Remarques linguistiques
p. 41-75
Texte intégral
A. Graphies
Voyelles
1– La graphie -ain- se substitue souvent à -ein- étymologique (Catach, Dictionnaire, pp. 1117-1118) : 179, 739, 1549, 1561, 1670 paine (mais 464, 783, 941, 1029, 1684 peine et 1695 peines) ; 648 painctures ; 634 paintures ; 101 plain ; 233, 406 plaine ; 631, 913 plaines ; 702, 735, 1115, 1682, 1727 plains ; 1231 refraindre ; 1563 restraint ; 966 saincte (mais 248 seingnent) ; 5, 265, 639 serain.
2– On constate des hésitations d’emploi entre les graphies -aige et -age ou -aign- et -agn- (Fouché, Phonétique, t. 2, p. 347 ; Catach, Dictionnaire, p. 1139 ; Zink, Phonétique, p. 237 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 75) : 1713 acompaignent ; 982 aigneau ; 1475 compaigné ; 561, 1425 compaignie ; 630, 1110 compaignies ; 738, 765, 987, 996, 1265, 1299, 1302, 1332 compaignon ; 431 concubinages ; 83, 667, 677, 787, 1653, 1684 courage et 89 courages (mais 213, 729, 1589, 1659 couraige) ; 1063, 1417 dommaige (mais 238 dommagable) ; 81, 1207 eage ; 1591 enlangaigié ; 827, 917, 1020 formage ; 1004, 1496, 1497, 1506, 1745 gaiges ; 1591, 1593 langaige ; 174 mariage ; 519 nager ; 1474 nagera ; 1011 potage ; 915 potages ; 154, 1666 saige ; 257, 685, 1145, 1773 saiges ; 980 sauvage ; 336 truages ; 413 rivage ; 1708 umbrageulx ; 1101 usaige.
3– Quand z est écrit pour s après le graphème e, l’accent aigu a été mis sur e quand z suit e fermé, ceci dans les cas où la confusion est possible (Catach, Dictionnaire, p. 1172 ; Pope, From Latin, no 723, p. 286). Il n’a pas été placé sur les désinences en -ez de la deuxième personne du pluriel. Voyez, par exemple, les termes suivants : 1141 affligiéz ; 119, 381, 896, 1069, 1591 asséz ; 635, 661, 1484 citéz ; 1379 concavitéz ; 968 convoyéz ; 249 costéz ; 467 degréz ; 1476 difficultéz ; 138 frivolitéz ; 968 invitéz ; 503 libertéz ; 266 libidinositéz ; 1272 miserabletéz ; 685, 691 novitéz ; 983, 1039, 1269, 1671 piéz ; 1332 préz ; 270 principaultéz ; 163, 599, 601, 606, 614, 616, 621, 652 voluptéz et les participes passés ou les adjectifs verbaux ci-après : 1647 abrevéz ; 1719 acceptéz ; 1348 allechéz ; 1118 aornéz ; 1012 apposéz ; 1410 arméz ; 1283 asseuréz ; 312 avanciéz ; 285 ayméz ; 434 clerseméz ; 1740 corrigiéz ; 1270 crevéz ; 1481 delaisséz ; 1745 denyéz ; 469 deshonnoréz ; 1668 despriséz ; 1300 dessiréz ; 297, 307, 329, 576 donnéz ; 554 engrecéz ; 1673 enseignéz ; 303 esgaréz ; 408, 1108 eslevéz ; 1708 expresséz ; 1115 fortunéz ; 1698 grevéz ; 1388 indisposéz ; 201, 698 lettréz ; 1681 liéz ; 351 louéz ; 1721 menéz ; 916 mesléz ; 1632 nomméz ; 476 nyéz ; 651, 755 ornéz ; 515 ostéz ; 1301 pestilenciéz ; 539 ponderéz ; 921 poséz ; 467 precipitéz ; 1348 priéz ; 97, 657, 793, 1121, 1621, 1703 privéz ; 1456 prosternéz ; 1480 pourmenéz ; 1351 reculéz ; 1426 redigéz ; 1358 regectéz ; 132 revoquéz ; 262 suppliéz ; 1269 tranchiéz ; 271, 289, 313, 757, 1687, 1706 trouvéz.
4– Un e central résultant d’un e prétonique en hiatus devant [ü] tonique à la suite de la chute d’une consonne intervocalique latine peut apparaître dans la graphie (Fouché, Phonétique, t. 2, p. 337 ; Zink, Phonétique, p. 164) : 1374 armeures ; 484 asseurer ; 1418 bateures ; 851 briseure ; 233, 428, 441 seure ; 315 seurement.
5– Les graphies -ins(e) et -is(e) sont en concurrence (Fouché, Phonétique, t. 2, p. 362 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 80) : 1663 apris ; 475 comprins ; 653, 1184 prins (mais 609, 1006 pris) ; 925, 969 prinse (mais 696 prises et 694 prisez) ; 71, 99 prinst (mais 1186 pris) ; 1005 reprins (mais 1090 repris) ; 1257 reprinst.
6– Le graphème u note parfois le son [u] ou le son [œ] (Fouché, Phonétique, t. 2, pp. 362-363) : 833 juneras ; 790 subsonnee ; 211 u.
7– Les graphies étymologiques um et um (pour om et on) sont quelquefois introduites (Catach, Dictionnaire, p. 1118) : 702 facunde ; 1400 habundemment (mais 319 habondamment ; 1591 habondant ; 1161 superabondance) ; 1151 plunge ; 1494 presumptueulz ; 1208 renuncia (mais 30 renonce et 932 renoncié) ; 161 retumbé ; 1243, 1480, 1481 summez ; 1583 sumptueulz ; 1408 tunbé ; 224 tumbent (mais 235 tombent) ; 1424, 1454 tunber ; 1708 umbrageulx ; 30, 161, 1251 voluntairement.
Consonnes
8– La graphie comporte une tendance marquée à l’usage de consonnes géminées qui, souvent, ne s’expliquent pas par l’étymologie du mot (Beaulieux, Histoire, t. 1, p. 186 ; Catach, Dictionnaire, pp. 1154-1157) :
9– redoublement de b : 143 abbaié ;
10– redoublement de c : 1754 neccessairement ; 1511, 1514 neccessaires (mais 1703 necessaire) ; 365, 1757 neccessité (mais 1376 necessité) ; 316, 578, 1358 peccune ; 572 peccunes ;
11– redoublement de f : 540 affierent ; 91, 110, 128, 162, 166, 169, 195, 243, 339, 424, etc. affin ; 366 aucuneffois ; 160 aucuneffoiz (mais 1705 aucunefoiz) ; 159 autreffois (mais 1428 autrefois) ; 505 beneffices ; 103 certiffia ; 1631 deffaillance ; 1478 deffaillent (mais 1634 defaillans) ; 579, 1045, 1102 deffault ; 1140 deffendent ; 648, 1772 deffendre ; 1548 deffunct ; 444, 948, 1147, 1278 prouffit ; 576 prouffiter (mais 386 proufiter et 582 proufitteront) ; 456 reffroidié (mais 886 refroidiés) ; 1212 sanctiffié ; 136, 221, 267, 504, 733, 761, 822, 833, 848 touteffois ; 51, 183, 260, 785 touteffoiz (mais 57 touttefoiz) ;
12– redoublement de g : 1686 aggravé ;
13– redoublement de m : 25 justamment (mais 569, 571 justement) ; 47 Rommains ; 231, 235, 708, 928 Romme ;
14– redoublement de n : 600 admonneste ; 38, 123 amonneste ; 137 amonnesté ; 469 deshonnoréz ; 468 honnorables ; 275 honnore ; 144, 309 honnoré ; 269 honnorent ; 1336 nautonnier ;
15– redoublement de p : 42, 809 appostre ; 38, 492 appostres ; 1740 chappelains ; 1508 chappitres ; 1206 coppé ; 661 coppie ; 1077 couppe ; 1455 couppee ; 1270 couppees ; 1699 occuppee ; 1129, 1383 oppinion ; 1645 rappine (mais 1710 rapine et 696 rapines) ; 451 repputent (mais 349 repute ; 155 reputé ; 1557 reputees ; 99 reputoit) ; 1008 souppers (mais 840 souper et 1057 soupers) ; 640 trouppeaulx ;
16– redoublement de t : 246 detretter ; 628 delittent ; 341 dilittes ; 439 jetter ; 582 proufitteront (mais 386 proufiter et 576 prouffiter) ; 57 touttefoiz (mais 136, 221, 267, 504, 733, 761, 822, 833, 848 touteffois et 51, 183, 260, 785 touteffoiz).
17– Parfois, le graphème n précède les labiales b et p (Catach, Dictionnaire, p. 1119) : 1451 bonbardes ; 1158 tunbe ; 1408 tunbé ; 1424, 1454 tunber (mais 161 retumbé ; 235 tombent ; 223 tumbent) ; 583 enportera.
18– On observe aussi le rétablissement graphique de b et t étymologiques (Beaulieux, Histoire, t. 1, pp. 189 et 203) : 1540 achapté ; 943 achepté ; 911 acheptent ; 503, 909 achapter (mais 1359 achater) ; 268 ascript ; 618 baptue (mais 635 batuz) ; 739, 1034 compte ; 10, 199, 480, 1393 doubte ; 31, 1013, 1322, 1440 doubter ; 342 doubteray ; 1583, 1589 doubtes ; 1282, 1609 doubtez ; 11 escripre ; 1620 escrips ; 47, 564, 716, 1182, 1527, 1572, 1616, 1678 escript ; 1734 escriptes ; 581, 1569, 1577 Escripture ; 1625 escripves ; 31, 55, 246, 279, 305 escripz ; 149 nepveu ; 694 racompte ; 700 racomptent (mais 1075 racontent) ; 285, 686 racompter ; 1083 roupte.
19– Le f final des adjectifs masculins est toujours conservé dans la graphie du féminin (Beaulieux, Histoire, t. 1, p. 198) : 233 briefve ; 1287, 1748 briefvement ; 1542 griefve ; 793 griefves ; 1488 neufves ; 754 souefve ; 974, 1177 souefvement ; 1001 souefves ; 1021 souefvez.
20– Les dentales d et t étymologiques sont réintroduites devant s et z en finale de mot (Beaulieux, Histoire, t. 1, p. 203) : 1720 adjoinctz ; 800 conjoinctz ; 916, 925 cuitz ; 801 disjointz ; 1488 editz ; 1451 fagotz ; 1253 faitz (mais 78, 524, 604, 1544 faiz) ; 80 lesdits (mais 225 diz) ; 1117 litz (mais 1314 liz) ; 344 metz ; 483 motz ; 1395 muletz ; 1694 nuitz ; 1401, 1449 ostz ; 1118 peintz ; 1085, 1086 peutz (mais 907, 949, 1015, 1086 peuz) ; 1091 poretz ; 201 prelatz ; 1127 pontz ; 530 reduitz ; 928, 1658 rends (mais 508 aprens ; 1055 prens ; 1489 rens) ; 699 secrets ; 1131 sotz ; 1698 subgietz ; 1125 traictz et 1452 tretz (mais 169 contraiz) ; 1223 vends.
21– Le d provenant du préfixe ad latin apparaît fréquemment (Beaulieux, Histoire, t. 1, p. 186) : 351 adjouste ; 715, 878 adjoustee ; 566, 778 adjouster ; 1333, 1437 adjoustes ; 1554 advenir (mais 237, 1150 avenir et 1130 avenoit) ; 1436 adventure (mais 115, 221, 330, 419, 610, 763, 952, 1181, 1355, 1424, etc. aventure) ; 35, 1169 adverti ; 82 advertist ; 1108, 1111 advertist ; 820 adviengne ; 1372 adviennent ; 172, 828, 864, 954, 1077, 1294, 1435 advient.
22– Présence en finale de mot d’une consonne nasale non étymologique : 585 em.
23– La mouillure de n peut être notée par la graphie -ngn- (Pope, From Latin, no 715, p. 284) : 820 adviengne (mais 1372 adviennent) ; 109 ajoingnent ; 689 astraingne ; 856 baingné ; 192 contraingnent (mais 1374 contraignent) ; 60 contraingnoit ; 1093 dangneroient (mais 1046 daignent) ; 1103 entreviengne ; 42 eslongné ; 1091 ongnons ; 248 seingnent. Elle peut aussi être rendue par la graphie -ingn- : 1152 gaingne ; 1466 gaingner (mais 198, 253 gaigner) ; 318 ivroingne ; 1302 roingneulx ; 743 vergoingne ; 804, 1650 vergoingneux ; 871 yvroingne. Dans le cas de congnoistre et de ses dérivés, le graphème -ngn- ne marque pas obligatoirement la mouillure de n : 144, 347, 1146, 1666, 1671 congneu (mais 627 conneue) ; 1168, 1591 congnois ; 183 congnoissent ; 244 congnoissons ; 791 congnoist ; 697 congnoistras ; 258, 903 congnoistre ; 240 congnoistrons ; 1408 congnoistront ; 1320 incongneux ; 1482 incongneuz.
