La réception du corpus aristotélicien au XIXe siècle
p. 415-441
Texte intégral
1Le XIXe siècle marque une étape importante, pour le paléographe et l’historien de la tradition du texte, comme pour le philologue ou le philosophe, car l’édition des textes de l’Antiquité connaît un véritable renouveau, avec un essor considérable de la critique textuelle et de l’histoire de la tradition des textes. La remise en cause générale des vulgates imprimées est liée aux travaux de Lachmann1, qui s’inspirait lui-même des recommandations déjà émises au siècle précédent par Bentley2. Wolf3 a sorti la philologie de son statut ancillaire par rapport aux autres sciences, et les spécialistes des textes grecs sont devenus à la fois des experts des manuscrits et de la critique textuelle. Il a ouvert la voie à la philologie comme science historique, en donnant sa place à l’histoire du texte dans l’Antiquité4, et fondé la science de l’Antiquité, ou Altertumswissenschaft, qui rassemble toutes les disciplines particulières liées au monde antique. L’Allemagne5 a joué un rôle moteur en ce domaine au XIXe siècle : les Académies des Sciences y ont soutenu les grandes éditions de corpus, comme le Corpus Inscriptionum Graecorum de Boeckh et celui des inscriptions latines de Theodor Mommsen, le Corpus Medicorum Graecorum, ou encore les Doxographi graeci d’Hermann Diels qui ont été à la base des Epicurea d’Hermann Usener, des Fragmente der Vorsokratiker de Diels, des Stoicorum Veterum Fragmenta d’Hans von Arnim, et de la Geschichte der Griechischen Philosophie d’Eduard Zeller. August Meineke a édité les fragments des comiques, August Nauck ceux des tragiques. Et bien sûr, Immanuel Bekker a édité l’ensemble des écrits aristotéliciens. D’autre part, la littérature grecque a été enrichie par la découverte d’un grand nombre de papyri dans les sables d’Égypte, avec notamment une grande partie de la Constitution d’Athènes d’Aristote.
2Dans les pages qui suivent, nous nous intéresserons plus particulièrement aux éditions et aux traductions du texte aristotélicien qui ont été mises à la disposition du public au cours du XIXe siècle. Cette contribution à la réception d’Aristote reste perfectible, dans la mesure où je n’ai pas pu consulter bon nombre des ouvrages en question. Les tableaux bibliographiques présentés permettent néanmoins de voir quels traités aristotéliciens ont retenu l’attention des érudits, en fonction du pays d’appartenance6.
3Afin de mieux mesurer ce qui caractérise les travaux du XIXe siècle par rapport à Aristote, je rappelle d’abord sommairement l’histoire de la transmission de ce corpus depuis les manuscrits du Moyen Age. Puis une analyse des tableaux bibliographiques dégage les premiers éléments qui permettront de compléter ultérieurement l’histoire de la transmission de ce texte à l’époque moderne.
1. La tradition du texte aristotélicien
La tradition manuscrite
4Nous avons conservé peu de papyri des textes d’Aristote, mais nous possédons un millier de manuscrits grecs, dont on peut faire remonter le témoignage à la période byzantine. Des huit premiers siècles de notre ère nous est essentiellement parvenu le témoignage indirect des commentaires, édité dans les fameux Commentaria in Aristotelem graeca7, qui ont été transmis à la fin du Moyen Âge et dont certains remontent à l’Antiquité tardive. Nous avons ensuite des traductions arméniennes, syriennes, arabes, hébraïques et latines d’écrits aristotéliciens. Les seules traductions latines, dont les plus anciennes remontent à Boèce au VIe siècle, occupent environ 2200 manuscrits.
5Mais pour l’essentiel, notre connaissance du corpus repose sur le témoignage de manuscrits grecs conservés ou reconstituables qui ont été copiés à Constantinople durant ce que l’on a appelé la Renaissance de Photius ou le Second Hellénisme, au IXe siècle. Là est la source des premières « vulgates » en minuscule. En effet, cette période fut celle des « translittérations », c’est-à-dire de la transcription en écriture minuscule des textes jusque là copiés en onciale8. Ce travail de translittération a été fait à partir d’une « recension » des meilleurs manuscrits alors disponibles, à savoir leur collation et l’émendation du texte. Ce fut donc un véritable travail « éditorial », en ce sens qu’il a eu pour but d’établir un texte destiné à faire autorité, de produire l’exemplaire de référence déposé dans une grande bibliothèque où les érudits pouvaient soit en commander une copie, soit comparer et amender leur propre exemplaire.
6Dieter Harlfinger9 a montré que quatre grands ensembles de traités aristotéliciens (ou attribués par la tradition à Aristote) ont été distingués dans une série de manuscrits de la fin du XIVe siècle et du XVe siècle, à savoir les traités logiques, physico-métaphysiques, zoologiques et éthiques. Parmi ces quatre ensembles, les traités logiques, regroupés sous le titre d’Organon, ont été les plus copiés, puisque nous en possédons environ 140 manuscrits. Les traités physiques, quant à eux, ont été davantage copiés que les traités zoologiques, et à l’intérieur du dernier ensemble, l’Éthique à Nicomaque a été beaucoup plus copiée que la Politique. Si la Poétique semble être tombée dans l’oubli au cours de la période byzantine moyenne et tardive, elle a connu ensuite une renaissance avec l’intérêt manifesté pour la théorie de la poésie. Il en est de même pour les Mecanica, le De Lineis Insecabilibus, l’Éthique à Eudème, les Economica et la Rhétorique à Alexandre, dont les manuscrits les plus anciens que nous ayons conservés remontent seulement aux XIIe-XIVe siècles. On constate également que n’ont été ni commentés, ni paraphrasés, l’Éthique à Eudème, les Economica, la Rhétorique à Alexandre, les Problemata, les Mirabilia, les Magna moralia, le De spiritu, la Poétique, le De mundo, le De virtutibus et vitiis, le De Melisso Xenophane Gorgia, les Physiognomonica et le De ventis, parmi lesquels n’ont pas non plus été traduits en latin L’Éthique à Eudème (sauf le livre VIII 1-3), le De spiritu, les Mecanica, le De Melisso Xenophane Gorgia et le De ventis.
