Troisième partie. Émigration, réseaux d’affaires et pouvoir
p. 163-305
Texte intégral
1À Bilbao, au XVIe siècle, le commerce est le fait de quelques puissantes familles. Pour favoriser leur ascension sociale, celles-ci n’hésitent pas à pratiquer le jeu d’alliances matrimoniales. Cependant la réussite de ces « fronts de parenté » est également conditionnée par d’autres types de relations. Mis à part les liens de sang, des amitiés familiales ou professionnelles peuvent au besoin intervenir dans les affaires et contribuer au succès. Il faut ajouter à cela des relations de dépendance et de pouvoir entretenues par les familles de marchands avec les nobles titrés, les ecclésiastiques, et les paysans. Ces divers types de liens forment donc des réseaux de « sociabilité » qui dépassent le cadre strict de la famille1.
2Néanmoins, il ne s’agit pas de reconstituer l’ensemble des liens tissés par les familles bilbanaises dans leurs milieux d’origine et d’adoption, non plus que de déterminer la nature de l’ensemble de ces liens, la façon dont ils se structurent et se renouvellent. Il eût fallu pour cela modifier quelque peu l’axe de notre recherche en étudiant de nouvelles sources tels que les registres paroissiaux, les procès et les inventaires après décès, surtout ceux de Séville. Cela revenait à entreprendre une autre étude.
3Aussi, dans le cadre de ce travail, notre vision de l’univers social bilbanais s’inscrit dans le prolongement de l’analyse économique que nous venons de réaliser, laquelle met principalement en scène les acteurs commerciaux. Nous analyserons essentiellement leurs liens professionnels pour mieux comprendre comment fonctionnent les échanges entre Bilbao et l’extérieur. Notre analyse sociale permet de parfaire la connaissance de l’économie maritime bilbanaise, objet des deux premières parties2.
4Les études du monde marchand espagnol au XVIe siècle sont assez rares3, et quelques travaux seulement ont porté sur les marchands espagnols des régions côtières4. Ces analyses de la bourgeoisie du littoral, réalisées la plupart du temps à partir d’archives locales, n’aboutissent pas à une vision d’ensemble de tel ou tel groupe d’entrepreneurs. De façon générale, la figure du marchand en Espagne est donc celle du Castillan, surtout Burgalais, ou celle du marchand étranger5, et les habitants de la côte des royaumes d’Espagne – notamment ceux de la côte nord – sont souvent présentés comme des marins, des pêcheurs et des intermédiaires entre terre et mer6. Or, le cas biscayen s’accommode mal de cette définition. En effet, les protagonistes espagnols du Siècle d’Or ne sont pas uniquement, loin s’en faut, des « terrestres ». Cette étude sur « les marchands de la mer » permet d’expliquer comment les acteurs des places castillanes sont d’une certaine façon soumis à ceux des économies maritimes. En examinant les relations personnelles des aristocraties marchandes, l’histoire actuelle tend à observer les ports « not as places but as people »7. Cela revient à faire face à une série d’idées qui ont cours depuis les années 1955 et dont l’historiographie basque s’est faite l’écho8. Lorsqu’on compulse le livre de Alzugaray publié en 1988 sur les Vascos universales del siglo XVI, un élément retient l’attention : l’absence du commerce des principaux secteurs d’activités. Or, à supposer que ce concept d’universalité soit de bon aloi, les marchands sont parmi les membres de la communauté basque ceux dont l’influence, le rôle et la richesse ont eu un rayonnement international. L’on ne saurait fournir exemple plus édifiant de la méconnaissance de la communauté marchande basque et de son rôle dans le commerce international.
5Au moins depuis la Reconquête, le Pays Basque espagnol est une terre d’émigration. Les historiens n’ont pas encore saisi la pleine mesure de ce phénomène. Si de récents travaux ont mis en lumière certaines caractéristiques de ces flux migratoires, il ne semble pas que les raisons de cette expatriation et de son succès, ainsi que son ampleur géographique aient été justement appréciées et définies9. L’analyse des réseaux marchands basques et de leurs stratégies ouvre de nouveaux horizons et propose de nouvelles explications.
6L’étude du monde marchand basque permet à la fois de compléter l’image traditionnelle que l’on a de la société basque au XVIe siècle, et de remettre en cause les raisons fondamentales de l’émigration de ses membres. L’émigration basque est motivée par plusieurs facteurs. En dépit de leur appartenance à la même communauté, qu’y a-t-il de commun entre cet artisan guipuzcoan qui offre ses bras en Castille dans le secteur de la construction, et ce fils de marchand biscayen qui part pour les Pays-Bas ou l’Amérique ? Si dans le premier cas le départ de la terre d’origine peut être le fruit d’une certaine « spontanéité », il signifie tout autre chose pour le marchand. En effet, les Basques qui s’établissent en Castille, en Andalousie ou à l’étranger obéissent souvent à la volonté des chefs de familles marchandes10. Le départ de la progéniture de tel ou tel homme d’affaires pour l’extérieur a plusieurs objets : les travaux de commission pour le compte d’autrui et le contrôle de la marchandise le long de son itinéraire commercial pour ses proches. À l’échelle du Pays Basque, cela se traduit par la présence non plus d’individus mais de colonies marchandes, près des zones de production, dans les centres de commerce internationaux et sur les lieux de consommation. Leur but premier est d’acheter la marchandise au plus faible coût possible pour la revendre au prix fort, sans avoir à débourser les commissions qui séparent la première opération de la seconde.
7Étant donné que nombre de ces circuits s’articulent autour du Pays Basque et de ses productions, du moins au début de l’ère moderne, les migrants gardent de puissants liens commerciaux avec la société d’origine. Quelle que soit la région d’accueil, les activités de ces hommes sont à un moment ou à un autre rattachées à la terre natale11, au XVIe siècle comme au XVIIIe12. Cela ne veut pas dire que, de leur nouveau domicile, les Basques se désintéressent des possibilités économiques locales13. D’ailleurs, le pôle andalou constitue le second point d’appui du réseau commercial basque en terre espagnole. Le Pays Basque et l’Andalousie sont les deux courroies de transmission européenne du système marchand basque. De fait, l’expatriation des marchands biscayens, guipuzcoans ou alavais fait en réalité partie d’un modèle de développement. Elle est une dynamique de la société marchande basque où chaque groupe de migrants constitue un maillon d’un réseau dont les principaux éléments se trouvent au Pays Basque et en Andalousie. Pour ces hommes, il s’agit donc de contrôler un espace, et à l’intérieur de cet espace, une économie14.
8À première vue, l’on pourrait nous objecter d’avoir limité notre étude à un trop faible échantillon de migrants. Cependant, une division entre marchands et non-marchands n’est pas satisfaisante. Au XVIe siècle comme au XVIIIe, en Europe comme en Amérique, de nombreux avocats ou notaires basques pratiquent une importante activité marchande. Parfois, le commerce apparaît comme le prolongement naturel de certaines professions. Dès les premières liaisons transocéaniques, capitaines au long cours et simples matelots d’origine basque sont bien placés pour participer activement au commerce et à son financement15. Les militaires, qu’ils soient pourvoyeurs des armées royales, colonels d’artillerie ou conquistadores viennent grossir les rangs de ceux qui prennent part aux activités mercantiles organisées par la communauté basque16. D’autres individus épousent les carrières administratives et allongent la liste des intéressés au commerce européen et américain17. Nombre de ces migrants, qui ont pour référence commune les activités marchandes, font partie du groupe dominant dans leur lieu d’installation et apparaissent dans les trois principales sphères du pouvoir : la guerre, les grandes entreprises, et le pouvoir politique18. Force est de constater que l’émigration s’intègre dans un processus d’organisation de la société basque. Elle est l’arme d’une stratégie.
9Bien évidemment, ce schéma explicatif des mouvements migratoires basques n’a pas valeur de généralité. Comme nous l’avons souligné plus haut, il y a plusieurs types d’émigration. Il ne faut pas nier que, dans les provinces basques, la surpopulation relative causée par la pauvreté agricole ait pu être un facteur de départ. Néanmoins, nous croyons que pour une part, non dominante quantitativement, mais importante qualitativement, l’émigration des Basques a obéi au calcul et à la volonté des hommes.
I. Les facteurs sociaux de la réussite individuelle et familiale
10La réussite des Bilbanais n’est pas le fruit du hasard. Plus que d’autres, certaines familles parviennent à bâtir durablement leur succès, à renouveler et à consolider leur position dans la cité. Bien entendu, cela renvoie à de meilleurs choix économiques, mais aussi à des stratégies particulières dans le champ des relations sociales. Un des points importants de la stratégie des intermédiaires bilbanais est le souci permanent de la qualité du lien qui les unit à leur patron castillan, car elle détermine en bonne part la réussite sociale de leur famille. Mais les familles bilbanaises influencent aussi le type de relation entretenu par les intermédiaires avec leurs commettants, dans la mesure où l’argent et la capacité à le mobiliser s’avèrent un des moyens employés pour assurer une relation durable avec les Castillans, la qualité du lien individuel avec ces derniers dépendant beaucoup de la qualité du service des intermédiaires.
11Analyser ces liens nous conduit à rendre compte des marges de manœuvre des intermédiaires et de la façon dont ils parviennent à manipuler leurs patrons. Nous sommes ainsi au cœur des raisons pour lesquelles les Bilbanais et leur économie résistent mieux à la mauvaise conjoncture que les firmes de l’intérieur dans le dernier quart du XVIe siècle.
1. À Bilbao : entre dépendance et autonomie
12Plus on avance dans le XVIe siècle et plus l’espace est contenu, « domestiqué », quadrillé par l’homme. Le recours à des intermédiaires payés à la commission est un des traits caractéristiques du commerce au Siècle d’Or. Grâce aux 3200 lettres marchandes envoyées par des « hôtes » (huéspedes) de Bilbao à Simón Ruiz, nous pouvons rétablir avec précision le rôle de ces hommes dans le monde marchand.
13L’obligation d’entreposer est due à plusieurs facteurs : le cycle trop long de la production, la lenteur des voyages et des informations, l’aléa des marchés lointains, le jeu sournois des saisons, les diverses opérations à réaliser lorsque la marchandise arrive au port, la présence d’un marché où pour bien vendre il faut attendre. Traditionnellement, la fonction d’« hôte » consiste à stocker en magasins (lonjas) les produits des commettants, pour ensuite les leur faire parvenir19. Si les hôtes paraissent ne jouer qu’un mince rôle de relais, fruit de la nécessité, la réalité est bien plus complexe.
14Dans notre documentation, la commission qui rétribue cette activité est appelée ostelaje ou estolaje. Soucieux d’une augmentation tarifaire, Bartolomé del Barco, hôte de Simón Ruiz à Bilbao, nous éclaire à plusieurs reprises sur cette activité. En août 1569, notre marchand est payé 22-23 maravédis par fardeau de marchandises reçu pour le compte du Castillan20. Il en réclame 30, la somme englobant à la fois le paiement de son travail et divers frais dont il supporte le coût. Il dénonce notamment le doublement des prix pour l’acheminement des marchandises jusqu’à la lonja21 ainsi que pour la somme octroyée al barco22.
15Quelques années plus tard, en 1576, chaque fardeau réceptionné par Bartolomé del Barco est compté 34 maravédis l’unité. Le Biscayen demande alors à Simón Ruiz comment faire face aux dépenses de fret, qui oscillent entre 12 et 15 réaux par fardeau, avec si peu de commission23. Bartolomé est alors obligé de vendre des marchandises qui lui appartiennent, sans délai et donc moins cher, pour avoir de quoi payer les frais de celles de Simón24. Et c’est ce rôle essentiel de prêteur que Bartolomé del Barco remplira jusqu’à sa mort en 1593. Pour le Castillan, il s’avère particulièrement avantageux de ne pas avoir à faire de débours d’argent avant réception de la marchandise et de laisser à son intermédiaire la responsabilité du financement des opérations de réception, stockage et expédition.
16En 1587, pour répondre à une nouvelle demande d’augmentation, Cosme Ruiz et Lope de Arciniega, associés de Simón, tentent de convaincre Bartolomé de se contenter de 51 maravédis par fardeau vue la grande quantité de produits que ce dernier reçoit pour leur compte. Bartolomé répond alors sans détour qu’il réceptionne plus encore de marchandises pour le compte de Hilaire Bonnefont, un Français, à qui il compte deux réaux par ballot, soit 64 maravédis25. Pour étayer sa demande, Bartolomé se plaint particulièrement, outre la hausse des frais précités, de l’augmentation du prix des lonjas (magasins)26 et des commissionnaires des dîmes qui prenaient un demi réal sur chaque opération et qui demandent maintenant jusqu’à 4 réaux27. Comme la rémunération est restée inchangée depuis 1578, au tarif de 51 maravédis par fardeau, Bartolomé conclut que « así me paresce que en conciencia están vs. ms. obligados a pagarnos nuestro trabajo conforme al tiempo »28. Jusqu’alors les conditions tarifaires préférentielles faites aux Ruiz impliquent pour ces derniers un avantage considérable face aux autres marchands, comme les Bonnefont par exemple. L’on comprend dès lors que les Castillans cherchent à préserver ces prérogatives, une partie de leur marge bénéficiaire étant en jeu.
17Étant donné la quantité de marchandises à engranger, puis à expédier ou à vendre, deux conditions sont primordiales pour mener à bien stockage et distribution. En premier lieu, le consignataire doit se ménager une importante « capacité d’accueil ». Bartolomé possède plusieurs lonjas dans le quartier de l’Arenal, proche de la ría, ainsi que d’autres à l’intérieur et hors de sa maison, dont une qui peut contenir 1000 fardeaux29. Par ailleurs, il emploie un personnel relativement nombreux : en dehors de son frère Agustín et de son fils Sancho, trois employés (criados) et un magasinier (lonjero)30. Au sujet de la qualité de ses employés, Bartolomé assure à Simón qu’il n’a jamais manqué un maravédi dans son magasin et que le seul défaut de son lonjero est de boire jusqu’à s’enivrer lorsqu’il n’a pas de travail31. Lors de l’acheminement des marchandises vers les lieux de consommation, les marchands de l’intérieur sollicitent également le concours des hôtes bilbanais, pour éviter cette fois d’acquitter des coûts de transport excessifs liés aux arrivées concomitantes de poissons frais et de produits non périssables32. Il s’agit là aussi de prolonger les délais. En ce qui concerne les marchandises qui doivent lui parvenir, Simón Ruiz fixe un prix maximal au-delà duquel Bartolomé ne doit pas réaliser d’envois. Mais ces ordres restent souvent lettre morte. Simón lui-même les révise à la hausse, soucieux de ne pas perdre davantage d’argent en laissant un capital-marchandise inactif en magasin. Les hôtes exécutent parallèlement des tâches financières de premier ordre pour le compte de leurs patrons : recouvrer les sommes qui correspondent aux paiements des marchandises, les centraliser, tirer des lettres pour en solder le compte, ou bien encore organiser les exportations de numéraire, etc.
18De plus, lorsqu’il s’agit d’acheter à Bilbao des tissus pour Simón, Bartolomé avance parfois le montant du paiement. En d’autres termes, l’activité régulière d’hôte engendre une relation de confiance que les patrons mettent à profit dans des affaires de commission plus ponctuelles liées à l’achat ou à la vente de marchandises. Toutefois, à Bilbao, la concurrence castillane ou étrangère est vive pour la réalisation de ces affaires fructueuses vite réglées. En 1566, le frère de Gonzalo Núñez, employé de Simón Ruiz, serait prêt à négocier sur la place bilbanaise la vente de tissus envoyés par les Français de Nantes. La raison évoquée est simple : la trop grande affluence de toiles dans le port du Nervión a fait chuter les prix33. Pour bien vendre, les Nantais doivent attendre, et différer la vente revient à faire appel aux services de commissionnaires. Ainsi, le marché bilbanais absorbe chaque année des milliers de fardeaux de marchandises et produit pour ses habitants de nombreux services de commission. Acheter, vendre ou assurer à Bilbao pour le compte d’autrui garnit les bourses des hôtes d’encomiendas supplémentaires.