24– Dans de très nombreux cas, z est mis pour s, notamment après e muet (Marchello-Nizia, Histoire, p. 86) : 774, 1624 ayez ; 737 blaphemez ; 1468 conquesteez ; 1680 cuidez ; 912 cuitez ; 469 debilez ; 1282, 1609 doubtez ; 1089 failloiez ; 1412 herbergez ; 1358 hommez ; 79 licitez ; 1228 perdez ; 539 personnez ; 1587 portez ; 694 prisez ; 1553 quantez ; 915 ravez ; l491, 1493 soiez ; 1021 souefvez ; 1243, 1480, 1481 summez ; 375 tresindignez.
25– La tendance est nette de faire précéder le graphème q de c (Catach, Dictionnaire, p. 1152) : 649, 764, 786, 1064, 1372, 1394, 1430 adoncques (mais 92, 239, 355, 667, 724, 732, 772, 805, 1062, 1434, 1477 adonc) ; 1653 applicqué ; 595 applicquent ; 1489 applicques ; 197 applicquions ; 301, 497, 584, 787, 1042, 1143, 1304, 1384, 1607, 1630, etc. avecques (mais 55, 142, 162, 411, 420, 481, 497, 772, 776, 789, etc. avec) ; 49, 105, 190, 200, 235, 236, 299, 368, 448, 524, etc. doncques (mais 28, 90, 205, 218, 255, 473, 496, 1575, 1658, 1762 donc) ; 310, 389, 464, 718 oncques (mais 104 onc) ; 709, 1140 publicque ; 1321, 1327 publicques ; 1181 replicquer.
26– Un c étymologique est souvent introduit par restitution savante devant t (Beaulieux, Histoire, t. 1, p. 185) : 790, 1720 adjoinctz ; 921 affaictement ; 944 assuefaction ; 1658 aucteurs ; 678, 1268, 1340, 1723 ; 800 conjoinctz (mais 1512 conjointz) ; 1340, 1723 contrainct (mais 367, 734 contraint) ; 366 contraincte ; 1538 deffunct ; 264, 280, 425 detrecter (mais 246 detretter et 480, 1598 atrait ; 825 soustrait) ; 639, 664 delictables ; 648, 1015 delicter ; 1026 delictes (mais 628 delittent) ; 1014 dictes (mais 44, 381, 486, 579, 1136, 1226, 1249, 1534, 1541, 1560, etc. dit et 80 lesdits) ; 1633 droictement (mais 259 droit) ; 134 effect ; 1328 entrejecteurs ; 500 estraicte ; 426, 612 faicte (mais 32, 173, 216, 719, 834, 849, 1002, 1007, 1020, 1218, etc. fait ; 428 faite ; 204, 205, 695, 1557 faites et 1253 faitz) ; 1588, 1697 faictes ; 1568 fruict (mais 566, 1533 fruit) ; 1628 gectons ; 1106 instruict ; 417 jecta ; 1306 jecte ; 414 jectee (mais 439 jetter) ; 90 joinctz (mais 801 disjointz) ; 1124 laict ; 1695 malfaicteurs ; 1177 maufaicteurs ; 658 painctures (mais 634 paintures et 1118 peintz) ; 966 poictrine ; 896 poictrines ; 831, 920, 1394 poincte (mais 398 pointes) ; 1358 regectéz ; 408 rejecta (mais 609 rejette) ; 1615 retraict ; 966 saincte ; 44 saincte (mais 42, 176, 275, 493, 1209, 1219, 1565, 1570 saint ; 1576 sainte ; 269 sainteté) ; 564 sainctement ; 415 sainctes ; 527 souffraicteuse ; 39, 51 subjectz (mais 48, 380, 399 subjette ; 54 subgietz) ; 1614 traicte ; 256 traicter ; 496 traictions ; 751 traictons ; 1125 traictz. On relève la graphie non étymologique ct dans des occurrences où l’étymon latin comporte le graphène tt, le graphème dt, voire, après la chute d’une voyelle atone, le groupe consonantique td : 1084 actendant ; 1394 actendent ; 179 actendre (mais 46, 182 attendre) ; 1477 actendu ; 987 actens ; 825 actente ; 743 actrempance ; 1048 actremper ; 1000 actedié (mais 932 attediacions) ; 1666, 1734 lectres (mais 415 Lettres) ; 1668, 1672 lectrés ; 1069 mectant ; 869, 1067, 1397 mectent ; 363, 1073, 1194 mectre (mais 761 commet ; 337, 718 met ; 343 metz) ; 913 nectes ; 880 nectoiés ; 1310 pecte ; 1025 permectra ; 1068 premectent ; 1126 premectray (mais 1119 premetray) ; 768 promectans ; 781 promecteurs (mais 62 premet) ; 141 remectre ; 875 remectront ; 671 tect ; 992 transmectra. La graphie ct s’observe aussi dans les diminutifs : 403 offenselecte ; 1447 trompectes, ou dans des mots qui paraissent comprendre un diminutif : 1162, 1230, 1610 eschauguectes (mais 1447 eschauguetes). Il se justifie plus difficilement dans 317 acoincter et 838 replection.
27– Le groupe consonantique sc se place souvent à l’initiale pour le verbe savoir (Catach, Dictionnaire, p. 1143) : 317, 1233, 1593 scet ; 508, 1263, 1591, 1677 scez ; 170, 1205 sceu ; 125, 184, 757 scevent.
28– On note la présence à l’initiale de h non étymologique comme signe diacritique (Catach, Dictionnaire, p. 1133 ; Zink, Phonétique, p. 152 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 89) : 319 habondamment ; 1591 habondant ; 1400 habundemment ; 1361 huissiers ; 927 huylle (mais 924, 975 uylle) ; 1562 huyz.
29– La graphie l se conserve souvent derrière u après la vocalisation de l (Catach, Dictionnaire, pp. 1160-1161) : 783 assaulz ; 1091 aulz ; 1072 cousteaulz ; 1651 esgaulz ; 1709 liberaulz ; 1656 maulz ; 1137, 1208 royaulx ; 446, 607, 627, 678 yeulx, etc. mais 1261 chasteaux. Par analogie avec les formes en -au-, un l non étymologique prend souvent place dans la finale en -eu- : 376 ambicieulx ; 315, 577, 579 avaricieulx ; 138 ennuyeulz ; 1730 envieulx ; 260, 477 furieulx (mais 131 furieux) ; 7 glorieulx ; 9 ingenieulx ; 632 jeulx (mais 655 gieux) ; 758, 1596, 1639, 1738 joieulz ; 1707 laborieulx (mais 1486 laborieux) ; 1728 pareceulz ; 273, 1587 piteulz ; 651, 1107 precieulz ; 1727 sedicieulz ; 1583 sumptueulz ; 1708 umbrageulx ; 1193, 1227 vertueulz.
30– La marque finale ou la désinence du pluriel derrière u ou l peut être marquée par x ou z (Catach, Dictionnaire, pp. 1172-1173 ; Acher, x finale, p. 157) : 376 ambicieulx et 1710 ambicieulz ; 1606 angoisseux et 1581 angoisseulz ; 315, 577, 579 avaricieulx et 1581, 1728 avaricieulz ; 781 beaulx et 633 beaulz ; 313, 473 ceulx et 12, 13, 18, 64, 93, 109, 178, 185, 200, 248, etc. ceulz ; 654, 956, 1389, 1395, 1456, 1532 chevaulx et 633, 1109, 1316, 1373, 1437 chevaulz ; 142, 153, 240, 284, 440, 683, 758, 794, 820, 889, etc. curiaulx et 4, 65, 222, 235, 340, 671, 682, 1012, 1027, 1120, etc. curiaulx ; 1730 envieulx et 1366 envieulz ; 252, 375, 590, 1104, 1704 eulx et 109, 199, 238, 241, 243, 279, 328, 416, 471, 829, etc. eulz ; 260, 477 furieulx et 342 furieulz ; 636 haulx et 1375 haulz ; 288, 290 maulx et 1656 maulz ; 21, 305, 451, 592, 747, 897, 1168, 1390, 1639 mieulx et 239, 244, 529, 817, 1391 mieulz ; 189 veulx et 187, 409, 511, 854, 893, 1004, 1086 veulz ; 1704 vicieulx et 266, 1641 vicieulz.
B. Phonétique
Voyelles
31– L’articulation de [a] et de e ouvert devant r ne se distingue pas toujours nettement, surtout dans la prononciation parisienne (Fouché, Phonétique, t. 2, p. 349 ; Marchello-Nizia, Histoire, pp. 73-74 ; Catach, Dictionnaire, p. 1101) : 625 amaritude (mais 847, 848 amere et 681 amertume) ; 370, 372 charche (mais 228, 275 cerches ; 474, 1280 cerchent ; 237 cherchent ; 489 chercher 962 encerchent) ; 1050, 1079 char ; 912, 978, 1072 chars ; 1060 darnier (mais 1482 derrenier) ; 378 declaire ; 140, 1038 declairer ; 495 vulgarement (mais 349, 1105 vulgaire).
32– Au XVe siècle encore, la confusion entre -ail- et -eil- n’est pas rare (Zink, Phonétique, p. 237 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 76) : 517 apparaillé ; 400, 1057 apparaillees (mais 984 appareillees)
33– La graphie -ier- qui résulte de la diphtongaison de [a] tonique et libre latin précédé d’une consonne palatale ou vélaire est en concurrence avec -er- (Fouché, Phonétique, t. 2, p. 264 ; Catach, Dictionnaire, p. 1102) : 1232 aprisier (mais 1742 despriser) ; 678 baisier ; 1004 boulengier ; 1360 boulengiers ; 1376 chevauchier ; 318, 1256 chier ; 1259 chierement ; 997 chieri ; 1186 corrigier ; 1648 cuidier ; 255, 429, 1073, 1249, 1428 dangier ; 792 dangiers ; 197 encerchier (mais 489 chercher) ; 1319 estrangiers ; 1104 jugier ; 713 mençongierement ; 820, 950, 1010, 1258 mangier ; 346, 1055 mangiers ; 1032, 1087 mengier (mais 1091, 1443 manger et 814, 897 menger) ; 1005 touchier (mais 1007, 1018, 1236 toucher).
34– Le [e] central intervocalique en syllabe intérieure peut s’élider (Fouché, Phonétique, t. 2, p. 514) : 1060 darnier (mais 234, 1482 derrenier).
35– Le [e] central prétonique passe à [i] par assimilation régressive : 688, 1387 medicine ; 302, 1742 medicins.
36– Le [o] ouvert ou fermé tonique et entravé du latin est transcrit ou (Marchello-Nizia, Histoire, p. 73) : 1517 absourde ; 632 adournés ; 1480 pourmenéz ; 240 pourvoyons ; 1083 roupte ; 147 serourge ; 593 souffise ; 1319 sourvenus.
37– Le [o] intérieur ou final devant [R] est prononcé [u] ou [œ] (Marchello-Nizia, Histoire, p. 73) : 940 courrompu (mais 1655 corrompent ; 843 corrompu ; 1735 corrompues) ; 1483 demourans ; 988 demourant ; 1298 demouré ; 668, 788, 1248, 1389, 1446 demourer ; 707 demouroit ; 1485 demourons ; 523 demourra (mais 1192, 1214, 1398 demeure ; 113, 901, 1396 demeurent) ; 829, 955, 1094, 1127 devourent ; 124 labourer ; 189 laboureur (mais 481 labeur ; 595 labeurent ; 1123 labeureurs ; 127, 210, 1479 labeurs) ; 804, 805 odourement (mais 608, 807, 860, 865, 936, 1018 odeur) ; 704, 1585 paour.
38– Le prou- du m. fr. subit parfois une réfection savante d’après le pro- latin : 496 prouvees ; 1759 prouveroie, face à 597 prové et 225 prover.
39– Les formes particulières suivantes sont des latinismes : 268 ascript (mais 47, 564, 716, 1182, 1527, 1616, 1678 escript) ; 782 caste ; 1125 fluvie (mais 452, 1563 fleuve et 638, 961, 1375, 1377 fleuves) ; 1112 interiores ; 25 justamment ; 1049 sal (mais 914 sel).
Consonnes
40– La graphie gu se prononce [g] (Catach, Dictionnaire, p. 1146) dans 490 alegue, 1195 allegue et 15, 458 alleguer ; 10 arguent et 691 argues ; 21 deroguer ; 473 divulguee ; 84 instiguer ; 1222 interrogué ; 1273 redarguoit, mais probablement [žü] (Lanly, Morphologie, p. 81) dans 1093 manguënt, 832 menguës et 1064 mengusses.
41– Le graphème g suivi de e se prononce parfois [g] : 1120 geule ; mais g suivi de a peut se prononcer [ž] (Gossen, Grammaire, no 42, p. 100) : 238 dommagable ; 1080 mengans
42– Les graphèmes g et j peuvent noter [ž] : 1628 gectons, mais 417 jecta, 1306 jecte, 414 jectees et 439 jetter.
43– La métathèse de r s’observe quelquefois (Catach, Dictionnaire, p. 1181) : 1128 premectray ; 1088 premectent ; 1119 premetray.
C. Morphologie
44Le nom. Les noms féminins singuliers rien et vertu possèdent quelquefois la marque s (ou z) (Zink, Morphologie, p. 129) : 585, 1746, 1751 riens ; 1708 vertuz.