La tradition imprimée
7Les œuvres complètes d’Aristote ont été « éditées » au sens traditionnel, c’est-à-dire « imprimées », pour la première fois par Alde Manuce et Alexander Bondinus en 1495-1498 à Venise. Le premier volume présente l’Organon accompagné de l’Isagoge de Porphyre, le deuxième volume la Physique, le De caelo, le De generatione et corruptione, les Météorologiques, le De mundo et quelques écrits de Théophraste. Le volume III rassemble les écrits biologiques et psychologiques, ainsi que des traités pseudo-aristotéliciens (De spiritu, De coloribus, Physiognomica, De mirabilibus auscultationibus, De Melisso, Xenophane, Gorgia, De lineis insecabilibus) et quelques écrits de Théophraste ; le volume IV, les Problemata et les Mechanica du pseudo-Aristote, les traités botaniques de Théophraste, la Métaphysique d’Aristote suivie de celle de Théophraste ; le volume V, enfin, présente les Éthiques, la Politique, et les Oeconomica du pseudo-Aristote. En 1509 ont été ajoutées la Poétique et la Rhétorique.
Cette editio princeps, communément appelée l’Aldine, a été fidèlement reproduite (jusque dans ses fautes, pour la Métaphysique, selon Schwegler) d’abord par Désiré Erasme avec des corrections de Simon Grynäus. Ils ont fait de nouvelles consultations des manuscrits pour l’Organon, la Physique et quelques traités d’histoire naturelle, dans l’édition parue à Bâle en 1531, puis en 1539, et ils ont proposé de nouvelles conjectures de divers érudits dans leur édition de 1550 (c’est cette dernière que les introductions des éditions du XIXe siècle appellent l’editio basileensis tertia ou isingriniana, du nom de la maison d’édition).
Est parue ensuite en 1551-1553 la seconde Aldine, due à Giovanni Battista Camozzi, toujours à Venise (appelée Aldina minor ou camotiana).
F. Sylburg, dans son édition de Francfort en 1584-1587, a purgé cette nouvelle vulgate de ses fautes sans recourir aux manuscrits, mais en s’aidant de la traduction de Bessarion, et beaucoup de ses corrections coïncident avec des leçons de manuscrits qu’a fait connaître Bekker plus de deux siècles après. Il modifie aussi partiellement l’organisation du corpus, puisqu’il fait succéder la Rhétorique et la Poétique à l’Organon, renouant ainsi avec la conception néoplatonicienne qui, dès le VIe siècle de notre ère, avait pris l’habitude de considérer ces deux traités comme faisant partie des écrits logiques10 (cet ordre sera suivi par Buhle en 1792-1799 et par Bussemaker en 1848 ; c’est également celui qu’a suivi la tradition orientale au Moyen Âge).
L’édition de Sylburg a été reproduite à son tour, avec des variantes tirées d’autres traductions latines, et accompagnée d’une traduction latine, par Isaac Casaubon, à Lyon en 1590 (avec des rééditions en 1597, 1605 et 1607).
Le texte de Casaubon a été révisé et accompagné d’une nouvelle traduction latine par J. Pacius, à Francfort en 1597 (le tout sera réédité en 1605 et 1607) ; le texte de Casaubon a été de nouveau édité en France au XVIIe siècle, avec une nouvelle traduction latine, par G. du Val, à Paris en 1619 (avec des rééditions en 1629 et 1654) ; enfin, il a été réédité par J.T. Buhle entre 1791 et 1799 à Deux-Ponts et Francfort.
8Les incunables ont donc donné naissance à une nouvelle vulgate, dont l’autorité peut être expliquée sans doute par le travail de recension dont ils étaient issus, mais aussi tout simplement parce qu’ils étaient plus facilement accessibles que les manuscrits (un peu comme aujourd’hui, l’usage des CDRom pourrait avoir pour conséquence l’oubli, dans les rayons des bibliothèques, des ouvrages imprimés sur papier). Les nouvelles éditions reproduisaient l’editio princeps en lui apportant quelques corrections, dont on affirmait parfois qu’elles étaient appuyées sur le témoignage d’un manuscrit, mais sans identifier celui-ci ; il s’agissait plus souvent de conjectures savantes, autrement dit d’une emendatio fondée sur la divinatio.
9On observe alors, du début du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle, une longue interruption de l’édition des œuvres d’Aristote, période pendant laquelle les érudits ont consacré leurs efforts aux commentaires. Le souci premier restait de connaître l’Antiquité, plutôt que rechercher la pureté primitive de la production littéraire.
10Cette désaffection a touché non seulement l’édition globale du corpus aristotélicien, mais également celle des œuvres particulières. En effet, au XVIe siècle, la Métaphysique a été éditée par Joachim Perion à Paris en 1558 (avec une réédition en 1568), puis par le jésuite P. Fonseca, avec un commentaire, en 1577-1589 à Rome pour les deux premiers tomes, en 1604 à Cologne pour le troisième. Puis il faut attendre l’édition de C.A. Brandis, en 1823. Il en va de même pour l’Organon, qui ne sera de nouveau édité, après le début du XVIIe siècle, qu’en 1844-46 par T. Waitz, la Physique en 1854 par C. Prantl, le De anima par A. Torstrik en 1829, les Parva naturalia en 1823 par G.A. Becker.