19La correspondance étudiée définit les caractéristiques de l’activité d’hôte et celle de commissionnaire ponctuel. Outre la rétribution qu’il reçoit de ses patrons pour ses services d’hôte, le commissionnaire touche un pourcentage sur les ventes ou les achats effectués pour leur compte. Pour les tissus vendus ou achetés au nom de Lope de Arciniega et Cosme Ruiz, Bartolomé del Barco n’exige que 1 %, alors que les autres encomenderos, selon ses dires, demandent au moins 1,5 %34. Ce nouveau différent entre hôte et patrons exprime dans un nouveau contexte ce que nous affirmions plus haut, c’est-à-dire les avantages qui résultent pour les Ruiz d’un moindre coût de commissions à payer. Notons toutefois que, financièrement, ces services de courte durée semblent mieux rétribués que ceux liés à la fonction d’hôte. Les deux activités paraissent étroitement imbriquées, car les personnes de confiance installées dans le port auxquelles les Castillans, comme les Ruiz, délèguent le pouvoir d’acheter et de vendre, sont souvent les hôtes qui servent la famille depuis de longues années. En théorie, ces commissions devraient permettre à l’hôte la possibilité de se lancer dans les affaires. Mais ce n’est pas systématiquement le cas puisque, comme nous l’avons vu, l’hôte effectue des avances d’argent pour le paiement du fret et des avaries de marchandises arrivées pour le compte du patron35.
20Ces prêts répétés, ainsi que les bas tarifs des commissions amplifient la vitesse de circulation des marchandises, évitent des débours aux commettants et augmentent leur marge bénéficiaire. Ils créent donc la base d’une relation de dépendance entre hôte et patron qui explique en bonne part la durée et le succès de services mutuels. Bien entendu, ces paiements amputent d’autant la capacité d’investissement de l’hôte, mais ce dernier peut au besoin répercuter ce crédit sur d’autres patrons pour lesquels il travaille et desquels il attend moins de contreparties36. En fait, chaque hôte travaille pour des commettants principaux et pour des commettants secondaires. Étant donné que les avantages concédés par Bartolomé aux Ruiz sont particulièrement avantageux pour ces derniers, cela appelle de nombreuses compensations pour notre hôte. En effet, Simón Ruiz héberge en terre castillane ou à l’étranger certains fils de Bartolomé afin de les former au commerce et obtient des bourses d’études à l’université pour d’autres.
21Cette formation pérennise le lien professionnel entre les deux familles. C’est ainsi, que des fils de Bartolomé del Barco sont accueillis en Castille et en France par Simón Ruiz lui-même ou certains de ses parents. Nous y reviendrons. Il est intéressant d’insister sur le caractère héréditaire des activités d’hôte et de commissionnaire. Le cas d’Alejandro de Echávarri nous semble exemplaire. La plupart de ses relations d’affaires sont fondées sur le réseau de son père, Diego de Echávarri. Martín Pérez de Varrón, d’origine biscayenne, après s’être établi à son compte à Anvers vers 1585, a des facteurs dans toute l’Europe et utilise à Bilbao les services de Diego de Echávarri37. Après la mort de ce dernier, dans les années 1597-99, Martín Pérez fait parvenir à Bilbao, à Alejandro, de grandes quantités de cire38. Il est l’une des relations d’affaire clé du Bilbanais, de même que les autres facteurs de ce dernier, tels que García del Peso ou Dominicus Van Uffeln. La même continuité se constate dans les relations entretenues avec les Rodrigues d’Evora qui traitent des affaires avec Diego de Echávarri. Un Nicolas Rodrigues d’Evora, résidant à Anvers et mort en 160539, vend de la cire à Alejandro et lui en envoie en dépôt. Deux autres marchands connus de Diego, Francisco Herque40, installé à Bruges, et François Van der Willingen41, d’Anvers, ont plus tard des affaires chez Alejandro.
22Ce rôle profite-t-il à nos marchands ? Oui, et cela s’explique assez aisément. Premièrement, le trafic du port est tel que l’on voit souvent un hôte servir quatre, cinq, dix voire vingt commettants42. De plus, les services préférentiels rendus aux patrons créent un lien de dépendance durable vis-à-vis des hôtes. Outre ceux dont il a été question, le gain des patrons dépend de l’habileté de l’intermédiaire à transférer au moindre coût la marchandise en Castille, ou à la vendre à Bilbao. Les patrons sont également tributaires de leur intermédiaire, de l’un de ses parents ou de l’une de ses connaissances pour résoudre un embargo, et tout autre type de problèmes. Le succès d’une affaire est lié en grande partie à la qualité du service de l’hôte, à son réseau de relations sur place, à sa capacité financière, etc. En cela l’hôte n’est pas totalement dépendant de son patron, puisqu’il est justement choisi en fonction de sa capacité à agir par lui-même dans divers domaines. D’ailleurs, il a plusieurs patrons et peut ainsi décider de s’appuyer sur l’un davantage que sur les autres.
23Grâce à ses divers services et prêts, l’hôte peut non seulement obtenir des faveurs pour sa progéniture, mais il lui est également permis d’entrer dans les circuits commerciaux des marchands pour lesquels il travaille. Ce point est essentiel. Il imite alors les affaires de son patron, profite de son réseau d’affaires, lui demande conseil et divers types de services. Nous y reviendrons. Toute l’activité financière personnelle de Bartolomé del Barco, ou peu s’en faut, passe à un moment ou à un autre par les mains de Simón Ruiz. Cela a des effets positifs dans le milieu d’origine, car du même coup, l’hôte augmente son crédit vis-à-vis de la population locale et devient capable de mobiliser encore davantage de ressources matérielles et immatérielles. Ainsi nos marchands développent en parallèle leurs propres affaires, devenant parfois concurrents de leurs patrons43. La place d’hôte occupée à Bilbao est une position stratégique pour gérer des affaires. Précisons notre pensée, car si tous les centres maritimes produisent ces groupes de « serviteurs », un nombre restreint de ports seulement réussit à promouvoir le succès de ses intermédiaires. Le cas de Bilbao est particulier. En premier lieu, les particularités politiques de la seigneurie de Biscaye font que les Castillans ne peuvent que difficilement prétendre occuper cette fonction d’hôte à Bilbao. En effet, le territoire est régi par un droit différent de celui de la Castille même si en théorie le droit castillan s’applique dans les villes. De plus, la barrière linguistique constitue un problème réel pour les non-Basques. Par ailleurs, la puissante économie productive (voir première partie) ménage à ces hôtes des possibilités d’investissements propres tout en leur permettant d’exercer leur fonction d’intermédiaires actifs. Ce faisceau d’arguments explique que l’on retrouve des fils ou des proches parents de ces hôtes à l’étranger.
24Preuve incontestable de son utilité, ce travail d’intermédiaire actif est très recherché. Après le décès de Diego de Vitoria, autre Bilbanais en relation avec les Ruiz, Mari Ortiz de Anuncibay, sa veuve, est bien décidée à continuer de servir Simón Ruiz44. Pour Mari, conserver le lien avec Simón Ruiz, c’est être assurée de pouvoir alimenter son propre réseau relationnel, obtenir une bonne formation pour son fils, comme on le verra dans un instant, et prendre part à un large éventail d’affaires. Évidemment, tous n’ont pas Simón Ruiz comme commettant. Mais d’autres requièrent les services de nos marchands pour assurer leur approvisionnement en produits divers : des Burgalais bien sûr, mais aussi des Navarrais, des Aragonais, des Santandérins ou encore des négociants de Medina del Campo, de Valladolid, sans compter les étrangers, Portugais, Flamands, Anglais ou Français, établis trop loin de Bilbao pour assurer l’écoulement des produits qu’ils expédient. Cette fonction de huésped que l’on croyait asservir et réduire les hôtes à un rôle passif, donne la possibilité, grâce à la constitution sans risques d’un pécule, de s’émanciper, de gravir les échelons de la hiérarchie marchande ou de conforter une activité propre déjà bien établie. Au sein du milieu marchand, cette fonction est primordiale. À la mort de Bartolomé del Barco, en 1593, Lope de Arciniega en personne, associé de la firme Ruiz, rejoint Bilbao, pour veiller au bon fonctionnement de celle-ci. Mais Lope de Arciniega n’est pas un associé quelconque : il est d’origine basque et possède à Bilbao et dans les environs des parents et amis.
25En somme, l’arrivée massive de marchandises dans le port engendre une cristallisation d’activités autour de leur vente, de leur réexpédition et de l’acheminement des contreparties financières qui en résultent. De ces travaux de commission naît le succès de nombreux marchands à Bilbao qui s’immiscent ainsi dans le commerce à longue distance45. D’ailleurs, ces hôtes ont leurs semblables à l’étranger. Installés aux points névralgiques du commerce, à Anvers, à Rouen et à Nantes en particulier, les marchands biscayens se mettent massivement au service d’autrui. Ils achètent, vendent, assurent, tirent des lettres de change, chargent des marchandises et de l’argent, procèdent à des encaissements pour le compte de tiers marchands, etc.
26Cette fonction d’intermédiaire à terre n’est pas sans rapport avec le rôle que les Basques, particulièrement les Bilbanais, jouent dans le domaine maritime. Grâce à leur flotte, dont nous avons analysé l’intense activité en Méditerranée et dans l’Atlantique (voir première partie, chapitre II), ils assurent la circulation d’une bonne part de l’information, veillent à ce que les marchandises arrivent à bon port, connaissent l’état des différents marchés et les bénéfices potentiels que l’on peut espérer y gagner. Le rôle d’hôte conjuguent les mêmes atouts. À partir de Bilbao, les Bilbanais vont agir de même dans le reste de l’Europe et même en Amérique46.
27Fernand Braudel a raison d’écrire que, pour réussir, « une condition commande les autres : se trouver déjà, en début de carrière, à une certaine hauteur », en revanche il semble un peu excessif d’avancer que « ceux qui réussissent à partir de rien sont aussi rares hier qu’aujourd’hui »47. Certes, la meilleure façon de gagner de l’argent, comme il l’affirme, c’est d’en avoir au départ, mais ce n’est pas la seule. Ceux qui n’en ont pas, ou très peu, peuvent se frayer tout de même un chemin, car toutes les époques ne se ressemblent pas. Au XVIe siècle, le développement des échanges et l’essor du commerce atlantique offrent des possibilités sans précédent, requièrent plus de commis, de facteurs, d’hôtes, davantage de transporteurs, de commerçants, de boutiquiers. Pour un temps, et seulement pour un temps, les voies de l’enrichissement s’ouvrent à un plus grand nombre.
2. L’apprentissage des affaires : savoirs et formations en Europe
28Le succès de ces hommes, hôtes et entrepreneurs, obéit à certaines règles qui favorisent l’ascension sociale. Un cursus précis, des stratégies bien adaptées ainsi que certaines connaissances constituent un bon bagage pour des débuts prometteurs dans les affaires. En dehors de la richesse même, il existe des voies vers l’enrichissement.
De l’enseignement de la mer à la terre
29L’image que l’on a du marchand au Moyen Âge, qui parcourt les chemins avec sa marchandise pour se rendre aux foires du pays, ou qui, maître après Dieu de son embarcation, effectue un commerce de port en port, reflète bien l’univers marchand de Bilbao au XVe siècle. En 1470, Sancho de Uribarri, à la fois marchand et capitaine de son embarcation, livre 97 tonneaux de fer à Londres48. De même, à l’occasion des premiers départs outre-Atlantique, de nombreux marins et capitaines basques prennent à bord des marchandises dans le but de les vendre en Amérique49. Plus avant dans le siècle, l’on rencontre encore un maître de navire achetant un fardeau de draps à Bruges50. Cette activité de marin-marchand est une constante tout le long du XVIe siècle. À l’époque moderne comme au Moyen Âge, l’expérience de la navigation constitue une source d’enseignement privilégié pour le commerce. Grâce à ces voyages, le marin se familiarise avec les coûts de transport, la durée des trajets sur mer, les différents marchés (prix des produits, articles en vogue, discernement des qualités, évaluation des produits, etc.). Qui plus est, la course, la piraterie et les campagnes de pêche dans lesquelles interviennent des manipulations d’argent, des répartitions, la vente de butins, forment au calcul et permettent de mieux apprécier la valeur des choses, d’autant plus que les patrons de navires sont aussi amenés à vendre et à acheter pour le compte de commettants51. La mer est un creuset où interagissent des activités distinctes (transport, guerre, pêche, finance et commerce).
30Par ailleurs, le cosmopolitisme des gens de mer rend accessible la connaissance d’une ou plusieurs langues étrangères. À Bilbao, on compte de nombreux polyglottes. En effet, outre la langue basque, le castillan est fortement répandu dans le milieu maritime et marchand. Tous les actes notariés du XVIe siècle sont rédigés en castillan et les exemples que nous avons, des correspondances privées comme des livres de comptes, confirment l’utilisation de cette langue à l’écrit52. Compte tenu des groupes étrangers qui évoluent dans le port, de la tradition d’émigration des Basques, il est raisonnable d’avancer qu’un nombre assez important de gros marchands de Bilbao doit connaître entre deux et quatre langues53. Cet atout linguistique leur apporte ainsi qu’à leur entourage un avantage considérable, dans le domaine commercial comme dans celui de la diplomatie et de la politique en général. Ces hommes passent pour de véritables érudits dans une Espagne dont les trois quarts ou les quatre-cinquièmes des habitants ne savent pas lire.
31Les activités du capitaine Martín Ibáñez de Marquina définissent avec plus de finesse le rôle de ces voyageurs d’expérience54. Nous sommes en 1512. Martín est au service du roi « pour faire tout le mal qu’il pourra aux sujets du monarque français », ce qui révèle sa qualité de corsaire. À terre, il compte avec deux employés basques, dont son beau-frère qui sera placé pendant un an chez Pedro de Salamanca, négociant burgalais de grande envergure avec lequel Martín est en affaires, pour apprendre à lire et à écrire. Autant dire la familiarité de l’univers marchand que le jeune apprenti acquerra au cours de son alphabétisation. À la lecture de ses dernières volontés, l’on apprend que Martín possède une forge et fait le commerce du fer à grande échelle, qu’il participe au change de 2000 couronnes de Flandre et prête ou envoie de l’argent à Naples, Gênes, Séville, Barcelone, Medina del Campo, Bilbao, Marquina, etc. Le trésorier du roi lui est redevable de plus de 1500 ducats. Comme si cela était peu, Martín est propriétaire d’un navire construit à Ondarroa (doté d’artilleries légère et lourde de 68 pièces), et possède une partie ou la totalité de l’armement de quatre navires supplémentaires dont un est chargé avec du fer qui lui appartient. En outre, divers habitants du Pays Basque lui doivent quelque 1000 quintaux de fer et près de 500 ducats. Ses activités de capitaine de navire lui ont permis d’avoir des affaires dans des grands ports méditerranéens et atlantiques, mais il ne néglige pas pour autant une formation marchande à l’intérieur de la Péninsule pour certains membres de sa famille.
