Ravaisson lecteur d’Aristote : esthétique et connaissance du vivant
p. 190-207
Texte intégral
C’était à un Asclépiade de la Thrace, nourri dans la médecine et l’étude de la vie, c’était au fondateur de l’anatomie et de la physiologie comparées, qu’il était réservé de sortir du cercle de l’abstraction mathématique et dialectique [...].1
1L’un des apports les plus stimulants de la lecture que fait Ravaisson d’Aristote réside dans l’hypothèse selon laquelle c’est l’Aristote biologiste qui aurait inspiré l’Aristote métaphysicien. C’est sa réflexion sur le vivant qui lui aurait permis de formuler un nouveau paradigme philosophique, rendant aussi possible une nouvelle façon de concevoir les rapport entre l’âme et le corps, entre la nature et l’esprit, entre la pensée et l’être. Nous verrons pourtant que cette centralité même pousse tout d’abord Ravaisson à se confronter à l’animisme de Stahl, en y retrouvant une réélaboration de la philosophie biologique d’Aristote plus proche encore de certaines urgences théoriques de son spiritualisme. Par la suite, il connotera dans un sens esthétique le concept aristotélicien de finalité organique en en faisant le cœur d’un plus large modèle d’intelligibilité dans lequel art et philosophie se mêlent et donnent lieu à une relation en chiasme. Dans le même temps, nous verrons aussi le rôle stratégique que joue constamment la leçon aristotélicienne dont Ravaisson offre une interprétation qui, pour n’être sans doute pas toujours fidèle, n’en est pas moins féconde et destinée à trouver de nombreux échos dans la philosophie française des XIXe et XXe siècles2.
1. Aristote, philosophe de la nature
2La carrière philosophique de Ravaisson commence avec un mémoire sur la Métaphysique d’Aristote rédigé à l’occasion d’un concours organisé en 1833 par l’Académie des Sciences morales et politiques. Il sera édité par la suite en deux volumes – et non sans de profonds remaniements – sous le titre d’Essai sur la métaphysique d’Aristote. Le premier volume (paru en 1837) est entièrement consacré à l’analyse de l’œuvre aristotélicienne, tandis que le second (qui ne paraîtra qu’en 1845) examine ses influences jusqu’aux doctrines métaphysiques du néo-platonisme. L’objectif déclaré par Ravaisson dans son Avant-propos, est de sortir la philosophie d’Aristote du discrédit général dans lequel elle était tombée, depuis près de deux siècles et particulièrement en France, en la libérant « des voiles épais dont la scolastique l’avait enveloppée »3.
3P. Aubenque a observé que, grâce à ce travail, « Ravaisson réalisa une irruption remarquable, et remarqué, dans ce qui avait été, depuis la fin du XVIIIe siècle, la chasse gardée de l’érudition allemande »4. En effet, on y trouve d’une part l’« acribie philologique » (résultat de l’excellente connaissance que Ravaisson avait des textes et de la bibliographie critique la plus avancée à l’époque) qui s’exerce surtout dans la résolution de problèmes spécifiques ; d’autre part, on y décèle la « profondeur herméneutique » qui marque en revanche les hypothèses interprétatives ayant une plus large portée. Dans ce cas précis, la lecture de Ravaisson risque de devenir anachronique (comme lorsqu’il projette sur Aristote des schémas spéculatifs issus de la philosophie romantique allemande, et, en particulier, de l’Identitätsphilosophie de Schelling5). Mais, comme l’ajoute Aubenque, il s’agit d’une « violence » qui ne manque pas de fécondité herméneutique parce qu’elle est en mesure d’éclairer certains aspects cachés de la doctrine étudiée, en enrichissant par là même son sens objectif.
4On peut également saisir la profondeur herméneutique dont parle Aubenque dans l’attention qui est réservée à la conception aristotélicienne de la nature. Ravaisson expose cette conception dans un chapitre central du premier volume de l’Essai qu’il consacre à l’analyse des rapports entre les « deux systèmes opposés et parallèles de la nature et de la science »6. C’est sur ce point, en effet, que la distance qui sépare Aristote du « logicisme » de Platon serait la plus évidente. Alors que ce dernier déprécie la nature en la considérant comme une imitation dégradée de l’intelligible, Aristote lui reconnaît une valeur positive en la comprenant comme activité immanente, comme spontanéité. Pour démontrer cette thèse, Ravaisson affronte avant tout la question du mouvement ou du changement, en la plaçant dans le cadre des relations entre la puissance et l’acte. Toute réalité naturelle change, devient : loin de reléguer le mouvement dans la sphère du non-être, Aristote le définit comme « le passage de l’indétermination de la matière à la détermination de la forme » ; loin d’y associer un état de scission et une menace pour l’intégrité de l’être, il y voit la médiation entre le non-être et l’être, entre la puissance et l’acte7. D’après Ravaisson, il convient de bien préciser le caractère de cette médiation. En effet, le mouvement ne se réduit pas à la simple actualisation de la puissance mais représente plutôt « l’acte du possible en tant que possible »8, ou encore l’acte de la puissance en tant que telle. Or, puisque la puissance coïncide avec l’indéterminé, l’infini, cette idée d’une puissance active a des effets importants sur la conception même de la matière : alors que toute la philosophie qui avait précédé voyait dans la matière « le chaos d’où la raison ou le hasard tirent tous les êtres indistinctement », Aristote comprend que chaque individu a sa matière en soi, donc que la matière contient déjà une disposition implicite à s’actualiser, à se déterminer en corrélation avec une certaine forme. On touche ainsi à un élément fondamental de l’interprétation ravaissonienne, la conviction que la philosophie d’Aristote est une philosophie de la continuité, capable de dépasser les oppositions abstraites en conciliant « la différence avec l’unité dans l’idée de l’analogie »9.
5Le rapport entre nature inerte et nature vivante est un exemple emblématique d’unité dans la différence. Dans la Physique, Aristote définit la nature comme le principe interne du mouvement et du repos. Les animaux, et ce qui les constitue, sont des « êtres par nature », tout comme le sont les plantes et les corps simples comme la terre, l’eau, l’air et le feu. Tous ces êtres sont en mesure de se mouvoir et de se transformer puisqu’ils ont, en eux mêmes, le principe du mouvement et du repos10. Dans ce contexte, Aristote n’opère pas une distinction claire entre nature vivante et nature non vivante. Plutôt, il distingue nettement les êtres par nature des produits de l’art que sont une maison ou une statue qui ont ailleurs, c’est-à-dire en qui les a créées, la cause et le principe de leur changement. Ravaisson, en revanche, semble confier à la nature inorganique une position à mi-chemin entre le domaine de l’artificiel et le domaine du vivant. Une table ne bouge pas, mais elle est bougée : elle est le sujet passif de tous les changements qui lui sont imposés par une cause étrangère. Par ailleurs, tout ouvrage d’art « est formé d’un corps que l’art n’a pas fait » ; or, « il n’y a pas de corps qui ne se porte sans que rien le pousse, pourvu seulement que rien ne l’arrête, vers un point de l’univers plutôt que vers tout autre »11. En se référant à la théorie des lieux naturels, il observe que chaque corps possède une tendance primitive à se diriger vers le centre ou vers la circonférence du monde. Toutefois, ce mouvement, bien qu’il ne dépende pas d’une puissance extérieure (comme celui de l’ouvrage d’art), n’en est pas pour autant le fruit d’un pouvoir autonome (c’est-à-dire lié à l’essence propre du corps) : il s’agit plus simplement d’une disposition constante, d’une habitude innée (et non acquise12). Il existe cependant des choses qui se meuvent elles-mêmes, autrement dit des choses qui ont, en elles mêmes, le principe passif et le principe actif du mouvement. Pour Ravaisson, il s’agit spécifiquement des organismes vivants : « nul corps ne se change soi-même qui ne vive »13. Entendue au sens strict, l’activité immanente est le trait caractéristique de la nature organique, même si, comme le remarque Aubenque, « la nature inerte elle-même est une préfiguration des manifestations les plus achevées de la nature »14.
