Une historicitation (quasi)radicale : sens des études classiques et approche méthodologique chez Diego Lanza
p. 201-224
Texte intégral
Trois champs d’investigation
1Le nom de Diego Lanza apparaît pour la première fois dans l’Année Philologique, dans le volume relatif aux études publiées en 1961 ; le titre de ce tout premier travail est Unité et signification de l’Oreste d’Euripide1; puis de nouveau, deux volumes plus tard, deux études apparaissent : l’une sur Euripide, l’autre sur Anaxagore2. Ce sont les domaines de recherche — la pensée philosophique et le théâtre — qui occuperont le chercheur dans ses travaux suivants : d’une part, Anaxagore μάλα φιλόσοφος3, une étude conséquente sur La Pensée d’Anaxagore4, et le premier travail prépondérant d’introduction, de traduction et de commentaire des témoignages et des fragments de ce même philosophe5 (le travail sur le versant philosophique se poursuivra par la suite, élargissant les centres d’intérêts à Platon et Aristote)6 ; d’autre part, les très nombreux essais sur le théâtre.
2J’ai dit ici « d’une part » et « d’autre part » : en fait, ces deux lignes directrices se rencontrent immédiatement dans l’étude des rapports entre certaines notions conflictuelles qui se retrouvent aussi bien chez Platon que chez Euripide7 ; mais une relation plus profonde subsiste, entre ceux-ci, en vertu de l’orientation qui, dans les recherches suivantes, définit de plus en plus clairement ses objectifs d’investigation comme configurations d’étude non seulement historiques mais plus amplement historico-culturelles. Ce ne sont pas les aspects individuels des anciens (philosophes ou dramaturges) qui sont pris en considération, mais le réseau et l’enchevêtrement des phénomènes socio-culturels dans lesquels ils sont impliqués. Pour cela, l’attention particulière à la société dans ses articulations économiques et politiques concrètes est toujours présente, et constitue l’horizon à l’intérieur duquel Lanza évolue, afin de construire et d’analyser ses objets d’étude. Cela le conduit à engager son travail du chercheur dans un troisième domaine : celui de l’histoire de l’historiographie antique, dans lequel il analyse spécifiquement les figures de Bruno Snell8, Werner Jaeger9, Friedrich August Wolf10, Ulrich von Wilamowitz11, Moses I. Finley12.
3Trois champs d’investigation donc, mais comme je vais à présent essayer de le montrer, unis par une approche unique, non seulement par l’application d’une manière unique de concevoir la recherche, mais étroitement liés par la conscience du sens qu’il donne à la recherche en général.
Les problèmes d’un objet d’étude historico-culturel
4De quel genre d’objet s’occupe Lanza ? Pour répondre à cette question, je propose de prendre en considération les notions auxquelles il a lui-même le plus souvent recours. J’ai la nette impression que, s’il y avait un thesaurus des œuvres de Diego Lanza, nous trouverions parmi les mots conceptuellement remarquables : conflit, contradiction, tensions, idéologies, médiations, institutions. Le vocabulaire, comme on le voit, est d’ordre sociologique, d’empreinte clairement marxiste, et Lanza y a déjà recours, ne serait-ce que dans la dernière page - qui est cependant la synthèse de tout le travail - de sa toute première publication sur l’Oreste d’Euripide13.
5En 1972, en travaillant sur la science grecque des Ve et IVe siècles av. J C, qu’il montre organisée selon deux modèles, l’un aristocratique et l’autre démocratique, Lanza part du présupposé que le monde grec se présente « articulé économiquement et politiquement, et par conséquent riche de contradictions en son sein »14, et encore, « pour expliquer le développement, les phases et les caractérisations des divers modes de réflexion scientifique grecs, il semble donc nécessaire (…) de prendre en compte les conditions historiques particulières dans lesquelles se situaient les Grecs dans le monde antique, et l’incroyable variété de situations sociales, souvent contradictoires, dans lesquelles leur histoire se déroule. »15
6L’année 1975 a une importance particulière dans l’élaboration théorique de Lanza. C’est l’année où il écrit, avec Mario Vegetti, L’idéologie de la cité, un essai qui participera, avec une position très ouverte, au débat sur le rôle de la théorie marxiste dans l’analyse de la société antique. Il n’est pas de mon ressort de me référer, ou d’évaluer, le contenu de cette étude, mais je peux, par contre, mettre en évidence que les mots-clés mentionnés plus haut trouvent dans cet essai une place de première importance et une clarification théorique. Dans une version suivante de cet essai, les deux auteurs résumeront ainsi les traits idéologiques qu’ils ont tenté de révéler : « l’idéologie de la cité n’est certes pas compacte ni susceptible d’effacer les tensions, les contradictions, qui articulent le corps social et s’expriment souvent à travers la culture ; cette idéologie, pourtant, est suffisamment puissante pour assurer à long terme la médiation des conflits sociaux, et pour représenter de toute façon un lieu de la conscience collective dans lequel ces conflits puissent se dissoudre. Son analyse demande une série d’opérations historiographiques. D’un côté, l’individuation de la structure sociale de la polis et du système des contradictions sociales qui en déterminent le développement et l’usure ; de l’autre, l’analyse des structures institutionnelles de la culture et du rôle de ses opérateurs »16, car « dans le rapport entre les formes de production, en tant que paradigmes abstraits, et les formes socio-historiques concrètes, le système des médiations apparaît essentiellement à l’historien comme un système de contradictions chaque fois déterminé. »17 Cela signifie que « une étude qui se voudrait efficace et persuasive doit se proposer de mettre en évidence le système de contradictions qui détermine et gouverne une société donnée. Contradictions qui sont, soit propres à l’ordre socio-économique (dans les sociétés où la propriété terrienne est en vigueur, la contradiction fondamentale demeure, me semble-t-il, celle qui est indiquée par Marx entre propriété publique et privée), soit entre cet ordre et le système complexe des institutions et des pratiques sociales, contradictions souvent dues à des héritages persistants du passé. »18
7En 1977, Le tyran et son public constitue, me semble-t-il, une application, ample et concrète, des théories exprimées deux années auparavant19 à la figure du tyran, considérée à juste titre comme idéologique, à partir d’une analyse de sa représentation dans le théâtre athénien, puis dans les siècles suivants, jusqu’à l’époque moderne. Il suffit ici de parler de sa valeur dans le théâtre du Ve siècle av. J C, quand « le caractère politique de la vie sociale et la supériorité de l’art politique sur tous les autres mènent la culture hégémonique athénienne à l’élaboration d’un critère de jugement fondé sur une identité : seul le politique est rationnel »20 : alors la figure du tyran se fait porteuse de « tous les aspects de l’activité humaine que l’idéologie politique refuse », c’est-à-dire que l’idéologie de la cité refuse21.
8Le présupposé de ces considérations est avant tout que « tous les phénomènes de la vie intellectuelle sont filtrés par l’idéologie, chacun selon sa spécificité, et c’est à l’intérieur de celle-ci, sans toutefois s’y enfermer, que l’action du critique doit s’exercer »22 ; le second, mais non moins important présupposé, c’est que l’idéologie « offre l’autoreprésentation, déformée mais cohérente, et historiquement nécessaire, d’une société ; elle prétend en concilier les contradictions antagonistes, transformant le désordre en ordre et persuadant de la rationnalité de la stratification sociale actuelle »23. En somme, l’attention est focalisée sur le rôle de l’idéologie comme médiatrice des conflits dans le cadre de l’institution culturelle du théâtre tragique.
9L’idéologie de la cité n’est pas seulement une formule : c’est aussi la configuration d’un programme d’étude ; en effet, lorsqu’en 1979, Lanza publie Lingua e discorso nell’Atene delle professioni, il écrit en introduction qu’il s’agit « d’une première tentative de définition du système des contradictions institutionnelles et sociales qui ont le plus d’influence sur la transformation de la langue de culture grecque et sur ses mécanismes »24 (les champs d’étude sont : la première réflexion théorique sur le langage, le passage de la prévalence de l’oralité à celle de l’écriture, et les nouveautés linguistiques de la nouvelle prose scientifique).
Pas de recherche de méthodes, mais compréhension de textes
10Puisque, comme Lanza l’affirme lui-même, les problèmes dans les sciences existent seulement à l’intérieur des pratiques scientifiques qui les créent25, j’essaierai à présent de comprendre quelle peut bien être sa pratique scientifique.
11Le champ méthodique général dans lequel Lanza évolue me paraît immédiatement clair : c’est celui de l’analyse marxiste ; il participe à son élaboration conceptuelle, dans le débat qui se développe au cours des années ‘70 et ‘80. Le cadre historico-culturel de cette période est celui de l’Italie qui, après le développement industriel d’après-guerre, le gouvernement en 1962 du centre gauche (DC, PSDI, PRI, avec appui externe du PSI) et sa faillite, voit le développement du mouvement étudiant (1968), la reprise des luttes ouvrières (automne chaud de ‘69), la stratégie de la tension par le terrorisme de droite, peut-être avec la complicité de certains secteurs de l’État (tuerie de la place Fontana, à Milan, en décembre ‘69), puis le terrorisme de gauche, le Statut des ouvriers (1970) et le renforcement général de la classe ouvrière et de l’activité syndicale. C’est aussi la longue phase d’institutionnalisation constitutionnelle du système des partis et du Parlement comme lieu de médiation des idéologies, vis à vis duquel, me semble-t-il, Lanza est fortement critique26.