32D’ailleurs ces connaissances acquises au prix de longs voyages suscitent l’intérêt des commettants restés à terre qui utilisent leurs services. Une carte d’affrètement de 1519 nous invite au voyage55. Juan Pérez de Ybayaga, maître de la caravelle Santa María de Guadalupe, et Pedro de Yrueta, marchand d’Abando, aujourd’hui quartier de Bilbao, quittent le port du Nervión avec 400 quintaux de minerai de fer. À Capbreton, ils déchargent le fret et prennent, sur ordre de Pedro, livraison de brai et de résine. De là, les deux compères iront jusqu’au port de Santa María, ou celui d’Ayamonte en Andalousie, où ils déchargeront puis rempliront de vin et de fruits les soutes du navire. Le voyage se poursuivra alors en direction de Chester où la marchandise sera délivrée à Roger Abarow, marchand de la ville et patron de Pedro de Yrueta. En tant que commissionnaire ou facteur ambulant, Pedro sera rétribué pour son service. Bien qu’il suive les ordres d’un patron, l’employé retire beaucoup de ces voyages maritimes qui le sensibilisent au monde du commerce en divers endroits, lui permettent de nouer des liens personnels avec d’autres marchands, de connaître les divers types de produits, etc. Même si cette conception des échanges est relativement archaïque, elle a encore cours au XVIe siècle. Ces exemples permettent de voir combien l’activité du marin se lie à celle du marchand : la seconde prolonge la première. En fait, ces voyages sur mer ont valeur d’apprentissage à l’« art de la marchandise »56. À une époque où obtenir de l’information commerciale est autant difficile que crucial, le marin est très bien renseigné sur le prix des marchandises sur telle ou telle place57. Le maître de l’embarcation peut au besoin favoriser un de ses patrons plutôt qu’un autre. Ainsi les marins bilbanais protègent en priorité les intérêts de leurs compatriotes. En 1491, les faits sont ainsi relatés par les marchands burgalais. Pendant la traversée d’Angleterre en Espagne, une nave biscayenne chargée de draps de Londres est attaquée par des Français et conduite au port d’Honfleur où l’on décharge les fardeaux qui appartiennent aux marchands de Burgos tandis que ceux des Bilbanais et autres négociants ne sont pas séquestrés et continuent même leur voyage jusqu’en Espagne58. Le maître du navire, originaire de Bilbao, ne se tire pas d’affaires sans mal : il est accusé d’avoir comploté avec les Français59.
Anvers ou l’apprentissage « royal »
33Avec la hausse des échanges et l’extension des circuits commerciaux, le recours à des intermédiaires établis dans les ports est de plus en plus fréquent. Né à Bilbao en 1527, Diego de Echávarri est, dès l’âge de 14 ans60, établi à Anvers61, en vue d’y réaliser son apprentissage de marchand. En 1560, il fait partie de la nation d’Espagne installée dans la ville. Quelques années plus tard, il préside au poste de consul « van der natie van Biscaye » de Bruges. De 1557 à 1577, les Salamanca et Simón Ruiz, grands hommes d’affaires castillans, utilisent ses services aux Pays-Bas62. Comme pour les marins, nous observons dans un autre contexte que l’expatriation et le service d’autrui représentent des données fondamentales pour la réussite. Dans les années 1570, ses participations répétées aux asientos (contrats concernant des emprunts conclus entre l’État et les hommes d’affaires) des Pays-Bas lui valent d’être l’un des principaux financiers aux Pays-Bas. À son retour à Bilbao, en 1578, Diego de Echávarri compte parmi les plus riches marchands espagnols de son temps. Pourtant il n’hésite pas en ces temps troublés à pratiquer le négoce de commission.
34Bien que nous ne connaissions pas le montant du capital et autres atouts dont dispose Diego de Echávarri lorsqu’il commence sa carrière de marchand aux Pays-Bas dans les années 1540, le commerce anversois tourne alors à plein régime et la ville représente un énorme pôle d’attraction pour les étrangers63. Les travaux de commission, comme ceux exécutés par Diego pour Simón Ruiz et les Salamanca, constituent un bon début de carrière. Ils sont l’une des bases de la « révolution commerciale » du XVIe siècle64. Cette technique permet la multiplication du nombre des marchands de toute envergure précédemment exclus des échanges à grande distance65. Ainsi, le travail à la commission se révèle comme un passage obligé pour qui veut s’élever dans la hiérarchie marchande. Il signifie pour le commissionnaire la constitution d’une base financière et d’un réseau de connaissances, les deux pouvant être mis à profit pour de futures entreprises personnelles. De fait, comme on l’a vu, cette fonction de commissionnaire ou de huésped est une activité très marquée du marchand de Bilbao. D’autres apprentis-marchands de Bilbao sont placés à Anvers. Diego de Luengas, par exemple, est au service des De la Peña dans la cité flamande66, tandis que certains commencent à Bruges leur apprentissage marchand67.
35Ces expatriés ne commencent pas tous au bas de l’échelle. Ils proviennent souvent de bonnes familles. D’ailleurs, les grands marchands castillans ne confient pas leurs affaires à des personnages de seconde catégorie, totalement dépourvus d’entregent et de richesse. En effet, pour démêler les affaires épineuses et les litiges quotidiens, il faut posséder des relations et avoir accès à divers types de ressources. Dès lors, lorsque les Castillans recrutent des Bilbanais, ils n’ignorent pas les atouts que cela leur apporte dans le domaine maritime notamment. Rien d’étonnant à cela, puisque cette collaboration remonte à plusieurs siècles, que ce soit en Méditerranée ou dans l’Atlantique.
Autres « centres de formation » à l’étranger et en Castille
36En 1583, Antonio de Vitoria, fils de Diego de Vitoria, dont nous avons dit quelques mots, est à Nantes. À son sujet Felipe de Areizaga écrit à Simón Ruiz : « aunque mozo tiene talento »68. Il va sans dire que cette appréciation concerne les aptitudes d’Antonio pour le commerce, à un moment où Simón, privé de la complicité de Diego de Vitoria, mort depuis peu, se soucie peut-être de la relève.
37Quant à Bartolomé del Barco, il choisit d’envoyer son fils Domingo del Barco à Valladolid, chez Hilaire de Bonnefont, un auvergnat lié aux Ruiz et dont Bartolomé est l’hôte à Bilbao, pour qu’il apprenne le Français, ce qui lui permettrait par la suite d’aller commercer à Nantes ou Rouen69. Au début des années 1570, un autre des fils de Bartolomé, Hortuño del Barco, a déjà été placé chez Julien Ruiz70 à Nantes, à l’âge de 14 ans et demi71. L’exemple des Del Barco montre que le commissionnaire place sa progéniture chez son plus puissant patron : à la fin des années 1560, il s’agit sans aucun doute de Simón Ruiz ; dans la décennie 1580, nous l’avons vu lorsque nous avons étudié les conditions tarifaires faites à l’un et à l’autre, le volume d’affaires brassées par Hilaire de Bonnefont dépasse celui du Castillan.
38Pedro de Nobia, pour sa part, opte aussi pour un apprentissage en deux temps. Il désire qu’un de ses fils, Pedro, après avoir été au service de Simón Ruiz réside à Rouen pendant quatre ou six ans72, tandis que l’autre, Aparicio de Ugarte, sûrement au premier stade de la formation, est destiné à être employé de la maison Ruiz73. Parfois, ce sont les familles basques installées à l’étranger qui pour le besoin de leur négoce jouent le rôle de « points de cristallisation ». Pedro de Salazar, marchand de Rouen, originaire de Portugalete (avant-port de Bilbao), a plusieurs serviteurs basques74 qui participent à la réalisation de ses affaires dont Ochoe d’Arblanche (Ochoa de Arbolancha) membre de la casa de contratación de Bilbao de 1525 à 155075. Les familles marchandes de Bilbao envoient aussi leurs enfants en apprentissage dans la Rioja76, ou à Burgos77 particulièrement réputé comme centre commercial, ce qui est loin d’être une mauvaise solution.
39D’autres apprentis sont formés à Séville ou en Amérique, les colonies de marchands basques ou castillans déjà installées jouant un rôle d’appel. Ne voyons pas dans ces apprentissages à l’étranger un fait exceptionnel. Chaque port de quelque importance possède son « école » de prédilection. Au XVIe siècle, les Bordelais s’initient au commerce en Angleterre, à Bristol ou à Plymouth78, les Malouins en Andalousie79.
40Faisons quelques remarques. Tout d’abord, ces formations très longues à l’étranger signifient à terme la sédentarisation du marchand dans la ville d’apprentissage. Nombre d’entre eux exécutent les mêmes tâches que leur père dans le port de Bilbao : ils servent d’intermédiaires à leur patron nantais, rouennais ou anversois. Le renouvellement de ces formations à l’extérieur est vital pour que le groupe marchand bilbanais conserve sa capacité propre d’action. D’ailleurs, le choix des pères de famille bilbanais pour certaines villes n’est pas innocent. Il correspond toujours à l’aire géographique de leur propre commerce. Il s’agit de se former dans des maisons de commerce castillanes ou étrangères, d’y servir les autres en des endroits stratégiques pour mieux s’affranchir de leur tutelle. Ces « écoles » sont en même temps la manifestation évidente de l’utilisation de liens d’affaires où Castillans et étrangers servent de formateurs à une pépinière d’apprentis basques.
41Ensuite, bien que le Castillan soit une langue commerciale fort employée au XVIe siècle, certains marchands prennent la peine de parfaire la connaissance des langues étrangères, en envoyant leur progéniture chez des négociants français installés en Castille. Est-ce par pure « gourmandise » culturelle ? Au-delà des motifs commerciaux, nous y verrions plutôt une volonté d’adaptation rapide au milieu d’accueil. Enfin, élément digne d’intérêt, le contact direct et durable de ces jeunes inexpérimentés avec les plus grandes places commerciales du XVIe siècle a certainement eu des répercussions positives sur l’organisation commerciale à Bilbao et, par un effet de diffusion, sur les terres alentour. Ainsi, marins et marchands propagent une certaine culture professionnelle. C’est à travers les milieux marchands que se répand dans le monde cet esprit de précision dont les hommes du XVIe siècle manquent en général au plus haut point80. Ces formations à l’étranger sont essentielles en ce qu’elles assurent la pérennité des relations d’affaires des Bilbanais en Europe comme en Amérique, et contribuent à la création et au renouvellement des effectifs marchands basques à l’étranger. En canalisant pour le compte d’autrui et pour le leur les marchandises vers le port de Biscaye, ils assurent aussi la continuité d’une certaine vitalité portuaire.
L’apprentissage à Bilbao
42Souvent les apprentis-marchands sont formés sur place. Car à Bilbao, dans cet entrepôt où passent des marchandises du monde entier, on trouve beaucoup à faire sinon beaucoup à apprendre. Pour qui veut connaître el oficio de mercader, Bilbao est un centre réputé. Afin de se familiariser avec l’« art de la marchandise », des apprentis viennent de toute la Biscaye (Ermua, Marquina et Bermeo), de plus loin encore (Oñate et Saint-Sébastien) et même de Navarre. Parfois, le marchand est chargé d’enseigner, moyennant finance, l’écriture à l’apprenti, ce qui attire notre attention sur le rôle culturel que le marchand peut avoir dans le port biscayen81. Par la diversité et le volume de son trafic, le cosmopolitisme de son milieu social, la présence d’un Consulat de commerce dans la ville, Bilbao apparaît comme un lieu idéal d’apprentissage pour les futurs entrepreneurs de l’arrière-pays.
43Aux côtés de Bilbao, Vitoria (Álava) et Mondragón (Guipúzcoa) entre autres font également office de centres formateurs en Pays Basque. Au milieu des années 1530, Juan et Francisco de la Presa, issus de la grande famille de marchands burgalais, sont envoyés de Nantes dans ces deux villes et à Bilbao pour y apprendre le maniement des affaires et les langues basque et castillane82. Cet exemple confirme les liens forts qui existent entre les familles marchandes basques et castillanes, et leur appartenance au même espace commercial. Qui plus est, il démontre l’importance de la connaissance de la langue basque dans l’environnement marchand non seulement basco-castillan, mais aussi breton. Il y a tout lieu de croire que si l’on écrivait davantage en castillan83, pour la communication orale, en revanche, basque et castillan se côtoyaient. Ce trait culturel illustre bien la place occupée par le Pays Basque dans le commerce international. On peut imaginer sans trop grand risque d’erreur que la même situation de fait se répète partout où la présence basque est importante, à Séville, Bruges et Anvers. Si cet exemple est le seul que nous ayons trouvé de la formation commerciale d’un Castillan en Pays Basque, l’on sait que certains étrangers s’en remettent aux centres de formation biscayen et guipuzcoan. Des Hondschootois vont en Espagne pour apprendre le commerce, et certains gardent des relations avec le nord, notamment à Bilbao et Saint-Sébastien84.
44Par ailleurs et d’un point de vue plus général, l’implantation des postes de douanes à l’intérieur du Pays Basque (à Balmaseda et Orduña)85 favorise sans doute la connaissance des différents types de marchandises et de certaines techniques marchandes (lettres de change, lettres de procuration, « obligations »). De même, la proximité relative des foires de Castille et du marché burgalais ne peut que bénéficier à la formation des marchands basques86.
45En définitive, si la formation reçue à l’étranger, et en particulier à Anvers, au cœur du commerce mondial, représente la « voie royale » de l’apprentissage de nos marchands, la ville de Bilbao apparaît néanmoins être un centre réputé, ce qui démontre à la fois une certaine autonomie et un haut degré de coopération avec les marchands des provinces voisines, castillanes au premier chef, car la progéniture des Bilbanais travaillent surtout chez des Castillans de Burgos, de Medina del Campo et de Valladolid.
3. Stratégies familiales
46Tout comme les services de commission, le mariage et la dot construisent le patrimoine et étendent le champ des relations sociales. Dans le mariage, économie et prestige social se combinent et sont fondamentaux pour l’exercice du pouvoir87. Dans les testaments que nous avons dépouillés, il est souvent fait mention de l’argent apporté par le testateur et son épouse au moment de leur mariage. L’association des patrimoines de deux familles à travers le mariage est un indicateur de la richesse comme des stratégies commerciales, au même titre que la constitution des compagnies marchandes. Malheureusement, nous n’avons pas retrouvé les testaments des Del Barco sur lesquels nous possédons beaucoup d’informations. Il nous a donc été impossible de reconstruire des fronts de parenté englobant plusieurs familles bien documentées.
47Parfois, nos sources livrent la fortune totale des époux. Ainsi, dans son testament lequel hélas ne s’accompagne pas d’un inventaire de biens, Juan de Bustinza88 fait part du montant apporté à son mariage avec María Pérez de Vergara, soit 11400 ducats (9000 en monnaie sonnante, 1000 en or et argent et 1400 sur l’hacienda qu’il possède à Ermua). De son côté, María contribue pour 3000 ducats89, une belle somme. Le cas de Diego de Vitoria est analogue : aux 1200 ducats que lui apporte Mari Ortiz de Anuncibay, il ajoute 6000 ducats et tous les autres biens, meubles et immeubles, qui lui appartiennent. La composition des dots est variée. Si le plus souvent elles se composent uniquement d’une partie en argent et d’un équivalent de numéraire donné sous la forme d’un trousseau, elles comprennent parfois des censos, des juros, des bijoux en or et en argent, ou des propriétés. Toutefois, contrairement à ce que Francis Brumont a remarqué pour les dots de Logroño90, à Bilbao, la prépondérance de l’argent ne fait pas de doute. Le nombre des contrats de mariage qui concernent avec certitude le milieu marchand n’étant pas très élevé, 19 au total, il est difficile de tirer des conclusions. Faisons néanmoins quelques remarques.
48Premièrement, il existe une certaine homogénéité du montant des dots. La plupart se situent entre 1000 et 3000 ducats (11 au total). Quatre sont comprises dans la fourchette 250-600 ducats. Les quatre restantes ont un montant de 4500, 5000, 5500 et 8000 ducats91. Ces dernières dépassent de beaucoup les dots octroyées dans les meilleures familles guipuzcoanes restées dans leur patrie d’origine, qui peuvent s’élever à 1500 ducats92. Elles n’ont rien non plus à envier à celles constituées par Vitores Ruiz ou Pedro Hernández del Portillo, riches marchands de Medina del Campo, dont les montants atteignent 8000 et plus de 9000 ducats93 ou celle de la famille Espinosa qui ne dépasse pas 4000 ducats94. De même, l’étude réalisée par Beatriz Morell Peguero sur les marchands sévillans montre pour la fin de la première moitié du XVIe siècle des dots maximales de 3500 ducats environ95, mais nous ne possédons pas de statistiques pour la seconde partie du siècle, période qui concerne la plupart des dots de Bilbao.
49En somme, la moyenne des montants des dots des Bilbanaises se situe autour de 2500 ducats. Cela représente à peu près la moyenne de celles consenties entre les familles marchandes de Medina, qui est de 3000 ducats96. Retenons l’ordre de grandeur même si pour Bilbao les dots de valeur moyenne sont peut-être plus nombreuses que ne semblent l’indiquer nos sources. Comparé à la moyenne effectuée, toutes activités confondues, par Francis Brumont pour la population de Logroño, notre chiffre est trois fois supérieur97. Mais il faut bien avouer que dans ce dernier cas, la comparaison est faussée puisqu’à Bilbao seul le groupe marchand est concerné.
