Chapitre 3. 10 juin 1915 - 21 février 1916
Aumônier du 201e RI - 1re division d’infanterie - 1er corps d’armée. Secteur de combat de Sapigneul (Marne)
p. 29-34
Texte intégral
1Le 201e RI était un simple régiment de réserve à deux bataillons. Il était formé de réservistes du 1er RI, le régiment de Cambrai. Celui-ci avait à son effectif les 1er, 2e et 3e bataillons, le 201e se composait des 5e et 6e bataillons. Son rôle avait été jusqu’alors assez modeste. Cependant il s’était vaillamment comporté en Belgique à Onhaye (23 août 1914), à la ferme du Choléra près de Berry-au-Bac (Mars 1915).
2À peine l’avais-je rejoint dans le secteur du Chaufour devant Thil, qu’il fut relevé le 17 juin et concentré plus au nord, à Cormicy. Aussitôt s’opéra pour lui une transformation décisive. Un bataillon du 16e RI formé de jeunes soldats de 20 ans, lui fut incorporé en bloc sous le titre encore vacant de 4e bataillon. Notre effectif nous égalait ainsi aux régiments d’active. Nos nouveaux éléments d’ailleurs rajeunissaient singulièrement notre unité. De fait, le 201e était destiné à remplacer dans la 1re DI, le 84e d’infanterie qui allait partir à l’armée d’Orient1, et à former brigade2 avec son régiment d’active, le 1er RI.
3Notre tour était venu d’entrer pleinement dans la guerre.
4Mon initiation se fit dans le secteur de Sapigneul, dont Cormicy était le cantonnement « de repos », presque quotidiennement bombardé. Nous tenions la berge sud du canal de l’Aisne à la Marne, depuis les environs de Berry-au-Bac à l’ouest, jusqu’à la première écluse au sud de Sapigneul, où nous franchissions le canal et couvrions le village de La Neuville. En face de nous, les Allemands tenaient la rive nord et ne s’éloignaient un peu plus de nos tranchées que dans le secteur marécageux de La Neuville. Autant ce dernier était calme, autant la lutte était continuelle et vive là où nous n’étions séparés que par le lit complètement desséché du canal. À l’écluse nord, huit mètres seulement mesuraient la distance entre les guetteurs ennemis, ailleurs, il y en avait vingt ou trente. Entre les deux infanteries c’était un échange incessant de grenades de toutes formes, grenades à main, et grenades à fusil, bombes à ailettes lancées par de petits mortiers d’autrefois ou par des engins nouveaux3. À la gauche de notre secteur l’ennemi, solidement installé sur la cote 108 que le 1er RI lui disputait à coup de mines, nous envoyait toute une collection de mines depuis le simple « tuyau de poêle » jusqu’au « seau à charbon » bourré d’explosifs dont l’éclatement soufflait nos abris légers comme des châteaux de cartes4. De la droite et peut-être du Fort de Brimont, l’artillerie lourde nous écrasait de ses obus de 150 et de 2105. La vie des hommes était rude car il fallait se tenir presque constamment en état d’alerte, et chaque jour nous avions à déplorer des morts et des blessures.
5Personnellement, j’avais entre l’écluse nord et le village ruiné de Sapigneul, une petite chapelle creusée dans la terre et recouverte de rondins, et tout à fait à côté, un léger abri qui me servait de presbytère. Le Saint-Sacrement résidait là au milieu de nous, à trente mètres de la ligne allemande. Une vingtaine de soldats pouvaient, en se serrant bien, assister à la messe, communier et le soir réciter avec moi la prière. C’est de là que chaque jour je partais avec le Saint-Sacrement pour faire le tour du secteur et porter la sainte communion aux guetteurs jusque dans leur poste d’écoute. Rien ne pouvait mieux m’aguerrir que de vivre ainsi dans cette zone de combat et de me sentir seul la nuit dans mon trou, sous le bombardement qui faisait rage, à la garde de Dieu.