11Il existe cependant quelques exceptions, comme l’Éthique à Nicomaque éditée par G. Wilkinson à Oxford en 1715 (mais pas l’Éthique à Eudème ni les Magna moralia), la Politique éditée en 1656 (puis en 1730) à Helmstedt par Coningius, et en 1776 à Leipzig par F.W. Reiz. La Rhétorique est éditée avec une traduction latine à Cambridge par W. Battie en 1728, traduite en français par Cassandre à Amsterdam en 1733 ; sa traduction en anglais par T. Hobbes est rééditée à Londres en 1759 ; le texte grec est encore édité par F.W. Reiz et C. Garve à Leipzig en 1772. Mais on notera surtout la présence de la Poétique éditée avec une traduction latine à Oxford par R. Chandler en 1760, à Leipzig par T.C. Harles en 1780, et à Cambridge par Cooke en 1785 ; éditée sans traduction par F.W. Reiz à Leipzig en 1786 ; traduite en latin par T. Goulston à Glasgow en 1745 ; en français par C. Batteaux à Paris en 1771 ; en anglais à Londres par un anonyme en 1775, puis par H.J. Pye en 1788 (qui l’augmente d’un commentaire en 1792) ; en castillan par A. Ordoñez das Seijas y Tobaì à Madrid en 1778 ; en néerlandais par M.C. Curtius à Amsterdam en 1780.
2. Le texte d’Aristote au XIXe siècle
12Le texte de la nouvelle vulgate d’Aristote, que l’on peut ramener en ultime analyse à l’Aldine, ne sera remis en cause, de façon générale, qu’au XIXe siècle. Le retour aux manuscrits a d’abord été le fait de C.A. Brandis11 en 1823 pour la Métaphysique et les travaux d’Adolph Torstrik sur la tradition manuscrite du De anima d’Aristote ont largement inspiré ceux de Paul Moraux au siècle suivant.
13Immanuel Bekker12 le premier, en 1831, a proposé une édition de l’ensemble du corpus reposant sur de nouvelles collations des 15 meilleurs manuscrits alors connus13. Le premier aussi, il a identifié par un ensemble de sigles les manuscrits dont il présente les variantes dans son apparat critique, et ce sont généralement ces mêmes sigles que nous utilisons encore aujourd’hui. Mais il faut inférer son jugement sur la tradition manuscrite à partir des choix que fait apparaître son apparat critique.
14Les entreprises de grande envergure concernant l’édition et la traduction de l’ensemble des traités aristotéliciens sont particulièrement impressionnantes en Allemagne, comme le montre le premier tableau, avec les éditions de Bekker (chez Reimer à Berlin), de Weise (chez Tauchnitz à Leipzig) et la collection Teubner, ainsi que les traductions faites par plusieurs équipes à Stuttgart (Roth, Spengel, Walz, Zell, Kreuz, Külb, Riecker et Schnitzer ; Hofmeister et Knebel ; Karsch, A. et C. Stahr, et Bender), mais aussi et surtout l’édition des Commentaria in Aristotelem Graeca (CAG, toujours chez Reimer). La France est aussi présente avec les éditions et traductions latines parues chez Didot, mais ces éditions s’appuient au moins partiellement sur d’anciennes éditions du texte grec. Les efforts de mise à disposition des doctrines aristotéliciennes se traduisent aussi par de nouvelles traductions de l’œuvre complète en Angleterre (Taylor) et en Espagne (Patricio).
15En ce qui concerne plus particulièrement l’ensemble des écrits logiques, les travaux allemands là aussi prédominent largement avec, d’une part, l’édition commentée de Waitz14, et quatre traductions indépendantes, de Dübner, Bender, Zell et Kirchmann, la dernière étant commentée, à côté de la seule traduction anglaise annotée d’Owen. On constate que, considérés séparément, il n’y a guère que les Catégories et les Réfutations Sophistiques qui ont intéressé les érudits, et exclusivement les érudits allemands Zenker, Lewald, Heidemann pour les Catégories, tandis qu’à Londres, Poste (qui avait déjà traduit les Seconds Analytiques) reprenait l’édition des Réfutations Sophistiques faite par Bekker pour en donner une traduction anglaise commentée, et qu’à Leipzig, Winckelmann éditait le texte grec à côté de celui de l’Euthydème de Platon. L’authenticité des Catégories était discutée. Pour Brandis, Rose, Spengel, Prantl et Gercke, ce traité n’était pas d’Aristote ; pour Waitz, Zeller, Maier et Gomperz, seuls les neuf premiers chapitres étaient d’Aristote. Ce n’est qu’avec Husik, que l’on acceptera la totalité du traité comme aristotélicien.
16L’enthousiasme suscité par la Poétique pendant les quatre dernières décennies du XVIIIe siècle ne décroît pas, avec un effort éditorial toujours très soutenu dans les États allemands (Hermann, Valett, Ritter, Susemihl, Vahlen, Ueberweg, Schmidt, Christ et Brandscheid), mais aussi en France (Dübner, Egger, Cougny, Fouillée, Malvoisin, Maunoury et Hatzfeld-Dufour) et en Angleterre (Tyrwhitt, Butcher, Bywater et Tucker), avec une nette prédominence aussi des traductions allemandes (outre Valett pour les éditions traduites, Ritter15, Susemihl, Schmidt et Brandscheid ; pour les tradutions sans texte grec, Graefenhan16, Walz, Knebel, Stahr, Ueberweg et Gomperz), suivies d’assez loin par les traductions parues en France (outre Dübner17 pour les éditions traduites, Egger, Cougny et Hatzfeld-Dufour ; pour une traduction sans grec, Ruelle) et en Angleterre (outre l’édition traduite de Butcher, Buckley, qui traduit aussi la Rhétorique, et Ross Wharton avec une réédition du texte grec établi par Vahlen). Enfin, Sahl a édité la Poétique d’Aristote avec celle d’Horace à Copenhague, et une traduction française versifiée de M.J. Chénier a été publiée à Paris.