45L’adjectif. On a relevé un certain nombre de cas où le masculin et le féminin des adjectifs de la 2e et de la 3e classe ne sont pas distingués (Marchello-Nizia, Histoire, pp. 100-107) : 452 l’eau continuel ; 497 une autre doctrine qui soit exuberant ; 766 aucunes fors paroles ; 437 n’y a majeur estude ; 671 la partie majeur ; 1119 sans faire inquisition majeur ; 1764 en aultre meilleur voie ; 1065 les meilleurs viandes (mais 953 meilleures viandes et 1062 des meilleures viandes) ; 976 entre odoriferans herbes ; 1016 elles sont tant odoriferans ; 899 les belles nappes de soye, de blancheur resplendissans ; 1010 les ortailles souverainement bonnes telz que souloit mangier Claudius (mais 82, 495, 747, 952, 984 telles choses ; 641 telles manireres ; 871 telles ignomenieuses parolles ; 1689 sont les parolles telles ; 1014 Les pommes du prince sont telles et 545 telles richesses).
46Dans le cas de l’adjectif grant au féminin, on observe une concurrence entre la forme étymologique et la forme refaite (Marchello-Nizia, Histoire, pp. 101-102 ; Zink, Morphologie, pp. 53-54). Au singulier, on trouve 1608 grant affection ; 28 grant anxieté ; 1409 grant ardeur ; 424 grant cause ; 345 grant chose ; 1330 grant clameur ; 653 grant delectacion ; 1067, 1323 grant diligence ; 1084 grant distance ; 1604 grant douleur ; 380 grant envie et 399, 977 grant envye ; 1233 force si grant ; 859 grant fragrance ; 1595 grant grevance ; 1041 grant maison ; 1667 grant moleste ; 1585 grant paour ; 783, 1029 grant peine ; 1373 grant sollicitude ; 407 grant valeur à côté de 684 delectacion grande ; 1498 grande dilacion ; 1499 grande diminucion ; 1584 grande effusion ; 283 grande est l’indidelité ; 407 grande puissance ; 1266 grande renommee ; 887 grande soif ; 1448 grande trepidacion ; 1672 turbacion trés grande et 1288 grande utilité. Au pluriel, les formes étymologiques se maintiennent 885 grans chaleurs ; 768, 1669 grans choses ; 636 grans maisons ; 1313 grans noises ; 562 grans possessions ; mais les formes reconstruites par analogie sont bien attestées : 1373 grandes armeures ; 1548 choses grandes ; 1110 grandes compaignies ; 1475 grandes difficultéz ; 22 molestes grandes et 1438 grandes molestes ; 695 grandes pilleries ; 1537 grandes prieres.
47L’adjectif et l’adverbe. Certains adjectifs ou certains adverbes sont caractérisés par la présence d’une s finale, dite « s adverbiale » ; c’est le cas pour le caractérisant d’ipséité mesme, surtout quand il est postposé au nom ou au pronom (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 129, pp. 130-131) : 129-130 et celle mesmes quelque petit diminuera demain ; 347 tu mesmes l’as congneu ; 431-432 esquelz soy mesmes avoit tresmué ; 1168 Congnois doncques toy mesmes ; 1227 Veoy doncques a toy memes ; 1324 en ta chambre mesmes ; 1354 qu’il t’a lui mesmes assigné ; 1474 quant son roy mesmes nagera ; 1586 contre toy mesmes ; 1697 de ses conseillers ou de toy mesmes.
Le verbe
Le radical du verbe
48– On a relevé quelques formes particulières de l’ind. pr. : 832 menguës est un archaïsme (en a. fr. menjue ; Fouché, Verbe, no 6, p. 13) ; 13 preuve et 215, 756 treuvent : la réfection du radical en prouve ou trouvent ne s’est pas encore opérée (Fouché, Verbe, no 34, p. 75) ; 609 seceue : passage intermédiaire entre l’a fr. sequeut et le fr. mod. secoue (Fouché, Verbe, no 27, p. 60) ; 1243, 1480, 1481 summez est une forme archaïque ou un latinisme (Fouché, Verbe, no 220, p. 409).
49– On a observé quelques formes archaïques pour le futur simple, mais elles sont toutes bien attestées au XVe siècle : 203 se asserront (Fennell, Futur, pp. 139-141) ; 860 bevra et 851, 856, 872 bevras (Fouché, Verbe, no 205, p. 386) ; 566 cueildra (Fouché, Verbe, no 214, p. 397) ; 523 demourra (Fennell, Futur, p. 37) ; 872 obtendras (Fouché, Verbe, no 205, p. 386).
La désinence du verbe
50– Divers amuïssements sont observables : l’amuïssement du t final à la 3e personne du passé simple (Fouché, Verbe, no 141, p. 274) : 1165 establi ; 1205 fu ; 1191 souffri ; pour certains verbes des classes II et III, les formes sans s à la 2e personne du singulier de l’impératif se sont conservées au-delà du XVe siècle (Fouché, Verbe, no 106, p. 208 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 211) : 1169 adverti ; 1730 discour ; 224 entend.
51– À l’inverse, certains verbes de la classe I peuvent prendre s à la 2e personne du singulier de l’impératif présent, par analogie avec la 2e personne de l’indicatif présent (Fouché, Verbe, no 106, p. 209 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 211 ; Lanly, Morphologie, p. 53) : 1472 confies. Le s final dans 1333, 1437 adjoustes permet d’établir la liaison avec le y qui suit.
52– Dans le cas particulier de l’impératif de estre (Zink, Morphologie, p. 160 ; Andrieux et Baumgartner, Systèmes, p. 125 ; Lanly, Morphologie, p. 52), la forme de l’impératif est héritée du subjonctif présent : 35, 1773 soies.
53– Le passage de la désinence -er à -ir à l’infinitif est particulièrement fréquent en anglo-normand du XIVe siècle, mais se produit également en français continental, où les formes en -ir subsistent jusqu’au XVIe siècle (Catach, Dictionnaire, p. 1183 ; Fouché, Verbe, no 109, p. 215 ; Pope, From Latin, no 884, p. 337 ; Zink, Morphologie, p. 169) : 910 puir ; 1303 toussira.
54– La désinence -ent du participe présent est un archaïsme propre au lorrain selon Fouché (Verbe, no 121, p. 232) et selon Zink (Morphologie, p. 163) : 36 persuadent.
55– L’amuïssement du -s final au participe passé d’exclure ne s’est pas encore produit (Fouché, Verbe, no 190, p. 364 ; Lanly, Morphologie, p. 219) : 114 excluses.
56– La persistance de la désinence -t dans le participe passé 177 solut est un archaïsme (Fouché, Verbe, no 184, p. 352 ; Zink, Morphologie, p. 220).
D. Syntaxe
L’emploi des cas
57Le s du cas sujet affecte une forme au cas régime singulier (Marchello-Nizia, Histoire, p. 99 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 291, pp. 174-175) : 29-31 Si aucuns d’iceulz puis esmouvoir que voluntairement et de son propre mouvement il renonce a la court.
L’article
58Absence ou non-répétition de l’article. Dans de très nombreux cas, le moyen français n’utilise pas ou ne répète pas l’article défini (Buridant, Grammaire, no 77, p. 113 ; Marchello-Nizia, Histoire, pp. 109-112). Dans les exemples suivants, où plusieurs noms sont coordonnés, l’article défini est employé devant certains noms pour donner une plus grande réalité aux notions évoquées (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 199, p. 113) : 248-251 Tous ceulz qui [...] me semblent querir honneurs et la renommee du siecle, ou puissances, ou richesses, ou voluptuosités et plaisances du corps ; 364-365 qui sert a honneur et a la renommee de ce siecle ; 382-385 il est beau d’estre puissant envers le prince et d’estre appellé le tuteur du roy, aux autres commander, commander les guerres et les batailles et paix composer ; 633-641 quant ilz veoient beaulz chevaulz, draps de soye et paintures, les ungs draps de fin pourpre, les autres batuz d’or, merveilleux vestemens, et les nobles citéz, villes, et grans maisons exquises et haulx palais, temples construiz de marbres, les sepultures et simulacres, belles voultes, préz verdoians, les bois foilluz, fontaines, fleuves, sauvasines, l’air serain, montaignes delictables, les valees joyeuses et amables, les trouppeaulx de grosses bestes et les chiens ; 837-840 De la vient mort soudaine et vieillesse intestee, replection et grans vomicemens, douleur des boieaulx, la pierre et toutes manieres de maladies ; 955-957 outant comme ilz devourent la splete ou l’orge ainsi que les chevaulx ou pains d’autre façon qu’ilz appellent casiates ; 1269-1270 aprés qu’il ot les piéz et mains tranchiéz, les oeils crevéz, les narines et oreilles couppees ; 1478-1479 tu ne pues soustenir fain ne soif ou les labeurs quelzconques ; 1376-1379 est necessité de chevauchier de nuit, par pluye, par neyges et par vens, par la fenge et par glace, par fleuves et espines, par roches et par bois, par les caverneuses roches et es concavitéz des montaignes. Dans l’exemple qui suit, ce ne sont pas des noms qui sont coordonnés, mais des relatives construites sur le même modèle (verbe suivi d’un régime direct) : 173-175 lesquelz […] condannent mariage et qui convoitent la mort de leur espouse, desirant liberté.
59L’article défini n’est pas répété devant un terme synonyme coordonné : 659-660 trestard yssent les roys hors les limites et metes de leurs royaulmes ; 669-670 quant le monde ardra de la ferveur et chaleur du souleil ; 744-745 Les gouliars y sont tousjours oÿs, ou detracteurs ou routeurs ; 818-819 veons doncques envers l’estat et haultesse royalle ; 967-968 les hostes aussi, s’aucuns y a, et les convoyéz ou a disner invitéz ; 1109-1110 quant il veoit les richesses, l’argent et l’or, les caterves et grandes compaignies de serviteurs ; 1207-1208 quant Martin parvint en l’eage d’omme, il renuncia les armes et pavillons royaulz ; 1267-1268 il prohiba qu’on adorast Alixandre en la façon et maniere de Perse ; 1278-1279 qui pour le gaing et prouffit de leur ame ambracent les services des princes ; 1734-1735 leurs lectres, a l’onneur et utilité du roy escriptes, ne peuent passer sans estre corrompues ; 1766-1767 il nous convient fuir les grans palais des roys et les tumultes et noises de court, etc.
60Emplois de l’article défini. On remarquera que l’article défini s’emploie quelquefois après de, là où le français moderne l’omet généralement : 256 cinq manieres des hommes ; 304-305 desquelz a purger les pensees de mes escripz ne seroit pas besoin, mais mieulx de l’elebore. Dans d'autres cas, le moyen français utilise l’article défini alors qu’on s’attendrait à trouver un article indéfini ou partitif : 856-857 ou a baingné une barbe poulleuse, ou levres saliveuses, ou les dens trés inmondes ; 882-884 si l’estomach du seigneur est eschauffé par vin ou par viande, on demande tantost l’eaue trés froide ; 1084-1085 en les actendant se consume le grant temps.
61L’article partitif. Le de partitif est très souvent omis après point (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 23, p. 31), car point n’est plus considéré comme un régime du verbe, mais comme un adverbe de négation pur (Buridant, Grammaire, no 607, p. 710) : 57 esquelz n’est point salut ; 122-123 je n’ay point loisir ; 590-591 nous ne trouvons point richesses ; 567-568 ilz reçoivent des autres les choses qui ne sont point vrais dons ; 865 il n’aura point odeur joieuse ; 868-869 les familles ne mectent point vin sur table ; 1607-1609 le pere n’a point si grant affection a son filz que le bon serviteur a a son bon prince. Toutefois, la valeur partitive est parfois exprimée par de ou par en : 504 ilz n’en amassent point ; 731-732 quant tu n’en voudras point ; 742-743 es parolles n’y a point d’actrempance ; 1210-1211 celle des vesves n’ont point d’entree aux princes ; 1594-1595 S’il ne use point de vin ; 1762-1763 ceste mer qui n’a point de repoz. Dans la séquence suivante, l’article partitif fait défaut devant un nom massif au singulier (Buridant, Grammaire, no 83, pp. 117-118) : 1365 non obstant ce que tu as donné or.
L’adjectif
62La place de l’adjectif. Alors que le français moderne postposerait les adjectifs épithètes dans les exemples qui suivent, le moyen français les antépose (Marchello-Nizia, Histoire, p. 318 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 241, pp. 135-136) : 547-548 car si tu n’as enfans, le seul prince sera ton heritier (le fr. mod. dirait le prince seul ou seul le prince) ; 963-964 si ne laissent aucun poisson croistre en la voisine mer ; 1134-1135 lesquelz (...) s’abandonnent aux curiaulz services.
63Dans le cas suivant, l’épithète antéposée presens joue en quelque sorte le rôle d’une préposition (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 313, p. 192) : 699-700 ceulz aussi qui les ystoires racomptent presens les princes.
64Remarquons aussi l’antéposition de l’adjectif attribut par rapport au verbe dans l’exemple qui suit : 154-155 considéré que tu (…) saige es reputé.
65Contrairement à l’usage général en moyen français (Marchello-Nizia, Histoire, p. 318), l’adjectif grant et le comparatif majeur sont postposés dans les cas suivants : 20-22 Mais je ne le fais pas en pretendant aux princes deroguer, mais mieulx de leurs molestes grandes sublever ; 253-255 si que merite ilz acquierent majeur d’autant que plus militent strenueusement et en plus grant dangier ; 683-684 Mais en l’ouÿe (...) prennent les curiaulx delectacion grande ; 1063-1064 affin que les refuses indigné ou que par gloutonnie a ton dommaige grant adoncques les mengusses.