6Dans sa présentation de la biologie aristotélicienne, Ravaisson en arrive à quelques conclusions qui sont aujourd’hui partagées par la critique la plus autorisée et la plus spécialisée15. En premier lieu, il met en évidence en quoi le modèle explicatif dominant est de type téléologique : l’ordre de la nature vivante est assuré par la prééminence de la forme/fin sur la matière, par laquelle les phénomènes de la vie résultent toujours de structures opératives qui tendent vers un but (par exemple, la structure de l’organe n’est pas la cause de sa fonction mais c’est bien sa fonction qui explique sa structure). Selon Ravaisson, dans la nature vivante, cause formelle, cause efficiente et cause finale tendent à s’identifier. Les trois aspects de la causalité ne sont que des points de vue différents des processus biologiques :
Or la nature d’une chose est la fin où elle atteint sa forme essentielle, et la forme réside dans le principe qui pousse le mobile à sa fin. […] La nature est donc la cause du mouvement dans le sujet même où elle réside.16
7La coïncidence entre la cause formelle et la cause efficiente présuppose la coïncidence entre la cause formelle et la cause finale : la fin coïncide avec la forme du moment que les processus naturels tendent à la réalisation de cette dernière. La forme, à son tour, coïncide avec la fin, entendue comme le principe qui détermine la direction d’un mouvement, d’un développement. C’est la fin, en somme, qui joue le rôle principal : la fin vient avant le processus de formation qui, sans elle, ne serait pas orienté et ne serait donc même pas possible. C’est ainsi que s’explique le caractère instrumental du corps par rapport à l’âme, et des organes par rapport aux fonctions : « La main que l’âme ne peut plus faire servir à ses fins, n’est une main que de nom, comme si elle était de pierre ou de bois : le moyen n’est fait et n’existe que pour sa fin ». Dans le même temps, Ravaisson souligne la stricte intégration fonctionnelle de l’âme et du corps sans laquelle il n’y a pas de vie. Bien qu’elle en constitue l’essence, l’âme ne commande pas au corps « comme le maître à l’esclave, comme une puissance indépendante qui peut se séparer de l’instrument qu’elle emploie »17. Deux conséquences importantes découlent de cet état de fait : l’âme n’est pas une substance voyageant de corps en corps, mais l’acte d’un corps naturel qui a la vie en puissance, la forme d’un seul et unique corps dont elle fait la vie propre et l’individualité ; elle est la cause de l’accord et de l’harmonie entre les parties du corps dont l’unité n’est pas pour autant le résultat d’une juxtaposition mécanique.
8Ravaisson conclut sa réflexion sur ce thème en exposant une vision hiérarchique de la nature dans laquelle les diverses formes de l’existence – de l’absolue simplicité des corps élémentaires jusqu’à la vie de l’homme – se succèdent l’une à l’autre sans solution de continuité ; et, puisque l’âme est le principe de la vie et de l’activité, cette progression ascendante culmine en l’Être suprême, en Dieu comme activité pure, qui représente la fin à laquelle tend (et qui met en mouvement) la nature toute entière. À mesure que l’on monte les marches de cet escalier, on assiste à un double processus. D’une part les organismes sont de plus en plus étroitement liés, porteurs d’une unité plus intime et plus indissoluble. D’autre part, les êtres semblent de plus en plus individualisés, « jusqu’au sommet indivisible de l’individualité absolue et de l’activité pure ». La méthode synthétique de la nature consiste donc en « une spécification progressive qui enveloppe successivement les puissances inférieures, sans les anéantir, sous une forme plus haute, dans une activité plus déterminée »18. Au contraire, la méthode analytique de la science consiste en une abstraction progressive de la réalité matérielle, de l’individualité et du temps qui a pour revers la segmentation de la nature en entités discrètes, discontinues. La nature et la science se présentent en somme comme deux systèmes marchant en sens contraire l’un de l’autre : l’explication scientifique de la nature « revient de la fin aux conditions ; son point de départ est le point où la nature s’arrête »19. De cette façon, pourtant, on en arrive à une incompréhension radicale de la vie. La finalité même n’apparaît plus en tant que telle, parce que le renversement de perspective opéré par l’entendement en perd de vue le sens le plus authentique. Pour Ravaisson, un des grands mérites d’Aristote est d’avoir posé ce problème, que Platon avait éludé (et, d’une certaine manière, accentué), en attribuant aussi bien la priorité logique qu’ontologique à des idées dépourvues de mouvement et de vie ; sans se rendre compte que la science suprême, la dialectique, adoptait ainsi pour objet un monde « réduit à la condition de la généralité abstraite, et par conséquent dépouillé de l’existence réelle ». Aristote, en revanche, ne peut se contenter de cette solution : la réflexion qu’il mène sur la nature vivante lui suggère en effet que la forme la plus haute de l’être n’est pas la généralité mais l’individualité, et que la forme la plus haute de la connaissance n’est pas la dialectique mais un savoir capable de « s’élever au-dessus de l’entendement et du raisonnement comme au-dessus des sens »20. La métaphysique seule, par son modèle de rationalité non discursive mais intuitive, peut dépasser le divorce entre la nature et la science, touchant une vision unitaire dans laquelle les oppositions se dissolvent et où la finalité est reconquise à son plus haut niveau ; uniquement en Dieu, dans la seule intuition immédiate de l’intelligible en acte, la fin de la nature se révèle être l’action parfaite de la pure pensée dans l’unité absolue de sujet et d’objet, idéal et réel21.
2. La nature comme art
9On retrouve souvent chez Aristote la comparaison entre les produits de l’art (techne) et les produits de la nature, qu’il s’agisse de mettre en évidence leurs différences ou leurs points communs. Quoi qu’il en soit, le domaine de l’art, en jouant le rôle d’une référence exemplaire, s’avère éclairant. Cependant, qu’entend Aristote quand il parle d’art ? À ce sujet, il convient en préalable de préciser qu’en grec le mot techne a un sens beaucoup plus large que notre terme « art », puisqu’il ne désigne pas simplement ce que l’on appellera ensuite les « beaux-arts » (la peinture, la sculpture, l’architecture, la musique), mais aussi l’artisanat ou encore l’ensemble des activités professionnelles fondées sur un savoir spécialisé (pour cette raison, il est possible de parler de l’art du céramiste, du géomètre, du médecin, du général, etc.). Dans le monde grec, l’art est la capacité à faire quelque chose sur la base de règles générales et de connaissances certaines (tout le contraire, donc, de l’idée romantique d’art comme invention individuelle et libre de toute norme). Comme l’observe Jaeger, l’art « arrive facilement au sens de “théorie”, un sens que ce mot a couramment dans la terminologie philosophique de Platon et d’Aristote, en particulier là où il s’agit de l’opposer au pur empirisme ou “pratique” ». D’autre part, « la techne se distingue de l’episteme, la science pure en ce sens que la théorie de la techne est toujours pensée au service d’une praxis »22.
