Introduction
p. 5-14
Texte intégral
1Le 11 août 1914, l’abbé Achille Liénart, alors âgé de 30 ans, s’embarquait, après avoir obtenu les autorisations nécessaires, comme aumônier de l’ambulance 3 de la 51e division de réserve. C’était le début d’une expérience tragique, dont personne alors ne savait qu’elle allait durer plus de 4 ans et qui le marqua, comme beaucoup, de façon indélébile. Dès le 2 août et jusqu’au 12 mars 1919 il prit l’habitude de consigner par écrit, presque chaque jour, les principaux événements et rencontres, retraçant tour à tour la violence et l’horreur des champs de bataille et des tranchées mais aussi la monotonie voire la banalité de certaines journées au front ou au repos, que ce soit avec l’ambulance 3/51 ou à partir de 1915 avec le 201e RI… au total plus de 800 pages de carnets qui font l’objet d’une édition intégrale annotée dans le CD joint à cet ouvrage. Celui-ci est la publication du récit La guerre de 1914-1918 vue par un aumônier militaire que l’abbé Liénart a rédigé, à partir de ses notes, documents et souvenirs au lendemain de la guerre, à une date qu’il nous a été impossible de retrouver mais qui, compte tenu de la signature du manuscrit, se situe avant son accession à l’épiscopat (1928), sans doute peu de temps après la guerre. Ce texte manuscrit, est abondamment illustré : photos, cartes, croquis, etc. Jamais publié il en existe, à notre connaissance, au moins deux reproductions dactylographiées dans la famille.
2La vie et l’œuvre du cardinal Achille Liénart donnent un relief particulier à la lecture d’une expérience partagée alors par de nombreux prêtres et dont le courage ne fut ni plus ni moins remarquable que le sien. Ces documents aident à mieux saisir comment la guerre de 14-18 et l’expérience de l’aumônier militaire ont façonné la personnalité de celui qui dix ans plus tard devenait évêque de Lille, comment elle a modifié son approche des hommes et de événements, en quoi elle a pu imprégner son action future. Il est intéressant d’y repérer tout à la fois les traits d’une personnalité déjà façonnée par son milieu familial, ses études, ses premières expériences de ministère dans le contexte tendu de la république anticléricale mais dont rien, semble-t-il, ne laissait alors prévoir le destin exceptionnel, et d’y saisir les prémices, au contact des hommes de tous milieux et religions, d’une pensée et d’une action caractérisée par l’attention aux hommes, l’ouverture d’esprit, le courage.
3Ces documents ont également une portée plus générale dans la mesure où ils donnent des éléments de typologie de l’aumônier militaire pendant la Grande Guerre. Déjà l’abbé Liénart lui-même avait publié en 1921 le portrait de son ami l’abbé Philippe Thibaut, aumônier titulaire au contact duquel il disait avoir appris la manière d’exercer ce ministère. D’autres témoignages concordants, journaux publiés ou non, correspondance, témoignages de soldats permettent de donner à ce texte une dimension qui dépasse son auteur : l’étude faite par Xavier Boniface dans son ouvrage sur l’aumônerie militaire française (1914-1962)1 en témoigne.
Eléments de biographie
4Achille Liénart, né le 7 février 1884, dans une famille de la bourgeoisie lilloise était entré à l’âge de 17 ans, au séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Il fit son service militaire en 1903-1904 au 43e RI, devançant l’appel pour profiter de la coupure entre ses études de philosophie à Issy-les-Moulineaux et les études de théologie qu’il devait poursuivre au séminaire Saint-Sulpice à Paris. Le service militaire durait alors 3 ans, mais les séminaristes, comme les autres étudiants bénéficiaient d’une dispense qui réduisait à un an leur service actif. La loi militaire de 1889 qui avait mis « les curés sac au dos » ne leur permettait pas, d’autre part, de suivre le peloton d’élèves officiers, ni même celui d’élèves caporaux, aussi est-ce comme simple soldat qu’Achille Liénart fit son service « résolu à profiter de cette période pour [se] viriliser physiquement et moralement en acceptant la vie militaire telle qu’elle était avec ses exercices quotidiens et même ses corvées, sa discipline et sa promiscuité. C’était rude à certains moments, écrit-il dans ses souvenirs2, mais ce fut […] très formateur ». Il évoque ses camarades d’escouade, avec lesquels il discutait non pas de religion sans doute, mais d’un certain regard sur l’Église et rapporte la réflexion de son caporal, « si loin de sa pensée » qu’il en fut, écrit-il, « suffoqué » : « Tu es séminariste, tu as choisi un bon métier, à quarante ans tu seras millionnaire ! ». Rencontres et activités variées enrichirent cette période qui lui parut assez courte. Certes au printemps 1904, à la fin de ses classes, il abordait avec appréhension une période d’entraînement massif. Il s’agissait d’aller à pied par la route jusqu’au camp de Sissonne, dans l’Aisne, avec sac au dos, cartouchières pleines, fusil, musette et bidon. Le sac était si lourd qu’il avait du mal à se tenir droit sur ses jambes. Mais il supporta cette épreuve d’endurance à laquelle, certes, ni son passé familial, ni son passé scolaire ne l’avaient habitué. En route il logeait chez l’habitant et prenait plaisir au contact avec ses hôtes. On le verra assez à l’aise, lorsque quelque 10 ans plus tard, en bonne condition physique il renouait avec ce type d’exercice, en supportait l’effort comme en appréciait les contacts qu’il provoquait.