66Place de l’adjectif indéfini. On sait que l’adjectif indéfini pluseurs peut être antéposé ou postposé au nom qu’il détermine (Marchello-Nizia, Histoire, p. 150 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 189, p. 106) : 1547-1548 il t’a donné choses grandes pluseurs. Dans les cas suivants, c’est l’adjectif indéfini diverses qui est postposé. Cette construction est rare et s’explique sans doute par l’analogie avec pluseurs (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 258, p. 145) : 1319 es chambres diverses ; 1501-1502 par mençonges diverses.
67Accord de l’adjectif indéfini. L’adjectif indéfini peut prendre la marque du pluriel quand il caractérise plusieurs noms singuliers : 1096-1098 Mais tu useras de viandes par graces, sans aucunes saveur ou pointure ou doulceur.
68Répétition de l’adjectif indéfini. L’adjectif indéfini ne doit pas être répété devant des termes de même nature et de même fonction : 1229 car molt de laz y a, mains obstacles et empeschemens, eschaugectes et espiemens de diables.
Formes de l’adjectif démonstratif
69Au masculin singulier. Les formes cellui (ou icellui) et cestui s’emploient normalement devant un nom commençant par une voyelle (Marchello-Nizia, Histoire, p. 120) (par exemple : 148 cellui Albert Cesar ; 1275 icellui Alexandre), mais on les rencontre aussi devant un nom (ou un adjectif) commençant par une consonne (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 213-214, pp. 121-122) : 95-96 cellui divinateur ; 124 cestui champ ; 389 cellui Sejanus ; 409 cellui Ceyan ; 429 cestui grant seneschal ; 1010-1011 cellui potage ; 1181 cellui Platon ; 1209 cellui saint homme ; 1272 cellui Lysimachus ; 1459-1460 cellui noble chevalier. Dans le cas qui suit, l’adjectif démonstratif cellui est employé de manière redondante devant un adjectif possessif : 135 cellui mon pere.
70Au masculin pluriel. On a relevé deux cas d’emploi de l’adj. démonstr. iceulz, noté comme rare en moyen français (Marchello-Nizia, Histoire, p. 121 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 215, p. 122) : 130-131 iceulz jouvenceaulx senois ; 642-643 iceulz hommes.
71Au féminin pluriel. L’emploi des formes celles et cestes se raréfie dès le XIVe siècle (Marchello-Nizia, Histoire, p. 123 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 213-214, pp. 121-122). Dans les cas où le traducteur de la De curialium miseriis epistola utilise celles et cestes comme adj. démonstr., il cherche à marquer une insistance : 1022, 1341 cestes choses ; 1338 celles rumeurs et les autres choses.
72Formes de l’adjectif possessif. Les adjectifs possessifs non déterminants spécifiques du substantif (c’est-à-dire précédés de l’article, déterminant spécifique) restent couramment employés (Marchello-Nizia, Histoire, p. 137 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 235, p. 133) : 191 le mien Jehan ; 583-584 aucunes des choses siennes ; 933-934 Les tiens poissons saléz ; 1276-1277 le mien Jehan trés amé ; 1336 la sienne amie ; 1366 le tien envieulz ; 1467 les choses tiennes ; 1615 la sienne pensee ; 1675 la tienne conscience.
73Place de l’adjectif possessif. Dans certains textes du XVe siècle, l’adjectif possessif peut se placer après le substantif (Marchello-Nizia, Histoire, p. 314 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 225, p. 133) : 583-584 aucunes des choses siennes ; 1467 les choses tiennes.
74Répétition de l’adjectif possessif. Pas plus que l’article, l’adjectif possessif ne doit être répété dans l’ancienne langue (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 220, p. 126) : 343-344 qui metz tes plaisances et delectacions en une chose faulce ; 598-599 pour user de leurs voluptéz et plaisances de corps ; 995-996 a ton desplaisir et ennuy on le transmist a ton compaignon ; 1436-1437 toutesfois tes familles et chevaulz n’en pourront eschapper, etc.
75Emploi de l’adjectif possessif. Dans le cas suivant, le moyen français autorise l’emploi d’un adjectif possessif, où le fr. mod. utilise l’article indéfini : 133-135 Mais la voix paternelle (...) a eu son effect meindre en son filz que es estranges.
76Sens de l’adjectif possessif. Relevons le cas particulier de 211 ses injures. L’adjectif possessif indique bien la possession, mais une sorte de possession « subjective » (Buridant, Grammaire, no 126, p. 158), puisque ses injures ne signifie pas « les injustices qu’il commet », mais bien « les injustices qu’il subit ».
Le pronom personnel
77Formes du pronom personnel sujet. Les pronoms personnels sujets je et tu s’emploient quelquefois avec une valeur prédicative, là où le fr. mod. utiliserait les formes moi et toi (Marchello-Nizia, Histoire, p. 182 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 264, pp. 150-151) : 186 Tu qui estoies maintenant chevalier ; 187-188 Et tu qui estoies nagueires conseiller ; 283-284 Mais je qui pretens demonstrer combien grande est l’infelecité des curiaulx ; 347 tu mesmes l’as congneu ; 1364-1365 Quantesfoiz, tu forcluz ; 1606-1607 quant il sera malade, et tu pareillement comme lui et avecques lui souffriras, etc. Lorsque le pronom sujet singulier de la 3e personne est coordonné à un autre sujet, il subsiste quelquefois sous sa forme ancienne il (Marchello-Nizia, Histoire, p. 184 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 264, p. 151) : 284-286 ne m’est opportune de dire et racompter ce que il et les autres (...) ont a coustume de faire. Mais, le plus souvent, il est remplacé par lui (Marchello-Nizia, Histoire, pp. 184-185), soit dans les propositions elliptiques 78-79 lui adolescent diz je ; 90-91 Et lui donc moins certain que par avant n’estoit ; soit lorsqu’une apposition sépare le pronom sujet du verbe (Marchello-Nizia, Histoire, p. 182) : 70-71 et lui, finablement lassé des ennuis de la court, retourna en son hostel ; 532-533 jusques a ce que lui, deceu et mis hors d’esperance, souspire en vain ; 1161-1163 et lui, circuit et environné de tant d’eschauguectes, tant d’ommes que de vices, declinera de sa voie ; 1187-1188 et lui tout seul n’a pas experimenté l’ire du prince.
78Dans certaines occurrences, la graphie i du manuscrit correspond à il. On observe le phénomène quand le pronom personnel sujet de la 3e personne est suivi du pronom personnel régime l’ : 1259-1260 de ebrieté i l’avoit corrigé ; on le constate également lorsque qui équivaut à une conjonction de subordination suivie de il (Marchello-Nizia, Histoire, p. 174 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 262, p. 148) : 1300-1301 il n’y a gueres qu’i sont mors gens pestilenciéz et 1473-1474 ne doit aucun esperer qu’i puisse la mer eviter quant son roy nagera ou lorsque si correspond au se conjonctif suivi de il, en raison de la tendance de la réduction de il à i devant consonne (Buridant, Grammaire, no 335, p. 419) : 1294-1295 Et s’i te advient dormir au lit de plume ; mais il est plus fréquent quand la forme transcrite qui correspond au pronom relatif que (qu’) suivi de il (i) (Buridant, Grammaire, no 473, p. 578) : 64-65 ceulz qui sont en court qu’i nome curiaulz ; 241 les fins qu’i constituent a eulz ; 337-338 met a occision ceulz qu’i lui plaist de nous tous ; 352-353 ont leur regart a ceulz qu’i precedent et ausquelz ils president ; 520-522 te fault […] lower ce qu’i laura.
79Formes du pronom personnel régime. Contrairement à l’usage du moyen français, le pronom personnel régime leur prend la marque du pluriel dans le cas qui suit (voir aussi un exemple dans Martin et Wilmet, Syntaxe, no 262, p. 148) : 1744-1745 quant leurs gaiges leurs sont denyéz. Par ailleurs, c’est bien la forme régulière leur qui se lit dans le texte : 76 ainsi leur respondit ; 116-117 soudainement leur en convient fuyr ; 130 Ainsi Silvius leur dist ; 733-734 tu seras contraint leur eslargir et donner quelque chose ; 1128-1129 comme ainsi soit qu’il ne leur succede ; 1130 si ainsi leur avenoit ; 1199-1200 la legacion laquelle Dieu leur avoit commandee ; 1292 Aucunesfoiz leur fault dormir sur le bois ; 1358-1359 maiz c’est trés griesve chose (…) de leur offrir peccune.
80Emploi du pronom neutre le. Employé comme pronom neutre, le pronom personnel régime le peut renvoyer à l’idée tout entière comprise dans un énoncé qui précède : 17-21 il semble que de leurs services pretende coarter ou retirer les hommes (…) Mais je ne le fais pas en pretendant aux princes deroguer ; 691-692 si tu me argues et diz des novitéz, je le confute de cil mesmes negoce ; 699-701 ceulz aussi qui les ystoires racomptent presens les princes ne le font si non pour adulacions ; 942-945 Et non obstant que le noir et le blanc soit a ung mesme pris bien souvent achepté, affin que ne le preignes par assuefaction ou coustume, on te paistra toujours du noir ; 1756-1758 Ce que oultre mon gré je fais et par neccessité, longuemment et diligemment je ne le puis pas faire.
81Il arrive que le pronom neutre annonce l’idée qui suit : 580-582 Nous savons bien, et l’Escripture nous le dit, que ou temps de ulcion (…) les richesses ne proufitteront point.
82Dans la phrase ci-après, le pronom neutre ne renvoie pas à l’idée de « cesser de chanter », mais au concept de « chant » en général : 728-731 est ce vice commun que jamais entre amis ne ameynent leur couraige a chanter ne n’y condescendent quant ilz sont depriéz, mais ilz ne cessent quant on ne le veult pas (comparer avec Omnibus hoc uicium est cantoribus inter amicos et nunquam inducant animum cantare rogati, iniussi nunquam desistant dans De curialium miseriis espitola, éd. Mustard, p. 40, ll. 16-19).
83Place du pronom personnel régime. Lorsque le pronom personnel régime est complément (ou sujet) d’un infinitif lui-même complément d’un autre verbe, ce pronom prend une forme non prédicative et se place devant le verbe qui régit l’infinitif (Marchello-Nizia, Histoire, p. 191 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 275, pp. 158-159) : 207-208 mais les devons suir en ce qu’ilz devroient faire ; 266 jasoit ce que je les diray estre vicieulz et serfz de libidinositéz ; 419 et par aventure l’eust commandé tuer ; 588-589 lesquelles choses Nostre Seigneur donner nous puet sans le ministere des princes ; 732-733 et quant tu les vouldras comparer ; 1047 et toutesfois ne l’oseras demander ; 1359 Mais il te convient humilier ; 1520-1521 mais leurs parens sont telz, ou qu’ilz ne les osent promouvoir ; 1647-1648 et en sont tant abrevéz que ou temps a venir ne les peuent laisser ; 1661-1662 si que doresnavant perdre ne les pourray ; 1757-1758 longuement et diligemment je ne le puis pas faire, etc. Il arrive toutefois que le pronom personnel régime se place entre le verbe régissant et l’infinitif (Marchello-Nizia, Histoire, pp. 191-192 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 275, p. 159) : 26-27 comme les roys utilement ne puissent recevoir ne honnestement aussi les repellir ; 1045-1046 ne daignent l’amender.
84Lorsque le verbe est précédé de deux pronoms compléments de personnes différentes, le pronom de la 3e personne se trouve placé en premier lieu, puisque le régime direct précède ordinairement le régime indirect (Marchello-Nizia, Histoire, p. 179 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 268, p. 153) : 581 l’Escripture le nous dit ; 1349-1350 Mais s’ilz le te ont promis.
85Contrairement à l’usage même du moyen français, où le pronom personnel régime précède normalement le pronom adverbial (Marchello-Nizia, Histoire, p. 179 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 268, p. 153), le pronom adverbial se trouve placé devant le pronom personnel régime dans le cas suivant : 156 tu n’y te soies derrechief envelopé.
Le pronom réfléchi
86Formes du pronom réfléchi. Quand le pronom réfléchi de la 3e personne est introduit par une préposition, le moyen français emploie volontiers les formes lui, elle, eulx (Marchello-Nizia, Histoire, p. 189 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 279, p. 162). Mais le réfléchi soy se maintient bien : 418-419 il vit que envers soy estoit puissant ; 767-768 qui a pluseurs amans environ soy ; 777-778 l’un et l’autre est seigneur insolent et qui a soy veult et requiert trestout l’omme ; 945-946 Et veulent les seigneurs continuellement qu’entre soy et les serviteurs y ait disparité notee et difference ; 951-954 Et pourroit aucune par aventure tollerer telles choses s’il ne veoit continuellement que meilleures viandes sont devant soy portees ; 1165-1166 il establi en soy que mieulx lui estoit s’enfuir ; 1304-1305 L’un est en froidure et ravit a soy trestous les vestemens ; 1598-1599 S’il atrait a soy pou de gens.
