Les Politiques au XIXe siècle
p. 125-140
Texte intégral
1Depuis le XIIIe siècle, le traité d’Aristote nommé Les Politiques a connu une réception continue1. On l’édite, le traduit, et le commente régulièrement. Avec l’editio aldina des œuvres complètes du Stagirite (1495-1498), l’influence du traité s’affirme encore plus vigoureusement. Dire aujourd’hui que les Politiques sont le texte fondateur de la politique occidentale est un lieu commun. Cependant, le lecteur d’aujourd’hui qui veut se pencher sur l’histoire de cette réception est bien désemparé. Il n’y a en effet aucune étude d’ensemble qui embrasse ces huit siècles durant lesquels les Politiques ont été à portée de main de ceux qui ont réfléchi sur la philosophie politique. Le XIXe siècle, siècle de la philologie, de l’histoire et de la politique, ne fait pas exception. Il faut se demander pourquoi l’histoire de la réception de ce traité est encore en souffrance.
2Premièrement, la diversité des questions traitées par Aristote a suscité des lecteurs tout aussi divers, si bien qu’il est impossible de saisir à travers un modèle univoque les types de lectures selon des critères spécifiques. Le contenu du traité relève, entre autres disciplines, de la philologie classique, de l’histoire ancienne, de la sociologie, de l’économie, de la science politique, de la pédagogie, de l’anthropologie et de la philosophie. On objectera que ceci n’est point un trait spécifique, dans la mesure où, par exemple, la République de Platon connaît la même diversité de lectures pour les disciplines du sens. Mais il y a pourtant une différence qui donne toute sa spécificité aux multiples réceptions des Politiques. La forme du traité permet plus facilement que la forme du dialogue d’isoler et de prélever des thèses et de les importer au sein d’autres constellations conceptuelles. Il est facile, à un premier niveau, de lire de la doctrine dans les traités d’Aristote, alors qu’il est difficile de faire des Dialogues platoniciens un système de pensée. Le traité offre ainsi de nombreuses manières de lire, en fonction des différents horizons de lecture chaque fois situés.
3Deuxièmement, la tradition de l’aristotélisme politique sous la guise de sa lecture scolastique connaît une éclipse grandissante depuis la fin du XVIe siècle. La grande alliance forgée par Thomas d’Aquin entre la théorie politique d’Aristote et la théologie politique se délitera dans les guerres de religions qui vont décimer l’Europe. Le schéma de cette vision historiographique est bien connu. Machiavel, Bodin, Hobbes, Montesquieu et Rousseau fondent la philosophie politique moderne contre l’image scolastique de la théorie politique d’Aristote2. Les théories contractualistes s’opposent radicalement à l’anthropologie politique aristotélicienne dont le fondement est constitué par quatre théorèmes : l’homme est un vivant politique naturel ; la polis est la communauté parfaite ; elle est naturelle ; elle est naturellement antérieur à l’oikos et à l’individu. Au XIXe siècle, ces théorèmes seront rejetés3.
4La version politique de la querelle des Anciens et des Modernes s’impose avec ses stratégies effaçantes. Pour les partisans des Modernes, les Grecs en général et Aristote en particulier n’auraient aucune pertinence pour élucider le domaine humain. Cette représentation, qui est devenue une doxa bien établie dans les manuels d’histoire de la philosophie politique moderne, doit être prise pour ce qu’elle est. Non pas un jugement philosophique, mais au pire une prétention idéologique qui oppose des totalités, au mieux une répétition des catégories modernes de l’historiographie philosophique servant d’explanans rétroactif4. Car la plupart des grands penseurs de la philosophie politique moderne, à l’exception notable de Machiavel5, sont des familiers d’Aristote. Les Politiques ne sont jamais bien loin de leurs réflexions. Il faut quitter les effets doctrinaux qui opposent des totalités (les Anciens contre les Modernes) et déployer une typologie des modes spécifiques de lecture des catégories de base de l’aristotélisme politique6.
5La pensée politique d’Aristote ne disparaît pas de la scène de la réflexion politique, mais elle assume d’autres fonctions qui donnent naissance à d’autres lectures. La tâche d’une histoire de la réception de l’aristotélisme politique devrait ainsi élucider les modes d’appropriation et les types de lectures des textes éthico-politiques d’Aristote. Ceci est d’autant plus important que les lectures pratiquées au XIXe siècle continuent d’agir au XXe siècle et jusqu’à nos jours. Nous ne sommes pas sortis de la variante politique de la querelle des Anciens et des Modernes.
6Pour mieux comprendre l’activité des Politiques au XIXe siècle, il faut donc quitter la gigantomachie de la querelle des Anciens et des Modernes et poser que cette querelle est une querelle des Modernes entre eux. Une des manières de sortir de ce dualisme moderne est de reconstruire l’activité de l’aristotélisme politique depuis le XIIIe siècle. La force de ces catégories historiographiques explique ainsi en bonne partie que, bien que l’importance de ce point soit largement reconnue, il n’existe à ce jour aucune étude d’ensemble portant sur la réception de l’aristotélisme politique7. Il est vrai que la tâche est énorme. Une vue la moins réductrice possible exige que l’on prenne en compte l’histoire de l’activité du traité en suivant ses traces dans l’histoire des idées, des savants, des penseurs politiques, des universités, de la société et de la politique. Plus encore, il faudrait distinguer entre une présence passive des catégories de base de l’aristotélisme politique et une présence active qui remonte au texte pour éclairer le présent.
7Je me propose dans la suite de livrer quelques aperçus de ces lectures des Politiques au XIXe siècle. L’ensemble a l’allure d’un sondage dont l’unique objectif est de tracer quelques familles de lectures inventées et/ou pratiquées alors.
8Mon corpus d’analyse est limité, pour des raisons d’économie. Il est constitué par les grands travaux philologiques et par les commentaires qui ont eu une grande influence au XIXe siècle et au-delà8. J’ai pris comme point de départ un travail remarquable, mais peu reçu par la recherche. Il s’agit du Forschungsbericht sur les Politiques de J. Touloumakos. Ce travail est le premier à faire un état de la recherche internationale pour les années 1925-1985, tout en faisant le point sur la recherche du XIXe siècle9.
9La philologie est une activité située. Comme toute activité humaine, la séquence social-historique dans laquelle elle s’inscrit a une pertinence pour son exercice. Dans le cas des Politiques, le contexte historique dans lequel les lecteurs ont élaboré des images de pensée des Politiques sont d’abord à inscrire dans le registre de la longue durée. Les déterminants sociaux fondamentaux de l’Europe pré-moderne ont en effet peu changé depuis l’Athènes de l’époque d’Aristote jusqu’aux révolutions industrielle et politique. Cette unité structurelle, sur laquelle a bien insisté W. Conze10, a assuré une continuité de l’actualité de la doctrine des Politiques. Ce qui signifie que le traité est longtemps lu comme un contemporain idéel qui n’a pas besoin de la critique historique pour s’assurer de la saisie de son sens. L’aristotélisme politique peut être considéré dans une première approche comme la philosophie normale de l’Europe pré-révolutionnaire. Le fondement de la suture entre éthique, économie et politique que connaît l’Europe remonte à notre traité. C’est sur la base de la longue durée de l’activité des catégories de base de la sémantique politique que l’on lit Aristote.
10Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les auteurs lisent la philosophie politique d’Aristote sans distance historico-critique. Le traité est cité à côté des manuels contemporains de théories de l’État. J.A. Fabricius11 regrette ainsi que les Politiques ne traitent pas de l’institution universitaire, de la religion, des Académies, de la politique fiscale et économique, de la diplomatie et du droit de la guerre. Il critique les Politiques en lisant le traité comme un manuel d’actualité. Les Politiques sont pour les auteurs du XVIIe et du XVIIIe siècles un manuel utile mais défectueux, ce qui explique sa faible réception philosophique. La philosophie politique est elle-même entièrement sous l’emprise de l’orbe juridique qui s’appuie sur le droit romain. Cette première vague de lectures couvre environ trois siècles. Elle est bien pointée par E. Barker :
Mais de 1550 à 1800 ou presque, la science politique s’est faite sans Aristote. Ses deux écoles, les Absolutistes (ou ‘Machiavéliens’), comme Bodin et Filmer, et les Contractualistes, comme Languet et Locke, ont pensé en des termes différents de ceux qu’Aristote pouvait fournir. Entre leurs mains, la Science Politique déserta l’éthique ; elle cessa de considérer l’esprit de l’homme comme son affaire. Elle devint une science du droit. Elle s’empara du droit en lieu et place de l’éthique et altéra radicalement sa nature [...] Le mariage de la Science Politique avec le Droit romain signa sa déchéance.12
11Vers la fin du XIXe siècle, les historiens de la science politique seront sortis de cette approche légaliste. F. Pollock énonce en 1890 un jugement qui fait partie aujourd’hui encore des jugements largement acceptés au sujet de la théorie politique d’Aristote : « D’après l’avis général de la postérité, Aristote a été reconnu comme le fondateur de la science politique »13.
12Pour arriver à ce résultat, les lectures du traité au XIXe siècle imposeront une thèse : Aristote est le fondateur de la méthode historique et de la science politique. Ce qui est remarquable, c’est que ce résultat est le produit conjoint de la philologie moderne et des événements historiques. Les décennies qui suivent la Révolution française sont perçues par les contemporains comme une rupture radicale avec l’Ancien régime, et donc aussi avec la perception de la théorie politique d’Aristote conçue comme la philosophie spontanée de cet ordre social-historique14. Cette solution de continuité motive une critique qui s’articule à une relecture de la philosophie politique d’Aristote au moyen de la méthode historico-critique de la philologie. Le point est très clairement avancé par W.G. Tennemann et Barthélémy-Saint-Hilaire15.
13Les années qui suivent la Révolution française voient ainsi paraître des éditions, des traductions et des commentaires, motivés par le contexte politique. En Allemagne, Schlosser, le beau-frère de Goethe, donne la première traduction allemande des Politiques et de l’Économique (3 vols., Leipzig et Lübeck, 1798)16. Garve le suit de près (Leipzig, 1799, à partir de l’édition de Fülleborn). Schneider donne une édition à Francfort en 1809. En France, le citoyen Champagne livre une traduction avec la justification suivante :
Je déclare que je serais incapable de traduire et d’interpréter […] la Politique, si je n’avais eu trois grands et trois profonds commentaires […] : l’Esprit des Lois, le Contrat social et notre Révolution, le plus étendu et le plus instructif de tous.17
14En 1821, le savant grec Coraes donne à Paris une édition en grec moderne avec un commentaire historico-critique et philosophique qu’il destine à ses compatriotes qui se révoltent contre le joug turc.
15L’idéologie égalitariste des droits de l’homme donnera lieu à une autre lecture de la question de l’esclavage18. Alors que le commentarisme pré-moderne s’est bien accommodé de cette question, en la justifiant la plupart du temps, avec éventuellement quelques aménagements pour la rendre compatible avec l’anthropologie chrétienne, la lecture change radicalement après la Révolution française. La justification de l’esclavage devient la tare majeure du traité d’Aristote. Ainsi, en 1824, dans sa traduction des Politiques, Charles Thurot, professeur au Collège de France, dénonce l’esclavage comme la plus grande erreur d’Aristote. On trouve la même thèse chez Barthélémy-Saint-Hilaire19.
16La Révolution française eut donc un effet ambivalent sur la perception de la théorie politique d’Aristote. Elle fut une sorte d’organe-obstacle, renonçant à sa pertinence doctrinaire cristallisée dans ses lectures scolastiques et créant le besoin de restaurer le sens perdu. Une nouvelle série de lectures, fortement motivées par les transformations sociales, économiques et politiques commence à se déployer. Les éditions, commentaires et traductions vont se multiplier20. Les Politiques intéresseront non seulement les philologues mais aussi les historiens et les philosophes, ce qui fera dire à Oncken que « La Politique d’Aristote est actuellement le traité qui entre toutes ses œuvres jouit du cercle de lecteurs le plus grand et le plus différencié »21.
17Une discipline n’est pas seulement située dans son cadre social-historique, elle travaille aussi un certain nombre de questions souvent très limitées autour desquelles s’affrontent les interprètes. La plus importante question philologique concerne la cohérence interne du traité. Cette question surgit immédiatement de l’état philologique du texte. Comme l’avait bien vu Guillaume de Moerbeke, son premier traducteur, il s’agit d’un traité inachevé, dont les huit livres ne s’accordent pas entre eux dans un tout ordonné. Une simple lecture cursive fait apparaître un paysage accidenté, irrégulier et contradictoire. L’articulation des différents niveaux d’intelligibilité, entre une approche plutôt ‘sociologique’ et une approche plutôt ‘normative’ est un problème central que pose ce texte et sur lequel s’affrontent les lecteurs. Les livres IV-V-VI affichent un empirisme évident, alors que les livres VII et VIII, à la recherche de la ‘meilleure’ polis, semblent relever d’un projet platonicien. Cette question philologique débouche sur la question de la cohérence de l’architecture conceptuelle du traité. Résoudre cette question est à la fois un préalable au traitement philologique et son objet de recherche.
18Deux familles de lectures seront pratiquées au XIXe siècle, dont nous sommes aujourd’hui encore les héritiers. On peut là aussi illustrer ces positions en prenant comme témoins Susemihl et Newman, lesquels fourniront à la fin du XIXe siècle la meilleure édition critique22 et le meilleur commentaire23. Susemihl plaide en faveur d’une thèse unitariste. Selon lui, Aristote avait une conception très claire et un plan cohérent de l’architecture conceptuelle à suivre. À partir de celle-ci, en amont du traité, Aristote a exécuté son programme en plusieurs étapes, avec autant de recherches qui se sont matérialisées dans les huit livres. En d’autres termes, Susemihl reconduit la multiplicité des analyses à une cohérence in mente. De cette même multiplicité d’analyses, Newman tire une autre conclusion. Selon lui, Aristote avance dans le noir, à la pointe de son ignorance, sans plan préconçu. On obtient ainsi l’image d’un Aristote qui ne maîtrise pas l’unité de son projet. On peut tout au plus parler d’unité imparfaite. Pour Newman, l’architecture conceptuelle n’est pas en amont du travail mais en aval, comme un objectif à atteindre. Les huit livres témoignent alors de ce cheminement à travers des sentiers différents mais qui ont tous plus ou moins la même destination.