5Le service terminé il poursuivit ses études de théologie à Saint-Sulpice, dans le contexte difficile du vote de la Loi de Séparation (1905). Toute sa formation a bénéficié de l’ouverture intellectuelle, politique, sociale qui avait caractérisé le pontificat de Léon XIII, auteur en particulier de la première grande encyclique sociale Rerum novarum (1891). Dans la mouvance du catholicisme social, il prit également une part active à l’ACJF (Association catholique de la jeunesse française). Après son ordination (1907), il poursuivit ses études en Sorbonne au lieu d’entrer tout de suite dans le ministère. En fait, il s’agissait pour lui d’échapper à une année de service militaire supplémentaire. La dispense qui permettait aux séminaristes de ne faire qu’un an de service comportait comme condition d’occuper à 25 ans un poste rétribué par l’État. Or depuis la loi de 1905 il n’y avait plus pour eux de postes rétribués par l’État. Il fallait donc regagner la caserne pour effectuer le complément de service. D’autre part la loi de mars 1905 avait ramené le service militaire de 3 à 2 ans pour tout le monde. Les séminaristes âgés de moins de 26 ans en 1905 et n’ayant accompli qu’un an furent rappelés sous les drapeaux. C’était le cas d’Achille Liénart qui parvint toutefois à y échapper d’abord en s’inscrivant pour une année d’études supplémentaire – c’est ainsi qu’il prépara une licence de philosophie – puis en obtenant une réforme en 1907.
6Il prit encore deux années supplémentaires pour préparer un doctorat en théologie et une licence biblique à l’Institut catholique de Paris puis à Rome, avant d’être nommé professeur d’Écriture sainte au Séminaire diocésain de Cambrai (1910), tandis que se jouait la création du diocèse de Lille (1913). Il était en vacances après sa quatrième année d’enseignement au séminaire quand éclata la guerre. Tous les séminaristes et le jeune clergé en âge d’être mobilisés allaient devoir partir. L’abbé Liénart, n’était plus mobilisable mais il ne concevait pas de laisser partir ses confrères et les séminaristes sans partager leur sort. Ce n’était certes pas la vie militaire qui l’attirait. Sans doute partageait-il alors les sentiments nationalistes d’une grande partie de la population, mais son engagement exprimait surtout son souci pastoral, marqué déjà par la volonté d’être présent aux hommes de son temps et de partager leur existence à un moment de leur vie dont il ne prévoyait alors ni la durée ni l’horreur.
L’aumônerie militaire
7L’aumônerie militaire avait depuis la loi de 1880 un nouveau fondement juridique, établi, souligne Xavier Boniface, sur une laïcité soucieuse de neutralité confessionnelle mais aussi sur la volonté de donner à chacun la possibilité de pratiquer le culte de son choix. Sans doute y avait-il des différences entre l’aumônerie du temps de paix et celle du temps de mobilisation que l’on s’efforça de préciser dans les années qui précédèrent le conflit.
8La loi de 1889 avait déjà mis en cause le principe traditionnel interdisant aux clercs de porter les armes mais avait maintenu une affectation dans les services de santé plus conforme à leur vocation. Avec la loi de mars 1905, les prêtres n’étaient plus affectés systématiquement dans ces services et pouvaient se retrouver à porter les armes en dépit de leur spécificité sacerdotale.
9En ce qui concerne l’aumônerie, la loi de Séparation de 1905 dans son A. 2 ne prévoyait que la possibilité et non l’obligation de « dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ». Il s’agissait simplement de faire respecter le principe de la liberté religieuse dans un milieu clos dont on ne pouvait sortir librement pour accomplir ses obligations religieuses. Non exclus de cette liste non exhaustive les établissements militaires n’étaient pourtant pas cités. On s’inquiéta cependant, dans la perspective de la guerre, des secours qui pouvaient être apportés par la religion en cas de danger et donc de l’aumônerie des armées en campagne. Le ministre renvoya à la loi de 1880. En 1910 un décret réorganisa le service de santé des armées en distinguant les ambulances et hôpitaux de l’arrière et les groupes de brancardiers et postes de secours déployés à l’avant : il ne prévoyait d’affecter des ministres des différents cultes qu’à ces derniers. Enfin le décret du 5 mai 1913 attachait à chaque groupe de brancardiers de corps d’armée deux aumôniers catholiques, un protestant et un israélite, chaque groupe de brancardiers de division recevant en outre un ministre catholique. Ce taux d’encadrement restait dérisoire : le gouvernement voulait bien permettre aux soldats de pratiquer leur religion – et le taux de pratique masculine était alors relativement faible – mais il ne cherchait pas à organiser un apostolat. Conformément au rôle traditionnel de la religion, il s’agissait d’apporter le réconfort aux blessés dans les unités de soin. Comme on n’envisageait alors qu’une guerre courte avec peu de morts et blessés, quatre aumôniers pour les quelque 40 000 hommes que comptait un corps d’armée devraient suffire. Les aumôniers titulaires étaient nommés par le ministre de la guerre sur présentation de leur évêque. Ils devaient être normalement dégagés des obligations militaires ou appartenir à un service auxiliaire. Ils avaient sans en avoir le grade, les mêmes prérogatives qu’un capitaine de 1re classe, « en deniers et en nature ». Ils ne pouvaient normalement avoir plus de 60 ans et devaient être suffisamment valides pour faire campagne. Ceci aurait dû amener quelque 200 aumôniers catholiques titulaires dans les groupes de brancardiers. En fait ils n’étaient que 63 au début d’août 1914, 84 à la fin du mois, une centaine à l’automne3.
