Notes
p. 119-178
Texte intégral
2. Allusion au couronnement d’Æneas Silvius Piccolomini comme poète par l’empereur Frédéric III, qui désirait poursuivre la tradition établie par ses prédécesseurs. La cérémonie s’est déroulée le 27 juillet 1442 à Frankfort (cf. K. Adel, Enea Silvio Piccolomini : Papst und Humanist, p. 122 et J. Ch. Lemaire, « La traduction française du De curialium miseriis d’Æneas Silvius Piccolomini », dans Die kulturellen Beziehungen zwischen Italien und den anderen Ländern Europas im Mittelalter, p. 128 ; F.-R. Hausmann, « Enea Silvio Piccolomini « poeta » und die Rezeption der heidnischen Antike », dans Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 35, 1973, p. 442) et est immortalisée par une fresque du Pinturicchio (1454-1513) peinte sur les murs de sacristie du dôme de Sienne (cf. W. Boulting, Æneas Silvius (Enea Silvio de’ Piccolomini - Pius II). Orator, Man of Letters, Statesman and Pope, pp. 112-113).
3. Piccolomini, auteur de la De curialium miseriis epistola, est monté sur le trône de saint Pierre le 19 août 1458, la mort de Calixte III ayant laissé le siège pontifical vacant. Il prit le nom de Pie II (cf. Lexikon für Theologie und Kirche, t. 8, cc. 528-530 et C. Ugurgieri della Berardenga, Pio II Piccolomini, pp. 201-215 pour les détails sur le conclave). L’allusion à l’élévation de Piccolomini à la papauté dans la rubrique initiale du ms. Paris, B.N., fr. 1988 permet de dater au plus tôt de la seconde moitié de l’année 1458 le terminus post quem de la réalisation de ce ms.
5. Sur la personnalité de ce Jehan Ech (ou de Ech, de Eich), les biographies courantes restent muettes. Seul le Lexikon für Theologie und Kirche (t. 3, c. 1325) retrace dans les grandes lignes la carrière ecclésiastique de ce personnage. Pour connaître plus de détails sur la vie de Johannes von Eych (« uno degli amici più cari del nostro Enea » selon G. Paparelli, Enea Silvio Piccolomini (Pio II), p. 100 ; voir aussi G. Paparelli, Enea Silvio Piccolomini. L’umanesimo sul soglio di Pietro, pp. 78 et 93) et sur les relations qu’il a pu entretenir avec Piccolomini, on consultera utilement l’ouvrage déja ancien de Max Hermann, Albrecht von Eyb und die Fruhzeit des Deutschen Humanismus, Berlin, 1893, pp. 215-219. Rappelons brièvement que, allemand d’origine, Johannes von Eych a étudié le droit à Padoue et à Vienne, où il obtint une chaire de droit canonique vers 1430. Il participe au concile de Bâle (1431-1437) comme délégué de l’empereur Albert II, y rencontre Piccolomini et s’y lie d’amitié avec lui (voir les ll. 191-192). L’auteur de l’épître anticuriale aurait exercé sur le secrétaire-conseiller de l’empereur une influence déterminante et lui aurait inspiré une grande aversion pour les réformes de l’Église.
Élu évêque d’Eichstätt en octobre 1445 (voyez la lettre de félicitations que Piccolomini lui adresse à cette occasion dans Der Briefwechsel des Eneas Silvius Piccolomini, éd. Wolkan, t. 1, lettre no 190, pp. 556-561), Johannes von Eych n’a cessé d’entretenir une vaste correspondance par laquelle il manifeste ses talents d’humaniste et sa fine connaissance de la langue latine classique. Son activité politique aussi reste importante et ses conseils sont écoutés dans l’entourage du duc d’Autriche Albert VI. Élevé par Pie II à la pourpre cardinalice en 1462, l’évêque d’Eichstätt meurt dans cette ville le 1er janvier 1465.
6-7. Le prince Aubert Cesar que Piccolomini évoque n’est pas Albert VI le Prodigue (au service de qui Johannes von Eych a été appelé) : ce prince ne peut être nommé Cesar, puisqu’il ne fut jamais empereur. Il s’agit plutôt du duc d’Autriche Albert V le Magnanime (1397-1439), élu empereur des Romains en 1438 et connu sous le nom d’Albert II. Ses victoires contre les Hussites lui valent d’être qualifié de trés victorieulx (voir l. 6) (cf. M. Dugast-Rouillé, Les maisons souveraines de l’Autriche, s.l., 1967, p. 89).
17. L’adj. poss. leurs renvoie à princes (de la l. 15).
Le verbe coarter – qui est censé traduire le lat. arcēre (éd. Mustard, p. 21, l. 6 ; éd. Wolkan, p. 453, l. 8 : quoniam uidear homines ab eorum obsequiis arcere) signifiant « écarter, défendre l’accès à » (Freund et Theil, 1, 210c ; Le Grand Gaffiot, 156c) – est inconnu sous cette forme des dictionnaires usuels (F.E.W., 2, 804b-805b). Avec un sens très voisin (« réprimer, restreindre »), le F.E.W. (2, 820b) et Hug. (2, 322b) enregistrent la forme coarcter, dont l’apparition dans la langue ne remonterait pas plus haut qu’au XVIe siècle, quoique le T.L.F. (5, 954a) cite un exemple daté de 1478. En lat., coactare, coartare et coarctare sont souvent considérés comme les formes d’un seul et même verbe (Ernout et Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire des mots, p. 17b et Freund et Theil, 1, 522b ; mais Le Grand Gaffiot, 333b et 335a).
24. L’adj. poss. leurs de leurs oreilles renvoie au pron. pers. les (l. 23), mis pour princes (l. 21).
32. Le verbe *derelinquer (= « abandonner ») est un hapax. Il traduit le verbe lat. deserantur dans la proposition ut regum aulae deserantur (éd. Mustard, p. 21, ll. 17-18). Selon les dictionnaires usuels, seule la forme derelinquir est attestée (F.E.W., 10, 233a ; God., 2, 524b). L’inf. * derelinquer paraît être construit à partir de relinquer, apparu vers 1390 (F.E.W., 10, 232b ; God., 6, 766c ; Hug., 6, 465b).
32-33. Le membre de phrase car tousjours infini sera le nombre des folz rappelle l’expression biblique et stultorum infinitus est numerus (Ecclesiastes, 1, 15).
34. Correction de puissent en puisse, forme du singulier, puisque le sujet vie bieneuree est singulier.
35-54. Piccolomini reprend ici une idée déjà émise par Pierre de Blois dans son épître CL, adressée aux clercs de la cour du roi (Opera omnia, éd. Giles, t. 2, pp. 82-83). La question des sources littéraires de la De curialium miseriis epistola a été étudiée de manière approfondie par Berthe Widmer, « Zur Arbeits-methode Enea Silvios im Traktat über das Elend der Hofleute », dans Lettres latines du Moyen Âge et de la Renaissance, éd. Cambier, Deroux et Préaux, 1978, (coll. « Latomus », 158), pp. 183-206, qui a magistralement mis en évidence la dette de Piccolomini à l’égard du De infelicitate principum de Poggio Bracciolini (1380-1459) et de l’Epistola xiv (intitulée Ad sacellanos aulicos regis Anglorum) de Pierre de Blois (1135-1212). Elle a aussi été abordée par W. Mustard dans les notes de son édition. Notre dette à l’égard de ces deux travaux est, pour ce qui concerne les réminiscences de la littérature antérieure indiquées dans les présentes notes, particulièrement lourde. Sur la nature des sources auxquelles se réfère Piccolomini et sur leur mise en œuvre, voir Jacques Ch. Lemaire, « L’originalité de la traduction du De curialium miseriis dans la littérature anticuriale française du temps », dans International Journal of the Classical Tradition, 2, 1996, pp. 360-371.
39-41. Comparez avec I Epistola Petri, 2, 13-14 : Suiecti igitur estote omni humanae creaturae propter Deum, sive regi quasi praecellenti, sive ducibus tamquam ab eo missis.
41-42. Sauf à considérer que le mot treslongné est un hapax formé à partir du verbe esloigner, ce qui paraît improbable, on tiendra treslongné pour une faute née d’une haplologie. La correction de treslongné en trés eslongné paraît nécessaire. La version latine dit : Absit autem a me scelus hoc (éd. Mustard, p. 22, l. 1).
45-46. Citation de Matth., 22, 21 : Reddite ergo quae sunt Caesaris Caesari, et quae sunt Dei Deo. Voyez aussi Marc, 12, 17 ; Luc, 20, 25 ; Ad Romanos, 13, 7.
47. Saint Paul lui-même s’attribue le titre de doctor Gentium dans I Ad Timotheum, 2, 7 : in quo positus sum ergo praedictor et apostolus (veritatem dico, non mentior), doctor Gentium in fide et veritate.
48-49. Voyez Ad Romanos, 13, 1 : Omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit, non est enim potestas nisi a Deo.
50-54. De son côté, Pierre de Blois défend une idée semblable quand il écrit dans son épître cxlix : Nulli, nisi vobis duobus, in curia scribo : unicam enim post Deum in vobis spei meae anchoram fixi (Opera omnia, éd. Giles, t. 2, p. 81).
50. L’absence de pron. pers. sujet empêche de savoir à quelle personne est conjugué le verbe crie. Il faut se reporter au texte latin pour apprendre que crie est employé à la première personne de l’ind. pr. : Clamo igitur et ego, Obedite princibus vestris, omnes populi (éd. Mustard, p. 22, l. 7).
On constatera que le traducteur laisse Tout peuple au singulier, alors que la version latine met cette apostrophe au pluriel (éd. Mustard, p. 22, ll. 7-9 ; éd. Wolkan, p. 454, ll. 9-10, mais ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 49r : Obedite principus uestris omnis populus suiicite uos sublimioribus uestris omnis gens). Dans le cas présent, il n’est pas nécessaire d’amender, la forme plurielle du verbe obeissiez (l. 59) pouvant s’expliquer par accord ad sensum (Foulet, Petite syntaxe, no 290, pp. 201-202 ; Buridant, Grammaire, no 307, p. 386 ; Hasenohr, Introduction, no 259, p. 183 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 325).
51. La même explication vaut pour la forme plurielle de soiez, dont le sujet mis en apostrophe (Toute gens) est un nom de sens collectif au singulier. Dans les deux éditions modernes de la version latine, l’apostrophe est cependant au pluriel : subjicite uos sublimioribus potestatibus, omnes gentes (éd. Mustard, p. 22, ll. 8-9 ; éd. Wolkan, p. 454, ll. 9-10).
51-54. Reprise de l’idée émise dans la citation des ll. 45-48 (I Epistola Petri, 2, 13).
56-57. Citation tirée des Psalmi, 145, 2-3 : Nolite confidere in principibus, in filiis hominum, in quibus non est salus.
58. L’auteur s’adresse précisément à Johannes von Eych (te contitue respondeur), à qui il dédie sa De curialium miseriis epistola et de qui il espère un soutien pour ses positions anticuriales.
La marque du pluriel est mise au pron. pers. indéfini aucuns, sujet de vouloient, suivant les habitudes graphiques du copiste (voyez des cas similaires d’emploi d’aucuns aux ll. 10, 29, 312, 712, 753, 968, 1137, 1637, 1706).
59. Le ms. porte ne, faute grossière, au lieu de me. L’erreur de transcription a été corrigée. Comparez avec le texte latin : Si qui sint qui uelint me amplius impugnare (éd. Mustard, p. 22, ll. 16-17 ; éd. Wolkan, p. 454, ll. 15-16).
62. La leçon du ms. Il ne premet prohemialement que... est illogique : la négation ne est superflue. Comme la confusion graphique entre ne et me est possible, l’adverbe ne a été remplacé par le pronom me.
L’adv. prohemialement (= « en guise de préliminaire ») est un hapax (F.E.W., 9, 446b), probablement construit à partir de l’adj. proemial (= « préliminaire »), seulement attesté au XVIe siècle (Hug., 6, 205a).
63. La répétition de la dans le ms. est une banale dittographie. La faute a été corrigée.
67-68. Le père d’Æneas Silvius Piccolomini portait aussi le prénom Silvius. Dans la famille, on l’appelait ordinairement Silvio Postumo (cf. C. Ugurgieri della Berardenga, Pio II Piccolomini, p. 28 et Vittorio Spreti, Enciclopedia storico-nobiliare italiana, Milano, 1932, t. 5, p. 327b). La phrase contient une redondance, puisque postume signifie déjà « né après la mort du père » (God., 10, 386a et F.E.W., 9, 252a). Notons que cette redondance se trouve aussi dans le texte de Piccolomini : Genitor meus Siluius, qui mortuo patre posthumus natus est (éd. Mustard, p. 22, ll. 19-20).
69. L’antique duc de Milan qu’évoque l’auteur est Gian Galeazzo Visconti (1351-1402), duc de Milan, au service de qui Silvio Postumo fut appelé (cf. C. Ugurgieri della Berardenga, Pio II Piccolomini, pp. 28-29), mais qu’il quitta après peu de temps en raison des insatisfactions que la cour lui causa (voyez l’allusion des ll. 70-71).
La traduction suit la version contenue dans le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57, f. 49v et dans l’éd. Wolkan, p. 454, ll. 18-19 (apud antiquum ducem mediolanensem huius hodierni ducis patrem) plutôt que celle de l’éd. Mustard, p. 22, ll. 21-22 (apud antiquum Ducem Mediolanensem huius Philippi Ducis patrem).
70. Le duc de Milan contemporain du futur Pie II est Filippo Maria Visconti (1392-1467), sixième fils de Gian Galeazzo (cf. comte Pompeo Litta, Famiglie celebri di Italia, Milano, Giusti, 1819-1874, t. 8, table vi).
La faute de transcription commise par le copiste (on lit emenus au lieu de ennuis) a été corrigée. Comparez avec le texte latin : affectusque tandem curiae taediis (éd. Mustard, p. 22, ll. 22-23).
71. Une photographie du palais des Piccolomini à Sienne est reproduite dans l’article de John S. Morrall, « Pius II Humanist and Crusader », dans History Today, 8, 1958, p. 33.
75. Le mot pere, omis par le copiste, a été rétabli. Comparez avec Is, cum ad se duo Senenses iuuenes admodum nobiles accessissent, et an regi seruire conduceret percunctati fuissent, sic respondit (éd. Mustard, p. 22, ll. 25-27).
76-122. B. Widmer (« Zur Arbeitsmethode Enea Silvios im Traktat über des Elend der Hofleute », pp. 186-188) a établi que ce long passage est tout entier adapté d’un extrait du De infelicitate principum de Poggio Bracciolini (éd. Canfora, pp. 57-58). Selon toute probabilité, Piccolomini a travaillé sur un état du texte du De infelicitate principum dont l’actuel ms. Münich, B.S.B., Clm 14314 constitue une copie directe (éd. Canfora, pp. cxxxviii-cxxxiv). Il ne disposait peut-être pas de l’ouvrage dans sa retraite de Bruck an der Mur, où il rédige sa De curialium miseriis epistola, mais il s’y était muni de notes, sans doute prises à la cour de Frédéric III, sise à Wiener Neustadt (cf. K. Sidwell, « Il De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini e il De infelicitate principum di Poggio Bracciolini », dans Studi Umanistici Piceni, 14, 1994, p. 201).
76-79. Allusion au personnage de Ménippe qui, dans le dialogue de Lucien intitulé Ménippe ou la Nékyomancie, explique à son interlocuteur Philomidès que, dans son enfance, il croyait que les rapts, les adultères et les violences commis par les dieux sont honnêtes et qu’on peut prendre plaisir à lire leurs aventures dans Homère et dans Hésiode (cf. Luciani Samosatensis Opera, éd. Jacobitz, t. 1, p. 192 et 459). Comme Piccolomini ignorait le grec, il n’a pas pu lire les œuvres de Lucien de Samosate dans le texte. L’évocation de Ménippe a été puisée par le futur pape dans la lettre anticuriale de Poggio Bracciolini (voir les références dans la note précédente), traducteur de Lucien (cf. K. Sidwell, « Il De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini e il De mercede conductis di Luciano », dans Luisa Rotondi Secchi Tarugi, Pio II e la cultura del suo tempo. Atti del I convegno internazionale. 1989, pp. 333 et 338 ; K. Sidwell, « Il De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini e il De infelicitate principum di Poggio Bracciolini », dans Studi Umanistici Piceni, 14, 1994, pp. 199-200 ; Iiro Kajanto, « Poggio Bracciolini’s De infelicitate principum and its classical sources », dans International Journal of the Classical Tradition, 1, 1994, p. 31 et D. Canfora, « Due fonti del De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini : Bracciolini e Lucrezio », dans Archivio Storico Italiano, 64, 1996, pp. 480-482).
80. Pour faciliter la compréhension, il convient d’introduire le pronom relatif que, omis par le copiste du ms. Comparez avec nam quod dii faciant, quis non arbitretur honestum ? (éd. Mustard, p. 23, ll. 1-2).
82. Le texte est ici incomplet : le mot turpia (également absent de la version du ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 49v) n’a pas été rendu. Comparez avec cum illa tanquam turpia prohiberi legibus animaduerteret (éd. Mustard, p. 23, ll. 2-3 ; éd. Wolkan, p. 454, l. 28).
87-88. La leçon du ms. vanité de douleurs ne se comprend pas. Le terme vanité est corrigé en vacuité, nom bien attesté dès le XIVe siècle (F.E.W., 14, 109b et God., 10, 826b), suivant le modèle du texte original latin : alii uacuitatem doloris (éd. Mustard, p. 23, l. 7). L’expression uacuitas doloris est sans doute empruntée par Piccolomini à Cicéron (voyez Hieronymo doloris uacuitas dans De finibus, éd. Martha, t. 1, p. 78, II, xi, 35).
90-91. Piccolomini fait explicitement référence à une expression utilisée par Térence. Comparez Incertior igitur ille multo quam antea (éd. Mustard, p. 23, ll. 9-10) et Incertior sum multo quam dudum (Térence, Phormion, dans Œuvres, éd. Marouzeau, t. 2, p. 148, v. 459).
92-98. Le passage tout entier est librement repris par Piccolimini au De infelicitate principum de Poggio Braccioloni (éd. Canfora, p. 58).
92. Dans sa lettre, Piccolomini emploie à juste titre le verbe penetrare = « entrer dans » (Freund et Theil, 2, 739b ; Le Grand Gaffiot, 1151b) : et ad inferos penetrauit (éd. Mustard, p. 23, l. 11). En utilisant le verbe moyen fr. penetrer avec le complément vers ceulz qui sont en bas, le traducteur ne donne pas à ce mot son sens habituel (« entrer dans, s’introduire dans » : T.-L., 7, 647 ; God., 10, 512b ; D.M.F. 1, 1 ; F.E.W., 8, 187a), puisqu’il n’est pas logiquement possible « d’entrer dans » des personnes, mais lui attribue une signification non encore attestée : « aller vers, s’avancer vers ». En réalité, c’est le terme inferos qui est mal traduit : il désigne généralement « les choses qui sont en bas, le monde souterrain, l’enfer » (Freund et Theil, 2, 219b ; Le Grand Gaffiot, 822b), et non pas obligatoirement les « individus qui sont sous terre ».
93. Tirésias est un célèbre devin de l’Antiquité. Les légendes mythologiques rapportent qu’il devint aveugle parce qu’il avait aperçu par accident la déesse Pallas toute nue. En échange de la vue qui lui avait été ôtée, Jupiter lui accorda le don de prédire l’avenir (Homère, Odyssée, éd. Bérard, t. 2, p. 77, ch. X, vv. 491-492 ; Ovide, Métamorphoses, éd. Lafaye, t. 1, pp. 79-80, vv. 316-338).
95. L’emploi du subjonctif dans la proposition subordonnée temporelle introduite par aprés que est une faute en moyen fr., comme en fr. mod. Dans le cas présent, cette faute s’explique sans doute par l’influence du texte latin sur l’esprit du traducteur : en latin, l’emploi du subjonctif dans ce cas (c’est-à-dire après un cum historique) est tout à fait correct (Riemann et Ernout, Syntaxe latine, no 224, pp. 434-435 ; Michel, Grammaire, no 496, p. 283) : cum uates diu respondere negasset (éd. Mustard, p. 23, l. 13).
On traduira differer par « refuser », sens plus rare, mais néanmoins bien attesté (F.E.W., 3, 73b).
96-98. La traduction s’écarte doublement de l’original latin. Comparez avec Apud priuatos, inquit, optimam uitam, hoc est, fœlicitatem, inuenies (éd. Mustard, p. 23, ll. 14-15 ; éd. Wolkan, p. 455, ll. 1-2). Elle ajoute l’adverbe finablement et, comme certains témoins de la tradition textuelle, simplifie la formulation optimam uitam, hoc est, fœlicitatem (voir ms. Bruxelles, B.R., 10856-57, f. 50r : apud priuatos uiros optimam inquit felicitatem inueniri).
98-105. Piccolomini rappelle l’exemple de Gygès que Valère Maxime allègue dans le chapitre intitulé « Du bonheur » des Faits et dits mémorables : le roi de Lydie Gygès étant allé interroger Apollon Pythien pour savoir s’il existait un mortel plus heureux que lui, le dieu lui désigna Aglaüs de Psophis, le plus pauvre des Arcadiens, qui se contentait des maigres ressources de son petit champ. Par cette réponse, Apollon entendit montrer au roi que le bonheur ne réside ni dans la richesse, ni dans la puissance (Valère Maxime, Facta et dicta memorabilia, éd. Briscœ, t. 2, p. 437, l. VII, I, 2). Selon toute probabilité, Piccolomini n’a pas repris directement l’anecdote relative à Gygès et Aglaüs dans Valère Maxime, mais il en a pris connaissance dans le traité anticurial de Poggio Bracciolini (voir le De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 57 ; K. Sidwell, « Il De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini e il De mercede conductis di Luciano », dans Luisa Rotondi Secchi Tarugi, Pio II e la cultura del suo tempo. Atti del I convegno internazionale. 1989, pp. 339-340 et D. Canfora, « Due fonti del De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini : Bracciolini e Lucrezio », dans Archivio Storico Italiano, 64, 1996, p. 483).
104. La relative n’est pas très exactement traduite. Voir qui metas agelli sui cupiditate nunquam excesserat (éd. Mustard, p. 23, ll. 20-21 ; éd. Wolkan, p. 455, ll. 6-7). Dans le ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, le complément cupiditate manque également (f. 50r).