87Antéposé au verbe dont il dépend directement, le pronom réfléchi est souvent employé à la forme forte (Marchello-Nizia, Histoire, pp. 192-194 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 279, p. 162) : 208-210 cellui qui se veult encoupler aux services des roys se doit bien balencer et soy examiner ; 431-432 ses concubinages esquelz soy mesmes avoit tresmué ; 439 et de soy eslever et drecer au plus hault ; 1316-1317 les chevaulz fremissans, trepillans et soy mordans ; 1419-1420 il n’est jamais licite soy partir de son lieu ; 1566-1567 je le compare (…) a une charrue soy merveillant d’avoir soubz soy trouvé poissons ; 1721-1722 Et non obstant ce qu’il soit difficile toy taire en ta douleur ; 1771-1772 cil qui y est donné par quelconque arguement ne pourroit soy deffendre.
88Place du pronom réfléchi. Lorsque le pronom réfléchi est complément d’un infinitif lui-même complément d’un autre verbe, il se place devant le verbe qui régit l’infinitif et s’emploie à la forme faible (Marchello-Nizia, Histoire, p. 191 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 337, p. 203) : 135-136 car cellui mon pere ne m’a peu rappeller des services de court ; 136-138 souvent me ait amonnesté que ne me alasse perdre aprés les forceneries ou frivolitéz des princes ; 208-210 cellui qui se veult encoupler aux services des princes se doit bien balencer et soy examiner ; 378-379 on ne se doit point joingdre ne adherer aux princes ; 770-771 et nulle telle femme ne trouveras tant loyalle qui d’un seul homme se veuille contenter ; 892-893 Si d’elles quelquefois tu te veulz essuier ; 1015 et en elles seulement tu te peuz delicter ; 1085 Et aucunes fois tu ne te peutz lever ; 1359 Mais il te convient humilier ; 1441-1443 maintenant se fault garder que les ennemis ne nuisent a ceulz qui assaillent ; 1722-1723 si ne te pourras tu plaingdre ; 1760-1761 ayans autre vie en la quelle se peuent conduire honnestement.
89Mais il arrive que le pronom réfléchi antécède l’infinitif lui-même, et non le verbe régissant (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 337, p. 203) : 647-648 moult plus pensera se deffendre que a delicter ses yeulz.
Le pronom relatif
90Formes du pronom relatif. En moyen français, la forme de relatif lequel a connu un immense succès, comme pronom ou comme adjectif relatif (Jokinen, Relatifs, passim). Normalement, lequel doit avoir pour antécédent un nom ou un pronom. Toutefois, l’expression relative laquelle chose peut renvoyer à l’idée contenue dans la phrase ou dans la proposition précédente (Marchello-Nizia, Histoire, p. 163) : 486-489 il est tant difficile que le riche entre ou royaulme des cielz comme il est q’un chamel puist par le pertuiz d’une esguille passer. Pour laquelle chose, c’est folie de chercher les richesses ; 506-509 d’autant que sont plus grans les dons qu’il t’a donné devant, plus longuement es tu tenu le servir. Laquelle chose si tu ne scez d’ailleurs, aprens la de Gregoire ; 620-623 Et sont en moult grant nombre lesquelz pour servir et user de leurs voluptéz embracent les services des princes, laquelle chose, qu’elle soit trés fole, est moult utile a demonstrer ; 1162-1167 et lui, circuit et environné de tant d’eschauguectes, tant d’ommes que de vices, eclinera de sa voie et entre les rochiers trebuchera (…). Laquelle chose quant Platon aperceut estre en la court d’Athenes, il establi en soy que mieulx lui estoit s’enfuir et plus utile que de resider ; 1176-1181 et avec les anciens fault vivre gravement, avec jeunesse souefvement, avec les maufaicteurs arroganment et fierement, o les libedineux luxurieusement. Laquelle chose si tu ne vouloies faire, tu ne pourras estre grant ne avancé en court ; 1760-1764 lesquelz (…) ensuivent les molestes que les curiaulx ont. Laquelle chose comme elle soit ainsi, laissons donc ceste mer qui n’a point de repoz.
91La construction pour laquelle chose, très fréquente, perd toute fonction de relative (laquelle chose ne renvoie plus nécessairement à un élément antérieur dans la phrase) et acquiert une valeur adverbiale et se traduit par « pour cette raison, c’est pourquoi » : 486-489 il est tant difficile que le riche entre ou royaulme des cielz comme il est q’un chamel puist par le pertuiz d’une esguille passer. Pour laquelle chose c’est folie de chercher les richesses ; 510-512 Pour laquelle chose si veulz istre de court quant tu t’ez enrichy, tantost as tout perdu ; 606-611 Pour laquelle chose (…) les hommes cuideront (…) qu’il ait les dieux propices ; 828-830 Pour laquelle chose il advient que les autres devourent ce qui est devant eulz si que ilz soient rempliz très gouliardement ; 893-895 Pour laquelle chose pluseurs, tous vergoingneux, dessechent et torchent leurs mains moistes de gras brouet a leurs vestemens propres ; 995-997 d’avanture a ton desplaisir et ennuy on le transmist a ton compaignon qui se siet emprés toy, pour laquelle chose sauras qu’il est plus chieri et amé du prince que tu n’es ; 1118-1120 Pour laquelle chose, sans faire inquisition majeur, je premetray aux curiaulz (…).
92Le pronom relatif remplit quelquefois le rôle d’un démonstratif (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 199, p. 112) : 340-341 Veez cy l’onneur d’entre vous, curiaulz, lequel honneur, s’il te vient a plaisir et en lui te dilittes ; 924-926 L’uylle duquel tes choux ou tes poissons sont cuitz est des lampes ou des lanternes prinse ; la puanteur de laquelle pourroit chasser les serpens ; 1646-1648 Lesquelz malefices ou œuvres scelereuses les adolescens ensuivent tellement (…) que ou temps a venir ilz ne les peuent laisser.
93Il arrive que le relatif qui remplisse la fonction de que régime direct (Marchello-Nizia, Histoire, p. 159 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 407, p. 245) : 1220-1221 si monstra par son exemple aux autres qui ainsi devoient ilz fere ; 1284-1285 Il seroit doncques desja satisfait aux choses qui du commencement nous avons proposees.
94Le relatif que (ou qu’) équivaut à sur ce que : 1221-1222 Et quant Nostre Sauveur fut interrogué qu’il estoit de faire pour acquerir la vie.
95Le relatif que (ou qu’) peut signifier « ce que » (Marchello-Nizia, Histoire, p. 161 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 415, p. 248) : 540-541 Et si n’ont pas les roys a coustume donner qu’ilz ne puissent oster ; 949-950 si peuz facilement savoir que tu devras mangier trestout le long de l’an ; 1254-1255 tu experimenteras que vault l’ire du prince.
96Qui relatif indéfini. Dans un certain nombre de cas, qui n’a pas d’antécédent déterminé et joue le rôle d’un relatif indéfini (Marchello-Nizia, Histoire, p. 160 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 409, p. 246) : 318-319 Et qui habondamment espant le sang humain est au cruel plaisant ; 364-365 et qui sert a honneur et a la renommee de ce siecle, il est neccessité que par contraincte il face pluseurs choses ; 448-449 Pluseurs doncques doit craindre qui pluseurs choses peut ; 462-463 qui charche le premier vers les roys, il est fol ; 546-547 encore, qui pis est, n’auras pas faculté d’en faire testament ; 666-668 jamais n’ytras hors si non quant le roy vouldra aller vener ou autrement recreer son courage, qui adonc aviendra quant a trés grant desir dedans l’ostel vouldroies demourer ; 1331-1332 mais – qui plus est – ton compaignon qui est au préz de toy ne pourras pas oÿr ; 1620-1621 qui seroit quasi monstre.
97Qui mis pour qu’il. La forme qui, transcrite telle quelle dans le manuscrit, peut faire songer par sa forme au pronom relatif sujet. En réalité, il s’agit de la conjonction de subordination ou du relatif régime que suivi de il, où l serait affaiblie devant consonne (Buridant, Grammaire, no 335, pp. 419-420 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 160 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 262, p. 148). Pour faciliter la lecture, nous transformons ce qui en qu’i : 64-65 la misere de ceulz qui sont en court, qu’i nome curiaulz ; 240-241 et quelles sont les fins qu’i constituent a eulz ; 337-338 met a occision ceulz qu’i lui plaist de nous tous ; 352-353 ont leur regart non a ceulz qu’i precedent et ausquelz ilz president ; 520-522 te fault […] lower ce qu’i laura ; 1472-1473 ne ne doit aucun esperer qu’i puisse la mer eviter. Dans les deux cas suivants, i ne représente pas le pronom personnel sujet, mais le pronom adverbial y : 1319-1320 esquelz il n’y a gueres qu’i sont mors gens pestilenciéz ; 1360 Je croy qu’i mille foiz as cestes choses experimenté.
98Qu’il mis pour qui. Dans le cas suivant, on pourrait croire que le copiste a transcrit qu’il pour qui (Buridant, Grammaire, no 474, p. 578 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 174 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 262, p. 148). En réalité, il n’y a pas d’irrégularité si l’on considère qu’comme une conjonction de subordination construite après congneu et il comme le pronom personnel sujet d’estudiast, qui renvoie a ame (avec accord ad sensum au masculin) : 1145-1147 Jasoit ce que je n’ay encore ame congneu qu’il n’estudiast aux services des roys a acquerir aucun temporel prouffit.
Le pronom interrogatif
99L’emploi du pronom interrogatif qui faisant, en discours indirect, référence à un inanimé est tout à fait régulier dans la langue du XVe siècle (Marchello-Nizia, Histoire, p. 166 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 412, p. 247) : 242-243 il détermine qui sont les desirs des gens de court.
Le pronom démonstratif
100Formes du pronom démonstratif. Alors que la forme cellui qui se généralise dès le XIVe siècle (Marchello-Nizia, Histoire, p. 125 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 283, p. 165), cil se maintient dans le groupe cil qui (ou cil... qui) : 317-318 Et l’ivroingne ayme chier cil qui boit comme lui ; 375-377 Et cil qui est ambicieu1z d’onneur n’est en lieu de la mer tant tourmenté que es cours ; 436-437 souvent il avient que cil qui plaisoit hier ne plaist pas aujourduy ; 564-566 Il est doncques sainctement escript et veritablement que cil qui ayme les richesses, d’elles il ne cueildra ja fruit ; 644-645 car cil qui est au sevice du roy mancipé sera present aux guerres et batailles ; 790-791 Adjoinctz y les yrrisions de moquemens et detracctions de cil qui la maintient ; 1422-1423 Et cil qui est ton amy (...) te sera distant ; 1459-1461 Mais cil est bon homme jugé, et cellui noble chevalier, et cil trés fort empereur, qui de sa main en a pluseurs occis ; 1771-1772 Ausquelz vices cil qui y est donné par quelconque arguement ne pourroit soy deffendre.
101De même, le pronom démonstratif cestui est fréquemment utilisé comme sujet ou comme complément (Marchello-Nizia, Histoire, p. 125 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 282, p. 165) : 69-70 l’antique duc de Milan, le pere de cestui qui est aujourduy duc ; 81 Et quant cestui parvint jusques a l’eage d’omme ; 322-323 Cestui n’est pas vray honneur n’estable ne ferme qui ne procede pas de la bonne racine ; 334-335 Cestui est qui seduit nostre prince, qui lui persuade et conseille la guerre ; 410-411 Pour une seule epistre du prince, cestui fut empoigné ; 968-969 Cestui cy amene une lamproie de Cecile ; 1453-1454 Soubz cestui la le cheval est tué, et cestui cy est trespercé d’un dart ; 1500-1501 tu seras maintenant envoié a cestui et maintenant a l’autre ; 1642 Cestui baille le pain avecques grant murmure ; 1642 Cestui loue luxure, l’autre voracité.
Le pronom adverbial
102Confusion entre en et y. Dans le cas ci-après, on s’attendrait à lire i (= « à cela ») plutôt que en (= « de cela ») (Marchello-Nizia, Histoire, p. 179 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 292, p. 176) : 219-220 lesquelz servent aux princes sans qu’ilz en soient contrains.
L’adverbe
103Place de l’adverbe. Exceptionnellement, l’adverbe peut se placer entre le sujet et le verbe, quand on veut marquer l’insistance : 823-824 ouquel temps les hommes seulement ne sont pas affaméz ; 1380 Le partement du prince jamais n’est certain.
104Fonction de l’adverbe. Dans l’exemple qui suit, l’adverbe de quantité beaucoup joue le rôle d’un quantifiant indéfini en fonction d’attribut (voir un exemple de même type dans Martin et Wilmet, Syntaxe, no 258, p. 145) : 173-174 car ilz sont trés beaucoup lesquelz [...] condannent mariage.