19L’opposition se fait donc sur fond d’un postulat qu’il ne faut pas oublier : aussi bien les Politiques que l’ensemble du corpus sont pris dans l’orbe du système. Au XIXe siècle, la grande question porte sur l’identification et l’évaluation de cette unité du ‘système’ d’Aristote. Ce grand schème interprétatif ne sera mis en cause que par le nouveau modèle herméneutique de la Schichtenanalyse proposé par W. Jaeger en 192324.
20La question de la cohérence du traité s’est matérialisée dans ce qui est devenu une vexata quaestio de la recherche philologique : comment (re)classer les huit livres. Il s’agit là d’une vieille question, puisque le premier – après Nicole Oresme – à proposer un classement différent de l’ordre transmis est A. Scaino da Salò en 157725. En 1637, Conring donne une édition en proposant le même ordre que celui proposé par Scaino da Salò. Près de deux siècles plus tard, J. Barthélémy-Saint-Hilaire, note : « De Conring jusqu’à nous, c’est-à-dire dans l’espace de deux siècles à peu près, personne n’a traité de nouveau la question d’une manière spéciale et complète »26. Cette question occupera en revanche grandement les philologues du XIXe siècle. Le point est toujours le même : déplacer l’ordre des livres pourrait donner une meilleure cohérence à l’ensemble. Ainsi, le déplacement des livres VII et VIII après le livre III permet de renforcer l’idée d’un Aristote théoricien de la politique et de secondariser les enquêtes sociologiques comme des matériaux pour la réflexion. Cette lecture est défendue notamment par Barthélémy-Saint-Hilaire, Susemihl et Newman. Au début du siècle en revanche, Schneider donne une édition qui reprend l’ordre transmis27. Néanmoins, la plus grande partie des philologues déplacent le bloc des livres VII et VIII après le livre III. Mais d’autres solutions sont proposées. Barthélémy-Saint-Hilaire propose un second déplacement et obtient l’ordre I, II, III, VII, VIII, IV, VI, V28. L’inversion de l’ordre des deux derniers livres est fondée sur l’argument d’une cohérence interne entre les livres IV et VI. Les livres IV et VI traitent de la morphologie politique, alors que le livre V traite de la pathologie politique29.
21L’aspect discursif du traité a fait l’objet d’âpres débats. Les huit livres du traité entrent en effet difficilement dans les canons discursifs de la forme-traité. Les lacunes, les contradictions et l’hétérotopie stylistique ont été à l’origine de différentes solutions issues de l’ingenium philologique. Au XIXe siècle, deux écoles s’opposent. La première tient que le traité a été achevé puis corrompu au cours de la chaîne de transmission. C’est la thèse de Barthélémy-Saint-Hilaire, qui met en cause la « légèreté des copistes »30. La seconde tient que le traité fut laissé inachevé par Aristote. Les huit livres sont les reliefs intellectuels d’un chantier non terminé, avec ses échafaudages dont certaines parties sont presque complètes. D’autres interprètes lisent les traces d’un travail en cours. Il s’agit de la position dominante, défendue par Zeller, Susemihl et Newman notamment. Dans cette perspective, de nombreux philologues ont émis l’hypothèse d’un rédacteur, en l’occurrence Théophraste, qui serait l’auteur de la collation des livres en un volume31. Mais d’autres hypothèses ont été avancées. Selon Oncken, les huit livres sont des notes de cours transmises par les auditeurs d’Aristote. D’autres travaux sur l’usage des particules et de l’évitement du hiatus ont amené Susemihl et Hicks à isoler les livres VII et VIII comme des textes plus achevés que les autres32.
22Dans l’ensemble, ces recherches ne déboucheront pas sur des résultats qui parviendront à s’imposer dans la communauté des chercheurs. On peut même tenir que la tentative de résoudre la question dans ces termes est aporétique. À la fin du XIXe siècle, la question de l’ordre philologique reste sans réponse univoque33. On notera que la plupart des éditions du XXe siècle sont revenues à l’ordre traditionnel. Il s’agit maintenant de voir ce qu’il en est de la question de l’ordre conceptuel.
23La version officielle de l’histoire intellectuelle de la réception des Politiques s’énonce ainsi : la philosophie aristotélicienne des choses humaines a marqué profondément la réflexion politique de l’Occident depuis le XIIIe siècle, avant de perdre sa pertinence à la fin du XVIIIe siècle. L’anti-eudémonisme kantien et la critique universaliste aurait brisé net cette tradition. Le XIXe siècle aurait alors suivi d’autres voies, profondément marquées par l’événement de la Révolution française. Dans le domaine de l’histoire des idées, le nationalisme, le libéralisme, le socialisme, les philosophies de Kant et de Hegel ainsi que le primat de l’économie politique marquent une rupture avec l’anthropologie politique aritotélicienne. Mais cette rupture s’inscrit dans une manière de lire les Politiques. Si bien que la question est moins celle de savoir si l’activité des Politiques disparaît, que celle de savoir quels sont les effets de la rupture d’une tradition de lecture.
24Le premier effet, on l’a vu, est d’encourager un travail historico-philologique qui doit ouvrir l’accès à une autre lecture. Les efforts de la philologie doivent fournir une base textuelle plus sûre. Le second effet, symétrique, est de détacher le texte de ses accrétions scolastiques. Ce n’est pas le traité qui est caduc, mais la somme des lectures, interprétations, traductions et commentaires accumulée au cours des cinq siècles depuis sa réception médiévale. Au début du XIXe siècle, Hegel note dans ses Leçons sur l’histoire de la philosophie : « Il y a une raison pour s’attarder sur Aristote : aucun philosophe n’a subit un tort plus grave que celui infligé à Aristote par les traditions dénuées de toute réflexion qui se sont attachées à sa philosophie et qui sont encore à l’ordre du jour »34. Hegel poursuit en disant que si Platon connaît un vaste cercle de lecteurs, Aristote en revanche est presque inconnu, si bien qu’on lui impute des idées qui relèvent du préjugé.
25Les historiens de la philosophie du XIXe siècle vont faire débuter leur lectures par un questionnement situé. Si le traitement philologique des Politiques fut motivé par la Révolution française, on peut s’attendre à ce que les interprétations soient aussi très marquées par la politique du XIXe siècle. La question qui est alors de savoir quelles sont les idéologies politiques à l’ouvre du côté des interprètes.