107. Telle qu’elle figure dans le ms., la proposition comme il soit ainsi que felicité n’aient aucune partie n’est pas intelligible. On a donc introduit la préposition de devant felicité. On notera aussi que le sujet de aient est roys (l. 106). Comparez avec Nam cum ipsi fœlicitatis expertes sint (éd. Mustard, p. 23, ll. 23-24 ; éd. Wolkan, p. 455, l. 9).
113-118. Passage directement inspiré à Piccolomini par le De infelicitate principum de Poggio Bracciolini (éd. Canfora, p. 58). Voir D. Canfora, « Due fonti del De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini : Bracciolini e Lucrezio », dans Archivio Storico Italiano, 64, 1996, p. 484.
113-115. La phrase Les vertus (…) des sales des princes offre un exemple typique de la manière dont le traducteur respecte, parfois trop scrupuleusement, l’ordre des mots de phrase de son modèle latin. Comparez avec uirtutes enim, o iuuenes, fœlicis uitae sunt effectrices ; quae a principum domiciliis exclusae (éd. Mustard, p. 23, ll. 27-29). Dans le cas présent, le relatif lesquelles (l. 114) aurait pu être avantageusement remplacé par et.
116. Le sujet de avoient eu est vertus (l. 113). Le passage tout entier (ll. 115-118) est difficile à interpréter en raison d’une lacune (notée à la l. 118). On comprendra : « Si quelquefois, par hasard ou par erreur, les vertus sont entrées dans les maisons des princes, bien vite elles doivent fuir, tout épouvantées par les mœurs malhonnêtes dans lesquelles on vit dans les grands palais. » Comparez avec Si quando casu aut errore limen ingrediuntur, e uestigio coguntur fugere, perterritae sinistris moribus quibus in altis palatiis uiuitur (éd. Mustard, p. 23, l. 29-p. 24, l. 1).
123-126. Le terme nebulones (= « vauriens ») n’a pas été traduit. La version originale comprend le texte suivant : ut agrum hunc histriones et adulators et alios nebulones metere sinatis, qui nigrum in candida uertunt (éd. Mustard, p. 24, ll. 5-7 ; éd. Wolkan, p. 455, ll. 20-21). Mais le manuscrit Bruxelles, B.R., 10856-57 comporte la leçon et alios metere sinatis (f. 50v).
125-126. L’expression employée par Piccolomini qui nigrum in candida uertunt (éd. Mustard, p. 24, l. 7) est probablement empruntée à Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 25, III, vv. 29-30) : Viuant Artorius istic
et Catulus, maneant qui nigrum in candida uertunt.
À propos de l’influence directe des Satires de Juvénal sur la De curialium miseriis epistola, voir G. Manacorda, « Notizie intorno alle fonti di alcuni motivi satirici ed alla loro diffusione durante il Rinascimento », dans Romanische Forschungen, 22, 1908, pp. 735-736 ; K. Sidwell, « Il De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini e il De mercede conductis di Luciano », dans Luisa Rotondi Secchi Tarugi, Pio II e la cultura del suo tempo. Atti del I convegno internazionale. 1989, p. 333 et N. Caccia, Note su la fortuna di Luciano nel Rinascimento. Le versioni e dialoghi satirici di Erasmo da Rotterdam e di Ulrico von Hutten, Milano, Signorelli, 1914, pp. 110-121.
128-130. Piccolomini (éd. Mustard, p. 24, ll. 10-11) cite exactement le texte de Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 25, III, vv. 23-24) :
res hodie minor est here quam fuit atque eadem cras
deteret exiguis aliquid.
131-132. L’apposé de leur conseil non sain et furieux revoquéz présente les mots dans un ordre inhabituel. Comparez avec ab insano proposito reuocati (éd. Mustard, p. 24, ll. 12-13).
132. La préposition en est omise dans le ms. Elle est rétablie sur le modèle de l’expression en contemplacion de, bien attestée au XVe siècle (F.E.W., 2, 402b ; God., 9, 172c-173a ; Hug., 2, 475a).
La référence aux Muses, divinités païennes, a été supprimée par le traducteur. Comparez avec Musis uiuere decreuerunt (éd. Mustard, p. 24, ll. 13-14 ; éd. Wolkan, p. 455, l. 26).
138. Selon les dictionnaires usuels, le nom frivolitéz (que l’on traduira par « bagatelles, futilités, extravagances ») n’existe pas en moyen fr. ; le fr. mod. frivolité ne serait apparu dans le lexique qu’en 1718 avec le sens de « caractère de ce qui est frivole » (T.L.F., 8, 1280a) et en 1802 avec le sens de « chose frivole » (F.E.W., 3, 813b). L’ancienne langue utilisait le nom frivoles (< lat. frivola) pour désigner les « bagatelles » ou les « futilités » (God., 4, 153b ; T.-L., 3, 2272-2273 ; Hug., 4, 219a). Dans le contexte, les noms forceneries et frivolitéz traduisent le terme latin uesanias qui signifie « folies, extravagances, délires » (Freund et Theil, 3, 570c ; Le Grand Gaffiot, 1693b) : comparez avec quamuis saepe et multum ne per principum uesanias me irem perditum admonuerit (éd. Mustard, p. 24, ll. 16-17).
139. Le part. passé creancé se traduit par « estimé, cru ». Comparez avec ueramque patris sententiam inuenio (éd. Mustard, p. 24, ll. 18-19). Le verbe creancer est attesté en moyen fr., mais dans d’autres sens que celui qu’on lui a attribué : Hug. (2, 630a) le traduit par « essayer, goûter » ; le F.E.W. (2, 1303ab) propose deux significations : « se porter garant de » et « faire l’essai des mets devant le prince » ; T.L.F. (6, 440a) traduit par « donner en gage » et, sous la forme creanter, D.M.F. 1, 3 et 4, propose « assurer, garantir ».
141-142. Passage traduit de manière infidèle. Comparez avec grauique tuo iudicio ac censurae remittere cuncta (éd. Mustard, p. 24, ll. 20-21). L’éd. Wolkan (p. 455, ll. 31-32) et le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57 (ff. 50v-51r) ne reproduisent pas le complément coordonné ac censurae.
143-147. Voyez la note de la l. 5.
144-148. Le concile de Bâ1e (1431-1437) était en train de se dérouler quand le duc Albert V le Magnanime devint roi de Hongrie (1437), à la suite de la mort du père de sa femme Élizabeth, l’empereur Sigismond de Luxembourg (1368-1437) (cf. M. Dugast-Rouillé, Les maisons souveraines de l’Autriche, p. 89). Les délégations royales ou princières auprès des pères conciliaires furent nombreuses : apportant avec elles toutes leurs rivalités, elles soulevèrent de délicates questions de préséance et contribuèrent malencontreusement à ralentir les travaux des docteurs de l’Église (cf. Joseph Gill, Constance et Bâle-Florence, Paris, Éd. de l’Orante, 1965, (« Histoire des conciles œcuméniques », 9), pp. 191-192).
145. Il faut corriger demandoie en demandoies, forme de la 2e personne du singulier de l’indicatif imparfait. Comparez avec orator suus in Basiliensi Concilio benedictionem sibi ex Patrum cœtu petebas (éd. Mustard, p. 24, ll. 23-25).
148-149. Une intéressante précision historique relative à la longueur du règne impérial n’a pas été notée. Comparez avec atque postquam is quoque uita functus est, non enim triennio toto imperauit, ad nepotem eius Albertum Austriae Ducem te contulisti (éd. Mustard, p. 24, ll. 25-28 ; éd. Wolkan, p. 455, l. 37-p. 456, ll. 1-2). La lacune s’observe aussi dans la version du ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 51r.
149. Le duc Albert d’Autriche qui est évoqué est Albert VI le Prodigue (1418-1463), fils du duc Ernest Ier et frère de l’empereur Frédéric III (cf. M. Dugast-Rouillé, Les maisons souveraines de l’Autriche, p. 94 et M. Wagendorfer, Studien zur Historia Austrialis des Aeneas Silvius de Piccolominibus, pp. 161-163).
La leçon du ms. Antioche est évidemment une culpa pennae pour Autriche. Le texte original latin dit : ad nepotem eius Albertum Austriae Ducem te contulisti (éd. Mustard, p. 24, ll. 28-29).
156-157. Le membre de phrase française je suis en la cause ou tu es est un décalque de l’expression latine sum ego quoque in eadem in qua tu es causa (éd. Mustard, p. 25, ll. 5-6), elle-même reprise à Cicéron : cum in eadem causa in qua ergo fuisset (Pro M. Marcello oratio, éd. Lob, p. 36, I, 2).
157. Piccolomini exagère quelque peu quand il affirme qu’il est lié depuis quinze ans à la servitude de cour, puisque sa lettre à Johannes von Eych date de la fin de l’année 1444 et qu’en 1431, soit treize ans plus tôt, il se dit toujours à la recherche d’un emploi ou d’une charge (Spinto dal desiderio di ascoltare nuovi maestri, di vedere gente nuova e nuove regioni, e suprattuto dall’assillo di trovare un impiego, nel 1431 Enea Silvio intraprese un viaggio che lo porto, prima a Milano (...) poi a Pavia, a Padova, a Ferrara selon C. Ugurgieri della Berardenga, Pio II Piccolomini, p. 46). Sur les souvenirs que son état de courtisan a laissés à Piccolomini et sur les témoignages qu’il en livre dans sa correspondance, voir G. Paparelli, « Il De curialium miseriis », dans Enea Silvio Piccolomini. Papa Pio II, pp. 214-215.
La traduction introduit une dimension de succession temporelle (maintenant… autreffois) qui ne correspond pas à la réalité par rapport au moment où Piccolomini rédige son épître (1444), mais qui s’applique évidemment à sa position de chef de l’Église, à partir de 1458. La version originale place les circonstances de la vie curiale menée par l’auteur en simultanéité alternée. Voir et nunc ecclesiasticos, nunc saeculares secutus sum principes (éd. Mustard, p. 25, ll. 7-8 ; éd. Wolkan, p. 456, l. 8)
164-165. La relative explicative qui sont en court se rapporte à meurs et non à autres. Comparez avec idcirco me mores curiae coram aliis detestari (éd. Mustard, p. 25, ll. 11-12).
165-166. Saint Bernardin de Sienne (1380-1444), canonisé en 1450 (c’est-à-dire six ans après la rédaction de l’épître anticuriale de Piccolomini), prêcha à Milan de 1417 à 1419. C’est probablement à cette époque que remonte l’épisode évoqué par l’humaniste italien qui en a peut-être été un témoin direct (cf. Paul Thureau-Dangin, Un prédicateur populaire dans l’Italie de la Renaissance. Saint Bernardin de Sienne (1380-1444), Paris, Plon, 1896, pp. 53-61). L’usure fait souvent l’objet des prédications de saint Bernardin (voyez, e. a., les Sermone di S. Bernardino da Siena sulle soccite di bestiami, éd. Cesare Riccomanni, Bologna, 1862, (« Scelta di curiosità letterarie inedite o rare dal secolo XIII al XIX ». Dispensa XIII), pp. 30-31).
177. Emprunt à I Ad Corinthios, 7, 23 : Solutus es ab uxore ? Noli quærere uxorem.
179. Á cet endroit, la leçon du ms. ne se comprend pas. Il convient de supprimer les unes dans le texte, faute introduite par le traducteur ou par le copiste. Comparez avec at hi postquam libertatem sunt assecuti, mox alteram ducunt coniugem, ut uix quidem exequias defunctae ualeant expectare (éd. Mustard, p. 25, ll. 23-25 ; éd. Wolkan, p. 456, ll. 21-23).
185-191. Piccolomini (éd. Mustard, p. 25, ll. 29-30 et p. 26, ll. 1-2) emprunte cette citation aux Satires d’Horace (éd. Villeneuve, p. 31, I, I, vv. 17-19) :
iam faciam quod uoltis : eris tu, qui modo miles,
mercator ; tu, consultus modo, rusticus. Hinc uos
uos hinc mutatis discedite partibus. Heia,
quid statis ? nolint..
189. La répétition de departez vous de la n’est pas une dittographie, mais une transposition assez peu élégante en moyen fr. du lat. Hinc uos, uos hinc (...) discedite (éd. Mustard, p. 25, l. 30-p. 26, l. 1).
192-196. Les considérations de Piccolomini sur l’ambition constituent probablement un emprunt à l’épître anticuriale de Pierre de Blois (Epistola xiv, dans Opera omnia, éd. Giles, t. 1, p. 48).
193. Le traducteur emploie le nom imitateur à la forme masculine, alors que, selon le F.E.W. (4, 570a), la forme féminine imitatrice est attestée depuis le XIVe siècle. Cependant God. (9, 783b) n’en cite pas d’exemple et le T.L.F. (9, 1163b) date imitatrice de 1530. Dans l’original latin, le nom apposé au pronom relatif sujet est décliné au nominatif féminin singulier : quae tanquam aemula caritatis omnia fert onera quamuis grauissima (Mustard, p. 26, ll. 4-5).
197-198. On comprendra l’expression a nostre ame gaigner par « à mériter le salut de notre âme », ame étant employé par métonymie. Le texte offre d’autres attestations de cette expression (voyez les ll. 253 et 1152) ou de la formule perdre son ame (ll. 1228-1229, 1252, 1470-1471). La version latine contient déjà la formule métonymique : et animam potius lucrari quam uanam uenari gloriam studeremus (éd. Mustard, p. 26, ll. 6-8).
199. La leçon recaptiveroient est une faute de plume pour se captiveroient, le verbe recaptiver n’existant pas en moyen fr. (F.E.W., 2, 331b). Nous avons procédé à la correction. Comparez avec haud multi profecto in haec taedia sese reciperent (éd. Mustard, p. 26, ll. 8-9 ; éd. Wolkan, p. 456, l. 34).
200. La leçon suyvent du ms. est une faute de transcription évidente. La leçon correcte (suyvre) a été rétablie. Comparez avec Ad eos igitur qui propterea sequi reges uolunt (éd. Mustard, p. 26, ll. 9-10).
203-205. Citation extraite de Matth., 23, 2-3 : Super cathedram Moysi sederunt scribae et pharisaei ; omnia ergo quaecumque dixerint vobis servate et facite, secundum opera vero eorum nolite facere : dicunt enim et non faciunt. Piccolomini ne cite pas le texte du Nouveau Testament avec une parfaite exactitude ; il écrit Super cathedram Moysi sederunt Scribae et Pharisei ; quae dicunt, facite ; secundum opera eorum nolite facere (éd. Mustard, p. 26, ll. 12-14).
206-207. Comme la version contenue dans le ms. de Bruxelles (B.R., 10856-57, f. 52r), la traduction omet un mot de l’original. Comparez avec quod insignes uiri ac magistri uitae faciunt (éd. Mustard, p. 26, ll. 14-15 ; éd. Wolkan, p. 457, l. 3).
211. La graphie u, rarissime pour rendre la conjonction de coordination ou en moyen fr., n’appelle pas de correction. On remarquera cependant que, d’ordinaire, le copiste écrit ou (voyez les ll. 17, 40, 108, 116, 121, 124, etc.) ; dans un cas seulement, il emploie o (l. 50).
219. Le référent (pere) du pron. pers. il n’est pas exprimé dans la phrase, sinon par le sujet de la première proposition, voix paternelle (l. 218), qui contient en lui-même l’idée de « père ».
222. Le pron. pers. sujet il de la rubrique renvoie à l’auteur du texte, c’est-à-dire à Piccolomini. Voyez des cas similaires d’emploi de il aux ll. 242, 247, 378.
228. Le pron. pers. il a pour référent ce qui, sujet de nuist, et non le premier qui, dont l’antécédent est cellui est fol. En moyen fr., le pron. pers. il peut s’employer au sens de « cela » (voir des exemples dans Hug., 4, 545a et Martin et Wilmet, Syntaxe, no 325, p. 198).
239-241. En calquant l’ordre des mots de la phrase française sur celui de la phrase latine qui lui sert de modèle, le traducteur rend la compréhension de son texte malaisée. Comparez avec la phrase de Piccolomini : Quas res tunc longe melius cognoscemus, si quae sint curialium desideria, et quos sibi constituant fines, præuiderimus (éd. Mustard, p. 27, ll. 11-13). L’adverbe longe n’a pas été traduit : il ne figure pas dans certains états du texte (voir ms. Bruxelles, B.R., 10856-57, f. 52v et éd. Wolkan, p. 457, l. 24).
246-247. Piccolomini est au service de l’empereur Frédéric III au moment où il écrit sa lettre anticuriale à Johannes von Eych (cf. K. Adel, Enea Silvio Piccolomini : Papst und Humanist, p. 12) ; c’est pourquoi le rubricateur juge bon de préciser que les critiques émises dans l’œuvre ne s’adressent pas à la cour de l’empereur des Romains, comme l’affirme Piccolomini lui-même un peu plus loin dans le texte (voir ll. 260-268).
248-250. L’un des compléments de costéz n’a pas été traduit. Voir Mihi uidentur omnes qui regum uel principum latera stipant aut honores quaerere famamque saeculi (éd. Mustard, p. 27, ll. 13-15 ; éd. Wolkan, p. 457, ll. 25-27).
253. Au sujet de la signification de gaigner leurs ames, voir la note des ll. 197-198.
272-273. De son côté, Poggio Bracciolini cite dans l’ordre Augustum, Vespasianum, Titum, Antoninum Pium, M. Aurelium, Alexandrum Seuerum, Traianum et ensuite Archadium, Honorium, Theodosium, Carolum magnum (De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 25). Voir aussi D. Canfora, « Due fonti del De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini : Bracciolini e Lucrezio », dans Archivio Storico Italiano, 64, 1996, pp. 484-485.
273. Anthoine le Piteulz est une adaptation en moyen fr. du nom d’Antonin le Pieux (86-161), empereur romain.
274-275. Henry le Saint est l’empereur germanique Henri II (972-1024), canonisé par le pape Eugène III en 1146, qui fonda la cathédrale de Bamberg où son corps repose (cf. Lexikon für Theologie und Kirche, 5, c. 179 et Heinrich Günter, « Kaiser Heinrich II und Bamberg », dans Historisches Jahrbuch, 69, 1939, pp. 273-290). La graphie Babemberghe (inconnue à Louis-Ferdinand Flutre, Table des noms propres avec toutes leurs variantes figurant dans les romans du Moyen Âge, Poitiers, Centre d’Études supérieures de civilisation médiévale, 1962 et à Ernest Langlois, Table des noms propres de toute nature compris dans les chansons de geste imprimées, Paris, Bouillon, 1904) procède d’une innovation probable du copiste (ou bien d’une faute de transcription pour Bamberghe ou Bemberghe). Comparez avec et quem Bamberga ueneratur, Henricus Sanctus (éd. Mustard, p. 28, ll. 6-7).
284. La forme féminine opportune est parfois utilisée pour le masculin en moyen fr. Voyez un exemple dans Hug., 5, 523a et dans D.M.F. 1, 1 (exemple tiré de Nicole Oresme). De même, l’adj. importun peut revêtir la forme importune quand il caractérise un nom masculin : Bouchet écrit moyen importune au début du XVIe siècle (voir Jacques Ch. Lemaire, « Une version ‘lilloise’ de la Complainte de l’enfant banni de Jean Bouchet », à paraître dans les Mélanges Aimé Petit).
285. Le pron. pers. il renvoie à prince Frederic, cité à la l. 278 et évoqué aux ll. 279-283.
285-286. La relative qui sont ayméz de Jupiter le juste traduit le lat. quos aequus amauit Iupiter (éd. Mustard, p. 28, 1. 15) qui reprend une expression virgilienne servant à désigner le petit nombre de courtisans qui n’adoptent pas une conduite moralement répréhensible : Pauci, quos aequos amauit Iuppiter. (Virgile, Énéide, éd. Gœlzer, t. 1, p. 168, VI, vv. 129-130).
302-303. Piccolomini rapporte avec exactitude le propos de Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 61, VI, v. 46) quand il écrit : O medici, mediam pertundite uenam (éd. Mustard, p. 28, l. 26).
305. Le recours à l’usage de l’ellébore comme médication susceptible de guérir la folie (à laquelle La Fontaine fait allusion dans sa célèbre fable Le Lièvre et la Tortue) est une thérapeutique antique. On en trouve des témoignages dans Horace et dans Ovide (Horace, Satires, éd. Villeneuve, p. 157, II, iii, v. 82 et Ovide, Pontiques, éd. André, p. 120, IV, iii, v. 53).
311-314. La traduction s’écarte à cet endroit de la version latine originale, passant sous silence certaines attaques contre les gens d’Église : Audio quod obiicis. Fuerunt nonnulli, dicis, obscuro nati loco atque inopes quondam, qui nunc omnibus sunt prælati ; sic enim principes uoluerunt. Sed quos, oro, sic prælatos ais ? Nempe quos suis moribus conformes inuenerunt (éd. Mustard, p. 29, ll. 6-10 ; éd. Wolkan, p. 458, ll. 31-34-p. 459, l. 1).
314. D’ordinaire, le nom gloutonnie a le sens de « gourmandise » ou d’« avidité » en moyen fr. (God., 4, 295ab ; F.E.W., 4, 173a ; Hug., 4, 325b) ; dans le cas présent, gloutonnie traduit le mot lat. crapulae (éd. Mustard, p. 29, l. 4) qui signifie « ivresse profonde, trouble causé par l’excès de vin ou de nourriture » (Freund et Theil, 1, 674b ; Le Grand Gaffiot, 442b). Compte tenu du contexte et aussi du fait qu’à la l. 318 il est seulement fait allusion à l’ivrogne et non au gourmand, on traduira ici gloutonnie par « ivrognerie » (voir D.M.F. 1, 1). Observons que T.-L. (4, 394-395) propose deux traductions pour gloutonnie « Gefrässigkeit » (= « gloutonnerie, voracité ») et « Schwelgerei » que la langue allemande comprend parfois par « ivrognerie ».
320. Comme il ne se trouve pas dans les textes d’exemples d’emploi du pronom il en fonction de relatif, il – qui résulte sans doute d’une faute de copie – a été remplacé par qui.