12Je reviens à la pensée de Lanza en matière de méthode. Pour ce qui est de l’utilisation des catégories marxistes dans l’étude du monde antique, il soutient, autour d’un livre d’Andrea Carandini27, qu’il faut faire très attention chaque fois à la « valeur théorique de la catégorie employée. Pour un historien, la valeur théorique correspond à la souplesse d’utilisation en présence de conditions sociales différenciées »28. Il me semble important de noter que le chercheur, en nous donnant des indications concrètes sur les présupposés d’où il part et sur sa pratique de travail, n’utilise jamais le mot « méthode ». Ici, et même dans les études plus particulièrement théoriques, il semble refuser l’étiquette de « méthode », critiquant comme défaut commun aux différentes méthodes qui visent à se substituer à l’ancienne manière de faire de la philologie « non l’abstraction théorique, mais la méthode abstraite, le refus de la théorie comme lieu de vérification de ses propres fondements cognitifs. Ainsi - ajoute-t-il -, je ne voudrais pas que l’intérêt pour Marx qui a engagé tant de chercheurs du monde antique souvent valeureux, se traduise par une méthode, sans avoir été d’abord vécu et expérimenté dans toute sa richesse théorique. Le danger est donc que l’étude de Marx, au lieu de prévenir les chercheurs du monde antique de la complexité des problèmes, finisse par les rassurer, leur donnant l’illusion de posséder un système de règles relativement simples à appliquer. Le risque scientiste existe chaque fois qu’on prétend appliquer des catégories apparemment claires et définies, sans s’interroger sur la signification de leur extension analogique »29.
13Indépendamment de la référence au marxisme, ces idées me semblent sous-entendues également ailleurs. En 1976, dans l’Introduction à la traduction italienne de l’Aperçu d’une histoire de la langue grecque d’Antoine Meillet, Lanza écrit : « Si la linguistique est une science historique, ses principes doivent se révéler dans l’étude d’objets historiquement définis. Même pour cela, probablement dans l’Aperçu il n’y a pas de section méthodologique, et peu nombreuses toutefois sont les œuvres qui, comme celle-ci, sont riches en principes méthodiques originaux, en invitations à une réflexion théorique d’ordre plus général »30. La mise en évidence, chez Meillet, de l’absence d’une « section méthodologique » forme un tout avec le fait que, pour le chercheur français (et Lanza montre qu’il partage cette idée), la langue est une « institution sociale »31, c’est-à-dire, à nouveau, une institution historiquement spécifique, caractérisée elle aussi par la conflictualité sociale32.
14Plus de trente ans après ces remarques sur Meillet, Lanza m’a confié, dans une interview qu’il m’a gracieusement accordée : « l’objet de mes études n’a jamais été une recherche de méthodes, mais toujours de choses, et plus particulièrement une tentative de comprendre les textes antiques »33. Et le fait que s’occuper de textes signifie pour Lanza faire référence à des particularités historiques me semble trouver une confirmation dans les lignes introductives de Lo Stolto, où il affirme avoir voulu éviter la tentation de « tirer des textes (…) ce qui était utile, sans prêter trop d’attention à la spécificité de chacun, à ses raisons historiques, à sa cohérence, en un mot à son essence textuelle. »34
15Considérant à présent cette attention à l’être textuel, je dirais que la recherche de Lanza, située à l’intérieur d’un refus général de la séparation entre formes et contenus35, se développe à travers l’individuation de ces points qu’il nomme souvent « écarts ». On en trouve des preuves explicites dans plusieurs études, par exemple dans celle sur la Poétique d’Aristote, lorsque Lanza écrit : « Il y a indubitablement un écart entre le cadre catégoriel aristotélicien et le champ des phénomènes étudiés, et il est utile, voire indispensable de le signaler ; mais on peut aussi voir une analogie de fond entre le système de tensions théoriques qui gouverne la Poétique et le système de contradictions dans lequel et par lequel vit la poésie dans la cité grecque. Une lecture attentive de la Poétique est utile pour regagner une profondeur majeure de perspectives dans l’étude de la poésie archaïque et classique, mais aussi pour reconnaître l’aristotélisme qui demeure malgré tout et hante nos théories littéraires »36.
16Relever les points de « tension » théorique de l’étude aristotélicienne37, et « toute contradiction »38 qui se cache à l’intérieur d’elle, signifie sortir de la conception scolaire d’un système clos, et remettre le texte à l’intérieur de la conflictualité de son époque. Les écarts sont intéressants, à plus forte raison, quand on considère les topoi, permanences ou relectures dans des périodes historiques différentes. Considérons par exemple l’écart qui, de manière diachronique, est retrouvé dans l’évolution de la figure du tyran, depuis le Ve siècle av. J C jusqu’au monde moderne : l’analyse de Lanza montre que, malgré la persistance topique du personnage, sa fonction idéologique, à l’intérieur d’une autre structure sociale et donc d’un autre « système sémantique », change39. Considérons encore Anaxagore et les interprétations qui en ont été données : « je me suis rendu compte – écrit Lanza – qu’au sujet des homéoméries (qui sont d’ailleurs une invention doxographique qu’on peut dater du Ier siècle av. J C environ), une montagne d’explications pseudo-scientifiques s’étaient accumulées, qui reprenaient à leur manière la vulgarisation des spéculations chimiques de la fin du XIXe siècle. (…) Toute cette physique-chimie compliquée était-elle compatible avec les connaissances, et surtout avec les centres d’intérêt du Ve siècle av. J C ? À peu près de la même manière, mais plus sournoisement, la psychologie aristotélicienne envisage des questions que la psychologie de l’intelligence du XXe siècle a amplement discutées, mais si nous cherchons à les identifier, nous faisons fausse route : la question n’était pas de savoir ce que Aristote avait effectivement découvert, mais bien plutôt quel sens sa parole pouvait revêtir dans le contexte historique et idéologique auquel il appartenait, et quel était le sens de certains de ses silences. »40
17À propos d’Anaxagore, déjà dans son Introduction à l’édition des fragments du philosophe, Lanza critiquait « les analogies erronées de ceux qui, tentés par des influences positivistes, croyaient entrevoir dans l’ère péricléenne une sorte de siècle des Lumières ante litteram. En effet, en parlant de Aufklärung, le réflexe fut de parler aussi de laïcisme, et la figure d’Anaxagore, jugé pour impiété quand le pouvoir de Périclès touchait à sa fin, devint le modèle du libre penseur grec, persécuté par l’obscurantisme bigot. Mais il serait utile de rappeler que la définition du laïcisme, si elle n’est pas opposée à celle du cléricalisme, est très confuse et imprécise, et il semble impossible de parler de cléricalisme dans la polis grecque, car dans la polis il n’existe ni un clergé organisé comparable à celui des Égyptiens et d’autres pays orientaux, ni un canon dogmatique consacré auquel se tenir. Si Anaxagore affirmait que le soleil était plus grand que le Péloponnèse, cette affirmation devait apparaître moins irreligieuse qu’on peut l’imaginer aujourd’hui. (…) En réalité, la religiosité grecque avait une forme et un esprit assez différents de ceux de notre tradition. (…) On pouvait considérer comme impie l’homme d’État qui ignorait les lois de la nature, comme celui qui voulait superposer ces lois aux normes de la cohabitation civile. Dans une époque ultérieure, quand, à cause des mutations historiques, les activités intellectuelles se séparèrent de la vie publique et, dans certains cas, se juxtaposèrent à elle, la figure d’Anaxagore fut contrefaite jusqu’à devenir une sorte d’archétype de tous les hommes de pensée attentifs à la recherche spéculative et indignement négligents envers tout autre intérêt mondain »41.