10Chez Aristote, les points communs entre les processus de l’art et les processus de la nature sont dus au fait que les premiers nous permettent de comprendre la structure des seconds. Le produit est à l’instrument utilisé ce que la fin est à la cause efficiente, le concept de l’œuvre est au matériel ce que l’essence est à la matière, le matériel est au produit ce que la puissance est à l’acte, et ainsi de suite. Ravaisson, qui semble avoir clairement à l’esprit le sens de techne, utilise ce terme comme vecteur de comparaison, surtout dans les pages qui introduisent le développement de la nature vivante. Il souligne comment, dans la nature comme dans l’art, la nécessité de la matière n’est que conditionnelle et comment il revient en revanche à la puissance active de déterminer le mouvement et la forme : « la nature, comme l’art, se porte, sans y être contrainte, à sa fin »23. Ravaisson renvoie ici en note à la Physique, où Aristote réfute la doctrine mécaniste de la nature (selon laquelle seule la nécessité mécanique existerait, aveugle et gouvernée par le hasard) en affirmant que les corps naturels sont construits comme s’ils avaient été faits intentionnellement, autrement dit en suivant un certain ordre, une certaine finalité. « Si donc les choses selon l’art sont en vue de quelque chose, il est clair que le sont aussi les choses selon la nature », puisque ce n’est pas la nature qui imite l’art mais bien l’art qui imite la nature (et parfois la complète)24. Du point de vue ontologique, l’art n’est rien d’autre que l’imitation des processus naturels, et c’est justement pour cela qu’il sert à les éclairer. Ravaisson poursuit son discours en mettant en évidence ce rapport de subordination : « Mais la nature est une activité concrète, une forme en une matière. Sa fin n’est pas, comme celle de l’art, une conception, une idée, un type arbitraire qui n’est que dans la pensée, et que la volonté réalise »25. Il fait cette fois la référence à Métaphysique Z 7, qui distingue les générations naturelles des productions de l’art. Les unes comme les autres impliquent trois conditions fondamentales : une chose dont elles dérivent (la matière ou la cause naturelle), une chose sous l’œuvre de laquelle elles dérivent (la cause efficiente) et une chose vers laquelle elles tendent. Cependant, alors que dans les générations naturelles cette chose est toujours la nature (en effet, la cause efficiente, autrement dit le générant, est aussi la nature en ce sens qu’elle a la même nature ou la même forme que la chose générée : c’est toujours un homme qui génère un homme), dans les productions artistiques, la forme ou l’essence préexiste dans la pensée du créateur. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’elle est réalisée à travers certains moyens. À la différence de ce qui se produit en art, poursuit Ravaisson, la nature « n’a pas de choix à faire ; sa forme, c’est elle-même, dans sa réalité concrète. Des deux formes contraires dont chaque puissance est susceptible, il y en a une qui est l’essence, dont l’autre est la privation : c’est celle-là qui est la forme de la nature, sa perfection, son bien. Sans choix et sans délibération, elle y aspire, elle y marche d’un mouvement continu »26. En d’autres termes, l’art est ontologiquement subordonné à la nature parce que ses processus sont conscients et intentionnels, ils dépendent d’un choix subjectif et donnent lieu à des réalités contingentes. La nature, en revanche, bien qu’elle présente une finalité comparable à celle que l’on rencontre dans l’agir intentionnel humain, n’a pas besoin du moment conceptuel, puisqu’elle pose spontanément les moyens et les conditions nécessaires à la réalisation de la fin. Du reste, alors que l’art est « une activité indépendante qui s’exerce indifféremment sur toute espèce de matière », toute nature « est liée à une matière, non par un lien extérieur et mécanique, mais par le mouvement même et la vertu intérieure qui transforme le possible dans l’acte de sa forme »27.
11Comment expliquer, alors, l’existence de certaines anomalies et de certaines monstruosités dans le développement des êtres naturels ? Par l’inévitable conditionnement de la matière : c’est ce dernier qui fait en sorte que la nature ne réalise parfois pas la fin qu’elle visait dans son activité, ce qui se produit justement quand la matière prédomine sur la forme ou ne se laisse pas dominer par elle. Ravaisson n’explicite pas ici l’analogie nature-art qui est pourtant présente dans le texte aristotélicien (quand il est dit que la fin, résultant d’une action intelligente et ayant de nombreux points communs avec une sorte d’habileté, peut également être manquée exactement comme cela peut se produire pour les arts28). L’analogie réapparaît pourtant immédiatement quand Ravaisson observe que tout cela ne préjuge pas de l’ordre structurellement finaliste de la nature :
Elle rétablit l’équilibre, répare le désordre, guérit la maladie. Toujours elle travaille la masse inerte du corps, la façonne et la transforme. Partout elle met et elle conserve la proportion et la beauté.29
12La note renvoie à un passage de La génération des animaux dans lequel Aristote, qui parle des divers rôles du mâle et de la femelle dans la détermination du sexe de la progéniture, affirme : « Il ne saurait cependant manquer une proportion réciproque, puisque toutes les choses qui adviennent selon l’art ou selon la nature se font selon un certain rapport ». Ravaisson cite en outre un extrait de la Métaphysique qui définit comme suprêmes formes du beau l’ordre, la symétrie et le défini30. Curieusement, il ne cite pas certaines pages de Les parties des animaux qui auraient été tout à fait pertinentes, celles dans lesquelles Aristote réaffirme la prééminence de la forme/fin dans les processus naturels de formation, en précisant que l’étude des vivants les plus humbles peut offrir d’immenses joies a qui sait en comprendre les causes :
Ce n’est pas en effet le hasard, mais la finalité qui est présente dans les ouvres de la nature, et plus encore : la fin en vue de laquelle elles se sont constituées ou se sont formées, occupe la région du beau.31
13En un certain sens, tout se passe comme si Ravaisson ne tirait pas toutes les conséquences possibles de l’analogie nature-art, faisant preuve, cette fois, plus d’acribie philologique que de profondeur herméneutique.
3. La médiation de Stahl
14Pour Ravaisson, le programme de la métaphysique aristotélicienne apparaît extrêmement actuel dans le contexte philosophique du XIXe siècle qui se débat entre empirisme et rationalisme, entre la tendance (typiquement positiviste) à rendre absolus les faits et la tendance (typiquement idéaliste) à figer la réalité dans des abstractions logiques. Il faut donc retrouver la leçon d’Aristote en en faisant l’axe fondamental d’un nouveau projet spéculatif. Cependant, il faut pour cela en dépasser les limites théorico-méthodologiques qui dépendent surtout de l’idée de Dieu comme acte pur séparé de toute puissance : elle rend problématique non seulement la relation entre Dieu et le monde, mais aussi celle entre puissance et acte. En effet, « la puissance et l’acte une fois séparés, il semble qu’on ne peut les concevoir ni en eux-mêmes, ni dans leur réunion »32. Le problème irrésolu de l’aristotélisme est que son monisme de fond (pour lequel un seul principe, la Pensée substantielle, se manifeste en toutes choses, selon toutes les différences du possible) risque de se trouver compromis par une vision trop active de la forme et trop passive de la matière. On expose donc une double exigence, destinée à marquer le monisme spiritualiste de Ravaisson : relier de façon interne l’activité et la passivité, en identifiant un domaine dans lequel le passage de l’une à l’autre se fasse presque insensiblement, comme par d’imperceptibles gradations de couleurs ; intégrer le point de vue ontologique et le point de vue « psychologique », une hiérarchisation de l’être à partir de l’Être suprême avec une compréhension de l’être à partir de la réalité la plus accessible à l’homme, la conscience.