323-326. Comparez la citation faite par Piccolomini : Vera gloria (...) est illustris ac peruagata multorum et magnorum uel in suos ciues uel in patriam uel in omne genus hominum fama meritorum (éd. Mustard, p. 29, ll. 19-22) avec la phrase originale de Cicéron : Si quidem gloria est illustris ac peruagata magnorum uel in suos ciuis uel in patriam uel in omne genus hominum fama meritorum (Pro Marcello, dans Discours, éd. Lob, t. 18, p. 47, VIII, 26).
331. On s’attendrait logiquement à voir le complément d’objet direct de descouvrent au singulier, puisque les courtisans ne possèdent chacun qu’une tête. Cette anomalie s’explique sans doute par l’influence du lat. denudabunt capita (éd. Mustard, p. 29, l. 25). En latin, le pluriel peut marquer l’idée de distribution (Riemann et Ernout, Syntaxe latine, no 8, p. 22). Voir aussi les notes relatives aux ll. 826, 1039 et 1314.
332-333. Un passage de la version originale, qui manque aussi dans le ms. Bruxelles, B. R., 10856-57 (f. 54v), n’a pas été rendu. Comparez avec Ita est certe ; at ubi transieris, digitos retrendent (éd. Mustard, p. 29, ll. 26-27 ; éd. Wolkan, p. 459, ll. 15-16).
333. Le geste qui consiste à tendre les doigts dans la direction de quelqu’un est compris comme un signe d’insulte et de mépris dans les pays méditerranéens. On trouve déjà un témoignage de cette attitude injurieuse dans Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 126, X, vv. 52-53) :
cum Fortunae ipse minaci
mandaret laqueum mediumque ostenderet unguem.
337. Dans l’Antiquité romaine, le mouvement de la main qui consiste à tourner le pouce vers le sol équivalait à une condamnation à mort. (Juvénal, Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 25, III, vv. 36-37).
346. Le mot manmangiers contient une faute : la répétition de la syllabe initiale man (qui, placée en fin de ligne, est par distraction répétée au début de la ligne suivante dans le ms.). La bonne leçon mangiers est rétablie.
344-347. Le traducteur trahit par omission la version source. Comparez avec At uero parasitorum qui te cœnarum gratia laudant, quantum tribui debeat, tu ipse nosti (éd. Mustard, p. 30, ll. 8-10 ; éd. Wolkan, p. 459, ll. 23-24).
348. Le nom gesticuleurs n’appartient pas au moyen fr., selon les dictionnaires usuels. Le F.E.W. (4, 126a) date le terme de 1735 et le traduit par « gesticulateur ». Dans le présent contexte, le mot gesticuleurs comporte un sens plus restreint : on le transposera par « ceux qui font des gestes comiques, des clowneries », puisque ce mot est juxtaposé à bateleurs. Comparez le texte français avec la version latine : histriones atque ioculatores et totius uulgi laudes (éd. Mustard, p. 30, ll. 9-10 ; éd. Wolkan, p. 459, l. 25). En lat. histriones a pour sens « comédiens, fanfarons, faiseurs d’embarras » (Freund et Theil, 2, 107ab ; Le Grand Gaffiot, 755b) et ioculatores signifie « railleurs, faiseurs d’esprit » (Freund et Theil, 2, 300c ; Le Grand Gaffiot, 878b).
350-351. L’idée selon laquelle la véritable louange ne doit jamais résulter que des qualités réelles de celui qu’on loue a été défendue à plusieurs reprises dans l’Antiquité. Voyez Sénèque, Lettres à Lucilius, éd. Préchac-Noblot, t. 4, p. 149 ainsi que Cicéron, Tusculanae Disputationes, éd. Pohlenz, p. 394, IV, xxxi, 67.
359-361. Traduction maladroite et imprécise de cette sentence de Cicéron : Quicquid est enim, quamuis amplum sit, id est parum tum cum est aliquid amplius (Pro Marcello, dans Discours, éd. Lob, t. 18, p. 47, VIII, 26).
360. Il convient de supprimer la séquence textuelle en honneur ne doit on mectre fin car c’est chose incertaine qui, dans le ms., figure au sein de la citation de Cicéron. Cette erreur, qui résulte d’une faute de copie (par « saut du même au même » : le peu de la l. 360 a été confondu avec le mot point de la 1. 363), tendrait à prouver que le texte contenu dans le ms. B.n.F., fr. 1988 n’est pas une transposition directe en français de l’épître de Piccolomini, mais plutôt une transcription exécutée à partir d’une autre copie (peut-être un brouillon) de la traduction de la De curialium miseriis epistola.
363-365. Allusion à un passage des Éthiques à Nicomaque d’Aristote (The Nicomachean Ethics, éd. Susemihl, p. 5, 1095b, 24-26).
368. Manière compliquée et peu élégante de traduire Duo igitur cum sint honores (éd. Mustard, p. 30, ll. 25-26).
375. Le traducteur ajoute un détail (en lieu de la mer) par rapport à la version originale : nec qui honoris est auidus usquam magis quam in curiis angitur (éd. Mustard, p. 31, ll. 4-5 ; éd. Wolkan, p. 460, ll. 7-8).
383-384. L’expression le tuteur du roy est empruntée par Piccolomini (voyez tutorem regis dans l’éd. Mustard, p. 31, l. 8) à Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 127, X, vv. 92-93).
387-391. L’exemple de Séjan, dont le pouvoir à Rome s’était affermi tandis que l’empereur Tibère se livrait, dans sa retraite de Caprée, aux plaisirs les plus coupables (voir Suétone, Vie des douze Césars, éd. Ailloud, t. 2, pp. 34-35, XLIII et p. 43, LV ; Tacite, Annales, éd. Wuilleumier, t. 2, pp. 91-92, VI, VII), est probablement inspiré à Piccolomini par une allusion de Juvénal au prince de Caprée (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 127, X, vv. 93-94).
À l’instar de la copie manuscrite de Bruxelles (B. R., 10856-57, f. 56r), le traducteur ne reprend pas le nom de l’empereur dans sa totalité. Comparez avec Apud Tiberium Neronem Claudium tam potens Seianus fuit (éd. Mustard, p. 31, ll. 11-12 ; éd. Wolkan, p. 460, ll. 14-15).
392. Dans le présent contexte, le mot ancienneté signifie « vieillesse, grand âge » ; cette valeur est assez peu attestée dans les dictionnaires (T.-L., 1, 381 ; F.E. W., 24, 638b ; D.M.F.1, 2). Voir toutefois Kurt Heilemann, Der Wortschatz von Georges Chastellain nach seiner Chronik, Leipzig-Paris, Noske-Droz, 1937, (« Leipziger Romanistische Studien », Heft 19), p. 12.
392-393. Le passage doit être compris de la manière suivante : « Si la vieillesse de César avait été abattue avant la sienne... », c’est-à-dire « Si César était mort avant lui... ». La version latine dit : Si ante ipsum oppressa Caesaris senectus fuisset (éd. Mustard, p. 31, ll. 15-16).
393. Le passage ne correspond pas exactement à la version latine. Comparez avec hunc unum populus Augustum uocasset (éd. Mustard, p. 31, ll. 16-17 ; éd. Wolkan, p. 460, ll. 18-19). Le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57 propose la leçon hunc nostrum populus Augustum uocasset (f. 56r).
406-409. Reprise pratiquement textuelle par Piccolomini d’une phrase du Pogge. Comparez Apud Adrianum imperatorem delatorum uoces adeo ualuerunt, ut amicos quos ad summum prouexerat postea hostium loco habuerit (éd. Mustard, p. 31, ll. 26-29) et Apud Hadrianum certe imperatorem adeo ualuere delatorum uoces, ut amicos quos ad summum pervexerat, postea habuerit hostium loco (Poggio Bracciolini, De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 38). Davide Canfora estime avec prudence que « il De infelicitate principum parrebbe essere stato presente alla memoria di Piccolomini » (voir « Due fonti del De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini : Bracciolini e Lucrezio », dans Archivio Storico Italiano, 64, 1996, pp. 485-486), mais Keith Kidwell décèle, à juste titre, une influence directe du Pogge sur son émule (voir « Il De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini e il De infelicitate principum di Poggio Bracciolini », dans Studi Umanistici Piceni, 14, 1994, p. 201).
Voyez ce que rapporte de l’ingratitude de l’empereur Adrien (76-138) l’historien latin Aelius Spartianus dans son De Vita Hadriani : Amicos ditavit et quidem non petentes, cum petetentibus nihil negaret. Idem tamen facile de amicis, quidquid insusurrabatur, audivit atque ideo prope cunctos vel amicissimos vel eos, quos summis honoribus evexit, postea ut hostium loco habuit, ut Attianum et Nepotem et Septicium Clarum (Scriptores Historiae Augustae, éd. Hohl, t. 1, p. 16).
410. La forme sauvé est corrigée en salué. La version latine originale dit Visne salutari sicut Seianus ? (éd. Mustard, p. 31, l. 29-p. 32, l. 1 ; éd. Wolkan, p. 460, l. 29), qui reprend la formule à Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 127, X, v. 90) : dans le contexte, salutari doit donc être traduit par « être salué ». La faute de compréhension n’est pas imputable au traducteur, mais au texte latin qui a servi de base à la translation. Le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57 comporte la leçon fautive suivante : Visne saluari sicut Seianus (f. 56v).
410-415. La disgrâce et la fin malheureuse de Séjan sont rapportées par plusieurs écrivains latins. Juvénal y fait quelques allusions détaillées (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, pp. 126-128, X, vv. 66-72, 74-96 et 103-113).
415-417. À la fin de son règne, Saül, roi d’Israël, manifesta des signes d’humeur irritable : il voyait des ennemis dans ses plus fidèles serviteurs et même dans son gendre David. Ce dernier ayant vaincu le géant philistin Goliath, Saül prit ombrage de ce succès et tenta, par deux fois, de tuer David d’un coup de lance (I Samuel, 18, 6-12).
De son côté, David ordonna le meurtre de son propre fils Absalon, qui ourdit une conspiration contre son père et s’empara pour un temps du pouvoir à Jérusalem (II Samuel, 15, 1-18, 32). Enfin, Salomon, qui avait reçu la royauté de son père David en héritage, trouva des prétextes pour faire exécuter son frère aîné Adonias et le fidèle conseiller de David, Joab (III Samuel, 2, 13-31).
Le passage, incomplet dans la traduction en moyen fr., est inspiré à Piccolomini par le traité anticurial de Poggio Bracciolini (voir D. Canfora, « Due fonti del De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini : Bracciolini e Lucrezio », dans Archivio Storico Italiano, 64, 1996, pp. 486-487).
416. La traduction française omet un des sujets de ont commandé occire. Comparez avec quot Saul, quot David, quot Salomon ex his qui apud se potentes erant occidi iusserunt (éd. Mustard, p. 32, ll. 5-7 ; éd. Wolkan, p. 460, ll. 33-34).
417-420. La Bible rapporte qu’Isaac s’était rendu à Gérare, patrie des Philistins, pour lutter contre la famine et que, protégé par Dieu (l. 420 : avec Ysaac estoit le doy de Dieu), il y fit des semailles et récolta de très abondantes moissons qui l’enrichirent. Prenant ombrage de ce succès, Abimélech, roi de Gérare, chassa Isaac de son royaume (Gen., 26, 1-17).
420-422. D’après la relation des Histoires d’Alexandre de Macédoine de Quintus Curtius, Alexandre tua son frère de lait Clitus parce que celui-ci avait osé comparer ses mérites à la gloire de son père, Philippe de Macédoine (Quintus Curtius, History of Alexander, éd. Rolfe, t. 2, p. 238, VIII, 1, 21 et sv.). Pour Sénèque, le crime commis par Alexandre s’explique par l’insuffisance des louanges que Clitus voulait bien adresser à son compagnon d’enfance (De la colère, éd. Bourgery, t. 1, p. 84, XVII, 1).
422. Un des termes de la comparaison est absent dans le texte français. Il existe néanmoins dans la version latine : Clitum (...) quod sibi ausus Philippi patris laudes comparare fuisset (éd. Mustard, p. 32, ll. 17-18 ; éd. Wolkan, p. 461, ll. 3-4).
431. Outre son sens habituel (F.E.W., 2, 1015a ; God., 9, 146a), le mot concubinages, employé au pluriel, semble contenir l’idée de « débauches, adultères ». Il traduit le lat. stupris qui signifie « débauches, attentats à la pudeur, liaisons avec une femme non mariée ou un jeune garçon » (Freund et Theil, 3, 330a ; Le Grand Gaffiot, 1509a) dans la phrase potentiamque suam eo firmiorem putabat, quia et stupris sese insinuauerat (éd. Mustard, p. 32, ll. 16-18).
442-443. En cet endroit, les états du texte latin divergent assez nettement. L’éd. Mustard (p. 32, ll. 25-26) donne : nec patri filius fidus est, nec filio pater. L’éd. Wolkan (p. 461, 16-17) propose : nec patri filius nec filio pater ignoscit et le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57 une version approchante : nec patri filius nec filio pater agnoscit (ff. 56v-57r).
447. Le verbe desgarder (= « ne plus faire attention à, ne plus veiller sur »), dont les attestations sont assez rares, semble avoir disparu du fr. dès le XVe siècle (God., 2, 591a ; F.E.W., 18, 519b ; T-L., 2, 1598). On comprendra la relative de la façon suivante : « qui ne cessent d’aspirer à sa ruine et au fait de ne plus devoir y veiller ». Cette partie de texte interpole la version originale latine : mille circa se oculos habet et totidem linguas ad ruinam eius aspirantes (éd. Mustard, p. 32, ll. 27-29 ; éd. Wolkan, p. 461, 18-19).
449. La leçon de la traduction est en accord avec celle du ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 57r (qui multa potest) contre celle des éd. Mustard (p. 32, l. 30) et Wolkan (p. 461, l. 20) : qui multum potest.
Correction de deux simples fautes de plume : oppignent mis pour oppugnent et assaillant employé pour assaillent.
Il convient aussi d’amender le pron. pers. complément les en 1’, forme du singulier. En effet, ce pronom renvoie au sujet de la relative qui pluseurs choses peut de la ligne précédente, qui est évoqué par deux relatives dans la suite de la phrase : cellui lequel est extimé plus gracieux au prince et lequel il repputent estre mieulx en sa grace. La présence de ces deux relatives ne justifie cependant pas l’emploi du pluriel pour le pron. pers., puisqu’il n’est logiquement fait allusion qu’à une seule et même personne. Comparez avec et illum omnes oppugnant qui principi gratior existimatur (éd. Mustard, p. 32, l. 30-p. 33, l. 1 ; éd. Wolkan, p. 461, l. 21 ; ms. Bruxelles, B.R., 10856-57, f. 57r).
450. Bien que la forme du pron. pers. sujet 3e personne du masc. pluriel soit d’ordinaire ilz dans le ms. Paris, B.n.F., fr. 1988 (cf. ll. 18, 20, 25, 28, 79, 89, 110, 111, 153, 173, etc.), on peut maintenir la leçon il, sujet de repputent, qui est notée comme une forme correcte par les grammaires (Marchello-Nizia, Histoire, pp. 174-175). En effet, il tendrait même à remplacer ilz vers le milieu du XVe siècle (Gardner et Greene, A Brief Description, p. 46). On trouve d’autres attestations de ce il, pron. pers. sujet de la 3e personne du pluriel, aux ll. 1075 car il racontent que et 1363 quant il te apercevront venir.
456. On a corrigé la leçon reffroidier du ms. en reffroidié compte tenu du texte latin : quam uel infrigidatus amor excutiet (éd. Mustard, p. 33, ll. 5-6).
457. La forme verbale excutera est un hapax. Elle est construite à partir de l’infinitif * excuter (= « faire tomber en secouant ») qui proviendrait du lat. excutere ou *excuticare (voir Marri Meier, « Die romanische Familie von frz. écot ‘Baumstumpf’ », dans Archiv für das Studium der Neueren Sprache und Literaturen, 200, 1964, p. 185). L’ancienne langue française possède toutefois une forme escourre (= « battre le blé, secouer ») < excutere (F.E.W., 3, 287a) et un infinitif conjecturé escousser (= « vider » selon Gilbert Mayer, Lexique des œuvres d’Adam de La Halle, Paris, Droz, 1940, p. 75). La création lexicale de l’hapax excuter est inspiré au traducteur par la version latine : in cuius amore nec ferro nec plumbo sed cera fixus teneris, quam uel infrigidatus amor excutient uel irae feruor eliquabit ? (éd. Mustard, p. 33, ll. 4-6).
460-464. Chancelier de l’empereur Frédéric III en 1448, Kaspar Schlick (vers 1400-1449) était l’ami d’Æneas Silvius Piccolomini. C’est lui qui introduisit le jeune clerc d’origine italienne à la cour impériale, où le futur pontife a servi trois empereurs au cours de sa vie : Sigismond, Albert II et Frédéric III (Lexikon für Theologie und Kirche, 9, c. 419 ; W. Boulting, Æneas Silvius, pp. 114-117 ; C. Ugurgieri della Berardenga, Pio II Piccolomini, pp. 119-120 ; Ch.-E. Naville, Enea Silvio Piccolomini. L’uomo, l’umanista, il pontefice (1405-1464), pp. 120-121).
461. L’expression la clemence de destruire traduit le lat. fati clæmentia (éd. Mustard, p. 33, l. 8). Le nom clemence n’est donc pas utilisé dans son sens ordinaire de « douceur que montre celui qui a autorité pour punir un coupable, en lui pardonnant ou en atténuant sa peine » (God., 9, 107b ; F.E.W., 2, 773b ; D.M.F. 1, 5), mais au sens de « modération » que le mot clementia a parfois en latin (Freund et Theil, 1, 516b).
470-472. La construction soient... a, que l’on traduit par « sont un motif de » est un latinisme (D.M.F. 1, 8) : en latin, esse + un mot au datif signifie « servir de, être de nature à, être un motif de » (Freund et Theil, 3, 364a ; Le Grand Gaffiot, 1536b). En a. fr., estre a se construit d’ordinaire avec un infinitif et marque la durée ou l’obligation (voir Georges Gougenheim, Étude sur les périphrases verbales de la langue française, Paris, Les Belles Lettres, 1929, pp. 50-56 et 209-212). Comparez avec et sint inimicis gaudio, amicis uero et propinquis et sibi dolori, molestiae atque dedecori (éd. Mustard, p. 33, ll. 16-17).
472. Pour comprendre la fin de la phrase, il faut supposer qu’un verbe soient, placé entre aussi et a, est sous-entendu. En réalité, le traducteur se conforme entièrement à la syntaxe de la phrase latine. Voyez et sint inimicis gaudio, amicis uero et propinquis et sibi dolori, molestiae atque dedecori (éd. Mustard, p. 33, ll. 16-17).
474-476. La traduction suit la tradition textuelle latine représentée par le ms. Bruxelles, B. R., 10856-57 (f. 57v) et l’éd. Wolkan (p. 462, ll. 1-2), qui comportent la leçon quos in errore tam manifesto comprehensos non arbitror mihi negari stultissimos, plutôt que la version de l’éd. Mustard (p. 33, ll. 19-21) : quos in errore tam manifesto compraehensos stultissimos esse nemo negauerit.
482. Citation extraite des Satires d’Horace : senes ut in otia tuta recedant (éd. Villeneuve, p. 32, I, 1, v. 31).
483-484. Le texte français traduit maladroitement ces deux vers de Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 120, IX, vv. 139-140) cités exactement par Piccolomini (éd. Mustard, p. 33, ll. 26-27) :
quando ego figam aliquid, quo sit mihi tuta senectus
a tegete et baculo ?
On observera que le traducteur construit la phrase française à la forme affirmative, alors que la phrase est interrogative dans la version latine (quando ? est rendu par car).
Remarquons ensuite que le verbe lat. figam, première personne du singulier du futur de l’indicatif de figěre, est traduit par ficheray. En lat., figěre signifie « attacher, fixer, planter » ou « traverser, percer, blesser » qui se révèle la valeur la plus adéquate dans le cas présent (Freund et Theil, 1, 1083c ; Le Grand Gaffiot, 673b). En moyen fr., ficher ne s’emploie au sens de « percer, blesser » que lorsqu’il est suivi d’un complément d’instrument (F.E.W., 3, 506a ; God., 3, 782c et 9, 615b ; D.M.F. 1, 3 ; Hug., 4, 95a). On considérera donc que l’emploi de ficher au sens de « percer au moyen d’une arme » est un latinisme lexical.
Constatons enfin que le lat. tegete = « couverture, grabat, natte » (Freund et Theil, 3, 414a ; Le Grand Gaffiot, 1573b) est ici traduit par maison, ce qui constitue un contresens. L’erreur s’explique probablement en raison de la signification que teges a prise en lat. médiéval (« parva domus » selon Du Cange, 8, 44b).
485-488. Voyez Matth., 19, 24 : facilius est camelum per foramen acus transire, quam divitem intrare in regnum cælorum. Voir aussi Marc, 10, 25 et Luc, 18, 25.
489. La leçon riches est une faute. Il convient de rétablir la bonne leçon : richesses. En effet, le chapitre tout entier est consacré à la condamnation de ceux qui se consacrent à la possession des biens. La version latine dit : ut stultum sit diuitias quærere (éd. Mustard, p. 34, l. 2 ; éd. Wolkan, p. 10).
490-491. Reprise d’un argument avancé par saint Jérôme : non habet Christus, unde alat pauperes suos (Lettres, éd. Labourt, t. 3, p. 24, LIII, 11).
492-494. Piccolomini cite approximativement un extrait de la même lettre de saint Jérome (Ad Paulinum presbyterum). Comparez son texte : Apostoli nauim et retia reliquerunt, ut inquit Hieronymus, nec tamen illis quicquam defuit. Libertas Christi pauperum et olera Crœsi diuiciis praeferuntur (éd. Mustard, p. 34, ll. 5-8 ; éd. Wolkan, p. 462, ll. 12-15) avec celui de saint Jérôme : Apostoli tantum nauem et retia reliquerunt ; uidua duo aera mittit in gazophylacium et praefertur Crœsi diuitiis (Lettres, éd. Labourt, t. 3, p. 24, LIII, 11).
On remarquera qu’une partie de la traduction du texte de Piccolomini n’a pas été transcrite dans notre ms. ; c’est pourquoi la phrase est incompréhensible. Cette partie manque aussi dans le ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 57v.
496-497. Le traducteur rend par une formule assez neutre (par une autre doctrine) l’allusion mythologique faite par Piccolomini. Voir Agamus igitur pingui Minerua (éd. Mustard, p. 34, ll. 9-10 ; éd. Wolkan, p. 462, 16-17).