17La Rhétorique, que le XVIIIe siècle n’avait pas oubliée, a continué à générer un intérêt constant, que ce soit pour les éditions du texte grec ou les seules traductions, et comparable en Allemagne (Spengel et Roemer18 éditent le texte grec, Knebel, Stahr et Roth le traduisent ; on note aussi une traduction annotée en allemand de Voigt à Prague), en Angleterre (Gaisford et Sandys éditent le texte grec ; le premier le traduit, ainsi que Gillies, Buckley, et Welldon ; Sandys y joint le commentaire de Cope) et en France (l’éditent et le traduisent Mynas, Dübner19 et Bonafous ; le traduisent seulement Gros et Ruelle).
18L’édition ou la traduction des traités physiques d’Aristote n’a pas eu une grande ampleur au XIXe siècle : on note seulement du côté allemand les travaux de Prantl pour la Physique, le De generatione et corruptione et le De caelo20. Seule la Physique a retenu l’attention de Weisse, qui en a proposé une tra-duction annotée en allemand. Et l’on relève les études de Diels. Enfin, Ideler a repris l’édition des Météorologiques faite par Bekker, l’a traduite et commentée en latin, en y ajoutant des extraits des commentaires d’Alexandre, d’Olympiodore et de Philopon.
19Parmi les traités zoologiques, on observe que l’Historia animalium, qui est une compilation d’informations, et le De partibus animalium ont davantage retenu l’intérêt des éditeurs et des traducteurs, surtout dans les États allemands (l’Historia animalium a été éditée par Schneider, et par Aubert-Wimmer ; traduite par Aubert-Wimmer, Strack, Külb et Karsch ; le De partibus animalium a été édité par Titze, von Frantz et Langkavel, et traduit en allemand par les deux premiers, ainsi que par Karsch et Külb). Mais ils sont aussi présents en Angleterre (traduction du De partibus animalium par Ogle, qui le commente aussi, et par Paul ; traduction de l’Historia animalium par Cresswell) et en France (outre l’édition traduite du De partibus animalium en latin par Bussemaker, édition de l’Historia animalium par Piccolos). Si l’on excepte l’édition globale de Bussemaker, le De generatione animalium n’a été édité et traduit que par Aubert-Wimmer, en allemand. Le De motu animalium n’a été retenu que dans l’édition Didot par Bussemaker, sans doute parce que son authenticité a été contestée, notamment par Brandis, Rose et Zeller21. Quant au De incessu animalium, il semble n’avoir fait l’objet d’aucune édition ou traduction.
20Le De anima a lui aussi soulevé un grand intérêt en Allemagne, que ce soit au niveau de l’édition du texte grec (Torstrik, Trendelenburg qui le commente aussi, et Biehl) ou de sa traduction (Voigt, Weisse, Kreuz, Kirchmann et Bender). Wallace en a proposé une édition traduite en anglais et commentée. En France, il y a l’édition traduite de Bussemaker.
21C’est de façon prédominante en Allemagne que l’ensemble des Parva naturalia a été édité (par Becker et par Biehl) et traduit (Kreuz et Bender) – en France, encore une fois, on ne compte que Bussemaker. Seul le De longitudine et brevitate vitae semble avoir fait l’objet d’une traduction annotée pour lui-même à Friburg, par Zell (en latin). Et le sous-ensemble constitué par le De memoria, le De somno, le De insomniis et le De divinatione per somnum a fait l’objet d’une traduction latine annotée par Hepner à Breslau. Le De sensu, le De juventute et senectute, le De vita et morte et le De respiratione semblent avoir soulevé moins d’intérêt.
22En ce qui concerne la Métaphysique, l’Allemagne arrive à nouveau largement en tête pour le nombre d’éditions (Brandis, Schwegler22, Bonitz23 et Christ24 ; celles de Schwegler et de Bonitz sont commentées), et aussi pour le nombre de traductions (outre Schwegler et Bonitz, Hengstenberg, Rieckher, Kirchmann et Bender), mais la France et l’Angleterre sont également présentes (en France, outre l’édition traduite de Bussemaker, on compte la traduction annotée de Pierron et Zévort ; en Angleterre, celle de Taylor et la traduction de M. Mahon). Le premier livre du traité, accompagné de quelques autres, a aussi fait l’objet d’une traduction française de Cousin, et d’une traduction italienne commentée de Bonghi.
23L’ensemble des traités éthiques a été édité par Grant, avec des études importantes, et par Jelf ; et il a été traduit par Gillies et Browne du côté anglais. Outre Bussemaker, on note la traduction de Thurot du côté français. L’Éthique dite à Nicomaque a suscité le plus d’intérêt, avec une très large prédominence anglaise (outre l’édition de Wilkinson dès 1715 et reprise en 1818, voir les éditions de Cardwell, Lancaster, Rogers, Giles, Bywater, Susemihl, et Burnet, et les traductions de Chase, Williams, Hatch qui traduit aussi la paraphrase d’Andronicus de Rhodes et ajoute des études, et Welldon, également avec des notes et une étude). Mais l’Éthique à Nicomaque est aussi très présente en Allemagne (éditions commentées de Zell, Michelet et Ramsauer, édition de Susemihl, et traductions de Garve, Rieckher, Stahr et Kirchmann ; on note encore la traduction en allemand de Jenisch à Danzig dès 1791), tandis que seuls, les livres VIII et X ont retenu l’attention pour eux-mêmes en France (cf. les éditions de Carrau, qui accompagne le livre VIII d’une étude et d’extraits de Montaigne, et qui accompagne le livre X d’une étude de tout le traité ; les traductions des deux livres par Thurot et le commentaire de Parnajon ; les éditions, traductions et études de VIII seulement par Philibert, Carrau, l’édition et étude de Martin et l’édition commentée de Ollé-Laprune ; enfin, les éditions annotées du livre X par Vérin, Hannequin, et Rodier, l’édition traduite de Rossigneux). Paley a édité les livres V et X à Cambridge, et Fritzsche, les livres VIII et IX à Gissa. L’Éthique à Eudème et les Magna Moralia, dont l’authenticité est discutée, ne semblent avoir retenu l’attention que chez les éditeurs et traducteurs allemands (éditions de Susemihl, de Fritzsche pour l’Éthique à Eudème seulement ; traductions de Rieckher et de Bender).