18« Écarts », « tensions », « contradictions », ou ce qu’un auteur « tait »42, ses « silences »43, et « occultations »44 ce sont les choses que Lanza cherche dans les textes - à l’intérieur d’eux ou dans les lectures qui en ont été faites. En effet, « quand on parle avec quelqu’un, on est attentif à ce qu’il dit et à comment il le dit, mais aussi à ce qu’il passe sous silence et comment il le fait. »45 De plus, « on doit poser au texte des questions qui probablement ne sont pas les siennes mais qu’il induit toutefois, et il doit être mis en crise par rapport à sa cohérence programmée. C’est le seul moyen de se rendre compte des éventuels écarts entre le plan de l’œuvre et les matériaux employés dans la construction, matériaux souvent de remblayage, repris d’autres constructions et différemment combinés, resémantisés, mais seulement jusqu’à un certain point. Chaque figure, chaque motif, chaque paradigme narratif semble en effet garder en lui-même une sorte de force d’inertie qui retient une partie de son sens premier, plus ou moins adapté à son réemploi. Ces incohérences, parfois très petites, ces variations injustifiées de la couleur de la narration, peuvent être remarquées dans les textes les plus divers, épiques, historiographiques, philosophiques, fabuleux, à condition qu’on les regarde à contrejour en observant avec attention le filigrane. (…) Ce qui devient alors intéressant, ce n’est plus le retour reconnaissable du motif considéré comme originel, plus ou moins recoupé et adapté, mais la spécificité des différentes coupes et adaptations, le résultat de la rencontre entre le matériel employé et les règles toujours différentes du réemploi. »46
19L’historicisation, comme j’ai essayé de le montrer, doit investir aussi les catégories à travers lesquelles les relectures s’effectuent, qu’elle soient celles des fragments d’Anaxagore, devenant champion des Lumières tout comme les homéoméries deviennent pareilles aux éléments de la chimie du XVIIIe et du XIXe siècle, ou la figure du tyran. Et on pourrait encore continuer. Par exemple, en ce qui concerne le théâtre athénien, les interprétations du XIXe et du XXe siècle en ont séparé l’art et la politique : dans le procès à rebours que Lanza effectue, ces deux dimensions se regroupent parce que, d’une manière différente par rapport au théâtre moderne qui doit conquérir et conserver un public, le théâtre grec, en tant qu’institution publique de la cité, n’a pas cette exigence47. En ce qui concerne le théâtre, il faut distinguer entre la « tragédie grecque » et le « tragique », cette catégorie du XVIIIe siècle qui retrouve dans le monde grec la condition spirituelle de l’aristocratie intellectuelle moderne, laquelle considère, justement, le « tragique » comme caractéristique humaine générale : « l’artiste, l’intellectuel, en agitant le drapeau du tragique, parle de lui ; en prétendant représenter la condition humaine dans son ensemble, il représente sa propre condition »48. Et quand l’intellectuel du XVIIIe siècle et du début du XIXe se pense comme un reliquat aristocratique dans la société bourgeoise, cela advient « parce que cette même société bourgeoise maintient, à l’égard de maints idéaux de l’aristocratie méprisée, une déférence ambiguë. Le bourgeois, à bien y regarder, n’ose pas se penser comme bourgeois, il ne se pense donc pas de manière cohérente par rapport au cadre de la société qu’il accepte et qu’il construit quotidiennement : il se vend lui-même dans un monde de marchandises. (…) Dans le tragique, il projette la contradiction entre l’intégrité personnelle, la liberté de choix individuelle, et le fait inéluctable qu’il doit succomber à la puissance de dépersonnalisation du monde où il vit. Son combat est donc héroïque, héroïquement tragique, car voué à la défaite, mais il tire sa crédibilité du fait qu’il réfléchit une contradiction plus générale, la contradiction impliquant et renversant celui qui est quotidiennement aux prises avec une marchandisation encore imparfaite. »49
Fuir ce qui rassure, ce qui réconforte, fuir l’évidence
20Cela me semble donc être le mode lanzien de s’occuper des textes. Pourquoi justement celui-là, plutôt qu’un autre ? D’autres mots-clés récurrents dans la production du chercheur, peuvent m’aider à répondre à cette question. Il est question à présent d’expressions relatives à la sphère du « rassurer », du « réconforter », de « l’évident », de « l’analogie », que Lanza utilise toujours en y opposant l’esprit critique de la « problématisation » et de « l’inquiétude ».
21La mention la plus ancienne du concept en question se trouve justement dans cet essai à quatre mains écrit avec Vegetti, plusieurs fois évoqué, où il est dit que « gratifiante et consolatrice, l’idéologie politique assure chacun de sa propre identité grâce à l’homologie qui le rattache de manière structurelle à l’organisme social, et assure en même temps tout un chacun de la nécessité réciproque et de l’unité globale. »50
22Mais la plupart du temps, ce concept est mis en jeu à propos de la fonction qu’occupe aujourd’hui un certain mode de penser l’antiquité. Ainsi, dans un article de 1981, Lanza se déclare en faveur d’une « historiographie qui éclaire le différent au lieu de conforter sa propre identité en la redécouvrant dans le passé »51 (cette même histoire de l’historiographie, pour lui, a le devoir d’enquêter sur les actualisations auxquelles le passé a été soumis « pour nous éclairer sur la significations des approches, et sur les urgences qui les meuvent »)52. L’enquête sur le passé doit susciter l’inquiétude plutôt que rassurer le présent. Elle doit avoir une fonction critique envers ce dernier.
23Le terme « rassurant » apparaît dans l’essai sur La tragedia e il tragico de 1996 (comme synonyme de « réconfortant », utilisé juste avant)53 à propos de la conception contemporaine du devenir humain : l’histoire vue sous l’aspect d’une tragédie est « une histoire réconfortante qui, en mortifiant tout projet subversif, tend inévitablement à imposer de manière répétitive ses propres rythmes, soustrayant les sujets à leurs responsabilités propres et contradictoires. Son aspect tragique, apparemment terrifiant, se révèle une fois encore rassurant de façon évocatrice »54. À nouveau, dans un travail de 2001, Lanza écrit qu’à leur tour « les chercheurs de l’antiquité sont peu enclins à interroger le passé avec attention, mais aussi et surtout (…) ils ne s’occupent pas de s’interroger sur le monde dans lequel ils vivent, sur les problèmes qu’il pose, sur les conditionnements de l’éducation, sur les manipulations de l’information auxquelles ils se soumettent presque inconsciemment. Et sans une problématisation adéquate du présent, il est inutile d’interroger le passé : ce dernier ne fera que refléter les mensonges rassurants dont nous avons besoin. »55
24En 2005, dans son passionnant essai introductif à l’Histoire de la littérature grecque d’Albin Lesky, il écrit à nouveau : « Il y a, à côté de l’usure des textes, une usure idéologique. Un texte, même là où il n’est pas formellement altéré, peut se trouver conditionné par certaines interprétations. À la constitution d’un véritable système de conditionnement de la littérature, concourent parfois des siècles et des siècles de commentaires et de diatribes d’exégètes. (…) Il est difficile, très difficile, de lire les paroles ironiques du Socrate platonicien mourant, sans charger la page du Phaïdon de toute la doctrine de vingt-cinq siècles de platonisme qui ont été accumulés par-dessus. La difficulté n’est pas moindre en face de l’Œdipe Roi de Sophocle (…). Quand on lit ces textes, et d’autres semblables, on éprouve une curieuse impression de tranquillité : on reconnaît dans la substance du texte ce qui est déjà bien connu. On pourrait dire que ce qu’on découvre nous appartenait déjà, nous l’avions déjà absorbé par osmose dans la formation culturelle qui est nôtre, bien que générique. Mais reconnaître un texte qu’on n’a jamais lu, est-ce une bonne chose ? Cela ne signifie-t-il pas qu’on le parcourt avec le regard d’un autre, que devant nos yeux ont été placées des lentilles fabriquées par d’autres, et que nous ne nous rendons pas compte de leur présence ? S’il est difficile de rétablir philologiquement un texte, en reconnaissant ses corruptions, ses lacunes et les réparations qu’il a dû subir dans la longue histoire de sa réécriture, il est d’autant plus difficile de le libérer des incrustations idéologiques avec lesquelles une tout aussi longue et intense coutume de lecture et d’interprétation a fini par le confondre. Les bonnes intentions ne suffisent pas, et il n’existe aucune méthode sûre. (…) C’est donc en remettant en discussion ce qui peut nous apparaître plus évident parmi nos persuasions intellectuelles, et qui constitue l’enveloppe idéologique persistante des textes antiques, qu’on peut peut-être tenter de les lire en évitant d’y découvrir ce que nous croyions déjà savoir. »56
25Il y a quelques mois enfin, à l’occasion d’un échange de courriels, comme je lui demandais si son approche prévoyait, pour ainsi dire, un voyage « aller-retour » du présent au passé, Lanza m’a écrit : « La conscience du présent, ou mieux la tentative d’en être conscient, me semble être le prérequis à toute activité intellectuelle digne de ce nom. Je ne parlerais pas vraiment d’aller et retour : la connaissance du passé, plus ou moins reculé, devrait affiner la sensibilité à comprendre les différences dans l’apparente re-proposition de situations semblables, et à ne pas procéder par analogies rassurantes mais folles »57.
Les cibles polémiques : le classicisme, le scientisme, et une certaine anthropologie
26Malgré la stabilité de son vocabulaire et de son approche, il ne me semble pas que nous nous retrouvions face à un Lanza toujours identique à lui-même. Ou plutôt, il garde ses buts (la critique du présent et du statut fermé de la science de l’antiquité), ainsi que ses moyens (l’étude historique et sociologique des tensions et des écarts, intérieurs au texte ou à la tradition qui en découle) mais, grâce à sa conscience lucide des transformations de la société dans laquelle il vit et de la science à l’intérieur de laquelle il opère, il change ses objets de recherche et ses cibles polémiques.
