Chapitre 2. L’ambiguïté prescriptive
p. 35-60
Texte intégral
1L’ambiguïté prescriptive est le corollaire de l’ambiguïté terminologique. Ce chapitre étudie ce type d’ambiguïté en commençant (1) par présenter la santé comme BPM dans une panoplie terminologique plus large dont elle constitue l’un des éléments-clés. Ainsi la santé comme BPM est associée à un puzzle conceptuel porté par les acteurs de la coopération internationale et du développement. On y trouve d’abord, au même rang que la notion de BPM, celle de gouvernance, souvent associée à une critique de la « mal gouvernance » qui gangrènerait le processus d’accès aux biens publics mondiaux. On y décèle également des termes très prisés par les groupes de consultance internationale ayant acquis le statut d’experts en évaluation des « meilleures pratiques ». Parmi ces termes figurent en haut de liste ceux de partenariats multi-partites (ou multi-acteurs), de coopération, de participation des usagers et acteurs. Dans la promotion des logiques supposées vertueuses (« gagnant-gagnant » en langage managérial), les meilleures pratiques deviennent alors évaluables à l’aune d’indicateurs construits sans critique externe. La « performance globale » socialement construite telle que la décrit Florence Jany-Catrice (2012) pour les services publics est tout à fait transposable à l’analyse des programmes de « bonne gouvernance » universalistes.
2Dans un second temps (2), l’ambiguïté prescriptive est mise en relief à travers la présentation de trois approches normatives de la santé comme BPM : conception sécuritaire, vision en termes de droits humains et logique fondée sur les quasi-marchés. Ces approches relèvent d’interprétations différentes des modalités d’accès pertinentes et coexistent sans être véritablement distinguées dans la littérature institutionnelle. Elles conduisent pourtant à des dispositifs d’accès hétérogènes voire incompatibles.
1. La « gouvernance » et la santé comme « bien public mondial » : nouveaux habits de l’aide au développement
3Bien qu’étant un principe de plus en plus reconnu dans les discours et les annonces à l’échelle internationale, le droit universel à la santé se heurte à un déficit de structures et d’institutions susceptibles de le traduire en amélioration significative de l’état de santé des populations dans les pays pauvres. La recherche d’une « gouvernance mondiale » adaptée aux enjeux de la santé est ainsi devenue une thématique centrale dans l’arène internationale. Cette thématique fait écho au constat de l’inefficacité relative de l’aide au développement à la fin des années 1990, débouchant sur l’efficience de l’aide comme préoccupation majeure des bailleurs de fonds. Ce critère d’efficience a été proposé à partir des travaux de Paul Collier et David Dollar (2001), dont le succès auprès de ces bailleurs n’a cessé de croître. Dans la mouvance des approches sur la « bonne gouvernance » dans les pays pauvres, largement portées par les IBW,1 Collier et Dollar proposent ainsi une procédure d’allocation de l’aide qui tient compte de l’effort fourni par le pays aidé en termes d’amélioration de l’environnement institutionnel et politique. On privilégierait alors, parmi les pays pauvres, ceux qui appliqueraient les politiques les plus favorables à une « bonne » utilisation de l’aide, en d’autres termes les plus favorables à un bon rapport efficacité-coût de l’aide. Plus récemment, les principes d’appropriation (par les pays destinataires), d’alignement (sur les politiques définies au préalable par les autorités locales), d’harmonisation (les bailleurs de fonds sont appelés à mieux se coordonner dans leurs procédures) ont été mis en avant dans les forums sur l’efficacité de l’aide (Déclarations de Rome en 2003, de Paris en 2005, Conférence d’Accra en 2008, Forum de Busan en 2011). Ces mêmes principes sont alors intégrés dans le programme de « bonne gouvernance » préconisé par les IBW, entraînant dans leur sillage les autres bailleurs de fonds et institutions internationales.
4Il convient de souligner que, derrière son apparente neutralité, la notion de gouvernance est très normative, aboutissant à cet effet à l’agenda de « bonne gouvernance » que les IBW tentent d’imposer aux économies faibles après vingt années d’ajustement structurel. De nombreux travaux critiquent ainsi radicalement la notion de gouvernance. Pour Bernard Hours (2012, p. 61-63), la gouvernance est une norme des normes : « En exfiltrant la notion de gouvernance hors du monde de l’entreprise et de la gestion de l’entreprise en direction de l’environnement, de l’économique, du politique, une affirmation à la fois claire et implicite se dégage : la planète, les marchés, la société, se gèrent avec les mêmes qualités et compétences que celles qui sont prêtées aux chefs d’entreprises performantes. Il s’agit d’une affirmation néolibérale radicale lourde de conséquences. Le monde serait donc une vaste entreprise. Quant à la qualité de la gouvernance, elle serait nécessairement bonne lorsqu’elle atteint les objectifs qu’elle s’assigne ». Le caractère performatif et normatif de la « bonne gouvernance » se retrouve avec une grande acuité dans le domaine de la santé mondiale. Il se décline selon des normes de quasi-marché qui seront examinées plus en détail dans ce chapitre (2.3)
1.1 De la « gouvernance » à la « bonne gouvernance »
5Au-delà de ses fondements dans les sciences de gestion et l’analyse des organisations, le terme de « gouvernance » a imprégné le monde des institutions internationales dès les années 1990 (Revue internationale des sciences sociales, 1998). En 1994, la Banque Mondiale définissait la gouvernance comme « la manière dont le pouvoir est exercé dans le management des ressources économiques et sociales de développement d’un pays » (traduction de l’auteur) (World Bank, 1994, p. 4). Le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE la définissait en 1993 comme « l’exercice du pouvoir politique, ainsi que d’un contrôle dans le cadre de l’administration des ressources de la société aux fins du développement économique et social » (CAD-OCDE, 1993, p. 7). Le PNUD (UNDP, 1995, p. 3) la considérait comme « un cadre de management public basé sur l’état de droit, un système de justice juste et efficient, une large implication de la population dans les mécanismes de gouvernement et dans la façon d’être gouverné ». Des considérations normatives émergent implicitement ou explicitement de ces différentes définitions. Dans les définitions de la Banque Mondiale et du CAD, la dimension économique est en effet privilégiée dans la mesure où la gouvernance concerne largement la gestion et l’allocation (appelées respectivement management et administration des ressources pour la Banque Mondiale et le CAD). À l’inverse, le PNUD, dans la tradition onusienne, privilégie le respect des droits et l’implication des populations.
6Dans cet ensemble encore flou de définitions de la gouvernance, c’est l’approche de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International qui a le plus imprégné les nouvelles conditionnalités de l’aide aux pays pauvres après vingt ans d’ajustement structurel. La Banque Mondiale fait de la « bonne gouvernance » un outil de lutte contre la corruption et de saine gestion des affaires publiques (Smouts, 1998). Cette approche institutionnelle de la gouvernance est construite à partir d’un « puzzle théorique » (Cartier-Bresson, 2010) relativement hétérogène et plaqué de façon ad hoc sur le modèle de développement des IBW à partir du milieu des années 1990. Ce cadre a servi de substrat aux « nouvelles » politiques de lutte contre la pauvreté (Cling et alii, 2003) lancées par la Banque Mondiale avec comme mesure phare l’initiative « Pays Pauvres Très Endettés » (IPPTE) en 1996. Cette initiative instaurait de nouvelles conditionnalités pour les pays souhaitant bénéficier d’un allégement de leur dette. En effet à la suite des contestations croissantes émanant de la société civile dans les pays pauvres, des Pouvoirs Publics et de certaines organisations internationales (PNUD, CNUCED…), les IBW annoncent une réorientation de leur approche en direction de la lutte contre la pauvreté. L’IPPTE est présentée par la Banque Mondiale et le FMI comme un tournant dans leurs politiques en faveur des pays en développement. L’IPPTE intègre en effet deux principes : d’une part, la priorité à l’amélioration de la situation des plus pauvres ; d’autre part, la participation des populations aux processus de décision. L’IPPTE est devenue très rapidement le cadre de référence des politiques de développement.
7C’est dans ce cadre de politiques de réduction de la pauvreté qu’intervient la notion de « bonne gouvernance ». Dans le discours de la Banque Mondiale, cette dernière vise à améliorer l’efficacité et la transparence des institutions, notamment publiques, en décentralisant les centres de décision pour les rapprocher des populations et les rendre plus démocratiques. Mais le terme de gouvernance soulève des ambiguïtés qui apparaissent dans le contenu d’un certain nombre de « documents stratégiques de réduction de la pauvreté » (DSRP)2 : les pays sont-ils soumis à l’injonction de mener à bien une réelle amélioration de la participation des populations aux décisions politiques qui les concernent, ou plutôt de réintroduire de la concurrence entre les acteurs politiques et économiques en vue de soutenir les politiques d’assainissement macroéconomique préconisées par les IBW ? L’indicateur de « bonne gouvernance » porté par les IBW, usuellement fondé sur les Worldwilde Governance Indicators que Daniel Kaufmann et Aart Kraay ont construit avec leur équipe de la Banque Mondiale (Kaufmann et alii, 2004, 2008), laisse peu de doute quant au rôle dévolu aux logiques marchandes. Sur les six indicateurs retenus dans leur indice, trois d’entre eux visent directement les défaillances de Pouvoirs Publics jugés sources d’inefficience : i) « l’efficacité des Pouvoirs Publics » mesure la « compétence de la bureaucratie » et la « qualité de la prestation du service public », réduisant le rôle des Pouvoirs Publics à une performance supposée mesurable à l’aune de critères techniques et quantifiables ; ii) le « fardeau réglementaire » mesure « l’incidence des politiques défavorables au marché », ce qui rend explicite le présupposé d’une efficacité supérieure du marché ; iii) enfin la « maîtrise de la corruption » concerne « l’abus des biens publics à des fins lucratives », mais elle se fonde sur une approche incitative plutôt que répressive, dénotant une méconnaissance des travaux des auteurs pionniers sur la corruption comme Susan Rose-Akermann (1978) qui soulignait que réformes administratives et répression se complètent.