498. Aristote défend l’idée de la nécessité d’une certaine aisance pour les membres de l’aristocratie dans ses Ethica Nicomachea (éd. Susemihl, p. 15, l. 1099a, 31-32).
499-501. Piccolomini (éd. Mustard, p. 34, ll. 11-13) reprend presque textuellement un extrait des Satires de Juvénal (éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 30, III, vv. 164-165) :
Haut facile emergunt quorum uirtutibus opstat
res angusta domi.
509-510. Voyez Cum enim augentur dona, rationes etiam crescunt donorum (Sancti Gregorii Magni, XL Homiliarum in Evangelia Libri duo, dans Migne, Patr. lat., t. 76, c. 1106).
La traduction française ne rend pas fidèlement le sens du texte latin : on s’attendrait normalement à voir les choses donnees en fonction de complément déterminatif de raisons, comme dans la version originale de saint Grégoire, reprise exactement par Piccolomini (éd. Mustard, p. 34, ll. 20-21).
511. Le verbe estre a été corrigé en istre (God., 3, 20a ; T.-L., 4, 1490 ; D.M.F. 1, 5), la forme estre (< exire) n’existant pas dans l’ancienne langue (F.E.W., 3, 295b). Dans la version latine, ce n’est pas exire qui est utilisé, mais l’infinitif abire : Quod si tunc ex curia uelis abire (éd. Mustard, p. 34, l. 22 ; éd. Wolkan, p. 462, ll. 25-26).
512-513. Le participe passé substitué (= « appelé à poursuivre ») est employé ici dans un sens juridique, probablement construit à partir du nom substitut (= « magistrat du parquet chargé des poursuites judiciaires »), attesté depuis le XIVe siècle (F.E.W., 12, 360a ; T.L.F., 15, 1028b propose la date de 1332).
Le traducteur suit pas à pas son modèle, en attibuant à chose (voir aussi la l. 59) la signification habituelle de cause = « motif, raison » (God., 9, 10b ; Hug., 2, 128b ; F.E.W., 2, 542a) : inuenitur causa, submittitur accusator, conuinceris reus etiam non commissi criminis (éd. Mustard, p. 34, ll. 23-24 ; éd. Wolkan, p. 462, ll. 27-28). Voir aussi Leena Löfstedt, « Res et causa. Étude lexicographique sur la base de trois traductions », dans Archiv für das Studium der neueren Sprachen und Literaturen, 209, 1972, pp. 324-326.
515. La forme du verbe est à la deuxième personne : la leçon fautive puisse a été corrigée en puisses. Ce type d’erreur affectant la désinence se rencontre à diverses reprises dans le manuscrit (voir les ll. 145 et 543). Comparez avec ne conqueri unquam possis (éd. Mustard, p. 34, l. 25).
Le complément de complaindre, l’adverbe pronominal en, renvoie à l’idée de « saisie des biens » évoquée auparavant.
524. Qu’est il doncques chose plus fole est une traduction directement calquée sur Quid igitur stultius est (éd. Mustard, p. 35, ll. 3-4). Dans ce membre de phrase, Qu’est un pronom interrogatif, sujet de est, rappelé par le pron. neutre il.
525-527. Reprise par Piccolomini d’un passage de la Satire XIV de Juvénal (éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 177, XIV, vv. 135-137) :
Sed quo diuitias haec per tormenta coactas,
cum furor haut dubius, cum sit manifesta phrenesis,
ut locuples moriaris, egentis uiuere fato ?
529. La phrase ne se comprend pas, car le copiste a omis de transcrire une partie du texte de la traduction. Comparez avec : Nonne praeterea deliramentum est, quod duo uel tres cumulauerint opes, omnes huiusmodi liberalitatis munificentiam expectare, et non potius infinitos respicere, qui dum regibus seruiunt ad extremum inopiam sunt deducti ? (éd. Mustard, p. 35, ll. 6-10 ; éd. Wolkan, p. 463, ll. 5-8).
531-534. Piccolomini n’a pas repris directement la citation au texte de Perse, mais l’a sans doute empruntée à l’Epistola ad sacellanos aulicos regis Anglorum de Pierre de Blois (Opera omnia, éd. Giles, t. 1, pp. 45-46). Ce texte de Perse, Piccolomini (éd. Mustard, p. 35, ll. 10-12) et Pierre de Blois le citent exactement :
Iam dabitur, iam iam, donec deceptus et exspes
Nequiquam fundo suspiret nummus in imo.
(Perse, Satires, éd. Cartault, p. 26, II, vv. 50-51).
On remarquera que le traducteur n’a malheureusement pas conservé l’image du denier qui soupire au fond de la bourse.
532. La correction de la faute de transcription est, pour et, s’impose. Comparez avec donec deceptus et exspes (éd. Mustard, p. 35, ll. 11-12).
539-540. L’idée selon laquelle les petites choses conviennent aux gens de petit état est reprise par Piccolomini aux Épîtres d’Horace : Paruum parua decent (éd. Villeneuve, p. 70, I, VII, v. 44).
543-544. Le copiste est visiblement fatigué ou distrait : en l’espace de quelques lignes, il commet plusieurs fautes de détail.
L’absence de s à vouloie (l. 543), verbe conjugué à la 2e personne du singulier, est une faute banale. La forme correcte a été rétablie.
À la l. 544, il faut conjecturer l’emploi de la conjonction de coordination ne pour associer les infinitifs transporter et disposer, compléments du verbe puis, employé à la forme négative. Voir nec in aliud regnum transferre, nec ex ea quicquam disponere, quod regi non placeat (éd. Mustard, p. 35, ll. 21-22).
À la même ligne, nous avons introduit dans le texte le pronom en, complément de disposer, conformément au sens de la version latine (nec ex ea quicquam disponere). Dans l’ancienne langue, le verbe disposer (= « faire ce que l’on veut de ») se construit généralement avec un complément d’objet indirect (God., 9, 392b ; F.E.W., 8, 69a ; T.-L., 2, 1954 ; Hug., 3, 215b ; D.M.F. 1, 2 ; T.L.F., 7, 293b). Le pron. pers. la (l. 543), complément d’objet direct de transporter, ne peut donc être le compl. de disposer.
549. L’article contracté aux, suivi d’un nom au singulier (prince) est un lapsus calami résultant d’un manque d’attention du copiste. Dans le cas présent, il vaut mieux laisser au au singulier, car l’emploi du singulier est plus conforme à l’esprit du texte : à la ligne précédente, prince est déjà employé au singulier ; en outre, dans la version latine, ce mot est aussi décliné au singulier : nisi et ii principi seruiant (éd. Mustard, p. 35, l. 26 ; éd. Wolkan, p. 463, ll. 21-22).
550. Pour rendre l’énoncé intelligible, il faut rétablir un pronom relatif sujet devant le verbe ont esté occis : qui a été préféré à lesquelz bien attesté dans le texte en fonction de sujet (voir ll. 23, 26, 65, 121, 173, 219, 294, 300, 313, 447).
557-559. Assez curieusement, le traducteur (ou le copiste ?) fait exceptionnellement précéder la traduction française de sa version latine originale.
La citation de Piccolomini est empruntée à la Satire X de Juvénal (éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 124, X, vv. 15-18). Sence (l. 558) est une culpa pennae : nous l’avons corrigée en Senece. Le texte de Piccolomini est exactement le suivant : et magnos Senecae praediuitis hortos clausit (éd. Mustard, p. 36, ll. 3-4).
560. Le p. pas. remplis se rapporte à temps et non pas à Neron. Voyez le texte latin Temporibus diris (l. 557).
561. Le traducteur est infidèle à l’esprit du texte de Juvénal quand il écrit que la cohorte et effrenee compaignie extermina Longis. Il dénature aussi la vérité historique puisque les Annales de Tacite nous apprennent que Longinus fut écarté des affaires publiques par ordre de Néron, et déporté en Sardaigne, mais non qu’il fut exécuté (éd. Wuilleumier, t. 4, p. 214, XVI, ix).
565-566. Piccolomini emprunte cette citation aux Ecclésiastes, 5, 9 : qui amat divitias fructum non capiet ex eis.
567-569. La fin de la phrase résiste à une compréhension aisée. Nous traduisons : « car pour donner aux uns, ils reprennent aux autres des choses qui ne sont pas de vrais dons et qui, de cette manière, ne sont pas possédées en toute justice ». La difficulté provient de l’emploi de reçoivent, verbe qui est censé traduire le lat. rapiunt dans la séquence rapiunt enim ut donent, quae nec uera sunt dona nec juste possidentur (éd. Mustard, p. 36, ll. 9-10 ; éd. Wolkan, p. 463, ll. 32-33). Dans le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57 (f. 59r), on lit : recipiunt enim ut donent. En latin, recipěre peut signifier « reprendre ce que l’on a donné » (Freund et Theil, 3, 40b ; Le Grand Gaffiot, 1337c), mais recevoir ne recouvre jamais cette signification-là en français (God., 6, 672b et 10, 497c ; F.E.W., 10, 145a).
D’autre part, on s’attendrait normalement à ce que le sujet de sont (l. 569) soit un pronom féminin pluriel qui remplacerait choses, alors que le traducteur emploie un pronom masculin pluriel mis pour dons.
579-580. L’aphorisme auaro tam deest quod habet quam quod non habet, attribuée par Piccolomini à saint Jérôme (Lettres, éd. Labourt, t. 3, p. 24, LIII, 11) et à Annaeus Seneca (Oratorum et rhetorum sententiae divisiones colores, éd. Kiessling, p. 326, Controversarium, VII, 3, 8) est en réalité un dicton fort célèbre dans l’Antiquité latine. On le trouve également cité dans le recueil de maximes de Publilius Syrus (Minor Latin Poets, éd. J. W. Duff et A. M. Duff, p. 106, no 694) et, par deux fois, dans Quintilien (Institutio Oratoria, éd. Butler, t. 3, p. 284, VIII, v, 6 et p. 482, IX, iii, 64).
581-582. Piccolomini (éd. Mustard, p. 36, ll. 22-23) cite un extrait de la Bible : Non proderunt divitiae in die ultionis (Liber Proverbiorum, 11, 4).
581-585. La citation de l’Écriture se trouve aussi dans l’Épitre XIV de Pierre de Blois (Opera omnia, éd. Giles, t. 1, p. 46), à laquelle Piccolomini emprunte directement le deuxième membre de sa phrase (ll. 582-585), qui est une reprise d’un passage des Psalmi, 49, 18 : neque enim moriens tollet omnia, nec descendet post eum gloria ejus.
585-586. Piccolomini (éd. Mustard, p. 36, ll. 25-26) cite textuellement saint Paul (II Ad Corinthos, 6, 10) : tamquam nihil habentes et omnia possidentes.
586-588. Citation extraite de l’épître Ad Paulinum presbyterum : Victus atque vestitus diuitiae christianorum (saint Jérôme, Lettres, éd. Labourt, p. 24, LIII, 11).
589-590. Il faut comprendre et sans servir a eulx par « et sans que nous ne les servions ». Cette mention constitue une addition à la version de Piccolomini : et has est potens Dominus nobis absque ministerio principum tradere (éd. Mustard, p. 36, ll. 30-32 ; éd. Wolkan, p. 464, ll. 12-13).
594. La formule se je ne suis deceuz est une mauvaise traduction pour le lat. ni fallor (éd. Mustard, p. 37, ll. 2-3) qui, dans le cas présent, signifie « si je ne me trompe pas ». Le traducteur a donc confondu la voix passive avec le réfléchi, puisque c’est le verbe à la forme réfléchie se decevoir qui signifie « se tromper » (T.-L., 2, 1246 ; God., 9, 280b ; D.M.F. 1, 3) ; en outre, deceuz a parfois le sens de « trompeur » (F.E.W., 3, 25a).
602. Une allusion à la personne d’Épicure figure aussi, dans un contexte un peu différent, dans le De infelicitate principum du Pogge (éd. Canfora, p. 15).
606. Le verbe entrouver est un hapax au sens de « trouver ». Ce terme existe cependant dans la langue du XVe siècle et signifie « inventer ». Le F.E.W. (13, 319ab) date son apparition en français de 1611, mais God. (3, 309a) cite un exemple d’emploi d’entrouver daté de 1458. Son usage paraît directement inspiré par le verbe de la version latine : si quem forte inueneritis (éd. Mustard, p. 37, l. 11).
La leçon du ms. quelun a été corrigée en quelcun, sur le modèle de quelcun (ll. 162, 262, 1626) et de quelcune (l. 674).
612. Le discours de Cicéron d’où est extrait le passage cité par Piccolomini n’est pas le Pro Marcello, mais le Pro Caelio (voir Pro Caelio, dans Discours, éd. Cousin, t. 15, p. 117, XVII, 42). La faute remonte à la tradition textuelle de la version latine, dans laquelle la leçon fautive in oratione pro Marcello est fort répandue (éd. Mustard, note 14, 1 de la p. 74 ; éd. Wolkan, p. 464, l. 27 et Aeneae Sylvii libellus aulicorum miseriis explicans, Moguntiae, Johannis Schoeffers, f. 460r). Dans notre article « À propos de la traduction en français d’œuvres humanistes : comparaison matérielle entre les mss Paris, B.N., lat. 6783A et fr. 1988 » (dans Mélanges François Masai, t. 2, p. 440, note 10), nous avons signalé la présence de la faute dans l’imprimé Paris, B.n.F., p. Z. 68. Le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57 ne comporte pas la leçon fautive, mais un tout autre texte, aussi peu satisfaisant. On lit en effet au f. 60r : in oratione pro M. Tulio Cicerone. En raison des lacunes qu’elle présente (voir notamment les ff. 56v et 57v), et qu’on ne retrouve pas dans la translation en moyen français, cette version n’a pas pu servir de texte de base au traducteur. Mais elle appartient à une famille de copies qui offrent un certain nombre d’analogies et d’erreurs communes avec la traduction.
612-614. Cette phrase offre un exemple éclairant de la maladresse du traducteur : celui-ci suit, pas à pas, la phrase de son modèle et, contrairement aux usages de la syntaxe française, indique la source du texte après l’avoir cité (en l’oroison faicte pour Marc Marcel, nous trouvons Cyceron qui dit en ses parolles touchans tous les cinq cens par lesquelz peuent estre voluptéz receues). Comparez avec la version latine : Quamobrem si quem forte inueneritis qui aspernetur oculis pulchritudinem rerum, non odore ullo, non tactu, non sapore capiatur, excludatque auribus omnem suauitatem, huic homini ego fortasse et pauci deos propitios, plaerique autem iratos putabunt, in oratione pro Marco Caelio Ciceronem dicentem inuenimus ; quibus in uerbis omnes quinque sensus tetigit quibus uoluptates hauriuntur (éd. Mustard, p. 37, ll. 10-17).
617-618. Expression reprise par Piccolomini (éd. Mustard, p. 37, ll. 19-20) au Pro Caelio de Cicéron (voir Discours, éd. Cousin, t. 15, p. 117, XVII, 42).
619-620. L’usage de la double négation rend difficile l’intelligence de la phrase. On comprendra « Et il n’y a personne qui ne suit pas la voie de la volupté humaine », ce qui revient à dire « Tout le monde suit le sentier de la volupté ». Le texte original latin comporte aussi la double négation : nec quisquam est qui uoluptati non obsequatur (éd. Mustard, p. 37, ll. 21-22).
627-630. Davide Canfora entend voir dans cette allusion au plaisir que prennent les gens de cour à regarder les combats sans y participer un souvenir du De natura rerum de Lucrèce (De la Nature, éd. Ernout, p. 42, II, 1-6). L’influence directe de l’auteur antique sur l’humaniste italien n’est toutefois pas démontrable (voir D. Canfora, « Due fonti del De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini : Bracciolini e Lucrezio », dans Archivio Storico Italiano, 64, 1996, pp. 493-494).
629. Faut-il comprendre les batailles comme le sujet ou comme le complément d’objet d’exercer ? Si l’on retient la première solution, on traduira exercer par « s’accomplir, se dérouler », bien que ce verbe ne possède pas d’ordinaire cette signification (F.E.W., 3, 292a ; D.M.F. 1, 4). Si l’on envisage la seconde solution, on doit considérer que le sujet d’exercer n’est pas exprimé et traduire le verbe par « faire », sens qui n’est pas attesté dans les dictionnaires usuels (God., 3, 681b ; T.-L., 3, 1535 ; Hug., 3, 772b). Dans certains emplois techniques (mais des cas où batailles est complément n’ont pas été relevés), exercer (< lat. exercere = « mettre en mouvement » selon Freund et Theil, 1, 990c) peut-être compris comme un synonyme de gouverner, qui signifie « conduire » (voir Gustave Dupont-Ferrier, « Le mot gouverner et ses dérivés dans les institutions françaises du Moyen Âge », dans Journal des Savants, 1938, p. 52). Comparez avec dum bella geri exercitusque concurrere uident (éd. Mustard, p. 37, ll. 28-29).
640. La répétition de la préposition de est une faute banale, qui s’explique aisément : les dittographies se produisent souvent lorsque le copiste passe du côté recto au côté verso d’un feuillet, c’est-à-dire quand, pour continuer la transcription, il doit tourner la page.
644-645. L’éd. Wolkan (p. 465, ll. 11-12) et le ms. Bruxelles, B. R., 10856-57 (f. 60v) ont le complément au pluriel (in bellis (…) aderit), mais l’éd. Mustard (p. 38, ll. 10-11) présente une forme au singulier : in bello (…) aderit.
688. Le mot fr. partie traduit le lat. parti de la phrase suivante : Sed medendum est etiam huic parti (éd. Mustard, p. 39, l. 13). En latin, partus peut signifier « conception de l’esprit » (Freund et Theil, 2, 709c) ou « action de procréer » (Le Grand Gaffiot, 1135c), significations que partie ou part n’ont jamais en moyen fr. (F.E.W., 7, 694a). En conséquence, on traduira le moyen fr. partie par « parti », signification bien attestée (F.E.W., 7, 680a ; God., 6, 9a ; Hug., 5, 653b ; D.M.F. 1, 2). Sur les rapports sémantiques entre les termes parti et partie, voir Lucien Foulet, « L’effacement des adverbes de lieu », dans Romania, 75, 1954, p. 439 et « Prendre parti », dans Romania, 69, 1946-1947, pp. 167-168.
693. À propos de l’emploi de pluseurs que (= « plus que, en plus grand nombre que ») dans un énoncé comparatif, voyez des exemples dans T.-L., 7, 2034 (ainsi que God., 6, 233a et 10, 361a ; Hug., 6, 43b). Dans son ouvrage consacré à l’étude des Systèmes comparatifs à deux termes en ancien français, M. Pol Jonas ne recense pas la construction du comparatif avec plusieurs que parmi les systèmes du type « 1er terme et marque - articulant - 2e terme ». (En revanche, selon le témoignage de T.-L., la question est abordée par A. Hammesfahr dans sa thèse intitulée Zur Comparation im Altfranzösischen, Strasbourg, 1881, p. 19). La formule plusieurs que traduit la construction latine plura… quam ; comparez avec cum plura illic displicentia quam grata audiantur (éd. Mustard, p. 39, ll. 16-17).
697-711. Ce passage du texte reprend plusieurs arguments exposés par Poggio Bracciolini dans son De infelicitate principum (voir D. Canfora, « Due fonti del De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini : Bracciolini e Lucrezio », dans Archivio Storico Italiano, 64, 1996, pp. 487-488).
707. L’expression est ce que est la traduction littérale du lat. est quod (éd. Mustard, p. 39, l. 27). On peut lui attribuer le sens de « il se fait que, il y a que ».
708-709. Piccolomini écrit Romae, dum consules rem publicam gubernabant, litterarum studia floruerunt (éd. Mustard, p. 39, l. 29 ; éd. Wolkan, p. 466, ll. 17-18) : le complément d’estudes manque donc dans la traduction.
711. Les éditions modernes de la De curialium miseriis epistola présentent la leçon nihil ad uerum dicitur (éd. Mustard, p. 40, ll. 1-2 ; éd. Wolkan, p. 466, l. 19-20) tandis que le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57 propose nichil boni dicitur (f. 62r).
715-717. D’une manière générale, Piccolomini dédaigne les productions de l’histoire médiévale au profit des grands historiens latins de l’Antiquité. Ce n’est donc pas sans raison qu’il décrie l’Historia destructionis Troiae (1287) de Guido delle Colonne, puisque cette œuvre n’est en réalité qu’une traduction du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure (voir R. M. Lumianski, « The Story of Troilus and Briseida according to Benoit and Guido », dans Speculum, 29, 1954, pp. 727-733 ; Giuliana Carlesso, « La fortuna della Historia destructionis Troiae di Guido delle Colonne e un volgarizzamento finora ignoto », dans Giornale storico della letteratura italiana, 157, 1980, pp. 230-251 ; Francesco Bruni, « Boncompagno da Signa, Guido delle Colonne, Jean de Meung. Metamorfosi dei classici nel Duecento », dans Medioevo romanzo, 12, 1987, pp. 103-128).
717-718. Piccolomini s’élève en réalité contre le Tractatus de translatione Romani imperii, violent pamphlet contre le pouvoir pontifical écrit par Marsile de Padoue, mais inspiré par le traité composé sur le même sujet par Landolfo Colonna au début du XIVe siècle. Recteur de l’Université de Paris, Marsile (vers 1275-vers 1342) avait soutenu la cause de Louis de Bavière contre le pape Jean XXII et avait été promu archevêque de Milan par l’antipape Nicolas V. Son nom est lié dans l’histoire ecclésiastique à la rédaction du Defensor pacis, ouvrage révolutionnaire pour ce qui touche à la doctrine des relations entre le pouvoir civil des princes et le pouvoir temporel de l’Église. Marsile fut excommunié en 1327. (Voir Lexikon für Theologie und Kirche, 7, cc. 109-110 et Georges de Lagarde, La naissance de l’esprit laïque au déclin du Moyen Âge. II. Marsile de Padoue ou le premier théoricien de l’État laique, pp. 37-40).