15Cette double exigence trouve une première réponse dans le traité De l’habitude – ouvrage publié par Ravaisson en 1838 – dans lequel l’influence d’Aristote (l’habitude comme qualité ou disposition permanente, acquise suite à la répétition d’un acte et devenue une « seconde nature »33) s’associe à celle de Maine de Biran (l’habitude, cette sorte de « nature en nous » miroir et modèle de la nature en dehors de nous, trouve son principe d’explication à l’intérieur de la conscience où « l’auteur, le drame, l’acteur, le spectateur, ne font qu’un »34). Avec sa doctrine de l’effort, Biran apparaît désormais à Ravaisson comme le philosophe qui a su conduire la métaphysique sur le terrain de l’expérience intérieure, en délimitant une démarche de réflexion en vertu de laquelle il est possible de concevoir chaque cause à l’image du moi, c’est-à-dire comme force libre et intelligente, comme esprit. Par ailleurs, Ravaisson voit aussi une limite dans la perspective de Biran : le fait d’avoir distingué le moi comme cause active du moi comme substance (ou bien comme sujet passif des modifications qui s’y déroulent). Ainsi, « la volonté serait la fin de notre connaissance de nous-mêmes. Au-delà un abîme sans mesure, une nuit impénétrable »35. Comment éclairer ce domaine, comment fusionner le volontaire (le côté « actif » de la réflexion) et l’involontaire (le côté « passif » de la sensibilité organique) ? C’est probablement le caractère central de ce problème qui justifie l’importance que revêt, dans De l’habitude, un autre courant de pensée que l’on peut rapprocher de la philosophie biologique d’influence animiste et vitaliste36. Ravaisson utilise en particulier l’animisme de Georg Ernst Stahl (1660-1734), qui avait été l’un des premiers à mettre en question le mécanisme médecin d’inspiration cartésienne (l’« iatro-mécanisme ») en remontant aux concepts aristotéliciens de finalité organique et d’âme37. Ce dernier point est évidemment décisif : à travers la médiation de Stahl, Ravaisson peut retrouver ce qui lui semble être l’un des enseignements les plus précieux d’Aristote tout en le mêlant à son spiritualisme.
16Le concept de finalité organique sert à Stahl pour proposer une image synergico-fonctionnelle de l’organisme. Ce qui distingue l’être vivant d’une machine, c’est la programmation de ses actes sur la base d’un modèle d’ordre réglé par une idée directrice, par une finalité. De cette finalité, l’organisme constitue l’instrument adéquat en ce que, avec l’adaptation des structures aux formes, il se comporte et se conserve comme un tout. Le concept d’âme sert en revanche à expliquer cette cohésion : comme composé hétérogène de corps mixtes, l’organisme présente une tendance naturelle à l’instabilité ; en effet, il serait condamné à une rapide dissolution si une cause immatérielle n’existait pas (l’âme, justement, absente dans les corps mixtes non vivants) en mesure d’en garantir la conservation dans le temps par l’intermédiaire de l’harmonie entre les divers processus et les différentes parties. C’est l’âme raisonnable, entendue comme principe unique et indivisible, qui active, règle et coordonne les divers mouvements vitaux, qu’ils soient volontaires ou involontaires ; architecte du microcosme organique, l’âme a une connaissance particulière des organes qui lui appartiennent et des fins qui lui sont destinés. Pour résoudre la difficulté qui résulte du fait que l’âme n’a, dans de nombreux cas, aucune conscience de son intervention, Stahl distingue entre le logos (l’intellect spontané, sorte d’instinct de la raison) et le logismos (l’intellect accompagné de la représentation consciente). L’âme reste toujours la même mais se manifeste de deux façons distinctes selon qu’il s’agit de diriger les fonctions élevées (y compris les fonctions intellectuelles au sens strict) ou les fonctions vitales inférieures.
17C’est cette dernière thèse, tout particulièrement, l’existence d’un principe identique sous la diversité des effets, qui joue un rôle de premier plan dans De l’habitude. Selon Ravaisson, l’habitude se développe grâce à un type particulier d’activité qui, parce qu’elle n’est pas encore ou parce qu’elle n’est plus volontaire, se caractérise comme une spontanéité à la fois passive et active, très semblable à la spontanéité naturelle de la vie organique inconsciente. Pourtant, non volontaire ne signifie pas mécanique : « les mouvements que l’habitude soustrait graduellement à la volonté ne sortent pas par cela même de la sphère de l’intelligence ». La spontanéité de l’habitude implique plutôt la disparition de l’intervalle qui se place, dans l’intelligence réflexive, entre la conception et la réalisation d’un objectif ; par une suite de degrés imperceptibles, le mouvement se transforme en un penchant qui « approche toujours davantage de l’acte à la réalisation duquel il aspire, il en revêt de plus en plus la forme »38. L’habitude nous montre que la pensée ne s’identifie pas à la conscience, que l’intelligence ne se réduit pas au vouloir, c’est-à-dire qu’il existe une intelligence immédiate, obscure dans laquelle activité et passivité s’impliquent réciproquement, composant une structure en chiasme39. De même les fonctions les plus élémentaires de la vie organique n’obéissent pas à un déterminisme aveugle mais à la même finalité intelligente qui règle les fonctions les plus complexes :
La dégradation de la volonté et de la conscience, dans la série graduée des fonctions vitales, ne doit donc être aussi que le signe de la disparition graduelle des conditions de l’entendement et de la volonté réflexive, dans l’identité d’une même âme.
[Ravaisson ajoute ici en note] C’est là l’esprit et la lettre du stahlianisme, presque toujours mal connu et mal compris de ses adversaires, même du savant et profond Barthez.40
18Sur cette base apparaît une hypothèse métaphysique de portée plus générale : tout comme la spontanéité (des habitudes ou des fonctions vitales) se substitue insensiblement à la volonté, de même, la matière est le dernier terme d’une parabole descendante qui entérine la dégradation progressive de l’esprit. Nous retrouvons donc cette philosophie de la continuité déjà attribuée à Aristote. Ravaisson affirme cependant que la continuité de la nature est une « idéalité indémontrable par la nature même ». Seule une conception qui, comme celle de Stahl, élargit et différencie de façon interne le rayon d’action de l’intelligence, permet de suivre « les derniers rayons de la pensée et de l’activité, se dispersant et se dissolvant sans s’éteindre, mais loin de toute réflexion possible, dans les vagues désirs des plus obscurs instincts »41.