8Les indicateurs ainsi retenus deviendront dominants et déclinables dans tous les secteurs par des travaux économétriques conduits sans réflexion sur la légitimité des indicateurs. La « bonne gouvernance » se trouve alors au centre des conditionnalités imposées par les bailleurs de fonds aux pays à faible revenu. De nombreux auteurs prendront pourtant leurs distances avec ces travaux (pour une revue, voir Cartier-Bresson, 2010), auto-référentiels et dont les hypothèses annoncent les résultats.
9Malgré toutes ces réserves et l’incapacité des IBW à établir un lien incontestable entre les indicateurs de bonne gouvernance et la performance économique, les années 2000 sont celles de l’extension de l’impératif de bonne gouvernance aux secteurs sociaux. En effet le néolibéralisme pur et dur a fortement imprégné les cercles de décideurs et les organisations internationales et son déclin relatif ne signifie pas le retour de l’interventionnisme. La montée en puissance de l’agenda de bonne gouvernance est portée par des discours affirmant la fin des idéologies. Le néolibéralisme a également jeté l’opprobre sur l’État social et peu de pays ont résisté à l’érosion de ce dernier. L’apparente neutralité de l’agenda de bonne gouvernance trouve, dans ce contexte, un terrain propice, renforcé par le constat des défaillances des États dans les pays du Sud. Paradoxalement les plans d’ajustement ont sapé la puissance publique dans les pays pauvres, dont les dysfonctionnements se sont accrus durant les vingt années d’ajustement (avec notamment l’accroissement de la corruption). La santé devient ainsi banalisée, un secteur parmi d’autres qui devrait bénéficier des Programmes Nationaux de Bonne Gouvernance (PNBG) dont les pays aidés se pourvoient sous les conseils des experts en développement et les injonctions des bailleurs de fonds. Il leur faut alors maîtriser la panoplie conceptuelle de la « bonne gouvernance ».
1.2 La panoplie conceptuelle de la « bonne gouvernance »
1.2.1 « Bonne gouvernance » et argumentaire « gagnant-gagnant »
10Le terme de « bonne gouvernance » draine avec lui d’autres notions qui ont pour fonction d’opérationnaliser les modalités de gouvernance. À côté de la « participation », on trouve également la notion « d’approche partenariale » qui fait référence aux projets de coopération entre les acteurs. Ainsi les institutions internationales ont de plus en plus tendance à préconiser des partenariats entre les entreprises et le secteur public ou privé non marchand dans les pays en développement. La tonalité générale de ces préconisations parmi les acteurs ici évoqués est donc très positive. Elle repose sur un argumentaire « gagnant-gagnant » dont le cadre théorique implicite est l’approche en termes de parties prenantes (stakeholders), conception devenue dominante pour appréhender les responsabilités des organisations en général, et en particulier ici celles des entreprises et organisations de santé. L’approche par les stakeholders, diffusée par Edward Freeman (1984), repose sur des fondements instrumentaux de la responsabilité des acteurs (cf. encadré n° 5). L’intégration des responsabilités sociale, sociétale et environnementale serait une stratégie avantageuse pour l’entreprise qui la met en œuvre.
Encadré n° 5. La théorie des parties prenantes (stakeholders)
L’ouvrage d’Edward Freeman (1984) initie une longue et inachevée montée en puissance de la notion de partie prenante. L’auteur définit les parties prenantes comme tout groupe ou acteur dont la survie de l’entreprise dépendrait. Les principales parties prenantes sont composées des actionnaires, des salariés, des clients et des fournisseurs. L’entreprise devrait alors, pour assurer sa survie et son développement, répondre au mieux aux intérêts des différentes parties prenantes. La théorie des parties prenantes est progressivement construite par une multitude de travaux ultérieurs à l’ouvrage de Freeman. Ces derniers ont élargi la définition en la reformulant comme l’ensemble des groupes pouvant affecter ou être affectés par l’entreprise et en distinguant les parties prenantes centrales (dont la survie ou l’atteinte des objectifs de l’entreprise dépendent) et les parties prenantes périphériques (d’influence moindre). Ronald Mitchell, Bradley Agle et Dona Wood (1997), pour ne citer que ces auteurs, proposent trois critères d’identification et de classification des parties prenantes (Cazal, 2013, p. 354) : « le pouvoir, c’est-à-dire la capacité d’influence sur l’entreprise ; la légitimité, perception ou présomption des actions d’une entité comme désirables ou appropriées selon certains systèmes de normes ou de valeurs sociales ; l’urgence, caractère pressant des demandes portées par les parties prenantes, obligation pour les dirigeants d’y répondre dans les délais acceptables pour ces dernières ». Mais cette théorie recèle de profondes faiblesses théoriques et empiriques (Cazal, 2011). D’abord le flottement quant à la nature des parties prenantes : qu’y a-t-il de commun entre les clients, les fournisseurs, les salariés et les actionnaires ? Ensuite il y a un profond nivellement des rapports de force entre les parties prenantes et aucune analyse n’est faite des forces structurelles qui maintiennent les inégalités de pouvoir entre celles-ci. Enfin le fondement théorique de cette approche est à rechercher dans la théorie des contrats appliquée à la firme et dont de nombreux travaux montrent les limites tenant en particulier à l’absence d’analyse des valeurs que portent les acteurs et de l’influence que celles-ci peuvent avoir sur leurs comportements, en dehors d’une logique utilitariste. Au total la théorie des parties prenantes n’échappe pas aux faiblesses du postulat de Freeman selon lequel le bien commun pourrait être obtenu par l’autorégulation et devrait se passer de toute intervention extérieure, notamment étatique.
11Dans cette vision, la prise en compte des intérêts des parties prenantes de la firme relève donc d’une question de rationalité économique. Les acteurs extérieurs sont privilégiés mais moins comme éléments de la « morale » de l’entreprise qu’en tant que groupes de pression à prendre en compte, à convaincre, voire à intégrer dans les décisions.
1.2.2 Dispositifs de mise en œuvre
12Cette panoplie conceptuelle s’accompagne, dans le champ de la santé, d’un ensemble de dispositifs portés par les bailleurs des fonds et dont le point commun est de promouvoir des mécanismes de régulation reposant non pas sur des considérations éthiques (déontologie, éthique médicale ou professionnelle, bien commun) ou symboliques (don/contre-don, attente d’une reconnaissance sociale du statut ou de la profession) mais sur des considérations purement instrumentales, à savoir les incitations économiques. La performance est au cœur de cette logique et les services de santé deviennent des biens publics évaluables à l’aune de cette dimension. L’État organise ou produit des biens publics mais n’est plus appelé à proposer un modèle social. La performance de ces biens publics de santé est évaluée à travers des normes de quasi-marché (contractualisation des relations entre acteurs de la santé, mise en place de systèmes de prépaiement – cf. infra 2.3). Le critère ultime d’évaluation est le nombre de patients vus en consultations, le nombre de traitements dispensés ou encore le coût par patient. À cet égard, les systèmes de santé des pays pauvres connaissent les mêmes injonctions que ceux des pays riches et l’activation des logiques budgétaires y devient prépondérante (cf. Batifoulier, Domin, Gadreau, 2008). Le mécanisme d’incitation préconisé à partir des années 2000 est le « paiement à la performance » qui suppose une rationalité pauvre des professionnels de santé, principalement fondée sur des réflexes économiques. La décentralisation des systèmes de santé, initialement vue comme un mode de rapprochement entre les services de santé et les populations (programme de « Santé pour tous en l’an 2000 » lancé par l’OMS et l’UNICEF en 1978), devient un mode de rationalisation des dépenses mais n’examine pas le problème de manque de moyens des collectivités territoriales qui pourraient porter ces programmes.
13Il est intéressant de constater le décalage temporel entre la mise en œuvre du quasi-marché en Grande-Bretagne (pays leader de la réforme vers ce modèle dans les années 1980-1990) et dans les pays pauvres. En effet ce modèle a subi un échec en Grande-Bretagne et le projet de retour à une régulation administrée dans les années 2000 coïncide avec les injonctions à son implantation dans les pays pauvres. Curieux paradoxe ! L’analyse des causes de cet échec en Grande-Bretagne (cf. encadré n° 6) devrait pourtant inciter les bailleurs et partenaires de l’aide à la plus grande circonspection. Selon Philippe Mossé et Joseph Brunet-Jailly (2005, p. 175), s’inspirant de la grille de lecture de François Sellier, « la mise en concurrence généralisée que l’on savait depuis longtemps contestable sur le plan théorique (cf. Arrow, 1963) s’est […] en outre, sur cet exemple, révélée politiquement et économiquement impossible ».