719. Le nom Vincent le Moyne désigne l’historien Vincent de Beauvais, dont le Speculum historiale a connu un très grand succès jusqu’à la fin du Moyen Âge (voir Monique Paulmier-Foucart, Serge Lusignan et Alain Nadeau, Vincent de Beauvais : intentions et réceptions d’une œuvre encyclopédique au Moyen Âge, Montréal-Paris, Bellarmin-Vrin, 1990, (« Cahiers d’études médiévales », 4), 505 p.). Vincent de Beauvais est appelé le Moyne parce qu’il a été frère prêcheur : tout d’abord attaché à la maison professe de Saint-Jacques à Paris, il devint ensuite lecteur à l’abbaye de Royaumont (cf. Pierre Daunou, « Vincent de Beauvais, auteur du Speculum Majus terminé en 1256 », dans Histoire littéraire de la France, 18, 1835, pp. 452-454).
727-731. Piccolomini (éd. Mustard, p. 40, ll. 16-19) cite textuellement les trois premiers vers d’une Satire d’Horace (éd. Villeneuve, p. 50, I, III, vv.1-3) :
omnibus hoc uitium est cantoribus, inter amicos
ut nunquam inducant animum cantare rogati,
iniussi nunquam desistant.
731. Le pronom neutre le ne renvoie pas à l’idée de « cesser de chanter » évoquée dans la proposition précédente, mais à l’idée de « chanter » en général (exposée à la l. 729). La traduction s’écarte de l’original : inter amicos ut numquam inducant animum cantare rogati, iniussi numquam desistant (éd. Mustard, p. 40, ll. 17-19).
731-733. La tradition textuelle latine est altérée pour ce passage. Comparez cum uelis, nusquam appareant (éd. Mustard, p. 40, l. 20) ; cum uelis, nusquam compareant (éd. Wolkan, p. 467, l. 1) et cum uelis nusquam possis comparare (ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 62v).
734-738. Comparez blasphemiae in Deum Sanctosque iaciuntur (éd. Mustard, p. 40, ll. 23-24 ; éd. Wolkan, p. 467, l. 4) et blasphemiae in Deum sanctosque dicuntur (ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 62v).
752. Il faut comprendre Venus et luxure, synonymes de concupiscence, comme des sujets du verbe domine. Le traducteur extrapole ici le texte latin. Comparez avec in quo Venus potissime dominatur (éd. Mustard, p. 41, ll. 4-5).
754. L’adj. blande est utilisé dans le sens positif que blandus (= « charmant, délicieux, caressant ») comporte en lat. (Freund et Theil, 1, 347a ; Le Grand Gaffiot, 223c-224a). En moyen fr., blant, blande présente d’ordinaire une signification péjorative (= « flatteur, trompeur ») (F.E.W., 1, 394a ; God., 1, 658c ; T.-L., 1, 990 ; D.M.F. 1, 1). Le binôme synonymique blande et souefve traduit le latin blandissimam (éd. Mustard, p. 41, l. 5).
763. L’hapax parvifie est probablement une création du traducteur à partir du verbe lat. paruifaciat utilisé par Piccolomini : nisi forsitan aliqua est quae famam paruifaciat (éd. Mustard, p. 41, ll. 13-14). Ce verbe lui-même est rare en latin : Freund et Theil (2, 710b) n’en cite qu’un exemple, tandis que Du Cange (6, 1, 188c) enregistre la forme parvificare (et non parvifacěre) et signale que le mot s’emploie surtout en Italie. Il le traduit par « extenuare, deprimere ». Compte tenu de ceci et du voisinage synonymique de vilipende = « abaisse, déclare méprisable » (Hug., 7, 473b ; God., 10, 858b ; F.E.W., 14, 448b), il convient de traduire parvifie par « diminue ».
765. Habituellement, compagnon signifie « celui qui vit habituellement dans la société intime de quelqu’un » (God., 9, 137a ; Hug., 2, 377b). Dans le contexte présent, compagnon recouvre le sens de « rival, adversaire » : voyez nec ullam sine riuali diliges (éd. Mustard, p. 41, ll. 15-16). Cette valeur lui est reconnue au XVe siècle (F.E.W., 2, 965b ; K. Heilemann, Der Wortschatz von Georges Chastellain nach seiner Chronik, p. 235) et même plus tôt, avec la signification précise d’« adversaire dans une bataille » (T.-L., 2, 617 ; D.M.F. 1, 8 et 10).
769. Le comparatif plus accepté traduit le lat. acceptior employé par Piccolomini : Veniet alter te pulchrior aut acceptior (éd. Mustard, p. 41, ll. 18-19). L’usage d’accepté dans le sens d’« agréable » est un latinisme ; en effet, en lat., acceptus = « bienvenu, agréable » (Freund et Theil, 1, 21b ; Le Grand Gaffiot, 17a). Toutefois, dans son Chemin de long estude, Christine de Pizan utilise le verbe accepter avec la valeur de « accueillir favorablement » (D.M.F. 1, 5), signification usitée en français contemporain (T.L.F., 1, 346a). Remarquons aussi que l’a. fr. malacent (< male acceptum) signifie « désagréable » (F.E.W., 24, 72b).
773. Le copiste a omis de transcrire dans le ms. le verbe qui introduit la subordonnée qu’elle sera envers ung autre alee. Comparez avec la version latine : aut isse illam ad alium reperies (éd. Mustard, p. 41, 1. 21 ; éd. Wolkan, p. 467, ll. 27-28).
776. Il faut corriger la conjonction de coordination ou en et. Dans le contexte, les deux conjonctions ne sont pas interchangeables : l’auteur dit en effet que le service du roi et le service amoureux ne sont pas compatibles simultanément. En bonne logique, l’emploi de et s’impose de manière catégorique. Dans le texte original, Piccolomini utilise et : neque enim seruire regi et Amori poteris (éd. Mustard, p. 41, ll. 23-24 ; éd. Wolkan, p. 467, l. 30).
782. La forme caste n’est pas un picardisme : en picard, c + a latin > [k] (selon Charles Th. Gossen, Petite grammaire de l’ancien picard, Paris, Klincksieck, 1951, pp. 95-100 et Grammaire de l’ancien picard, Paris, Klincksieck, 1970, p. 95), mais un latinisme (F.E.W., 2, 478b ; D.M.F. 1, 2). On lit la forme francienne habituelle chaste (ou chastes) aux ll. 780, 1213, 1649 et 1710.
782-784. Le traducteur s’écarte quelque peu du sens de la version originale. On comparera avec ut nec castissima coniunx resistere tot oppugnationibus possit (éd. Mustard, p. 41, ll. 28-29 ; éd. Wolkan, p. 467, l. 34).
785. L’emploi du verbe amener = « emmener » (T.-L., 1, 337-338 ; God., 8, 102c ; F.E.W., 6, 2, 107b) ne se comprend pas, puisqu’il est dit plus loin que le courtisan ne peut emmener sa femme avec lui (l. 788). Le traducteur se trompe et commet un contresens quand il utilise amener à la place d’un verbe de la famille sémantique de « laisser, abandonner ». Comparez avec deserenda est tamen, cum dietim curiae principum moueantur (éd. Mustard, p. 41, l. 29-p. 42, l. 2 ; éd. Wolkan, p. 467, l. 35-p. 468, l. 1). La faute s’explique sans doute par une mauvaise traduction du verbe deferenda (deferre = « faire aller d’un lieu élevé vers un autre plus bas »), variante pour deserenda dans le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57, f. 63v.
803. La leçon fragance est une culpa pennae ; la correction de fragance en fragrance a été opérée sur le modèle des autres attestations de ce terme (voir les ll. 859 et 866).
806-807. Reprise par Piccolomini (éd. Mustard, p. 42, ll. 17-18) de la formule utilisée par Juvénal : in solo uiuendi causa palato est (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 140, XI, v. 11).
809. Citation extraite de l’Epistola ad Philippenses (3, 19) de saint Paul : quorum Deus venter est.
826. Logiquement, le fr. mod. aurait laissé le mot esprit au singulier dans un cas de ce genre, chaque courtisan ne possédant qu’un seul esprit. Mais le traducteur s’est sans doute laissé influencer par la phrase latine, où l’emploi du pluriel est correct : Quibusdam uero expectatio longa, debilitatis spiritibus, appetitum subripuit (éd. Mustard, p. 43, ll. 4-5). Voyez un cas du même genre aux ll. 331, 1039 et 1314.
830. Le traducteur commet une légère faute de traduction quand il rend le lat. ad crapulam (éd. Mustard, p. 43, l. 8), qui signifie « jusqu’à l’ivresse, jusqu’à l’indigestion » (Freund et Theil, 1, 674b ; Le Grand Gaffiot, 442b), par l’expression adverbiale trés gouliardement = « de manière très gourmande, de façon grossière » (God., 4, 306a ; F.E.W., 4, 318a ; Hug., 4, 344b).
837-838. Citation tirée de la Satire I de Juvénal : Hinc subitae mortes atque intestata senectus (éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 11, I, v. 144).
840-841. Piccolomini (éd. Mustard, p. 43, ll. 17-18) reprend ce passage de Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 49, V, vv. 24-25) :
Qualis cena tamen ! Vinum quod sucida nolit
lana pati.
843-844. Le traducteur transpose l’adj. lat. pendulum (éd. Mustard, p. 43, l. 20), que Freund et Theil (2, 738b) et Le Grand Gaffiot (1150c) traduisent par « pendant, qui pend », par cette extrapolation : qui pent et file quant on le verse tant est gras et espéz. Dans le vocabulaire du vin, le verbe pendre ne contient pas d’acception particulière ; filer signifie ordinairement « couler » (voir Albert Henry, Contribution à l’étude du langage œnologique en langue d’oïl (XIIe-XVe s.), Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1996, t. 2, p. 232).
846-849. Comparez le jugement de Piccolomini sur la bière (éd. Mustard, p. 43, ll. 21-23) et celui émis par Pierre de Blois : Cerevisia, quae in curia bibitur, horrenda gustu, abominabilis est aspectu (Epistola xiv, dans Opera omnia, éd. Giles, t. 1, p. 49).
848. L’hapax stomacative (F.E.W., 12, 281a-283a) traduit le superlatif lat. stomachosissima (éd. Mustard, p. 43, l. 23). En lat. classique, stomachosus signifie « plein de colère, indigné, irrité » (Freund et Theil, 3, 322a ; Le Grand Gaffiot, 1503b) ; en lat. médiéval, on le traduit par « nausea plenus » (Du Cange, 7, 2, 605a). L’adj. stomachosissima utilisé par Piccolomini a peut-être subi l’influence de l’ital. stomacoso, mot daté du XVe siècle et qui signifie « qui rend l’estomac malade, très indigeste » (cf. Carlo Battisti et Giovanni Alessio, Dizionario etimologico italiano, Firenze, G. Barbera, 1957, t. 5, p. 3640a). En moyen fr., on donnera donc à stomacative la signification « qui provoque des nausées », sens corroboré par la suite de la phrase qu’en l’estomach cause et fait passion.
850. Le copiste commet deux fautes à quelques lettres de distance. On a introduit l’article indéfini ung devant lieu, sans lequel la phrase ne se comprend pas. Le t final a été supprimé dans ont, leçon fautive pour le pron. indéfini on.
855. Le pronom la renvoie à servoise (l. 846).
860-862. Comparez avec la version latine : Bibet ille muscatellum, aut maluaticum ; ex Galliis, ex Matrigali, ex Riparia Ianuensi, ex Vngaria atque ex ipsa Graecia sibi afferri uina iubebit (éd. Mustard, p. 44, ll. 5-8).
On observera d’abord que la malvoisie est un vin originaire de la partie orientale du bassin méditerranéen (F.E.W., 6, 1, 94b ; Jan Craeybeckx, Les vins de France aux anciens Pays-Bas (XIIIe-XIVe siècles), Paris, S.E.V.P.E.N., 1958, p. 13 et A. Henry, Contribution à l’étude du langage œnologique en langue d’oïl (XIIe-XVe s.), t. 2, p. 247).
On notera ensuite que le traducteur reprend, en les francisant, les toponymes cités en latin : Matrigali (= « Matrica, ville de Hongrie (aujourd’hui Ercsi) » selon Paulys-Wissowa, Real-Encyclopädie der Classischen Altertumswissenschaft, t. 14, 2, c. 2250) > Matrigal et Ianuensi (= « de la région de Pise » suivant Du Cange, 7, 1, 192a) > Januense.
875. La version en moyen fr. est incomplète en cet endroit. Le traducteur ou le copiste du ms. a omis ce passage : Nec speres mundari sciphum dum (éd. Mustard, p. 44, l. 19 ; éd. Wolkan, p. 469, l. l. 30-31).
879. L’adj. vinagiers (= « remplis de vin, qui contiennent du vin »), construit à partir du nom vinage = « vin » (F.E.W., 14, 480a ; God., 8, 248b ; Hug., 7, 477b-478a), est un hapax avec cette signification (voir A. Henry, Contribution à l’étude du langage œnologique en langue d’oïl (XIIe-XVe s.), t. 2, p. 355). Selon God. (8, 249c) et le F.E.W. (14, 480a), vinagier signifie seulement « préposé à la recette du droit de vinage » ou « vaisseau à vin ». L’expression vaisseaulx vinagiers traduit le syntagme lat. uinaria uasa (éd. Mustard, p. 44, l. 22).
882-884. La citation faite par Piccolomini (éd. Mustard, p. 44, ll. 25-27) est extraite de la Satire V de Juvénal (éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 50, V, vv. 49-50) :
Si stomachus domini feruet uinoque ciboque,
frigidior Geticis petitur decocta pruinis.
Le traducteur commet deux erreurs : il remplace le comparatif frigidior par le superlatif absolu trés froide. Il traduit aussi pruinis Geticis = « les neiges de Thrace » (Geticus, a, um = « de Thrace » selon Freund et Theil, 2, 31c et Le Grand Gaffiot, 719a) par des pruynes de Getulie = « des gelées blanches de Gétulie », confondant ainsi la Thrace, région orientale de la péninsule balkanique, avec la Gétulie, province d’Afrique du Nord.
902-903. Le traducteur ou le copiste a ajouté un élément explicatif. La version latine dit seulement : tua truncis affixa tamdiu iacent, quamdiu discerni a mensa possunt (éd. Mustard, p. 45, ll. 10-11 ; éd. Wolkan, p. 470, ll. 12-13).
909-910. L’expression pou machees traduit le lat. paululum trita (éd. Mustard, p. 45, l. 14). Dans cette construction, trita n’est pas le p. pas. féminin du verbe latin terěre = « fouler, broyer, frotter de manière à broyer » (Freund et Theil, 3, 433b ; Le Grand Gaffiot, 1585b), mais l’adj. italien ancien trita = « qui commence à se décomposer » (cf. C. Battisti et G. Alessio, Dizionario etimologico italiano, t. 5, p. 3907b).
Sur le caractère réaliste de la lettre de Piccolomini, voir G. Paparelli, « Il De curialium miseriis », dans Enea Silvio Piccolomini. Papa Pio II, pp. 217-218 et K. Sidwell, « Il De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini e il De infelicitate principum di Poggio Bracciolini », dans Studi Umanistici Piceni, 14, 1994, p. 204).
919. La réduplication synonymique des adjectifs ort et aspre traduit imparfaitement l’expression situ squalidus (éd. Mustard, p. 45, l. 24), puisque le complément de cause situ (= « par la moisissure ») n’est pas rendu.
922-923. La traduction française suit ici la version du ms. Bruxelles, B.R., 10856-57 (f. 66v), partagée par l’éd. Wolkan (p. 470, ll. 25-26), Pira atque poma uel marcida uel acerba, et non celle de l’éd. Mustard (p. 45, l. 26) : Pira et poma marcida.
924-928. Le nom uylle peut comporter les deux genres en a. fr. (F.E.W., 7, 341a ; God., 9, 772c-773a ; Hug., 4, 516b-517a). Dans la phrase présente, ce mot est d’abord employé au masculin (accord de duquel), puis au féminin (l. 925 prinse ; l. 926 laquelle ; l. 927 telle huylle ; ll. 927 laquelle).
L’idée tout entière, et l’allusion au personnage de Boccar en particulier, sont reprises à la Satire V de Juvénal (éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 51, V, vv. 86-91). Selon le poète satirique, le chou que l’on apporte à table pue l’huile de lampe dont se sert Boccar ; c’est pourquoi personne à Rome ne veut se baigner en compagnie de Boccar, dont l’huile passe pourtant pour immuniser contre la morsure des serpents.
927. Alors qu’en fr. mod. la conjonction que serait nécessairement précédée d’une proposition à la forme négative, on trouve dans les anciens textes des cas d’emploi de que au sens de « seulement » à la suite d’une proposition affirmative (Hug., 6, 272b). Toutefois, God. (6, 496b) ne recense que des exemples de la construction ne... que.
Pour se sortir de la difficulté, on peut envisager une autre explication : il s’agirait de considérer que comme une conjonction de subordination introduisant une proposition comparative exprimant un rapport d’égalité (cf. R.L. Gr. Ritchie, Recherches sur la syntaxe de la conjonction « que » dans l’ancien français, depuis les origines de la langue jusqu’au commencement du XIIIe siècle, pp. 101-102). On comprendra alors la phrase de la manière suivante : « et il faut croire que cette huile peut être comme celle au moyen de laquelle personne ne voulait... ». Dans la version latine originale, la conjonction de subordination propter quod introduit une proposition causale : quale illud fuisse credendum est propter quod Romae nemo cum Bochare lauari uolebat (éd. Mustard, p. 46, ll. 1-2 ; éd. Wolkan, p. 470, ll. 29-30).
928-930. La tradition textuelle latine présente des divergences à cet endroit. Comparez Ego magnifico hero meo Gaspari Cancellario gratias ago (éd. Mustard, p. 46, ll. 2-3) avec Ego magnifico ero domino Caspari Slik cancellario gracias ago (éd. Wolkan, p. 470, ll. 30-31 et ms. Bruxelles ; B.R., 10856-57, f. 66v).
929-932. Au cours de l’année 1444, Piccolomini compose trois de ses œuvres les plus importantes : l’Histoire d’Eurialus et de Lucrèce, dans laquelle le chancelier Kaspar Schlick est représenté sous les traits d’Eurialus ; une comédie, Chrysis, inspirée de Plaute et de Térence, et la De curialium miseriis epistola, dans laquelle le futur pape ne ménage pas ses louanges à l’égard de son protecteur (voyez aussi les ll. 460-464), qui lui fournissait le gîte et le couvert (cf. C. Ugurgieri della Berardenga, Pio II Piccolomini, pp. 120-121).
931. La forme polide, féminin de l’adj. poli, est relativement rare (D.M.F. 1, 7) : God. (6, 264ab) ne fournit que des exemples de polie ; elle se rencontre cependant dans l’expression a la polide, qui signifie « élégamment » (F.E.W., 9, 128b). L’adj. polide traduit le lat. lautam (= « brillante, fastueuse ») : et ad lautam eius mensam deduxit (éd. Mustard, p. 46, ll. 4-5).
934. L’adjectif saléz n’est pas disposé à la bonne place : normalement, il doit être l’épithète de luz et non de poissons. Comparez avec Pisces tui uel salsi lucii, uel carpones, uel allecia (éd. Mustard, p. 46, ll. 7-8 ; éd. Wolkan, p. 470, ll. 34-35).
936. En moyen fr., le nom conque, conche (< lat. concha) désigne la coquille (God., 9, 161b ; T.-L., 2, 652 ; Hug., 2, 404b ; D.M.F. 1, 1 ; T.L.F., 5, 1244b et 1356b-1357a). Mais il peut aussi servir à nommer, par métonymie, le « contenu de la coquille », c’est-à-dire le « coquillage » (F.E.W., 2, 2, l000b).
Remarquons que la traduction s’écarte de la version des éditions savantes poteris tencam gustare = « tu pourras goûter de la tanche » (éd. Mustard, p. 46, l. 9 ; éd. Wolkan, p. 470, l. 35) pour suivre la version de la famille du ms. de Bruxelles (B. R., 10856-57, f. 66v) : poteris et concham gustare.
937-938. L’expression cousine de la coulevre traduit le lat. colubrae cognatam (éd. Mustard, p. 46, l. 10), que le futur Pie II reprend textuellement à Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 52, V, v. 103).
940. Alors que l’édition de référence comporte la leçon quatriduanus erit (éd. Mustard, p. 46, l. 12), les deux autres versions consultées sont plus explicites : quatriduanus erit atque corruptus (éd. Wolkan, p. 471, l. 3 et ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 66v).
941. Il convient de corriger la faute affectant double en ajoutant l’s du pluriel.
La locution a doubles dens rend le lat. geminis dentibus = « avec les molaires » (éd. Mustard, p. 46, ll. 13-14), dont Piccolomini a emprunté l’idée à Juvénal : quae genuinum agitent (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 50, V, v. 69). Il faut donc traduire a doubles dens par « avec les molaires ».
943. Le pron. neutre le renvoie à l'idée de « manger du pain blanc ». Cette idée n’est pas exprimée, mais elle est implicitement évoquée par le contexte.
955. En moyen fr., sourt est une graphie possible pour l’adj. dérivé du lat. sordidus (F.E.W., 12, 108a ; God., 10, 700c) qui est employé dans la version latine : qui dum sordidum panem terunt (éd. Mustard, p. 46, ll. 23-24).
956. Faut-il lire l’asplete ou la splete ? Le F.E.W. (18, 177b) et Hug. (7, 77a sous spelte) restent muets sur la question du genre de splete. Sous la rubrique espeautre, T.-L. (3, 1165) donne la forme spelte et la note comme masculine ou féminine, tandis que God. (9, 540b) reprend spelte sous l’entrée espelte et considère le terme comme masculin uniquement. Le mot splete est un emprunt au lat. médiéval spleta, qui est féminin (Du Cange, 7, 2, 550c). On lira donc la splete, nom féminin.
957. Le nom casiates, inconnu des dictionnaires de l’a. fr., est un latinisme. Il traduit 1’adj. latin caseatas (éd. Mustard, p. 46, l. 25) qui signifie « qui contiennent du fromage » (Du Cange, 2, 202c-203a ; Freund et Theil, 1, 432b ; Le Grand Gaffiot, 272c). Nous proposons de traduire casiates par « gâteaux au fromage ».
957-959. Notre traduction présente une version proche du ms. bruxellois et de l’éd. Wolkan. Comparez apportari domino mulum cernunt ac quem mullum mullum inquo quem Corsica misit (ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 67r ; éd. Wolkan, p. 471, ll. 15-16) avec apportari domino mullum cernunt quem Corsica misit (éd. Mustard, p. 46, ll. 25-27).