24Nous avons vu que la Politique fait quelque peu exception au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, puisqu’elle a continué à faire l’objet de nouvelles éditions, contrairement à la plus grande partie du corpus aristotélicien. Au XIXe siècle, l’intérêt pour ce traité demeure prédominant en Allemagne (éditions de Schneider avec traduction latine, de Göttling avec notes, de Neumann, de C. Stahr avec traduction et commentaire d’A. Stahr, et édition de Susemihl avec la traduction latine de Guillaume de Moerbeke, ou une traduction allemande annotée ; traductions de Schlosser avec des notes et un fragment des Économiques, de Schnitzer avec les Économiques, de Lindau avec notes ; enfin, on relève une traduction en allemand de Garve, à Breslau, qui joint une étude de Fülleborn, et une édition commentée de Kluge dans la même ville renommée Vratislavia). Mais l’Angleterre et la France sont également bien présentes (du côté anglais, édition et notes de Congreve, de Bolland-Lang, et de Newman, avec une grande étude ; traductions de Gillies, Walford avec les Économiques, Eaten, Jowett et Welldon ; du côté français, éditions de Korah et de Dübner, traduction de Champagne, revue et corrigée par Hoefer ; traduction de Millon, de Thurot, revue et corrigée par Bastien ; et de Cougny). Dans le cas de ce traité encore, certains livres ont fait l’objet d’éditions ou de traductions séparées (édition et traduction du livre I par Genouille à Paris ; traduction annotée des livres I à III par Bernays à Berlin ; I, III, IV, VII : Broughton à Londres, et Bolland avec des essais de Lang à Londres).
25La Constitution d’Athènes, tout nouvellement découverte, a bien sûr attiré les érudits. Outre la publication d’un facsimilé du papyrus CXXXI du British Museum à Londres, on note, pour l’édition du texte grec, une prédominance allemande (éditions de Kaibel-Wilamowitz Moellendorf, de Blass ; traduction de Kaibel-Kiessling) et anglaise (éditions de Broughton, de Sandys ; traductions annotées de Kenyon et de Poste), face à la France (traductions de Reinach et de Haussoullier). Notons aussi la première édition du texte grec par Kenyon à Athènes, reprise par Van Herwerden et Van Leeuwen à Leyde, celle de Hude à Copenhague, celle de Lovjagin avec traduction russe à St Petersbourg, et la traduction de Ferrini à Milan.
26Parmi tous les traités dont l’authenticité a été discutée, les Economica, la Rhétorique à Alexandre, le De virtutibus n’ont été édités en grec qu’en Allemagne : les Economica par Schneider avec un commentaire, par Goettling avec des notes, et par Susemihl ; la Rhétorique à Alexandre par Spengel et par Hammer ; le De virtutibus par Susemihl. Mais les Economica ont été traduits aussi en Angleterre par Walford avec la Politique ; et en France par Hoefer. En revanche, les Problemata et le De mundo semblent n’avoir été édités et traduits qu’en France au XIXe siècle (par Bussemaker, avec aussi une révision d’une traduction du De mundo par Batteux à Paris en 1843). Les Mechanica, le De plantis, le De Melisso, Xenophane, Gorgia, le De mirabilibus auscultationibus, le De lineis insecabilibus et le Ventorum situs et nomina ont retenu l’attention à la fois de Bussemaker en France et de Apelt en Allemagne, le De coloribus et les Physiognomica de Bussemaker encore, et de C. Prantl en Allemagne (Leipzig, 1881). Il existe aussi une édition et traduction latine des Mechanica par van Cappelle à Amsterdam, une édition allemande du De coloribus par J.G. Schneider dans son Theophrastos (Bonn, 1818-1821), et une traduction et un commentaire de Prantl (Münich, 1849) ; une édition allemande du De plantis par E.H.F. Meyer (qui l’attribue à Nicolas de Damas. Leipzig, 1841), des Physiognomica par R. Förster dans les Scriptores Physiognomonici (Leipzig, 1893), du De Melisso, Xenophane, Gorgia par F.G.A. Mullach dans les fragments des Éléates (Berlin, 1845 ; 1860), une autre par Susemihl (Leipzig, 1880), et avant eux, à Halle par H.E. Fossius (1828).
27Enfin, on notera l’édition des fragments à la fois en Allemagne par Rose, qui ne croyait pas en leur authenticité, et en France par Heitz.
28Cet effort considérable d’édition des traités aristotéliciens qui a marqué le XIXe siècle, a été accompagné par une étude de la langue d’Aristote, avec notamment l’Index Aristotelicus de H. Bonitz, Berlin, 1870, et ses Aristotelische Studien, Vienne, 1862 (t. I) – 1863 (t. II-III). Et de R. Eucken, De Aristotelis dicendi ratione, Göttingen, 1866 ; Über dem Sprachgebrauch des Aristoteles. Beobachtungen über die Präpositionen, Berlin, 1868.
29Un énorme travail a donc été accompli pour mettre à la disposition des interprètes le matériau nécessaire à l’étude de la pensée d’Aristote. Les éditions allemandes d’Aristote ont été détrônées à la fin du XIXe siècle par les éditions critiques et commentées de la Clarendon Press à Oxford, essentiellement celles de Ross ; les travaux de Jaeger, de Moraux et de Harlfinger ont complété les recherches sur l’état du corpus aristotélicien et sur son histoire. Et de même qu’après la Renaissance, les incunables ont donné corps pour longtemps à la vulgate, ces travaux sont restés à la base de nos études contemporaines, de notre connaissance de la tradition manuscrite d’Aristote et de nos hypothèses sur l’authenticité de certains traités.