Encadré n° 6. L’échec de la réforme vers le quasi-marché du National Health Service en Grande-Bretagne
Dans le cas britannique, la réforme a consisté à imposer une concurrence entre producteurs, orchestrée par des médecins généralistes regroupés en fund holders et subie, notamment, par des hôpitaux transformés en trust supposés jouir d’une très large autonomie de gestion. L’État n’a abandonné ni ses prérogatives d’assureur universel, ni sa fonction centrale : déterminer la totalité des règles du jeu, octroyer les marges de manœuvre, faire peser les menaces d’un retour aux principes beveridgiens supposés responsables de tous les maux (pénurie de moyens, piètre qualité des soins, file d’attente…). Dès lors, il est possible d’expliquer l’échec de cette réforme […] par l’importance, naguère oubliée, des coûts de transaction. Mais ces coûts de transaction se sont avérés d’autant plus élevés que les contrats (entre les médecins généralistes et les producteurs mis en concurrence) devaient être signés, d’une part, sans que les citoyens n’aient leur mot à dire, d’autre part, en respectant des enveloppes budgétaires décidées de façon centralisée et selon des algorithmes visant à l’équité. Aller plus loin dans le jeu concurrentiel eût été logique, mais c’était impossible : il eût fallu que l’État central abandonne son rôle historique de garant de l’égalité devant la santé ; il eût fallu pour cela, qu’il accepte de prendre officiellement le risque que les patients soient sélectionnés, que les collectivités locales puissent abonder le financement du système de soins, et enfin, que les primes d’assurance puissent être différenciées. Autant d’entorses au principe d’universalité qui est à la base du système de santé britannique et, plus encore, du compromis sociétal qui en est le fondement.
Source : Mossé, Brunet-Jailly, 2005, p. 175
14Ainsi la mise en œuvre de politiques de santé dans les pays pauvres, sous tutelle des bailleurs de fonds, devrait tirer les enseignements des échecs des réformes conduites dans les pays riches. En particulier, toute réforme engagée sans prendre en compte les règles du jeu existantes entre l’État, les prestataires de santé et les organismes d’assurance est vouée à l’échec. C’est pourtant une telle logique de duplication qui est à l’œuvre avec l’agenda de bonne gouvernance qui vient s’articuler avec celui des BPM.
2. Les trois modèles de la santé comme bien public mondial
15On peut mettre en évidence trois grandes approches normatives de la santé comme BPM. Elles ont connu un processus d’hybridation qui rend particulièrement ambigus les motivations et les objectifs des grandes initiatives d’accès aux médicaments et aux services de santé essentiels.
16La première approche, dont l’influence a brutalement augmenté à partir des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, est la conception sécuritaire des biens publics mondiaux au sein de laquelle on privilégie la lutte contre les risques mondiaux sous toutes leurs formes (terrorisme, maladies, catastrophes environnementales, etc.). Elle concentre les efforts sur la lutte contre les « maillons faibles » et crée des flux d’aide fortement dépendants des angoisses construites et entretenues dans les pays riches.
17La deuxième approche, revenue en puissance au tournant des années 2000 après le choc des ajustements structurels, est celle des droits humains, appuyée sur le principe d’exemption de participation financière pour les plus pauvres des pauvres. Cette conception se heurte cependant aux limites de l’extension de l’assurance maladie et de la gratuité dans des systèmes de santé défaillants.
18La troisième approche relève d’une conception en termes de coopération et de partenariats multi-partites (cf. 1.2 supra). Elle sera plus longuement abordée dans la troisième partie de cet ouvrage compte tenu de sa place centrale dans les discours et les programmes conduits par les acteurs de l’aide à la santé. L’éloge de la coopération participe de la rhétorique internationale portée par les acteurs dominants (en particulier la Banque Mondiale et les fondations privées) dans une vision où les inégalités entre acteurs sont virtuellement lissées. Ainsi la « santé communautaire »3 constitue l’exemple emblématique d’une notion dont l’interprétation a glissé d’une logique collective non marchande (place centrale des relations de don-contre don) à une logique marchande (patient « responsabilisé » par sa participation financière aux soins).
2.1. Interprétations sécuritaires
19Loin d’être nouvelle, déjà identifiée et analysée par des anthropologues et des politistes (Bagayoko-Penone, Hours, 2006), l’approche sécuritaire des relations internationales a connu une montée en puissance depuis une dizaine d’années. Cet intérêt croissant est lié au développement de la notion de BPM et aux externalités positives ou négatives qui lui sont associées. Ces dernières sont mises en avant pour préconiser une prise en compte transnationale des risques épidémiques. Leur filiation est forte avec la conception minimaliste des biens publics mondiaux, pour reprendre l’expression de Philippe Hugon (2003, p. 65 – cf. supra chapitre 1, section 1.1.2). En effet cette dernière est étroitement liée à une vision fondée sur des États égoïstes qui cherchent leur intérêt et fondent leur action sur des calculs coût-avantage permettant d’allouer au mieux les ressources et de dédommager les victimes d’externalités transnationales.
2.1.1. Une conception réductrice de la santé comme bien public mondial
20L’approche sécuritaire constitue alors une conception réductrice des biens publics mondiaux et de l’accès aux services essentiels privilégiant, de fait, la protection contre d’éventuels risques extérieurs. Plus généralement, l’accent mis sur une perspective sécuritaire explique le recentrage, depuis les années 1990, des programmes de santé mondiaux vers les maladies infectieuses. La règle du « maillon faible » est privilégiée : les pays à risque élevé deviennent une cible d’intervention pour éradiquer le problème à la source et protéger en retour les pays développés. L’Union européenne a beaucoup insisté, dans son programme de lutte contre la pauvreté 2002-2006, sur les maladies infectieuses, tout comme l’USAID, dont l’intérêt pour le soutien des réformes des systèmes de santé s’est réduit, au profit du développement des systèmes de surveillance et d’information sur les maladies les plus courantes dans les pays en développement.
2.1.2. Les effets pervers de l’approche sécuritaire
21Même si elles favorisent l’émergence d’initiatives innovantes dans le cadre de la lutte contre le sida, le paludisme, la tuberculose et d’autres maladies répandues dans les pays pauvres, ces approches de la santé vue sous l’angle du risque transnational posent problème.
22En premier lieu, un effet de « vases communicants » entre les différents domaines de l’aide pour la santé est à craindre.4 La levée des fonds pour les maladies infectieuses s’est accompagnée d’une réduction du poids de l’aide vers d’autres secteurs tout aussi importants pour les populations pauvres (Barry, Boidin, Tizio, 2011) : infrastructures de base, éducation à la santé, nutrition de base, planning familial… Si la médiatisation des maladies infectieuses et des risques mondiaux qu’elles engendrent est d’une certaine façon utile à la levée des fonds internationaux, les chiffres font également apparaître le risque d’un effet de substitution entre les dépenses, ce qui pourrait annihiler les investissements dans d’autres domaines du développement humain.5
23Un deuxième problème, lié au précédent, a trait au risque de cloisonnement des investissements en santé. L’approche sécuritaire tend à mettre en concurrence des actions qui, pour certaines d’entre elles, nécessitent une approche transversale de la santé parce que les causes des maladies qu’elles traitent sont dans une large mesure complémentaires. Les effets pervers de cette tendance peuvent être décomposés selon trois angles. Tout d’abord une aide massive orientée vers les maladies transmissibles les plus médiatisées (le VIH et dans une moindre mesure le paludisme et la tuberculose) tend à favoriser les approches verticales de la santé dont on sait qu’elles ne permettent pas d’appréhender la santé dans sa nature multi déterminée. L’un des exemples les plus significatifs pourrait être la séparation des activités de lutte contre le VIH et de santé reproductive, alors que cette dernière (en particulier à travers les consultations prénatales) permet de contrôler de façon régulière, et pour un coût limité, les populations. Sous un deuxième angle, les carences institutionnelles des systèmes de santé, pourtant profondes, sont encore négligées dans la réflexion sur l’aide internationale. La capacité d’absorption d’une aide massive vers les maladies transmissibles dépend du bon fonctionnement des systèmes de santé qui, par nature, occupent une position transversale au sein des déterminants de la santé. La montée en puissance du secteur privé est une réalité qui s’est accompagnée, sans en être la seule responsable, d’une verticalisation des programmes de santé autour des pathologies considérées comme prioritaires. Cette verticalisation a renforcé la complexité de la gestion de l’aide par les Pouvoirs Publics impliqués dans la coordination des programmes verticaux, avec souvent une gestion de multiples programmes en parallèle, impliquant des processus de gestion souvent différents des processus nationaux et des risques de déstabilisation des systèmes de santé. L’influence croissante des acteurs non étatiques est-elle alors un facteur de désorganisation des acteurs publics qui pourrait avoir nui à l’efficacité du canal public de l’aide ? L’affectation d’une partie de l’aide à une meilleure performance organisationnelle peut être justifiée dans ce contexte. Enfin un troisième angle tient au fait que l’une des raisons majeures des faiblesses des politiques d’aide à la lutte contre le VIH réside précisément dans la prédominance d’une conception principalement verticale du problème qui a amené à traiter cette maladie indépendamment du contexte dans lequel vivent les populations touchées. Eileen Stillwaggon (2006) souligne à juste titre que l’infection par le VIH est influencée, comme de nombreuses autres maladies infectieuses, par les conditions de vie, l’environnement, l’accès aux services de santé adéquats, etc. Or les facteurs environnementaux et la situation de pauvreté des populations confrontées à l’épidémie ont été occultés au profit d’une interprétation accordant une place essentielle aux comportements à risque des populations. Nous considérons donc avec Eileen Stillwaggon que la reconnaissance du rôle central de l’environnement et de la pauvreté des conditions de vie devrait conduire à privilégier des approches plus transversales de l’aide à la santé.