959. Le passage tout entier est inspiré par la Satire V de Juvénal (éd. de Labriolle-Villeneuve, pp. 51-52, V, vv. 93-96 et 99-102).
962-963. Il faut comprendre le complément trestous les plus prouches par « tous les endroits les plus proches ». La séquence traduit le lat. proxima employé dans la proposition suivante : dum piscatores proxima quaeque scrutantur retibus (éd. Mustard, p. 46, ll. 28-29).
965-966. La version latine originale qui dit squillam (…) asparagis undique saeptam (éd. Mustard, p. 47, ll. 2-3) n’est pas fidèlement traduite.
966. L’accord au féminin du pronom relatif laquelle s’explique par le fait que son antécédent squille est un nom féminin (F.E.W., 12, 218a ; Hug., 7, 81b ; T.L.F., 15, 903b, qui le date de 1591). Au Moyen Âge, la chair du crustacé nommé squille (ou mante de mer) a parfois servi à la préparation de médicaments (voir Clovis Brunel, « Recettes pharmaceutiques d’Avignon en ancien provençal », dans Romania, 87, 1966, p. 517).
974. La leçon les du ms. est amendée en le. Si le pluriel peut s’expliquer par l’accord ad sensum avec l’énumération des poissons de la l. 973, le pronom le renvoie à Tout tant qui, sujet singulier de la proposition précédente ; au surplus, ses apposés roty et cuit sont employés au singulier.
979. La forme élidée d’, probablement omise par le copiste devant ung lievre, est rétablie, puisque tous les autres compléments de mengera sont précédés par cette préposition, admise dans la construction du verbe mangier (T.-L., 5, 1047-1048 ; Hug., 5, 124a).
985. La proposition temporelle Lesquelles choses quant tu regardes est une traduction littérale (et maladroite) de Quae cum respicis (éd. Mustard, p. 47, 1. 18).
987-989. Piccolomini (éd. Mustard, p. 47, ll. 20-21) emprunte le début de la phrase en discours direct à la Satire V de Juvénal (éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 54, V, vv. 166-167).
Ecce dabit iam
semesum leporem atque aliquid de clunibus apri.
994. L’emploi de rien dans une phrase négative où la négation ne n’est pas exprimée est possible en moyen fr. Voyez de nombreux exemples dans Hug., 6, 599b-600a. Voir aussi Marchello-Nizia, Histoire, p. 246.
999. Malgré la présence du p. pas. ressaisi (= « rassasié ») en bout de ligne dans le ms., ce qui tendrait à expliquer que le é final auquel on s’attend a pu facilement disparaître ou n’être qu’imparfaitement ébauché, la forme rare ressaisi, enregistrée seulement en Moselle (F.E.W., 11, 239b), peut être conservée. Comparez avec la version latine : Nonnumquam et tibi tantillum dabitur, non quo te satures (éd. Mustard, p. 47, ll. 27-28).
1010-1011. Allusion empruntée à la Satire V de Juvénal (éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 53, V, vv. 147-148).
1019. La leçon De Yrcanie constitue une faute de traduction par rapport à la version originale. Comparez avec Caseus ex Parma Placentiaque deducitur (éd. Mustard, p. 48, ll. 15-16 ; éd. Wolkan, p. 472, ll. 21-22). Le ms. B.n.F., lat. 6783A donne comme leçon ex Paruia et Placentia (cf. Jacques Ch. Lemaire, « À propos de la traduction en français d’œuvres humanistes : comparaison matérielle entre les mss Paris, B.N., lat. 6783A et fr. 1988 », dans Mélanges François Masai, t. 2, p. 440, note 10), mais la version imprimée de 1517 comporte la mention ex Parma Placentiaque (cf. Aeneae Sylvii libellus aulicorum miseriis copiose explicans, Moguntiae, Johannis Schoeffers, f. 463v). La faute n’est pas imputable au traducteur français, mais remonte à la version latine dont celui-ci s’est servi. On peut la découvrir au f. 68v du ms. Bruxelles, B. R., 10856-57 : caseus ex Ircania et Placentia. Cette copie, qui présente également des rubriques – comme notre version en moyen français –, a été réalisée vers 1470 dans les Pays-Bas méridionaux et a fait partie des collections de Marguerite d’Autriche (voir Marguerite Debae, La bibliothèque de Marguerite d’Autriche. Essai de reconstitution d’après l’inventaire de 1523-1524, Louvain-Paris, Peeters, 1995, pp. 467-470).
Les dictionnaires onomastiques usuels ne fournissent aucune explication satisfaisante pour le nom propre Yrcanie. Ce toponyme, qui renvoie sans doute à une localité située non loin de Piacenza, n’est pas cité dans la thèse de Pierre Racine (Plaisance du Xe à la fin du XIIIe siècle. Essai d’histoire urbaine, Lille, Ateliers de reproduction des thèses, 1979, 3 vol.).
1020. L’adj. aveugle traduit l’adj. latin caecus (éd. Mustard, p. 48, l. 16) qui, dans son acception la plus courante, signifie « aveugle, caché, impénétrable » (Freund et Theil, 1, 378c-379b ; Le Grand Gaffiot, 240b). Dans le cas présent, caecus, qui semble influencé par l’italien cièco, qui peut avoir pour signification « qui n’a pas de sortie » (cf. Salvatore Battaglia, Grande dizionario della lingua italiana, Torino, s.d., t. 3, p. 129b et C. Battisti et G. Alessio, Dizionario etimologico italiano, t. 2, p. 932a), a le sens de « qui ne contient pas de trous » (c’est-à-dire « qui n’est pas encore entamé par les vers » suivant l’allusion contenue dans les ll. 917-920). Notons que l’adj. aveugle s’applique parfois en fr. mod. au nom bouillon et qu’il signifie alors « très maigre, sans yeux » (F.E.W., 24, 35b), mais ce sens particulier ne convient pas du tout dans le cas qui nous occupe. Sur l’histoire controversée du mot aveugle, voir Olaf Deutschmann, « Französische aveugle. Ein Beitrag zur Methodik und Problematik etymologischer Forschung », dans Romanistisches Jahrbuch, 1, 1947-1948, pp. 87-153 et Gerhard Rohlfs, « Zur Wortgeschichte von frz. aveugle », dans Archiv für das Studium der neueren Sprachen, 190, 1953-1954, pp. 70-73.
1023. L’expression en sa main la cousteau volant est la traduction du lat. chironomanta uolanti cultello (éd. Mustard, p. 48, l. 19), expression qui a été elle-même empruntée par l’humaniste italien à Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 52, V, vv. 121-122).
1024. La présence de la conjonction de coordination ou devant aucune est une faute qui altère gravement la compréhension du texte : on remplace donc cette conjonction par et. Comparez avec ante dominum diuersis gestibus leporem atque gallinam secantem spectabis, et qui te nihil horum permittet tangere quibus oblectaris (éd. Mustard, p. 48, ll. 19-22 ; éd. Wolkan, p. 472, ll. 25-27).
1029. Le pronom personnel il, sujet de est, renvoie à tourment.
Remarquons que le traducteur s’écarte de la version originale. Comparez avec An non simillimum est hoc tormentum illi quod pœtae finxerunt de Tantalo (éd. Mustard, p. 48, ll. 25-26 ; éd. Wolkan, p. 472, 29-30).
Le supplice de Tantale, plongé aux Enfers et soumis à une faim et à une soif perpétuelles, est un thème mythologique très célèbre et fort ancien. On en trouve déjà un témoignage dans Homère (L’Odyssée, éd. Bérard, t. 2, p. 107, XI, vv. 582-592).
1034-1035. L’expression choses de dire et qu’on ne devroit dire transpose l’expression latine tacenda dicendaque (éd. Mustard, p. 48, 1. 29) que Piccolomini emprunte aux Épîtres d’Horace (cf. éd. Villeneuve, p. 71, I, VII, v. 72).
1036. L’infinitif mueir traduit le lat. mutire (éd. Mustard, p. 48, l. 30), qui signifie « parler entre ses dents, marmotter, parler tout bas » (Freund et Theil, 2, 532b ; Le Grand Gaffiot, 1018c). On considérera donc que mueir (= « parler à voix basse ») est un dérivé de mutire (F.E.W., 6, 3, 300b) et non de mugire = « pousser un cri sourd » (F.E.W., 6, 3, 191b ; God., 5, 445b ; T.-L., 6, 423).
1039. L’emploi du mot plantes au pluriel est illogique (voyez toutefois des cas semblables relatifs aux parties du corps aux ll. 331, 826 et 1314), mais il s’explique si l’on songe que le traducteur s’est tenu strictement à son modèle latin qui dit : quasi Cacus per plantas educeris foras (éd. Mustard, p. 49, ll. 1-2).
Selon la légende, Cacus, dieu romain du feu, avait volé des bœufs à Hercule. Celui-ci parvint à retrouver son voleur et à en avoir raison. Il le tua et le traîna par les pieds hors de la caverne qu’il occupait (Ovide, Les Fastes, éd. Schilling, pp. 21-22, I, vv. 549-586 ; Virgile, Énéide, éd. Perret, t. 2, p. 128, VIII, vv. 264-265 ; Juvénal, Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 52, V, vv. 125-126).
1040. L’adjectif du moyen fr. furtif traduit un nom de la version latine : ac uel latro uel fur uocaberis uel adulter (éd. Mustard, p. 49, ll. 2-3). En lat., fur signifie « voleur » (Freund et Theil, 1, 1155a ; Le Grand Gaffiot, 702c). On peut comprendre furtif avec le sens de « qui agit à la dérobée ». On notera que le F.E.W. (3, 911b) n’enregistre pas cette signification de furtif avant le XVIIe siècle, mais God. (9, 675c) en fournit cependant un exemple plus ancien, extrait de l’œuvre de Jean Bouchet (début du XVIe siècle).
1040-1041. Piccolomini (éd. Mustard, p. 49, ll. 3-4) cite avec exactitude le vers de Juvénal : Maxima quaeque domus seruis est plena superbis (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 50, V, v. 66).
1043-1044. Traduction infidèle du texte de Piccolomini (éd. Mustard, p. 49, l. 6) qui cite ce vers de la Satire V de Juvénal : quodque aliquid poscas et quod se stante recumbas (éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 50, V, v. 65).
1053. Le traducteur ne respecte pas le sens du verbe de la version originale en écrivant toutes les fois que tu meuz quelque chose. Comparez avec et quotiens aliquid mordes (éd. Mustard, p. 49, l. 13 ; éd. Wolkan, p. 473, ll. 9-10).
1064-1065. L’emploi du terme assiete rend assez mal la signification de l’énoncé en latin : Quod si quis casus meliores epulas initio mensae concesserit (éd. Mustard, p. 49, ll. 22-23 ; éd. Wolkan, p. 473, l. 17).
1075. L’adj. strigonencian est un latinisme ; il traduit 1’adj. lat. Strigoniensem (éd. Mustard, p. 50, l. 1) qui a pour signification « d’Esztergom (ville de Hongrie) » (cf. Graesse, Benediet, Plechi, Orbis latinus. Lexikon lateiniseher geographiseher Namen des Mittelalters und der Neuzeit, t. 3, p. 426b).
L’emploi sans référent du pronom personnel sujet à la 3e personne du pluriel est un calque de la construction latine (Michel, Grammaire, no 292, p. 169) où le sujet indéterminé, qui s’exprime le plus souvent en fr. mod. par le pron. indéfini on, peut se rendre par la conjugaison du verbe à la 3e personne du pluriel (Hasenhor, Introduction, no 102, p. 88)
Comme on l’a déjà observé (voir la note de la l. 568), le pronom personnel 3e personne du pluriel il peut parfois être employé pour ilz en moyen fr.
1091-1092. Dans sa troisième épode, Horace juge l’ail plus nocif que la ciguë (Odes et épodes, éd. Villeneuve, p. 204, III, vv. 1-3) :
Parentis olim siquis impia manu
senile guttur fregerit
edit cicutis alium nocentius.
1097. Normalement, on s’attendrait à trouver l’adj. indéfini aucunes au singulier, l’adj. s’accordant en genre et en nombre avec le mot le plus proche quand il est commun à plusieurs substantifs coordonnés (Hasenhor, Introduction, no 77, p. 69 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 108). Il peut prendre la marque du pluriel si l’on considère que l’adj. indéfini est susceptible de varier en nombre quand il se rapporte à deux ou plusieurs noms singuliers coordonnés. Dans ce cas, il se met généralement au masculin pluriel, quand les noms sont de genres différents (Gardner et Greene, A Brief Description, p. 27 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 255, p. 143) ; ici, les trois noms (saveur, pointure et doulceur) étant du féminin, l’adj. indéfini a pris la marque du féminin pluriel.
1099. Le pronom en renvoie au nom viandes de la l. 1097.
1101-1102. Piccolomini (éd. Mustard, p. 50, ll. 22-23) cite, en y changeant l’ordre des mots, ce texte de Juvénal : Voluptates commendat rarior usus (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 147, XI, v. 208).
1104. On remarquera que le pron. pers. régime masc. pluriel eulx renvoie à choses, nom féminin. L’emploi du pron. régime masc. à la place du pron. régime féminin s’explique sans doute par analogie avec les formes du pron. pers. sujet ilz et elles qui sont, en moyen fr., parfois interchangeables (Gardner et Greene, A Brief Description, pp. 46-47 ; Buridant, Grammaire, no 336, p. 420 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 175 ; Hasenohr, Introduction, no 80, p. 72).
1105-1118. Nouvel emprunt, pratiquement textuel, de Piccolomini au Pogge. Comparez : Sed stultum atque imperitum uulgus haec taedia non animadvertit, solumque suspensas ex basi uestes ac sublimes respicit in equis milites ; et cum opes, argentum, aurum, famulorum cateruas et ornatum exteriorem intuetur, miserias interiores nequaquam considerat. At Seneca, summa prudentia uir, « Isti », inquit, « quos pro fœlicibus aspicitis, si non qua cernuntur, sed qua latent uideritis, miseri sunt, sordidi, turpes, ad similitudinem parietum suorum extrinsecus culti » (éd. Mustard, p. 50, l. 27-p. 51, l. 6) avec Sed stultum atque imperitum vulgus non hec eorum damna animadvertit nec conspicit miserias interiores : ex basi suspensos ac sublimes prospectat. Opes, aurum, vestes, argentum, famulantium catervas obstupescens, exteriorem ornatum intuetur, non intro novit quibus exagitentur malis. Sapientissime de his scribens Seneca : ist – inquit – quos pro felicibus aspicitis, si non qua currunt, sed qua latent videritis, miseri sunt, sordidi, turpes, ad similitudinem suorum parietum extrinsecus culti (Poggio Bracciolini, De infelicitate principum, éd. Canfora, pp. 42-43). Voir aussi D. Canfora, « Due fonti del De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini : Bracciolini e Lucrezio », dans Archivio Storico Italiano, 64, 1996, pp. 488-489 et K. Sidwell, « Il De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini e il De infelicitate principum di Poggio Bracciolini », dans Studi Umanistici Piceni, 14, 1994, p. 200.
1107-1108. Le traducteur est infidèle à son modèle latin quand il traduit suspensas ex basi uestes (éd. Mustard, p. 50, l. 28 ; éd. Wolkan, p. 474, l. 11) par les riches vestemens precieulz et pendans.
1112. La leçon du ms. misereres contient une dittographie (la répétition superflue de re). Il faut lire miseres (F.E.W., 6, 2, 168b).
1114-1118. La citation de Sénèque, faite par Poggio Bracciolini (De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 43) et reprise par Piccolomini, est tirée du De Prouidentia de Sénèque (Dialogues, éd. Waltz, t. 4, p. 27, VI, 4).
1116. Le pron. relatif qui a pour antécédent le pron. pers. les (l. 1115).
1117-1118. Dans l’ancienne langue, murail est un nom masculin (God., 5, 449c ; T.-L., 6, 436) et muraille un nom féminin (God., 10, 185b ; F.E.W., 6/3, 2432b). Les deux formes ont été confondues, puisque l’accord de aornéz et peintz se fait au masculin.
1120. La traduction omet un complément de servent. Comparez avec qui propter irritamenta gulae principibus seruiunt (éd. Mustard, p. 51, ll. 7-8 ; éd. Wolkan, p. 474, ll. 17-18).
1121. Le pluriel indûment mis à leur femme (alors que joieuse est bien au singulier) par le traducteur du texte ou le copiste du ms. a été amendé, puisque chaque citoyen ne vit qu’avec une seule femme. La version latine donne le complément d’accompagnement au singulier : cum iocunda conjuge (éd. Mustard, p. 51, l. 8 ; éd. Wolkan, p. 474, l. 19).
1123-1125. À cet endroit du texte, la traduction ne rend pas le sens précis de la version originale. Comparez avec qui medias inter oues castaneas molles et mitia poma cum lacte uorantes nitidi fluminis undas exhauriunt (éd. Mustard, p. 51, ll. 10-11 ; éd. Wolkan, p. 474, ll. 20-21). Voir le commentaire de cette faute dans J. Lemaire, « L’originalité de la traduction du De curialium miseriis dans la littérature anticuriale du temps », dans International Journal of the Classical Tradition, 2, 1996, p. 370.
1126. Le référent du pron. pers. eulz est curiaulz (l. 1120).
1129. Un élément de la phrase latine n’a pas été traduit ou transcrit. Comparez avec cum illis nec ex sententia succedat quod appetunt, nec, si successerit... (éd. Mustard, p. 51, ll. 14-15 ; éd. Wolkan, p. 474, ll. 24-25).
1134-1135 et 1138. Le verbe consulter a (God., 9, 170c ; Hug., 2, 471b) est employé, dans les deux cas, au sens de « agir selon, se laisser guider par », signification que le F.E.W. (2, 1094a) n’enregistre pas avant 1662. L’influence de la version latine, où animae est au datif, est probable : qui tanquam animae consulturi regalibus sese dedunt obsequiis (éd. Mustard, p. 51, ll. 19-20).
1149. La dittographie esmeu par par la figurant dans le ms. est amendée.
1152. À propos de la signification de gaingne son ame, voir la note des ll. 197-198.
1156-1164. La comparaison entre le cavalier et l’homme de cour est empruntée au Pogge (De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 21).
1158-1159. Un adjectif de l’original latin n’a pas été traduit. Comparez avec sic uir bonus et iustus apud reges (éd. Mustard, p. 52, ll. 7-8). Cette faute s’observe ailleurs dans la tradition (voir éd. Wolkan, p. 475, l. 9 et le ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 71r).
1159. L’article contracté ou étant du singulier, service porte erronément une s finale dans le ms. Cette erreur de transcription a été corrigée. Comparez avec sic uir bonus et iustus apud reges diffluet (éd. Mustard, p. 52, ll. 7-8).
1165-1167. Allusion probable au départ de Platon d’Athènes pour Mégare, en 399 av. J.-Chr., fuite qui suivit de peu les troubles suscités par la chute des Trente et la mort de Socrate (cf. A. Ed. Chaignet, La vie et les écrits de Platon, Paris, Didier, 1871, p. 24).
1167. Le nom inquinamens, qui traduit le lat. inquinamenta (éd. Mustard, p. 52, l. 13) signifiant « saletés, ordures » (Freund et Theil, 2, 204a ; Le Grand Gaffiot, 835a), n’est pas connu des dictionnaires usuels. Dans le même sens, le moyen fr. emploie le mot inquination (F.E.W., 4, 706b ; T.-L., 4, 1402 ; God., 10, 18c ; Hug., 4, 643b).
1168. Reprise de la célèbre devise socratique γνωθι σεαυτόν.
1172-1178. Piccolomini (éd. Mustard, p. 52, ll. 16-21) emprunte le passage au Pro Caelio de Cicéron : cum omnibus communicare quod habebat, seruire temporibus (...), uersare suam naturam et regere ad tempus atque huc et illuc torquere ac fletere, cum tristibus seuere, cum remissis iocunde, cum senibus grauiter, cum iuuentute comiter, cum facinerosis audaciter, cum libidonis luxuriose uiuere (Discours, éd. Cousin, t. 15, pp. 94-95, VI, 13).
1181-1192. L’humaniste italien puise les exemples de Platon, de Zénon, d’Anaxagore et de Boèce dans le traité anticurial de Poggio Bracciolini. (Comparez la De curialium miseriis epistola, éd. Mustard, p. 52, l. 24-p. 53, l. 6 et le De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 39). Pour les figures de Zénon et d’Anaxagore, la source directe du De infelicitate principum est Valère Maxime (Faits et dits mémorables, éd. Combés, pp. 246-248, III, 3, ext. 2 et 4).
1182-1187. Après son séjour à Mégare, Platon aurait quelque peu voyagé (cf. Alice Riginos, Platonica. The Anecdota concerning the Life and Writings of Plato, Leiden, Brul, 1976, pp. 61-69), puis, en 388, il se rend en Sicile à l’invitation du tyran de Syracuse, Denys Ier l’Ancien (430-367 av. J.-Chr.). Très vite, le philosophe athénien se sent mal à l’aise dans l’atmosphère dissolue de la cour de Denys : ses conseils et ses critiques portent tant d’ombrage à son hôte que celui-ci se venge de Platon en le faisant embarquer de force sur un navire spartiate et déposer dans l’île d’Égine, alors en état de belligérance avec Athènes (cf. Gaston Maire, Platon, sa vie, son œuvre, Paris, P.U.F., 1966, pp. 8-9).
1184. Il faut comprendre : « il te reste à voir comment il (Platon) est attrapé par lui (Denys le Tyran) à ce propos ». La version originale latine emploie le réfléchi indirect, appliqué à Platon : Sic est, ut ais. Sed uide quid sibi obtigerit (éd. Mustard, p. 52, ll. 27-28). La forme sibi est absente de l’éd. Wolkan, (p. 475, l. 26).
1188-1190. Selon Valère Maxime, Zénon d’Élée avait quitté sa patrie pour vivre à Agrigente, où il s’était donné pour mission d’adoucir la férocité du tyran Phalaris. Accusé d’avoir jeté le trouble dans l’esprit de plusieurs jeunes gens, il dut subir des tortures, car Phalaris entendait lui faire avouer les noms de ses complices. Par une manœuvre habile, Zénon inspira au tyran des soupçons sur ses plus intimes courtisans et parvint à soulever le peuple des Agrigentins contre lui (Valère Maxime, Faits et dits mémorables, éd. Combés, t. 1, p. 246, III, III, 2).