26Au cours du XIXe siècle, les catégories de base de la pensée politique prennent la forme d’une série de duels qui se déclinent sous différentes modalités : l’État et l’individu, la société civile et l’État, le pouvoir et l’opinion, le privé et le public. L’autorité politique, la fonction démiurgique de l’État sont opposées à la spontanéité de la société, à sa capacité d’auto-organisation promue par le libéralisme. L’axe majeur de réflexion se situe dans le cadre de l’ambition de la théorie économique à se débarrasser autant que faire se peut de la fonction législative de la politique et de la philosophie politique35. Les lectures d’Aristote seront informées par ces débats. Ce qui rend la problématique compliquée est que cette approche vient réitérer un problème lié à la doctrine aristotélicienne. Plus précisément, on peut décrire la situation de la manière suivante. Du côté de l’interpretandum, nous trouvons d’une part la question des rapports à l’intérieur de la philosophie pratique entre économie, éthique et politique et d’autre part la question de la nature des rapports entre les régimes théorique et pratique de la rationalité philosophique. Tout lecteur du traité doit affronter ces questions de cadastre à l’intérieur du corpus aristotélicien. Du côté de l’interpretans, le XIXe siècle connaît la même conflictualité eu égard à l’articulation des catégories de base de la sémantique de la philosophie pratique. Il suffit de penser au débat entre libéraux et socialistes. Cette question d’historiographie philosophique est immédiatement une question philosophique concernant la théorie politique du XIXe siècle.
27Les lecteurs du XIXe siècle lisent les traités éthico-politiques d’Aristote à partir d’une constellation herméneutique qui met en relief la difficulté de la question. Ils partagent l’idée que la philosophie aristotélicienne est bien articulée sous une forme systématique. À partir de ce primat du système, les auteurs vont proposer des versions qui articulent les différents pans du corpus. La difficulté majeure est celle de mettre en évidence la cohérence entre recherche empirique et spéculation. L’ensemble de la recherche du XIXe siècle peut se ramener à une typologie des modes d’articulation (ou d’absence d’articulation) entre un Aristote empiriste et un Aristote spéculateur. Ce schéma fonctionne comme un opérateur de glissement : Aristote est face à Platon un empiriste, mais face aux sciences historiques, c’est un philosophe spéculatif. Seul Hegel tentera une médiation entre les deux, mais en l’intégrant à son tour comme moment dans sa philosophie du droit.
28C’est sur ce primat de la cohérence que s’ouvre alors la question de la solution de la tension entre recherche empirique et réflexion spéculative. Comment faire tenir ensemble ce qui prima facie ne tient pas ensemble, alors que le postulat herméneutique est celui du système ? Différentes solutions seront apportées, aussi bien au niveau de l’architectonique d’ensemble du corpus que sur des régions précises de ce même corpus. Dans un article qui aura une influence notable, A.C. Bradley reconstruit l’ensemble en partant de la théorie politique qui se base sur les recherches empiriques des traités éthico-politiques, trouve sa cohérence au sein de la psychologie et son fondement dans la métaphysique : « Pour lui, la science politique est fondée sur l’éthique, et l’éthique est fondée sur la psychologie ; et toutes ensemble sont sous la métaphysique et son application à la nature »36.
29De même, les historiens de la philosophie utiliseront la philosophie hégélienne pour articuler autrement le projet aristotélicien en partant des progrès obtenus par la recherche philologique37. Sur le plan d’ensemble, ce sont les travaux sur la Métaphysique qui cherchent à présenter le système aristotélicien en s’appuyant sur l’historiographie philosophique hégélienne. On peut citer le mémoire de Ch. L. Michelet sur la Métaphysique :
En effet, puisque la Métaphysique est la science des principes et par conséquent le fondement de toutes les autres sciences, et que les principes de philosophie énoncés dans la Métaphysique trouvent leur application dans le reste des écrits d’Aristote les plus authentiques, sa Métaphysique doit être aussi authentique que ceux-là.38
30Sur la question de la philosophie politique, l’importante histoire de la philosophie de Zeller, qui paraît à partir de 1844, mobilise elle aussi des schèmes hégéliens pour lire les Politiques. Le succès de cette histoire de la philosophie diffusera une lecture de la théorie politique d’Aristote qui est la plus philosophique. Zeller souligne en effet combien l’État selon Aristote exige une formation éthique des citoyens, si bien que la question de la réconciliation entre éthique et politique est une fausse question. Hegel a lu en Aristote une forme d’idéalisme très attentive à l’analyse du concret. En s’appuyant sur l’historiographie philosophique de Hegel, Zeller peut articuler les livres VII et VIII dans l’ensemble des huit livres : ils forment le complément spéculatif aux recherches empiriques et l’ensemble doit être lu comme une illustration exemplaire du difficile travail du concept39. Mais la majeure partie des commentateurs des Politiques ne suivront pas la piste difficile de la lecture hégélienne. Le milieu herméneutique consiste en un comparatisme spontané et non critique entre les doctrines politiques du XIXe siècle et les thèses d’Aristote. En voici quelques exemples.
31La monographie de W. Oncken tente une lecture libérale de la théorie politique d’Aristote. L’Aristote de Oncken se trouve ainsi lu à travers les théorèmes de base de la doctrine libérale du XIXe siècle. Le point de départ est le bonheur de tous les citoyens dans l’État. La théorie politique doit construire un ordre de médiation entre l’unité de l’État et la liberté des citoyens. On pourrait croire à un simple placage idéologique, mais le geste herméneutique est plus complexe. En effet, si Oncken cherche bien dans les traités éthico-politiques des schèmes libéraux, le levier d’une telle approche se fait sur fond d’opposition à Platon. Or dire que, comparativement à l’ordre politique platonicien, Aristote est plus ‘libéral’, est tout à fait correct. Cependant, cette condition ne suffit pas à faire d’Aristote un libéral. L’imputation d’une telle catégorie n’est pertinente que sur fond d’une comparaison avec la philosophie platonicienne. C’est pourtant sur la base de cette pertinence limitée que Oncken généralise sa lecture.
32Oncken poursuit en faisant l’éloge d’Aristote qui serait le premier penseur de l’Antiquité à avoir posé le problème très libéral des limites de l’État. Oncken tient qu’Aristote se pose le même problème que W. v. Humboldt :
Dans la mesure où Aristote brise une lance en faveur de tous ces biens que Platon a effacé d’un trait, il formule des propositions qu’aucun penseur de l’Antiquité avant lui ou après lui n’avait envisagées avec une telle acuité, grâce auxquelles il s’élève jusqu’au seuil de la théorie moderne de la société [...] De même, la médiation aristotélicienne entre l’unité de l’État et la liberté du citoyen, qui est ici au moins esquissée, est une contribution importante de la spéculation sur la conception hellénistique de l’État. Aristote est le premier penseur de l’Antiquité qui entreprend d’élucider les ‘limites de l’efficacité de l’État’, incité en cela par le spectacle du démembrement général que les États hellénistiques connurent, à l’image de l’État allemand au temps de la jeunesse de W. von Humboldt, mais Aristote ne fut pas autant découragé dans ses propres recherches que ce dernier qui fit de l’État un mal malheureusement nécessaire.40
33Cette lecture libérale qui s’appuie sur la comparaison entre Platon et Aristote, et spécifiquement sur la critique qu’Aristote fait des doctrines de la République, trouve ses limites lorsqu’il faut aborder non plus les critiques mais les thèses d’Aristote. Oncken fait intervenir un schème historiciste et déclare que les positions d’Aristote sur les liens entre éthique et politique ont perdu leur pertinence.
