La bioéthique, un outil pour le dialogue entre la science et la société
p. 79-84
Texte intégral
Introduction
1Dans le cercle universitaire ainsi que dans les institutions, il n’y a pas de conception unifiée de ce qu’est l’éthique ou la bioéthique. On parle aussi bien d’éthique clinique, d’éthique de la recherche, de bioéthique ou d’éthique médicale. Cette pluralité de notions manifeste à elle seule qu’il n’y a pas une seule manière de comprendre les notions d’éthique ou de bioéthique.
2On perçoit assez clairement que l’on utilise ces termes pour signifier qu’il y a quelque de chose de problématique, pour désigner des questions épineuses qui ne font pas l’unanimité.
3Cette absence de définition claire et univoque de la bioéthique vaut aussi bien dans le domaine politique que dans les milieux académiques, dans les médias ou pour les autorités chargées d’adopter des réglementations. Cette situation est problématique dans la mesure où l’on ne cerne pas bien de quoi on parle, de quel type d’expertise et de quel type de formation on a besoin pour rencontrer ces questions. Il est vrai par ailleurs que cela permet une approche dynamique et évolutive de ces notions et des démarches qu’elles font naître.
4Dans la contribution initiale du Centre d’Éthique Médicale, on souligne la nécessité d’une approche créative de la bioéthique se concevant comme une démarche interdisciplinaire et intégrative, c’est-à-dire une démarche qui accompagne le développement des sciences et des techniques et ne se contente pas d’en évaluer les résultats.
La bioéthique et l’Union Européenne
5L’éthique et la bioéthique ne sont pas une compétence de l’Union Européenne. Dans ces domaines, s’applique le principe de subsidiarité qui veut que les états membres restent responsables des domaines qu’ils peuvent gérer efficacement alors que l’Union reçoit des pouvoirs dont les états membres ne peuvent pas s’acquitter de manière satisfaisante.
6On retrouve cependant la dimension bioéthique dans une série de textes comme ceux concernant les bonnes pratiques cliniques, la protection des individus au regard du traitement des données à caractère personnel, la propriété des produits médicinaux, les inventions bio-technologiques, les Organismes Génétiquement Modifiés…
7L’Union Européenne est néanmoins confrontée à ces questions à travers les compétences que lui accorde le Traité en matière de recherche (art. 163) et de santé publique (art. 152) mais, en principe, la régulation des questions éthiques restent la responsabilité individuelle des États membres, reflétant en cela la volonté de respecter le pluralisme et d’appliquer le principe de subsidiarité qui caractérise l’Union Européenne (UE).
8La Commission européenne connaît des questions éthiques ou bioéthiques à travers la politique de recherche et de développement qu’elle mène ainsi qu’à travers la recherche en éthique qu’elle promeut, notamment dans le sixième programme cadre.
La politique de recherche et de développement
9Dans le cadre de la stratégie européenne pour les sciences de la vie et les biotechnologies, la Commission, les États membres, les organisations et les institutions ont souhaité proposer un cadre pour les processus de dialogue entre les scientifiques, les citoyens et les politiques. Dans ce cadre, se marque une volonté d’intégrer les questions éthiques et sociétales non seulement dans la recherche, mais également dans les pratiques cliniques.
Les objectifs éthiques du plan d’action science et société
10Cette visée se marque tout d’abord par la volonté de promouvoir un dialogue et un échange d’informations entre les différents groupes éthiques au niveau local mais aussi au niveau international. Il s’agit par ce biais de rendre les chercheurs conscients des débats, des possibilités de formation ainsi que de l’existence d’un certain nombre de codes de conduites et, par là, de renforcer leur compréhension des questions éthiques et sociétales posées par la recherche scientifique et le développement technologique. Par ailleurs, on tente de promouvoir cette plus grande conscience des implications de la science et de la recherche pour la société à travers la mise en place d’actions spécifiques intégrant la dimension éthique dans l’infrastructure et la méthodologie de la recherche elle-même.