6Au bout de trois semaines, partagées entre les tranchées de Sapigneul et le cantonnement de Cormicy, le 201e fut relevé le 13 juillet et envoyé un peu à l’arrière au sud-ouest de Reims dans la région de Vrigny-Coulommes, Pargny et Jouy. Il s’agissait d’achever par des exercices la cohésion des éléments disparates dont nous étions formés, et la préparation du régiment au rôle agressif qu’il allait prochainement jouer. Je profitais de ce répit pour prendre ma première permission et aller voir à La Couronne, près d’Angoulême, ma mère guérie, revenue d’Angleterre et installée dans le voisinage de mon frère Maurice, alors au dépôt du 8e génie. Mon absence fut courte, quatre jours en tout du 25 au 29 juillet, mais les deux journées passées en famille après une séparation si longue et si pleine d’inquiétudes, nous furent particulièrement réconfortantes et douces. Elles me préparaient à entreprendre avec un nouveau courage la seconde année de guerre.
7Le 201e resta à Jouy jusqu’au 4 août, puis après une série de déplacements, le 5 août à Pouillon, le 10 à Chaudardes pour efectuer quelques travaux dans les bois de Beaumarais, le 18 à Saint-hierry, le 23 dans le secteur de La Neuvillette, il se retrouva le 2 septembre dans les tranchées de Sapigneul. Un seul changement notable s’était produit durant mon absence : le cantonnement de repos n’était plus à Cormicy trop bombardé, mais dans le bois des Grandes Places où des baraques assez sommaires achevaient à peine de se construire.
8Dès notre arrivée aux tranchées, nous fûmes chargés de préparer une prochaine attaque contre la rive nord du canal. À cet effet six sapes6 furent creusées sous la berge que nous occupions de part et d’autre de l’écluse nord, de manière à atteindre la paroi de ciment qui formait le lit du canal. À l’heure H il suffirait de quelques coups de pioche pour percer dans cette paroi des ouvertures par où les hommes déboucheraient par surprise et pourraient se jeter d’un bond sur la rive nord. En même temps un peu plus à droite, près du pont de fer qu’on avait depuis longtemps fait sauter, de fortes patrouilles opéraient de vigoureuses reconnaissances sur la rive nord, chassaient des postes d’écoute les éléments légers allemands qui les gardaient et établissaient une tranchée avancée en forme de tête de pont destinée à couvrir à droite le front d’attaque.
9Le 13 septembre à huit heures du soir, les sapes sont ouvertes et trois compagnies s’élancent à la baïonnette. Dès la traversée du canal beaucoup d’hommes sont fauchés par les mitrailleuses de la cote 108, qui les prend en enfilade. Une seule compagnie, la 13e, franchit bien l’obstacle et s’avance vers le Moulin des Fontaines, mais elle ne peut s’emparer de la maison de l’éclusier, subit des pertes sévères et doit finalement se replier. L’attaque de front a échoué. Elle sera reprise autrement. Le 18 nous chassons de la berge nord les Allemands, entre l’écluse et la tête de pont en nous emparant de deux postes d’écoute. Le 21 un nouvel assaut est tenté contre la maison de l’éclusier, il échoue encore. Heureusement le 24, au lever du jour, l’ennemi abandonne lui-même la maison et la fait sauter, ce qui nous permet d’étendre encore vers la gauche, l’occupation de la rive nord et d’enterrer sur place nos morts du 13 septembre. Le 26 nous lançons une attaque contre le Moulin des Fontaines sans parvenir à l’enlever. Cette série d’attaques coûteuses en cet étroit secteur qui n’a pas cessé pendant tout ce temps d’être soumis à un effroyable bombardement de mines et d’obus, a profondément affecté le moral de nos hommes. À quoi bon tant de sacrifices pour un si maigre résultat ?