50Vis-à-vis des autres dots que nous trouvons à Bilbao, celles de nos marchands ne sont pas les seules à atteindre des montants élevés. Si María Ibáñez de Mendieta n’apporte que 150 ducats à son mariage avec Pedro de Sabugal, chaudronnier, et si Antonia de Aperribay ne contribue que pour 230 ducats98 à celui qui l’unit à Martín de Larrimbe, cirier, les dots de Magdalena de Llanos et de Marina Saez de Zabala, en revanche, s’élèvent respectivement à 4000 et 2500 ducats99.
51En définitive, ces dots élevées sont un indicateur supplémentaire de la richesse de nos marchands et surtout de leurs stratégies commerciales, les plus élevées équivalant à des dots aristocratiques. Bien sûr, leur utilité diffère. Elles comprennent, comme nous l’avons précisé, une bonne partie en argent liquide, beaucoup plus « ductile » que la concession de propriétés qui semblent être le lot d’un bon nombre de marchands sévillans100 ou des aristocrates. Cette « liquidité » des dots des marchands de Bilbao offre d’emblée l’avantage d’être solvable, de pouvoir se lancer dans les affaires. Elle apporte un argent frais qui au besoin régénère les finances de la firme et diminue les risques de grippage du système financier. Ces dots élevées par rapport à la fortune des marchands démontrent la volonté chez ces familles de concentrer les capitaux, lesquels jouent un rôle essentiel, comme nous l’avons vu, dans la création et la durée du lien social qui unit l’intermédiaire et son patron. Cet argument reste fragile, car nous ne savons pas si les Bilbanais installés hors de Biscaye bénéficient de ces dots substantielles. Il faudrait des recherches plus approfondies pour le confirmer. Néanmoins, par rapport à leur patrimoine total, la part de ces dots est plus élevée que celle qu’y consacrent leurs homologues de Medina, pourtant plus riches dans l’ensemble. Cela permet de mesurer l’attention que les marchands de Bilbao portent aux alliances matrimoniales et leur volonté de souder plusieurs familles aussi fortement que possible afin de créer des « fronts de parenté » puissants et influents101.
52Comme nous l’avons précisé, il n’a pas été possible d’opérer des rapprochements entre les différentes familles marchandes sur lesquelles nous possédons des informations. Néanmoins, une fois les capitaux regroupés au moyen de commissions, de dots et de prêts, les groupes familiaux élaborent des stratégies. Les activités des Del Barco et des Echávarri, toutes les deux en rapport avec les Ruiz, vont nous permettre de définir les stratégies commerciales utilisées pour l’ascension économique et sociale.
La famille Del Barco
53Originaire des environs de Portugalete102, Bartolomé del Barco est au service de Simón Ruiz à Bilbao de 1565 à 1593. Ce sont chaque année des centaines, des milliers de fardeaux103 qui s’arrêtent dans les magasins de Bartolomé pour en repartir à dos de mulets quelques jours après, ou bien être vendus à Bilbao. Dans la ville du Nervión, il joue rapidement un rôle de premier plan. Entre 1567 et 1593 il occupe neuf fois les plus hautes charges du commerce de la ville104. Il semble que l’entrée au service de Simón Ruiz ait pu augmenter la renommée de Bartolomé del Barco à Bilbao et, à ce titre, faciliter sa monimation à ces postes. Très jeune, son fils Hortuño est placé à Nantes chez Julien Ruiz, qui n’est autre que le neveu de Simón. Peu à peu, Hortuño acquiert une certaine indépendance. On le voit réaliser des voyages à Paris, à Medina del Campo, et à Bilbao pour y régler des affaires personnelles105. En 1580, s’il continue à être l’employé des Ruiz, la réussite de ses entreprises lui vaut également la confiance de Lope de Arciniega, également d’origine basque, futur associé de la firme Ruiz. Lope a même un neveu qu’il voudrait voir entrer au service d’Hortuño, qui est déjà flanqué d’un employé à cette époque106.
54Dans les années 1580, depuis Nantes, Hortuño participe à divers négoces qui concernent des ventes de sel, de papier et de fer auxquelles collaborent logiquement Bartolomé del Barco, son père, et Simón Ruiz107. À Lisbonne, les faibles possibilités de vente d’une cargaison qui appartient à Hortuño del Barco, résident nantais, motivent l’envoi de la marchandise à Séville. À cette occasion, Bartolomé del Barco, son père établi à Bilbao, remercie avec effusion Simón Ruiz. En effet, Hernando de Morales, qui s’est chargé de l’affrètement du Portugal vers l’Andalousie, ne l’a fait que « por amor » de Simón108. Par les délais qu’elles demandent, ces affaires lointaines, soumises à des imprévus, requièrent souvent l’intervention d’une personne de confiance sans laquelle, la bonne affaire peut devenir mauvaise et le marchand perdre son argent. L’expression « faire jouer ses relations » prend alors tout son sens. Ce soutien de la part du patron n’est pas ponctuel ; il est permanent et montre à quel point la teneur des liens créés à Bilbao influence ceux qui se soudent à Nantes. Mais derrière l’intensification de cette complicité l’on aperçoit déjà en filigrane les rixes à venir.
55Même si Bartolomé dans une lettre de l’hiver 1587 assure qu’Andrés Ruiz le jeune et Hortuño sont comme frères109, des événements de la fin du siècle semble prouver le contraire. En effet, à Nantes, Andrés Ruiz, en proie à des difficultés financières, est obligé de vendre son argenterie et de se faire avancer 3200 écus par Domingo del Barco, frère d’Hortuño, également établi à Nantes110. Ce dernier, qui a épousé Jeanne Rocaz111, veuve de Julien Ruiz, marche sur les brisées du frère de son ancien patron. Il le remplace bientôt en tant que correspondant attitré à Nantes de Lope de Arciniega et Cosme Ruiz. En 1593, Hortuño veut même devenir le chargeur exclusif de la compagnie pour trois années de plus. En cas de non-respect de l’exclusivité la compagnie devrait lui verser 1000 ducats112. Lope conseille à Simón de remettre les affaires entre les mains d’Andrés Ruiz car « mejor sería que el probecho quedase en quien está de casa que no en el de fuera »113. D’ailleurs, il soupçonne Hortuño d’envoyer la bonne marchandise aux siens et de leur expédier la mauvaise114.
56La firme del Barco est alors devenue une concurrente de la compagnie Ruiz. À travers les services qu’ils rendent aux marchands castillans à Bilbao, en Castille comme à l’étranger, les huéspedes et leurs parents et alliés tout à la fois stimulent et parasitent l’activité de leurs patrons, que les Bilbanais en soient les commissionnaires ou les associés. Par les prêts répétés et les taux préférentiels qu’ils concèdent à leur patron, ils créent ou soudent un lien social fort. Cela avantage ce dernier dans un premier temps, mais assez vite l’intermédiaire devient un concurrent redoutable. D’ailleurs, Simón Ruiz ne s’y trompe pas, il dit se méfier des gens de Bilbao115.
57Les deux frères Del Barco, Hortuño et Domingo, ne concentrent pas toutes leurs activités sur l’axe Nantes-Bilbao. Aidé de leur autre frère Sancho, qui a longtemps secondé leur père, Bartolomé, à Bilbao116, ils portent une attention de plus en plus importante au commerce maritime proprement dit, le long de la côte hispano-portugaise, en direction de Séville et de l’Amérique. En 1595, Hortuño et Sancho font l’achat d’un navire, « La Ana de San Vicens »117. La même année, Sancho et d’autres marchands de Bilbao font récupérer 6900 réaux que leur doit Pedro Alfonso de Mazuelos, habitant de l’île de Tenerife118. Quant à Hortuño, il est chargé d’empocher certaines sommes à Séville pour le compte de tierces personnes119. Trois ans plus tard, Domingo del Barco, qui auparavant était installé à Nantes aux côtés de son frère, réside à Séville et reçoit de l’argent pour le compte de ses frères Sancho et Hortuño120. L’itinéraire s’allonge encore pour atteindre l’Amérique. En 1603, la veuve de Sancho del Barco, en tant qu’héritière de Martín del Barco, son fils, mort « en la provinçia de Campiche de las Yndias » (il s’agit de Campeche, dans l’actuel Mexique), réclame 2214 pesos de tipuzque valant 8 réaux chacun121.
58Malheureusement nous ignorons le contenu des cargaisons qui voyagent jusqu’aux Indes. Elles ont sans aucun doute un lien direct avec les toiles qui s’exportent par la voie de Nantes et dont les consommateurs américains sont très demandeurs. D’ailleurs, Hortuño continue d’acheter de bonnes quantités de tissus français à des marchands de Laval122. Cette famille qui contrôle l’achat et la vente de marchandises depuis Nantes jusqu’en Amérique, s’engage aussi, à l’image d’Hortuño, dans l’acquisition de vin blanc et de sucre aux Canaries, dans des affaires d’assurances, de prêts à la « grosse aventure » sur des bateaux qui partent pour Terre-Neuve, à la pêche à la morue123.
59Bien que nous ayons connaissance d’autres membres de la famille dans les années 1635-1640, nous ignorons leurs liens de parenté avec ceux dont nous venons de décrire les activités. Un Juan del Barco préside aux hautes fonctions du commerce de la ville entre 1625 et 1647, occupant 11 fois les charges de fiel et de diputado124. En 1635, il compte parmi les plus importants exportateurs de laine à destination de Nantes, de Saint-Malo et de l’Angleterre125. Quelques années plus tard, il obtient un saufconduit pour introduire par les ports de Bilbao et Saint-Sébastien 772293 maravédis de marchandises qui proviennent de France et de Hollande126. L’Amérique, horizon lointain des affaires de ses aïeux, n’est hélas pas mis en évidence. Qu’en est-il réellement ?
60Martín del Barco, autre fils de Bartolomé, pour sa part, n’est pas directement destiné aux affaires commerciales. Grâce aux recommandations de Simón Ruiz, il obtient une bourse de collégien pour Alcalá de Henares127. Le passage par cet institution constitue l’une des voies privilégiées pour parvenir aux hautes charges de justice ou d’administration d’État128. Dans un autre contexte, nous voyons ici ce que le huésped retire de ses relations avec son patron castillan. Bartolomé destine sans doute Martín à une carrière administrative. Pourvu d’un poste de corregidor ou d’auditeur à la Chancellerie de Valladolid, il représenterait alors un appui important pour l’obtention de certaines licences ou mercedes, ou encore pour démêler les problèmes d’embargos et d’exportations hors la loi. On devine aussi derrière cette volonté le souci de trouver pour sa descendance un secteur moins aléatoire que celui du commerce.
61Faisons le point. Tout d’abord, préoccupation la plus patente, la famille Del Barco ne réduit pas ses activités à la seule place de Bilbao. Bartolomé compte sur deux de ses fils, formés chez ses puissants patrons, les Ruiz, pour contrôler un ou plusieurs faisceaux de commerce avec la France. À Nantes, Hortuño s’inspire des affaires de ses patrons et imite leurs investissements. L’association avec son père établi à Bilbao va de soi. Elle est la condition sine qua non à d’importants bénéfices. Hortuño draine des marchandises de l’intérieur français tandis que Bartolomé s’occupe de leur vente dans la cité du Nervión, sans commission extérieure à la firme. Cette stratégie, que nous qualifierons d’« extravertie », met en relief la volonté d’occuper des postes clés pour l’achat et la vente de marchandises129. En ce sens, l’organisation de la firme Del Barco paraît très achevée. Ses membres ont organisé un commerce propre et autonome compatible avec des services permanents rendus à des tierces personnes, en l’occurrence la firme Ruiz. À la fin du siècle, Hortuño appartient au cercle des très riches marchands de Nantes. Après la mort de son père, en 1593, il est très souvent à Bilbao. C’est à partir de la même période que ce dernier et son frère Sancho, resté aux côtés de son père dans le port basque, semblent s’intéresser très activement au commerce avec Séville. Ils travaillent en relation avec leur frère Domingo, auparavant en France aux côtés d’Hortuño, puis résident de la cité du Guadalquivir130.
62Nous assistons par conséquent à un changement d’orientation dans le commerce familial, car même si, depuis Bilbao, Hortuño reste en relation avec Nantes131, son regard s’est tourné vers le Sud. D’ailleurs ce repli sur les activités organisées à partir de Bilbao n’est sans doute pas un cas particulier. Parmi les 75 membres de la « contractation » nantaise repérés en 1601132, 5 au plus sont de Bilbao alors que les Bilbanais étaient très actifs dans le port breton cinquante ans plus tôt. Sur le trajet Nantes-Bilbao, une carte d’affrètement témoigne de la raréfaction des services rendus et des entreprises menées par les Bilbanais. En sens inverse, des changements ont également eu lieu. En effet, tandis qu’au milieu du XVIe siècle les Bilbanais effectuaient dans leur port la majeure partie des chargements à destination de leurs associés basques de Nantes, au début du XVIIe, nous trouvons les Français à Bilbao pour effectuer les envois de fer et de laine destinés à leurs compatriotes bretons. S’ils sont toujours en relation avec la Bretagne, Bilbao et ses marchands ne prennent plus ces échanges à leur compte, du moins plus comme par le passé. Au début du XVIIe siècle, la présence de parents basques ou de patrons castillans des Bilbanais est devenue rare sur la place nantaise.
Les Echávarri133
63À l’extrême fin du XVIe siècle, l’organisation spatiale et commerciale de cette firme diffère de celle des Del Barco. Les personnes physiques qui la composent dirigent leurs affaires depuis la cité bilbanaise. Que ce soit Alejandro, Diego, Juan Pérez ou Martín Pérez de Echávarri, aucun n’est appelé à agir à l’extérieur du port. Pourtant, Martín Pérez, principal héritier de Diego de Echávarri134, est l’homme le plus riche de la ville en 1599135. À cet égard, il est d’ailleurs le financier de la firme. Le 8 juin 1598, il prête 8000 réaux pour quinze jours à son frère bâtard136, Alejandro. Nous le voyons répéter des opérations semblables le 2 décembre de la même année pour 3000 réaux, et le 9 avril 1599 pour 4000 réaux. Cela attire notre attention sur l’importance des prêts familiaux pour le bon déroulement des affaires d’une firme. Ainsi, les marchands n’hésitent pas à mobiliser le capital de leur famille. De même, la participation à la firme de Juan Pérez, frère d’Alejandro, semble se limiter à des prêts réciproques. Diego, leur frère, n’a, en revanche, que des relations épisodiques avec la firme. Il agit par l’entremise de procurations ou de connaissements, que lui donne Alejandro, pour récupérer des sommes d’argent dues.
64L’organisation de cette entreprise paraît moins accomplie que la précédente, car elle n’établit pas de connexions familiales entre des places marchandes. S’il est certain que la fonction d’hôte joue un rôle important dans l’activité de la firme Echávarri137, Alejandro ne semble pas être en relation avec des membres de sa famille qui seraient installés dans les ports européens. Par opposition à l’organisation précédente, cette firme se caractériserait par une stratégie « introvertie ».
65Ces tactiques commerciales sont-elles si différentes ? Avant de se prononcer, il convient de faire deux remarques. Premièrement, les documents de la famille Del Barco concernent essentiellement la période 1570-1598, tandis que ceux du lignage Echávarri font référence aux années 1597-1599. En second lieu, les Del Barco privilégient géographiquement la France alors que les Echávarri commercent essentiellement avec les Pays-Bas. En réalité, ces stratégies apparemment opposées sont tout autant le reflet des « caprices du temps », c’est-à-dire des réalités conjoncturelles, que de la volonté des hommes. Dans les années 1570, lorsque Hortuño del Barco s’installe à Nantes, Diego de Echávarri, le père d’Alejandro et de ses frères, vit déjà à Anvers depuis plus de 30 ans. Profitant de la conjoncture favorable, certains membres des familles Del Barco et Echávarri se sont installés à l’étranger. À la fin des années 1570, une importante crise secoue le commerce anversois ; Diego regagne alors Bilbao. Lorsqu’à la fin du siècle, Hortuño retourne lui aussi dans le port de son enfance, ses raisons sont certainement d’ordre économique. Là encore, nous observons une réaction analogue des deux familles avec un décalage dans le temps, le commerce des marchands de Bilbao avec leurs différents partenaires français et flamand ne s’altérant pas au même moment.