27Ainsi, dans ses premières études – et grosso modo jusqu’au 1984 (Il filologo immaginato) – sa cible oscille entre le scientisme d’un côté et, surtout, le classicisme de l’autre. Le point de départ est le constat que « les lézardes du grand édifice de l’Altertumswissenschaft, qui avait si longtemps résisté, se sont sensiblement élargies ces dernières années. Les derniers grands seigneurs qui savaient en occuper des étages entiers ayant disparu, ce bâtiment imposant se révèle de plus en plus difficile à habiter, les liens avec l’extérieur se font chaque jour plus ardus, et souvent on n’arrive même pas à ouvrir les fenêtres pour regarder dehors »58. En effet – poursuit Lanza –, « une fois perdu son rôle de guide dans la formation humaniste, l’humanisme s’étant transformé en sciences humaines, la science de l’antiquité vise avant tout à sa propre survie, en se multipliant de manière mimétique en sciences de l’antiquité. (…) la crise est générale et implique tous les savants qui s’intéressent au monde ancien, qu’ils en soient conscients ou non. L’on peut ajouter que la crise est salutaire, non seulement parce qu’elle découvre enfin une inquiétude qui couvait depuis longtemps, mais encore, et surtout, parce qu’elle encourage à nouer des relations avec d’autres disciplines »59. Ce problème semble beaucoup tenir à cœur à notre savant, si bien que, même ailleurs, il confirme : « confinée dans ses instituts, à la défense désespérée d’un patrimoine exclusif, la philologie risque de ne plus être un savoir socialisable, de n’avoir d’autres destinataires que ses propres opérateurs, de ne pas servir à son propre temps, de ne pas savoir interroger le passé par les questions du présent »60. D’où, plus tard, le jugement positif sur le renouveau de Pasquali, qui consiste « en la conscience que les études anciennes contiennent des problèmes réels, des questions qui nous impliquent, non pas en tant que clercs d’un culte laïque du classicisme, mais en tant que gens qui savent questionner leur propre temps, ses langages, ses silences. C’est à partir d’ici que l’on peut interroger l’antique, non pour y retrouver ce qui est évident, ni pour en parcourir à nouveau, passivement, les chemins, mais pour le connaître comme il ne se connut pas lui-même, car il ne pouvait pas se connaître »61.
28La polémique anticlassiciste est aussi évidente, je crois, dans les études que Lanza consacre à l’histoire de l’historiographie ; ce n’est pas un hasard si leurs objets privilégiés sont Friedrich August Wolf, le père fondateur de l’Alterthumswissenschaft, qui conjugue de manière ambiguë l’Antique et le Classique, à savoir la connaissance du passé et la moralité, Bruno Snell, avec son histoire de l’esprit appliquée à la littérature grecque, Werner Jaeger, qui se fait le porteur d’un troisième humanisme à caractère pédagogique, Ulrich von Wilamowitz, qui conçoit la philologie comme la servante de l’idéal de l’antiquité62. Dans son Introduction à l’Aperçu de Meillet, Lanza mettait également en relief que cet ouvrage « nous offre une image extrêmement riche de la langue grecque, par sa référence constante à des conditions historiques précises, il élimine toute tentation classiciste de considérer le grec comme une langue différente, créatrice de la pensée, instrument privilégié de l’esprit humain dans sa révélation »63. Et l’étude des « écarts » dans la représentation diachronique du tyran prenait pour cible polémique l’habitude de « célébrer la présence éternelle des Grecs dans notre histoire »64 et précisait même que ce type de recherche n’était pas un « problème oiseux » pour ceux qui étudient le monde ancien : « la présence actuelle des anciens se spécifie, en effet, dans les termes d’un héritage vaste et complexe. Si d’un côté leur étude vise à vérifier l’identité réelle du modèle, la reconstruction du réseau de ses déterminations, de l’autre côté, au-delà du mythe irrationaliste du retour éternel, elle ne peut motiver leur intérêt qu’en vérifiant la valeur idéologique de cet héritage. La considération de la fortune des classiques n’est pas une curiosité extravagante de la part de qui étudie l’antiquité, mais elle est une partie intégrante et non pas subalterne de son exercice historiographique »65.
29D’autres fois, la polémique explicite est concentrée dans la partie finale de l’écrit. En étudiant le « tragique », par exemple, après s’être étonné du fait qu’une tragédie complexe comme l’Œdiperoi soit aimée de préférence par ceux qui soutiennent « un modèle hellénique, humaniste, classique de la conception de l’homme », juste après, et en clôture de son étude, Lanza se demande : « Ou bien ne s’agit-il que d’un aspect du recours plus général au classicisme grec comme à l’instrument le plus utile et le plus éprouvé pour censurer ses propres anxiétés et inquiétudes, pour sauvegarder l’ordre ? »66. L’ideologia della città s’achève également par la reconnaissance du rôle nouveau que joue, dans le monde hellénistique, le mythe d’une Athènes harmonieuse et cohérente : « maintenant, Athènes est la Cité ; le classicisme est né »67. Et, à la fin d’une étude précédente sur Bruno Snell, en commentant une réflexion de ce dernier sur l’influence, en Grèce, de la poésie sur la société, Lanza écrivait : « mais peut-être faut-il aujourd’hui se demander si vraiment l’histoire de la littérature (même dans l’acception plus vaste de l’allemand Literatur) peut encore être estimée comme le centre et le degré le plus pur de l’historiographie, ou si la philologie n’est qu’une, et non pas toujours la principale, des disciplines historiques, autant du monde moderne, que de l’antiquité classique »68. Même l’essai sur « Scientificità » della lingua e lingua della scienza in Grecia, toujours dans sa conclusion, critique également la « conception humaniste »69.
30En réalité, l’humanisme classiciste n’est qu’un des deux pôles contre lesquels Lanza polémique. L’autre est, en effet, la prétention à une science aseptisée, neutre, qui se soustrait à toute dimension historique et par conséquent conflictuelle. Ce qui suit les dernières paroles citées le précise et le clarifie ; c’est pourquoi je citerai le passage en entier, malgré sa longueur : « S’il est donc clair qu’une science ne peut être évaluée qu’à l’intérieur du cadre historique de la société qui l’a produite, et qu’il faut considérer la fonction sociale qui lui est assignée dans ce cadre, dans ce cadre il est aussi nécessaire d’évaluer les rapports existants entre cette science et la langue qui sert à l’exprimer. (…) Plus une science acquiert un langage spécialisé, incompréhensible pour les profanes, plus elle se détache de la culture commune et tend à se constituer en soi et pour soi, en délimitant son propre domaine et en prétendant se donner de manière autonome ses propres fondements ; et en délimitant son propre domaine, de fait elle délimite aussi sa fonction sociale. En revanche, plus elle se développe dans un rapport d’échange avec la vie culturelle commune, plus elle est obligée de maintenir son langage proche de l’usage commun des parlants. Dans le monde grec, le premier est le cas des mathématiques, puis de la logique, le second celui de la médecine et, en général, de la biologie. Mais une science, pour qu’elle soit véritablement une science, a-t-elle réellement besoin d’un langage propre, tout à fait incompréhensible pour les non-spécialistes ? Ou, en d’autres termes, une science est-elle d’autant plus science qu’elle est spécialisée, clairement délimitée, séparée, des autres domaines de recherche ? Dans la science moderne, la mathématisation de la physique d’abord, puis de la chimie, a exercé une fonction déterminante de spécialisation, mais aussi de ségrégation culturelle. Aussi est-il intéressant de considérer que la linguistique contemporaine, au moment où elle veut se configurer en tant que science, prend la mathématique comme modèle, et élabore un lexique technique qui se détache le plus possible des usages ordinaires de la langue (…) Ne peut-on faire de la science qu’en élaborant une langue spéciale, ou bien l’élaboration d’un langage spécial est-elle déjà la caractérisation d’un certain type de science, où l’aspect constructif est prédominant sur l’observation de la nature, et où même l’examen empirique finit par porter sur des objets d’expérience qui sont dans une large mesure artificiels, en restreignant consciemment ou inconsciemment tout son domaine ? »70.
31Le sens de l’investigation sur le langage scientifique en Grèce se trouve maintenant explicité : les questions finales sont allusives, presque rhétoriques ; elles veulent inviter à une réflexion sur le langage des sciences d’aujourd’hui, sur la spécialité non intrinsèque du langage scientifique, sur le fait qu’il est, en tant que spécialisé de fait mais non forcement sur le plan logique, un langage qui a choisi, en quelque manière, de se distancier des profanes. Entre parenthèses, s’il est vrai que, pour Lanza, cette partie est peut-être la plus importante de son article (ce n’est pas un hasard s’il s’agit de la partie finale, où il fait le point sur son discours), l’on peut remarquer que la synthèse « scientifique » de l’Année philologique de 1974 l’élimine totalement, en réduisant son résumé aux paroles suivantes, qui rappellent les contradictions de la société grecque, sans faire la moindre allusion à la possibilité qu’autant de contradictions soient cachées par notre vocabulaire scientifique : « Revue des principales théories modernes élaborées en Allemagne sur le caractère intrinsèquement philosophique du grec. À la lumière des travaux de B. Snell, examen de la réflexion présocratique sur la langue. Aristote, chez qui se rejoignent pour la première fois la tradition spéculative qui reconnaît un rôle de premier plan à la langue dans la découverte de la vérité, et la tradition de la recherche opérative de la biologie ionienne, présente un certain nombre de contradictions. Ces dernières traduisent la complexité du problème et peuvent partiellement s’expliquer par le contexte historique et social de son époque ».
