angkor Vat, les petites feuilles en dents de scie sur les nus peuvent disparaître (à Beng Méaléa)31.
241Nous terminons l’examen du style d’angkor Vat par les colonnettes d’Angkor Vat même qui sont pour la plupart d’un type exceptionnel (fig. 137). Peu de colonnettes, nous ne savons pourquoi, subsistent dans ce temple. Le type le plus net est – ce qui est particulier – à 16 pans. Tendance vers ce qui sera constant dans le style suivant du Bayon, les groupes de moulures sont tous pareils, la hiérarchie est abandonnée. Ces groupes sont formés de 7 éléments ramassés. La division en 8 subsiste.
Style du Bayon (de 1181 à 1219 environ)
242La colonnette khmère dégénère dès le début du style du Bayon.
243Non que le style du Bayon soit une décadence ! Chant du cygne de l’art khmer, c’est là que l’expression humaine prend une intériorité mystique intense qui en fait un des sommets de l’art (sourire d’Angkor) ; c’est là que se déploie un décor architectural saisissant : tours-sanctuaires à visages, géant soutenant le serpent au-dessus des douves, motifs d’angle à symbolismes cosmique, etc.
244Mais, à ce moment, la surabondance des constructions nécessite une économie de main d’oeuvre. De même qu’on réduit la hauteur des balustres des fenêtres par une imitation de store, on simplifie la colonnette qui cesse d’avoir des groupes de moulures différents selon leur place sur le fût.
245La hiérarchie s’écroule, la surcharge demeure.
246Plus de groupe central de moulures dominant. Plus de quarts se distinguant des huitièmes, dixièmes, douzièmes. Plus de couronnement. On conserve l’ensemble de moulures le plus chargé : celui de 7 éléments – bague entre 2 rangs de pétales, 2 perlages, 2 filets –, il est répété, alternant avec des nus peu élevés (fig. 138) : un groupe de moulures, un nu, un même groupe de moulures, un même nu et ainsi indéfiniment. La composition n’est plus centrée, balancée, équilibrée. Simple succession de groupes de moulures lourdes et de nus mécaniquement alternés, on semble débiter de la colonnette au mètre, on paraît la couper comme “saucisson” à la hauteur voulue. Plus de différences entre les parties du fût sur une même colonnette, plus de nuances entre les colonnettes d’après les endroits où elles se trouvent.
247Un signe nouveau peut-être ? Sur les bagues, un décor de fleurs apparaît, dont les traits de séparation sont nettement marqués aux angles.
248Monotonie ! Il y a peu à dire sur les colonnettes du style du Bayon.
249Quand s’est formé ce nouveau type ? Il est difficile de le préciser. J. Boisselier signale32 que certaines portes de la galerie II de Beng Méaléa ont des colonnettes où les groupes de moulures sont tous semblables. Si cette galerie est contemporaine du temple (c’est-à-dire du style d’Angkor Vat avancé) ce serait le début de la transformation qui mène au style du Bayon. Mais les galeries extérieures à celles qui entourent le sanctuaire central ont été rajoutées toutes, semble-t-il, plus tardivement par Jayavarman VII (style du Bayon donc). Peut-être en est-il ainsi à Beng Méaléa qui, avec le Prah Khan de Kompong Svay, sont les deux seuls monuments précédant le style du Bayon où Jayavarman VII a ajouté une chapelle de gîte d’étape (dharmaśālā). Beng Méaléa, de la fin du style d’Angkor Vat, a très bien pu être construit par son père.
250Les quelques colonnettes signalées plus haut à Prah Palilai et à un édifice de Prah Pithu où les groupes de moulures sont très semblables mais les nus beaucoup plus dégagés sont peut-être un premier essai d’uniformisation avec un aspect dégagé qui sera sans lendemain. Le gopura extérieur de Banteay Samré constitue peut-être une transition.