30Néanmoins, il est possible d’approfondir ces résultats, et il ne suffira pas pour cela de vérifier ponctuellement certaines des données de cette ultime vulgate. Les progrès observés dans des disciplines particulières telles que la paléographie et la codicologie doivent nous permettre d’affiner les conclusions auxquelles les érudits du XIXe siècle étaient parvenus. Leurs travaux ne sont pas définitifs, et notre connaissance du matériau transmis, et par conséquent de l’histoire du texte aristotélicien, peut encore progresser25.
Les principales éditions des œuvres aristotéliciennes au XIXe siècle
Contenu | Éditions grecques, éditions grecques avec traduction, éditions commentées | Traductions seules ou annotées | Anciens commentaires, paraphrases, introductions, extraits,... réédités, ou traduits |
Corpus aristotélicien | – I. Bekker et C.A. Brandis (gr.), variis (lat.), Berlin, 1831 + V. Rose, 1870 1843 _ F. Dübner, U.C. Bussemaker et M. Heitz., gr.-lat., Paris, 1848-69 (cf. les oeuvres séparées) | – T. Taylor, angl. + notes, Londres, 1806-12 | – Scholia in Ar., ed. C.A. Brandis, Berlin, 1836 + H. Usener, Berlin, 1870 |
Organon | – Th. Waitz, gr. et comm. + scholies inédites, Leipzig, 1844-46 1877 | – K. Zell, all., Stuttgart, 1836-62 angl., Oxford, 1877 | – Extraits + Psellus et Simplicius, Th. Waitz, Oxford, 1802 |
Catégories | – J.T. Zenker, gr. + trad. Arabe d’Ibn Honein (IXe-Xe s.), Leipzig, 1846 | – E.A. Lewald, lat., notes + les commentaires d’Ammonius, Simplicius et Boethius, Heidelberg, 1824 | – trad. et comm. en vieil all. du XIe s., ed. E.G. Graff, Berlin 1837 2, Berlin, 1883 |
De interpretatione | – trad. et comm. en vieil all. du XIe s., ed. E.G. Graft, Berlin 1837 | ||
Analytica priora | – Alexandre d’Aphr. (l. 1), M. Wallies, CAG II 1, Berlin, 1883 (1960) | ||
Analytica posteriora | – E. Poste, angl., Londres, 1850 | – Themistii... paraphr., L. Spengel CAG XXIII, Berlin, 1876 | |
Topiques | Alex. d’Aphr., M. Wallies, CAG II 2, Berlin, 1891 (1959) | ||
Réfutations Sophistiques | – A.G.Winckelmann, gr. (+ Euthydème de Platon), Leipzig, 1833 | – Alex. (= Michel d’Ephèse), M. Wallies, CAG II 3, Berlin, 1898 (1959) | |
Poétique | – Parisinus gr 1741, photolithographie (préface d’H. Omont), Paris, 1891 | – M.J. Chénier, trad. en vers fr. (+ Horace), Paris, 1818 – H. Knebel, all. + notes + Rhét. à Alex., Stuttgart, 1840 | |
Rhétorique | – T. Gaisford, gr., lat. + notes, Oxford, 1820 | – M.W. Voigt, all. + notes, Prague, 1803 | – Eustrate, Michel et anonymes, G. Heylbut, CAG XX, Berlin, 1892 |
Physique | – C.H. Weisse, all. + notes, Leipzig 1829 | – Simplicius, H. Diels, CAG IX-X, Berlin, 1882-95 | |
De caelo | – U.C. Bussemaker, gr. et lat., avec Ethiques, Nat. Auscultat., De generatione et Métaphysique, Paris, 1850 | – Simplicius, I.L. Heiberg, CAG VII, Berlin, 1894 | |
De generatione et corruptione | – U.C. Bussemaker, gr. et lat., avec Ethiques, Nat. Auscultat., De caelo et Métaphysique, Paris, 1850 Leipzig, 1881 | – Philopon, H. Vitelli, CAG XIV, 2, Berlin, 1897 | |
Meteorologica | – gr. d’après Bekker, trad. lat. et extraits des comm. d’Alexandre, Olympiodore, et J. Philopon, J.L. Ideler, Leipzig, 1834-6 | – Alexandre, M. Hayduck, CAG III, 2, Berlin, 1899 | |
Historia animalium | – I.G. Schneider, gr. et lat. + comm., Leipzig, 1811 | – F. Strack, all. et notes, Francfort/Main, 1816 | – Scaliger, gr. et lat. (Lyon 1584), J.G. Schneider, Leipzig, 1811 |
De partibus animalium | – F.N. Titze, gr., all. et notes, Prague, 1819 ; Leipzig, 1823 | – A. Karsch, all, Stuttgart, 1855 | – Michel d’Ephèse, M. Hayduck, CAG XXII,2, Berlin, 1904 |
De gen. an. | – H. Aubert - F. Wimmer, gr. Et all. + notes, Leipzig, 1860 | – Philopon (Michel d’Ephèse), M. Hayduck, CAG XIV 3, Berlin, 1903 | |
De incessu animalium | – Michel d’Ephèse, M. Hayduck, CAG XXII,2, Berlin, 1904 | ||
De motu animalium | – U.C. Bussemaker, gr. et lat., avec De part. an., etc. (voir ci-dessus), Paris, 1854 | – Michel d’Ephèse, M. Hayduck, CAG XXII,2, Berlin, 1904 | |
De anima | – A. Torstrik, gr., Berlin, 1829 (1862) 1891 | – M.W. Voigt, all. + notes, Prague Francfort/Main, 1794 ; Leipzig, 1803 1871 – H. Bender, all., Stuttgart, 1872 | – Alexandre, L. Bruns + scripta minora, CAG suppl. II, Berlin, 1887 |
Parva naturalia | – G.A.Becker, gr., Leipzig, 1823 | – F.A. Kreuz, all., Stuttgart, 1847 | – Michel d’Ephèse, P. Wendland, CAG XXII,1, Berlin, 1903 |