4. L’esthétique et le biologique
19La fonction médiatrice de Stahl ne représente pas un expédient contingent ou éphémère mais elle réapparaît dans les œuvres suivantes de Ravaisson. Comme le souligne J. Baruzi, « trente ans plus tard, lorsqu’il aura lu et compris Claude Bernard, il invoquera encore Stahl »42. Dans le Rapport, cette médiation prend par ailleurs une valeur différente, qui modifie à son tour le sens attribué à la leçon d’Aristote. Ravaisson expose la pensée biologique de Stahl dans un chapitre qu’il consacre aux relations entre la philosophie et la physiologie, et plus particulièrement, au débat qui s’était réouvert en France entre organicisme, animisme et vitalisme. Dans ce contexte, la filiation Aristote-Stahl se précise. C’est Aristote qui, le premier, soutient que « le concert, l’ordre qui paraît dans les opérations des êtres vivants […] marque une tendance à un but et, par suite, une action dépendante de quelque intelligence ». Il a ensuite fait un pas de plus qui fait de lui le fondateur de l’animisme à tous les effets :
entre les phénomènes de la vie et ceux qui appartiennent à l’âme pensante il remarquait une liaison, une continuité, qui ne permettait pas de les attribuer à deux principes différents. Selon lui, en conséquence, la vie venait de l’âme, de ce qui sent et qui pense.43
20L’originalité de Stahl tient dans le fait qu’il a perfectionné cette théorie, en approfondissant le problème de la nature inconsciente de certaines opérations vitales et en distinguant entre logos et logismos, entre raison et raisonnement. En ce sens, Ravaisson se range du côté de l’animisme de Stahl en le tenant pour la pensée biologique la plus en harmonie avec le spiritualisme. Cependant, si l’on regarde le Rapport dans son ensemble, on se rend compte que le rôle le plus important n’est pas donné à l’animisme mais plutôt au modèle qui l’a inspiré :
Dans la science des êtres organisés, depuis Hippocrate et Aristote jusqu’à Harvey, Grimaud, Bichat et M. Claude Bernard, rien de considérable n’a été trouvé qu’à l’aide de la supposition plus ou moins expresse d’une fin déterminante pour les fonctions, d’un concert harmonique des moyens.44
21Il va de soit que la fécondité du modèle aristotélicien dépend avant tout de la proximité qu’il entretient avec l’objet étudié. Outre cela, il présente pourtant un autre avantage : son noyau essentiel – la conception de la finalité organique – peut être partagé par ceux qui campent sur des positions très différentes de l’animisme ou du spiritualisme. En proposant une image non conventionnelle du positivisme de Comte, Ravaisson recherche ce modèle jusque dans les derniers volumes du Cours de philosophie positive, là où le développement de la science biologique marque le passage de la méthode analytique (typique des sciences physiques et mathématiques, et qui tend à expliquer toute chose en la décomposant en ses plus simples éléments) à la méthode synthétique, qui privilégie une vision unitaire dans laquelle chaque élément n’est compréhensible qu’à partir du tout. D’accord avec Aristote, Comte affirme alors que « c’est dans le but, c’est dans la fin ou cause finale qu’est le secret de l’organisme »45. Selon Ravaisson, il est prévisible que, avec l’affirmation de la biologie en tant que science autonome, la nécessité de remplacer la conception mécanico-déterministe de la nature par une conception dynamico-téléologique deviendra de plus en plus évidente. Voilà pourquoi un éminent physiologiste comme Claude Bernard, le chef de file indiscuté de la biologie expérimentale française, a dû reconnaître un « déterminisme supérieur » – animé et dirigé par un finalisme implicite – à l’ordre duquel obéit l’évolution organique, en distinguant l’effet « d’un type défini, préexistant, auquel l’organisme se conforme comme un ouvrage d’art s’exécute d’après une pensée déterminée à l’avance ». L’unité et l’harmonie vitales suggèrent à Bernard que la vie est création. Ce qui qualifie la machine vivante, c’est la force organisatrice du développement, ou sa formation et son accroissement selon une idée directrice qui, de la naissance à la mort, règle les conditions de son existence. Or, puisqu’« une idée directrice et créatrice ne se peut comprendre sans une intelligence qui la conçoive », il est légitime d’extrapoler de la biologie expérimentale de Bernard la même conclusion métaphysique à laquelle aboutissait l’animisme : la pensée, la volonté sont au fond de tout46.
22Dans la réélaboration proposée par Claude Bernard, le modèle aristotélicien de la finalité organique révèle une connotation esthétique explicite ; il s’agit, du reste, d’une connotation déjà mise en évidence par Ravaisson dans l’Essai. Il y rappelait l’analogie – justement établie par Aristote – entre les processus de l’art et les processus de la nature. Dans le Rapport, cependant, cette analogie n’est pas seulement éclairante, elle est aussi décisive d’un point de vue conceptuel pour dessiner un modèle plus vaste d’enquête destiné à caractériser, pour Ravaisson, une époque philosophique désormais toute proche. De ce point de vue, une thèse aristotélicienne que l’Essai laissait dans l’ombre devient très importante, celle qui concerne le rapport finalité-perfection-beauté. En soulignant l’incapacité du matérialisme à saisir la spécificité de l’objet biologique, Ravaisson observe que le vivant « donne existence et forme, par ce qu’il a d’unité active, à ce qu’il renferme de multiple et de passif »47. L’ordre de la nature vivante exige la prééminence de la forme/fin sur la matière ; par ailleurs, la perfection des causes finales n’est pas celle d’un idéal abstrait, coïncidant plutôt avec une action qui est à la fois le but et la source de tel et tel mouvement : « Un homme complet par la perfection qu’il porte en lui met en mouvement le germe imparfait et l’amène à sa forme »48. La proportion, la symétrie ne sont pas simplement les attributs des organismes vivants, mais le signe indiscutable d’une tendance à la perfection, à la beauté, qui constitue le principe et la raison d’être de chacun de leur élément. Réciproquement, « une œuvre d’art ne peut être belle si elle n’est vivante »49 : dans l’art, la forme prédomine sur la matière en ne se conformant pas à un canon abstrait mais en consacrant la prééminence de l’ensemble, de l’ordre et de l’harmonie sur le détail des parties. À partir du modèle aristotélicien de la finalité organique, l’esthétique et le biologique convergent donc dans la désignation d’un paradigme de compréhension du réel qui n’est plus fondé sur l’analyse mais sur la synthèse, qui n’est plus fondé sur la cause matérielle mais sur la cause finale ; un paradigme, en d’autres termes, qui tend à expliquer, dans tous les domaines, l’« inférieur » à travers le « supérieur », l’incomplet et l’imparfait à travers le complet et le parfait, l’ébauche à travers l’œuvre achevée, la matière à travers l’esprit. Ainsi, la réflexion philosophique se trouve à un carrefour. Si elle suit les sollicitations des sciences physiques et mathématiques, elle adoptera leur démarche analytique et le matérialisme qui en découle. Si elle suit les sollicitations de l’esthétique et de la biologie, elle adoptera leur démarche synthétique et le spiritualisme qui en est la conséquence.