251Sur les nus, entre les moulures, dans le style du Bayon, les petites feuilles en dents de scie ont presque toujours disparu. Une époque intermédiaire semble exister où cet ornement se rencontre encore exceptionnellement. Déjà, d’après J. Boisselier, à Beng Méaléa, vers la fin du style d’Angkor Vat, ces petites feuilles étaient absentes. Peut-être pas partout car nous les retrouvons sur une colonnette déjà citée provenant semble-t-il de Beng Méaléa, au Musée Guimet. Ce décor en faible relief s’efface d’ailleurs facilement. Dès le début du style du Bayon, les nus en général ne le portent plus. Nous le retrouvons exceptionnellement sur certaines colonnettes de Ta Prohm, sur certaines adjonctions du style du Bayon à Prah Khan de Kompong Svay, sur certaines colonnettes des Prasat Çrung ; pendant la troisième période du style du Bayon, on ne les voit, croyons-nous, plus jamais.
252Peu de variantes dans la colonnette à l’époque donc. La forme en étoile de certaines colonnettes dans les adjonctions du style du Bayon à Prah Khan de Kompong Svay33 paraît être un essai sans lendemain.
253Enfin – et ceci clôt notre étude – un dernier essai de surcharge montre que jusqu’à sa fin, la colonnette poursuit impitoyablement son évolution dans le même sens. Des colonnettes exceptionnelles apparaissent au Bayon vers la fin du style (et peut-être avant). Sur ces colonnettes chaque groupe de moulures a non 7 mais 9 éléments. Il y a, de part et d’autre des bagues, redoublement du rang de pétales. La bague est ainsi décorée de fleurs entre les pétales de part et d’autre, un second rang de pétales est répété des deux côtés, puis, de part et d’autre toujours, les perlages ou boutons de lotus, enfin les filets s’ajoutent. Ces 9 éléments, sont apparus dans le style d’Angkor Vat mais réservés au seul centre du fût pour le souligner encore davantage. C’est peut-être ainsi qu’ils sont repris d’abord dans le style du Bayon à Banteay Chmar. Au Bayon même tous les groupes de moulures sont pareils, sur chaque colonnette ces 9 éléments sont indéfiniement répétés après chaque nu. Jamais des ensembles aussi pesants et aussi répétés n’avaient existé.
254La surcharge maximum est ici atteinte.
***
Conclusions
255Peu de motifs présentent mieux que la colonnette khmère la continuité d’une évolution, d’une direction logique qui, si elle fléchit parfois, est constamment reprise. L’architecture khmère montre également un étonnant développement sans faille répondant à la rectitude de l’esprit khmer. Le linteau khmer, lui, révèle les fréquents renouvellements de cet art avec emprunts au passé. La colonnette khmère unit les deux tendances.
256Cette orientation qui se maintient imperturbablement est surtout visible dans la deuxième partie de l’art khmer après le passage de la colonnette ronde à la colonnette de forme octogonale, du début du IX siècle jusqu’au XIIe siècle très avancé.
257Le caractère principal de cette évolution nous paraît être une surcharge de plus en plus marquée dans une hiérarchie stricte.
258Ainsi se dégagent les deux aspects en apparence contradictoires et si constamment unis dans l’art khmer, goût de la richesse (prolifération de la vie), goût de l’ordre (géométrie, divisions rigoureuses, hiérarchisées, de part et d’autre d’un centre).
259A partir du IXe siècle surtout, les bagues et groupes de moulures des colonnettes se multiplient augmentant le nombre des divisions du fût ; la quantité des éléments les plus importants de ces groupes croissent et passent de 3 à 5, de 5 à 7, de 7 à 9 ; les bagues, jusqu’au XIe siècle, augmentent en général en taille et relief.
260Par opposition, la hauteur des nus qui séparent les groupes de bagues et les moulures diminue ainsi que la taille des feuilles qui ornent ces nus.
261En conséquence le nombre de feuilles augmente, passant d’une grande feuille par côté à une série de feuilles et pendeloques minuscules en dents de scie.
262Mais dans le domaine de l’art comme dans celui de la vie existent des périodes de renouvellement qui, telles des pulsations, amènent un sang nouveau dans un art que le temps sclérose et appauvrit. Transformations brusques, réactions contre l’habituel, apport de l’étranger ou influence d’autres techniques apparaissent alors. Mais l’art khmer – Gilberte de Coral Rémusat l’a découvert –34 cherche surtout ses éléments nouveaux dans son propre passé. Il se tourne vers le passé, s’inspire de la période de richesse la plus proche. Il ne s’agit pas d’archaïsme : le but n’est pas d’imiter le passé, mais au contraire de rénover par des décors repris, adaptés, transformés. Toute confusion avec l’époque antérieure est impossible, car des détails nouveaux et caractéristiques empêchent toute erreur. De plus, certains décors copiés sont incompris : il arrive même à plusieurs reprises, sur les colonnettes, que des pendeloques figurées à l’envers, montent ! Parfois même, à Banteay Srei surtout, les artistes copient des copies en respectant l’erreur faite lors de la première copie !