34Nous avons donc affaire ici à un cas typique de geste classique qui fonctionne d’après un schème de séparation. Il faut sauver l’Aristote libéral qui s’affirme surtout dans son versant critique, notamment dans sa critique du communisme de Platon que Oncken réactive contre les communistes et les socialistes, qualifiés de honteux compagnons d’armes des communistes41. Il faut reléguer ce qui déborde le schème libéral dans la caducité des doctrines qui ont perdu le sol de leur effectivité :
Le Grec ne connaissait pas la différence entre mœurs et loi, qui est pour nous de la plus grande importance, son langage réunit les deux sous une même et unique description ; de même, la reconnaissance d’une large liberté individuelle qui pour nous va de soi, […] parce que nous comprenons la responsabilité morale dans une mesure plus large, celle-ci manquait dans la conception du monde des philosophes grecs ; c’est pour cette raison qu’il nous est difficile de concevoir un tel type de rapport entre éthique et politique comme il se trouve que c’est le cas ici.42
35Oncken est un libéral qui lit un Aristote libéral. Gomperz est un libéral qui lit un Aristote non libéral43. Si en effet Aristote est un « libéral » par rapport à Platon, il est en revanche, comparé aux Modernes, non libéral et très proche de Platon. Les termes de la comparaison changent et par conséquent l’image d’Aristote aussi. Gomperz aura beau jeu en effet de mettre en évidence l’absence chez Aristote des dogmes libéraux de l’État minimal, veilleur de nuit, qui doit se contenter de faire respecter l’État de droit et de protéger les citoyens. En partant de ce comparans, le comparandum se détache en toute lumière. Ce qui permet à Gomperz d’associer Platon et Aristote sous l’étiquette des philosophes politiques sous l’orbe du rêve spartiate. Ce jeu entre le rien à l’État et le tout à l’État crée l’arrière-plan à partir duquel Gomperz lit Aristote en fonction d’une lecture idéologique moderne :
Il n’y a pas de contraste plus frappant que celui que l’on observe entre les conceptions de Guillaume de Humboldt et celles d’Aristote relativement au but et aux limites de l’action de l’état […] La société actuelle, en Europe comme en Amérique, referme deux partis dont l’un ne veut rien, tandis que l’autre veut tout donner à l’État.44
36Comparé à l’État minimal libéral, l’État chez Aristote est tout-puissant. S’il faut trouver un ancêtre grec à l’idéologie libérale, Gomperz nomme le sophiste Lycophron (« un représentant du principe ‘Laissez faire’ »)45. Aristote devient ainsi dans la lecture de Gomperz un platonicien et un asclépiade46. En quelque sorte, Gomperz fait le geste contraire de Oncken. Il passe sous silence ou minimise fortement la critique qu’Aristote adresse à Platon, notamment dans le livre II des Politiques, afin d’appliquer avec le plus de force possible les éléments libéraux comme dissolvants de la théorie politique aristotélicienne. L’image d’Aristote qui sort de cette lecture est assez faible : Aristote est tenté par Sparte, mais les démons lacédémoniens sont moins actifs chez lui que chez Platon. C’est au moyen de cette tension que Gomperz explique le caractère hétérogène des Politiques et finalement l’échec de la philosophie politique aristotélicienne47.
37Si un commentaire peut parfois faire taire les commentaires à venir, alors il faut faire entrer dans cette catégorie le commentaire monumental de Newman48. Le premier volume contient une longue introduction aux Politiques de 580 pages. La réception des Politiques au XIXe siècle se termine ainsi sur ce commentaire volumineux qui rassemble les fruits d’un siècle de philologie, d’histoire de la philosophie et d’histoire de l’Antiquité. Le catalogue des dettes que Newman reconnaît dans sa préface est explicite :
Mes dettes sont redevables à personne autant qu’au Professeur Susemihl [...] Ma dette envers l’Index Aristotelicus de Bonitz vient en deuxième position après celle que je dois à Susemihl [...] Parmi les travaux qui m’ont été particulièrement utiles, je puis mentionner la Philosophie der Griechen de Zeller, le Lehrbuch der griechischen Antiquitäten de C.F. Hermann, plusieurs travaux de Vahlen, Bernays, Teichmüller et Eucken ; l’Ethik der alten Griechen de Leopold ; Besitz und Erwerb im griechischen Alterthume de Büschenschutz, Studien zur Geschichte der griechischen Lehre vom Staat de Henkel. [...] À mes nombreux prédécesseurs qui ont édité et commenté les Politiques depuis Victorius et aux nombreux traducteurs du traité depuis Sepulveda, mes dettes ne sont pas minces.49
38Le commentaire de Newman représente à plus d’un titre la somme des connaissances acquises par la recherche. Newman reprend et développe les questions que lui ont léguées ses prédécesseurs : la question du système de la théorie politique en intégrant de nombreux éléments puisés dans d’autres régions du corpus ; les analyses comparées des théories de Platon et d’Aristote ; l’intégration de la pensée politique grecque en amont des théories politiques de Platon et d’Aristote. L’axe de son travail porte sur une inscription historique de l’éthique grecque et sur l’évaluation de sa pertinence en comparaison avec le monde politique moderne. C’est dans ce contexte que le dernier chapitre de l’Éthique à Nicomaque ainsi que les livres VII et VIII des Politiques trouvent un traitement privilégié.
39Newman met en avant la démiurgie politique, à savoir la force de l’État à produire des types anthropologiques adéquats. Il voit en Aristote, sur ce point, un fidèle successeur de Platon : « Aristote, tout comme Platon avant lui, a pensé qu’il était en mesure de mieux rendre effective l’influence de l’État »50. Cette démiurgie politique prend surtout la figure de la force de la loi, non pas au sens formel mais au sens d’une véritable anthropologie juridique. Newman la trouve aussi bien chez Platon que chez Aristote dans l’analogie entre l’État et l’individu : « En fait, bien qu’il [i.e. Aristote] renonce au parallèle que Platon tire dans la République entre l’État et l’âme de l’être humain individuel, il croit néanmoins encore fermement à une analogie entre l’individu et l’État et il la pousse trop loin »51.
40En quoi cette analogie est-elle excessive ? Pour Newman, la fonction démiurgique de l’État est importante et doit être soulignée. Mais l’erreur est de déduire de cette démiurgie un primat de la politique : « C’est lorsque Aristote entre dans les détails et qu’il interprète la vie bonne de manière inséparable de la quête de la politique que nous nous sentons le moins portés à lui donner raison »52. Nous avons ici affaire à un cas exemplaire de la limite philosophique du commentaire de Newman. En substance, Aristote a raison de fonder le primat de l’État, mais il va trop dans les détails. Il faut suivre l’esprit de sa théorie et non sa lettre53. Ce qui pour un commentaire des Politiques est vraiment surprenant, d’autant plus que Newman est encore aujourd’hui considéré comme la référence majeure du commentarisme sur les Politiques. Newman présente ici une lecture ancienne54, mais beaucoup plus étayée sur des connaissances historiques.