24Enfin un troisième problème tient aux effets de domination engendrés par l’approche sécuritaire. Les stratégies de protection contre des risques extérieurs sont d’abord engagées par les pays qui ont les moyens d’instaurer des barrières à l’entrée de nature physique, économique (contrôles aux frontières sous toutes leurs formes) ou commerciale (négociations bilatérales avec les pays à risque sur les politiques préventives à mettre en œuvre, avec menace de représailles commerciales en cas de manquement). Cela renforce la stigmatisation dont ces pays « à risque » font l’objet et leur identification comme « maillons faibles » d’un système international de surveillance et de prévention. Pire encore, ces stratégies sous-estiment largement les externalités négatives allant cette fois des pays riches vers les pays pauvres. Les études menées sur la « charge mondiale de la maladie » (global burden of disease) concluaient dès les années 1990 que, si les maladies contagieuses touchent encore en priorité les pays en développement, les maladies non contagieuses, et liées principalement aux modes de vie des pays riches, frappent à leur tour les pays pauvres et intermédiaires à un rythme inquiétant (Murray et Lopez, 1996). Ainsi parmi les affections dont la charge augmente le plus au début du XXIe siècle figurent celles liées au tabac. Les pays pauvres ne bénéficient pas du même niveau de vie que les pays riches, mais ils en importent déjà les maladies.
25Sans remettre en cause la nécessaire poursuite de l’effort de financements en faveur de la lutte contre le VIH, il convient alors de s’interroger sur les risques d’une approche qui ferait un usage réducteur des notions de sécurité sanitaire et de biens publics mondiaux. Le risque majeur est celui d’une concurrence accrue entre les différentes « misères du monde », qui pourrait détourner les financements de certaines affections toujours mortelles dans les pays pauvres, par exemple les problèmes nutritionnels dont la part dans l’aide pour la santé apparaît limitée compte tenu de leur poids dans la charge de maladie. Cette concurrence dans la captation des fonds d’aide internationale n’est certes pas un phénomène nouveau. On peut cependant craindre que, dans le domaine de la santé, elle ne conduise à renforcer encore le pouvoir des acteurs, des pays ou encore des organisations de santé les mieux organisés. Se pose alors la question du bon usage de l’analyse coût-efficacité, qui se trouve être également au centre des critères d’attribution de l’aide.
2.2. Interprétations en termes de droits humains
26L’interprétation en termes de droits humains découle d’une approche à dominante éthique des biens publics mondiaux (cf. supra chapitre 1, section 1.1). La « conception maximaliste » (Hugon, 2003, p. 67) y est privilégiée et les mobiles d’actions ne sont pas l’intérêt individuel ou celui d’un État mais plutôt celui des valeurs de défense des droits fondamentaux (Hugon, 2013, p. 28).
27La lutte contre le VIH dans les pays pauvres (cf. encadré n° 7) constitue une bonne illustration des débats qui ont eu lieu sur la place des considérations éthiques dans les programmes d’aide.
Encadré n° 7. Le VIH en chiffres
En 2011, plus de 8 millions de personnes avaient accès à un traitement antirétroviral, soit une hausse de 20 % en un an seulement, entre 2010 et 2011. En 2011, 2,5 millions [2,2 millions–2,8 millions] de personnes ont été nouvellement infectées par le VIH, soit une baisse de 20 % depuis 2001. Près de 330 000 [280 000–380 000] enfants ont été nouvellement infectés par le VIH en 2011, – soit un recul de 24 % en deux ans seulement, entre 2009 et 2011. Environ 1,7 million de personnes [1,6 million–1,9 million] sont décédées de causes liées au sida en 2011, – soit une baisse de 24 % depuis le pic de 2005. En 2011, 34,2 millions [31,8 millions–35,9 millions] de personnes vivaient avec le VIH. Ce nombre record est imputable au traitement antirétroviral qui permet de vivre plus longtemps.
Le nombre de personnes ayant accès au traitement antirétroviral indispensable s’est accru. Les progrès les plus spectaculaires ont été enregistrés en Afrique subsaharienne où le pourcentage de personnes éligibles pour un traitement et en bénéficiant a augmenté de 19 % en 2010-2011, pour se situer à 56 % [53 %–60 %]. Cependant l’Afrique concentre la majorité des personnes vivant avec le VIH (cf. tableau n° 1). En Afrique subsaharienne, le VIH touche de façon disproportionnée la population féminine en particulier. Les personnes vivant avec le VIH y sont en majorité des femmes (61 %).
Source : ONUSIDA 2012
Tableau n° 1. Statistiques sur le VIH et le SIDA en novembre 2007
Région | Adultes (15 ans et plus) et enfants vivant avec les VIH | Adultes (15 ans et plus) et enfants nouvellement infectés par le VIH | Taux de prévalence chez les adultes (de 15 à 49 ans) (%) | Adultes (15 ans et plus) et enfants morts du SIDA | Nombre d’orphelins |
Afrique subsaharienne | 22,5 millions | 1,7 million | 5,0 | 1,6 million | 11,4 millions |
Monde | 33,2 millions | 2,5 millions | 0,8 | 2,1 millions | |
Part de l’Afrique | 68 % | 68 % | 76 % |
28Face à une maladie aux graves conséquences humaines et économiques, des analyses coût-efficacité ont été menées pour déterminer s’il fallait privilégier les dépenses de prévention ou les dépenses curatives. Quels sont les résultats de ces études ? Selon la synthèse de Andrew Creese et alii (2002), les interventions les plus efficaces pour leur coût sont, de façon générale, les dépenses de prévention. Les débats autour de ces résultats sont animés. Différents acteurs y ont pris part (organisations internationales, ONG, Pouvoirs Publics, chercheurs…). La question sous-jacente est de savoir s’il est, éthiquement, préférable d’appliquer les résultats de l’analyse coût-efficacité (priorité aux dépenses préventives) ou d’apporter secours aux personnes déjà touchées par la maladie.6 On peut dégager deux grandes interprétations des choix éthiques à opérer face à ce dilemme.
29D’un côté, on trouve les défenseurs d’un usage fort de l’analyse coût-efficacité qui estiment que, malgré ses imperfections, cette méthode demeure la seule apte à définir des solutions éthiquement justifiées. Par exemple, Joseph Brunet-Jailly (1999, 2004) estime injuste de ne pas fournir une césarienne aux patientes qui en ont besoin dans les pays pauvres, considérant que cette opération est moins coûteuse que les traitements contre le VIH, et particulièrement efficace (au sens médical du terme). Il observe que des fonds importants ont été débloqués pour le traitement des personnes infectées par le VIH, avec des résultats incertains, alors que ces fonds auraient pu être utilisés pour augmenter le nombre de césariennes et sauver ainsi de nombreuses vies.
30D’autres auteurs estiment au contraire que l’analyse coût-efficacité ne devrait pas être utilisée comme critère ultime de décisions relatives aux programmes de santé dans les pays pauvres. Ainsi Jean-Paul Moatti et alii (2003 p. 254) estiment que l’usage de l’analyse coût-efficacité doit être relativisé et ne pas servir de prétexte à un désengagement des gouvernements et des donateurs dans la lutte contre le VIH. Les auteurs prônent plutôt une priorité internationale donnée à l’accès aux antirétroviraux. Ces arguments sont également défendus par un certain nombre d’ONG de solidarité internationale et de défense des patients (Act Up, Care…), dont l’activisme en faveur de la lutte contre le VIH sida est reconnu.
2.2.1. L’approche par les droits, une version extensive du calcul économique en santé…
31Malgré leur apparente opposition, les deux approches précédentes se rejoignent sur un point : elles considèrent que le critère d’efficience ne peut être considéré seul et qu’il faut lui adjoindre des critères éthiques de décisions collectives. Cependant pour la première approche (celle qui défend l’analyse coût-efficacité comme critère ultime de décisions collectives), le calcul d’efficience contient en lui-même des fondements éthiques particuliers et suffisants. La spécificité de cette approche est de considérer que les moyens alloués aux programmes de santé sont donnés. En d’autres termes, l’analyse coût-efficacité raisonne ici à budget limité, ou pour le moins considère qu’il ne faut pas attendre une hypothétique augmentation des fonds pour agir en utilisant les ressources existantes selon un critère simple. Le droit à la santé y est défini dans les limites des ressources disponibles à un moment donné. Dans la seconde optique, on se rapproche au contraire d’une conception en termes de droit à la santé comme devant d’abord être défini indépendamment des ressources disponibles. C’est une version extensive du droit à la santé. Les droits humains ne devraient pas être considérés en fonction des ressources disponibles, ce sont les ressources qui devraient être adaptées aux besoins pour mettre en œuvre les droits humains.