10La réponse heureusement nous est bientôt fournie. Le 27 nous apprenons qu’en Champagne, de l’autre côté de Reims, une puissante attaque française7 a réussi et que nos opérations avaient pour but à la fois de détourner sur nous l’attention de l’ennemi, et de préparer ici une base de départ meilleure en vue de coopérer avec l’armée de Champagne à débloquer Reims. Hélas ! ce nouvel espoir ne tarde pas à s’évanouir. Après ses brillants succès du début, l’armée de Champagne est arrêtée à la ferme de Navarin, et dès la fin de septembre il n’est plus question d’offensive. Notre situation à Sapigneul devient de ce fait tout à fait désagréable. De nos lignes et de nos abris sur la rive sud, il ne reste pour ainsi dire rien. Tout a été écrasé, pulvérisé par les obus, ma petite chapelle et mon léger gourbi8 qu’un 77 eut sui à démolir, sont presque seuls debout. Alors commence tout un ensemble de travaux pour aménager sur la rive conquise, un nouveau réseau de tranchées et d’abris. Un peu partout on pousse en avant des boyaux et des postes d’écoute qui étendent toujours davantage notre occupation et la portent jusqu’au contact de l’ancienne deuxième ligne allemande. Sauf à gauche de l’écluse nord où l’espace n’est pas suffisant pour nous permettre une installation solide en avant du canal, et où la ligne principale reste derrière et ne se couvre en avant que par des postes d’écoute, dans tout le reste du secteur les compagnies portent progressivement tous leurs éléments sur le terrain nouveau qu’elles n’abandonneront plus. Quant à moi, après être resté en ligne pendant 32 jours sans désemparer, je redescends le 9 octobre au cantonnement de repos au bois des Grandes Places. J’y passe quatre jours, puis après un stage de dix jours dans le secteur qui s’aménage et se calme bien, nous partons à la date du 23 octobre en réserve dans l’accueillant village de Chenay. C’est là, que dans une tranquillité assez fâcheusement gâtée par des marches et des exercices, nous célébrons la fête de la Toussaint et le Jour des Morts, tout remplis du souvenir des camarades dont nous pleurons la perte.
11Au bout de trois semaines, le 13 novembre, nous reprenons possession des tranchées de Sapigneul et du cantonnement des Grandes Places, où nous allons passer tout l’hiver. Les bataillons se relèvent par roulement. Le 5e et le 6e ayant chacun un prêtre infirmier, l’abbé P. Lemaire9 et l’abbé A. Guermonprez10, je prends mon tour en ligne avec le 4e bataillon. Aux Grandes Places, je m’occupe de faire élever un petit baraquement en tôle ondulée qui servira de chapelle et de salle de lectures11 pour les soldats. Pendant la journée, un rideau isolera l’autel où résidera le Saint-Sacrement, et les soldats pourront venir librement dans la salle. Ce sera du reste la seule baraque du camp dans laquelle ils pourront se tenir debout, car toutes les autres sont bâties sous un toit incliné qui descend jusqu’au sol comme une toile de tente, et il n’y a que le couloir du milieu entre les couchettes de fil de fer qui soit à hauteur d’homme ! En secteur j’entreprends avec quelques brancardiers dévoués l’inhumation de tous les corps épars sur le terrain soit à l’intérieur de nos lignes nouvelles, soit dans le no man’s land, entre les deux tranchées adverses. Il y a là des cadavres français de 1914 encore en pantalons rouges12 et nous réussissons à en identifier plusieurs, à les recouvrir de terre et à planter des croix sur leur tombe. Il y en a aussi du 201e que nous ramenons derrière le canal ou que nous inhumons sur place. Il en reste hélas quelques-uns qui sont tombés dans les réseaux de fil de fer allemands et que nous ne pouvons aller chercher jusque-là.
12Entre temps le 23 novembre, j’ai pris ma seconde permission. Je suis allé à Paris, où ma mère s’est installée après le départ de mon frère Maurice comme chef de poste télégraphiste à l’armée de Salonique, et où sont venues la rejoindre à leur retour d’Angleterre ma tante Marie Delesalle et ma sœur Anna avec ses enfants. Heureux et bref séjour où se resserre le lien de notre petite famille exilée et réduite. Seule l’absence de Maurice qui s’est embarqué à Toulon le 28 octobre, et qui nous a appris son arrivée à bon port après un long voyage, mêle un peu de tristesse et d’inquiétude à notre joie.
13L’hiver à Sapigneul fut pénible surtout à cause de la boue et de l’humidité. Il y a avait, dans les gourbis près du canal, de l’eau qui montait par le fond jusqu’à une hauteur de 60 centimètres parfois. On empilait dedans des caillebotis jusqu’à ce qu’ils émergent au-dessus de la surface liquide et on se tenait sur ce plancher fragile et sous la voûte devenue trop basse à présent pour qu’on put avancer autrement qu’en rampant. Les boyaux de circulation n’étaient plus que des fossés pleins d’une boue liquide où l’on s’enfonçait jusqu’à mi-jambe. Le principal qui aboutissait au canal, près du pont rompu, et que nous appelions le métro parce qu’on l’avait couvert de tôles cintrées destinées à masquer la circulation aux observateurs ennemis, laissait jaillir en son milieu une source d’eau. Un bain de pied froid s’imposait ainsi à tous ceux qui devaient aller et venir : les hommes de soupe, les hommes de corvée, les brancardiers et... l’aumônier. Aussi nous avait-on munis de bottes en toile caoutchoutée du plus curieux effet. À cette époque aussi le vieux képi avait cédé la place a nouveau casque13 dont nous avions vite apprécié l’avantage contre les éclats d’obus et même contre la pluie. Le masque à gaz14 n’était encore qu’un tampon rudimentaire de ouate imprégnée d’hyposulfite de soude qu’on s’appliquait sur le nez et la bouche en l’attachant aux oreilles et qui n’était pas complété par des lunettes. Je crois qu’il nous étouffait plus qu’il ne nous protégeait, mais heureusement, à part quelques alertes vite calmées, nous n’avons guère eu à nous en servir.