L’évaluation éthique des recherches
11Toute recherche menée dans le cadre des programmes européens doit répondre aux principes fondamentaux de l’éthique. Celles qui ne répondent pas à ces principes doivent être exclues de l’évaluation et de la sélection. Cette évaluation éthique est appliquée à toutes les recherches financées par l’Union Européenne qui impliquent des sujets humains, des tissus humains, l’information génétique, des données personnelles ou privées, des animaux. L’Union Européenne ne finance pas de recherche ayant pour but le clônage humain reproductif, la modification du matériel génétique transmis, la création d’embryons humains dans un seul but de recherche.
12Le nombre de propositions de recherches soumises à évaluation éthique a doublé en 2004, notamment dans de nouveaux domaines de recherche comme ceux de la recherche sur les cellules souches, les nanotechnologies, le traitement des informations génétiques, l’implantation de puces… dans lesquels la Commission souhaite ardemment que la dimension éthique soit prise en considération.
La recherche en éthique
13Dans le cadre du sixième programme cadre, la promotion de la recherche en éthique s’inscrit dans une volonté de mieux intégrer la réflexion éthique au développement de la science et des technologies et à leurs implications sociétales.
14Pour ce faire, la Commission souhaite promouvoir une démarche de recherche réellement interdisciplinaire, intégrée aux nouveaux champs de recherche, prenant en compte la dimension internationale de la recherche.
15L’idée est de pouvoir faire naître le questionnement éthique au sein même du développement des projets de recherche et de développement en lien avec les autres aspects sociétaux de ces projets, c’est-à-dire les dimensions juridique, économique, sociale et culturelle.
16Cela semble particulièrement important dans les nouveaux secteurs où la question de l’acceptabilité sociale des nouvelles technologies se pose avec acuité.
17Enfin, la Commission se veut particulièrement attentive à la dimension internationale du développement de la recherche. Pour que la dimension éthique soit réellement prise en compte, il faut être conscient du fait que la recherche se développe dans plusieurs pays à la fois et à l’initiative de groupes privés très mobiles. Il faut donc développer une approche globale de cette recherche, favorisant les capacités locales de développer un questionnement et de faire valoir leur point de vue sur les orientations et les conditions dans lesquelles se mènent la recherche. La Commission fait à cet égard un travail important en Afrique et en Asie du sud. Elle espère également pouvoir soutenir des projets impliquant l’Amérique du sud.
La bioéthique dans la gouvernance européenne
18L’éthique et la bioéthique sont considérées aujourd’hui comme parties intégrantes de la gouvernance de la recherche et de la pratique médicale.
19Comme nous l’avons souligné en introduction, il reste un certain flou concernant la bioéthique et la manière dont elle doit être mise en pratique.
L’importance de l’interdisciplinarité
20Si au niveau de la Commission européenne, on caractérise la bioéthique comme champ interdisciplinaire depuis le troisième programme cadre, cette interdisciplinarité est encore trop peu mise en pratique et particulièrement du point de vue d’une intégration forte entre le développement de la science et des techniques et de ses dimensions éthiques et sociétales. Or, à ce niveau, l’exigence interdisciplinaire est très forte puisqu’il s’agit réellement d’intégrer la démarche éthique au développement scientifique et technique.
21Il y a donc un réel besoin d’« éthiciens » ou de « bioéthiciens » qui puissent promouvoir cette interdisciplinarité dans les différents lieux où la dimension éthique doit être prise en compte. Les nouvelles générations sont déjà plus sensibilisées à ces notions d’interdisciplinarité et d’approche intégrative entre la science et la société. Néanmoins, il faudra du temps pour qu’une telle approche soit largement partagée.
Bioéthique et acceptabilité sociale de la Recherche et Développement
22La nécessité de prendre en considération l’impact des sciences et des techniques sur la société et les individus requiert une réflexion bioéthique. En effet, une manière de donner une légitimité à la recherche et à la technologie consiste à mener un débat sur les implications éthiques de ces nouveaux domaines de recherche. C’est à ce titre que la bioéthique prend place dans la volonté actuelle de l’Union Européenne de promouvoir le dialogue entre la science et la société. À cet égard, la Commission Européenne entend jouer un rôle de facilitateur.
Auteur
Unité Éthique et Science, Direction Générale de la Recherche, Commission Européenne
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Y-a-t-il (vraiment) des technologies de l’information ?
Nouvelle édition revue et corrigée
Yves Jeanneret
2011