32Le choix entre ces deux conceptions polaires des principes éthiques face aux maladies à grande diffusion est inséparable d’un débat plus théorique qui a opposé deux grandes traditions de philosophie morale (Dupuy, 1992, p. 107-125). Une première tradition, qualifiée de téléologique, a largement inspiré la doctrine utilitariste (faisant du maximum d’utilité du plus grand nombre un critère premier de choix collectif). Elle estime que le bien est absolument prioritaire par rapport au juste. Par exemple, dans le cas de la lutte contre une maladie infectieuse d’échelle mondiale telle que le VIH, le bien de tous, voire leur survie, peut justifier de sacrifier les droits de l’homme en violant la liberté de certains (comportements sexuels, métiers « à risque », etc.). Une seconde tradition, appelée déontologique, considère au contraire que le juste est absolument prioritaire par rapport au bien. Par exemple, la lutte contre le VIH ne justifierait pas moralement l’interdiction et la sanction juridique des pratiques considérées comme risquées. John Rawls (1971, p. 29-30) estime en effet que « chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice qui, même au nom du bien-être de l’ensemble de la société, ne peut être transgressée. Pour cette raison, la justice interdit que la perte de liberté de certains puisse être justifiée par l’obtention, par d’autres, d’un plus grand bien. Elle n’admet pas que les sacrifices imposés à un petit nombre puissent être compensés par l’augmentation des avantages dont jouit le plus grand nombre ». Ce débat est trop complexe pour être abordé plus avant dans le cadre de cet ouvrage mais il nous conduit cependant à deux réflexions. La première est que, même si la lutte contre le VIH peut être considérée comme un impératif éthique à l’échelle mondiale, et est généralement annoncée comme telle, elle est souvent conduite sans aucune réflexion sur la place respective des objectifs de protection du plus grand nombre et de respect des libertés de base. Les campagnes de sensibilisation pour le changement de comportements face au risque d’infection sont souvent empruntes de condescendance voire de violence à l’égard de sous-groupes de populations stigmatisés (personnes prostituées, populations reléguées dans les quartiers insalubres, etc.). Elles peuvent alors conduire à des effets exactement contraires à ceux qui sont recherchés, provoquant en effet des comportements de fuite, de repli ou de déviance des personnes stigmatisées par rapport à la norme que les autorités de santé instaurent. En fin de compte, une sérieuse réflexion reste à mener sur les effets contradictoires de politiques mondiales de lutte contre le VIH qui considèrent d’abord les populations pauvres comme des menaces potentielles dont il faudrait rectifier le comportement. De telles stratégies dénotent une profonde méconnaissance des populations concernées et une domination des logiques sécuritaires (cf. supra 2.1) sous couvert de grandes initiatives affichées comme généreuses.
33Une deuxième réflexion concerne le risque qu’un tel débat entre prédominance du bien ou du juste, malgré tout son intérêt théorique et politique, pourrait occulter la question centrale des moyens mobilisés pour la lutte mondiale contre les grandes maladies. À cet égard, les développements précédents montrent qu’il est possible de distinguer deux conceptions polaires. D’un côté, si l’on internalise le critère éthique dans un ratio coût-efficacité (ce que nous qualifierons de conception utilitariste), alors il conviendra de raisonner à budget donné et de voir si, une fois déterminée la « meilleure » allocation possible des fonds existants pour la santé (c’est-à-dire l’allocation permettant de sauver le plus grand nombre de vies à budget donné), des situations particulières (de populations ou groupes de populations) justifient des exceptions, des actions spécifiques. Dans cette première conception, la prise en compte du critère de justice est secondaire car la contrainte économique est posée comme paramètre de l’action. Cette dernière doit donc, avant toute autre chose, privilégier l’efficience (maximisation du ratio coût-efficacité) même si celle-ci peut conduire à bafouer les droits de sous-groupes de populations, à stigmatiser des groupes dits « à risque » ou encore à privilégier une approche « donor driven » (pilotée par l’offre) de l’aide, souvent fondée sur la mise en œuvre de techniques médicales dont l’efficacité n’a pas été éprouvée dans le contexte des régions les plus touchées par la maladie. L’acceptabilité sociale de cette aide n’est donc pas considérée comme une priorité, ce qui, paradoxalement, peut singulièrement restreindre son efficacité. De l’autre côté, si l’on retient une conception plus extensive ou inconditionnelle des droits humains, alors il est inévitable de chercher à définir, quelle que soit la procédure choisie, un « paquet » de droits parmi lesquels des droits à la santé peuvent être envisagés. Cette seconde approche, fondée sur une méta-norme (au sens où elle dépasse le critère d’efficience), insiste sur la priorité des droits humains pour tous et l’adaptation des ressources nécessaires. Cependant une telle conception ne considère pas que les moyens sont de facto disponibles. Elle n’est envisageable que si l’on peut débloquer les fonds nécessaires et/ou si une volonté existe pour engager ces ressources, ce qui ne semble être le cas que de façon irrégulière et imprévisible au sein des bailleurs de fonds et des pays riches.7 Elle n’est également envisageable que si les modèles qui ont dominé l’aide depuis les années 1990 sont véritablement rediscutés.
2.2.2. …nécessitant de rediscuter les modèles standards de l’aide et de sa gestion
34Ainsi il convient de questionner les procédures d’allocation de l’aide qui ont fait autorité sur le plan académique et qui ont imprégné l’univers des bailleurs de fonds. Ces dernières se fondent sur une théorie du choix rationnel qui transcenderait tout et permettrait de prendre les « meilleures » décisions (souvent qualifiées d’optimales par ce courant). Il est nécessaire de souligner à cet égard le caractère performatif des modèles d’allocation optimale de l’aide construits à partir de la fin des années 1990 dans la mouvance des IBW : dans un premier temps, l’économie standard produit des modèles d’allocation optimale de l’aide mettant en relation des variables supposées déterminantes (parmi lesquelles la « bonne gouvernance ») et une variable résultat, le plus souvent la croissance du PIB. Dans un second temps, ces travaux sont diffusés par les bailleurs de fonds dominants et imprègnent progressivement les esprits et les schémas des fonctionnaires internationaux et des consultants du développement. L’idée fait alors son chemin qu’il convient d’abord et avant tout de lutter contre la « mal gouvernance » qui gangrène les pays bénéficiaires de l’aide. Ce modèle de pensée se fonde largement sur les travaux de Collier et Dollar (2001), dont le succès tient pour partie au fait d’avoir intégré une préoccupation majeure des bailleurs de fonds depuis la fin des années 1990, à savoir l’efficacité de l’aide. Dans la mouvance de l’agenda de la « bonne gouvernance », Collier et Dollar proposaient en effet une procédure d’allocation de l’aide qui tient compte de l’effort fourni par le pays aidé en termes d’amélioration de l’environnement institutionnel et politique. Le modèle cherche ainsi à favoriser les pays qui appliqueraient les politiques les plus favorables à une « bonne » utilisation de l’aide (en d’autres termes les plus favorables à un bon rapport efficacité-coût de l’aide).
35Le consensus autour de cette approche tient en grande partie au fait qu’il est difficile de nier les défaillances institutionnelles (en particulier celles des États) dans les pays pauvres et qu’en conséquence des incitations à un meilleur usage de l’aide devraient améliorer les résultats obtenus sur le développement humain des populations. Néanmoins le trait le plus marquant de cette approche est qu’en s’attaquant à une question cruciale dans les pays pauvres faisant largement consensus, celle des défaillances des États, elle débouche dans bien des cas sur un anti-Étatisme caricatural et occulte presque totalement d’autres explications tout aussi importantes. À cet effet, les modèles macroéconomiques sur la procédure optimale d’allocation de l’aide ne sont qu’une première étape de l’imprégnation des esprits parmi les acteurs de l’aide. La seconde étape est portée par le modèle du « new public management » qui consiste à introduire dans le secteur public des techniques de gestion initialement dédiées au secteur privé lucratif (cf. encadré n° 8).
Encadré n° 8. Les caractéristiques du « new public management »
« Il repose sur trois étapes, mises en exergue par Philippe Bezès (2009) : (i) la mise en place d’un modèle de contrôle par la production et le traitement d’informations matérialisées dans des instruments de gestion qualitatifs et quantitatifs (objectifs/indicateurs/cibles) ; (ii) l’exigence de mesure de résultats de l’action publique par le biais des 3 E, dorénavant sous l’appellation, par les réformateurs, de “logique de performance” ; et (iii) la délégation des choix budgétaires et le renforcement supposé de l’autonomie pour les gestionnaires et les chefs de programmes, par le biais d’enveloppes budgétaires globales » (Jany-Catrice, 2012, p. 107-108). Les 3 E, introduits par Daniel Esty et Michael Porter (2005), font référence au triptyque « economy, efficiency, effectiveness » ususellement appliqué aux services. Ils ont été ensuite largement diffusés dans les services publics sous l’influence de la logique de performance et de l’obligation de résultats. Les 3 E participent ainsi, avec la notion de « quasi-marché », à la banalisation des services publics que les tenants de la « bonne gouvernance » considèrent comme des activités de production de services plutôt que comme des fonctions tutélaires de l’État.
36Ainsi la mise en œuvre des critères d’allocation optimale de l’aide fondée sur la « bonne gouvernance » et sa déclinaison concrète dans le « new public management » imposé aux États constitue un virage doctrinal majeur des années 2000. C’est l’efficacité qui est privilégiée au détriment d’autres valeurs comme les droits humains et la lutte contre les inégalités. Au passage, les Pouvoirs Publics qui n’atteignent pas les objectifs sont stigmatisés et rendus responsables de tous les maux. Une objection majeure est pourtant opposable à cette approche. De nombreuses situations de pauvreté sanitaire ne sont qu’indirectement liées à la « mal gouvernance » dont feraient preuve les gouvernements. Mettre en évidence la mauvaise gestion des affaires publiques et ses conséquences sur l’état de santé des populations est, certes, incontestable, mais n’épuise pas le débat sur les causes de la stagnation des indicateurs de santé dans les pays pauvres. La santé dépend largement d’un certain nombre de déterminants que l’on peut qualifier de handicaps propres à certains pays, de circonstances défavorables ou de facteurs externes : pour ne citer que quelques exemples, une économie ne bénéficiant pas d’une spécialisation avantageuse dans les échanges internationaux, des contraintes climatiques et naturelles sévères, une position géographique enclavée, des guerres internes résultant des déplacements de populations en provenance de pays limitrophes, les conséquences de la colonisation sur la cohésion nationale, constituent autant de caractéristiques difficiles à compenser, même par une politique publique éclairée et responsable.