66Après leur retour au pays, Diego de Echávarri se replie principalement vers des activités de commission au service de ses partenaires anversois, castillans et portugais, c’est-à-dire qu’il compte désormais pour s’enrichir davantage sur son capital « immatériel », ses relations d’affaires, que sur ses investissements en argent. Son fils Alejandro suivra le même chemin. L’on retrouve ici le commerce de commission et la fonction d’hôte, à l’origine de l’extension du réseau d’affaires et de l’enrichissement de la famille Del Barco en période de bonne conjoncture. C’est dire si ces fonctions sont indispensables à la survie de nos familles dans les époques fastes comme dans celles de troubles. Cela dit, même à la fin du siècle, Diego n’écarte pas totalement les entreprises personnelles. Les Del Barco, pour leur part, se tournent vers le commerce péninsulaire. Ces deux réactions, pour être différentes, n’en traduisent pas moins un même besoin d’adaptation à de nouvelles données économiques. D’ailleurs, la famille Del Barco continue à exécuter en parallèle des travaux de commission. Les destins de ces deux familles incarnent les transformations essentielles du commerce de Bilbao à la fin du XVIe siècle, en ce qui concerne du moins le repli vers la Péninsule Ibérique, l’Amérique et leurs ressources138, et montrent la faculté d’adaptation des marchands aux changements conjoncturels. Toutefois, ces études de cas permettent encore d’affiner la compréhension de ces changements. Le commerce de commission y apparaît comme une activité à part entière, dont on hérite et qui se déplace d’un centre de commerce à l’autre en fonction de la conjoncture des différentes places.
4. Les différentes « figures » de l’entrepreneur
67Le monde marchand de la côte est d’une grande diversité. Il ne se limite pas à l’activité d’intermédiaire que nous venons d’évoquer. De multiples personnages se cachent derrière le vocable de marchand. En Biscaye, les faibles possibilités offertes par le secteur agricole mais surtout l’interactivité des activités industrielles, de guerre, de transport et de pêche139 entraînent les Bilbanais vers le commerce. D’une façon ou d’une autre, et bien qu’à des degrés différents, toutes ces activités collaborent à la vente et à l’achat de biens140. Bien entendu, les degrés de participation sont plus ou moins élevés, et tous ne sont pas des professional exchangers. Pourtant, certains riches artisans et capitaines le deviennent tandis que certaines femmes d’affaires ont la responsabilité de sociétés. De même, armateurs et financiers gardent contact avec le grand commerce après avoir été nommés à des postes civils ou militaires de l’administration.
68La diversité des participations au monde des affaires révèle les milieux différents desquels sont issus les négociants. Ces apports permettent de renouveler le corps marchand. Sans la forte implication de la population locale dans les secteurs artisanaux, industriels et commerciaux, l’économie du port ne serait sans doute pas aussi performante.
Hommes d’affaires, hommes de guerre, hommes de Dieu
69La fortune des hommes d’affaires a souvent été créée à l’extérieur, aux Pays-Bas ou bien en France, à Séville ou encore aux Indes. Elle a été bâtie par le travail à la commission et des entreprises personnelles. Dans les ports ou contrées d’adoption, la notoriété et la richesse de ces marchands leur permettent d’accéder aux plus hautes charges du consulat de leur « nation », ou de la communauté de mercaderes à laquelle ils appartiennent. Investis d’un certain pouvoir, ils s’attachent aux affaires de l’État et deviennent parfois des financiers attitrés de la Couronne. Par leurs fonctions politiques et économiques, ces hommes d’affaires représentent dans leurs lieux d’installation les relais du système économique bilbanais : une partie du commerce en provenance de Bilbao passe par leurs mains. Tôt ou tard, une partie de ces hommes regagne la ville natale, après parfois plusieurs dizaines d’années d’exil. Dès leur retour, ils président au consulat de Bilbao et interviennent dans la vie du port en tant que regidor ou alcalde. D’autres grands marchands, en revanche, s’installent définitivement dans leur patrie d’« accueil », y font souche et entrent dans les rangs de l’administration d’État, en particulier dans le domaine financier ou militaire.
70Au début de l’époque moderne, de larges profits sont réalisés par les entrepreneurs responsables de recruter, organiser, et commander les armées. De plus, ces hommes rendent des services fiscaux et judiciaires aux gouvernants. En contrepartie, ils utilisent les pouvoirs de l’État à des fins personnelles141. Les Basques, combattants aguerris, constructeurs de navires et d’armes n’échappent pas à la règle. Les hauts personnages qui encadrent les préparatifs militaires ont une activité plurielle. Ils agissent en tant que capitaine des flottes ou pourvoyeur des armées royales tout en continuant leurs activités commerciales. Au-delà de son métier mais se servant du prestige qu’il confère et des possibilités qu’il offre, Juan Martínez de Recalde, pourvoyeur des armées du roi en Biscaye, dirige des affaires au Portugal, aux Pays-Bas, et à Séville où Juan López de Recalde préside au poste de contador y portador de la Casa de Contratación de las Indias142.
71Ces hommes d’affaires, hauts fonctionnaires du gouvernement, représentent de précieux appuis, de bonnes sources d’information et sont des défenseurs de premier ordre lorsque les intérêts de la communauté marchande biscayenne sont en péril. Leur envergure internationale en fait des points de référence pour les divers groupes de marchands installés en Europe et en Amérique. Si tous les hommes d’affaires ne sont pas des hommes de guerre, l’on peut soutenir, en revanche, que la majorité des hommes de guerre sont des hommes d’affaires étroitement liés aux milieux financiers et commerciaux. Ainsi, le payeur des armées de Flandre, Hortuño de Ugarte, est lié à des marchands bilbanais ou basques comme Pedro de Larrea, Martín de Galareta ou encore Melchor de Agurto. Il est aussi en relation avec des marchands connus de ces derniers, tels que Dominicus Van Uffeln, lui-même en affaire avec les Echávarri et les Pérez de Varrón143, ces derniers se connaissant de longue date, comme nous l’avons vu.
72Plusieurs facteurs intercèdent en faveur des Basques pour l’obtention du titre d’ambassadeur, de plénipotentiaires ou d’espions : leur place dans l’administration et dans les affaires navales et militaires, la pratique de plusieurs langues, enfin leur tradition d’expatriation. Aussi, n’est-il pas étonnant de trouver dans les rangs de la diplomatie de nombreux Basques. En quoi l’occupation d’un tel poste est-elle liée au commerce ? Un exemple nous livre un élément de réponse. Nous sommes en Angleterre à la fin du XVe siècle. Les négociations entre le monarque anglais et les Rois Catholiques menées par l’intermédiaire de l’ambassadeur espagnol, Jofre de Sasiola, aboutissent à l’attribution d’un nombre considérable de licences à des marchands et des transporteurs espagnols. Issu d’une famille de marchands du nord et donc personnellement intéressé dans ces tractations144, l’ambassadeur a tout mis en œuvre pour conclure ces accords. D’autres Basques obtiennent le titre d’ambassadeur au XVIe siècle, tel que Diego de Ibarra, chevalier de Saint-Jacques, ou Juan de Idiáquez y de Olazabal qui est ambassadeur d’Espagne à Gênes et Venise145. Ces membres de la diplomatie qui négocient les alliances politico-militaires ont un poids dans les affaires commerciales. Nous devinons comment à travers la guerre et grâce à sa puissance économique et guerrière le Pays Basque devient une pépinière non seulement d’hommes d’affaires mais aussi d’hommes de guerre et d’État. Une fois installés au gouvernement, ils soutiennent la prospérité économique de leur terre d’origine et renforcent l’efficacité de leur réseau146.
73Le clergé est l’une des plus riches communautés de la société castillane. Ses membres détiennent un grand pouvoir au sein des royaumes d’Espagne du Siècle d’Or. Aussi, n’est-il pas étonnant de les retrouver maintes fois en relation avec les hommes d’affaires. Aux foires de Medina, le clergé trouve une réserve d’argent pour ses dépenses et l’Église castillane un moyen pour transférer des fonds à la cour du pape à Rome147. La quête des postes de la bureaucratie qui n’exclut en aucun cas l’occupation de hautes dignités ecclésiastiques étend le champ d’influence des Basques. L’immixtion des Bilbanais et des autres Basques dans les hauts lieux de l’Église espagnole148 et dans l’Inquisition149 n’ont pu que parfaire l’organisation et le pouvoir de la communauté bilbanaise.
74Ainsi le commerce apparaît comme le dénominateur commun de certaines familles de marchands dont les membres sont tout à la fois des hommes d’affaires et de guerre ou de guerre et d’église. À cet égard, évoquer la figure emblématique d’Ignace de Loyola, issu de la famille des Recalde, déjà évoquée pour ses activités marchandes et guerrières, suffit à rendre compte des connexions entre conquête spirituelle, guerre et économie. À la base du succès de la communauté basque, il convient donc de placer l’interaction de trois forces, économique, militaire et spirituelle. La réussite insolite des Basques aux XVIe-XVIIe siècles à Potosí, Mexico, Zacatecas, Séville et dans les grands centres de commerce de France et des Pays-Bas est liée à cette interaction entre argent et pouvoir.
Tratantes, lenceras et femmes d’affaires
75Malgré des études de plus en plus nombreuses, la place des femmes dans la société n’a pas été définie dans tous ses aspects150. Quelques éléments peuvent être mis en avant quant à leur implication dans la vie commerciale. Les femmes qui prennent part au commerce sont nombreuses et se livrent à toutes sortes d’activités. Le veuvage, l’état d’orpheline, le statut juridique, l’éloignement du mari, ou tout simplement la vocation les entraînent vers le monde des affaires. Néanmoins, le fort taux d’émigration masculine et la nécessité de maintenir la cohérence du réseau entre le Pays Basque et les territoires d’émigration figurent au premier rang des raisons pour lesquelles les femmes sont fortement impliquées dans le monde commercial.
76Certains secteurs du commerce leur sont même réservés, comme une chasse gardée. La vente en gros des agrès paraît être exercée presque sans partage par Marina Saez de Ugarte et Juana de Barambio, toutes deux habitantes de Bilbao. Cette dernière, dont nous avons vu qu’elle contribuait grandement à l’appareillage des navires fabriqués par le roi151 (voir première partie, chapitre II), semble dépasser de beaucoup l’envergure commerciale de son homologue qui fournit surtout les maîtres de navires des environs152.
77À cette activité s’ajoute la vente au détail de la graisse de baleine exercée parfois par des groupes de femmes. Mais leur influence dans les échanges du port ne saurait se limiter à ces deux secteurs. La ville est parsemée d’échoppes de lingères. Parfois elles tiennent boutique pour leur propre compte, achetant elles-mêmes la marchandise à des Français établis dans la ville, ou bien de passage, comme le font Mayora de Echávarri, Mari García de Ocharcoaga, « tendera y tratante de lencerías », ou encore Mari Pérez de Esnarrizaga qui vend ses ballots de toile à des habitants de Miranda de Ebro et de Santo Domingo153.
78À la première occasion, elles louent leurs services à une tierce personne qui leur fournit le local et la marchandise. Nous possédons un cas documenté pour l’année 1604. Mateo de Echávarri met à la disposition de Mari Cruz de Ochoaren, orpheline de Bilbao, un magasin de toiles et autres marchandises dans la rue d’Artecalle « donde es el trato de las lençerías »154. Le partage des bénéfices se fait à moitié et l’association est envisagée pour quatre années155. Pour le marchand, ce type de contrat est un excellent moyen d’assurer des rentrées d’argent régulières, non soumises aux aléas du commerce maritime.
79Enfin, de même qu’il existe des hommes d’affaires, il existe des femmes d’affaires. Leurs activités permettent de les identifier aisément. Souvent, elles gèrent de grosses entreprises. Antonia de Jauregui, veuve de Martín de Larrimbe, et Domingo de Larrimbe, son fils, règlent 12300 réaux, reliquat d’un achat de cire qui se montait initialement à plus de 1519 ducats156. Certaines femmes dirigent ou participent à d’importantes sociétés qui ont pour activité principale le commerce du fer. En 1589, doña Mari Sánchez del Barco possède près de 7000 ducats dans la compagnie qui l’unit à Aparicio de Hormaeche157. Au début du XVIIe siècle, Mari Ibáñez de Jugo et sa compagnie concentrent une bonne part des ventes de fer dans le port de Biscaye. Sur leur importance dans le commerce, il est un indice supplémentaire : la participation à la finance. À l’occasion des départs pour Terre-Neuve ou pour le Brésil dans les années 1603-1604, pas moins de trois femmes reviennent à plusieurs reprises sous la plume des notaires. Dans ces prêts à la « grosse aventure », María Pérez de Vergara, de Bilbao, a placé plus de 1000 ducats158.
80À Séville, au XVIe et au XVIIe siècle, de nombreuses femmes participent financièrement à des compagnies basques de large rayon d’action159. L’administration de ces grandes sociétés leur incombe parfois. Cette observation permet de ranger définitivement les femmes basques parmi les chefs d’entreprises et les gens d’affaires. Vu leur implication dans le monde des grandes affaires commerciales, les femmes sont-elles si peu nombreuses à savoir écrire ou signer160 ? Il faudrait poursuivre les recherches pour s’en assurer. Cette participation des Bilbanaises au commerce n’a rien d’une exception. De même, les femmes cantabres et sévillanes prennent part à la vie commerciale161, ainsi que les Nantaises et les Marseillaises162. Il conviendrait d’affiner l’étude de la participation des femmes au commerce, car elle s’opère à des degrés divers. Si l’on compare Séville et le Pays Basque une différence apparaît. Beatriz Morell Peguero affirme que l’élément féminin appartenant à la noblesse ou à des familles qui vivent noblement, reste exclu des activités commerciales. Ce préjugé de noblesse ne joue pas autant à Bilbao, car tous les chefs de famille sont nobles. Il est donc possible que les femmes y aient été plus actives qu’à Séville. D’ailleurs, la femme la plus riche de la ville à Bilbao participe activement au commerce. Une autre comparaison peut être faite avec Marseille où l’aristocratie des affaires comporte quelques rares femmes163. Dans la première moitié du XVIe siècle, Madeleine Lartessuti, fille naturelle d’un procureur d’Avignon, se range parmi les plus riches et les plus actifs marchands de Marseille. Des trois femmes qui, dans la seconde moitié du siècle, figurent dans les grandes compagnies de commerce, seule Renée de Rieux, l’ex-maîtresse d’Henri III, travaille pour son propre compte. La participation des femmes au commerce est en apparence plus courante au Pays Basque qu’elle ne l’est à Marseille, et les responsabilités qui leur sont conférées y semblent plus importantes.
La présence étrangère à Bilbao
81Dans l’univers cosmopolite du port du Nervión, le marchand étranger apparaît sans cesse. Les actes notariés d’achats et de ventes de marchandises attestent sa présence. Tout le long du siècle, Français, Flamands164, Portugais, Irlandais et Anglais165 réalisent leurs affaires sur le marché de la ville. En apparence, sauf peut-être pour l’Inquisition, l’étranger, surtout le marchand, est le bienvenu. Les habitants de Bilbao, précise un document anglais, « have always been very friendly to our nation and to all strangers, as well in time of restraint as at other times, more so than in other part of the king of Spain’s dominions »166. L’exemple de l’assimilation de ces étrangers nous est donné par le marchand français. À première vue, il est presque chez lui à Bilbao167. De l’argent qu’il laisse en dépôt chez des négociants du port168 aux exportations de numéraire et de change qu’il organise de concert avec eux ou avec d’autres marchands espagnols169, en passant par les transactions de tout ordre et les associations170 qui l’unissent à des marchands locaux, nombreuses sont les preuves de ces liens très denses. Certains marchands français font même office sur la place bilbanaise d’hôtes attitrés de grands marchands castillans. En 1565, Mathurin Bizeul, Français de Bilbao, déclare avoir reçu pour le compte de Simón Ruiz 854 charges, pour lesquelles il réclame 294649 maravédis d’averías et ostelaje171. Julien Jarnigan, pour sa part, vend à Bilbao plus de 500000 maravédis de tissus français, en 1574, pour le compte de Lope de Arciniega et presque 300000 l’année suivante172.