41Ce qui manque à Platon et à Aristote, c’est tout simplement l’universalisme du théologico-politique :
Aristote, avec quelques variations, a suivi les traces de Platon. Leur conception de l’État nous intéresse dans la mesure où elle constitue le plus ancien témoignage (hormis l’histoire du Judaïsme) d’un sentiment que la société a besoin d’une autorité spirituelle : l’émergence postérieure de l’Église chrétienne est une preuve solide qu’ils ne se sont pas trompés quand ils cherchaient quelque chose de plus que l’influence spirituelle organisée que l’État grec offrait. Sur ce point Platon et Aristote sont allés dans la bonne direction. Mais lorsque ils se sont attachés à faire de la cité-état un oracle de la vérité spirituelle, semblant chercher à procurer à tout homme une sorte de Sinaï de paroisse, ils se sont grandement trompés.55
42En d’autres termes, c’est faute de connaître la Révélation que Platon et Aristote défendent le primat de la politique et la démiurgie de l’État. Leur intention est bonne, mais ils ne peuvent atteindre qu’un « Sinaï de paroisse »56. La lecture du premier volume du commentaire de Newman réserve d’autres surprises. Critiquant le primat de la politique, Newman avance deux arguments. Le premier tient que la loi ne fait pas tout. Newman reproche à Aristote de négliger la force de l’économie57, de la religion et de la science : « Il [i.e. Aristote] n’a pas, cependant, reconnu toutes les causes qui tendent à limiter l’influence du législateur : il ignorait combien peu la loi peut contrôler la religion, ou la science, ou la distribution de la richesse, ou la relative préséance des occupations particulières dans un État ».
43Le deuxième point tient q’Aristote aurait donné un trop grand poids spirituel à l’État, oubliant en amont l’héritage culturel et biologique :
Il est pour nous difficile de faire remonter les conceptions traditionnelles de la vie qui sont pour nous en vigueur – l’idéal tacite de caractère et de bonne conduite que tout Anglais acquière du ‘milieu’ social dans lequel il vit – à des lois promulguées alors par un législateur. Nous tenons que cet héritage est bien plutôt un héritage du sang, un adjuvant de la race et non le produit d’une loi écrite.58
44Newman joint enfin une critique portant sur la limite de la politique sur la plan des relations internationales. L’État idéal d’Aristote, tel que Newman le lit dans les livres VII et VIII, ne cherche à faire que le bonheur des citoyens. Or, selon Newman, un État – entendez l’Empire britannique – a une mission civilisatrice dans le monde, un fardeau dont il doit s’acquitter :
Pour nous, un État qui, quelque noble que soit son action, échoue à laisser sa marque dans l’histoire et dans le vaste monde apparaîtrait comme un échec eu égard à ce que nous désirons qu’un État soit.59
45Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, depuis la situation idéologique de Newman, l’État d’Aristote est très proche du Léviathan de Hobbes. L’État est une sorte de Dieu, moins éloigné et plus utile que le Dieu d’Aristote60. Enfin, il faut une dernière fois citer Newman : « Nous avons le sentiment que son idéal [i.e. Aristote] est un idéal noble, l’idéal d’une race en progrès, peut-être plutôt grecque que germanique, plutôt ancienne que moderne »61. Cette phrase illustre précisément dans son usage excessif des modalisations l’indigence philosophique du commentaire de Newman. Dans sa volonté d’offrir un commentaire des Politiques à l’usages de ses contemporains, et plus précisément, de ses concitoyens de l’Empire, Newman mobilise une part importante des idéologies de son époque : biologisme62, nationalisme, libéralisme, impérialisme, en intégrant de manière non critique des bribes philosophiques (Kant, Smith, Mill) au service de l’Empire britannique et de sa mission historique.
46Ainsi, malgré l’imposante somme de connaissances dont Newman fait preuve dans son commentaire, sa lecture s’inscrit fondamentalement dans une tradition de lecture qui lit dans les Politiques un faire-valoir politico idéologique. Cette tradition commence au XIVe siècle avec la commande de Charles V à Nicole Oresme de traduire en français les Politiques (vers 1370) afin de fournir à son entourage une culture politique contre l’appareil théologico-politique de la papauté63. S’il y a progrès, c’est dans un accès direct au grec dans une édition de meilleure qualité (grâce à Susemihl) et dans une une meilleure connaissance de l’histoire et de la pensée politique grecques.
47Si l’on observe ces différentes lectures depuis aujourd’hui, on peut tirer un certain nombre de traits remarquables. Avec le début de la philologie moderne au XIXe siècle, les conditions d’une nouvelle lecture sont réunies, et ceci au moment où le traité perd son actualité politique avec la Révolution française et la Révolution industrielle. Mais il faut bien déterminer cette perte d’actualité. Ce n’est pas le traité qui disparaît, mais les multiples horizons de questions qui émergent de cette nouvelle situation social-historique se démarquent des lectures théologico-politiques. Dès lors, les lectures des Politiques sont informées par les grandes idéologies politiques du siècle : le libéralisme, le nationalisme, l’impérialisme, le socialisme et le communisme.
48La question qui traverse toutes ces lectures est celle de l’unité du social et s’énonce ainsi : qu’est-ce qui fait qu’une société tient ensemble ? Deux schèmes s’opposent : le schème démiurgique qui donne le primat à la politique, et spécifiquement à sa fonction législative, et le schème libéral qui donne le primat à la société contre la fonction démiurgique de l’État. Les traités éthico-politiques d’Aristote sont mobilisés dans le cadre de ce débat et tombent, en fonction des lectures, en bonne ou en mauvaise part, en fonction des attentes comparatistes des lecteurs. La seconde moitié du XIXe siècle fera l’expérience vive de ce problème, au moment où la révolution industrielle fait paraître au grand jour ses conséquences anthropologiques : anomie sociale, individualisme, privatisation de l’individu démocratique. Cette question du lien entre l’individu et l’État a ceci de remarquable qu’elle épouse le problème philologique et philosophique de l’articulation entre éthique et politique, entre le citoyen et la polis dans les traités éthico-politique d’Aristote.
49La méthode historico-critique pratiquée au XIXe siècle et particulièrement chez Susemihl et Newman constituent sans doute une avancée, mais beaucoup de chemin reste à faire pour faire une herméneutique vraiment critique des Politiques. Je prendrai simplement l’exemple de l’usage de la sémantique politique. En tant que langage-objet chez Aristote, elle n’est pas interrogée par les lecteurs. Or Aristote donne plusieurs définitions de la polis. Du côté du langage d’analyse, les lecteurs du XIXe siècle n’explicitent jamais leur catégories d’analyse (État, politique, citoyen, société) et on trouve un constant flottement dans l’usage de ces termes qui se réitère dans la traduction de polis par État, parfois avec, parfois sans majuscule. Que ces termes ne soient pas réductibles à une définition verbale est une évidence, mais cela n’empêche pas pour autant un travail de discrimination.
50L’histoire des lectures des Politiques au XIXe siècle doit se construire en parallèle à l’histoire des métalangages d’analyses des lecteurs. Les concepts d’État, de société, de citoyen doivent être autant analysés que ceux de polis, politeia, politês. Cela n’a pas été fait alors. Les lectures s’appuient sur une conceptualité politique spontanée qui fonctionne comme comparans ininterrogé. Ce travail reste à faire si l’on veut faire une critique de la querelle politique des Anciens et des Modernes et de sa reprise au XXe siècle dans les termes de l’opposition entre libéralisme et communautarisme, libéralisme et totalitarisme, contractualisme et néo-aristotélisme politique. Les lectures des Politiques au XIXe siècle restent l’antichambre herméneutique des lectures du siècle suivant.