32La neutralité de la science – et de la linguistique formalisée en particulier – est critiquée aussi ailleurs. Dans son Introduction à l’Aperçu, déjà mentionnée, Lanza souligne la valeur que la linguistique a pour Meillet en tant que « science sociale », bien différente d’une « science naturelle »71, tout comme le fait que l’ouvrage traduit par lui est « le point d’arrivée nécessaire d’une conception cohérente de la linguistique, selon laquelle les principes théoriques ne peuvent avoir de valeur sans être matérialisés dans la recherche historiographique concrète »72. Le contexte historique et social où se situent l’objet et la réflexion critique de Lanza est celui des années 1970, les années qui voient le triomphe des idéologies d’un côté, et de l’autre la tentative des disciplines humanistes, notamment de la linguistique, de se transformer en sciences hautement formalisées qui, plus elles proposent des schémas abstraits et socialement indéterminés, plus elles sont considérées comme douées d’un statut scientifique. À la lumière de ce milieu culturel, et en polémique avec lui, il me semble que l’on pourrait aussi lire le passage suivant, tiré d’un autre des livres de Lanza : « Ce qui me paraît important est plutôt de voir comment et pourquoi la prose, et quel type de prose, devient un modèle culturellement hégémonique, à quelles questions sociales répond-elle, quelles sont ses médiations institutionnelles. Ce n’est qu’ainsi, je pense, par la considération d’une contingence historique spécifique, que l’on peut dépasser l’idéologie d’un usage abstrait de la langue, socialement neutre, et des usages possibles du langage comme autant d’options libres individuelles. Définir l’hégémonie des modèles linguistiques d’une époque, ainsi que les mutations de cette hégémonie, veut dire aussi tracer les médiations culturelles dominantes et leurs processus de transformation. Même si les problèmes restent linguistiques, l’attention de celui qui les étudie ne peut que s’avancer au-delà de la langue, vers le jeu complexe des contradictions sociales et de leurs médiations idéologiques, parce que c’est là que l’on peut et que l’on doit découvrir non seulement la cause, mais le sens même des transformations linguistiques »73. Mutatis mutandis, l’étude sur Wilamowitz a elle aussi, en dernière instance, le but de critiquer et de ramener à ses présupposés politiques l’adhésion du princeps philologorum à l’impartialité présumée de la science. Dans le même cadre critique, dans les discours relatifs à la méthode, se place la mise en garde de Lanza par rapport au risque d’orthodoxie marxiste qui peut, « par l’illusion d’une plus grande rigueur scientifique », induire « en une série de neutralisations », dont celle de la production idéologique74. C’était d’ailleurs une mise en garde contemporaine de la critique de ces « méthodes plus décidées, capables d’arborer un prestige culturel déjà reconnu » des années 1970 (une référence probable à la critique structuraliste-sémiotique), dans lesquelles Lanza voyait un « rôle de clé passe-partout » et auxquelles il reprochait, comme je l’ai déjà dit, « le caractère abstrait de leur méthode »75.
33La période qui suit la moitié des années ‘80 est marquée par le prétendu repli dans le privé76 et, vers la fin, par le développement du modèle syndical « participatif » (collaboration avec les entreprises au nom de l’« intérêt commun ») et de l’organisation de l’entreprise fondée sur le principe japonais de la « qualité totale » (relation de Cesare Romiti à Marentino en 1989), qui conduira au gouvernement de Silvio Berlusconi en 1994. Il me semble que la même année 1994, avec la constitution du WTO, peut être aussi considérée comme l’année qui sanctionne de manière pour ainsi dire officielle la naissance de la globalisation. Dans cette période, la critique par Lanza des « analogies rassurantes » entre le passé et le présent, son exigence de rappeler la diversité entre les deux époques et les conflictualités sous-jacentes à celles-ci et à leur culture, demeure, mais le classicisme et le scientisme ne sont plus ses seules cibles critiques77. La structure de l’ouvrage en plusieurs volumes Lo spazio letterario della Grecia antica, dont Lanza est l’éditeur avec G. Cambiano et L. Canfora, cumule les perspectives repérées jusqu’ici : l’analyse sociologique, la mise en relief de narrations littéraires et de géographies de la Grèce antique occultées par la vision ethnocentrique, la discussion sur les réceptions et sur les actualisations des textes anciens. De plus, la sociologie historique de Lanza me semble entrer en collision avec une certaine anthropologie du monde ancien qui s’est entre-temps développée, et avec les chercheurs qui « aiment à farcir leurs écrits de renvois toujours plus à la page, parfois allégués comme prétexte, presque toujours superflus », et qui considèrent, par contre, comme un péché véniel « l’emploi incongru, approximatif, insensé de catégories historiographiques »78.
34Les pages introductives de Lo stolto (1997) polémiquent précisément, si je vois bien, contre ce courant d’études. Par rapport à certaines grandes catégories anthropologiques à caractère méta-historique (comme celle du trickster, qui a un « statut anthropo-logo-gène précaire »), Lanza déclare préférer le repérage de figures textuelles, c’est-à-dire rapportables à une spécificité historique et analysables dans leur cohérence interne, et éviter ainsi ce « pillage » d’informations qui est « malheureusement une pratique de plus en plus répandue dans un certain type d’études, et conduit souvent à des présomptions d’analogie éphémères. Par contre, un peu de patience permet de voir que tout texte, en utilisant et en réutilisant un matériel préexistant, le re-contextualise, c’est-à-dire le réinterprète, le re-sémantise »79. Une anthropologie trop générale, générique peut-être, risque d’ailleurs de tomber dans l’abstrait – comme finit par le faire la sémiotique, dans le domaine de l’analyse du spectacle, « en s’élançant vers le méta-discours »80 –, ou du moins dans l’étude d’un objet considéré comme porteur d’une culture neutre, plutôt qu’elle même conflictuelle : « ainsi, si la figure du sot peut paraître répétitive dans la tradition folklorique, elle paraît beaucoup plus complexe si on abandonne la prétendue neutralité éthique de la fable en faveur d’expériences littéraires plus amples et différemment engagées. L’idiot et l’idiotie reviennent ici avec des finalités différentes et par des langages différents ; il est donc nécessaire de se demander quel est l’esprit du récit »81. Maintenant, la pratique sociologique de Lanza veut être, en dernière instance, une anthropologie attentive aux différences du monde antique et à son autonomie par rapport au nôtre. La figure de l’idiot, même dans sa continuité historique, apparaît à chaque fois re-sémantisée ; toutefois, elle est toujours porteuse d’une logique autre que celle du sens commun, la représentation du « sot solaire » auquel la raison est obligée de recourir comme à son « complément fonctionnel nécessaire » : « à côté du principium sapientiae l’on peut reconnaître la présence, efficace, d’un principium stultitiae »82. Ces observations se trouvent au début du volume, et il vaut la peine de les comparer à celles de la fin du livre, notamment aux derniers mots concernant l’idiot d’aujourd’hui qui est, par contre, un « sot intelligent » : ce qui prévaut en lui c’est « le clin d’oeil, la complicité allusive de qui ne se contente pas de faire rire, mais veut, ou plutôt ne peut s’empêcher de rire lui-même avec celui qui l’écoute, car il prétend partager avec lui des attitudes, des goûts, un mode de pensée. (…) Nous ne sommes pas induits au rire par la gêne de l’absurde, mais par la découverte rassurante d’une ressemblance conventionnelle ; le rire consume tout espace de différence et nous persuade que tout peut nous ressembler, tout au fond nous appartient déjà, rien ne doit nous inquiéter. (…) un bon sens bienveillant gouverne (…) ; un bon sens qui revendique, face aux intolérances anguleuses de la tradition, la tolérance, la flexibilité, le pluralisme. (…) le rire qui accompagne la stultitia, le rire de l’idiot et sur l’idiot, a pu longtemps paraître comme le signe de pluralités dangereuses pour l’identité de la raison ; la rationalité vivait, pourtant, d’un tel risque ; elle avait besoin de sa propre suspension, du conflit avec ce qui pouvait sembler, tour à tour, ingénuité, plaisanterie, jeu, folie. Le conflit entre raison et déraison était le signe de leur complémentarité réciproque, de la régénération perpétuelle de la raison à partir de ce qu’elle sentait comme autre par rapport à elle-même. Sous la polychromie étincelante du pluralisme post-moderne, sous la multiplication futile de ses déraisonnements raisonnables, il semble par contre qu’une plus puissante homologation ait lieu, marquée par la disparition irrévocable de toute stultitia efficace »83.
35En 1999, voici encore une intervention entièrement centrée sur la critique des analogies entre « nous » et « eux » (les Grecs anciens), dont je ne citerai que les lignes suivantes : « La prétendue disparition des différences culturelles célébrée dans les grands collages multiethniques nous donne l’illusion d’être devenus tolérants. C’est une tolérance qui se projette aussi dans le temps : en effaçant parfois de profondes diversités anthropologiques, siècles et sociétés sont parcourus en toute direction, à la recherche de l’analogie qui les justifie, qui nous justifie »84.