37Comme le soulignent Denis Cogneau et Jean-David Naudet (2007), si l’approche de Paul Collier et David Dollar ne permet pas de traiter avec justice de tels handicaps, à l’inverse, une piste a été ouverte par les conceptions postwelfaristes initiées par John Rawls et prolongées, parfois de façon critique, par Amartya Sen : ces conceptions considèrent en effet qu’un équilibre est nécessaire entre le principe de récompense naturelle et celui de compensation des inégalités illégitimes, dont font partie les handicaps précédemment cités. Si la récompense de l’effort de « bonne gouvernance » est bien présente dans la procédure de Collier et Dollar, à travers la qualité des institutions et des politiques (notion particulièrement ambiguë comme le montrent les Worldwilde Governance Indicators de la Banque Mondiale, cf. supra 1.1), en revanche la compensation des handicaps en est absente. Certaines situations nationales résultent de la malchance ou des inégalités structurelles et font porter sur les individus une situation de pauvreté dont ils ne sont pas initialement responsables. À l’extrême, on peut imaginer qu’une situation de vulnérabilité généralisée de l’état de santé à l’échelle d’un pays jouera négativement sur la capacité de ce pays à utiliser l’aide de façon efficace, rendant nécessaire de ne pas négliger les inégalités illégitimes dans les critères d’attribution de l’aide à la santé. Cependant les travaux postwelfaristes, malgré le dépassement qu’ils proposent du modèle de Collier et Dollar et de ses raffinements, ne constituent pas un cadre d’analyse suffisant pour mettre en relief les rapports de force qui structurent la santé à l’échelle mondiale. Il convient alors de proposer une approche d’économie politique internationale de la santé. Celle-ci sera esquissée dans le dernier chapitre de cet ouvrage.
2.2.3. Les limites de mise en œuvre de l’approche par les droits
38L’approche en termes de droits humains a connu un certain regain d’influence depuis les années 2000, après 20 ans d’ajustement structurel aux effets sociaux dévastateurs (cf. encadré n° 9).
Encadré n° 9. Les effets sociaux des plans d’ajustement structurel
Eric Berr et François Combarnous (2005), résument bien ces effets. Selon ces auteurs, « […] L’austérité budgétaire qui a été imposée uniformément aux PED se traduit la plupart du temps par une réduction drastique des dépenses sociales (éducation, santé, logement, infrastructures) qui ne sont pas rentables à court terme […]. À cela s’ajoutent des licenciements de fonctionnaires et le gel — voire la réduction — des salaires. Du côté des recettes, la politique fiscale favorise, selon le credo libéral, les couches les plus aisées de la population afin qu’elles puissent constituer l’épargne nécessaire au financement des investissements productifs. Mais cette stratégie du “ruissellement” (trickle down effect), selon laquelle toute dépense en faveur des riches finira bien par profiter aux pauvres, a montré ses limites puisque la pauvreté et les inégalités ne cessent de s’accroître depuis 1980 en de nombreux endroits de la planète. Dans les faits, cette orientation libérale appauvrit un peu plus les classes sociales défavorisées et permet aux classes aisées, grâce à la libéralisation des mouvements de capitaux, de placer leur épargne à l’étranger, renforçant ainsi la dépendance financière des États du Sud. De plus, les privatisations imposées, si elles permettent de réduire le déficit budgétaire, participent à la re-colonisation économique des PED. De manière globale, le consensus de Washington oblige les PED à mener des politiques pro-cycliques qui ne font qu’aggraver leur situation. »
39L’un des leviers mis en avant par les tenants d’une promotion des droits humains est celui de la gratuité des soins, initialement porté par l’OMS et l’UNICEF en 1978 dans le programme de « santé pour tous en l’an 2000 », mis à mal par les plans d’ajustement et les programmes de rationalisation appliqués à la santé. L’exemption du paiement de certains soins essentiels pour les personnes pauvres ou des catégories ciblées de patients (femmes enceintes, enfants, personnes âgées, etc.) a été réaffirmée à la fin des années 2000 comme une voie importante de renforcement de l’équité des systèmes de santé.
40Pourtant la mise en œuvre de la gratuité n’est pas sans soulever des difficultés tenant aux défaillances du cadre institutionnel et des stratégies d’ensemble portant sur le système de santé. De récents travaux mettent en évidence que la mise en place isolée de l’instrument d’exemption ne modifie pas structurellement les conditions globales d’accès à une meilleure santé même si elle rend des services aux populations concernées. Sans modification des objectifs globaux et des cadres institutionnels (Ridde, Queille, Kafando, 2012), sans réformes globales du système de santé portant sur le refinancement durable des services de santé, l’amélioration de leur qualité et de leur capacité de réponse à une demande croissante (Meessen, Gilson, Tibouti, 2011), les effets des politiques d’exemption de paiement demeurent limités.
41Ainsi la gratuité de la santé ne peut améliorer la santé des plus pauvres (cf. encadré n° 10 pour une présentation de la notion de pauvreté) que si les systèmes de santé sont à même d’absorber la demande insolvable. On observe alors paradoxalement que la gratuité peut renforcer les inégalités dans la qualité des soins proposés aux patients, dans un contexte où les prestataires de santé sont tiraillés entre l’éthique professionnelle (soigner chacun selon ses besoins) et les motivations économiques (soigner selon les capacités financières des patients).
Encadré n° 10. La pauvreté : définitions et mesures
La notion de pauvreté continue d’engendrer de nombreux débats, notamment sur l’approche à privilégier (pauvreté monétaire ou non monétaire), le caractère subjectif ou objectif de la pauvreté ou encore les indicateurs à retenir. Nicolas Sirven (2007, p. 11-12 propose quelques éclairages : « L’approche dominante en économie (dite utilitariste ou welfariste) propose, à l’échelle individuelle, d’évaluer les niveaux de bien-être à partir des principaux arguments de la fonction d’utilité, i.e. la consommation ou le revenu. Toutefois, les raisons pratiques dans les PED amènent à retenir plus souvent le montant des dépenses de consommation que l’évaluation du revenu courant. En effet, le revenu est susceptible de fluctuer de manière importante suite à des chocs externes (perte d’un emploi, mauvaises récoltes, etc.), alors que le niveau de consommation reste néanmoins stable, ne serait-ce que pour assurer la survie alimentaire des agents (effet de consumption smoothing). L’approche non welfariste de la pauvreté reconnaît que la pauvreté est un phénomène multidimensionnel plutôt que strictement monétaire. Les travaux de l’Organisation Internationale du Travail sur les besoins essentiels (Basic needs) ont ouvert la voie aux indicateurs de qualité matérielle de la vie (Morris, 1979). Dès 1990 le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) propose, sous l’influence d’A. Sen, un Indice de développement humain (IDH) calculé sur la base d’une moyenne annuelle dans trois domaines : la longévité (espérance de vie à la naissance), le savoir (taux d’alphabétisation des adultes et taux de scolarisation) et le niveau de vie (PIB par tête en dollar international et parité des pouvoirs d’achat). Au niveau microéconomique, l’intérêt s’est porté sur des variables disponibles au niveau du ménage – telles que les niveaux d’éducation et de santé, les conditions d’habitat, les actifs dont disposent les individus ou la qualité de leurs relations sociales Une fois l’indicateur de bien-être monétaire spécifié, la procédure d’identification consiste à fixer une ligne – ou un seuil – de pauvreté qui séparera les agents en deux catégories suivant qu’ils sont pauvres ou non. […] A priori, deux approches sont envisageables suivant que l’on s’intéresse à la pauvreté objective ou subjective, mais, en général, la première est la plus couramment utilisée. L’approche objective permet, en outre, de déterminer deux seuils de pauvreté, l’un absolu et l’autre relatif. […] L’un des atouts principaux de l’approche de la pauvreté relative est certainement qu’elle est la plus facile à mettre en œuvre. En effet, il s’agit de fixer une ligne de pauvreté équivalente à une proportion déterminée, par exemple les 50 pour cent du revenu médian. […] Une ligne de pauvreté relative semble particulièrement bien adaptée dans les pays développés, où la plupart des études empiriques montrent que les seuils de pauvreté – en termes réels – tendent à s’élever avec la croissance de la consommation. Mais, d’après Martin Ravallion (1992), cette évolution est très faible dans les pays les plus pauvres, de sorte qu’une ligne de pauvreté absolue – où la ligne de pauvreté est indépendante du niveau de vie – semble plus appropriée pour l’analyse des conditions de vie dans les PED. Les insuffisances de la ligne de pauvreté relative sont particulièrement problématiques pour les PED, c’est pourquoi on préfère dans ce cadre utiliser une ligne de pauvreté absolue. […] La méthode la plus couramment utilisée pour déterminer une ligne de pauvreté absolue consiste à évaluer le coût des besoins de base (Bidani et Ravallion, 1994). Le caractère absolu de cette méthode tient en ce qu’une partie de la ligne fait référence au niveau minimum de consommation nécessaire à la survie biologique d’un individu. Par ailleurs, elle se base sur la composition d’un panier de biens typiquement consommé par la population enquêtée, et sur un système de prix locaux. Par conséquent, cette ligne de pauvreté – contrairement à un seuil relatif – tient compte des habitudes de consommation, des différences de prix, de la disponibilité des biens, etc., propres à chaque zone étudiée. Au niveau macroéconomique, la ligne de pauvreté absolue est utilisée parce que les comparaisons internationales de pauvreté imposent de se baser sur un seuil commun (en général, un dollar US en parité de pouvoir d’achat). Toutefois, le choix d’un ou de deux dollars par jour et par personne est arbitraire et ne reflète pas les habitudes de consommation des individus ; la seule information spécifique aux pays est fournie par les parités de pouvoir d’achat.