263Conséquence singulière que la décharge montante aux époques de transition : en effet, la copie du passé fait qu’on se tourne en général vers des modèles plus dépouillés. Aux moments de ces renouvellements, on se trouve déjà devant une relative surcharge des colonnettes. Or, les époques de rénovation cherchent, plus encore que l’enrichissement par accumulation, à réagir contre l’habituel, à trouver du nouveau, à se renouveler par la diversité. La colonnette khmère présente ainsi à ces époques – et c’est curieux - non une surcharge, mais, par réaction peut-être et influence du passé, un dégagement.
264Ces interruptions momentanées du mouvement général d’évolution, sorte de balancement vital, avec décors nouveaux souvent repris au passé, nous les trouvons dans les autre grandes époques de rénovation khmère : dans le style du Kulên, première moitié du IXe siècle, renouvellement total et dégagement, les emprunts au passé se trouvant plutôt sur les linteaux ; dans le début du style de Prah Kô, dernier quart du IXe siècle, copie du passé et dégagement ; dans le style de Banteay Srei (967) copie du passé et dégagement plus marqué encore ; dans le début du style d’Angkor Vat première moitié du XIIe siècle, dégagement momentané.
265Evolution suivant une direction continue, logique en quelque sorte, tel nous apparaît le développement de la colonnette khmère comme d’ailleurs celui de l’architecture. La continuité, l’orientation constante sont surtout visibles après le passage de la colonnette ronde à la colonnette de forme octogonale dans la deuxième partie de l’art khmer.
266Plusieurs points de vue ont été considérés pour l’évolution de la colonnette : le décor surtout, la forme aussi, et, en arrière plan, le couronnement et la base.
267C’est la forme qui divise l’histoire de la colonnette en deux, correspondant aux deux grandes parties de l’art khmer tout entier.
La forme ronde est toujours employée aux VIe, VIIe, VIIIe siècles (dans ce que l’on nomme souvent, et d’après nous improprement : art préangkorien). C’est dès la fin du VIIe siècle que nous voyons de très rares et timides essais de forme octogonale, précurseurs du style du Kulên.
La forme octogonale est presque constante du début du IXe siècle jusqu’au XIIIe siècle. Elle caractérise le colonnette de la seconde et plus importante moitié de l’art khmer et s’oppose à la forme ronde de la grande période précédente. La forme carrée est une tentative sans lendemain pour les colonnes secondaires de la première moitié du IXe siècle ; la forme à seize pans une expérience à Angkor Vat, époque de rénovation, expérience courte et vite abandonnée ; la forme ronde le rappel du passé dans les périodes de renouvellement (style de Prah Kô au dernier quart du IXe siècle et style de Banteay Srei dans la deuxième moitié du Xe siècle) et parfois dans le prolongement de ces périodes mais elle ne se maintient pas.
268Le décor dans la première partie de l’art khmer orne d’abord le haut, le bas et le milieu du fût de la colonnette, on trouve là guirlande, bague et feuilles accompagnées de filets intermédiaires qui, vite, se multiplient ; le décor de part et d’autre de la bague apparaît ensuite. Nous assistons, comme sur les linteaux, au passage progressif de la guirlande au feuillage, avec coexistence un moment des deux motifs, et à l’adjonction aux feuilles de face de feuilles dont les pointes se recourbent sur un côté.