36Qu’est-ce qu’historiciser peut alors signifier pour Lanza ? « Le fait de vouloir et savoir discerner dans le passé n’est pas très différent d’éprouver la nécessité d’avoir à discerner dans le présent, dans la conviction que la société dans laquelle et de laquelle on vit pose des problèmes sérieux d’interprétation et de communication, qui ne peuvent être résolus par le simple bon sens »85. Nous sommes donc confrontés à une idée de l’étude de l’autre comme a priori différent de nous, pour ne pas croire que « les hommes sont partout les mêmes », pour acquérir une « habitude aperceptive » (comme dirait Gregory Bateson) à reconnaître les diversités même dans le présent, pour refuser l’homologation dans le présent.
37Il s’agit de démystifier non seulement la continuité présumée entre les Grecs et nous, mais encore la continuité entre les Grecs de chaque époque et leur passé : en cela, il suffirait déjà simplement de tenir compte de ce que nous savons. En effet, une grande partie de ce que savent les savants eux–mêmes « reste pourtant, pour ainsi dire, enseveli dans les recherches des spécialistes. Souvent il n’arrive même pas à érafler leur travail exégétique, tout comme le travail de nombreux homéristes n’est pas éraflé par la certitude absolue que le texte de l’Iliade et de l’Odyssée que nous possédons peut remonter, dans le plus heureux des cas, à celui des lettrés d’Alexandrie, et qu’avant, ainsi qu’en témoignent Platon et Aristote, d’autres textes, au moins partiellement différents du nôtre, circulaient et étaient acceptés »86.
38Il faut donc être attentifs non seulement aux dynamiques de notre réception des anciens, mais encore à celles de la réception de chacun d’eux par les autres. Ainsi, outre l’acquisition d’une habitude aperceptive à « discerner » dans le présent, le fait de « restituer au monde ancien une dignité d’autonomie anthropologique sert aussi à comprendre les dynamiques qui agissent en son sein, la manière dont il s’est transformé, non selon des stéréotypes appartenants à notre histoire récente, mais selon ses propres variables »87.
39Désormais, ma lecture de Lanza devrait être claire : l’historicisation du passé réalisée grâce à la conscience des catégories historiographiques que l’on a héritées habitue, d’un côté, à historiciser aussi le présent, à en voir les contradictions, à éviter l’uniformisation de ce dernier ; de l’autre, elle permet de comprendre le passé lui-même.
Historiciser Lanza ?
40Après avoir essayé de montrer la remarquable consistance théorique d’un savant dont le travail concret est le produit d’une connaissance extraordinaire autant de l’antiquité que de la modernité (avec une connaissance de la pensée philosophique du XIXe et du XXe siècle qui est simplement peu commune) et d’une attitude particulière à la réflexion, qu’il me soit permis, avant de conclure, de ne pas être d’accord précisément sur la cohérence du dernier point signalé avec l’approche théorique si bien édifiée par Lanza. La conceptualisation des écarts et des tensions dans les textes anciens – qui nous renvoie aux contradictions sociales et culturelles de l’époque – et celle des écarts et des tensions présents chez les savants qui se sont occupés de l’antiquité, comment peut-elle nous faire comprendre le passé (en soi-même) auquel nous nous intéressons, si nous-mêmes nous sommes immergés dans l’histoire et dans ses contradictions ? L’histoire des interprétations et des re-sémantisations que nous faisons – et je crois que nous avons raison de la faire – ne nous offre pas, à la fin du parcours à rebours, l’objet en lui-même, ni même l’objet probable. Cette histoire, en effet, nous inclut.
41En réalité, Lanza est bien convaincu du fait que le contrôle du passé tel qu’il se réalise dans le récit de Orwell (« par la manipulation programmatique des archives ») n’est que l’« exaspération d’un processus d’adaptation du passé qui est à l’œuvre quotidiennement, bien qu’avec des rythmes différents et, heureusement, des conséquences différentes pour les individus, dans chaque phase de l’histoire de chaque société. (…) Face à la mise à jour coercitive des documents il y a, en effet, la mise à jour de la manière de les lire. C’est un procédé indubitablement plus lent et, au moins en apparence, non violent, mais d’autant plus efficace qu’il n’occulte pas l’objet de la mémoire, au risque de le voir un jour réapparaître de manière inopinée, mais il en transforme irrévocablement le sens »88. Le savant invite explicitement à « nous demander, d’une manière plus précise, quelle est notre Antiquité, de quelle mémoire participons-nous, quelle est l’image du passé que nous sommes en train de projeter sur le présent »89. Toutefois, il se déclare également persuadé qu’« une considération sérieuse du contexte pourrait même prouver impossibles » certaines circonstances90 et donc certaines interprétations. Cependant, au moins pour moi, la considération du contexte, loin d’être simplement « sérieuse » ou non sérieuse, a à faire également avec un point de vue qui est avant tout un positionnement par rapport au présent : même les contextes, nous ne les reconstruisons pas, mais plutôt nous les construisons (de façon non absolument arbitraire, mais culturellement déterminée). Nous ne pouvons jamais définir comme « scientifiques » (dans le sens courant du terme) nos opérations, mais plutôt, par le ‘prétexte’ du passé, par l’exercice de la profession d’historiens – d’une manière certainement différente de celle de nos concitoyens professionnels du gouvernement de la chose publique – nous aussi, que nous le sachions ou pas, nous faisons simplement de la politique au moyen d’autres règles.
42Les questions « correctes » qu’il faut poser aux textes anciens – selon l’expression employée par M.I. Finley et partagée par Lanza – n’existent, selon moi, qu’à l’intérieur d’un système social91, et leur justesse ne dépend donc pas, comme le veut Lanza, « seulement des réponses que donne le texte »92: en effet, tout texte peut nous donner des réponses qui nous paraissent justes. D’après moi, il reste, dans cette position, un résidu (qui me semble fêler la cohérence remarquable de l’approche du savant)93 d’objectivisme, qui fait penser à celui qui l’adopte que tous les résultats scientifiques sont historicisables, sauf les siens : bien entendu, l’on admet normalement non pas qu’il ne soient pas historicisables dans l’absolu, mais qu’ils le sont uniquement dans le futur, c’est-à-dire par la postérité 94. Si, comme il me semble, Lanza est d’accord avec la position de Nietzsche, qui déclare explicitement faire une opération d’« intervention culturelle sur la contemporanéité »95, et si Lanza lui-même, comme j’ai cherché de le mettre en relief, prend position sur l’actualité, il ne m’est vraiment pas clair de quelle manière les produits de sa recherche (pas moins que ceux de qui prétend faire abstraction de son présent) puissent consister en une compréhension du passé – du passé, évidemment, ainsi qu’il a réellement été. J’imagine que Lanza pourrait refuser l’attribution d’une position de ce genre, qui ressemble trop à la reconstruction du passé wie es eigentlich gewesen de Ranke, mais il me semble qu’une telle idée continue de rester sous-jacente à ses travaux de manière assez claire (« interroger un texte veut dire seulement chercher à comprendre son sens : ce que l’auteur dit, veut dire, préfère taire »)96. Ce but me semble du reste sous-entendu même par la forme de l’écriture de Lanza, qui, bien que fluide, reste toujours rigoureusement attachée à l’emploi de l’« on » impersonnel, scientifique, neutre, alors que, paradoxalement, elle déclare la non-neutralité de la science en Grèce et aujourd’hui. En ceci, je dirais que Lanza continue d’être un opérateur de cette institution scientifique universitaire « neutre » qui rejette l’emploi du pronom « je ». Si je ne me trompe pas, Lanza ne fait recours à ce pronom qu’en des occasions plus informelles (comme, par exemple, sa Réponse au questionnaire sur Marxismo, mondo antico e terzo mondo, de 1979, entièrement sur le ton de la conversation) et dans le peu de pages introductives de La disciplina dell’emozione et de Lo stolto (les deux datent de 1997), qui déjà par leur titre (les premières s’intitulent In luogo di premessa: ricordo di tre incontri, les secondes Qualche cenno introduttivo) se déclarent en quelque manière alternatives au style des « introductions » classiques. Dans ces pages apparaît dès les premières lignes non seulement la première personne, mais encore une référence à sa propre sphère autobiographique et émotive. Mais dans la suite, une fois entré dans le vif de sa recherche, le savant revient, bien qu’avec une écriture plus narrative que d’habitude, à l’impersonnalité de la troisième personne ou à la majestas de la première plurielle.