23Il faut pourtant préciser que le nouveau paradigme ne met pas en discussion le seul matérialisme. En effet, même l’idéalisme, bien qu’il s’efforce de parvenir « à ce qu’il y a de plus élevé dans l’ordre intelligible et à l’idéal de la perfection », finit par simplifier les choses en le réduisant, de généralisations en généralisations, à leur état logique le plus élémentaire et le plus abstrait50. Dans son Essai, Ravaisson ramenait le virage anti-idéaliste d’Aristote à sa réflexion sur le vivant qui l’aurait induit à dépasser la dialectique en direction de la métaphysique. De la même façon, toujours dans le Rapport, il revendique la nécessité d’une métaphysique qui n’aplatisse pas le réel sur les relations mécaniques, géométriques, logiques, mais qui sache restituer, d’un point de vue spiritualiste, la complexité et le dynamisme de la nature vivante. Cette métaphysique, cependant, est désormais « esthétisée » ou hybridée par des procédures et des catégories esthétiques : l’exigence de la soustraire à une formulation intellectualiste du problème ontologique semble impliquer la prééminence, dans le discours philosophique concret, du modèle esthétique sur le modèle biologique. En d’autres termes, si la vie – comme finalité et création – représente un modèle exemplaire pour l’interprétation de la réalité toute entière, l’art constitue un modèle encore plus puissant, en mesure d’éclairer la vie même en la portant à un niveau supérieur de synthèse et d’autocompréhension. En ce sens, l’esthétique « n’est pas seulement une partie importante de la philosophie : considérée dans ses principes, […] elle devient la philosophie elle-même »51. Mais ainsi, Ravaisson trahit-il ou approfondit-il la leçon aristotélicienne ? Pour répondre à cette question, nous devons nous intéresser, même rapidement, à la conception de l’art de Ravaisson.
5. La métaphysique figurée
24Chez Ravaisson, l’étude des arts figuratifs a toujours accompagné la réflexion sur les grands thèmes de la métaphysique52. Par ailleurs, tout comme cette réflexion s’est fondamentalement nourrie de la comparaison avec le monde antique, cette étude ne s’est pas tant concentrée sur l’art du XIXe siècle que sur la sculpture grecque et la peinture de la Renaissance italienne. Ravaisson entretient en particulier un dialogue ininterrompu avec Léonard de Vinci qui, grâce à ses deux facettes d’artiste par excellence et de remarquable théoricien, joue sur le plan esthétique le même rôle de « guide » qu’Aristote sur le plan ontologique. En clarifiant les rapports qui relient – dans l’interprétation de Ravaisson – Aristote et Léonard, nous chercherons donc de faire un point sur les relations entre esthétique et métaphysique, entre art et philosophie.
25D’une part, comme l’observe Bergson, l’aristotélisme est « la philosophie même de cet art que Léonard de Vinci conçoit et pratique »53. Déjà, dans un essai de 1854, De l’enseignement du dessin dans les lycées54, Ravaisson enracine la conception de la peinture de Léonard dans le rapport matière-forme, âme-corps. Alors que la géométrie se limite à reproduire la lettre des formes et des proportions, l’art en exprime le sens et l’esprit : son objet est la forme/fin qui détermine l’unité et le caractère des choses, leur différence spécifique. Dans le cas des organismes vivants, elle doit donc faire émerger le principe immatériel qui anime et qui meut la matière : « L’art a deux choses à faire, dit Léonard de Vinci ; il doit représenter le corps de l’homme ; et, par les gestes et les mouvements de ses parties, il doit représenter aussi son esprit »55. Pour Léonard (qui devient ainsi un stahlien avant la lettre), « notre corps est tel que notre âme s’est plu à le former », donc les mouvements mais aussi la figure de chaque corps « est dans toutes ses parties l’expression d’une seule et même pensée, une et indivisible dans son caractère particulier »56. Chez tous les êtres de la nature, le concert harmonique des proportions est la marque de l’unité de l’esprit ; la centralité de la beauté, dans l’art, dépend du fait qu’elle condense cette harmonie, établissant une hiérarchie des formes naturelles dans laquelle ce sont les proportions parfaites (ou « divines » pour utiliser la terminologie de Léonard) qui expliquent les proportions imparfaites. L’art est imitation de la nature, mais de la nature telle qu’elle doit et qu’elle veut être : non une simple copie mais une interprétation originale en mesure d’exprimer la raison même des choses, c’est-à-dire de représenter « ce que la philosophie explique : la cause, le principe »57. Chez Léonard, Ravaisson voit réapparaître la conception aristotélicienne de la mimesis artistique comme représentation des aspects idéaux de la réalité, comme sa recomposition en un tout organique et cohérent régi par la vraisemblance et par la nécessité. Du reste, Ravaisson explicite sa référence en citant l’extrait de la Poétique dans lequel il est affirmé que la poésie est plus sérieuse et plus philosophique que l’histoire puisqu’elle tend à montrer non le détail ou l’accidentel mais l’universel58. Cependant, la vocation théorétique de l’art ne doit pas dériver en abstraction : puisque, dans la nature, la perfection est inséparable de l’individualité, l’artiste réalise effectivement un idéal de perfection dans la mesure où il présente des individualités réelles et vivantes. De nouveau, c’est la perspective aristotélicienne (dans le cas présent, l’équation suprême réalité = individualité) qui désavoue tout académisme ou tout platonisme esthétique.
26D’autre part, la théorie esthétique de Léonard se fait porteuse d’une métaphysique qui approfondit et qui, par certains aspects, excède l’enseignement d’Aristote en intégrant la problématique ontologique à la problématique « psychologique » et en indiquant une interpénétration plus étroite entre activité et passivité, matière et esprit. Que signifient, en effet, les célèbres paroles de Léonard selon lesquelles la peinture est une chose mentale, si ce n’est que le principal de l’art consiste dans le bon jugement de l’œil, ou encore en une activité cognitive fondée sur le sens le plus spirituel de tous, la vue ? Cela ne signifie-t-il pas que la peinture peut jouer un rôle de médiateur entre objectivité et subjectivité en traduisant les proportions réelles en apparences sensibles ? Dans les lignes et dans les signes abrégés du dessin, prend corps un ordre spirituel dont la subjectivité est partie intégrante et qu’il faut pourtant déchiffrer, rendre compréhensible à l’aide d’un langage non verbal : « Les apparences visibles forment donc un langage muet, dont notre œil est l’organe, et par lequel l’esprit qui a produit les formes et qu’elles manifestent se fait entendre à notre esprit »59. En outre, par le biais des savantes variations du clair-obscur, les contours ne semblent plus rigides, mais évanescentes. Au lieu de s’opposer, les lumières et les ombres se confondent les unes dans les autres, tout comme les formes qu’elles contribuent à modeler. De ce point de vue, le sfumato de Léonard prend une valeur métaphysique en enseignant que les infinies manifestations du sensible renvoient toujours à la source spirituelle dont elles représentent les degrés, tout comme la passivité renvoie toujours à l’activité et l’activité à une intelligence immédiate, obscure. L’art est déjà vérité, parce qu’il dévoile la présence du supérieur dans l’inférieur, du réfléchi dans l’irréfléchi, de l’esprit dans la matière :
Si les pierres de la fable obéissent à une mélodie qui les appelle, c’est qu’en ces pierres il y a quelque chose qui est mélodie aussi, quoique sourde et secrète, et que, prononcée, exprimée, elle fait passer de la puissance à l’acte.60
27En se mettant à l’école de l’art, la métaphysique doit donc figurer l’intelligible à travers le sensible, sceller cette « amitié de l’ombre » qui rend possible l’unité dans et à travers la différence. Ainsi, se dessine pourtant une esthétisation de la philosophie qui transgresse certainement l’idée de la métaphysique comme philosophie première à laquelle subordonner la sagesse pratique de la techne.