Métaphysique | – C.A. Brandis, gr. + scholies et extraits de commentateurs grecs, avec la Métaphysique de Théophraste, Berlin, 1823-1837 | – T. Taylor, angl. + notes, Londres, 1801 (1812) | – Alexandre d’Aphr., H. Bonitz, Berlin, 1847 |
Les éthiques | – A. Grant, gr., études et notes, Londres, 1857-58 (…,1875, …, 1885) | – J. Gillies, angl. et notes, Londres, 1797 (…, 1813) | |
Ethique à Nicomaque | – G. Wilkinson, Oxford (1715) 1803, ... 18184 | – D. Jenisch, all. + notes, Danzig, 1791 | – Aspasius, G. Heylbut, CAG XIX 1, Berlin, 1889 |
Ethique à Eudème | – A.T.H. Fritzsche, gr. et comm., Ratisbone, 1851 | – J. Rieckher, all., Stuttgart, 1858 | |
Magna Moralia | – F. Susemihl, gr., Leipzig, 1883 | – J. Rieckher, all., Stuttgart, 1859 | |
Politique | – J.G. Schneider, gr. et lat. Francfort / V., 1809 ; Berlin 1825 | – le citoyen Champagne, fr., Paris, (an V) | |
Constitution d’Athènes | – Fasimilé du papyrus CXXXI du British Museum, Londres, 18912 | – T. Reinach, fr., Paris, 1891 | |
fragments | – TH. Bergk, 1843 (1866) | ||
Oeconomica | – J.G. Schneider, Anonymi Oeconomica, gr. et comm., Leipzig, 1815 | – M. Hoefer, fr., Paris, 1843 | |
Problemata | – U.C. Bussemaker, gr. et lat., Ps. avec Physiognomica, De plantis, Ventorum, De insecabil. lineis, Mechanica, De mirab. auscult., Paris, 1857 | – Probl. musicaux, fr. + comm., C.E. Ruelle, Paris, 1891 | |
Mechanica | – J.P.van Cappelle, gr. et lat., Amsterdam, 1812 |
Notes de bas de page
1 Voir les préfaces de K. Lachmann au Novum Testamentum, Berlin, 1842 ; In T. Lucretii cari De rerum natura libros commentarius, Berlin, 1850 ; Propertius, Leipzig, 1816.
2 R. Bentley, Proposals for printing a New Edition of the Greek Testament, and St Hierom’s Latin Version, Londres, 1721. Bentley voulait substituer à l’édition d’Érasme un texte basé sur les plus anciens manuscrits, la Vulgate, les versions orientales et les citations des Pères de l’Église. Lachmann passe généralement pour le fondateur de la notion d’archétype et du principe d’eliminatio codicum descriptorum, c’est-à-dire le rejet des apographes ou, pour le dire simplement, le rejet des copies de manuscrits plus anciens qui ont été conservés. Mais Sebastiano Timpanaro (La genesi del metodo di Lachmann, Florence, 1963) a montré que les véritables initiateurs de la classification généalogique des manuscrits ont été C.G. Zumpt (un élève de Wolf), J.N. Madvig et surtout Fr. W. Ritschl, et que l’on peut même faire remonter l’idée de dérivation de tous les manuscrits d’un archétype unique à Érasme et Scaliger. Ne reviendrait réellement à Lachmann que la formulation des critères permettant de déterminer mécaniquement quelles variantes peuvent remonter à l’archétype.
3 Voir Friedrich August Wolf, Prolegomena ad Homerum, Halle 1795.
4 Il a ainsi préparé le terrain pour la Textgeschichte telle qu’elle sera investie par Wilamowitz.
5 J’utilise par commodité cette désignation des États allemands, parmi lesquels la Prusse.
6 Outre les instruments habituels tels que des catalogues de la Bibliothèque Nationale ou du British Museum, et les ouvrages bibliographiques généraux qui ont précédé l’Année Philologique tels que la Bibliotheca Scriptorum Classicorum, j’ai utilisé les sources suivantes : M. Schwab, Bibliographie d’Aristote, Paris, 1896 ; M.D. Philippe, « Aristoteles », Bibliographische Einführungen in das Studium der Philosophie, hrgg von I.M. Bochenski, vol. 8, Bern, 1948 ; A. Bonetti, « Le edizioni del testo greco di Aristotele dal 1831 ai nostri giorni », in « Aristotele nella critica e negli studi contemporanei », Rivista di Filosofia neoscolastica, Suppl. al vol. XLVIII, dicembre 1956 ; L.W. Riley, Aristotle texts and commentaries to 1700 in the University of Pennsylvania Library. A Catalogue, Philadelphia, 1961 ; F.E. Cranz, A bibliography of Aristotle Editions 1501-1600, Baden-Baden, 1971.
7 Commentaria in Aristotelem graeca, Acad. litter. reg. boruss. Berlin, 1870-1909.
8 À l’écriture calligraphique majuscule qui ne distinguait pas les mots entre eux, et qui n’utilisait qu’une ponctuation très rudimentaire et pratiquement pas d’accentuation, a succédé une écriture calligraphique minuscule plus économique, que ce soit pour le temps ou la matière nécessaires à la copie.
9 D. Harlfinger, « Einige Grundzüge der Aristoteles-Überlieferung », in Die Textgeschichte der pseudo-aristotelischen Schrift Περὶ ; ἀτόνµων γραµµῶν. Ein kodikologisch-kulturgeschichtlicher Beitrag zur Klärung der Überlieferungsverhältnisse im Corpus Aristotelicum, Amsterdam, 1971, p. 36-85.