14À Noël une messe de minuit fut célébrée dans la chapelle des Grandes Places. Les assistants venaient d’être relevés des tranchées la nuit même. Ils étaient encore couverts de boue. Minuit chrétien et nos vieux Noëls furent chantés de bon cœur avec accompagnement d’une flûte et d’une guitare ! Ce fut très « pastoral » et bien émouvant. Janvier 1916 passa, puis février s’égrena lentement. Enfin le 19 février l’ordre de relève arriva et le 201e se trouva rassemblé le 20 février 1916 à Bouvancourt. Nous pensions partir au repos, le canon n’allait pas tarder à nous appeler à Verdun !
Notes de bas de page
1 L’entrée en guerre de la Turquie en novembre 1914 avait ouvert un nouveau front. En février-mars 1915 une expédition navale échouait dans sa tentative de forcer les détroits turcs. Les alliés décidèrent alors de débarquer des troupes, principalement anglaises, sur les deux rives des Dardanelles. Les pertes furent considérables. Dans le même temps la Bulgarie était entrée en guerre aux côtés des Empires centraux (5 octobre 1915), l’armée serbe battait en retraite après une attaque austro-allemande. La France décida alors la Grande-Bretagne à accepter l’envoi de troupes des deux pays vers le port grec de Salonique pour aller porter secours aux Serbes. Le corps expéditionnaire commandé par le général Sarrail débarqua à Salonique où était installée une tête de pont mais ne parvint pas à porter secours à la Serbie entièrement occupée par l’ennemi. On appela « Armée d’Orient » ce corps expéditionnaires et les troupes qui furent envoyées à Salonique jusqu’à la fin de la guerre.
2 Deux ou trois régiments, sous le commandement d’un général, constituent une brigade.
3 Il y avait différents modèles de grenades dont l’usage se développa à partir de 1916 sur le front occidental. Les Allemands s’étaient intéressés très tôt à celles-ci alors que les armées françaises n’en avaient que quelques modèles et que les armées anglaises n’en avaient pas du tout jusque 1915.
4 Le fantassin français était armé d’un fusil Lebel modèle 1886 modifié 93, arme vieillissante en termes de vitesse de tir et de commodité de chargement. Il y avait 2 mitrailleuses par bataillon. L’artillerie disposait de quelque 4 100 pièces dont 3 930 canons de 75 mm et 120 canons de 65. Le canon de 75 à tir rapide était considéré comme le fleuron de l’artillerie de campagne française. L’artillerie lourde notoirement insuffisante en 1914 se développa tout au long de la guerre. Dans la guerre de tranchées les armes françaises étaient moins efficaces que les armes allemandes. Elles se perfectionnèrent au fur et à mesure.
5 L’artillerie de tranchée allemande, à tir courbe, était en avance sur l’artillerie française qui se développa de façon spectaculaire pendant la guerre. Face aux minenwerfer allemands (mortiers légers avec des mines de 76, 170 ou 240 mm), les Français ripostèrent dans un premier temps de façon improvisée. La première arme capable de rivaliser avec ces minenwerfer apparut sur le champ de bataille en avril 1915. Connue sous le nom de canon de 58 elle lançait des bombes à ailettes aux capacités destructrices redoutables.
6 Dans le vocabulaire de la guerre de sièges, la sape est une tranchée profonde, parfois couverte mais jamais souterraine qui permettait la circulation à l’abri des vues. Dans la guerre des tranchées ce sens correspondait souvent à celui de boyaux et le terme sape était souvent improprement employé pour désigner une galerie souterraine destinée à placer des explosifs sous les tranchées adverses.