105Les renforçatifs icy et la. Le renforçatif icy peut jouer les rôles que ci/cy remplit ordinairement, c’est-à-dire renforcer un nom précédé d’un adjectif démonstratif ou un pronom démonstratif (Marchello-Nizia, Histoire, p. 130 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 217, p. 124) : 1132 ces causes icy ; 54, 793, 1027, 1058, 1142-1143, 1234 ces choses icy ; 1651 ces maistres icy, ou bien encore un pronom démonstratif : 1143 a ceulz icy. L’usage de cy demeure toutefois bien attesté : 178 Mais aprés que ceulz cy ont acquis liberté ; 302-303 O medicins, frapez ceulz cy ou milieu de la voyne ; 373-374 Et sainement ceulz cy sont affligiéz de tourmens pardurables ; 503-504 mais ceulz cy vendent leurs libertéz pour achapter richesses ; 688 Reste doncques a donner medicine a ceste partie cy ; 745-746 car ceulz cy seulement ont liberté de faire et dire quanque leur plaira ; 968-969 Cestui cy amene une lamproie de Cecile ; 1453-1454 Soubz cestui la le cheval est tué, et cestui cy est trespercé d’un dart.
106Le renforçatif la souligne plus rarement un pronom démonstratif ; il peut alors marquer l’éloignement (Marchello-Nizia, Histoire, p. 132 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 319, p. 194) : 1453 Soubz cestui la le cheval est tué. Dans un cas, le renforçatif la vient se placer après un pronom démonstratif directement suivi par le relatif qui, introduisant une relative déterminative : 1754-1755 Je me tais de ceulz la qui (…) suyvent la cour des princes.
Le verbe
107L’accord du verbe. Le verbe reste au singulier. Lorsqu’un verbe est précédé d’un sujet au singulier et est suivi d’un ou de plusieurs autres sujets, il peut prendre la marque du singulier et s’accorde avec le sujet disjoint (Buridant, Grammaire, no 311, p. 391) : 77 es livres que Homere composa et Hesiode aussi ; 1769-1770 mais avarice seulement y domine, crudelité, gloutonnie, libidinosité, envie et ambicion.
108Le verbe peut rester au singulier alors qu’il comporte deux ou plusieurs sujets exprimés. Le plus souvent, ces sujets sont postposés au verbe et celui-ci ne s’accorde qu’avec le premier d’entre eux (Buridant, Grammaire, no 311, p. 390 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 324) : 837-840 De la vient mort soudaine et vieillesse intestee, replection et grans vomicemens, douleur des boieaulx, la pierre et toutes manieres de maladies ; 1214-1215 pour ce que n’y demeure nulle misericorde, nulle amour de religion ne aucune charité ; 1767-1769 les tumultes et noises de court esquelz ne regne nul repoz, ne l’exercitacion des bonnes sciences, ne aucune amour de vertuz, etc.
109Lorsque les sujets sont antéposés au verbe et qu’ils évoquent des notions proches, le verbe peut être employé au singulier (Marchello-Nizia, Histoire, p. 324) : 457-458 la ferveur et la chaleur de son yre tantost l’aura fondue en fluxible liqueur ; 920-921 Le beurre tout puant et le lart rance donne poincte et affaictement a tes viandes ; 942-943 non obstant que le noir et le blanc soit a ung mesme pris bien souvent achepté ; 1201-1202 lequel Joseph l’ordonnance divine et la vendition de ses freres avoit la envoié ; 1689-1690 La fraude d’un chascun et son cruciateur mesment le tourmente, etc.
110Dans les cas qui suivent, le couple de pronoms l’un et l’autre est sujet. Comme en français moderne, le verbe peut alors être conjugué au singulier (Buridant, Grammaire, no 311, p. 391), car le couple est considéré comme formant un tout : 777 l’un et l’autre est seigneur insolent ; 821-822 l’une ne l’autre n’est pas trop estandue ; 1033 l’un et l’autre lui touche a son menton. Dans le cas ci-après, l’un et l’autre joue le rôle de déterminant et le verbe demeure au singulier : 802 l’un et l’autre sens s’esjoïst.
111Dans l’ancienne langue, il arrive que le verbe soit au singulier quand le sujet pluriel est antéposé au verbe (Tobler, Mélanges, p. 296 ; Buridant, Grammaire, no 310, p. 390) : 1289-1290 Quelz ennuys touchant le dormir avient aux gens de court.
112Le verbe se met au pluriel. L’idée d’une pluralité d’éléments contenue dans un sujet collectif au singulier peut déterminer l’accord du verbe au pluriel (Tobler, Mélanges, pp. 290-292 ; Buridant, Grammaire, no 307, p. 386 et Marchello-Nizia, Histoire, p. 325) : 50-51 Tout peuple, obeissiez aux princes ! (...) Toute gens, soiez a voz majeurs subjectz. Dans le cas suivant, c’est le pronom singulier nul, marquant l’absence d’une pluralité d’individus, qui commande l’accord au pluriel du verbe de la relative : 1746-1747 Et n’est nul en la court qui n’aient molestes et tristesses infinies.
113Le verbe faire auxiliaire. En moyen français comme en ancien français (Foulet, Petite syntaxe, no 341, p. 236 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 322, p. 196), faire peut être le substitut unique d’un ou de plusieurs verbes non répétés. Il devient « une sorte d’auxiliaire qui s’est vidé de son contenu propre » : 172-173 Il nous advient ainsi qu’il fait aux mariés ; 536-538 jamais le povre (…) ne remportera loier si grant comme fera le riche d’un petit service ; 650-653 Et les homes ornéz de vestemens precieulz plus lui donneront de matiere d’envie qu’ilz ne feront de voluptéz ne de plaisir mondain ; 715-719 Et croit on plus a Guidon de la Coulonne (…) qu’on ne fait a Lyvie, Justin et Saluste ; 1217-1218 qui les choses divines sent et savoure plus qu’il ne fait les humaines.
Emploi des temps
114L’imparfait à valeur de présent général. L’imparfait ayant un aspect cursif, il peut quelquefois s’employer avec la valeur d’un présent général et marque alors un procès de durée indéfinie dans le passé (Marchello-Nizia, Histoire, p. 349 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 155, p. 87) : 86-87 car les uns soustenoient que volupté donnoit vie bien euree.
115Le passé composé à valeur de futur. Dans l’exemple suivant, le passé composé marque l’accomplissement de l’action dans le futur et non dans le passé (Wilmet, Système, pp. 246-247) : 1251-1252 pour ce que ou tu favoriseras au desir du prince et voluntairement a ses vices aplaudiras, et par ainsi as tu perdu ton ame.
Emploi des modes
116L’indicatif. Alors que le subjonctif est normalement utilisé dans les propositions complétives dépendant d’un verbe exprimant la volition (Marchello-Nizia, Histoire, p. 343 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 75, p. 52), il se rencontre des cas où c’est l’indicatif qui est employé (Wunderli, Subjonctif, p. 344) : 52-54 Pierre vous commande que (...) pour l’amour de Dieu vous vous rendez subgietz ; 123-124 Pour ce vous amonneste seulement que vous laissez labourer cestui champ aux jongleurs ; 600-601 Le temps a present nous admonneste que determinons des voluptéz.
117De même, on trouve parfois l’indicatif dans une subordonnée complétive construite après un verbe de sentiment (Marchello-Nizia, Histoire, p. 343 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 75, p. 53) : 1600-1601 tu es yré que autant aux autres comme a toy il se rend familier ; 1604-1605 tu auras grant douleur que Fortune ne rit a lui.
118La subordonnée introduite par jusques que peut se construire avec l’indicatif (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 89, p. 58). Ce mode marque que le locuteur envisage la fin du procès (Wunderli, Subjonctif, p. 503) : 1394-1395 tous adoncques l’actendent a cheval jusques qu’il est midi (mais 1392-1393 jamaiz ne sauras ou c’est qu’on doit aller jusques que tu y soies).
119Les subordonnées exprimant la concession ou l’opposition se construisent normalement avec le subjonctif en moyen français. Toutefois, la subordonnée introduite par jaçoit ce que peut se construire quelquefois avec l’indicatif ou même le conditionnel (Marchello-Nizia, Histoire, pp. 299-300 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 91, p. 59 ; Wunderli, Subjonctif, p. 586 ; Klare, Konjunktionen, pp. 104-106 ; Soutet, La concession dans la phrase complexe, p. 195) : 265-267 car en disputant des princes, jasoit ce que je les diray estre vicieulz et serfz de libidinositéz et de folie ; 721-722 Mais les harpeurs et chanteurs – jasoit ce qu’en la court en a toujours de bons ; 810-811 jasoit ce que pluseurs pour ceste occasion veulent servir aux roys principalement (il est toutefois possible de voir veulent comme une forme du subj. selon Fouché, Verbe, no 83, p. 172) ; 1145-1147 Jasoit ce que je n’ay encore ame congneu qu’il n’estudiast aux services des roys a acquerir aucun temporel prouffit ; 1282-1283 jasoit ce que a la fin qu’ilz quierent par trés faciles et trés asseuréz chemins ils pourroient cheminer.
120En revanche, les grammaires ne reconnaissent pas l’emploi de l’indicatif après posé que (Marchello-Nizia, Histoire, p. 300 ; Wunderli, Subjonctif, pp. 560-561 et 584 ; Soutet, La concession dans la phrase complexe, p. 143) : 309-311 Car quel povre fut oncques, posé qu’il fut orné de vertus excellentes, d’aucun roy sublimé.
121Le subjonctif. Par définition, le subjonctif est le mode de la virtualité. On le rencontre donc tout normalement dans les propositions exprimant une éventualité (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 70, p. 50 ; Wunderli, Subjonctif, pp. 126-150) : 230-234 comme se ung pelerin vouloit aler a Romme, auquel se demonstrassent deux voies toutes patentes, l’une bien briefve et seure, et que l’autre fust longue et plaine de larrons, et neantmoins il choisist la derreniere ; 278-280 Et tant seulement est ceste chose a mes escripz absente que par eulz voulsisse contre lui detrecter ; 429-431 Cestui grant seneschal avoit le premier lieu envers la royne Jehanne, cuidant que son pouoir fust plus stable et plus ferme pour ses concubinages ; 490-491 Jhesucrist n’avoit quelconque chose dont peust nourrir ses pouvres ; 486-488 lequel a dit qu’il est tant difficile que le riche entre ou royaulme des cielz comme il est q’un chamel puist par le pertuiz d’une esguille passer ; 604-606 le quantiesme est cellui des theologiens qui ne serve aux voluptéz ; 619-620 ne il n’est aucun qui ne suive la volupté des hommes ; 818-820 Or veons doncques envers l’estat et haultesse royalle quelle volupté de boire et de mangier adviengne aux curiaulx ; 1026-1027 Qui est cellui qui croie qu’en ces choses icy les curiaulz aient delectacion ; 1240-1242 on m’a persuadé qu’il n’est homme vivant qui en servant a court ne soit plus tost des vices surmonté que qu’il vainque les vices ; 1337-1339 Mais si quelque fois (…) tu ayes commencé tes œilz fermer ; 1575-1577 Veoies tu donc comment les orateurs et les poetes se concordent en la sainte Escripture ? ; 1577-1578 Ne veoies tu pas comment les bons sont en trés petit nombre et les mauvaiz sont en nombre infiniz ?
122Le subjonctif apparaît aussi dans la proposition consécutive après une hypothétique (Moignet, Subjonctif, pp. 425-427) : 229-230 posé que a telle fin y ait divers chemins, quant il eslist le pire et le plus perilleux ; 287-289 Et se je disoie que trestous les maulx (...) feussent en la court de nostre prince trouvéz ; 290-291 se je affermoie que de rien telz grans maulx on ne trouvast en elle ; 1771-1773 par quelconque arguement ne pourroit soy deffendre qu’il ne soit convaincu estre mauvais et fol envers les hommes saiges. Dans le cas de la consécutive qui suit, indicatif et subjonctif sont en concurrence (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 91, p. 59) : 466-471 mais nous veoions pluseurs de leurs degréz estre precipitéz, si que, de combien qu’ils estoient par avant jugéz plus honnorables et estre plus puissans, d’autant consequenment ilz soient plus debilez et plus deshonnoréz et soient aussi a joie et a tous leurs ennemis et a leurs malveillans.
123Le subjonctif s’emploie encore dans la relative lorsque l’antécédent est indéterminé et qu’il se trouve dans une proposition négative (Marchello-Nizia, Histoire, p. 343 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 85, p. 56) : 1573-1574 il n’est nul (...) qui quiere Dieu.
124Le moyen français autorise l’emploi du subjonctif dans la complétive régie par un verbe d’opinion (Marchello-Nizia, Histoire, p. 343 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 76-82, pp. 54-55) : 14-16 Et certainement pas ne fauldront de me alleguer aux princes et de curieusement procurer que je soie leur ennemy ; 82 et advertist que telles choses feussent par les loix prohibees ; 256-257 lesquelz qu’ilz soient distans de estre saiges si clerement demonstrerons ; 497-498 confessions avecques Juvenal et avec Aristote que a la vie bien eureuse soit besoing de richesses ; 532-534 jusques a ce que lui (…) souspire en vain en parfonde misere qu’on ne lui face aucun don ;
125On peut aussi employer le subjonctif avec la valeur d’un impératif ou d’un optatif (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 72, p. 51 ; Wunderli, Subjonctif, pp. 89-90) : 50 Tout peuple, obeissiez aux princes ! ; 338-340 Les dieux et les deesses le veulent destruire affin que ne soions plus longuement dessoubz sa tyrannise ! (dans ce cas, veulent peut être compris comme un ind. pr. 6 ou comme un subj. pr. 6 suivant Fouché, Verbe, no 83, p. 172. Comparez avec Quem dii deaeque omnes perdant, ne sub eius tyrannide diutius simus dans De curialium miseriis epistola, éd. Mustard, p. 30, ll. 2-4) ; 496-498 Traictions donc par une autre doctrine qui soit exuberant et confessions avecques Juvenal et avec Aristote que a la vie bien eureuse soit besoing de richesses ; 1194-1196 Ne n’ait nul qui m’allegue et reduise a memoire ou Moÿse ou Eliezee.