269A partir de la rénovation du début du IXe siècle et de l’adoption de la forme octogonale, le décor se divise nettement en deux :
270– Décor de bague et d’éléments en relief. Ces ensembles, nettement hiérarchisés, centre, quart, (ou sixième), huitième (ou dixième ou seizième) se multiplient séparant, à la fin de l’évolution (style d’Angkor Vat, trois premiers quarts du XIIe siècle), le fût de la colonnette en dix ou même douze parties. Chaque ensemble a des éléments de plus en plus nombreux : adjonctions à la bague et aux deux filets qui l’encadrent (trois éléments), d’un rang de boutons de lotus de chaque côté (cinq éléments), puis, de part et d’autre également, d’un rang de pétales montant (sept éléments), enfin, rarement, à l’extrême fin de l’art khmer, redoublement d’un des motifs, les pétales (neuf éléments).
271Les ensembles de moulures croissent en taille et leur relief s’accentue.
272– Décor des nus entre les bagues : feuilles vues de face, une sur chaque côté d’abord qui se multiplient en diminuant de taille, elles sont parfois séparées, aux époques de copie du passé et dans leur prolongement, de pendeloques souvent mal comprises (non seulement descendantes mais montantes). Le décor de cette feuille se modifie, s’enrichit, se diversifie aux époques de rénovation.
273Peu à peu, les feuilles se réduisent jusqu’à devenir un décor en dents de scie.
274Le couronnement est plus visible que la base de la colonnette si souvent détruite. Le manque de documents empêche ainsi de faire usage de cette base et c’est dommage car les petits personnages qui ornent les dés et qui sont trop rarement conservés auraient donné de précieuses indications.
275Ce que le couronnement a de plus particulier, c’est sa forme, assez simple à l’origine : bulbe, filet, évasement et abaque carré qui s’arrondit, se superposent. Cette forme se complique peu à peu mais paraît ne se modifier que légèrement pendant plusieurs siècles. Changement net dû sans doute à l’incompréhension vers le début du Xe siècle (style du Bakheng) : plusieurs bulbes se superposent, étant de plus en plus aplatis, on aboutit ainsi à l’empilement de moulures superposées comme une pile d’assiettes du style d’Angkor Vat (trois premiers quarts du XIIe siècle). La décadence de la colonnette semble bien correspondre à l’admirable style du Bayon (1181 à 1219 environ).
276La surcharge se maintient mais la hiérarchie disparaît.
277Plus de hiérarchie, plus de composition rythmant le fût de la colonnette et le terminant par un couronnement. Couronnement et petites feuilles en dents de scie ornant les nus disparaissent. Il ne reste plus que des bagues flanquées d’éléments, ensembles standardisés tous pareils, chacun suivi d’un nu peu élevé, cette alternance occupant toute la place disponible.
278Tant de pages pour suivre la vie d’un seul motif : la colonnette khmère ! Notre étude est-elle épuisée ? Aucunement. Bien des détails ont été omis et le regard fixé sur ce qui nous a semblé le plus caractéristique, nous avons traité en somme la disposition des éléments et du décor sur le fût.
279Si nous avions voulu être complet en nous bornant à la seule colonnette, si la destruction fréquente des extrémités de la colonnette ne l’avait pas empêché, il aurait fallu consacrer une étude presque aussi longue à son couronnement, à sa base dont le dé inférieur est souvent orné d’un personnage. Il aurait fallu aussi étudier le décor : d’une part, les divers décors sur les bagues, leur évolution ; d’autre part, les transformations des feuilles et des pendeloques avec le détail du décor des feuilles, ornementation dans la partie intérieure souvent trilobée, feuillage retourné remplaçant cette partie, fleuron terminant les feuilles.
280On aurait pu également comparer les colonnettes des portes avec celles qui encadrent parfois les personnages sur les murs et avec les piliers portant des galeries.
281De l’ensemble des notes prises sur place en 1936, ce qui concerne les colonnettes ne constitue qu’une partie, et nous n’avons utilisé qu’une fraction de cette partie : celle concernant la disposition des motifs sur le fût.
282La colonnette elle-même n’est qu’un des éléments du décor khmer. Le linteau est peut-être plus important encore. Les tympans et encadrements de fronton, les pilastres, les fausses portes, les soubassements, les moulures, le décor sur les murs, les divers types d’ornementation dans d’autres directions possibles, dans d’autres vies de motifs auraient pu être suivis.
283Que ce soit dans l’art khmer ou dans d’autres arts, quand on envisage la croissance, les inflexions des évolutions des motifs, on est submergé par la richesse de ce que contient d’éléments décoratifs un seul art.