82À la fin du XVIe et au tout début du siècle suivant, l’importance des Nantais, des marchands de Laval, de Pontivy et de Blavet a atteint un tel degré qu’ils contrôlent à Bilbao une importante part de l’écoulement des tissus, marchandise de première importance dans le commerce entre la France et l’Espagne173. Lors de la peste de la fin du siècle, les fiel et diputados imposent même une taxe aux marchands français174. Étant donné que les autres étrangers ne sont pas cités, tout permet de considérer la communauté française à Bilbao à ce moment-là comme la colonie étrangère la plus puissante. D’ailleurs, la création de consulats français dans plusieurs villes d’Espagne au cours du dernier quart du XVIe siècle prouve la montée en puissance de ces marchands175.
83La même proximité avec les membres des autres nations marchandes ne fait aucun doute. Le commerce du fer apparaît comme un des principaux motifs de ces rapprochements. À la fin de mai 1585, Bartolomé del Barco, accompagné de son gendre, se rend à la rentería176 de la ville pour acheter du fer sur l’ordre de Simón Ruiz. À cette occasion, l’on apprend qu’une partie de cette matière première est réservée à des Français et des Anglais et que 600 quintaux ont été emportés par un Portugais la semaine précédente177. Cependant, le grand intérêt pour ce métal ne doit pas dissimuler les multiples liaisons établies entre locaux et étrangers autour du transport maritime. En 1595, Juan de Albear Salazar, Diego de Guinea, marchands de Bilbao, et Antonio de Lenarseri, flamand, se partagent la propriété d’un filibote (flûte) de 130 tonneaux178. C’est aux environs de cette date que l’on trouve trace de marchands flamands mêlés aux assurances maritimes dans le port de Biscaye. Le marchand anglais Roger Jefferson, pour sa part, est membre du Consulat de Bilbao. En définitive, maintes nationalités représentées à Bilbao179, et particulièrement l’élément français, souvent mésestimé, profitent des possibilités offertes par cette zone d’échanges. Pour la ville la présence de ces étrangers est vitale.
84Malgré cela, l’étranger de Bilbao n’est ni tout à fait accepté ni tout à fait établi et, par ailleurs, de nombreux devoirs lui incombent. Pour être habitant de Bilbao et obtenir la naturalisation, il faut prouver sa pureté de sang et son origine avec deux habitants de la ville comme témoins, posséder une capacité de biens pour dix ans, se soumettre aux ordonnances et payer un impôt spécial de domiciliation180. Parfois, les tensions résultent simplement d’incompatibilités de caractères. En parlant d’Ochoa Lanier, Mathurin Bizeul, Français de Bilbao, avoue à Simón Ruiz : « dios me libre de tal(es) hombres que parescen por de fuera todos santos y por dentro tan mal(as) entrañas, ha me tratado de palabras que no tratara a un moro »181. S’il faut croire que ces disputes et ce mépris n’étaient pas monnaie courante, tout néanmoins est loin d’être parfait.
85Même naturalisé, un étranger peut être condamné à la perte de sa marchandise par le corregidor, suite à une dénonciation faite à Bilbao. Avant d’acheter sa lettre de naturalisation, qui coûte 80 ducats, Julien Jarnigan, d’origine française, attend de connaître les privilèges que cela suppose182. Jusqu’à l’obtention de ces précisions, Julien veut que ses marchandises soient remises à Lope de Arciniega. De même, les obligations signées lors de la vente des produits dont Julien est propriétaire, doivent être à l’ordre de Lope de Arciniega183. Bien que la plupart des étrangers évitent par ce moyen, ou d’autres subtilités, les séquestres de marchandises, l’arrivée d’un juez de sacas provoque le retour instantané de la majorité d’entre eux dans leur pays d’origine, départ qui, bien entendu, se révèle temporaire184. En 1587, Bartolomé déclare qu’à cause de l’un de ces juges venu des Asturies, la majorité des Français et des Flamands sont partis dans leurs terres185.
86De plus, il est défendu à ces marchands forasteros d’acheter à d’autres étrangers et interdiction leur est faite, ainsi d’ailleurs qu’aux négociants locaux, de se procurer des draps ou quelque marchandise que ce soit sur les bateaux entrant à Portugalete, en dehors des limites de la ville186. Pour non respect de la loi ou d’autres motifs encore, il n’est pas rare que les Français subissent de mauvais traitements, ou « vexations » comme on disait à l’époque. Le souverain en personne n’hésite pas à s’en mêler. Ainsi, en raison de la multiplication des embargos pour délit de contrebande, Henri IV publie une interdiction de commerce avec l’Espagne et ordonne à tous les marchands français établis sur le territoire de Philippe III de retourner dans leur pays. Cette mesure consterne tellement les habitants de Bilbao qu’il s’ensuit des émeutes populaires dans la ville187.
87La présence étrangère met en lumière l’internationalité de la place marchande de Bilbao, spécificité qu’elle préservera jalousement au siècle suivant. Au milieu du XVIIe siècle, devant l’emprise grandissante sur le commerce de Bilbao des marchands étrangers, les négociants de la ville ont une réaction protectionniste et leur imposent des conditions très strictes, comme par exemple celle d’entretenir un hôte188. Ainsi, à ce moment-là, seule la naturalisation permet une intégration dans le milieu des affaires. Mais elle est difficile, longue et coûteuse à obtenir189. C’est l’occasion pour d’autres ports d’attirer chez eux les marchands étrangers résidant à Bilbao190.
Artisans, commerçants et riches boutiquiers
88Les grands marchands ne sont pas les seuls à promouvoir le dynamisme économique, à contribuer au commerce du port du Nervión. Grâce au marché de Bilbao qui attire négociants étrangers, commerçants venus de l’extérieur et particuliers, grâce aussi aux commandes militaires de l’État, nombre de tondeurs de draps (tundidores), de cordiers (cordeleros)191, charpentiers (carpinteros)192, orfèvres (plateros), drapiers (draperos, pañeros), potiers (puchereros), sculpteurs (entalladores), fabricants d’épées (espaderos)193 sans compter un grand nombre de regrattiers en tout genre, animent le marché de la ville. Bien sûr, la plupart du temps, il ne s’agit que de menus services ou de petites ventes consenties à leurs homologues de l’arrière-pays. Mais certains s’enrichissent vite, et dominent leur corporation. Ils font alors office de grossistes, puis diversifient parfois leurs activités. C’est Juan de Barambio, cordonnier, qui vend 57024 maravédis de congre de Galice à des habitants de Vitoria ; Juan de Olabarrieta, potier, prêteur de 200 ducats pour l’avitaillement d’un navire, ou encore Juan de Larrea, orfèvre, qui fournit 9 fardeaux de tissus à des marchands de Yanguas ; Hortuño de Jauregui, fabricant d’épées, qui cède à des habitants de Rouen et de Saint-Malo plus de 4 tonnes de fer194 ! La liste serait longue.
89Toutes les corporations n’ont certes pas les mêmes chances de réussir. Les métiers liés à la fabrication des armes, de la construction navale, ou plus encore les activités axées sur la vente des tissus, représentent la fleur de ce monde d’artisans et de boutiquiers. En 1562, Juan de Gorocibay, espadero de Bilbao, tente l’aventure par mer et envoie une caisse d’épées avec ses pièces d’accompagnement en Andalousie195. Allonger l’itinéraire commercial pour augmenter son bénéfice est aussi le dessein conçu par Hortuño de Ugarte, charpentier de Bilbao196. Le projet ne lui sourit guère : le bateau qu’il avait chargé de madriers à destination de Séville s’échoue sur les côtes de Galice197. Heureusement, notre artisan s’est organisé en optant pour la diversification. Il loue des caves, des boutiques ou simplement des chambres qu’il possède dans la rue Calsomera, à Bilbao198. Certains de ces artisans sont assez fortunés. En 1618, Andrés de Irigoyen, maître dans l’art de fabriquer des soufflets de forges, a plus de 2000 ducats de crédits et presque aucune dette199. Ces quelques privilégiés tendent à imiter le modèle marchand et réalisent parfois une ascension sociale sans précédent. De simple mercier en 1565 Juan de Saracha devient vers 1603-1604, au sommet de sa carrière, un des marchands les plus influents de la ville200. D’ailleurs, dans l’ensemble, ces commerçants et artisans aisés se heurtent à des problèmes de crédit ou de méventes, peu différents au fond de ceux que doivent affronter les grands marchands201. Ils renouvellent l’effectif marchand qui tend à diminuer compte tenu de la fréquence des expatriations.
À la limite basse des échanges
90Tout un monde de muletiers, de petits artisans, d’hommes à tout faire gravitent autour de cet univers marchand dont il envie la réussite. Dès que l’occasion se présente et que leurs économies le leur permettent, ces marchands « d’un jour » font leurs petites affaires et collaborent à l’activité du marché de la ville. Certains sont même très actifs. Bartolomé de Alcaybar, chaisier de profession, cède une bête de somme à un habitant de Olabarrieta, et avec cet argent achète quelque temps plus tard du vin blanc de Ribadavia. Peu après, il réalise la vente d’une autre mule, se porte acquéreur de fer auprès d’un habitant d’Abando, et va même jusqu’à prêter 1500 réaux à un marchand portugais résident202. Nous avons aussi l’exemple d’un muletier de Lezama qui se fournit en cuirs chez un marchand anglais de Bilbao203. À l’image de ceux qui agissent dans le domaine maritime, les transporteurs terrestres ont toute facilité pour pratiquer le commerce.
91Ces marchands occasionnels ou itinérants côtoient une multitude de serviteurs, d’employés qui remplissent les basses besognes dans les grandes maisons marchandes de la ville. Si l’on en croit le testament de Celedon de Eledeabeitia204, criado de Juan Martínez de Recalde, leur marge de manœuvre est bien restreinte. Étant sous le contrôle continuel du maître, ils ne peuvent prétendre au développement de leurs propres activités. Certains artisans sont soumis aux mêmes lois de dépendance. À l’image de Juan de Zalduendo205, cordonnier de Bilbao, ils sont largement tributaires des marchands auxquels ils achètent la matière première nécessaire à l’exercice de leur savoir-faire. Mais à l’autre bout de la chaîne il faut s’entendre avec les acheteurs. Ils sont nombreux, habitant les environs, et notre artisan est rarement en position de force pour pouvoir dicter ses conditions. Que l’un de ses créditeurs exige de lui un remboursement précipité, que tel débiteur tarde à le payer, et l’artisanat périclite, s’endette ou disparaît.
92La variété du monde marchand bilbanais est intéressante à plusieurs égards. Aux côtés des intermédiaires-marchands, existent des hommes de guerre et d’église qui, à l’image des précédents, ont des activités de représentation et de médiation. Ainsi, les capitaines de guerre et les plénipotentiaires représentent le roi et ses intérêts à l’étranger ; ainsi, les hommes de Dieu, en particulier les Jésuites, sont-ils les conquérants spirituels au nom du pape et du roi. Le fait que ces liens entre commerce, conquête guerrière et spirituelle soient réunis par les marchands de Bilbao, parfois en une seule personne ou famille nous semble fondamental pour comprendre leur succès.
93Quant aux femmes, aux artisans et boutiquiers, ils renouvellent un effectif marchand très mobile et contribuent au développement des échanges sur la place bilbanaise.
II. Du bon usage des outils de l’échange
94Pour faire leur commerce dans de bonnes conditions, les familles marchandes essaient autant que possible de répartir et de diminuer les risques encourus tout en préservant les chances de gros gains. De plus, elles adaptent leur type d’organisation économique à la conjoncture changeante. Pour cela, au moyen de contrats divers, les marchands bilbanais nouent dans le cadre de la compagnie, des assurances ou du prêt maritime des types de relations temporaires dont ils entendent tirer le meilleur parti. Bien entendu, tous les marchands européens d’un peu d’importance ont accès à ces outils, mais ils ne les utilisent pas de la même façon et ne les rendent pas forcément aussi efficaces.
1. Associations et compagnies
95La compagnie marchande est l’un des instruments de base de la gestion commerciale et financière du grand commerce international à l’époque moderne. Peu de travaux se sont intéressés de façon exhaustive à cet indicateur social et économique. Quelques travaux sur les négociants de Burgos, sur les Basques de Séville et sur les marchands de Medina del Campo serviront de base comparative à notre réflexion206. Il ressort que les Bilbanais ont particulièrement bien exploité le champ de ces formes d’associations jumelant les contrats à court, moyen et long terme, faisant varier les mises de fonds et les prises de responsabilité.
Quels types de commerce207 ?
96La présence d’une industrie du fer crée les conditions d’un commerce stable car non tributaire des aléas de la mer. Toutefois les possibilités offertes par le port de Bilbao en matière de commerce ne s’arrêtent pas au trafic de la matière première. Au vrai, l’intérêt que portent nos marchands aux produits venus de l’extérieur semble primer. L’important marché que concentre Bilbao motive et permet ce recours à la diversité. Des commerçants de toute la péninsule, et même de l’étranger, venus se ravitailler en draps d’Angleterre ou plus souvent en toiles bretonnes, en cire d’Osterlande, ou encore en produits semi-ouvrés de l’industrie locale, trouvent à Bilbao un grand nombre de marchands qui leur vendent ces marchandises. Ce port profite donc à la fois du trafic d’articles étrangers et de la présence du fer qui y est vendu ou exporté par mer. Dès lors, on s’étonnera moins de la grande diversité des associations analysées.
97Les régions les plus lointaines sont représentées. Cinq marchands de Bilbao se réunissent l’espace d’un aller-retour à Cartagena et à Santa Marta de Indias, dans l’actuelle Colombie, tandis que d’autres s’associent le temps d’une campagne de chasse à la baleine dans les eaux de l’Atlantique septentrional (à Terre-Neuve). Des contrats analogues, pour l’écoulement de toiles d’Angers à Séville208 ou la vente de cordobanes aux Pays-Bas et en Angleterre209, unissent également des commerçants de Bilbao. Mais pour commercer, tous nos marchands n’ont pas besoin d’horizons si lointains. Alors que certains restreignent leur champ d’activité à un trafic de cabotage vers les côtes galiciennes, d’autres essaient de tirer le meilleur parti du marché que représente Bilbao. En 1603 et 1604, Juan de Saracha et Mateo de Echávarri, marchands très en vue de la cité, apportent la totalité du capital dans la mise en place et l’approvisionnement de boutiques destinées au commerce du drap.
98Diversité géographique mise à part, il importe de s’arrêter un instant sur la nature même des objets du commerce. Près d’une fois sur deux, la marchandise considérée provient de l’extérieur, la compagnie opérant un commerce d’« importations retenues ». D’autres associations s’intéressent à la matière première par excellence du Pays Basque : le fer.
99En définitive, et c’est ce qu’il convient de retenir, les investissements des divers groupes d’associés portent sur un large espace qui comprend à la fois l’Ancien et le Nouveau Monde et se rapportent à une grande variété de produits issus tant de l’extérieur que de l’industrie locale. La pluralité des intérêts de nos marchands contraste fortement avec ce que l’on a écrit de ces négociants que l’on pensait repliés sur le commerce du fer et sur des travaux d’intermédiaires. La diversité des investissements possibles est un atout supplémentaire pour échapper à la crise d’un secteur particulier de l’économie.
Le capital210
100En raison des périls encourus sur mer, les perspectives du commerce maritime sont moins stables que celles du commerce terrestre. D’une durée de vie courte, les associations maritimes regroupent traditionnellement beaucoup moins de fonds que les compagnies de l’intérieur211. Bilbao ne semble se conformer qu’à demi à ce modèle « classique ». Nous en donnons pour preuve la classification suivante :
6 associations (30 % du total) ont un capital de 100000 à 300000 maravédis, avec une moyenne de 238000 maravédis environ.