10Le ratio théorique étant déjà faible, on comprend que la situation parût inacceptable tandis que l’on avait besoin des prêtres non seulement dans les ambulances mais aussi auprès des combattants, souvent trop éloignés des ambulances où se tenaient les aumôniers et qui d’ailleurs n’obtenaient pas toujours du médecin-chef dont ils dépendaient la permission de se déplacer vers les zones de combat. Face à ces carences des réponses s’improvisèrent.
11Comme l’abbé Liénart, parti dès la déclaration de guerre dans des conditions totalement non réglementaires, de nombreux prêtres, avaient alors décidé de suivre des régiments ou des ambulances en partance. Ils n’avaient ni autorisation légale, ni solde. On se débrouillerait… C’est dans ce contexte que d’aucuns s’inquiétèrent d’obtenir du gouvernement la nomination de prêtres supplémentaires. Le député conservateur, Albert de Mun, fit valoir auprès du président du conseil Viviani le réconfort moral que pourrait apporter au soldat la nomination d’aumôniers auxiliaires auprès des titulaires et proposa pour lever les obstacles financiers que ceux-ci partent sans solde. C’est ainsi qu’une circulaire du 22 août autorisa la nomination « d’aumôniers volontaires » auprès des groupes de brancardiers. Une souscription fut lancée pour récolter des fonds. Le 12 novembre 1914 une indemnité journalière de 10 francs leur fut accordée. C’est ce statut qu’obtint Achille Liénart le 11 janvier 1915. Au fil du récit on le voit alors partager le ministère avec d’autres aumôniers, volontaires comme lui, titulaires comme l’abbé Thibaut, mais aussi très souvent avec des bénévoles, prêtres-soldats, dont la situation non réglementaire variait selon les unités. Environ la moitié d’entre eux (quelque 10 000 sur les 20 000 mobilisés) étaient affectés dans les services de santé comme brancardiers ou infirmiers conformément à la loi de 1889, les plus jeunes étant affectés dans les unités combattantes conformément à la loi de 1905. Certains à l’instar des aumôniers étaient autorisés à porter la soutane et pouvaient exercer leur ministère de prêtre à temps plein. D’autres cumulaient le plus souvent celui-ci avec la mission de soldat qui restait prioritaire et dans ce cas portaient l’uniforme. Leur répartition dans les bataillons (quelque 800 hommes, la taille d’une paroisse rurale) restait inégale. C’est sans l’agrément de leurs chefs que certains participaient à l’assistance spirituelle des combattants, au gré des circonstances et des fêtes religieuses. Ces prêtres bénévoles n’avaient que leur solde de soldat ce qui n’était pas sans poser des problèmes lorsqu’il s’agissait de subvenir aux dépenses du culte, ou à celles de déplacements liées à leur ministère.
Achille Liénart pendant la Première Guerre mondiale
12Achille Liénart fut d’abord aumônier bénévole à l’ambulance 3/51. La 51e division de réserve participa, au mois d’août 1914 à la bataille et à la retraite de Belgique, aux combats d’arrêt de Guise et Vervins à la fin août puis, en renfort, aux trois derniers jours de la bataille de la Marne. Arrivée aux portes de Reims le 15 septembre elle y resta plusieurs semaines : période d’inaction pour l’ambulance pendant laquelle l’aumônier assura son ministère dans le cantonnement mais aussi comme curé du village. L’ambulance fut ensuite envoyée pour installer un hôpital de campagne à Rilly-la-Montagne, au sud de Reims, où A. Liénart passa tout l’hiver 1914-1915. C’est pendant cette période qu’il découvrit la vie des hommes dans les tranchées. Devenu aumônier volontaire agréé il fut nommé le 23 mars 1915 au groupe de brancardiers d’une division supplémentaire et provisoire du 3e corps d’armée, cantonné au nord-ouest de Reims, dans un secteur alors relativement tranquille, et confiné dans un ministère qui rendait difficile le contact avec les soldats. C’est alors qu’il apprit qu’un régiment originaire du Nord, le 201e RI, qui venait d’arriver dans la division provisoire était sans prêtre. Il demanda à y être affecté et obtint satisfaction. « Rien ne pouvait m’arriver de plus heureux », écrit-il. À partir du 10 juin 1915 il partagea les risques, les souffrances et les gloires de cette unité combattante, régiment de réserve du 1er RI, le régiment de Cambrai.