28Dans le même temps, on peut se demander si Ravaisson ne force pas la pensée d’Aristote en cherchant à répondre à une exigence mûrie justement à partir d’elle. Un indice, en ce sens, pourrait être le concept même d’art, proche de celui de techne dans la mesure où l’artiste par excellence est Léonard, c’est-à-dire le prototype d’une union féconde entre l’art (basé sur une création originale) et l’art artisanal (basé sur une savante imitation des processus de la nature). Cela nous suggère en effet que l’activité créatrice de l’art se fonde sur la vitalité intrinsèque de la nature, sur l’omniprésence, en elle, d’un principe formel et final :
aussi est-ce par la contemplation assidue des formes individuelles créées par la nature que, se pénétrant de l’esprit de vie dont elles sont animées, il se rend capable d’animer à son tour du même esprit ses propres créations.61
29En demandant à l’esprit « en nous » de rechercher l’esprit « hors de nous » l’art déploie une ontologie du sensible qui est la plus grande convergence possible entre l’ontologie aristotélicienne et un spiritualisme, comme celui de Ravaisson, ayant son centre perspectif dans la réflexivité de la conscience. En d’autres termes, si l’animisme de Stahl fait pencher la leçon aristotélicienne vers le spiritualisme, l’ontologie de l’art reconfigure la philosophie de la conscience en direction de l’aristotélisme. Nous l’avons dit à plusieurs reprises : pour Ravaisson, la pensée qui peut comprendre la vie n’est pas abstraitement logique et spéculative. Il s’agit plutôt d’un modèle de rationalité ouvert et ductile capable de restituer la plasticité des choses en saisissant sa différence qualitative et son existence concrète. La métaphysique figurée devient alors le détour qui permet de repenser par d’autres moyens Aristote et son culte passionné du vivant.
Notes de bas de page
1 F. Ravaisson, Essai sur la métaphysique d’Aristote, Paris, t. I (1837) et t. II (1845) ; réimpr. Hildesheim, Georg Olms, 1963, ici t. II, p. 8 (cette édition plus récente sera par la suite désignée par le terme Essai, suivi de l’indication du volume et du numéro de page).
2 Nous faisons en particulier référence à l’ascendant de Ravaisson sur des philosophes comme Jules Lachelier, Gabriel Séailles, Henri Bergson, mais aussi, de façon plus générale, à son influence – directe ou indirecte – sur plusieurs démarches de la philosophie française de ces deux siècles (cf. D. Parodi, La philosophie contemporaine en France, Paris, 1925 ; H. Gouhier, Études sur l’histoire des idées en France depuis le XVIIe siècle, Paris, Vrin, 1980 ; J. Beaufret, Notes sur la philosophie en France au XIXe siècle. De Maine de Biran à Ravaisson, Paris, Vrin, 1980).
3 Essai, I, p. V.
4 P. Aubenque, « Ravaisson interprète d’Aristote », Les Études philosophiques, no 4/1984, p. 437.
5 Du reste, dans la mesure où la majeure partie des philologues allemands que lisait Ravaisson adhéraient à la perspective de Schelling, il était peut-être inévitable que la problématique aristotélicienne soit confrontée à la problématique de l’Identitätsphilosophie et à l’écart grandissant qui l’éloignait de l’idéalisme hégélien (cf. J. Dopp, Félix Ravaisson. La formation de sa pensée d’après des documents inédits, Louvain, 1933, qui a étudié dans le détail l’ensemble des médiations à travers lesquelles l’Identitätsphilosophie agit sur le premier Ravaisson). Nous ne savons pas si, à cette époque déjà, Ravaisson avait approfondi la seconde problématique par une lecture directe des œuvres de Schelling. Il est certain qu’à partir de ce moment, la réflexion de Schelling jouera un rôle de premier plan, susceptible d’orienter le jeune philosophe dans la recherche d’une ligne de pensée alternative au spiritualisme éclectique (voir D. Janicaud, « Victor Cousin et Ravaisson lecteurs de Hegel et Schelling », Les Études philosophiques, no 4/1984, p. 451-466, D. Panis, « Ravaisson et Schelling », Les Études philosophiques, no 3/1988, p. 395-413, et J. F. Courtine, « Les relations de Ravaisson et de Schelling », dans J. Quillien (éd.), La réception de la philosophie allemande en France aux XIXe et XXe siècles, Lille, PUL, 1994, p. 111-134).
6 Essai, I, p. IV. Dans ce chapitre, (le second du livre III, totalement centré sur le système métaphysique d’Aristote), le thème de la nature acquiert une relative autonomie, comme en attestent les fréquentes citations tirées de la Physique et des œuvres biologiques d’Aristote.
7 Essai, I, p. 395.
8 Essai, I, p. 385.
9 Essai, I, p. 392-393.
10 Aristote, Phys. II 1, 192 b 8-15.
11 Essai, I, p. 413-414.
12 Cette distinction réapparait plus avant dans le texte, lorsque Ravaisson observe que le corps « qui n’agit ni se sent est incapable d’habitudes acquises ; on a beau lancer la pierre cent fois de suite vers le ciel, elle retourne, dès qu’on l’abandonne, à son lieu naturel, dans la direction du centre de la terre » (Essai, I, p. 450).
13 Essai, I, p. 418. Dans le second volume de l’Essai (p. 10), Ravaisson reconnaîtra en revanche que, pour Aristote, tout mouvement naturel est spontané.
14 P. Aubenque, loc. cit., p. 438. Quelques années plus tard, Ravaisson écrira d’ailleurs : « Sans doute, tout ce qui change est dans la nature, comme tout ce qui est dans l’être. Mais seul, l’être vivant est une nature distincte, comme seul il est un être. C’est donc dans le principe de la vie que consiste proprement la nature comme l’être » (F. Ravaisson, De l’habitude, Paris, 1838 ; nouvelle édition établie par P. Millot, Paris, Fayard, 1984, p. 13. Dans ce même volume, on trouve aussi la réédition de F. Ravaisson, Rapport sur la philosophie en France au XIXe siècle, Paris, 1867. Nous ferons désormais référence à cette édition en citant simplement les titres des deux œuvres et en les indiquant ainsi De l’habitude et Rapport).
15 Sur le finalisme de la biologie aristotélicienne, cf. par exemple : W. Kullmann, Die Teleologie in der aristotelischen Biologie, Heidelberg, Heidelberger Akademie der Wissenschaften, 1979 ; A. Gotthelf (éd.), Aristotle on Nature and Living Things, Pittsburg et Bristol, Mathesis, 1985 ; A. Gotthelf et J.C. Lennox (éd.), Philosophical Issues in Aristotle’s Biology, Cambridge, Cambridge University Press, 1986 ; D. Devereux et P. Pellegrin (éd.), Biologie, logique et métaphysique, Paris, Éditions du C.N.R.S., 1987 ; M. Vegetti, « Biologia », dans E. Berti (éd.), Aristotele, Rome et Bari, Laterza, 1997, p. 173-198.
16 Essai, I, p. 415 ; cf. aussi t. II, p. 11.
17 Essai, I, p. 419.
18 Essai, I, p. 487.
19 Essai, I, p. 482.
20 Essai, II, p. 9.
21 Cette interprétation de la métaphysique aristotélicienne reflète clairement l’influence de Schelling et de la philosophie romantique allemande.
22 W. Jaeger, Paideia. Die Formung des griechischen Menschen, t. II, Berlin et Leipzig, 1944 ; traduction italienne de A. Setti, Florence, La Nuova Italia, 1954, p. 218 ; cf. également W. Tatarkiewicz, Storia di sei Idee, (1976), traduction italienne de K. Jaworska, Palerme, Aesthetica, 1993.