1190-1191. Piccolomini (éd. Mustard, p. 53, ll. 4-5) et le traducteur à sa suite, se trompent sur les noms des personnages dont l’histoire est rapportée par Valère Maxime. L’anecdote exacte est la suivante : le tyran de Chypre Nicocréon avait ordonné que l’on torturât le philosophe Anaxarque ; celui-ci, menacé d’avoir la langue coupée, la trancha avec ses propres dents, puis la cracha dans la bouche de son ennemi, avant de mourir (Faits et dits mémorables, éd. Combés, t. 1, pp. 247-248, III, iii, 4). L’erreur remonte au texte de Poggio Bracciolini qui écrit : Anaxagoras, nobilis philosophus, a Nichecreonte Cypriorum rege occisus est (De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 39). Voir aussi D. Canfora, « Due fonti del De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini : Bracciolini e Lucrezio », dans Archivio Storico Italiano, 64, 1996, p. 490, n. 33.
1191-1192. Nommé en 522 maire du palais du roi des Ostrogoths Théodoric le Grand (455-526), Boèce (480-525), accusé d’intelligence avec la cour de l’empereur d’Orient Justin Ier et suspecté de pratiques magiques, fut emprisonné sur l’ordre de Théodoric en 524 et exécuté l’année suivante dans d’atroces souffrances (cf. Dictionnaire de théologie catholique, t. 11, cc. 918-919). Le souvenir de la mort de Boèce est également remémoré par Poggio Bracciolini (De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 39).
1195-1196. Les prophètes Moïse et Élisée se sont tous les deux mis au service des princes, sur l’ordre de Dieu, sans que cette allégeance leur ait causé quelque dommage.
Le premier, enfant hébreu, a été appelé à vivre ses premières années à la cour du pharaon Ramsès II puis, après un séjour dans la région de Madian, est retourné à la cour d’Égypte, où Dieu lui ordonna d’aller pour libérer ses frères (Exodus, 2, 1-5, 5). Pierre de Blois cite aussi Moïse en exemple des prophètes qui, envoyés par Dieu auprès des princes, se sont empressés de les fuir une fois leur tâche acquittée (Opera omnia, éd. Giles, t. 1, p. 48).
Le second, disciple d’Élie, a vécu dans l’entourage des rois de Juda, d’Israël et d’Édom et les a aidés de ses conseils (II Reg., 3, 11-20).
1200-1203. L’histoire du patriarche Joseph est célèbre : on sait que l’un des épisodes tragiques de sa vie est d’avoir été vendu par ses frères à Putiphar, un courtisan du Pharaon, et que, grâce à la protection de Dieu, il gagna la confiance du roi d’Égypte (Gen., 37, 12-36-39, 1-6).
1203. La correction de Aussi que en Aussi je paraît inutile dans la mesure où la conjonction de subordination aussi que peut être employée en fonction d’adverbe avec le sens de « aussi, de même » (T.-L., 1, 683 ; F.E.W., 11, 576b ; God., 1, 238b). Le recours à cette locution adverbiale d’insistance, de même que l’allusion à l’usage des vêtements civils, constitue un ajout par rapport au texte original latin : Fatebor et Mauricium et Martinum militasse ac principibus seruiuisse (éd. Mustard, p. 53, 15-17 ; éd. Wolkan, p. 476, ll. 4-5).
1205-1207. Selon la légende, saint Maurice était officier d’une légion romaine, dite légion thébéenne, entièrement composée de chrétiens. Refusant de sacrifier aux dieux païens, il fut exécuté et sa légion massacrée près d’Agaunum (Saint-Maurice-en-Valais) en l’an 286, sur l’ordre du général Maximien (cf. Louis Dupraz, Les passions de saint Maurice d’Agaune. Essai sur l’historicité de la tradition et contribution à l’étude de l’armée prédioclétienne (260-286) et des canonisations tardives de la fin du IVe siècle, Fribourg, 1961, (« Studia Friburgensia », 27), pp. 294-295).
1207-1211. Fils d’un tribun militaire païen, saint Martin de Tours (vers 315-397) commença sa carrière dans le métier des armes. Un jour qu’il était à Amiens, il partagea son manteau avec un mendiant ; la nuit suivante, il vit en rêve Jésus-Christ portant la moitié de son manteau. À la suite de ce songe, il quitta l’armée (en 339) et vécut en ermite dans une île au large des côtes d’Italie. Plus tard, il devint évêque de Tours (le 4 juillet 371). Voir à ce sujet Omer Englebert, Vie de saint Martin, Paris, Gallimard, 1940, (« Collection catholique », 12), pp. 13-16.
1209-1213. Dans certaines familles de la tradition textuelle latine, une considération d’ordre social est supprimée et remplacée par un élément à caractère religieux. La tendance à « christianiser » l’ouvrage de l’humaniste italien n’est donc pas une exclusivité du traducteur de la lettre anticuriale en moyen français. Comparez Sciebat enim uir sanctus quia pupillorum et uiduarum causae ad principes non ingrediuntur, qui nunquam apud reges causa pauperum defenditur, qui uenalis est omnis iusticia (éd. Mustard, p. 53, ll. 20-23) avec Sciebat enim uir sanctus quia pupillorum et uiduarum cause ad principes non ingrediuntur, quia nunquam apus eos sanctificatur sabbatum, qui uenalis est omnis justitia (éd. Wolkan, p. 476, ll. 7-10 et le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57, f. 72r).
1219. Une partie de la version latine n’a pas été translatée, ou transcrite, dans le ms. fr. Comparez avec Et quamuuis esset Martinus ipse sanctissimus, possetque sua uirtute superare militiam, amplius tamen militiam nec per se uoluit sequi (éd. Mustard, p. 53, l. 28-p. 54, l. 1). L’absence de la mention de Martinus affecte aussi l’éd. Wolkan (p. 476, l. 14) et la version du ms. Bruxelles, B.R. 10856-57 (f. 72v).
1223-1224. Paraphrase de la parole évangélique Si uis perfectus esse, uade, uende quae habes, et da pauperibus, et habebis thesaurum in caelo ; et ueni, sequere me (Matth., 19, 24. Voir aussi Marc, 10, 21 et Luc, 18, 22).
1232. Le verbe aprisier (= « retenir, contenir ») est une autre forme du verbe apresser <lat. pressare (F.E.W., 9, 362a ; God., 1, 356a-357a et 9, 374a ; T.-L., 1, 474).
Pour ce qui concerne le verbe coarter, voyez la note de la l. 17.
1240-1242. Traduction peu élégante de Sed persuasum est mihi, neminem esse qui curiae seruiendo non potius uincatur a uiciis quam uicia uincat (éd. Mustard, p. 54, ll. 19-21).
1243-1244. Piccolomini (éd. Mustard, p. 54, ll. 21-23) cite ces deux vers de Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 173, XIV, vv. 40-41) :
quoniam dociles imitandis
turpibus ac prauis omnes sumus.
1246-1247. Piccolomini (éd. Mustard, p. 54, ll. 23-24) reprend textuellement cet extrait de Gen., 8, 21 : sensus enim et cogitatio humani cordis in malum prona sunt ab adolescentia sua.
1255-1272. Les exemples de l’ingratitude de Cyrus, de Cambyse et d’Alexandre sont empruntés par Piccolomini au De infelicitate du Pogge. Comparez la De curialium miseriis epistola, éd. Mustard, p. 55, ll. 2-17 avec le De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 32.
1255-1260. Les récits du malheur d’Harpagus, à qui Astyage donna, sur l’ordre de Cyrus, ses enfants à manger, et du crime commis par Cambyse sur la personne du fils de son conseiller Préxaspe illustrent le fait que les bons conseils sont souvent mal reçus par les maîtres et entraînent des désagréments à ceux qui les dispensent. Les deux anecdotes sont racontées par Hérodote (pour Harpagus, voir Histoires. Livre i. Clio, éd. Legrand, t. 1, p. 141, I, 119), mais la source à laquelle Poggio Bracciolini (De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 32), qui inspire Piccolomini, puise ses exempla est sans aucun doute le De ira de Sénèque (De la colère, éd. Bourgery, t. 1, pp. 80-82, XIV, 1-XV, 2).
1257. Le sujet de reprinst est Arpalus et non Cyrus.
1259. Le référent de i, pron. pers. sujet, est le pron. un.
Selon les termes de la légende, le roi de Perse Cambyse, fils aîné de Cyrus le Grand, ayant reçu d’un de ses courtisans préférés, Préxaspe, la recommandation de ne pas s’adonner à la boisson, voulut prouver à son conseiller que l’ivresse ne lui faisait pas perdre la tête. Il ordonna que le fils de Préxaspe fût placé devant lui et prouva qu’il savait garder toute sa maîtrise en transperçant d’une flèche le cœur du jeune homme (Hérodote, Histoires. Livre iii. Thalie, éd. Legrand, pp. 62-63, III, 34-35).
1260-1262. Après avoir été le précepteur d’Alexandre le Grand, Aristote en devint l’ami. Il entretint de bonnes relations avec le roi de Macédoine jusqu’en 325 avant Jésus-Christ, date de la mort de l’historien Callisthène, dont le philosophe fut doublement affligé, comme oncle de la victime et comme maître du meurtrier. Les relations d’Aristote avec Alexandre sont narrées dans leurs grandes lignes par Diogène Laërce (Vitae philosophorum, éd. Marcovich, t. 1, pp. 306-307).
1266. La leçon fautive Lymachus, culpa pennae pour Lysimachus a été corrigée. Ce patronyme est écrit correctement plus loin (ll. 1271 et 1272).
1267-1270. Callisthène, neveu et disciple d’Aristote, avait reproché à Alexandre le Grand de se faire saluer, lui un Macédonien, à la manière des Perses (Valère Maxime, Facta et dicta memorabilia, éd. Briscœ, t. 2, p. 449, l. VII, iii, 11). Pour punir Callisthène de ses remontrances, Alexandre ordonna qu’il fût mutilé et porté dans une cage à travers le camp militaire (Iuniani Iustini Epitoma historiarum philippicarum Pompei Trogi, éd. Seel, pp. 140-141, XV, iii, 3-6). Piccolomini reprend sur ce point les informations contenues dans le De infelicitate principum de Poggio Bracciolini (éd. Canfora, p. 32).
1270-1272. Touché par l’infortune du philosophe-historien Callisthène, le général Lysimachus prodigua du poison au prisonnier, afin qu’il se dérobe à ses tourments. Offensé par la hardiesse de son soldat, Alexandre fit jeter Lysimachus devant un lion furieux, dont le général vint néanmoins à bout (Iuniani Iustini Epitoma historiarum philippicarum Pompei Trogi, éd. Ruehl, p. 118, XV, iii, 6-9). L’épisode relatif au supplice du lion imposé à Lysimachus est brièvement évoqué par Poggio Bracciolini (De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 33).
1273-1275. La mort de Clitus, frère de lait et ami d’Alexandre, est expliquée de diverses manières. Selon Sénèque, Alexandre asséna un violent coup d’épée à Clitus parce que celui-ci ne faisait pas de lui un assez vibrant éloge (De la colère, éd. Bourgery, t. I, p. 84, XVII, 1). Selon Justin, Clitus fut tué d’un coup de javelot lancé par Alexandre, jaloux des louanges que Clitus adressait à Philippe de Macédoine (Iuniani Iustini Epitoma historiarum philippicarum Pompei Trogi, éd. Ruehl, p. 93, XII, vi, 1-4). Une troisième explication est fournie par l’historien Quintus Curtius (voyez la note des ll. 420-422). L’épisode de l’assassinat de Clitus par Alexandre au cours d’un repas est aussi rapporté par Poggio Bracciolini (De infelicitate principum, éd. Canfora, p. 33).
1305. L’usage de vestemens au sens de « couverture » est un latinisme. En lat., uestimenta signifie parfois « couvertures » ou « tapis de lit » (Freund et Theil, 3, 572c ; Le Grand Gaffiot, 1695b) ; mais en moyen fr., vestemens a pour seule signification « habits » (F.E.W., 14, 351b ; God., 10, 851b ; D.M.F. 1, 1). Le traducteur est visiblement influencé par la version latine : Alius frigidus est et uestimenta ad se rapit (éd. Mustard, p. 56, ll. 12-13).
1308. La proposition coordonnée ou tu lui seras veu tousjours estre ennuyeulz est une traduction malhabile pour uel tu illi uideberis taediosus (éd. Mustard, p. 56, l. 15).
1313. Le traducteur s’écarte légèrement de son modèle quand il rend confabulantur = « ils parlent, ils conversent » (Freund et Theil, 1, 583b ; Le Grand Gaffiot, 386a), terme utilisé par Piccolomini (éd. Mustard, p. 56, l. 19), par ilz raillent qui peut avoir pour signification « ils crient, ils plaisantent » (F.E.W., 10, 32b ; God., 10, 475b ; T.-L., 8, 194 ; D.M.F. 1, 3) ou bien « ils parlent en vain » (cf. Gilles Roques, « Notes de lexicographie française », dans Romania, 100, 1979, p. 110).
1314. Le cas de leurs liz appelle une explication semblable à celle qui a été donnée pour leurs testes de la l. 331, pour leurs esperiz de la l. 826 et pour les plantes de la l. 1039.
1317-1318. La version traduite est plus proche du texte contenu dans le ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 74v (Nunquam scies ubi dormire debeas nisi dormitum iueris) que de celui proposé par les éditions modernes : Nunquam scies ubi jacere debeas nisi cum domini dormitum iuerint (éd. Mustard, p. 56, ll. 23-24 ; éd. Wolkan, p. 478, ll. 16-17).
1329-1330. La proposition veoians tous ceulz qui sont la assistans est une interpolation opérée par le traducteur. Comparez avec qui iurgia continuo proludunt, tantusque clamor exoritur (éd. Mustard, p. 57, ll. 2-3 ; éd. Wolkan, p. 478, ll. 24-25). Le p. pr. veoians ne se rapporte pas au sujet de louent, mais est employé au cas régime absolu et signifie « à la vue de » (God., 10, 832c ; F.E.W., 14, 422a).
1334-1336. On remarquera que la translation diffère assez nettement de la version originale. Comparez avec Absentem cantat amicam, ut Flaccus ait, multa prolutus uappa nauta atque uiator (éd. Mustard, p. 57, ll. 6-7 ; éd. Wolkan, p. 478, ll. 28-29). Les premiers mots de la phrase française (Le prodigue et dissipeur de biens) constituent une addition et l’apposé multa prolutus uappa (= « imbibé de mauvais vin ») est (mal) traduit par maintes choses parlant.
La citation est empruntée à Horace (Satires, éd. Villeneuve, p. 71, l. I, V, vv. 15-16).
1347. Le nom aloué, qui traduit le lat. serui (éd. Mustard, p. 57, l. 14), est le p. pas. substantivé du verbe alouer = « employer, prendre à gages » (God., 8, 86c ; F.E.W., 1, 72b et 21, 337a ; T.-L., 1, 308-309 ; Hug., 1, 170a ; D.M.F. 1, 1). On peut le comprendre au sens de notre nom moderne « employé », voire avec la signification de « serviteur à louage » (T.L.F., 2, 584a). Sur la valeur juridique précise de ce mot à l’époque médiévale, voir Noël Dupire, « Sur un livre récent : Les origines du droit d’association », dans Mémoires de l’Académie des sciences, lettres et arts d’Arras, 4e série, t. 2, 1943, pp. 225-226.
1355. La phrase contient une anacoluthe : le sujet (chose) comporte deux éléments dépendants de natures différentes : un attribut (tolerable) et un complément coordonné à cet attribut (et a supporter), construit sur le mode de la formule estre a (voir la note des ll. 470-472). La phrase latine du modèle est moins compliquée : Sed esset tolerabile fortasse Marescallo caput inclinare (éd. Mustard, p. 57, ll. 19-20).
1357-1361. Un passage – également absent de la version du ms. Bruxelles, B.R., 10856-57 (f. 75r) – n’a pas été rendu. Comparez avec atque his supplicare et offere pecuniam, grauissimum est. Nec tamen hoc potes effugere ; nam et coquis et pistoribus et frumentariis et bladi uinique distributoribus humiliare te oportet, et ipsorum beniuolentiam emere (éd. Mustard, p. 57, ll. 22-26 ; éd. Wolkan, p. 479, ll. 10-12).
1358. L’adj. regectéz = « réprouvés » (F.E.W., 5, 19b ; God., 6, 740b) transpose peu fidèlement l’adj. lat. abiectos = « vils, abjects, communs » (Freund et Theil, 1, 8c ; Le Grand Gaffiot, 6c), employé par Piccolomini (éd. Mustard, p. 57, l. 21).
1363. À propos de l’emploi de il pour ilz, voyez la note de la l. 450.
1365. Dans la séquence non obstant ce que tu as donné or, l’article partitif n’est pas exprimé. Comparez avec quamuis aurum dederis (éd. Mustard, p. 57, dern. l.). Au sujet de la construction non obstant ce que, voir God., 10, 208b ; Hug., 5, 447a et O. Soutet, La concession en français des origines au XVIe siècle, p. 157.
1366. Le nom friandel, qui traduit le substantif lat. scurram = « galant, petit maître, gandin » (Freund et Theil, 3, 193b ; Le Grand Gaffiot, 1427c) employé par Piccolomini (éd. Mustard, p. 57, l. 30), est le diminutif de friand = « jeune homme habillé avec élégance » (God., 4, 146c ; F.E.W., 3, 790a ; Hug., 4, 210a). Ce terme n’est pas recensé comme nom par les dictionnaires : God. (4, 146ab) et T.-L. (3, 2260) seulement l’enregistrent comme adjectif avec le sens de « appétissant, gourmand ».
1392. On remarquera que l’expression ou c’est que, considérée comme fautive aujourd’hui, est de création ancienne. L’influence de la formulation latine est assez nette : Nunquam quo sit eundum scies (éd. Mustard, p. 58, ll. 21-22).
1400. La forme suppetent est l’indicatif présent 6 d’un verbe *suppeter, non attesté. C’est un latinisme employé par le traducteur pour rendre l’idée contenue dans suppetunt (éd. Mustard, p. 58, l. 29) qui signifie « sont sous la main, sont à la disposition de » (Freund et Theil, 3, 379a ; Le Grand Gaffiot, 1547c-1548a). Dans un sens analogue, le moyen fr. emploie d’ordinaire le verbe suppediter (F.E.W., 12, 444b ; God., 7, 598c-599a ; Hug., 7, 128a ; T.-L., 9, 1074 ; D.M.F. 1, 7) qui vient du lat. suppeditare.
1402. Il faut corriger le lapsus calami ont en sont : l’expression * avoir en ennuy n’est pas attestée (God., 9, 472b ; F.E.W., 4, 702a ; T.-L., 3, 696 ; Hug., 3, 464b). Comparez avec Est enim regibus taedium quotiens multitudinem laetam audiunt (éd. Mustard, p. 59, ll. 1-2 ; éd. Wolkan, p. 480, ll. 6-7).
1404. Le traducteur transpose, en les inversant, les termes de son modèle latin : ex angustiis afflictioneque plebis solatia suscipiunt (éd. Mustard, p. 59, ll. 2-3 ; éd. Wolkan, p. 480, ll. 7-8). En outre, il emploie afflictions au pluriel et angoisse au singulier, alors que le texte original fait l’inverse.
1406. Une proposition entière manque dans le texte transcrit dans le ms. B. n. F., fr. 1988. Comparez avec Ideo nonnumquam mille passus per diem proficiscitur, interdum quinquaginta millia obambulabit (éd. Mustard, p. 59, ll. 3-5 ; éd. Wolkan, p. 480, ll. 8-9).
1406-1411. On remarquera que le verbe de la proposition principale ne figure pas dans le texte en moyen fr. et que le traducteur a conjugué au pluriel tous les verbes des subordonnées (comme dans le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57, ff. 76r-v) : Gaudebitque cum te uel familiarem perdidisse uel equum accipiet, uel cum te praecipitatem in flumina uel frigore obriguisse uel aestu defuisse cognouerit, cum ipse et contra frigus et contra calorem armatus exierit (éd. Mustard, p. 59, ll. 5-9 ; éd. Wolkan, p. 480, ll. 10-13).
1413. Le nom talonnees (= « coups de talon, ruades »), qui traduit le nom lat. calces (éd. Mustard, p. 59, l. 11) est un hapax. Le F.E. W. (13, 60a) enregistre toutefois le nom talonnade (= « coup de talon que l’on donne à un cheval ») et, avec une valeur similaire, le T.L.F. (15, 1334a) donne la forme talonnement.
Le nom trusions est inconnu des dictionnaires, à l’exception du D.M.F. 1 qui le traduit par « propulsion ». Il provient du nom latin médiéval trusio qui signifie « action de pousser » (Du Cange, 8, 200b) et qui figure dans le texte de Piccolomini (éd. Mustard, p. 59, l. 11). On comprendra trusions au sens de « bousculades ».
1415. Le pron. pers. sujet il équivaut dans le cas présent à l’indéfini on. Nous n’avons pas relevé d’autres exemples de ce cas : Hug. (4, 545a) n’attribue la valeur du pronom indéfini qu’au pronom pluriel ilz (voir la note de la l. 1075) ; T.-L. (4, 1302) fait remarquer que il peut s’employer avec la même valeur que on, si celui-ci a déjà été exprimé ; seul Moignet (Grammaire de l’ancien français, p. 144) cite un exemple d’emploi de il évoquant une collectivité indéterminée et suivi d’un verbe au pluriel.
1418. La formule leurs maistres descendent en bataille et en bateures est pléonastique. Comparez avec et in bellum descendunt domini (éd. Mustard, p. 59, ll. 14-15 ; éd. Wolkan, p. 480, l. 17).
1423. La redondance contenue dans la propositon ne ne porras vers lui aler au lieu ou il est est aussi exprimée dans le modèle latin : nec ad eum ubi sit poteris ire (éd. Mustard, p. 59, ll. 18-19).