Notes de bas de page
1 Le Bayon d’Angkor et l’évolution de l’art khmer, Geuthner, Paris, 1927, p. 124,
2 Gilberte de Coral Rémusat, L’art khmer. Les grandes étapes de son évolution, Paris, 1940 (p. 56) et 2e éd. 1951 (p. 51).
3 Le style du Kulên, in Bulletin de l’Ecole Française d’Extrême Orient (BEFEO), XXXVIII, I, 1938, pp. 116-127.
4 Hariharâlaya et Indrapura, BEFEO, XXXVIII, I, 1938, pp. 177-178.
5 Pierre Dupont, Les linteaux khmers du VIIe siècle, Artibus Asiae, XV 1/2,1952, p. 31 sqr.
6 Mireille Bénisti, Recherches sur le premier art khmer, III, Aux confins des styles de Prei Kmeng et de Kompong Preah, Arts Asiatiques, XXIII, 1971, pp. 93-134 et Rapports entre le premier art khmer et l’art indien, Publications de L’EFEO, Paris, 1970.
7 G. Yazdani, Ajantâ, Oxford, 1930-1955, I, pl. 35.
8 On verra à ce sujet Mireille Bénisti, Rapports entre le premier art khmer et l’art indien, I, pp. 73-76.
9 Sambor, monument 13, cliché Musée Guimet 313643/17. Mais c’est là peut-être le signe de nouvelles amorces, car le linteau, par plusieurs signes, se situe à la charnière style de Sambor – style de Prei Kmeng et semble même assez avancé dans ce passage d’un style à l’autre. L’absence de guirlandes et de pendeloques au sommet de la colonnette doit peut-être être attribuée à un même mouvement de tâtonnements nouveaux.
10 M. Bénisti, ibid., II, fig. 12 (colonnette au sol près de S. I).
11 Rejoignant ainsi l’idée de M. Bénisti (et avant elle, de P. Dupont) ; Arts Asiatiques, XXIII, pp. 113-114.
12 Henri Parmentier, L’art khmer primitif, 2 tomes, Paris, 1927, fig. 42.
13 Ces remarques concernant la colonnette octogonale n’existaient pas dans l’état premier du manuscrit, ce dernier a subi également quelques autres remaniements, à la suite de l’étude déjà citée de M. Bénisti (in Arts Asiatiques), plus précisément pp. 115-116 et fig. 47 (Prasat Sakhla).
14 ibid., fig. 50.
15 Ph. Stern, Le style du Kulên, pl L, D (et p. 117).
16 Ph. Stern, Hariharâlaya et Indrapura, pl LV, E.
17 M. Bénisti, ibid.
18 ibid., p. 116.
19 Pierre Dupont, Etudes sur l’Indochine ancienne. I. La dislocation du Tchen-la et la transformation du Cambodge angkorien, BEFEO, XLIII, pp. 17-55.
20 Pour plus de détails sur le style du Kulên et les données historiques, voir notre étude dans le BEFEO, XXXVIII, I, 1938, pp. 111 à 149 pour l’ensemble, et 116 à 123 pour les colonnettes et également notre étude sur “Hariharâlaya et Indrapura” (ibid., pp. 175-197).
21 Pour l’ensemble de cette période et l’étude des linteaux, voir “Hariharâlaya et Indrapura”, ibid., p. 178 et pp. 186-189.
22 cliché Musée Guimet 3136125/3.
23 cliché Musée Guimet 3136127/19.
24 cliché Musée Guimet 313611/35.
25 cliché Musée Guimet 3136127/18.
26 Gilberte de Coral Rémusat, Le procédé des emprunts aux styles passés dans l’art khmer, Arts Asiatiques, 1954, 1/2, p. 118.
27 Ph. Stern, Diversité et rythme des fondations royales khmères, BEFEO, XLIV, 2, p. 649.
28 Jean Boisselier, Beṅ Mala et la chronologie des monuments du style d’Aṅkor Vāt BEFEO, XLVI, p. 201.
29 ibid., pl. I.
30 ibid., p. 201.
31 ibid., p. 201 et pl. I.
32 ibid.
33 cliché Musée Guimet 31341/48.
34 Arts Asiatiques, 1954, 1/2, pp. 118 sqr.
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