13Celui-ci avait déjà participé aux opérations militaires de Belgique, fait son apprentissage de la guerre des tranchées dans la région de Berry-au-Bac, puis pris part dans des conditions dramatiques à une opération contre les positions allemandes du moulin de Souain au SE de Reims. En juin 1915 le régiment remplaça le 84e RI appelé à Salonique et forma brigade avec son régiment d’active le 1er RI. Constitué au départ de 2 bataillons, les 5e et 6e (le 1er RI avait les 1er, 2e et 3e bataillons) il se vit augmenter d’un 3e, (le 4e bataillon) composé de jeunes recrues de la classe 1914 venues de la région de Roanne. Celui-ci n’ayant pas de prêtre soldat, l’abbé Liénart s’y attacha particulièrement.
14Ils passèrent alors plusieurs mois, jusqu’en février 1916, avec une alternance de périodes de combat et de repos, dans le secteur de Sapigneul, avant d’être envoyés à Verdun où le 201e arriva le 26 février 1916 et participa aux combats jusqu’au 7 avril. S’en suivit une période de repos relatif dans le secteur du plateau de Paissy (Aisne) au cours de laquelle A. Liénart fut blessé une première fois à la jambe. Le 24 juillet un nouveau mouvement amenait le régiment dans la région d’Amiens. Il allait bientôt participer à la bataille de la Somme. A. Liénart fut blessé une seconde fois (au cou) le 23 août, lors d’un bombardement du côté de Maurepas. Cette bataille de la Somme coûta très cher au régiment qui quitta cette zone de combat le 30 septembre, avec l’espoir d’être envoyé dans le Nord et de s’y reposer. Mais il fut très vite renvoyé au front dans le secteur de Champagne : hiver morne et froid avec des périodes relativement calmes mais aussi des bombardements intenses qui firent encore de nombreux morts et blessés. Au printemps 1917, le régiment participait à l’assaut du Chemin des Dames. Les carnets de sépultures de l’abbé Liénart comportent de longues listes de morts et disparus en ces journées tragiques des 16 et 17 avril 1917. Sans doute le découragement atteignit-il ces hommes. Mais Achille Liénart note qu’en ce moment où le découragement était si profond et où certains régiments connurent des mouvements de révolte, le 201e, pourtant très éprouvé, retrouvait après quelques jours de repos (en particulier au camp de Mailly), force et courage.
15Le 26 juin 1917 il prenait la direction du Nord avec le secret espoir d’être envoyé reprendre Lille. C’est à la bataille des Flandres qu’il participa, le long du canal de l’Yser, entre le 30 juillet et le 6 août. Au lendemain de cette nouvelle bataille meurtrière pour le régiment, et après avoir reçu plusieurs citations et décorations, l’abbé Liénart se voyait remettre la croix de la Légion d’honneur par le général Pétain sur terrain d’aviation de Cappelle-la-Grande au nord de Bergues. Les combats cependant se poursuivaient auxquels participa le 201e avant d’être envoyé début décembre dans un autre secteur : séjours de repos relatifs dans la Somme et l’Oise entrecoupés de longues marches dans le froid, avant de gagner l’Aisne à partir du 18 janvier 1918. Le régiment était à nouveau mis en alerte en mars et participait à la bataille de Noyon et aux combats du secteur d’Ourscamp. Un bombardement à l’ypérite le 30 avril occasionna d’importantes pertes.
16Mis en réserve à Plessis-Brion dans l’Oise, le régiment jouit de quelques jours de repos tandis que l’abbé Liénart en profitait pour prendre une permission en famille. Mais de nouvelles heures tragiques se profilaient et au lendemain de la bataille de l’Aisne le régiment était anéanti (28 mai-2 juin). Toutefois l’attaque allemande, partie le 27 mai du Chemin des Dames, se brisait contre la résistance des alliés qui s’étaient donné, en avril, un commandement unique en la personne de Foch. Après plusieurs allées et venues le régiment était ramené dans la région de Villers-Cotterêts et participait à la contre-offensive, lancée le 18 juillet contre les armées allemandes, qui allait les contraindre à l’armistice. Sans doute y eut-il encore pour le 201e, utilisé pour une opération de diversion, des heures douloureuses, mais les nouvelles du front étaient bonnes et le repos du 26 juillet au 10 août bien gagné. La bataille finale allait se dérouler sans lui tandis qu’il embarquait le 28 août pour une « destination inconnue », en fait l’Alsace. Et alors que quelques semaines plus tard le régiment se remettait en route se préparant à une nouvelle offensive, parvenait la nouvelle de l’armistice. Entre temps l’abbé Liénart au cours d’une longue permission avait pu, non sans émotion, se rendre à Lille, enfin libérée le 17 octobre d’une occupation particulièrement douloureuse qui avait isolé la ville pendant 4 ans.
17Enfin c’est en triomphateur qu’en novembre 1918, le 201e pénétrait en Lorraine où il traversa des villes et villages pavoisés puis franchissait le Rhin le 13 décembre 1918 pour monter la garde dans la tête de pont de Mayence. La joie de la victoire et de la fin de la guerre fut mêlée de nostalgie lorsque le 201e apprit sa dislocation. Le 12 mars 1919 l’abbé Liénart était démobilisé et cessait ses fonctions d’aumônier militaire.