23 Essai, I, p. 416.
24 Aristote, Phys. II 8, 199 a 16-19.
25 Essai, I, p. 416-417.
26 Essai, I, p. 417.
27 Essai, I, p. 415-416.
28 Aristote, Phys. II 8, 199 b 1-5.
29 Essai, I, p. 418.
30 Aristote, De gen. an. IV 2, 767 a 15-16 ; Metaph. M 3, 1078 b 1-2.
31 Aristote, De part. an. I 5, 645 a 25-26. Mais l’on trouve peut-être un écho de ce passage dans la conclusion de Ravaisson : « Ce mouvement régulier, cette activité infatigable qui ne fait rien en vain et qui […] pousse incessamment la matière, indocile et rebelle, au développement parfait de ses puissances, ce n’est pas autre chose que la vie » (Essai, I, p. 418).
32 Essai, II, p. 25.
33 Pour Aristote, l’habitude (éthos) est l’activité qui porte à terme un « habitus » pratique puisqu’elle développe chez l’individu – à travers l’exercice – des puissances implicites dans sa nature jusqu’à en faire des dispositions constantes (cf. Aristote, Éth. Nic. II 1, 1103 a 20-1103 b 25). Dans la Rhétorique I 11, 1370 a 7-8, il affirme que « l’habitude est quelque chose de semblable à la nature : le “souvent” est semblable au “toujours”, la nature est le domaine du toujours, l’habitude est celui du souvent ». Ravaisson s’était déjà penché sur la conception aristotélicienne de l’habitude dans son Essai, t. I, p. 449-452.
34 De l’habitude, p. 20.
35 F. Ravaisson, « Philosophie contemporaine », Revue des deux mondes, novembre 1840, repris dans F. Ravaisson, Métaphysique et morale, avec une préface de J.M. Le Lannou, Paris, Vrin, 1986, p. 29. Sur les différences qui opposent Ravaisson et Cousin dans la réception de la pensée de Biran, cf. P. Vermeren, « Les aventures de la force active en France », Exercices de la patience, no 8/1987, p. 147-68.
36 Cf. J. Cazeneuve, La philosophie médicale de Ravaisson, Paris, Puf, 1958.
37 Voir. G.E. Stahl, Theoria medica vera, Halle, 1708, que l’on peut consulter dans la traduction française plus tardive : Œuvres médico-philosophiques et pratiques de G.E. Stahl, édition de Ch. Blondin, Paris, 1859-1863, 6 vol., t. III et IV. Sur Stahl, nous renvoyons à A. Lemoine, Le vitalisme et l’animisme de Stahl, Paris, 1864 ; J.E. Chancerel, Recherches sur la pensée biologique de Stahl, Paris, 1934 ; G. Canguilhem, « Du singulier et de la singularité en épistémologie biologique », dans Études d’histoire et de philosophie de science, Paris, Vrin, 1968, p. 211-225 ; H. Metzger, Newton, Stahl, Bœrhaave et la doctrine chimique, Blanchard, Paris, 1974 ; F. Duchesneau, La physiologie des Lumières, The Hague, Boston et London, Nijhoff, 1982, p. 1-31.
38 De l’habitude, p. 32, 33.
39 Cfr. C. Marin, « L’activité obscure de l’habitude », in J.M. Le Lannou (éd.), Études sur F. Ravaisson, Paris, Kimé, 1999, p. 47-59. Sur cette thématique, nous nous permettons de renvoyer à notre article « Arte e metafisica nel pensiero di F. Ravaisson », Studi di estetica, sér. 3, no 18/1998, p. 121-144.
40 De l’habitude, p. 41. Paul Joseph Barthez (1734-1806) est considéré comme le plus important représentant de l’école vitaliste de Montpellier. Ravaisson fait probablement référence ici aux Nouveaux éléments de la science de l’homme (1778), ouvrage dans lequel Barthez, bien que partageant l’antimécanisme de Stahl, repousse les implications métaphysiques de l’animisme.
41 De l’habitude, p. 42.
42 J. Baruzi, Introduction, in F. Ravaisson, De l’habitude, Paris, 1927, p. XIV.
43 Rapport, p. 222-223.
44 Rapport, p. 311.
45 Rapport, p. 129. Canguilhem aussi mettra en évidence cet aspect de la pensée biologique de Comte, en observant qu’il « réintroduit la finalité dans l’essence de l’organisme, sous l’aspect de la totalité », dans « La philosophie biologique d’Auguste Comte et son influence en France au XIXe siècle », in Études d’histoire et de philosophie de science, op. cit., p. 70.
46 Rapport, p. 178, 181. Ravaisson cite le texte le plus célèbre (et le plus significatif du point de vue épistémologique) de Bernard : l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale (1865).
47 Rapport, p. 127.
48 Rapport, p. 133.
49 Rapport, p. 74.
50 Rapport, p. 297.
51 Rapport, p. 286-287. Du reste, pour Ravaisson, le point de vue synthétique « est essentiellement celui de l’art, l’art consistant surtout à composer, à construire ; c’est celui notamment de la poésie, qui sans cesse rapproche, associe, marie ensemble les objets les plus éloignés » (Rapport, p. 291).
52 On doit aussi la présence simultanée de ces deux démarches à des circonstances biographiques. En plus d’être philosophe, Ravaisson fut aussi un dessinateur talentueux (élève de Chassériau, il exposera au Salon) et se vit confiées des charges officielles comme celle de conservateur au Louvre.
53 H. Bergson, Notice sur la vie et l’œuvre de M. Félix Ravaisson-Mollien, (1904), in Œuvres, édition de A. Robinet, Paris, Puf, 1970, p. 1461.
54 Repris dans F. Ravaisson, L’art et les mystères grecs, édition de D. Janicaud, Paris, L’Herne, 1985, p. 27-47, sous le titre original de Léonard de Vinci et l’enseignement du dessin (nous ferons maintenant référence à cette édition de l’essai par l’abréviation Léonard de Vinci). Sur cette problématique, voir aussi les entrées Art et Dessin rédigées par Ravaisson pour le Dictionnaire de Pédagogie et d’Instruction primaire, dirigé par F. Buisson, Paris, 1882-1887, 4 vol., t. I, p. 122-124 et 671-84 ; cf. également F. Ravaisson, Testament philosophique et fragments, dirigé par C. Devivaise, Paris, 1933 (réimpr. Paris, Vrin, 1983).
55 Léonard de Vinci, p. 28. Ici comme à d’autres moment, Ravaisson cite le Traité de la peinture de Léonard de Vinci.
56 Léonard de Vinci, p. 29-30.
57 Léonard de Vinci, p. 33.
58 Ibid. Cf. Aristote, Poét., 1451 b. Ravaisson semble pourtant avoir également à l’esprit l’extrait de la Métaphysique dans lequel Aristote soutient que, alors que l’expérience vise toujours le détail (les états de fait), l’art et la science visent l’universel, le pourquoi et la cause des choses (Métaph. A 1, 980 b 15-30).
59 Léonard de Vinci, p. 40. Sur les conclusions opposées auxquelles parviennent Ravaisson et Merleau-Ponty pour ce qui touche au rapport entre l’œil et l’esprit, voir D. Janicaud, Une généalogie du spiritualisme français, La Haye, Nijhoff, 1969.
60 Rapport, p. 299.
61 Léonard de Vinci, p. 35.
Auteurs
CONTINI Annamaria, enseigne à l’Université de Modène.
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