43Tout ce que je viens d’avancer est-il une description objective de l’approche de Lanza et du sens qu’il attribue à nos études ? Ou bien, inversement, le dis-je au nom d’un droit à la subjectivité, comme s’il était licite de dire tout ce qui nous passait par la tête ? Ce que j’ai dit veut être ma description de la position de Lanza, une description qui demande à être embrassée, ou contrecarrée, à partir de deux éléments : la possibilité (non pas la nécessité) de ‘lire’ ce que j’ai dit sur Lanza dans ses textes, et le but pour lequel j’ai fourni cette description, à savoir en vue d’une critique ultérieure de l’institution académique et en vue du même idéal de conflictualité par rapport à la contemporanéité que j’ai mis en évidence chez Lanza : une conflictualité qui, pourtant, se base non pas sur la prétention de dire comment le passé a été, mais – comme Lanza lui-même le disait – sur la conscience du type de science contemporaine que nous contribuons à former par l’intermédiaire des idées du passé dont nous demandons l’acceptation.
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Notes de bas de page
1 Cf. Lanza 1961.
2 Il s’agit, respectivement, de Lanza 1963a et 1963b.
3 Cf. Lanza 1964. L’année suivante seront publiées les trois pages consacrées à Un nuovo frammento di Alcmeone (Lanza 1965a).
4 Lanza 1965b.
5 Lanza 1966.
6 Cf. Lanza 1971. En 1971 est publiée aussi la traduction, avec M. Vegetti, de Aristotele, Opere biologiche, Turin.
7 Cf. Lanza 1965c.
8 Lanza 1970.
9 Lanza 1972a.
10 Lanza 1981a.
11 Lanza 1974.
12 Lanza 1988.
13 Cf. Lanza 1961, p. 70 : « Quand la guerre éclata et Périclès disparut, le conflit des classes se propagea avec violence et balaya vite les intellectuels de la direction de l’état ».
14 Lanza 1972b.
15 Lanza 1972b p. 428.
16 Lanza 1977a, p. 13.
17 Lanza 1981b, p. 72.
18 Lanza 1979a, p. 29.
19 Bien entendu, elles étaient déjà enracinées dans l’analyse de phénomènes historiques et économiques ainsi que d’institutions sociales précis. Cf. Lanza 1975, p. 26-27 : « Le théâtre, tragique et comique, finit par apparaître typique de la culture athénienne ; et dans le théâtre, le jeu de l’identification du public avec l’intrigue poétique, déjà nécessaire à la réussite de l’exécution épique de l’aède-rapsode, devient plus riche et articulé, dans un rituel d’organisation qui calque de manière fidèle la distribution “politique” des citoyens dans les tribus. Le dialogue scénique représente et synthétise le caractère dialectique du processus politique de la cité et du processus moral de chaque personnage, et il persuade le spectateur de son essence de micropolis. (…) Il est essentiel à l’homologie entre la cité et l’homme que la cité se pense elle-même comme communauté, non comme état. Le partage de la propriété publique par tous les citoyens est indispensable, afin que l’idéologie du politique se développe. (…) L’idéologie de la cité en tant qu’idéologie de la politique apparaît donc comme un produit nécessaire à la formation d’un espace politique, qui possède les caractéristiques évoquées plus haut. Elle est une fonction opérationnelle du système qui l’a produite ».
20 Lanza 1977b, p. 185.
21 Lanza 1977b, p. 190. L’expression « idéologie de la cité » apparaît ibid., p. 186, mais elle était déjà évoquée dans les pages introductives, où on lisait que « l’idéologie de la cité est le grand système de significations dans lequel s’inscrit la production culturelle de l’Athènes post-clisthénienne : chaque citoyen y apparaît lié, de façon organique, à tous les autres et à la polis, comme les membres au corps » (ivi, p. XI-XII).
22 Lanza 1977b, p. X.
23 Lanza 1977b, p. X.
24 Lanza 1979b, p. 12.
25 Cf. Lanza 1995a, p. 713-734, voir en particulier la p. 734 : « Dans la science, il n’existe pas de problèmes en dehors des pratiques qui les produisent ».
26 Nous pouvons, peut-être, lire ainsi Lanza 1977b, p. 372, où, soutenant qu’Hérodote III, 80-82 présente la prise du pouvoir par Darius dans les termes d’un débat politique, puisque ceux-ci étaient les seuls termes conceptuellement possibles pour l’historien et pour son public, Lanza note : « du reste, nous connaissons les nombreux affrontements sociaux du Ve siècle seulement dans la forme ritualisée du débat politique de l’assemblée ou du débat diplomatique. Et ce filtre politique de l’histoire a dominé aussi dans l’historiographie moderne, présentant les débats parlementaires comme l’expression la plus vraie d’une opposition qui avait ses racines ailleurs » (souligné par moi).
27 Il s’agit de Carandini 1979.
28 Lanza 1981b, p. 60.
29 1979a, p. 26-27.
30 Lanza 1976a, p. XIII.
31 Lanza 1976a, p. XVIII.
32 Ainsi il cite un passage où Meillet affirme que les déviations individuelles de la langue sont limitées par le fait qu’elles sont exposées au ridicule, voire, « dans les états civils modernes », par des véritables examens qui excluent des emplois publiques ceux qui ne se conforment pas au « bon usage admis par un groupe social déterminé » ; et le commentaire de Lanza explicite que ce « bon usage » est le « modèle socialement proposé comme dominant. Le rapport entre chaque parlant et le système linguistique est donc inégal, parce qu’il n’est pas naturel mais social » : Lanza 1976a, p. XVIII. À la p. XX on trouve une phrase qui anticipe l’objet et le titre du livre de 1979b : « La langue des métiers et des professions arrive à conquérir un espace propre seulement plus tard, et Meillet ne manque pas d’en signaler l’intérêt et de souligner l’originalité de la prose ionienne, ses différents rapports avec le parlé, les différents modèles linguistiques sur lesquels elle se forme » (souligné par moi). À la p. XXVI Lanza souligne, chez Meillet, la « définition du caractère social de la langue, qui n’est pas affirmé de manière abstraite, mais est évalué concrètement dans le rapport spécifique entre une langue et une société ; il s’agit du caractère systématique d’une langue, qui n’est pas la même pour tous les parlants, mais présuppose, pour être analysée, qu’on considère les articulations propres de la société et qu’on identifie le groupe ou les groupes qui exercent une réelle domination linguistique sur tout le corps social ».
33 Courriel adressé à moi le 12/01/2008.
34 Lanza 1997a, p. XV.
35 Lanza 1977b, p. IX.
36 Lanza 1992, p. 296.
37 Lanza 1992, p. 78, 83, 84.
38 Lanza 1992, p. 85.
39 Lanza 1977b, p. XV.
40 Courriel adressé à moi le 12/01/2008.
41 Introduction à Lanza 1966, p. V-XXX, en particulier p. XII-XIII.
42 Cf., par exemple, Lanza 1995b, p. 21-22 : « les traits déterminants du modèle aristotélicien sont la qualité morale du héros tragique, sa cohérence psychologique, le caractère volontaire de son choix. Un système entier de tensions demeure, donc, inévitablement marginal et en dernière instance inerte : Aristote se tait sur le jeu des relations entre individu et collectivité (du point de vue théâtral entre personnage et chœur), entre homme et dieu, entre incertitude de l’action humaine et détermination du destin. Le pivot du spectacle tragique, la transgression, devient pour Aristote la faute, qui est expliquée dans le périmètre de sa catégorisation éthique. Mais notre effort doit justement être celui de saisir le sens de la trans-codification aristotélicienne et d’essayer de remonter au-delà, à une société qui, malgré la petite distance temporelle, était néanmoins organisée sur des présupposés différents, dans laquelle la figure héroïque n’était pas encore devenue un exemple paradigmatique mais appartenait à une histoire traditionnelle difficile, n’était pas considérée un explicans mais un explicandum. Conflits de dieux et de héros, violences, horreurs, meurtres, c’est ce que nous propose un théâtre qui, malgré tout, peut et doit se dire politique, c’est-à-dire expression institutionnelle d’une polis dont nous considérons, je crois à raison, qu’elle a développé une des tentatives les plus élevées de rationalisation des rapports sociaux ».
43 « Quand on parle avec quelqu’un, mis à part les paroles, c’est les gestes, les regards, les silences qui importent. Je pense que quand on lit, on doit être également vigilants. Parfois, ce n’est pas mal de se moquer des mots » (français dans le texte) : courriel du 12/01/2008.
44 Cf., par exemple, Lanza 1990, p. 86 : à propos de Traité du sublime 36,3 : « la pratique du dire est affranchie ici de l’esclavage de l’art, pour devenir simple force de la nature, nous pourrions dire phénomène naturel, et donc elle doit être étudiée comme telle. Les deux affirmations se contredisent seulement en apparence, ou, mieux, la contradiction est, comme cela arrive souvent, fonction de l’idéologie. Dans ce cas, d’une part l’exercice plus élevé de la littérature est reconnu dans l’adéquation aux plus hauts modèles (littéraires) du passé ; la mimesis du Peri hupsous change donc de signe, elle n’a plus comme référent la nature aristotélicienne, mais le patrimoine de la tradition. D’autre part, dans l’acte même d’abandonner la nature comme objet de la mimesis, le rhéteur-lettré est amené à affirmer que son art, l’art de la parole, n’est pas en réalité un art (techne), mais lui-même une nature (phusis). (…) C’est une longue tradition d’art qui est cachée ici (…); mais ce recel est essentiel à la transfiguration du lettré, qui aime se représenter dans l’acte de l’inspiration comme s’il brûlait toute sa longue familiarité avec l’art ».