Notes de bas de page
1 Sur la réception du traité au Moyen Âge, cf. Ch. Flüeler, Rezeption und Interpretation der Aristotelischen Politica im späten Mittelalter, Teil I, Amsterdam et Philadelphie, B.R. Grüner, 1992. D. Luscombe, « Commentaries on the Politics : Paris and Oxford, XII-XIVth centuries », dans O. Weijers, L. Holtz (éds.), L’enseignement des disciplines à la Faculté des arts (Paris et Oxford, XII-XVe siècles), Brepols, 1997, p. 313-327. W. Oncken, Die Staatslehre des Aristoteles in historisch-politischen Umrissen, Leipzig, 1870-1875 ; réimpr. Aalen, Scientia Verlag, 1964, I, p. 64-80, désormais cité : Oncken.
2 Cf. Q. Skinner, Les Fondements de la pensée politique moderne, Paris, Albin Michel, 2001 (éd. or. 1978). P. Ptassek et alii, Macht und Meinung. Die rhetorische Konstitution der politischen Welt, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1992, p. 93-99.
3 Cf. O. Höffe, Aristoteles, Münich, Beck, 1996, p. 238. W. Kersting, Die politische Philosophie des Gesellschaftsvertags, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1994, p. 1-11.
4 Cf. A. Renaut (éd.), Histoire de la philosophie politique 1, La liberté des anciens, Paris, Calmann-Lévy, 1999. Notamment l’Avant-propos d’A. Renaut, p. 25-44.
5 On ne trouve que trois occurrences du nom d’Aristote dans les œuvres complètes de Machiavel, dont une seule est prégnante et renvoie au livre V des Politiques. Cf. N. Machiavelli, Discorsi sopra la prima Deca di Tito Livio, III, 26, dans Tutte le opere, Florence, Sansoni, 1992, p. 233. Montesquieu a écrit les premiers livres de L’Esprit des Lois avec Les Politiques ouvertes à côté de lui. Cf. R. Aron, Les Étapes de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1967, p. 31. Sur le rapport de Hobbes à Aristote, cf. L. Strauss, La philosophie politique de Thomas Hobbes, Paris, Belin, 1991 (éd. or. 1936), p. 55-71.
6 Une première tentative en ce sens qui prend en compte le social-historique se trouve chez G. Bien, « Die Wirkungsgeschichte der aristotelischen ‘Politik’. Ein Problemaufriss », G. Patzig (éd.), Aristoteles’ Politik (Akten des XI. Symposium Aristotelicum), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1987, p. 325-356.
7 Cf. D. Sternberger, « Die Versunkene Stadt. Ueber Hannah Arendts’ Idee der Politik », dans Staatsfreundschaft. Schriften, vol. IV., Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1980.
8 Un autre travail serait d’isoler la présence d’Aristote chez les penseurs politiques. Pour ne prendre qu’un seul exemple, je renvoie au cas de Burke analysé par L. Strauss, Droit naturel et histoire, Paris, Flammarion, 1986 (éd. or. 1953), p. 254-279.
9 Cf. J. Touloumakos, « Aristoteles ‘Politik’ 1925-1985 », in Lustrum 32 (1990), 177-289 ; Lustrum 35 (1993), 182-289 ; Lustrum, 39 (1997), 8-305.
10 Cf. W. Conze, Die Strukturgeschichte des technisch-industriellen Zeitalters als Aufgabe für Forschung und Unterricht, Köln et Opladen, 1957. Sur l’histoire de la sémantique politique moderne, cf. R. Koselleck « Einleitung », dans O. Brunner, W. Conze et R. Koselleck (éds.), Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache Deutschlands, Bd. 1, Stuttgart, Klett-Cotta, 1984, p. XIII-XXVII.
11 Cf. J.A. Fabricius, Bibliotheca Graeca, Vol. III, Hambourg, 17934, p. 271, n. 9.
12 Cf. E. Barker, The Political Thought of Plato and Aristotle, New York, Russell & Russell, 1959, p. 518sq. (éd. or. 1906).
13 Cf. F. Pollock, An Introduction to the History of the Science of Politics, London, 1890, p. 1sq. C’est déjà l’avis de J. Barthélémy-Saint-Hilaire, Politique d’Aristote, Paris, 18743 (1837), p. LI : « Aristote a la gloire d’avoir fait pour la politique ce qu’il a fait pour les autres parties de la politique : il lui a donné forme scientifique ». Désormais cité : Saint-Hilaire.
14 Notons que la portée philosophique du traité est souvent réduite par la pratique d’une lecture prudentielle. Par lecture prudentielle j’entends la réduction du traité à une somme de maximes pour le bon comportement de l’honnête homme. Il s’agit d’une privatisation de l’aristotélisme politique. Cf. R. Bubner, Polis und Staat. Grundlinien der Politischen Philosophie, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 2002, p. 94-98.
15 Cf. W.G. Tennemann, Bemerkungen über die sogenannte ‘Grosse Ethik’ des Aristoteles, dans Abhandlungen der Kurfürstlich-Mainzischen Akademie nützlicher Wissenschaften zu Erfurt, I (1798), 209-232 ; Saint-Hilaire, p. I-VII.
16 Il est remarquable que la première traduction allemande des Politiques paraisse sous l’influence de la Révolution française, si l’on tient compte du fait que l’Allemagne protestante fut dès le XVIe siècle très active dans le maintien de la tradition aristotélicienne grâce à Melanchthon. Cf. P. Petersen, Geschichte der aristotelischen Philosophie im protestantischen Deutschland, Leipzig, 1921. Désormais cité : Petersen. W. Bleek, Geschichte der Politik-wissenschaft in Deutschland, Munich, Beck, 2001, p. 52-65.
17 Cf. La Politique d’Aristote ou la Science des Gouvernements. Ouvrage traduit du grec avec notes historiques et critiques, par le citoyen Champagne, directeur de l’institut des boursiers du collège Égalité. Discours préliminaire, Paris, 1797, I, p. LXII.
18 Cf. G. Vannier, L’esclave dans la cité. Aristote, éthique et politique, Paris, L’Atelier de l’Archer, 1999.
19 Cf. Ch. Thurot, La morale et la politique d’Aristote, traduites du grec, 2 t., Paris, 1824, t. 2., p. LXV. Saint-Hilaire, p. LVI-LIX. Le XIXe siècle donnera une grande synthèse sur la question de l’esclavage sous la plume de H. Wallon, Histoire de l’esclavage dans l’antiquité, Paris, Robert Laffont, 1988 (éd. or. 1847), sur Aristote cf. p. 302-315 et passim.
20 Cf. F. Susemihl, Aristoteles’ Politik. Griechisch und Deutsch, mit sacherklärenden Anmerkungen, Leipzig, 2. vol., 1879, p. XVIII-XXVII. Désormais cité : Susemihl.
21 Cf. Oncken, I, p. 64.
22 Cf. Susemihl.
23 Cf. W.L. Newman, The Politics of Aristotle. With an Introduction, two Prefatory Essays and Notes Critical and Explanatory, 4. vol., Oxford, 1887-1902 ; réimpr. New York, Arno Press, 1973. Désormais cité : Newman.