10 Voir notamment Simplicius.
11 Brandis qui, plus tard, a rédigé des ouvrages sur l’histoire de la philosophie grecque et romaine, a pu assainir le texte de la Métaphysique en de très nombreux endroits, grâce à deux manuscrits notamment qui, selon lui, avaient été négligés ; il a retenu leur texte à chaque fois qu’il était confirmé par les commentateurs grecs : « In textum nunquam lectionem recepi, quae aut codicum manuscriptorum, quos ipse excussi, aut interpretum Graecorum auctoritate non firmaretur ». Mais il n’a précisé ni l’identité, ni le nombre des manuscrits qu’il a utilisés ; son apparat critique présente simplement des variantes, sans indication sur leur provenance. L’un de ces manuscrits est sans doute Ab (le Laurentianus 87, 12, du XIIe et du XIVe siècle), dont le texte édité par Brandis ne s’écarte pour revenir à la vulgate, beaucoup plus proche de E (le Parisinus gr. 1853, du Xe siècle), que de façon exceptionnelle.
12 Bekker a été professeur à l’Université de Berlin dès la fondation de celle-ci, et pendant 61 ans. Il a collationné plus de 400 manuscrits, à Paris, en Italie, à Oxford, et édité une soixantaine de volumes grecs, mais aussi des textes latins. Il a édité notamment Homère, deux fois, la première fois en essayant de restaurer le texte établi par Aristarque, la seconde en tentant de remonter au-delà du texte des critiques alexandrins. Il a édité aussi les scholies de l’Iliade, Aristophane comme Platon également avec leurs scholies, en passant par des textes de grammaire antiques, des syntaxes et des lexiques, et des historiens byzantins. Il était tenu en grande estime par les érudits de son temps, qui disaient volontiers de lui, devant son manque de loquacité, qu’il pouvait se taire en 7 langues !
13 Ab (le Laurentianus 87, 12, du XIIe et du XIVe siècle), Bb (le Laurentianus 87. 18, de la première moitié du XIIIe siècle et de la première moitié du XVIe siècle, copié par Camillus Venetus à partir de N 1091b33), Cb (le Laurentianus 87. 26, de la seconde moitié du XIIIe siècle), Db (l’Ambrosianus F 113, du XVe siècle, qui contient aussi des scholies d’Alexandre), E, Eb (le Marcianus 211, du XIIIe-XIVe siècle), f (le Marcianus 206, daté de 1467), Fb (le Parisinus gr. 1876, du XIIIe siècle, qui contient le commentaire d’Alexandre aux quatre premiers livres de la Métaphysique d’Aristote et les scholies de Michel d’Éphèse aux livres V à XIII, dont la fin est mutilée), Gb (le Parisinus gr. 1896, du XVe siècle, copié par Cesar Strategos et contenant les scholies de Syrianus aux livres II, XII et XIII de la Métaphysique d’Aristote), Ha (le Marcianus 214, du XIIIe -XIVe siècle), Hb (le Parisinus gr. 1901, du XIIIe siècle, contenant les scholies d’Asclépios aux six premiers livres de la Métaphysique d’Aristote), Ib (le Parisinus Coisl. 161, de la 6e décennie du XIVe siècle de Constantinople, avec des scholies de Syrianus et de Michel d’Éphèse), Q (le Marcianus 200, de 1457, copié par Ioannes Rhosos comme l’indique la souscription), S (le Laurentianus 81.1, de la seconde moitié du XIIIe siècle, copié par Ioannes Panaretos, dont on trouve la souscription au folio 75v) et T (le Vaticanus gr. 256, de 1311/12-1320/21). Contrairement à Brandis, Bekker s’est rapproché du texte de la vulgate en suivant généralement le manuscrit parisien E, mais il opte quand même souvent pour Ab.
14 Th. Waitz a réexaminé les manuscrits et reconnu la prééminence du Marcianus gr. 201 (B), contre le choix du Vaticanus Urbinas gr. 35 (A) par Bekker.
15 Traduction en latin.
16 Id.
17 Id.
18 Son introduction traite longuement des questions de transmission et de composition.
19 Traduction en latin.
20 L’édition traduite du De generatione et corruptione et du De caelo par Bussemaker s’inscrit dans l’ensemble publié par Didot.
21 Jaeger le rendra à Aristote en 1913.
22 Schwegler, le futur auteur d’une histoire de la philosophie grecque, a réédité le texte de Bekker en 1847 en réservant ses critiques et ses propositions de changement pour son commentaire, à la manière des Alexandrins.
23 Bonitz a repris l’apparat critique de Bekker, mais il y a ajouté des leçons tirées des commentaires anciens d’Alexandre, Syrianos, Asclépios, Thémistius, Simplicius, et aussi des variantes issues de la traduction de Bessarion. Professeur à Vienne, puis directeur d’école à Berlin pendant le conflit qui a opposé l’Autriche et la Prusse, il aurait volontiers réédité Aristote, sans la pression exercée par les autorités académiques de Berlin.
24 Christ est le premier, à ma connaissance, à présenter une description détaillée des plus importants manuscrits pour la Métaphysique, mais ses nouvelles collations ont été critiquées, au profit de celles de Bekker (qui n’est pourtant pas sans reproche). Il considère l’autorité des représentants des deux grandes familles de manuscrits comme à peu près équivalente, mais il privilégie Ab.
25 Voir Myriam Hecquet-Devienne, « Les mains du Parisinus graecus 1853. Une nouvelle collation des quatre premiers livres de la Métaphysique d’Aristote (folios 225v-247v) », Scrittura e Civiltà, 2000, p. 103-171 ; « The authenticity of Aristotle’s Metaphysics ‘Alpha’ (Meizon or Elatton), a false problem ? A codicological confirmation », (à paraître) ; « A legacy from Aristotle’s library ? Inquiry into the joint transmission of Theophrastus’and Aristotle’s Metaphysics based on evidence provided by manuscripts E and J » (à paraître).
Auteur
Membre de l’UMR Savoirs et textes, en 2001/2002 chercheuse au Center for Hellenic Studies de Washington DC.
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