18Sans doute, dans son expression brute, le journal quotidien, publié sous forme de CD, rend-t-il mieux compte que le récit de la tâche quotidienne de l’aumônier et ne laisse-t-il pas de nous étonner avec sa succession de messes, saluts et autres offices religieux, la mission principale de l’aumônier étant leur organisation et leur célébration dans les conditions les plus diverses et parfois les plus difficiles ; de nous étonner aussi dans l’évocation des conditions de vie, logement, repas, déplacements qui mêle la banalité de certaines journées aux récits les plus dramatiques, le tout dans un style assez uniforme qui ouvre presque toutes les journées par l’heure du lever et de la messe et les conclut par cette formule : « salut, soupe, coucher, bonne nuit ». Au fil des jours se dessine la vie de l’aumônier dont le récit synthétique, que nous publions ici, ne laisse que deviner la trame. On peut toutefois y saisir la densité des heures tragiques vécues dans les tranchées et lors des grandes opérations militaires et la très grande proximité d’Achille Liénart avec ces hommes dont il avait la charge pastorale. Le récit, comme le journal d’ailleurs, reste très pudique quant aux rencontres personnelles, échanges, conversations, confessions bien sûr, mais aussi quant aux difficultés relationnelles qui ne pouvaient pas ne pas émailler la vie de ces hommes obligés à la promiscuité dans les conditions les plus difficiles, confrontés à la souffrance et à la mort. Le 201e RI est sans doute ici quelque peu idéalisé. Mais les liens, qui se sont alors créés et ont été maintenus jusqu’à ce la mort les sépare entre les anciens de ce régiment, témoignent de la profondeur de ce qu’ils ont vécu. Peu de sentiments de révolte contre la guerre elle-même sont exprimés par un homme dont le patriotisme ne peut être mis en doute et qui seulement s’interroge face à la fatigue des hommes et à la mort qui fauche tant de ces hommes jeunes dont il admire la force et le courage. Peu de critiques affleurent dans les propos de l’abbé Liénart si ce n’est pour regretter parfois des décisions politiques ou hiérarchiques. Il n’est apparemment pas ou peu lui-même l’objet de manifestations anticléricales. Il était en général aimé et admiré : s’il n’évoque lui-même que les manifestations de sympathie à son endroit venant tant de la hiérarchie que de « ses hommes », lorsqu’il est blessé ou qu’il est l’objet d’une reconnaissance officielle, les nombreux témoignages des anciens du 201e aux lendemains de la guerre et particulièrement au moment de sa nomination épiscopale, en témoignent. Son profil d’Ancien combattant, à l’instar de ses collègues nommés par Pie XI au lendemain de la guerre et de la condamnation de L’Action française (1926) n’a sans doute pas été étranger à celle-ci4.
Une expérience indélébile
19« Vision d’horreur » mais aussi « vision sublime de Verdun » disait le cardinal Liénart le 7 août 1932 à l’inauguration de l’ossuaire de Douaumont… « Vision sublime », précisait-il, en raison de la victoire de l’homme, de son courage, de son cœur qui permettait à la France d’être fière de sa victoire. Ce discours fut mal reçu dans certains milieux pacifistes mais il exprimait à travers le paradoxe de l’horreur et du sublime, la victoire de la vie sur toutes les forces de mort, la foi en la vie qui transcende tous les sacrifices. On peut y voir l’un des ressorts essentiels de son action future.
20Nous n’évoquerons ici que sommairement la vie et l’œuvre épiscopale de celui qui, démobilisé en 1919, redevint professeur au séminaire désormais installé à Lille avant d’être nommé pour deux ans seulement curé-doyen de Saint-Christophe à Tourcoing (1926), puis évêque de Lille en octobre 1928 – ministère qu’il allait exercer pendant 40 ans – sauf pour souligner combien elle porta entre autres les marques de cette période. Nous retiendrons trois aspects principaux : la dimension affective de cette expérience de la guerre qui caractérise la mentalité de l’Ancien combattant et qui fut très marquée chez Achille Liénart ; le souci de la paix entre les hommes, à tous les niveaux, souci né à la fois de l’horreur de la guerre et du contact direct, fraternel avec des hommes qui donnera vie à une formation sociale restée très théorique jusque-là ; la découverte de l’œcuménisme et de l’interreligieux qui se traduira dans diverses initiatives jusqu’au concile Vatican II.
21Il y avait une forte dimension affective dans les liens tissés sur les champs de bataille et que les rencontres avec les anciens du 201e, présents encore lors des funérailles du cardinal en février 1973, entretinrent tout au long de sa vie. Il était toujours heureux de les saluer lorsqu’il les rencontrait aux détours de ses visites pastorales ou lorsqu’il accompagnait leur vie familiale (mariages, naissances, baptêmes parfois, funérailles, etc.). Ce lien, qui sans doute ne fut pas direct sauf pour la Légion d’honneur, fut transféré sur la personne du maréchal Pétain auquel les anciens combattants vouèrent un attachement particulier compte tenu de son action pendant la guerre, particulièrement en 1917. Resté le seul en vie parmi les ancien chefs militaires de la guerre de 1914-1918 celui-ci accumula sur sa personne toute cette gloire, ce qui contribua à la confiance que lui firent les Anciens combattants et beaucoup d’autres en 1940. Au moment de l’invasion de 1940 le premier souci du cardinal Liénart fut de « Rester à son poste », en écho, disait-il, à l’attitude du maréchal qui lui aussi était « resté à son poste » et de poursuivre son action pastorale dans les conditions difficiles de l’occupation en Zone interdite. Les thèmes principaux de la Révolution nationale lui laissaient espérer en l’œuvre de régénération que l’Église appelait de ses vœux, même si ce ne fut pas sans réticence vis-à-vis de certains aspects de la politique de Vichy, comme la Charte du Travail ou la création d’une Jeunesse unique, ou encore la collaboration (on se souvient de ses paroles libératrices pour nombre de jeunes refusant le STO en 1943). Même si la question est plus complexe, les souvenirs de 1914-1918 ne furent pas étrangers à ce soutien sans faille que le cardinal Liénart apporta au maréchal Pétain jusqu’à son procès en 1945.