24 Cf. W. Jaeger, Aristote. Fondements pour une histoire de son évolution, Paris, L’éclat, 1997 (éd. or. 1923). Notons que la thèse jaegerienne, très discutée dans la première moitié du XXe siècle, n’a pas réussi à s’imposer.
25 Cf. A. Scaino da Salò, In octo Aristotelis libros qui exstant De republica quaestiones, Rome, 1577. Il plaide pour un déplacement des livres VII et VIII entre les livres III et IV. Cf aussi Petersen, p. 183.
26 Cf. Saint-Hilaire, p. CLXIII.
27 Cf. P. Petersen, p. 436.
28 Cf. Saint-Hilaire, p. CLIX-CLXXVIII.
29 Cf. Saint-Hilaire, p. CLXVI. D.J. Woltmann, « Ueber die Ordnung der Bücher in der aristotelischen Politik », Rheinisches Museum, 1 (1842), 321-354 ; B. J. Bendixen, « Ueber die Reihenfolge der zur Politik des Aristoteles gehörigen Bücher », Philologus, 13 (1858), 264-304. Zeller passe en revue les protagonistes de cette question dans une longue note. Cf. Ed. Zeller, Die Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung, II. Teil, 2. Abt., Aristoteles und die alten Peripatetiker, Leipzig, 19214, p. 672-678, note 2. Désormais cité : Zeller.
30 Cf. Saint-Hilaire, p. CLXXII.
31 Dans le catalogue de Diogène Laërce V, 24, le traité est appelé « Enseignement politique, comme celui de Théophraste ».
32 Cf. R.D. Hicks, « On the Avoidance of hiatus in Aristotle’s Politics », Proceed. of the Cambr. philol. Soc., XIII-XV (1886), p. 22-23.
33 Voir le tableau donné par J. Aubonnet de l’ordre des livres chez les principaux éditeurs du XIXe siècle, Aristote. Politique, Tome I, livres I et II, Paris, Belles Lettres, 1991, p. CVII.
34 Cf. G.W.F. Hegel, Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie, II, dans Werke 19, Frankfurt a.M., Suhrkamp, 1976 (éd. or. 1833), p. 133. Désormais cité : Hegel.
35 Cf. A. Smith, Theory of Moral Sentiment (1759), dans Works, London, 1812, vol. I, p. 407-411.
36 Cf. A.C. Bradley, « Aristotle’s Conception of the State », dans E. Abbott (éd.), Hellenica, London, 1880, 181-243, ici p. 183 ; réimpr. dans J. Dunn and I. Harris (éds.), Great Political Thinkers, tome 2., vol. 1., Aristotle, Cheltenham-Lyme, Elgar, 1997, p. 1-63.
37 Cf. G. Santinello et G. Piaia (éds.), Storia delle storie generali della filosofia, vol., 4, L’età hegeliana, t. I., La storiografia filosofica nell’area tedesca, Padova, Antenore, 1995.
38 Cf. Ch. L. Michelet, Examen critique de l’ouvrage d’Aristote intitulé Métaphysique, Paris, 1836 ; réimpr. Paris, Vrin, 1982, p. 1-2. Je souligne.
39 Cf. Zeller, p. 683sq., note 4. Cf. aussi Hegel, p. 147.
40 Cf. Oncken, I, p. 192sq. Je souligne.
41 Cf. Oncken, I, p. 192.
42 Op. cit., p. 168.
43 Cf. Th. Gomperz, Griechische Denker. Eine Geschichte der Griechischen Philosophie I-III, Wien, 1895. Il s’agit d’une monographie très influente qui connaîtra trois réimpressions (1902, 1910, 1931), une traduction anglaise en 1905 et une traduction française : Les penseurs de la Grèce. Histoire de la philosophie antique, trad. M.A. Reymond, Lausanne et Paris, 3. vol., 1904-1910. Je cite le vol. 3. d’après l’édition française. Désormais cité : Gomperz.
44 Cf. Gomperz, p. 368. Comme Oncken, Gomperz se réfère à W. v. Humboldt, « Ideen zu einem Versuch, die Gränzen der Wirksamkeit des Staats zu bestimmen » (1792), dans A. Flitner et K. Giel (éds.), Werke in fünf Bänden I. Schriften zur Anthropologie und Geschichte, Stuttgart, Cotta, 1960, p. 56-233.
45 Cf. Gomperz, p. 369sq. Lycophron est cité par Aristote, Politiques, III, 1280 b10-11.
46 Cf. Gomperz, p. 62-75.
47 Cf. Gomperz, p. 427-429.
48 Cf. Newman.
49 Cf. Newman, I, p. IX.
50 Cf. Newman, I, 74.
51 Cf. Newman, I, 312. Je souligne.
52 Cf. Newman, I, 81.
53 Ibid., « … à défaut de sa lettre, il faut respecter l’esprit de l’enseignement d’Aristote ».
54 Cf. Petersen, p. 414-417 (« Der Atheismus des Aristoteles »).
55 Cf. Newman, I, p. 82.
56 Cf. Newman, I, p. 82.
57 Cela ne sera pas l’avis de Marx qui reconnaîtra la profondeur des analyses économiques d’Aristote. Cf. K. Marx, Le Capital, I (1867), sections I à IV, Paris, Flammarion, p. 59sq. (« Troisième particularité de la forme équivalent : le travail ») et la mise au point de K. Polanyi, La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1983 (éd. or. 1944), p. 85, contre B. Jowett, auteur d’une traduction des Politiques parue à Oxford en 1895 : « Pourtant, le ‘principal’ du college de Balliol, Jowett, se trompait lourdement lorqu’il tenait pour certain que son Angleterre victorienne saisissait mieux qu’Aristote la nature de la différence entre l’administration domestique et l’acquisition de l’argent ».
58 Cf. Newman, I, p. 560sq.
59 Cf. Newman, I, p. 562. Je souligne.
60 Cf. Newman, I, p. 286, note 1 : « Il est vrai qu’Aristote ne le dit nulle part : pourtant il y a beaucoup de choses dans la Politique qui suggèrent l’idée à laquelle Hobbes a donné une forme définitive, quand il parle de l’État comme ‘dieu mortel’ auquel nous sommes redevables, sous le ‘dieu immortel’, de notre paix et de notre défense’(Léviathan, 2e partie, ch. 17) ».
61 Cf. Newman, I, p. 558. Je souligne.
62 Cf. D. Guillo, Les figures de l’organisation. Sciences de la vie et sciences sociales au XIXe siècle, Paris, PUF, 2003.
63 Cf. N. Oresme, Le livre des Politiques d’Aristote, A.D. Menut (éd.), Philadelphie, 1970, « Transactions Of the American Philosophical Society », new series, vol. 60, part 6, p. 11 et 19. Notons au passage que Oresme, en traduisant les traités éthico-politiques d’Aristote du latin en français, introduit plus de 1000 mots dans la langue française, par exemple les mots ‘politique’, ‘législation’, ‘aristocratie’, ‘tyrannie’, ‘démagogue’.
Auteur
Chercheur à l’Université de Lausanne.
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