Notons qu’il existe une troisième manière de déterminer un seuil de pauvreté. En guise d’alternative à l’approche absolue de la pauvreté, on peut vouloir faire appel au sentiment qu’ont les individus sur leur niveau de vie. Il s’agit de mesurer une ligne de pauvreté subjective commune à tous les agents (ou seuil de Leyde) à partir des jugements individuels que fait chacun d’entre eux sur le montant minimum de revenu ou de consommation qu’ils considèrent comme acceptable (Frijters & Van Praag, 1999). L’intérêt de cette méthode subjective va croissant dans la littérature et il est important de souligner que des études récentes ont appliqué cette méthodologie subjective à la mesure de la pauvreté multidimensionnelle (Van Praag et alii, 2003). Au total, pauvreté monétaire et multidimensionnelle partagent les dimensions relatives et subjectives. La pauvreté absolue, en revanche, est uniquement d’ordre monétaire. »
Source : extrait de Nicolas Sirven (2007), p. 11-12
42Les conditions d’efficacité des politiques de gratuité mettent en lumière le caractère souvent incantatoire des approches par les droits humains. Les inégalités socioéconomiques structurelles y sont paradoxalement négligées ou considérées comme un cadre qu’il faudrait corriger par l’instauration de droits qui, en réalité, sont déjà inscrits dans la plupart des textes institutionnels mais peu appliqués. Amartya Sen (1981) distingue à cet égard les droits formels (tels que ceux édictés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ou dans les conventions internationales de l’ONU) des droits réels (la possibilité pour chacun d’exercer réellement ses droits). En santé, le programme de « Santé pour tous en l’an 2000 », lancé par l’OMS et l’UNICEF en 1978, pose des droits formels sans toutefois permettre l’exercice de ces droits. En effet les contraintes économiques des populations soumises à la crise économique et aux plans d’ajustement structurel ont bloqué le processus de mise en œuvre de ces droits. L’opérationnalité de l’approche par les droits est donc limitée et le processus de réduction des inégalités n’y est pas traité, laissant le champ libre à l’approche par la « bonne gouvernance » qui pourtant ne constitue ni une stratégie de santé publique ni une politique de réduction des inégalités.
2.3. Interprétations en termes de quasi-marché et de contrat gagnant-gagnant
43Les quinze dernières années ont été marquées par la promotion d’approches partenariales au niveau des acteurs, souvent présentées comme des solutions aux limites des interventions globales. Dans la conception en termes de « bonne gouvernance », cette approche se décline comme un jeu d’acteurs stratégiques qui coopèrent par intérêt.
2.3.1 Le cadre théorique des approches contractuelles
44La santé a été traversée, en tant qu’activité économique, par des débats relatifs au mode de régulation pertinent. Les approches étatiques et centralisatrices des années 1960 et 1970 et les conceptions néolibérales des années 1980 et 1990 ont été suivies plus récemment par des tentatives de dépassement de l’opposition entre ces deux modèles. D’une certaine façon, la nouvelle rhétorique internationale autour de la notion de « bonne gouvernance » traduit cette recherche de mécanismes nouveaux de coopération entre les acteurs.
45Les partenariats multi-partites participent à ces dispositifs émergents. Ils peuvent être définis de plusieurs façons. Pour Anne Mills (2002), ils consistent à réunir des fonds, des compétences et de l’expertise en recherche-développement des secteurs privé et public. Ces partenariats sont vus favorablement par l’OMS : selon Kent Buse et Amalia Waxman (2001), l’organisation estime « qu’ils permettent d’encourager les entreprises à assumer leur part de responsabilité dans les domaines du travail, des droits de l’Homme et de l’environnement ». L’ONU (United Nations Foundation, World Economic Forum, 2004, p. 4) y est également favorable et définit les véritables partenariats publics-privés comme comportant « des objectifs partagés ainsi que des ressources, risques et récompenses combinés. Ce sont des collaborations volontaires qui se construisent sur les forces et les compétences de chacun des partenaires, qui permettent une meilleure allocation des ressources et qui permettent d’atteindre des résultats bénéfiques sur une période durable ».
46La tonalité généralement très positive des positions tenues par les acteurs de l’aide est en partie liée aux réflexions théoriques qui fondent les partenariats multi-acteurs. On peut en effet trouver dans deux mouvances de recherche des analyses débouchant sur des préconisations en termes de coopération entre acteurs.
47Le premier groupe de travaux réunit des approches assez diverses autour de la notion de « bien commun ». Ainsi dans le domaine spécifique des entreprises du médicament,8 Maurice Cassier et Benjamin Coriat (2008, p. 201) évoquent la résurgence du thème des « communs » face aux limites des ADPIC en termes d’accès aux médicaments.9 Ils citent les juristes (en particulier Heller et Eisenberg, 1998) ayant formulé l’hypothèse d’une « tragédie des anticommuns » qui naîtrait « non plus de l’usage sans frein des “domaines communs”, mais de la superposition et de l’enchevêtrement des droits exclusifs sur des parcelles de savoirs et de technologies de plus en plus étroites ». L’excès de droits exclusifs sur la propriété intellectuelle générerait en effet des difficultés tant de production que de diffusion des idées. Certains juristes, tels que Pierre Breesé (2002), proposent alors des « nouveaux types de droits partagés » c’est-à-dire des brevets collectifs qui permettraient de dépasser les freins à l’innovation. Maurice Cassier (2006) qualifie ces dispositifs émergents de « communs intellectuels » qui pourraient, dans le domaine de la santé, prendre la forme de consortiums multi-partites dans la recherche médicale.
48Le second groupe de travaux s’intéresse à la notion de « responsabilité sociale de l’entreprise » (RSE).10 Michel Capron et Françoise Quairel-Lanoizelée (2007, p. 10) définissent la RSE comme « l’ensemble des discours et des actes concernant l’attention portée par les entreprises à l’égard de leurs impacts sur l’environnement et la société ». Deux grandes approches de la RSE peuvent alors être distinguées. L’approche anglo-saxonne envisage la RSE comme un engagement volontaire, à partir de l’idée que l’on peut faire confiance au marché pour réguler ces démarches volontaires ; l’approche latine interprète la RSE comme une obligation qui repose sur des réglementations publiques.
49On trouve une filiation anglo-saxonne certaine dans les partenariats multi-acteurs préconisés par les institutions internationales. Elle se décline à travers les « parties prenantes » (stakeholders) de l’organisation et l’argumentaire « gagnant-gagnant » (chaque acteur aurait intérêt à coopérer), conception devenue dominante pour appréhender les responsabilités des firmes en général, et en particulier celles des firmes pharmaceutiques. L’approche « gagnant-gagnant » demeure cependant un cadre normatif plus incantatoire que scientifiquement fondé. Elle jouit d’une faveur certaine dans le monde de l’entreprise mais, en dehors des monographies menées sur des cas précis, ne s’appuie pas sur des vérifications empiriques larges. En outre elle présente une vision non conflictuelle des relations entre les entreprises et leurs « parties prenantes », vision qui, comme nous l’avons souligné plus haut (section 1.2.1 supra) se heurte à une réalité qui, au contraire, fait apparaître des rapports de force déséquilibrés.11
2.3.2 L’éthique des contrats et ses limites
50Malgré sa fragilité théorique et empirique, l’argumentaire « gagnant-gagnant » est entré dans les discours des organisations internationales dominantes, à travers l’idée d’une amélioration de la « gouvernance » fondée sur la participation de différents acteurs.12 Pourtant l’intégration des différents acteurs dans une logique plus coopérative fait encore l’objet de débats intenses. À titre d’exemple, pour le domaine de la cession des brevets pharmaceutiques en faveur des pays pauvres, Maurice Cassier et Benjamin Coriat (2008, p. 207) évoquent les réserves des économistes concernant la viabilité de l’intégration des logiques industrielles (dont l’objectif est l’appropriation d’une rente) et des logiques académiques (œuvrant pour la divulgation des connaissances). Malgré ces réserves, les termes de « biens communs » et de « RSE » ont contribué à initier des logiques coopératives entre les firmes et les acteurs non marchands de la santé.