22Son action pastorale qui encouragea l’Action catholique spécialisée et l’action sociale chrétienne porte aussi la marque de l’expérience de la guerre. En effet l’une des préoccupations majeures de l’abbé Liénart puis de l’évêque de Lille était le souhait de voir advenir la paix, à tous les niveaux, familial, social, national et international, et nombre de ses interventions, discours, homélies, conférences allèrent en ce sens. Si sa formation l’avait déjà ouvert à ces questions, il disait lui-même que c’était la guerre qui, par la découverte des hommes de tous milieux, races et religions, avait été le creuset où se sont forgées sa pensée et son action. Rappelons en particulier le discours sur « le devoir d’universelle collaboration » prononcé, par celui que l’on appelait « le cardinal des ouvriers », à l’occasion de la Semaine sociale de 1932 à Lille, mais aussi en 1936 une mise en garde prophétique contre le communisme. On lui reconnaît tout au long de son épiscopat un art de dépassionner les conflits. Il se voulait à tout moment l’artisan de la réconciliation entre les hommes et ne cessa d’y appeler les chrétiens. Il avait une capacité à écouter chacun et donner à chaque pensée sa valeur dans le respect des personnes, qui l’amena à jouer un rôle au cœur des conflits sociaux qui s’étaient développés dans le Nord dans les années 1920 et lui valut sans doute son accession à l’épiscopat et 2 ans plus tard le cardinalat. Si dans la nouvelle tourmente des années 1940-45, nous l’avons vu, l’évêque, eut quelques difficultés à résoudre les problèmes nouveaux surgis de la confrontation entre le nazisme et le marxisme et d’une barbarie sans commune mesure avec tout ce que l’esprit humain pouvait même imaginer, la Libération, sans l’exonérer totalement, lui laissa suffisamment de crédit pour qu’il puisse à nouveau travailler à la reconstruction comme à la réconciliation. Dans un contexte nouveau marqué par la guerre froide et le poids de l’idéologie marxiste l’homme resta fidèle à lui-même et aux grandes orientations définies dès avant la guerre, qui lui firent en particulier soutenir l’action sociale comme l’action catholique spécialisée.
23Ajoutons enfin, dans cette perspective et sans prétention à l’exhaustivité son ouverture à l’œcuménisme et au dialogue interreligieux, la guerre lui ayant donné l’occasion de rencontrer en profondeur et d’apprécier des soldats, officiers ou aumôniers d’autres confessions, protestants et juifs en particulier. On connaît son action en ces domaines, son encouragement au mouvement œcuménique naissant, dès les années 1930, son soutien aux Amitiés judéo-chrétiennes, après la Seconde Guerre mondiale, mais aussi son souci d’établir des relations avec l’islam dans le contexte difficile de la guerre d’Algérie… tout cela jusqu’au concile Vatican II où il contribua activement aux textes portant sur l’œcuménisme ou les relations avec les religions non chrétiennes. Sans doute pourrions-nous évoquer encore bien des aspects d’un épiscopat qui a duré 40 ans (1928-1968), et sans tout ramener à l’expérience de la guerre, repérer comment celle-ci a façonné sa personnalité et influencé d’autres dimensions de son action. On se souviendra seulement en terminant que ses carnets dressent le portrait d’un homme de foi, qui toujours remettait sa vie entre les mains de la Providence, et d’un pasteur, égal à lui-même, sur les champs de batailles ou à la tête de son diocèse, fonçant au mépris du danger ou des obstacles, soucieux avant tout d’apporter aux hommes de son temps la bonne nouvelle du salut en Jésus-Christ, les invitant à découvrir la Parole de Dieu, à la méditer, à recevoir les sacrements et particulièrement l’eucharistie qu’il a célébré presque tous les jours pendant la guerre.
Avertissement de l’éditeur
24C’est dans la forme qu’Achille Liénart avait lui-même choisie que ce récit est aujourd’hui édité. Nous en avons respecté le style. Il n’y a ni fautes d’orthographe, ni de syntaxe, si l’on excepte quelques allers-retours entre le passé et le présent, ce dernier étant utilisé le plus souvent dans les récits les plus mouvementés. En revanche quelques noms propres de personnes et surtout de lieux ont été mal orthographiés. Après vérification sur les cartes de l’époque et sur les cartes IGN récentes, qui indiquent quelques évolutions dans la toponymie, nous avons généralement adopté l’écriture actuelle afin de mieux identifier et repérer ces lieux.