6 sociétés (30 %) ont un capital compris entre 301000 et 600000 maravédis, et une moyenne de 445000 maravédis environ.
3 compagnies (15 %) possède un capital de 750000 maravédis à 3,38 millions, avec une moyenne de 1,75 millions de maravédis.
1 compagnie (5 %) détient un capital de 7,5 millions de maravédis.
Pour 4 sociétés (20 %), le montant de la mise de fonds n’apparaît pas, ou n’est que partiellement établi. Dans deux cas le capital octroyé par l’un des associés est de 360000 et de 1,35 million de maravédis212. La contribution des autres participants n’est pas signalée. Les deux derniers contrats ont pour capital 2 caravelles neuves destinées au commerce avec l’Angleterre, et une nave appartenant en parsonnerie à deux marchands de Bilbao et à un habitant de Capbreton. Malheureusement, le montant exact de leur construction nous fait défaut. Il est pourtant évident – les indications partielles que nous possédons vont dans ce sens – que ces associations appartiennent au type 3 ou 4 de notre classification. Elles réduiraient en nombre l’écart qui existe entre les sociétés les plus importantes et celles moins dotées en capitaux.
101Pour au moins la moitié d’entre elles, nous sommes en présence d’associations au capital convenable, voire important. Cette remarque prend tout son sens si l’on rapproche notre typologie d’autres types de documents retrouvés à Bilbao, tels que les comptes de compagnies. En 1590, par exemple, un mémoire des comptes de la compagnie de Aparicio de Hormaeche et Mari Sánchez del Barco, habitants de Bilbao, fait état d’un actif de 4,35 millions de maravédis213. Au début du XVIIe siècle, en 1606 pour être plus précis, un compte de situation de ventes révèle que Marcos de Urtisaostegui est créditeur de plus de 11 millions de maravédis214.
102D’autres exemples de compagnies qui mêlent Basques, Castillans et étrangers à Bilbao, ou sont formées hors du Pays Basque, renforcent notre démonstration. Entre 1551 et 1557, le grand marchand castillan Simón Ruiz s’associe avec Juan de Ugalde pour l’achat de marchandises et la remise de fonds à l’étranger, notamment pour la vente de 202 paquets de toiles importées de Bretagne (plus de 4 millions de maravédis) et pour 118 petits livres d’or dont ils partagent la propriété à moitié215. Toujours dans les années 1550, Simón Ruiz et Juan de Sarribiarte, de Bilbao, achètent en compagnie 52 fardeaux de tissus dans le port du Nervión216. Juan multiplie les associations. Toujours à la même époque, il joint ses capitaux à ceux d’Ochoa Lanier et de Pedro Boleo217 (Pierre Boileau de Nantes). Parmi les nombreux Basques qui ont travaillé avec les Ruiz, Lope de Arciniega mérite une place à part. Lope investit 12000 ducats dans une compagnie avec Simón et Cosme Ruiz dont il est promu directeur218. Hilario Casado, pour sa part, a étudié les comptes d’une compagnie dans laquelle participent des Basques, et dont les ventes dépassent le million de ducats en l’espace de quatre ans219. Exception faite des Bilbanais, Burgos accueille de nombreux marchands d’origine basque qui utilisent d’importantes sommes pour leurs affaires : Martín Alonso de Salinas investit plus de 28 millions de maravédis dans le négoce, Nicolás et Francisco de Gauna, seuls ou associés, 27 millions environ et Francisco de Mújica, 9,5 millions220.
103À Séville, des marchands de Bilbao et d’autres villes basques forment des compagnies221. L’historique d’une vingtaine d’entre elles démontre le caractère entreprenant de ces hommes du nord péninsulaire222. Mais peu de Bilbanais figurent dans ces sociétés. Il s’agit essentiellement de marchands guipuzcoans et de Biscayens d’Elorrio223. Ces sociétés, qui sont souvent dirigées à la fois de Séville et du Pays Basque, se forment sur des bases financières très solides, entre 1,5 et plus de 11 millions de maravédis pendant la seconde moitié du XVIe siècle (en fait, 3 sociétés sur 6 ont un capital de plus de 6 millions). Pour le XVIIe siècle, les mises de fonds sont en hausse avec des montants atteignant 20, 30 et même 40 millions de maravédis. Sur les sociétés dont il a fait l’analyse, Lutgardo García Fuentes donne une moyenne de 26000 ducats, somme dépassant de beaucoup le capital social des compagnies qui se forment à cette époque dans le port du Guadalquivir, traditionnellement entre 6 et 10000 ducats224.
104Ces compagnies font état de plus ou moins gros investissements dans le commerce, peu différents de ceux qu’y consacrent les plus grands marchands espagnols225. Toutefois, il semble au moins aussi intéressant de remarquer que les mêmes personnes agissent en même temps dans diverses associations ou compagnies.
La durée
105Revenons aux contrats conclus à Bilbao. Ces documents ne sont pas à proprement parler des écritures de compagnies. Le terme d’association leur convient mieux. La plupart n’ont rien de ces contrats stables et de longue durée qui unissent les marchands de l’intérieur, qu’ils soient Italiens226, Castillans227 ou Aragonais228. Ce qui peut étonner dans nos manuscrits, c’est le caractère temporaire, voire éphémère, de certains de ces accords passés devant notaire. Parmi les seize contrats d’associations d’une durée précisée, quatre se limitent à un voyage aller et retour229 et quatre autres à une année230. Ces petites sociétés paraissent être l’apanage des villes maritimes231. Cependant, des huit contrats restants, six ont une durée d’existence qui oscille de 2 à 4 ans232, et deux de 7 à 10 ans et plus.
106La brièveté de la moitié de ces contrats garantit la mobilité du capital qui s’investit au gré des opportunités mercantiles maritimes. Elle symbolise la capacité d’adaptation. Toutefois, elle n’est pas une spécificité du commerce portuaire puisque des compagnies de l’intérieur castillan, en particulier celles de Medina de Rioseco, montrent des caractéristiques similaires233. Quoi qu’il en soit, ces petites sociétés s’ajoutent aux compagnies de plus longue durée, et offrent ainsi aux entrepreneurs d’avoir accès à une large gamme de possibilités pour mener à bien certaines affaires plutôt que d’autres selon la conjoncture.
Les contrats maritimes : flexibles et à court terme
107Nous avons choisi de mettre à part les contrats maritimes, car ils ne ressemblent en rien aux associations que nous venons d’analyser. On ne les trouve pas tout le long de notre période. Leur apparition dans nos sources date du milieu des années 1580. Au début du XVIIe siècle, ils se développent de manière encore plus intense. Nous croyons qu’ils résultent d’un changement d’orientation subi par le commerce de Bilbao, changement que nous avons évoqué plus haut au sujet de la reconversion commerciale (voir deuxième partie, chapitre II et IV). Ces contrats234 fonctionnent de façon analogue et concernent le même espace géographique. Sur un total de 27 associations, 5 concernent l’intervalle 1586-1595 tandis que les 22 restantes sont signées en 1603 et 1604. Ces associations éphémères (elles durent le temps d’un aller-retour) naissent de la manière suivante. Un marchand de Bilbao confie une certaine quantité de fer, d’acier ou de papier à un maître de navire des environs. Ce dernier, ou une tierce personne montée à bord de son embarcation, s’engage à vendre le chargement en Galice, aux Asturies, au Portugal, ou aux Canaries, et à acheter avec le produit de la vente du vin de Ribadavia, du poisson, ou autres marchandises sans que le genre en soit spécifié. Pour leur travail, ils touchent le quart235, parfois le tiers des gains réalisés. Bien que les marchandises chargées représentent en principe des sommes relativement modestes, la multiplication de ce type de contrat réunit au bout du compte de respectables montants. En 1603, Pedro de Adaro, habitant de Bilbao, charge sur 3 bateaux différents, plus de 5250 réaux. L’année suivante, Juan de Saracha embarque, à destination de la Galice et des Canaries, plus de 5000 réaux en marchandises et en argent comptant.
108Mais les chiffres ne sont pas essentiels. Il s’avère plus important de noter que ces ventes supposent des paiements au comptant et donc une rotation rapide du capital. Ainsi, en cette période troublée où les risques de toute sorte menacent le commerce international, le marchand de Bilbao opte pour un trafic le long des côtes espagnoles et jusqu’aux Canaries avec des paiements au comptant pour créer une réserve financière sans s’exposer véritablement ni aux dangers de la mer (pas de navigation au large, à part pour les Canaries), ni à la défection du débiteur. Avantage supplémentaire, le marchand gagne en théorie sur la vente à l’extérieur et aussi sur la vente à Bilbao des produits achetés à l’extérieur.
109Le développement de ce type de contrat est dû à un rétrécissement du marché de Bilbao où l’écoulement des produits s’est ralenti en ce début de siècle et aux guerres qui sévissent dans le canal de la Manche et en Mer du Nord. Les marchandises concernées par ces contrats maritimes prennent la plupart du temps le chemin de la Péninsule Ibérique. L’hypothèse que nous avions formulée au sujet des stratégies commerciales de nos hommes d’affaires, supposant un repli des activités vers les royaumes d’Espagne, semble donc se confirmer dans cet autre contexte. Par ailleurs, ces associations maritimes élargissent encore davantage la palette d’investissements auxquels peuvent avoir recours nos marchands, variété qui manque souvent aux négociants de l’intérieur. Juan de Saracha et Aparicio de Hormaeche sont deux exemples éloquents de cette diversité. À Bilbao, par l’entremise de Martín de Fuica Arechabaleta, Juan réalise des ventes au détail de draps. Il opère des ventes de tissus ou de bétail qu’il dirige lui-même et fait des expéditions maritimes de fer le long de la côte espagnole. Simultanément, il participe financièrement aux pêcheries d’outre-Atlantique. Aparicio, pourtant accaparé par le fonctionnement d’une firme de dimension internationale, tente également l’« aventure par mer ». Toutefois, la division de ses activités semble moins accusée que dans le cas de Juan de Saracha.
110En somme, il existe un partage entre des associations passagères et des compagnies de plus longue durée. Cette diversité correspond aux besoins et aux capacités du commerce maritime et à ceux d’une économie basée sur des activités industrielles qui incarnent davantage les villes de l’intérieur. Cette dualité est l’une des forces essentielles de l’économie de notre port, l’une des explications de sa capacité à reconvertir ses activités. Qu’un faisceau de commerce s’affaiblisse, les capitaux de nos marchands ne tardent pas à s’engouffrer vers des secteurs plus prometteurs. En revanche, les structures financières souvent plus lourdes des villes de l’intérieur risquent d’être emportées dans d’imparables réactions en chaîne. Elles ne peuvent pas envisager ces changements d’orientation avec autant d’aisance et de rapidité.
2. Évolution du prêt maritime236
111Les textes juridiques et les fonds documentaires les plus anciens faisant référence au prêt maritime remontent à la Grèce classique, au IVe siècle avant J. C237. Pendant le Moyen Âge et encore aux XVIe-XVIIe siècles, l’utilisation de ce type de crédit est courante dans toute l’Europe. Ainsi, à Bilbao, les marchands prêtent à la grosse aventure sur de nombreux navires. Ce type de placement est un des piliers du système de crédit maritime. Pour armer le navire, le maître a besoin de fonds que lui prêtent des financiers. Si le bateau parvient à bon port, le maître doit rembourser le prêteur de son capital augmenté d’une prime. En revanche, en cas de naufrage, le financier perd son argent. Dans les exemples disponibles, le prêt court sur la quille ou/et la coque du navire et non sur des marchandises. Toutefois, il paraît important de noter que tous ces prêts à la grosse ne concernent pas le même espace géographique et ne comportent pas non plus les mêmes avantages. Leurs clauses se modifient en fonction de la conjoncture.
112Pendant les trois premiers quarts du XVIe siècle, les contrats de ces prêts maritimes recèlent souvent un article particulier. Le prêt d’argent fait à Bilbao ne court que sur un voyage aller et est à rembourser aux Pays-Bas, au Portugal, en France ou en Andalousie. Dans le cas de remboursement à l’étranger, le paiement du prêt augmenté de la prime se double donc d’une opération de change, sur laquelle le prêteur compte gagner de l’argent. De plus, que ce soit les avances d’argent payables à Anvers ou celles restituées à Lisbonne ou Séville, elles permettent au destinataire du remboursement de réaliser des chargements marchands pour le compte du prêteur initial, resté à Bilbao. Ainsi, grâce à l’intervention du maître du navire et d’un agent installé à l’étranger, le prêteur peut espérer une prime, un gain sur le change et sur les marchandises achetées et vendues ensuite à Bilbao. Bénéfices potentiels mis à part, celui qui prend l’argent à Bilbao et le rembourse en Andalousie ou à l’étranger étant une même personne, les problèmes liés à la solvabilité du tiré, présents avec les lettres de change qui sont protestées, sont ainsi en partie évités.
113En sens inverse, les Bilbanais de Bruges ou d’Anvers agissent de même en finançant le retour des bateaux parvenus aux Pays-Bas et, dans le même temps, produisent un crédit dans le port du Nervión pour l’achat de laine ou de fer par exemple. Ces va-et-vient de numéraire et de marchandises comportent donc plusieurs avantages. Comme nous l’avons dit, le prêt maritime permet au bailleur de fonds d’augmenter son capital initial d’un intérêt, si le bateau ne fait pas naufrage, la somme octroyée au propriétaire servant à avitailler le navire et le remboursement ayant généralement lieu entre huit jours et six mois après la signature du contrat selon la destination et le montant avancé. Ensuite, ce transfert de numéraire évite à l’investisseur le paiement des licences habituellement nécessaires à son exportation et les tracasseries liées à la présence du corregidor dans la ville. Enfin, outre un gain sur le change, la disponibilité métallique permet au destinataire l’achat au comptant, suivant les ordres du bailleur de fonds, de draps, de cire ou tout autre article, ou encore de réaliser des placements d’argent à l’étranger. Ainsi, au cours de son déplacement, l’argent n’a cessé de travailler et le marchand d’être lié au maître du navire.
114Ces « placements » ne forment que la part la plus visible, pas forcément la plus représentative, des circuits de l’argent, la lettre de change et plus encore les « obligations » jouant également un rôle important. Pourtant, aussi élaboré que soit le système des changes, les transferts d’argent par lettres doivent plus d’une fois attendre le bon vouloir des intermédiaires, l’échéance d’une foire ou la solvabilité d’un tiers. Ces va-et-vient d’argent supposent une organisation étendue, bien définie, plus coûteuse. Plus près de nos marchands et de leur quotidien, la mer offre bien des avantages.
115La multiplication de ces opérations, la remise qui en découle, ainsi que la différenciation géographique selon les périodes, nous ont poussé à considérer ces « placements », non pas individuellement, mais globalement. Pris dans leur ensemble, ils composent un système, ou plus exactement plusieurs systèmes qui fonctionnent sur le même modèle. Sur la longue durée, et puisqu’il est uniquement question de prêts réalisés par les marchands de Bilbao, nous pouvons observer des changements dans la géographie de leur commerce, car à chaque destination correspond une période bien définie238. Ces investissements ne concernent que le commerce organisé par les marchands de Biscaye, et ne sauraient représenter la totalité du mouvement de notre port. Si avant 1535239, ces remises ont fréquemment lieu au Portugal et en Angleterre, elles portent presque toujours, à partir de cette date et jusqu’en 1573, sur les échanges avec le pôle flamand240. Par la suite, la déviation de ce circuit monétaire vers Nantes n’est pas très marquée et dure juste l’espace d’une dizaine d’années241.
116Au début des années 1590 et au début du siècle suivant, nos marchands courent des risques sur des voyages à destination de la Galice, de l’Andalousie, des Canaries et des Indes242. Cependant, à l’inverse de ce qui se passait avant ces dates, ces financements maritimes se réfèrent à l’aller et au retour. En effet, à la fin du XVIe et, plus fréquemment encore, au début du XVIIe siècle, les avances d’argent consenties par nos hommes d’affaires doivent être remboursées à Bilbao, 20 jours après le retour du navire. À cette époque-là, ce type de contrat ne regroupe plus les avantages présentés précédemment, mais se résume pour l’essentiel à une entreprise spéculative.