51Le développement de logiques a priori plus partenariales entre les firmes et les acteurs locaux et internationaux répond-il aux enjeux majeurs de l’accès aux médicaments dans les pays pauvres ? Les contrats se fondent sur une éthique de l’interaction vertueuse entre partenaires, elle-même largement dépendante du caractère supposé « gagnant-gagnant » du contrat. Ce qui est bien pour les partenaires serait bien pour la santé des populations. Pourtant même si l’on ne peut nier que les partenariats peuvent présenter des résultats chiffrés significatifs en termes de production de médicaments,13 ils soulèvent un certain nombre de questions concernant leur impact à long terme. Tout d’abord ils n’ont pas vocation à traiter les problèmes de déficiences institutionnelles des pays pauvres (organisation du circuit du médicament, manque de personnels de santé et d’infrastructures, etc.) car ils opèrent à un niveau micro ou méso-économique et se limitent à des contrats entre acteurs, sans grille d’analyse des contraintes spécifiques à chaque pays. Ensuite ils demeurent des initiatives dont l’impact sur la santé à long terme est loin d’être garanti dans la mesure où leurs objectifs se limitent généralement à fournir des techniques ou des traitements sans réelle prise en compte du caractère multidéterminé de la santé. On touche ici à un problème plus fondamental de l’approche sous-jacente à ces partenariats.
52Comme l’a montré Mamadou Barry (2012b), la montée en puissance des partenariats pour la santé (comme dans d’autres domaines) est largement fondée sur la « gestion axée sur les résultats ». Cette dernière expression est omniprésente dans les déclarations des principaux bailleurs de fonds à partir des années 2000 et elle se traduit par l’instauration d’un ordre du « new public management » dans le champ de la santé (cf. supra section 2.2.2). Elle est en particulier considérée comme le nouveau modèle pertinent de gestion de l’aide à partir de la Déclaration de Paris (2005). La gestion axée sur les résultats est en réalité empruntée au domaine de la gestion d’entreprise et imprègne les administrations publiques à partir des années 1990 (encadré n° 11).
Encadré n° 11. La gestion axée sur les résultats, nouveau modèle de gestion de l’aide
Inséparable du « new public management » par la culture de la performance qu’elle sous-tend, la gestion axée sur les résultats est considérée par les principaux acteurs de l’aide comme l’outil central des objectifs d’efficacité. Ainsi le Collectif d’Échanges pour la Technologie Appropriée (COTA, 2007, p. 3), indique que « selon le PNUD, la GAR est “une stratégie ou méthode de gestion appliquée par une organisation pour veiller à ce que ses procédures, produits et services contribuent à la réalisation de résultats clairement définis. La GAR offre un cadre cohérent de planification et de gestion stratégique en améliorant l’apprentissage et la responsabilité. Il s’agit aussi d’une vaste stratégie de gestion visant à apporter d’importants changements dans le mode de fonctionnement des organismes, l’accent étant mis sur l’amélioration de la performance et la réalisation de résultats. Ceci passe par la définition de résultats réalistes, le suivi du progrès dans la réalisation des résultats escomptés, l’intégration des enseignements tirés dans les décisions de gestion et la communication d’information au sujet de la performance.” » (http://web.undp.org/evaluation/). On retrouve l’apologie de la gestion axée sur les résultats dans la Déclaration de Paris de 2005, selon laquelle « axer la gestion sur les résultats signifie gérer et mettre en œuvre l’aide en se concentrant sur les résultats souhaités et en utilisant les données disponibles en vue d’améliorer le processus de décision. » (COTA, 2007, p. 3)
53Le triptyque constitué par la théorie des parties prenantes, les partenariats multi-partites et la gestion axée sur les résultats (outil au cœur du « new public management ») constitue ainsi le cœur d’une approche standardisée de l’aide à la santé depuis les années 2000. Chaque élément du triptyque joue un rôle complémentaire aux deux autres éléments. La théorie des parties prenantes apporte aux partenariats multi-partites un cadre théorique fondé sur l’hypothèse que les conflits d’intérêt entre les acteurs peuvent être réglés par la simple recherche rationnelle de l’intérêt de chacun. Dans la mesure où les agents sont supposés mus par la recherche de gains mutuels, tout serait mis en œuvre pour que chacun trouve son compte dans le partenariat. La gestion basée sur les résultats explique, quant à elle, de quelle façon il est possible de définir des objectifs de façon rationnelle. Or ce paradigme objectiviste (Barry, 2013, p. 350) est particulièrement inadapté pour prendre en compte la diversité des valeurs et des interprétations que les différents acteurs portent sur la santé mondiale. Ainsi il semble particulièrement illusoire de vouloir combiner une politique d’aide à la santé où se côtoieraient dans un même projet les tenants de la lutte contre les grandes épidémies, vues comme des menaces mondiales, et les ONG travaillant au quotidien dans les villages reculés d’Afrique de l’Ouest où l’essentiel des besoins porte sur le suivi de la grossesse, le traitement des diarrhées, la malnutrition en période de sécheresse, etc.
Conclusion
54Il existe un paradoxe dans le domaine de la coopération internationale pour la santé, en particulier dans l’aide consacrée aux pays pauvres. Si l’éthique est implicitement omniprésente et consubstantielle à la coopération, il est pourtant très difficile d’identifier des pratiques qui relèveraient d’une éthique homogène. Certes, les travaux sur les BPM et sur les droits humains fournissent un premier cadre conceptuel. Certains modèles d’aide au développement (Cogneau, Naudet, 2007) ont ainsi pu s’inspirer d’une conception de l’aide fondée sur les droits exprimés en termes de capabilities (Sen, 1985, 1999a). Ces modèles ne font qu’ébaucher les contours d’une éthique de l’aide. Les critères éthiques de l’aide à la santé demeurent largement ambigus, y compris à travers les notions qui les portent (BPM et droits humains en particulier) et les dispositifs qui s’y rattachent (participation, partenariats), souvent emprunts d’ambiguïté, parfois de naïveté, et susceptibles de reproduire in fine les inégalités. L’éthique de l’aide à la santé reste largement à construire et la coexistence de modèles foncièrement différents de la santé comme BPM est un élément explicatif clé de l’hétérogénéité des conceptions à l’œuvre.
Notes de bas de page
1 Nous ne faisons pas ici référence à la première période d’existence des IBW, mais plutôt au virage idéologique néolibéral pris par ces deux institutions à partir des années 1980 et qui se traduit, pour les pays pauvres, par les plans d’ajustement structurel. L’échec des plans d’ajustement structurel débouche graduellement, au milieu des années 1990, sur une critique interne et sur l’agenda de la « bonne gouvernance » qui ne remet pas en cause fondamentalement le dogme standard tout en ouvrant les IBW à une évolution de leur paradigme.
2 Les DSRP constituent, depuis le lancement de l’IPPTE, les documents de référence que les pays souhaitant bénéficier d’un allégement de la dette doivent rédiger et soumettre aux bailleurs de fonds. Ils sont fondés sur la définition d’un Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP).
3 Nous entendons la santé communautaire comme un ensemble de pratiques de santé qui ont pour principe de mettre les communautés de patients au centre de l’organisation des systèmes de santé. Une telle logique peut reposer sur des dispositifs de décentralisation des structures de santé et de participation des populations au processus décisionnel.
4 Cet effet est examiné plus en détail dans le chapitre 4.
5 Ces craintes sont partagées par d’autres auteurs. Jacky Mathonnat (2005, p. 170-171) se demande si « l’aide affectée à la lutte contre les maladies transmissibles sera additionnelle ou substituable aux autres ressources extérieures et intérieures ». Agnès Soucat (2005, p. 177) estime que « les affections maternelles et périnatales tout comme les carences nutritionnelles ne relèvent pas des stratégies spécifiques de lutte contre les maladies transmissibles mais représentent pourtant une part significative de la charge de maladies supportée ». Elle ajoute que l’argument selon lequel la lutte prioritaire contre le sida et la tuberculose serait justifié par l’impact de ces maladies sur le capital humain est tout autant valable pour les affections maternelles, les accidents de la route, les décès liés au tabagisme, etc. Roger England (2007, p. 344) rappelle enfin que les interventions de lutte contre le sida ne sont pas aussi coût-efficaces que d’autres actions de santé, visant par exemple les accidents de circulation, les maladies infantiles, la tuberculose.
6 Au cœur de ce débat se trouvent les critiques apportées à l’encontre de la Banque Mondiale dans les années 1990, cette institution ayant défendu une approche préventive et été accusée de sacrifier les personnes malades ou porteuses du VIH.
7 En témoignent les difficultés rencontrées, au tournant des années 2010, par le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose pour lever les fonds.
8 Les entreprises pharmaceutiques sont en première ligne dans les débats sur l’intérêt des approches partenariales. Cependant les partenariats peuvent concerner des entreprises d’autres secteurs à partir du moment où celles-ci sont impliquées dans des programmes ayant un impact attendu sur la santé.
9 Il s’agit d’une référence implicite aux travaux d’Elinor Ostrom sur la gestion des biens communs dans le domaine des idées et de la création intellectuelle (Ostrom, 2010).
10 Le terme de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) recouvre un phénomène qui peut être défini d’un point de vue positif ou normatif : positif si l’on cherche à analyser la façon dont les acteurs économiques appréhendent leur responsabilité vis-à-vis de l’environnement et de la société, normatif si l’on prescrit des actions ou des méthodes de RSE.
11 Pour une approche critique des thèses sur la RSE portées par la théorie des parties prenantes, voir par exemple Nicolas Postel et Richard Sobel (2010) et Didier Cazal (2011).
12 World Bank (1994), Buse, Waxman (2001), United Nations Foundation and World Economic Forum (2004).
13 À titre d’exemples, dans le domaine de la recherche contre le paludisme, on peut citer le partenariat ASAQ entre le groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis et la DNDi (Drugs for Neglected Disease Initiative ou Initiative pour le développement de médicaments pour les maladies négligées) ainsi que le projet Coartem associant l’OMS et la firme Novartis (cf. Boidin, Lesaffre, 2010). Voir chapitre 5.
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