25Les noms de personnes, sont la plupart du temps correctement orthographiés malgré parfois quelques variantes. Nous rectifions lorsque la personne est clairement identifiée. En notes, quelques éléments biographiques lorsque ceux-ci ont pu être retrouvés. C’est en général le cas pour les officiers, les aumôniers ou prêtres-soldats ou encore ceux qui sont « morts pour la France ». Il reste quelques inconnus…
26Nous avons choisi d’uniformiser l’écriture selon les conventions actuelles : majuscules, abréviations, ponctuation… A. Liénart utilisait beaucoup de majuscules et pas toujours de façon uniforme. Ainsi, on trouve Messe ou messe, Commandant ou commandant… Nous avons également supprimé les abréviations souvent utilisées comme Ct pour commandant, lt pour lieutenant ou en encore Cie, compagnie, Bon, bataillon, etc., afin de rendre le texte plus lisible. La liste des sigles ne reprend que les plus couramment utilisés et qui ont été conservés.
27Les documents sont présentés au fil des chapitres tels qu’Achille Liénart les avait lui-même mis en œuvre dans son récit manuscrit. Parmi ceux-ci on peut remarquer tout particulièrement, à côté des extraits de cartes IGN annotées, les cartes dessinées à la main avec une minutie et une précision déjà soulignée dans un article de Roger Desreumaux, « Mémorialiste et cartographe, le cardinal Liénart »5. Ces documents nous sont particulièrement précieux pour comprendre le déroulement des combats auxquels a participé le 201e comme pour le suivre dans ses nombreux déplacements entre le front et l’arrière ou d’un secteur de combat à un autre, qu’il s’agisse des cartes d’état-major de l’époque où sont soulignés en rouge les lieux de bataille ou de cantonnement, ou des cartes redessinées par Achille Liénart lui-même. Il en est de même pour la carte générale des déplacements sur laquelle, après la guerre, il a synthétisé les différents itinéraires parcourus tant avec l’ambulance 3/51 qu’avec le 201e RI. Chaque chapitre comporte également l’extrait correspondant. Il s’agit dans tous les cas de la reproduction des documents originaux.
28La mise en page a cependant été modifiée afin de faire davantage correspondre les documents avec le texte et équilibrer le rapport texte/images. Une page du cahier a été reproduite en fac-similé au début de chaque chapitre. Les photos, dans l’original étant souvent regroupées sur une seule page, il nous a semblé intéressant de les insérer en lien avec le sujet évoqué. En raison des contraintes de l’édition et pour une meilleure lisibilité leur couleur et leur taille ont été uniformisées. Dans le document original chaque document et photo a une légende manuscrite. Certaines ont été conservées, d’autres retranscrites et parfois complétées par une note de l’éditeur. Les cartes sont toutes issues du récit. Leur format a souvent dû être réduit en fonction des possibilités de mise en page, sans que puisse être indiquée la nouvelle échelle. On trouvera également en fac-similé les « éphémérides », tableau synthétique réalisé par Achille Liénart sur les événements des différents fronts tout au long de la guerre. Quelques éléments ont également été ajoutés qui avaient été rassemblés par le cardinal et remis aux Archives diocésaines de Lille : photos, diplômes se rapportant aux citations et décorations, dessins et extraits de ce qu’il a appelé les « carnets de sépultures » : deux carnets précieusement conservés sur lesquels il notait au fur et à mesure les noms des soldats dont il avait procédé à l’inhumation, avec des schémas de sa main, parfois très minutieux et détaillés, en vue de retrouver par la suite ces tombes réalisées directement sur le champ de bataille. Ils comportent aussi de longues listes de disparus.
29Ces notes visent d’une part à identifier les personnages cités, lorsque c’est possible et avec parfois quelques éléments biographiques complémentaires. Nous nous sommes efforcé de donner quelques précisions sur les grands moments de la guerre, le déroulement des batailles, auxquels l’abbé Liénart a pris part avec son régiment. Des notes explicatives visent également à faciliter la lecture à tous ceux qui connaissent peu les arcanes de la vie militaire ou de la vie religieuse.
Note concernant le CD
30Celui-ci est la retranscription intégrale du journal quotidien que l’aumônier Liénart a écrit presque chaque jour du 2 août 1914 au 12 mars 1919. L’écriture en est tout-à-fait lisible. Seuls quelques mots n’ont pu être déchiffrés, ainsi que quelques noms propres, compte tenu en particulier de la confusion dans l’écriture entre « u », « n » et « m ». Si les personnes n’ont pu être identifiées nous avons signalé le doute quant à leur patronyme.
31Quelques indices laissent à penser que ce journal a été recopié à partir de carnets qui n’ont pas été conservés. L’abbé Liénart évoque lui-même l’aide de sa mère : quelques pages sont de son écriture. D’autre relèvent également d’une troisième écriture qui n’est pas celle du cardinal ni de sa mère. Une seconde version manuscrite existe sous forme de 6 carnets également à plusieurs écritures que le cardinal Liénart avait lui-même donnés à sa filleule Marie-Louise Roland-Wintrebert fille aînée de sa sœur Anna, et aujourd’hui en possession de son fils.