45 Lanza 1997a, p. XV.
46 Lanza 1997a, p. XV-XVI.
47 Cf. Lanza 1977b, p. 7-8. Une autre critique au « réseau d’analogies » – cette fois-ci entre polis et forme-état moderne – se trouve ibid., p. 165.
48 Cf. Lanza 1996, p. 499-500 (la citation se trouve à la p. 500). Ces réflexions reprennent celles déjà faites ailleurs par le chercheur (cf. Lanza 1993 ; mais les premières observations consistantes, savantes, sur ce sujet étaient déjà en Lanza 1976b).
49 Cf. Lanza 1996, p. 503-504. Des considérations semblables se trouvent dans le dernier chapitre de Lanza 1997a, en particulier p. 235 ss. (avec une citation analogue d’un passage du Gai savoir de Nietzsche).
50 Lanza 1975, p. 27 (souligné par moi).
51 Lanza 1981b, p. 55. Mais le concept était présent dans le passage déjà cité (de la Réponse) où Lanza exprimait la crainte qu’une certaine rigidité dans l’étude de Marx finirait par rassurer les savants, en leur laissant croire qu’ils possèdent une méthode suffisamment simple à appliquer.
52 Lanza 1988, p. 114.
53 « Rassurant et réconfortant » est aussi un syntagme propre de l’écriture de Lanza (par exemple, dans Lanza 1977b, p. 196, à propos du protagoniste du Hiéron de Xénophon, où le tyran de Platon ne jouait pas le rôle de « réconfort tranquillisant », ibid., p. 191).
54 Cf. Lanza 1996, p. 505.
55 Lanza 2001a, p. 1453. Dans un travail précédent, Lanza avait déjà écrit que « l’acquiescement au présent déproblématise l’antique, et la morale du “les hommes sont partout les mêmes” annule de façon inquiétante les différences » (Lanza 1995a, p. 733-734).
56 Lanza 2005, p. XXVIII-XXIX (souligné par moi). En fait, pour ne pas trouver « ce qu’on savait déjà » il faut opérer une « reproblématisation de certains principes qui semblent avoir une évidente valeur absolue, mais dont la relativité historique se révèle seulement si on comprend le rôle qu’Aristote a eu dans leur affirmation » (Lanza 1992 p. 87).
57 Courriel adressé à moi le 12/01/2008.
58 Lanza p. 25.
59 Lanza 1979a, p. 26. En réalité, comme Lanza lui-même le précise, « ces relations ont toujours existé, sans quoi les antiquisants auraient déjà disparu, mais elles sont restées presque secrètes, le plus souvent dissimulées : les intérêts du philologue classique, de l’archéologue, de l’historien de l’antiquité pour ce qui n’est pas ancien, avaient été définis comme extravagants, avaient été vécus comme objectivement fortuits, marginaux, épisodiques, même si, subjectivement, ils n’étaient pas fortuits, marginaux, épisodiques. La formation intellectuelle, historique et philosophique, ainsi que les choix politiques de tout philologue, historien, archéologue, restaient dans la plupart des cas dans l’ombre discrète du privé, n’étant éclairés que dans les portraits commémoratifs, avec les autres aspects plus personnels de sa vie » (ibid.).
60 Lanza 1984, p. 22.
61 Lanza 1995a, p. 734.
62 Cf. respectivement Lanza 1981a ; Lanza 1970, p. 429-447 ; 1972a ; Lanza 1974.
63 Lanza 1976a p. XXVII.
64 Lanza 1977b, p. XV.
65 Lanza 1977b, p. XVI. Même le renvoi à l’utilité de l’anthropologie comparée (ivi, p. 166-167) avait là une intention polémique contre le classicisme.
66 Lanza 1976b, p. 64.
67 Lanza 1975, p. 34.
68 Lanza 1970, p. 447.
69 Lanza 1972b, p. 428.
70 Lanza 1972b, p. 392-429, part. p. 428-429.
71 Lanza 1976a, p. X.
72 Lanza 1976a, p. XIII,
73 Lanza 1979b, p. 14-15.
74 Lanza 1979a, p. 31.
75 Lanza 1979a, p. 26.
76 Pour faire référence au moins partiellemment à la complexité de ces années, qui ne sont pas reconductibles de manière univoque au facteur que j’ai rappelé dans le texte, je voudrais ajouter au moins que si les années 1980 marquent, d’un côté, la retraite du politique et le passage d’une identité idéologique à une identité de « style » (fondée sur l’exhibition d’un certain habillement, coiffure, objets-symboles, etc. : l’on songera aux punks), de l’autre elles voient aussi le changement des mouvements, qui avant étaient fortement idéologiques et maintenant deviennent réticulaires, engagés surtout dans des actions pragmatiques sur le territoire (archipel écologiste, mouvement pacifiste, volontariat).
77 Cela même si tout l’essai de Lanza 2001a est contre le « fondamentalisme classiciste ? » (l’expression citée se trouve à la p. 1445).
78 Lanza 1995a, p. 732 (une énnième polémique contre l’analogisme se trouve à la p. 733).
79 Lanza 1997a, p. XV.
80 Lanza 1997b, p. 10.
81 Lanza 1997a, p. XVI.
82 Lanza 1997a, p. XVII.
83 Lanza 1997a, le premier passage se trouve à la p. 238, les autres à la p. 244 (les italiques, mis à part ceux des paroles latines, ont été ajoutés par moi).
84 Lanza 1999, p. 138 (je souligne).
85 Lanza 1999, p. 143.
86 Lanza 2001a, p. 1446. Dans la suite (p. 1457), Lanza remarque que les témoignages des rapports entre la Grèce et l’Orient « sont bien connus par les classicistes, mais ils restent pour ainsi dire dans les plis de la recherche, <ils sont> habituellement considérés comme insignifiants et marginaux, voire exceptionnels ». Cf. Lanza 1999, p. 137-146, part. p. 143 : « nous sommes tous d’accord pour ne plus penser que les Grecs marquent le début de notre civilisation, et nous sommes instruits, bien qu’il s’agisse le plus souvent d’une connaissance superficielle, <du fait> qu’avant Homère il y a déjà deux millénaires et demi d’histoire. Mais cela ne se reflète pas toujours dans l’examen de nos textes » ; et Lanza 2005, p. XXXV : « toute cette activité reste, pour ainsi dire, ensevelie dans les investigations des spécialistes ».
87 Lanza 1999, p. 143.
88 Lanza 2001b, p. 10. Quand, en rappelant le passage sur Orwell cité dans le texte, j’ai demandé à Lanza quelle était pour lui la véritable différence, si différence il y a, entre la science et l’idéologie, il m’a répondu : « Le contexte n’est pas celui d’une opposition entre ‘science’ (dont j’ignore même si elle peut être définie de manière sûre) et ‘idéologie’, mais plutôt entre la mémoire que l’individu peut avoir en quelque mesure cohérente avec ce qui est et la distorsion de la mémoire. Sur les limites incertaines de la conscience de ces distorsions, cf. les observations de Primo Levi (Les naufragés et le rescapés) » (courriel du 12/01/2008).
89 Lanza 2001b, p. 14.
90 Lanza 2001b, p. 10 (la phrase est à l’intérieur d’un exemple).
91 Quand Lanza écrit (si je comprends correctement, in propria persona) que « l’historien interroge, de toute façon, le passé en lui posant des questions qui ont un sens pour lui, c’est-à-dire pour la société à laquelle il appartient. Cela n’empêche pas qu’il puisse le faire d’une manière plus ou moins professionnelle » (Lanza 1988, p. 120), il faudrait selon moi rappeler que même le professionnalisme participe des contradictions du système social et institutionnel où il est exercé : en effet, le professionnalisme est lui-même l’objet d’une négociation, ou du moins, d’un conflit entre les savants qui, depuis toujours, combattent contre la non-scientificité des positions, voire, souvent, contre ceux d’entre eux avec qui ils se trouvent en désaccord .
92 Courriel, adressé à moi, du 12/01/2008.
93 Même l’écriture de Lanza, habituellement très fluide et avec peu de lexique spécialisé, est parfaitement cohérente avec ses conclusions dans l’article sur le langage scientifique en Grèce, montrant qu’un langage éloigné de celui des profanes n’est pas intrinsèque de la science. J’estime en outre très beau le fait que, comme Lanza lui-même me l’a fait remarquer, ses conflits « ont toujours été avec les idées, non pas avec les personnes, et pour cela, paradoxalement, ils laissent des traces labiles » (courriel, adressé à moi, du 12/01/2008).
94 Cf. Cozzo 2006, (part. p. 15-19).
95 Lanza 1993, p. 65-73, part. p. 70. Je partage, en effet, la considération de Lanza selon laquelle cette position « démasque ceux qui prétendent s’occuper des Grecs sans se soucier de prendre position sur la contemporanéité » (ibid.).
96 Courriel adressé à moi le 12/01/2008.
Auteurs
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