1425. Le verbe eschachier ne provient pas du lat. ex + captiare, mais probablement de ex + calcicare : *calcicare n’est pas attesté en lat., tandis que calciare, qui revêt le même sens, l’est (Du Cange, 2, 25c). Le F.E.W. (2, 73b) donne plusieurs formes dérivées de *calcicare, mais toutes ces formes sont localisées dans les provinces du sud de la Loire. Nous proposons de traduire eschachier par « fouler aux pieds », signification proche de « écraser sous son poids » proposée par Anthony Holden (voir « Note sur la langue de Béroul », dans Romania, 89, 1968, p. 392 ; voir aussi Jean Archer, « Corrections au Roman de Tristan par Béroul et un anonyme, publié par E. Muret », dans Zeitschrift für Romanische Philologie, 33, 1909, p. 722). La proposition de toute la compaignie tu seras eschacié traduit la séquence latine uniuerso exercitu calcaberis (éd. Mustard, p. 59, l. 20).
1432. La préposition de, omise dans le ms., a été ajoutée pour faciliter la compréhension du texte (les autres compléments – chaleurs (l. 1430), gresillons et cicades (l. 1431), mouches (l. 1432), serpens (l. 1432) – étant introduits par cette préposition).
1452. On a mis tret, complément de sont tresperciés, au pluriel (ce qui est plus conforme à la logique) en ajoutant z (voyez, à la l. 1449, ostz, qui se termine aussi par t au singulier). La version latine dit fodiuntur missilibus scuta (éd. Mustard, p. 60, l. 13 ; éd. Wolkan, p. 481, ll. 6-7).
1455-1457. La traduction s’écarte assez nettement des versions latines : quidam calcantur inter equos, quidam in foueis iacent examines uel exangues (éd. Mustard, p. 60, ll. 16-17 ; Wolkan, p. 481, ll. 8-9 où examines uel manque) et quidam calcantur inter equos et in foueis iacent examines (ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 77r).
1462. Comparez avec Sunt equestres pugnae, sunt pedestres, sunt nauales, sunt murales (éd. Mustard, p. 60, ll. 22-23 ; éd. Wolkan, p. 481, ll. 14-15). La lacune de sunt murales s’observe aussi dans le ms. Bruxelles, B. R., 10856-57 (f. 77v).
1470. L’expression domestiques (...) de la foy (domesticos fidei dans la De curialium miseriis epistola, éd. Mustard, p. 60, l. 27) est un souvenir de la Vulgate. Voyez Paul, Ad Galat., 6, 10 : Ergo, dum tempus habemus, operemur bonum ad omnes, maxime autem ad domesticos fidei.
1482-1483. La proposition et pluseurs y cloent ou ferment leur derrenier jour contient un latinisme lexical : le traducteur transpose telle quelle en moyen fr. l’expression latine ac plurimi diem claudunt (éd. Mustard, p. 61, ll. 7-8) qui signifie « et plusieurs meurent » (Freund et Theil, 1, 819c).
1491. On attendrait normalement la répétition de la conjonction si, ou encore l’utilisation de la conjonction que, pour introduire la seconde proposition hypothétique (il se tient debout). Cependant, on trouve en moyen fr. des exemples de propositions hypothétiques dont le second membre est simplement coordonné au premier, ce qui donne à la phrase, selon Robert-Léon Wagner, une « allure boiteuse » (voir R.-L. Wagner, Les phrases hypothétiques commençant par « si » dans la langue française, des origines à la fin du XVIe siècle, p. 509).
1494. La leçon fautive presuptueulz provient d’une banale culpa pennae : le copiste a probablement omis d’écrire au-dessus du u le tilde qui marque la nasalisation de la voyelle.
1497-1502. Sur le thème du retard du paiement de la solde aux curiaux, un rapprochement a été fait avec un passage du De mercede conductis de Lucien. L’influence de l’auteur grec sur l’écrivain humaniste n’est toutefois pas directe : elle s’est accomplie par le canal de la Satire V de Juvénal (voir K. Sidwell, « Il De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini e il De mercede conductis di Luciano », dans Luisa Rotondi Secchi Tarugi, Pio II e la cultura del suo tempo. Atti del I convegno internazionale. 1989, p. 333).
1502-1505. À propos de la protection offerte par le chancelier Kaspar Schlick à Piccolomini, voyez la note des ll. 460-464 et 929-932.
1503. La traduction en moyen fr., de même que certains états du texte latin (voir ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 78r), simplifient l’évocation du chancelier. Comparez avec magnifico domino Gaspari Cancellario teneor (éd. Mustard, p. 61, ll. 21-22 ; éd. Wolkan, p. 482, ll. 2-3).
1505-1507. La relative lesquelz gemissent de leur salaire payé et jamais leurs gaiges ne reçoivent est censée traduire le lat. qui suum genium fraudantes nunquam stipem recipiunt (éd. Mustard, p. 61, ll. 24-25). On constate que l’expression suum genium fraudantes (= « fraudant son génie », c’est-à-dire « se fraudant eux-mêmes »), que l’on peut lire dans l’œuvre de Plaute et dans celle de Térence (Plaute, Aulularia, dans Comédies, éd. Ernout, t. 1, p. 190, vv. 724-725 et Térence, Phormion, éd. J. Marouzeau, t. 2, p. 119, v. 44), n’est pas rendue correctement dans la traduction en moyen français.
1510. Le mot corrodeurs est un hapax, construit à partir du nom lat. corrosores = « destructeurs, rongeurs » employé par Piccolomini (éd. Mustard, p. 61, l. 28). Inconnu en lat. classique, corrosores est attesté en lat. médiéval (Du Cange, 2, 383a). Le T.L.F. (6, 231b) relève un emploi de corrodante (= « qui ronge, qui attaque progressivement ») appliqué à la réalité médicale et daté de 1377.
1511 et 1514. Le nom neccessaires est un latinisme ; il comporte la signification du mot lat. neccessarius = « ami, parent » (Freund et Theil, 2, 551a ; Le Grand Gaffiot, 1033a). Comparez avec Sed iam de necessariis aliquid dicamus (éd. Mustard, p. 61, dern. l.)
1522. La faute qui consiste à employer le pronom singulier lui au lieu du pron. pluriel eulz – alors que le pronom introduit par sur est régi par le sujet de osent (l. 1521) et de osoient (l. 1521) – s’explique aisément : dans la version latine, l’auteur passe du pluriel au singulier par syllepse de nombre (Riemann et Ernout, Syntaxe latine, no 26, pp. 59-60 ; Michel, Grammaire, no 290, p. 168), ce que n’a pas fait le translateur, qui traduit le pron. réfléchi lat. se par un singulier, mais laisse les verbes et leur sujet au pluriel. Comparez avec Quidam potentes sunt qui ex gratia principis promouere propinquos possent, sed tales sunt et consanguinei, ut uel eis benefacere non audeat, uel si audeat, infamiam populi et indignationem supra se Dei sustineat (éd. Mustard, p. 62, ll. 4-7).
1526-1529. Allusion probable à un passage du Panathénaïque de l’orateur grec Isocrate, ouvrage qui, selon l’expression d’Isocrate lui-même, porte sur les « affaires qui intéressent les Grecs, les rois et la patrie » (voir l’expression son livre qu’il a escript du royaulme dans la traduction en moyen fr.) (cf. Isocrate, Discours, éd. Mathieu-Brémond, t. 4, p. 90, 12).
1545. Comparez avec aut enim pro longis obsequiis non te renumerauit, et soluitur obligatio morte tua, dulceque suo ex ore sonabit (éd. Mustard, p. 62, ll. 21-23 ; éd. Wolkan, p. 482, ll. 26-28). L’évocation de la mort manque aussi dans la version du ms. Bruxelles, B. R., 10856-57 (f. 79r).
1549. Comparez avec uix enim hodie diues aliquis moritur, cui principes non succedant (éd. Mustard, p. 62, ll. 26-27 ; éd. Wolkan, p. 482, ll. 30-31).
1555. Un passage de l’original latin n’a pas été traduit ou transcrit. Comparez avec Raro nedum inter principes sed inter priuatos quoque uir bonus reperitur (éd. Mustard, p. 62, 1. 29 - p. 63, l. 1 ; éd. Wolkan, p. 482, ll. 33-34).
1556-1559. Piccolomini ne cite qu’approximativement le texte de Cicéron. Comparez Si quae rarissime fiunt monstra putanda sunt, magis monstrum erit uir bonus quam partus mulae (éd. Mustard, p. 63, ll. 2-4) avec Nam si quod raro fit id portentum putandum est, sapientem esse portentum est ; saepius enim mulam peperisse arbitror quam sapientem fuisse (Cicéron, De diuinatione, éd. Plasberg-Ax, p. 89, II, 28, 61). Cette citation, le futur pontife l’a probablement trouvée dans le De infelicitate principum de Poggio Bracciolini (éd. Canfora, p. 45) : Cicero quidem tuus, in Divinationis libris, si que rarissime fiunt monstra putanda sunt, – inquit – magis monstrum erit vir bonus quam partus mule.
On remarquera que la relative qui produise ung poulain est une interpolation pléonastique par rapport au texte latin.
1561-1563. Piccolomini (éd. Mustard, p. 63, ll. 5-7) reprend exactement ces deux vers de Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 159, XIII, vv. 26-27) :
Rari quippe boni, numera, uix sunt totidem quot
Thebarum portae uel diuitis ostia Nili.
1565-1568. Citation textuelle par Piccolomini (éd. Mustard, p. 63, ll. 9-11) de ces trois vers de Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeveuve, p. 160, XIII, vv. 64-66) :
Egregium sanctumque uirum si cerno, bimembri
hoc monstrum puero et miranti sub aratro
piscibus inuentis et fetae comparo mulae.
1571-1572. Saint Paul (Ad Romanos, 3, 4 : Est autem Deus verax ; omnis autem homo mendax) reprend, en la développant, l’idée déjà émise dans les Psalmi, 115, 11.
1573-1574. Voir Ad Romanos, 3, 10-11 (Non est iustus quisquam ; non est intelligens, non est requirens Deum) et Psalmi, 13, 2-3.
1574-1575. Voir Ad Romanos, 3, 12 : Non est qui faciat bonum, non est usque ad unum.
1580-1582. La phrase française est incomplète et contient un contresens. En effet, le traducteur rend le lat. praemiat = « récompense » (J. F. Niermeyer, Mediae Latinitatis Lexicon Minus, t. 11, p. 834b) par reprenne (= « blâme »), ce qui signifie exactement l’inverse. Comparez avec Si auarus est, angeris quia nec te praemiat nec alios benemeritos, et quia plurima negligit, ne sumptum faciat (éd. Mustard, p. 63, ll. 20-23 ; éd. Wolkan, p. 483, ll. 16-17). La proposition causale et quia plurima negligit manque aussi dans le ms. Bruxelles, B.R., 10856-57, f. 79v.
On notera aussi que car (qui est censé traduire le lat. quia) est utilisé comme conjonction de subordination introduisant une proposition subordonnée au subjonctif après un verbe de sentiment (Buridant, Grammaire, no 457, pp. 562-563 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 294 ; Hasenohr, Introduction, no 299, pp. 219-220).
1614. Le traducteur commet une faute : En aprés = « ensuite » (God., 8, 157a ; Hug., 1, 275a ; F.E.W., 24, 179b ; T.-L., 1, 472) n’est pas équivalent, du point de vue du sens, au lat. insuper (= « au-dessus » suivant Freund et Theil, 3, 254b et Le Grand Gaffiot, 844c). Comparez avec Est insuper magna uirorum recreatio mentis secessus (éd. Mustard, p. 64, ll. 14-15).
1616-1617. L’évocation des sciences est préférée à celle de muses. Comparez avec totumque se Musis praebet (éd. Mustard, p. 64, ll. 17-18).
1630-1631. Selon le De officiis de Cicéron, Scipion l’Africain avait coutume de dire, comme Caton en témoigne, que jamais il n’était moins en repos que lorsqu’il était au repos, ni moins seul que lorsqu’il était tout seul. Voyez numquam se minus otiosum esse quam cum otiosus, nec minus solum quam cum solus esset (dans Les Devoirs, éd. M. Testard, t. 2, p. 70, III, i, 1).
1652-1655. Allusion à un passage de l’Andrienne de Térence (Comédies, éd. Marouzeau, p. 135, vv. 192-193) :
Tum siquis magistrum cepit ad am rem improbum
Ipsum animum aegrotum ad deteriorem partem plerumque adplicat.
1655-1658. Reprise approximative par Piccolomini (éd. Mustard, p. 65, ll. 19-21) des vers suivants de Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 173, XIV, vv. 31-33) :
Sic natura iubet ; uelocius et citius nos
corrumpunt uitiorum exempla domestica, magnis
cum subeant animos auctoribus.
1658-1659. Le ms. Bruxelles, B. R., 10856-57, f. 81r comporte la leçon Ago maximo Deo grates, alors que les éditions modernes donnent Refero maximas Deo grates (éd. Mustard, p. 65, l. 21 ; éd. Wolkan, p. 484, ll. 31-32).
1672. La leçon drois provient d’un lapsus calami pour dois. Voyez la version latine : quot habent digitos (éd. Mustard, p. 66, ll. 2-3).
1678-1679. Allusion à un passage des Lettres à Lucilius de Sénèque : hic consentiamus mala facinora conscientia flagellari (éd. Préchac-Noblot, t. 4, p. 119, 97, 15).
1680-1687. Traduction approximative de la citation suivante de Juvénal (Satires, éd. de Labriolle-Villeneuve, p. 165, XIII, vv. 192-198), rapportée exactement par Piccolomini (éd. Mustard, p. 66, ll. 10-15) :
Cur tamen hos tu
euasisse putes, quos diri conscia facti
mens habet attonitos et surdo uerbere caedit
occultum quatiente animo tortore flagellum ?
Pœna autem uehemens ac multo saeuior illis
quas et Caedicius grauis inuenit et Rhadamanthus,
nocte dieque suum gestare in pectore testem.
1686. L’adj. aggravé traduit le lat. grauis qui, dans le contexte, signifie « dur, sévère » (Freund et Theil, 2, 56b ; Le Grand Gaffiot, 730c). D’ordinaire, aggravé ne présente pas ce sens en moyen fr., mais plutôt celui de « alourdi, accablé » (God., 8, 48c ; Hug., 1, 116a). Le D.M.F. 1 relève toutefois un exemple d’agraver (appliqué au nom loi) au sens de « rendre plus sévère ». Nous proposons de comprendre aggravé par « endurci (du cœur) », signification que le F.E.W. (4, 261b) ne date pas d’avant 1564.
1689-1695. Citation textuelle par Piccolomini (éd. Mustard, p. 66, ll. 17-22) d’un extrait du Pro Sextio Roscio Amerino de Cicéron : Sua quemque fraus et suus terror maxime uexat, suum quemque scelus agitat amentiaque adficit, suae malae cogitationes conscientiaeque animi terrent ; hae sunt impiis adsiduae domesticaeque Furiae, quae dies noctesque parentium pœnas a consceleratissimis filiis repetant (Discours, éd. de La Ville de Mirmont, t. 1, pp. 102-103, XXIII, 67).
1700-1701. Allusion à cette idée, défendue dans le De amicitia : Solem enim e mundo tollere uidentur qui amicitiam e uita tollunt, qua nihil a dis immortalibus melius habemus, nihil iucundius (Cicéron, Lélius de l’amitié, éd. Combés, p. 31, XIII, 47).
Le traducteur supprime toute allusion faite à Dieu par Piccolomini dans le contexte païen de l’évocation cicéronienne. Comparez avec Nullum inter res mundanas maius munus est hominibus a deo concessum, ut Cicero dicit, quam amicicia (éd. Mustard, p. 66, ll. 26-28 ; éd. Wolkan, p. 485, ll. 26-27).
1704-1705. Les traditions textuelles latines présentent des divergences. Comme souvent, le texte du ms. Bruxelles, B.R., 10856-57, f. 82r (non amicicia inter eos sed fixio quedem potest) est plus proche de la version en moyen fr. que les autres états du texte latin : non amicicia inter eos esse, sed factio quaedam potest (éd. Mustard, p. 67, ll. 1-3 ; éd. Wolkan, p. 485, ll. 29-30).
1705. Le nom amicabilité (= « amabilité, gentillesse »), qui ne figure pas dans les dictionnaires de l’ancien ou du moyen français, est le doublet savant d’amiableté (Hug., 1, 193b ; God., 8, l05c ; T.-L., 1, 352 ; F.E.W., 24, 438a) ; il est construit sur le nom lat. amicabilitas, que Du Cange (1, 223a) note comme non attesté, mais qui se rencontre néanmoins dans des textes écrits en latin médiéval (Mittellateinisches Wörterbuch bis zum ausgehenden 13. Jahrhundert, t. 1, c. 560).
1711-1712. Comparez le texte français avec la version latine : Si humiles, ebrii sunt et nebulones (éd. Mustard, p. 67, l. 7).
On observera que le traducteur a introduit un attribut supplémentaire (remplis de vanité) et qu’il transpose le nom nebulones = « vauriens, garnements » (Freund et Theil, 2, 551b ; Le Grand Gaffiot, 1031c) par l’adj. nebuleux = « incertains, peu sûrs, peu clairs » (F.E.W., 7, 71b ; God., 10, 194c ; T.L.F., 12, 44a).
1714-1715. Les éditions modernes en latin contiennent un vocable plus précis et plus rare que la version manuscrite (multitudine dans le ms. Bruxelles, B.R., f. 82v). Comparez avec Arduum est in hac hominum colluuie uirum amicicia dignum reperire (éd. Mustard, p. 67, ll. 9-10 ; éd. Wolkan, p. 486, l. 2).
1728. L’adj. adulateurs, attribut du complément d’objet direct tes serviteurs (l. 1726) et qui signifie « flatteurs serviles » (God., 8, 36a ; F.E.W., 24, 184b), paraît en contradiction avec ce qui vient d’être dit à propos de ces serviteurs (voir ll. 1727-1728 : plains de insolence, sans memoire et negligens). En réalité, on a affaire ici à une faute présente dans la varia lectio : on lit d’une part negligentes, inertes, adulteros, homicidas (éd. Mustard, p. 67, ll. 20-21 ; éd. Wolkan, p. 486, ll. 11-12), mais d’autre part negligentes, inertes, adulatores, homicidas (ms. Bruxelles, B.R., 10856-57, f. 82v).
1730. Il faut lire or au lieu de o : or joue le rôle de particule renforcative de l’impératif (Foulet, Petite syntaxe, no 172, p. 124 ; Moignet, Grammaire de l’ancien français, p. 290 ; Buridant, Grammaire, no 624, pp. 732-733 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 257). Voyez, dans le texte, d’autres cas d’emploi de cet adverbe : 351 Or y adjouste ; 751 Or traictons a present du sens du touchement ; 906 Or entens maintenant (ainsi que les ll. 576, 791, 818).
1735. La dittographie de et de s’explique d’autant plus aisément que le copiste passe d’une page à la suivante et qu’il doit tourner le feuillet (passage du f. 58r au f. 58v).
1735-1736. Une nouvelle fois, le texte en moyen français est plus proche de la version manuscrite latine de référence (nisi corrupte et ex bono in malum mutate dans ms. Bruxelles, B.R., 10856-57, f. 83r) que des éditions savantes : nisi correptae et ex bono in malum mutatae (éd. Mustard, p. 67, l. 28 ; éd. Wolkan, p. 486, ll. 17-18).
1751-1752. Allusion à l’épisode biblique de Joseph, fils de Jacob, qui, pour rester fidèle à Dieu et pour échapper aux avances coupables de la femme de Putiphar, lui abandonna son manteau, ce dont elle tira parti pour mettre en scène une odieuse calomnie qui conduisit Joseph en prison (Gen., 39, 10-12).
Le passage tout entier est inspiré par la lettre Ad sacellanos aulicos regis Anglorum de Pierre de Blois (Opera omnia, éd. Giles, t. 1, p. 44 et K. Sidwell, « Il De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini e il De infelicitate principum di Poggio Bracciolini », dans Studi Umanistici Piceni, 14, 1994, p. 203).
1752. Allusion à Matthieu l’Évangéliste qui, invité par Jésus à le suivre, quitta le bureau des impôts qui l’employait et se mit à la disposition du Seigneur (Matth., 9, 9 ; Luc, 5, 27-28 ; Marc, 2, 14).
1753. Au moment de la Passion, alors que les disciples avaient abandonné leur maître, un jeune homme – que Grégoire le Grand identifie avec Jean l’Évangéliste (Sancti Gregorii Magni Moralium Libri, dans Migne, Patr. lat., t. 75, c. 1068, XLIX, 57) – continua à suivre Jésus. On se saisit de lui, mais il parvint à s’échapper, nu, en laissant aux mains de ses ravisseurs le vêtement qu’il portait (Marc, 14, 50-52)
1753-1754. Allusion à l’épisode de la Samaritaine qui laissa sa cruche et son commerce d’eau pour suivre l’enseignement de Jésus (Johan., 4, 5-30).
1756. Pour rendre la phrase intelligible, nous introduisons la préposition in devant le complément Pro Sextio Roscio, sur le modèle de la l. 1688 in Pro Sextio.
1756-1758. Piccolomini (éd. Mustard, p. 68, ll. 16-17) cite presque exactement cette phrase du Pro Sextio Roscio Amerino de Cicéron : Verum ego, quod inuitus ac necessario facio, neque diu neque diligenter facere possum (Discours, éd. de La Ville de Mirmont, t. 1, p. 126, XLII, 123).
1760. Le verbe et l’attribut du sujet tous ceulz sont omis dans le ms. Comparez avec qua stultos esse me probaturum dixi omnes qui aliam uitam habentes (éd. Mustard, p. 68, ll. 18-20 ; éd. Wolkan, p. 486, ll. 34-35).
1762. La proposition Laquelle chose comme elle soit ainsi est une traduction littérale et maladroite de Quod cum ita sit (éd. Mustard, p. 68, l. 21).
1773-1774. L’expression Soies en valeurs traduit le lat. Vale, formule de politesse qui signifie « porte-toi bien, adieu » (Freund et Theil, 3, 540a ; Le Grand Gaffiot, 1671c). Elle n’est pas enregistrée par les dictionnaires de l’ancien ou du moyen français ; toutefois, le F.E.W. (14, 152a) relève un esser en valor (= « être excellent ») en ancien provençal.
1777. La formule de salut Theo kari (< θέο χαρις) est d’origine grecque. Elle équivaut au lat. Deo gratus (cf. Henry G. Liddell et Robert Scott, A Greek-English Lexicon, Oxford, Clarendon Press, 1968, t. 1, p. 792b). On la traduira donc par « qu’il soit cher à Dieu ».
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