7 Pendant l’hiver 1915, l’Entente lança des offensives aux résultats minimes notamment en Champagne. Une offensive de plus grande envergure eut lieu en mai-juin en Artois, une autre en septembre-octobre en Champagne. Joffre espérait encore percer le front allemand. Ce fut un échec et Joffre annonçait le 7 octobre « une longue période d’attitude défensive ».
8 Dans le langage des soldats les gourbis désignaient des abris faits de terre, de branches, de paille, parfois aménagés dans de simples trous. Lorsqu’ils étaient de plus grande taille, un toit composé de rondins protégeait contre les bombardements. Les caillebotis empilés sur le sol des tranchées cherchaient à éviter le contact avec l’eau qui pouvait monter jusqu’à mi-jambe.
9 Abbé Paul Lemaire né en 1888 à Tourcoing, ordonné en 1914. Il mourra le 28 mai 1940 après avoir été blessé dans son presbytère d’Annœullin (Nord) lors de l’invasion allemande.
10 Abbé André Guermonprez, (1888-1950), ordonné diacre par le cardinal Luçon le 11 juin 1915 à Reims, puis prêtre à Paris, le jeudi 28 octobre 1915. Il a été ensuite le fondateur de la paroisse Saint-Louis du Plouich à Marcq-en-Barœul (Nord).
11 Pour la détente des soldats des prêtres ouvraient des foyers, fondaient des chorales, des troupes de théâtre amateur ou de football. Les bibliothèques étaient l’objet d’une attention particulière : les hommes s’ennuyant dans les tranchées lisaient un peu de tout et les aumôniers craignaient que l’influence morale de certains de ces ouvrages ne compromette leur propre apostolat. Certaines bibliothèques ainsi constituées faisaient circuler de nombreux livres.
12 L’uniforme des soldats français qui datait de 1829 n’avait pas changé : il s’agissait alors et encore en 1870 d’être repérable sur le champ de bataille au temps de la poudre noire et des grands dégagements de fumée. En 1914, au contraire, avec la puissance de feu des mitrailleuses, le pantalon rouge garance faisait des soldats des cibles parfaites pour l’ennemi et beaucoup sont tombés à cause de cette négligence. L’uniforme comportait également une lourde capote de couleur bleue dont les pans étaient remontés en campagne. Ces uniformes ne correspondaient ni aux grande marches ni aux assauts, encore moins au camouflage. Archaïques par temps chaud, ils ne protégeaient pas non plus de la pluie ou du froid. Une réflexion était en cours depuis plusieurs années mais rien n’avait été fait. En 1915, le commandement français changea les uniformes et choisit le bleu horizon : on pensait que le soldat se voyait d’abord de loin sur la ligne bleue du ciel. La disparition des couleurs vives et des objets brillants se généralisa au cours de l’année 1915. Ce n’est qu’à partir de 1935 que fut adopté le kaki, déjà utilisé en 1914-18 pour les troupes coloniales. On note en fait une grande diversité, chacun adaptant son équipement, s’appropriant les effets de l’ennemi, complétant l’uniforme en achetant des effets personnels pour se protéger du froid, de la pluie ou de la boue.
13 Le képi était également rouge et bleu. Il ne protégeait pas la tête, et on estime à quelque 80 % le nombre des blessés à la tête en 1914. Aussi songea-t-on rapidement à remplacer le képi par un casque : le casque Adrian, composé d’une bombe d’acier, d’un couvre nuque et d’une visière en cuir. Il était peint en bleu.
14 Sans doute la France avait-elle déjà envisagé l’utilisation d’armes chimiques – non mortelles – et en avait-elle produit dès 1914. Mais il est admis que la première attaque chimique meurtrière a été initiée par les Allemands à Ypres le 22 avril 1915. Il s’agissait de chlore dont l’effet fut immédiat et effroyable. Il s’en est suivi une course aux produits de plus en plus toxiques et aux protections. Les masques à gaz (« masques anti-gaz ») dans leur première forme étaient très sommaires : simples chiffons imprégnés d’une solution d’hyposulfite de soude, qui absorbait le chlore et que les soldats plaçaient sur leur visage. Les recherches permirent par la suite de mettre au point des systèmes plus performants pour faire face à l’apparition de gaz plus agressifs, suffocant et vésicant comme l’ypérite, utilisé pour la première fois par les Allemands en juillet 1917 dans la région d’Ypres.
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