126En moyen français, le subjonctif peut apparaître dans les subordonnées construites avec certaines conjonctions, alors que le français moderne impose dans ces cas-là un verbe à l’indicatif :
après si que (Wunderli, Subjonctif, p. 522) : 828-830 il advient que les autres devourent ce qui est devant eulz si que ilz soient rempliz trés gouliardement ;
après pour ce que (Wunderli, Subjonctif, p. 513) : 168-169 je ne suis pas conversant en la cour pour ce qu’elle me plaise ;
après puis que causal (Wunderli, Subjonctif, p. 513) : 381 Puis que jusques icy soit assez dit de honneur, passons maintenant a puissance ;
après comme ainsi soit que et les locutions conjonctives de la même famille (Wunderli, Subjonctif, p. 516) : 43-44 comme ainsi soit que la Verité ayt dit et commandé en la sainte Euvangille ; 107 comme il soit ainsi que de felicité n’aient aucune partie ; 328-329 comme ainsi soit que presque tous soient a vices donnéz ne ne facent quelconque œuvre bonne ; 368 Comme il soit doncques ainsi qu’ilz soient deux honneurs ; 1128-1129 comme ainsi soit qu’il ne leur succede ou aveigne ; 1410-1411 comme ainsi soit qu’ilz soient bien arméz et contre la chaleur et contre la froidure ;
après comme (héritier du cum latin) (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 88, p. 58 ; Wunderli, Subjonctif, pp. 516-517) : 26-27 comme les roys utilement ne puissent recevoir ne honnestement aussi les repellir ; 76-78 Comme Menippus (…) eust leu (…) divers faiz scelereux que avoient commis les dieux ; 614-616 Et comme ilz soient deux voies esquelles est continuee la vie humaine ; 846-847 la servoise (…) comme elle soit par tous les lieux amere ; 1136 Mais comme au commencement nous ayons dit que ; 1601-1602 Si de toutes pars il est bon (...) comme tu soies mauvais ; 1762-1763 Laquelle chose comme elle soit ainsi, laissons donc ceste mer qui n’a point de repoz ;
après car (Buridant, Grammaire, no 457, pp. 562-563 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 294 ; Wunderli, Subjonctif, pp. 518-519) : 1580-1582 S’il est avaricieulz, tu seras angoisseulz, car il ne te reprenne point ne les autres qui l’ont bien merité.
Le participe
127Place du participe passé. En règle générale, le participe passé se place après l’auxiliaire. Le moyen français autorise cependant l’antéposition du participe, mais les cas de ce type de construction sont relativement rares (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 129, p. 75). Avec l’auxiliaire être, l’antéposition du participe ne peut s’opérer que lorsqu’il n’y a pas de sujet exprimé (Marchello-Nizia, Histoire, p. 326) : 1089-1090 tu seras puny et frustré de ta cene ou par aigres parolles tensé seras et repris. Notons aussi qu’il n’est pas rare de trouver le participe passé séparé de l’auxiliaire par un complément (Marchello-Nizia, Histoire, p. 326 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 129, p. 75) : 1318-1319 Et sont par les logeis es chambres diverses moins sourvenus estrangiers ; 1724-1725 cellui qui a ton pere ou ton frere occis.
128Accord du participe passé. Lorsque le participe passé est employé avec avoir, il s’accorde avec le complément d’objet direct antéposé (Marchello-Nizia, Histoire, p. 325 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 361, p. 221) : 170-171 la maniere de vivre que j’avoie commencee ; 550-551 par le commandement de ceulz qui les avoient enrichis ; 591-592 celles que moult mieulx nous vauldroit ne les avoir trouvees ; 969 une lamproie de Cecile laquelle il a prinse entre deux souverains perilz de mer ; 1199-1200 de la legacion laquelle Dieu leur avoit commandee, ; 1269-1270 aprés qu’il ot les piéz et mains tranchiéz, les oeils crevéz, les narines et oreilles couppees ; 1543-1544 il ne t’a point remuneré des longs services lesquelz lui as faiz, etc. ; mais, très souvent aussi, il reste invariable (Marchello-Nizia, Histoire, p. 325 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 361, p. 221) : 507 les dons qu’il t’a donné devant ; 1341 Je croy qu’i mille foiz as cestes choses experimenté, etc.
129Employé avec l’auxiliaire être, le participe passé s’accorde généralement avec le sujet (Marchello-Nizia, Histoire, p. 326 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 361, pp. 220-221) : 514-515 Les biens te sont ostéz ; 529-531 pluseurs (…) ont esté reduitz a povreté extreme ; 534-535 Souvent sont donnees aux riches les richesses ; 538-539 en la court des princes ne sont pas les services ponderéz ; 576 s’ilz te sont donnéz ; 692-693 la sont oÿes desplaisances ; 1233-1234 force si grant lui a esté donnee, etc. Dans l’exemple qui suit, l’accord se fait en nombre, mais non en genre : 1008-1010 depuis le païs de Libie sont apportéz les ortailles souverainement bonnes.
130Accord du participe présent. Contrairement à l’usage du français moderne, le participe présent peut prendre en moyen français la marque du pluriel (Marchello-Nizia, Histoire, p. 212 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 355, p. 217) : 119-121 je vous demonstreroie que tous homes sont folz, aians une autre vie ou vivre honnestement puissent et converser ; 585-586 Vivons doncques, je vous em prie, comme si riens n’avions et ainsi que comme possedans toutes choses ; 753-755 aucuns qui les choses ignorent se confient que es cours elle soit blande et souefve, errans en ce que les femmes ont a coustume ceulz aymer qui sont de vestemens ornéz ; 767-768 Et de petit de chose ne nourriras aucune qui a pluseurs amans environ soy lui promectans grans choses ; 1316-1317 dont tu oyes les chevaulz fremissans, trepillans et soy mordans ; 1328-1330 qui rixes et noises jouent continuellement veoians tous ceulx qui la sont assistans ; 1396-1397 et trés souvant, cuidans estre deceupz, mectent a bas leurs charges ; 1482-1484 pluseurs (…) en leur maison demourans eussent peu vivre par mains et pluseurs ans ; 1514-1516 lesquelz accroissent les tourmens aux curiaulz, importuneement demandans maintenant impetrer une chose, maintenant une autre ; 1632-1634 te fault vivre entre les hommes lesquelz plus droictement nous appellerons bestes, de toute vertu defaillans ; 1760-1761 lesquelz, ayans autre vie en la quelle se peuent conduire honnestement, ensuivent les molestes que les curiaulx ont, etc.
131Construction estre + participe présent. Quand le participe présent est attribut construit avec estre, il forme une locution verbale « qui correspond à un temps simple (...) du verbe moderne » (Foulet, Petite syntaxe, no 125, p. 91 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 357, p. 219) : 35-37 soies bien adverti qu’en persuadent a eviter le service des roys ne soies contrariant aux mandemenz divins ; 41-42 O ! si grant malefice soit trés eslongné de moy qu’au saint appostre soie contredisant ; 150-152 Pourquoi ne suis pas non saichant que envers les ignorans des choses on puisse distraire et diminuer ou adnichiler ma sentence ; 168-169 je ne suis pas conversant en la court pour ce qu’elle me plaise ; 439-440 chascun est anelant et appetant potesté en court ; 496-497 Traictions donc par une autre doctrine qui soit exuberant ; 1307-1308 ou il te sera tousjours molestant et contrestant ; 1328-1330 qui rixes et noises jouent continuellement veoians tous ceulx qui la sont assistans.
L’infinitif
132Place de l’infinitif régime. Contrairement à l’usage général de l’ancien et du moyen français (Moignet, Grammaire, p. 197 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 326 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 344, p. 209), l’infinitif régime est antéposé au verbe qui le régit dans certains cas : 11 ceste epistre que escripre je te vueil ; 18-19 qui doresenavant les maisons des roys frequenter esliront ; 153-154 Car qui sera cellui qui croire pourra l’infelicité des curiaulx, etc.
133Dans l’exemple ci-après, ce n’est pas l’infinitif régime qui est inversé par rapport au verbe régissant, mais le complément direct de l’infinitif qui est antéposé à cet infinitif (Foulet, Petite syntaxe, no 64, pp. 47-48 et Gardner and Greene, Brief Description, p. 145) : 1371-1372 Qui pourra les tourmens nombrer qui adviennent adoncques ?
Constructions
134La tournure impersonnelle. L’ancienne langue peut exprimer l’impersonnel en utilisant le verbe estre ou la voix passive (Foulet, Petite syntaxe, no 293, pp 202-203 ; Buridant, Grammaire, no 318, p. 397) : 1462-1463 Ilz sont aucunesfois impugnacions qui a cheval se font.
135La proposition infinitive. Fort rare en ancien français, la proposition infinitive est d’usage tout à fait courant en moyen français. Elle se construit surtout après les verbes déclaratifs ou après les verbes qui expriment l’opinion, l’ordre, etc. (Marchello-Nizia, Histoire, p. 337 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 294, pp. 178-180) : 12 je demonstre estre folz ceulx qui servent aux roys ; 65 laquelle voix son pere dit iceulz estre folz ; 183 jassoit ce touteffoiz qu’ilz la congnoissent estre mauvaise ; 216-217 je extime la sentence mon pere estre trés veritable ; 475-476 je juge que de moy ne seront pas nyéz qu’ilz ne soient trés folz ; 1742-1743 quant ilz veoient despriser les choses qui sont saines et les nuysantes estre acceptees et receues ; 1772-1773 ne pourroit soy deffendre qu’il ne soit convaincu estre mauvais et fol envers les hommes saiges, etc. Dans les deux cas qui suivent, la construction de l’infinitif prépositionnel équivaut, pour le sens, à un gérondif (Marchello-Nizia, Histoire, p. 338) : 337-338 qui pour tourner le poulce met a occision ceulz qu’i lui plaist de nous tous ; 1069-1070 car en les y mectant ilz sont assez tardifz et a les enlever ilz sont trés diligens.
136La proposition participiale. Dans la prose française du XVe siècle, les propositions participiales comprenant leur propre sujet (que l’on appelle parfois « ablatifs absolus ») ne sont pas rares (Marchello-Nizia, Histoire, p. 340 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 360, p. 220) : 173-174 car ilz sont trés beaucoup lesquelz, vivant leur femme, condannent mariage ; 1022-1024 Et entre cestes choses regarderas l’escuier tranchant (...), en sa main le cousteau volant ; 1335-1336 ainsi que dit Flacus, nautonnier et viateur, maintes choses parlant ; 1364-1366 Quantes foiz, tu forcluz, (...) recevra il ceans (...) ung menestrel ; 1479-1481 Je passe les maladies qui nous assaillent quant ainsi summez pourmenéz et, nous ainsi contrains, ou nous summez par les voies delaisséz ; 1659-1661 Dieu (…) m’a le couraige donné d’ensuir le prince, moy estant desja homme, quant j’avoie ja receu les vertuz de mes parens, etc.
137L’ellipse. Où le français moderne répéterait un élément verbal (Lemaire, Syllexie, p. 304), l’ancienne langue autorise l’ellipse (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 28, p. 33) : 86-88 car les uns soustenoient que volupté donnoit vie bien euree, et les autres disoient vacuité de douleurs, et les autres vertus ; 193-194 laquelle comme imitateur de charité supporte toutes charges jasoit ce que trés griesves ; 921-924 Les œufs sont poséz devant toy quant ilz nourricent ja les poussins. Les poires et pommes ou seiches ou aigres, lesquelles si ne les mengeoies, seroient la viande aux pourceaulx, etc.
138Cette ellipse affecte parfois le verbe au départ : 538-540 Car en la court des princes ne sont pas les services ponderéz, mais ce sont les personnez ; car aux pretites, choses petites, et aux grans affierent les grans dons ; 673-674 car tu y veois quelcune qui non pas a toy, mais s’en va a ung autre ; 694-695 on y racompte aucunes citéz prises, vaillans hommes occis, grandes pilleries y avoir esté faites.
139L’inversion du sujet. La présence de la conjonction et en tête de phrase ne provoque normalement pas la postposition du sujet en ancien français (Moignet, Grammaire, p. 357) ; mais cette construction tend à se répandre en moyen français, pour des raisons stylistiques (Bergh, Réflexions, pp. 52-55 ; Marchello-Nizia, Histoire, p. 331). On a relevé les cas ci-après : 715-716 Et croit on plus a Guidon de la Coulonne ; 951-952 Et pourroit aucun par aventure tollerer telles choses ; 1318-1319 Et sont par les logeis es chambres diverses moins sourvenus estrangiers, etc.
140L’inversion se produit quand un complément ou une proposition se trouve placé devant le verbe (Marchello-Nizia, Histoire, p. 331 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 475, p. 283) : 1094-1095 ne les choses aussi que ceulz des champs devourent ne seras tu permis a taster ou gouster ; 1621-1622 de ceste volupté sont privéz les curiaulz lesquels, jasoit qu’ilz soient en oyseuse continnuelle, n’ont ilz jamais repoz.