32D’autres éléments confirment cette recopie : l’écriture assez régulière, ainsi que l’encre présentent des variations qui indiquent que plusieurs jours ont été consignés en même temps. Certaines pages comportent des ratures sous lesquelles on peut lire un texte reproduit à l’identique quelques jours plus tard. A. Liénart ne peut évidemment pas avoir anticipé sur les faits et ces ratures expriment des doutes et erreurs éventuelles quant aux dates. Que plusieurs jours soient écrits en même temps semble également normal, certaines journées laissant peu de possibilités pour l’écriture même d’une note brève. Il y a aussi quelques notes correctives ou complémentaires, impossibles à dater.
33Comme pour le récit, il nous a semblé sans intérêt particulier de conserver la forme (orthographe, abréviations, majuscules et ponctuation). Les fautes d’orthographes sont rares et insignifiantes, nous les avons corrigées, excepté le mot « pause » toujours écrit « pose », signifiant, arrêt, halte, repos. L’utilisation des majuscules est fréquente mais irrégulière, nous avons uniformisé selon les critères actuels. Pour rendre la lecture plus aisée, nous avons ajouté une ponctuation, souvent absente et nous avons également supprimé les abréviations, sauf quelques exceptions comme la désignation « P. Zimm » du père Zimmerman, qui peut signifier qu’il était ainsi désigné.
34Il y a peu de notes techniques, celles-ci ayant été données avec le récit et dans cette introduction. Le journal quotidien a été découpé selon les 13 chapitres du récit qui a été lui-même rédigé selon l’ordre chronologique strict du journal. Cela permet de s’y référer plus facilement et d’y retrouver les documents iconographiques correspondants auxquels il n’est pas fait de renvoi spécifique.
35Le journal quotidien a été complété avec les noms donnés dans les carnets de sépultures qui permettent d’honorer la mémoire des morts du 201e. Certains sont cités nommément dans le journal, d’autres non, en particulier ceux des journées qui ont plusieurs dizaines voire centaines de morts. Nous avons donné leur nom en note ainsi que leur date et lieu de naissance lorsqu’ils ont été retrouvés. Par contre nous n’avons pas repris les lieux de sépultures consignés soigneusement, schémas à l’appui par l’aumônier, ceux-ci n’ayant plus de signification pour aujourd’hui.
36Nous nous sommes efforcé d’identifier chaque fois qu’il était possible les noms cités… énorme défi auquel nous n’avons pu répondre que partiellement, en fonction des sources à notre disposition, et des éléments donnés par A. Liénart lui-même, qui souvent n’indique pas le prénom. Sauf pour les personnages les plus connus il ne nous a pas été possible d’identifier la plupart des officiers cités et bien sûr les soldats dont les noms émaillent le journal. Beaucoup d’ecclésiastiques ont pu l’être, originaires des diocèses de Cambrai et Lille, quelques-uns des anciens professeurs et collègues de l’abbé Liénart lors de ses études à Paris, quelques aumôniers titulaires. Plus difficile a été l’identification des séminaristes souvent appelés « l’abbé » s’ils ont déjà reçu les ordres mineurs, ou d’une façon générale appelés simplement M. X à l’instar des prêtres, aumôniers titulaires, volontaires ou prêtres soldats. L’appellation « P. » concerne en général les religieux.
37Paradoxalement ce sont ceux qui ont survécu à ces quatre années tragiques qui ont été le plus difficiles à retrouver, les morts étant répertoriés sur le site Internet « Morts pour la France ». Toutefois en l’absence de prénom et avec des patronymes communs, il nous aurait fallu consulter un nombre trop grand de fiches, sans garantie de résultat. Par exemple il y a dans le journal deux morts « Masson » sans prénom… Il y a 1207 fiches à ce nom ! Il y a aussi quelquefois avec les mêmes nom et prénom plusieurs dizaines de fiches. Quelques identifications retenues restent aléatoires… nous avons pu également faire des erreurs. Merci au lecteur d’apporter le cas échéant toutes les précisions ou corrections qu’il jugerait utiles.
38Nous voulons enfin remercier tous ceux qui ont rendu possible cette édition et tout particulièrement : Frédéric Vienne archiviste diocésain de Lille qui nous a facilité la consultation et la saisie des documents, Marie-Jo Briet et Nathalie Prouvost qui ont contribué à cette saisie, Thomas Masson qui a numérisé avec soin les documents iconographiques, Xavier Boniface qui a accepté de relire les notes.
39L’ouvrage est publié avec le concours de l’Université catholique de Lille.
Notes de bas de page
1 Xavier Boniface, L’aumônerie militaire française, 1914-1962, Éditions du Cerf, 2001.
2 « Souvenirs », écrit par le cardinal Liénart à une date non connue, publiés en annexe dans Le cardinal Liénart, évêque de Lille, par Catherine Masson, éditions du Cerf, Paris, 2001.
3 Xavier Boniface, op. cit., p. 66.
4 Cf. Frédéric Le Moigne, Les évêques français de Verdun à Vatican II. Une génération en mal d’héroïsme. Presses universitaires de Rennes, 2005.
5 Ensemble, no 1, mars 1981, p. 26-32.
Auteur
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