141L’exemple qui suit contrevient à la norme habituelle : peut-être faut-il voir dans l’inversion du sujet une influence de la version latine originale (Dantur honores in curiis non secundum mores atque vitutes dans De curialium miseriis epistola, éd. Mustard, p. 29, ll. 1-2) : 307-308 Sont les honneurs donnéz non pas segon les meurs et selon les vertuz.
142La construction άπο κοινού. Selon la définition qu’en a donnée A. Tobler (Mélanges, p. 174), la construction άπο κοινού est « une construction par laquelle un ou plusieurs mots servent à la fois de fin à une phrase et de début à une autre ». Dans les cas suivants, c’est toute une proposition qui est à la fois en relation avec deux autres propositions : 307-309 Sont les honneurs donnéz non pas segon les meurs et selon les vertuz, mais d’autant que ung chascun est plus riche ou puissant, il est plus honnoré ; 1702-1706 Mais de cestui don tant souef, tant bon, tant utile et si trés neccessaire sont les gens de court privéz, car veu que presque tous sont trés vicieulx, entre eulx ne pourroit estre amicabilité, mais quelque fiction et aucunefoiz conspiracion.
143L’anacoluthe. Les ruptures de construction syntaxique, familières en français contemporain (Lemaire, Syllexie, pp. 308-312), sont relativement fréquentes dans la prose française du XVe siècle (Marchello-Nizia, Histoire, p. 342) : 152-154 Car qui sera cellui qui croire pourra l’infelicité des curiaulx et qu’ilz vivent maleureusement ; 567-569 pour donner aux ungs ilz reçoivent des autres les choses qui ne sont point vrais dons ne s’ilz sont justement possidéz ; 627-631 Les aucuns se delittent quant ilz regardent chevaucheurs resplendans, et quant ilz veoient les batailles, courir les compaignies de chevaliers, et en veoiant les femmes de formosité plaines ; 683-687 prennent les curiaulx delectacion grande, quant de tout le circuit du monde oyent les novitéz, les hommes tressaiges parler, les gestes des grans hommes racompter et en oyant aussi des musiciens les chans melodieux ; 1083-1085 Entre une viande et l’autre y a grant distance ; en les actendant se consume le grant temps ; 1354-1356 par aventure te seroit tolerable chose et a supporter humilier ta teste envers le mareschal, etc.
144Les redondances. Il arrive que le pronom personnel anticipe ou rappelle le pronom relatif (Marchello-Nizia, Histoire, p. 335 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 266, p. 152) : 26-28 lesquelz (...) pour ces choses ilz sont en grant anxieté ; 591-592 ou nous les trouvons celles que moult mieulx nous vauldroit ne les avoir trouvees ; 846-848 la servoise pour boire laquelle, comme elle soit par tous les lieux amere, elle est es cours touteffois trés amere ; 1125-1126 premectray a eulz ceulz qui sont reconduz es pertuiz des rochiers ; 1621-1622 de ceste volupté sont privéz les curiaulz lesquels, jasoit qu’ilz soient en oyseuse continnuelle, n’ont ilz jamais repoz.
145Parfois, le pronom personnel ou adverbial anticipe ou rappelle un complément régime direct ou indirect (Marchello-Nizia, Histoire, p. 335) : 407-409 ses amis, qu’il avoit eslevéz a souverain honneur, il les rejecta et mist derriere l’uys ; 773-774 Mais s’il avient que tu en ayez une agreable et loialle pucelle, etc.
146Le pronom adverbial peut aussi anticiper ou rappeler le complément de lieu (Buridant, Grammaire, no 327, p. 410) : 710-711 Mais en la court des princes chascune parole y est eue par adulacion ; 741-742 En toutes pars y sonnent parolles deshonnestes ; 794-796 ne n’a le touchement en quelconque autre lieu delectacion moindre qu’il y a aux sales et aux palais des roys ; 1648-1650 Ne tu ne doiz cuidier que avecques les princes tu y puisses trouver ung chaste adolescent, etc.
147La répétition superflue de la conjonction que se produit quand une incidente vient s’insérer entre la principale et une subordonnée (Ritchie, Conjonction que, p. 169 ; Buridant, Grammaire, no 461, p. 566 ; Marchello-Nizia, Histoire, pp. 293-294) : 161-164 Par quoy quelcun porroit ymaginer que, affin que je tout seul ou avec petit nombre puisse user et joÿr des voluptéz de court, que a ceste occasion devant les autres ay je delaissé mes meurs ; 1153-1156 point ne me semble vraysemblable que es cours des princes, ou regnent tant de vices, ou tant de irritemens et provocacions retirent l’omme de l’exercice de vertuz, que aucun bon homme y peust perseverer, etc.
148Dans les cas qui suivent, le rapport de possession étant déjà assez nettement exprimé, l’emploi de l’adjectif possessif n’est pas nécessaire, notamment pour désigner des parties du corps (Buridant, Grammaire, no 125, p. 157) : 334 derriere toy ilz te tendront leurs doiz ; 1032-1033 jasoit ce que l’un et l’autre lui touche a son menton, mais également dans d’autres cas (Buridant, Grammaire, no 125, p. 158) : 1541-1543 ta mort n’est point griefve ou doulente a ton prince qu’as longuement servy, etc.
149Les passages suivants n’évitent pas la redondance : ils contiennent une abondance d’expression inutile à l’énoncé clair de la pensée : 83-85 pour instiguer et enquerir d’eulz laquelle c’est qui est vie trés bonne ; 93-94 et enquist de Thyresia (...) c’est assavoir ou fust la vie bien eureuse ; 1321-1322 es hospitaulx publicques ou les larrons sont a craindre et murtriers y sont a doubter ; 1423 ne porras vers lui aler au lieu ou il est ; 1408-1409 ilz congnoistront que (…) tu seras enfroidy de froidure ; 1417-1418 par quoy leurs maistres descendent en bataille et en bateures ; 1423 ne ne porras vers lui aller au lieu ou il est, etc.
150Le datif éthique. Dans l’exemple ci-après, le pronom personnel vous, qui a la forme d’un complément d’objet indirect, est en réalité un « pronom expressif d’intérêt atténué » (Grevisse, Le Bon Usage, no 481, pp. 417-418) et a pour fonction de requérir l’intérêt du lecteur à l’action (Rasmussen, Prose narrative, p. 83) : 472-474 Veez cy donc la fin trés divulguee de ceulx qui vers les princes vous mendient honneur ou cerchent puissance.
151Le ne discordantiel. De manière générale, le ne discordantiel s’emploie dans les propositions complétives d’un verbe exprimant la crainte, la défense ou le désir (Marchello-Nizia, Histoire, p. 250 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 16, pp. 22-23) : 251-253 Et si ne nyeray point que les aucuns ne extiment et jugent en eulx mesmes gaigner leurs ames aux services des princes ; 268-270 Car je ne ignore point que les aulcuns d’eulz ne honnorent et ayment vertuz et sainteté de vie ; 475-476 je juge que de moy ne seront pas nyéz qu’ilz ne soient trés folz ; 1237-1238 je ne lui desfens point qu’il n’ensuyve la court, etc. Toutefois, cet usage n’est pas obligatoire : 1583-1585 tu doubtes et as crainte que, par trop grande effusion et mise, il lyme ton tresor et consume du tout.
152On en observe aussi l’usage dans la subordonnée complétive d’un verbe exprimant le déni (Marchello-Nizia, Histoire, p. 250 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 16, p. 23) : 479-481 Procedons a present des richesses desquelles n’est pas doubte qu’elles n’aient atrait pluseurs des mortelz aux chartres curiales.
153Le ne discordantiel s’emploie aussi dans les propositions subordonnées qui constituent le second terme d’une comparaison d’inégalité (Marchello-Nizia, Histoire, p. 251 et Jonas, Systèmes comparatifs, pp. 272-306) : 90-91 moins certain que par avant n’estoit ; 997 il est plus chieri et amé du prince que tu n’es ; 1170-1171 et si tu as plus de vertus et puissance pour resister a la coustume mauvaise que n’avoit Platon ; 1390-1391 des taverniers ou des femmes communes sera mieulx informé et mieulz acertené qu’il ne sera des autres, etc. Dans ce cas, le ne discordantiel est commutable avec ne... pas (Marchello-Nizia, Histoire, p. 250) : 366-367 il (...) est aucuneffois contraint servir aux hommes plus qu’il n’est pas a Dieu ; 653-655 et si n’aura pas prins grant delectacion d’avoir veu les chevaulx des autres meilleurs et plus poliz que ne sont pas les siens ; 817-818 jasoit ce que les mouches soient mieulz repeues des viandes regalles que ne sont pas ceulz cy.
La préposition
154Répétition de la préposition. La répétition de la préposition devant deux compléments de même nature n’est pas obligatoire dans la langue ancienne (Buridant, Grammaire, no 404, p. 502) : 517-520 il convient que tu soies tousjours apparaillé a tous commandemens que le roy te fera : passer par les larrons, a entrer en bataille ou a nager en mer et t’arrester es lieux ou est la pestilance ; 598-599 pour user de leurs voluptéz et plaisances de corps ; 745-746 ceulz cy seulement ont liberté de faire et dire tout quanque leur plaira ; 782-784 a bien grant peine resister porra a tant d’assaulz et oppugnacions ; 913 plaines de charbons et fumee ; 916-917 les chiches mesléz de poys, feves et lentilles, aucunes fois de pouldres et cendres ; 932-933 j’eusse ja renoncié aux attediacions et ennuiz de la court ; 1154-1155 ou tant de irritemens et provocacions retirent l’omme de l’exercice de vertuz ; 1165-1167 il establi en soy que mieulx lui estoit s’enfuir et plus utile que de resider entre tant de inquinamens et occasions de vices 1188-1190 Zenon (…) fut de Falaris le tyrant dilaceré de tout genre et maniere de tourment ; 1209-1211 cellui saint homme savoit bien que les causes des pupilles et orphelins et celles des vesves n’ont point d’entree aux princes ; 1357-1358 c’est trés griesve chose d’ensuir et supplier a hommez regectéz ; 1527-1529 les princes n’ayment homme si non par aucune impetuosité et soudain mouvement mal consulté, etc.
155Absence de la préposition. La préposition fait défaut dans le passage ci-après alors que le complément exprime l’idée de lieu, et non de temps ou de manière (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 300, p. 183) : 1628-1629 Nul lieu ne trouveras quelque cornet paisible.
156Absence de la préposition devant l’infinitif régime indirect. Dans la plupart des cas, l’infinitif régime indirect se construit absolument (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 348, pp. 211-212) : 60 aucun en ce me contraignoit disputer ; 92 il se delibera prendre conseil des mors ; 298 Notre entention est, en disputant, monstrer que ; 908-910 et n’ont pas a coustume les dispensateurs les achapter recentes ou pou machees ; 1267-1269 Calistenés, quant il prohiba qu’on adorast Alixandre (…) fut contrainct en chartre mener vie miserable ; 1684-1685 Tant est la peine vehemente porter nuit et jour en son puys son tesmoing, etc.
157Le complément déterminatif introduit par a. Comme en ancien français, la préposition a peut introduire le complément déterminatif qui désigne un être animé (Marchello-Nizia, Histoire, p. 320 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 251, p. 142) : 924 la viande aux porceaulx ; 1359-1361 la benivolence des cusiniers, des pastissiers et boulengiers et a ceulz qui le pain et le vin distribuent ; 1514 des neccessaires aux gens de court ; 1515 les tourmens aux curiaulx.
158Le complément déterminatif absolu. Quand le complément déterminatif désigne une personne, il peut être construit sans préposition (Marchello-Nizia, Histoire, pp. 318-319 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 249, pp. 140-141) : 65 laquelle voix son pere ; 95 des parolles Therence ; 176 du mandement saint Paol, etc.
159Place du complément déterminatif. Le complément déterminatif qui se rapporte à deux noms est quelquefois placé après le premier nom plutôt qu’après le second : 1159-1161 l’omme juste ou service des roys trebuchera encore maugré lui par la licence des choses et superabondance.
La conjonction
160Répétition de la conjonction. Une fois exprimée, la conjonction que ne doit pas être répétée dans la langue ancienne, contrairement à l’usage moderne (Foulet, Petite syntaxe, no 432, p. 294), en particulier quand la complétive comporte un enchâssement (Martin et Wilmet, Syntaxe, no 370, p. 227) : 735-737 A quoy diray je que tous les lieux sont plains de rixes et noises et que l’un maudit l’autre et se tencent ensemble et se disent blaphemez contre Dieu et les sains ; 853-855 Et toy tout seul n'auras pas ung hanap affin que, si tu veulz, tu y mesles de l’eaue ou tu la boives pure ; 1033-1036 Que dirons nous que le prince continuellement compte a sa table confabulacions et choses de dire et qu’on ne devroit dire, et tu n’oses parler ne seulement bailler, etc.
161Emploi particulier de et. Lorsqu’une proposition principale est précédée par une subordonnée temporelle, l’emploi de et en tête de cette principale « donne plus d’animation au récit » (Tanquerey, Et particule, p. 348 ; Martin et Wilmet, Syntaxe, no 463, p. 272) : 1606-1607 quant il sera malade, et tu pareillement comme lui et avecques lui souffriras.
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