117Toutefois, cette activité prend une grande ampleur à cette époque. Les Bilbanais prêtent à la grosse aventure pour les pêcheries de Terre-Neuve, le commerce des Indes, la chasse de la baleine au Brésil.
118Tout comme le commerce européen, la pêche à la morue ou la chasse à la baleine requièrent d’importants capitaux. Au moment du départ, il faut avitailler le navire, charger le sel, les vivres, le cidre, mettre à bord le matériel nécessaire aux prises ; au retour, il faudra payer l’équipage. Ces charges imposent aux armateurs la souscription de prêts, l’offre de participations à la grosse aventure, pour ces expéditions longues et onéreuses. C’est le cas à Bilbao comme à La Rochelle, au Danemark comme en Norvège ; ces marchands-avitailleurs sont la colonne vertébrale de ces voyages au long cours. Certes les risques courus en mer sont importants, mais le jeu en vaut bien la chandelle. En février 1591, une participation de 200 ducats à 27,5 % est offerte « en la ventura de la mar » par Bartolomé de Sarria, négociant français de Ciboure, aux marchands de Bilbao sur un bateau qui part pour Terre-Neuve243.
119La suprématie des Basques installés sur la côte sud du Labrador à partir de 1540, dure jusqu’au début du XVIIe siècle244. Mais avant même que les grandes puissances, anglaise, mais aussi française, s’arrogent l’exploitation de cette pêche, les hommes d’affaires de Bilbao ont trouvé le moyen, par leur participation financière, de rester aux commandes d’une partie de ce commerce. Ce sont parfois des flottes entières de bateaux français qui, grâce aux marchands-avitailleurs du port biscayen, s’offrent le voyage jusqu’aux pêcheries lointaines. Lorsqu’en 1706, les Basques français reconnaissent que Biscayens et Guipuzcoans sont indispensables au financement des voyages à Terre-Neuve, en prêtant à la « grosse aventure »245, cela se pratique déjà depuis plus d’un siècle, puisque ces prêts apparaissent de façon massive à partir de 1591. Cette année-là, précisément, Joanes de Miranda le vieux, habitant de Ciboure, donne pouvoir à son beau-frère pour emprunter 800 écus à Bilbao, dont il a besoin pour « los preparatibos y vituallas » de leur navire qui part pour Terre-Neuve. Au total, 3500 ducats ont été prêtés cette année-là, par nos marchands, aux armateurs de Saint-Jeande-Luz et Ciboure246. En 1603, il s’agit d’environ 4400 ducats247. Bien sûr, ces chiffres sont bien inférieurs à la réalité. À lui seul, Antonio de Jugo donne en 1596 la somme de 4000 ducats à peu près pour « el viaje de la pesquería de Tierranoba »248. Ce n’est pas un cas isolé. Quelques années plus tard, Juan de Zubiaur demande à son frère de récupérer 1154,5 ducats qui ont été donnés « à la grosse » à des armateurs français249.
120Comme dans le cas européen, ces « placements » ne sont pas une fin en soi, ils procurent l’occasion d’attirer dans le port du Nervión les bateaux étrangers qui viennent souvent y décharger leurs barils d’huile de baleine ou de morue afin d’en effectuer la vente. À la fin du siècle, l’écoulement des pêches françaises à Bilbao n’est pourtant pas un fait nouveau. Déjà en 1565, un certain Miqueo de Cuybar, habitant de Ciboure, préfère opérer la vente de 218 barriques de graisse de baleine dans le port de Biscaye plutôt que de compter sur le marché local français qui offre peut-être moins de débouchés250. Les cales des Basques français, pleines de morue et de graisse de baleine, se déchargent donc à Bilbao, bien avant 1610, date retenue par Labayru251. Quoi qu’il en soit, le financement répété de nos marchands active davantage l’introduction des pêches françaises dans le port du Nervión. Cela attire notre attention sur les possibilités de captation de circuits commerciaux à partir d’activités financières.
121Les Nantais paraissent également s’intéresser au débouché espagnol. En 1603, l’on apprend que les trois quarts de la morue et de la graisse de baleine chargés à bord du Santiago, en provenance de Terre-Neuve, sont à livrer sur l’ordre de Guion Le Lièvre et Nicolas de La Pelonie à Louis de La Pelonie252 et Guillaume Leclerc, ces derniers résidant à Bilbao, le quart restant appartenant aux maître et pilote du navire et à son équipage253. Nous retrouvons ici les Nantais, dont on connaît l’étroite relation avec les marchands de Bilbao254. L’enrichissement de ces deux cités grâce au commerce européen et aux activités qui leur sont propres, fait d’elles les maîtresses financières du golfe de Gascogne, la participation des Guipuzcoans255, d’avitailleurs de l’intérieur256 comme celle des Bordelais n’étant pas exclue. Par leur importance dans le commerce européen, ces deux villes sont au premier plan d’une activité financière diffuse, et dont les profits potentiels mobilisent les capitaux d’une part importante de la population de cette zone. Une solidarité d’intérêts se trouve ainsi réalisée depuis Bilbao, et même peut-être depuis Santander, jusqu’à Nantes.
122La présence à Bilbao de capitaux ainsi que le débouché du marché consommateur espagnol jouent un grand rôle dans ces associations entre les riverains du Golfe de Gascogne. Néanmoins, ce ne semble pas être le seul facteur à prendre en compte. Au-delà de ces avantages auxquels il faut ajouter l’appartenance à une même communauté ou/et une géographie proche, les conditions de ces prêts sont plus favorables aux emprunteurs, à Bilbao qu’elles ne le sont à Rouen257. Ces risques que courent les financiers basques sont aussi le fait de colonies installées à l’étranger. Des marchands basques établis à Rouen financent l’armement des navires faisant route vers Terre-Neuve et vers le Brésil258.
123Si l’utilisation de l’huile de baleine au Brésil au XVIe siècle ne fait pas de doute, il semble que les Brésiliens n’aient pas été en pleine possession des techniques utilisées pour se la procurer259. Pire, le Brésil manque de gras pour le calfatage des navires et pour éclairer les engenhos qui travaillent la nuit260. Cette demande ajoutée aux difficultés que rencontrent les pêcheurs basques à Terre-Neuve à la charnière des deux siècles poussent nos entrepreneurs vers d’autres horizons. En mars 1602, deux négociants de Bilbao, Pedro de Urrecha et Julien Michel261, obtiennent pour 10 ans une autorisation royale pour chasser la baleine262 avec trois bateaux sur les côtes du Brésil. Point important du contrat, ils peuvent pêcher où ils le désirent et ont en outre « todo el favor y ayuda que para ello oviere menester sin les poner impedimiento alguno en el paso ni asta que en las dichas partes quisieren hazer y otras cosas »263. En contrepartie, les deux entrepreneurs s’engagent à pourvoir le pays de l’huile dont il a besoin, et, avec le prix obtenu, à rapporter des marchandises dédouanées dans les ports de la métropole portugaise264. Quant aux équipages biscayens qui partent, ils sont chargés d’enseigner aux Portugais du Brésil l’art de la chasse à la baleine et l’exploitation de ses richesses265.
124Attachons-nous maintenant aux préparatifs du voyage et à son financement. Le contrat ne précise rien pour le fret d’aller, laissant ainsi toute liberté aux deux armateurs. En avril 1603, Julien Michel charge Julien Dureau, marchand français résidant à Bilbao, de récupérer 200 quintaux d’acier de Pedro de Sustaeta, habitant de Mondragón266. Ne doutons pas que cette quantité contribue au chargement. Ainsi peut-on aisément imaginer le fer accompagnant l’acier pour le fret d’aller, les cales étant au retour chargées d’épices267 ou de cuirs.
125En ce qui concerne le financement de ces départs, comme pour Terre-Neuve, les armateurs font largement appel aux marchands-avitailleurs installés à Bilbao. En 1603, environ 4600 ducats concourent aux préparatifs des deux navires qui partent pour le Brésil268. La prime semble à ce point importante que certains marchands y sont intéressés à hauteur de 700 ducats, tel que Juan de Peredo Quijano269. L’appât du gain a également raison de la prudence des étrangers, Julien Dureau et Elebran Pietersen, résidents de Bilbao, prêtent 18581 réaux à Pedro de Urrecha et à son associé270. À eux deux, ils représentent plus du tiers des avances d’argent consenties, le reste venant d’habitants de Bilbao. Au-delà de ces voyages, de leur organisation, ne faut-il pas voir dans ce privilège, accordé à ces deux marchands, une entrave au monopole exercé par Séville sur l’Amérique ? Il est vrai que le Brésil est une colonie portugaise, mais à cette époque le Portugal est sous contrôle espagnol. Quoi qu’il en soit, une liaison directe est bien établie entre la Biscaye et l’Amérique. Elle permet, sous couvert d’une autorisation royale, d’importer et d’exporter sans doute n’importe quoi, ouvrant une porte à la contrebande.
126Les marchands de Bilbao agissent au départ d’autres ports que Bilbao et élargissent l’horizon de leurs investissements aux campagnes de pêche qui, au départ de Castro Urdiales, se dirigent vers l’Irlande avec une escale à Santander. Cela démontre l’emprise financière de nos hommes sur les activités des ports de la côte cantabre. En effet, dès le milieu du siècle, des habitants de Castro Urdiales doivent à Pedro de Trauco, de Bilbao, 186 ducats qu’il a prêtés à part égale pour l’avitaillement de trois naves effectuant ce parcours : le Santiago, le San Julián et le San Nicolás271. La prime étant en principe incluse dans la somme à rembourser, ces prêts « à la grosse aventure » bénéficient d’un intérêt de 24 % pour l’aller et le retour. Le risque court sur le gréement et la coque du navire, et le remboursement du capital augmenté de la prime ne sera donc acquitté au prêteur que si le bateau retourne à bon port.
127La puissance financière des hommes d’affaires du Nervión se manifeste de nouveau dans le port de Laredo. En 1604, Martín de Santander Escalante, Juan de Santiago Castillo et Hernando de Escalante, propriétaires de la Esperanza en partance pour les Indes Occidentales, donnent pouvoir à Juan de Heguiluz pour qu’il emprunte à Bilbao 1500 ducats272. Parallèlement, les marchands de Laredo interviennent fréquemment au début du XVIIe siècle dans le financement de ces départs transcontinentaux à partir de Laredo ou de Castro Urdiales. Les gains potentiels sont impressionnants. Songeons que le risque sur un aller-retour aux Canaries est rémunéré à 36 %273. De Laredo aux Indes en faisant escale à Ribadeo et aux Canaries, le taux atteint 50 et même 70 % de la mise de fonds274.
128Ces différents prêts, rassemblés à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe et portant désormais sur des allers-retours, marquent l’engagement accru des Bilbanais dans des affaires financières. C’est ce que nous pouvons également observer à Séville où la présence des financiers basques dans la Carrera de Indias s’intensifie. Leur participation au marché financier en tant qu’acheteurs d’or et d’argent et comme hommes d’affaires mêlés aux opérations de crédit les plus diverses s’amplifie à partir de la fin du XVIe siècle, à telle enseigne que, durant la seconde moitié du XVIIe, ils contrôlent le consulat andalou275. Cette suprématie est confirmée par les prêts maritimes qu’ils octroient au XVIIe siècle pour financer le commerce avec l’Amérique. À eux seuls, ils représentent la plus grande partie du financement total, soit 1409408 réaux contre 820066 réaux pour les étrangers, sans distinction de nationalité. Cette intensification de la présence basque dans le commerce américain, à compter de la fin du XVIe siècle, concorde point par point avec notre hypothèse de départ selon laquelle une attention plus importante serait portée à la Castille, au pôle sévillan et à ses prolongements américains suite à un certain « désintérêt » pour le commerce avec la Manche, la mer du Nord et l’Atlantique français, et à un rétrécissement du marché bilbanais en tant que consommateur de produits étrangers. Même si la proportion de marchands d’origine bilbanaise est difficile à préciser par rapport à l’ensemble, leur intervention ne fait aucun doute depuis les débuts de la liaison transatlantique276.
129À travers ces financements massifs, l’on devine plusieurs aspects intéressants. La baisse de l’importance de la flotte basque, jumelée aux entraves auxquelles doit faire face le commerce traditionnel de la marchandise avec l’Europe occidentale, conduisent à chercher de nouveaux profits et expliquent en partie l’intensification de ce type d’activité spéculative à partir de la fin du siècle. Ces activités financières, de même que le recentrage du commerce de nos marchands sur la Péninsule Ibérique et l’Amérique (constructions navales, fer, armes, laine), le travail de commission à Bilbao, résument les solutions choisies par les marchands basques devant la dégradation de la conjoncture dans le nord-ouest atlantique.
3. Le marché des assurances277
130Malgré quelques stipulations rencontrées dans le droit romain, l’assurance maritime est une création du Moyen Âge278. L’existence d’une cámara de seguros en Flandre dès 1310 n’ayant pu être démontrée279, les marchands italiens semblent faire office de précurseurs dans ce domaine. Ce sont eux, Vénitiens, Génois et Florentins pour l’essentiel, qui vont diffuser cette pratique vers les établissements italiens du Levant, mais aussi vers la Catalogne, la Provence, puis les Pays-Bas et l’Angleterre280. Les Basques vont également participer à cette diffusion car, dès le milieu du XVe siècle, ils font un usage très large du prêt à risque maritime, une des premières formes d’assurance281. Il n’est donc pas étonnant, lorsqu’on connaît les relations commerciales privilégiées de Bilbao avec Gênes (voir première partie) et les grands ports méditerranéens du XVe siècle282, mais aussi avec les pôles économiques internationaux du XVIe siècle, tels que Anvers, Séville ou Burgos, de retrouver les marchands du havre biscayen dans le négoce des assurances maritimes.
131Pour considérer le marché biscayen des assurances maritimes dans son ensemble, l’on doit non seulement procéder à des recherches dans les fonds locaux basques, mais aussi dans les archives des grands centres commerciaux européens cités plus haut et liés au Pays Basque. Il faut insister sur ce point. Le marché biscayen des assurances n’est pas un marché régional mais plutôt international. Comme nous allons le voir, les Basques et autres habitants des royaumes d’Espagne y participent aussi bien que les Basques établis à Anvers et Nantes sans compter les étrangers résidant au Pays Basque ou dans leur patrie d’origine. De cette façon, au travers des liens tissés entre les différentes colonies basques installées dans les grands centres du commerce européen et la mère patrie, l’on sera à même de mieux comprendre l’importance de cette activité pour l’économie basque, et surtout de saisir l’organisation du système des assurances.
132Précisons néanmoins que nous ne bénéficions pas d’un corpus de seguros marítimos de l’importance de celui contenu dans les archives du consulat de Burgos283. À cela deux raisons : tout d’abord, la fermeture de l’Archivo Municipal de Bilbao depuis plus de dix ans, dont le fonds contient la documentation consulaire, empêche l’accès à une source de premier intérêt284 et par là même une vision plus globale de ce secteur d’activité. Sa réouverture285 permettra peut-être de compléter nos données. Ensuite, les fonds du consulat de Biscaye à Bruges, qui nous auraient vraisemblablement éclairé sur ce sujet, n’ont pu être retrouvés. Bien qu’en nombre réduit, les manuscrits analysés, une soixantaine au total, offrent un grand intérêt286. En outre, nous avons consulté plusieurs dizaines de documents de l’Archivo de la Diputación de Burgos dans lesquels les Bilbanais agissent en qualité d’assuré ou de courtier en assurances. En somme, notre base de travail dévoile des mécanismes de fonctionnement, des espaces, des chiffres aussi, et permet de brosser un tableau assez complet des assurances maritimes contractées à Bilbao, et en dehors de Bilbao par ses marchands, au XVIe siècle et au début du XVIIe.
133Après la législation sur les assurances de Barcelone, établie en 1435, relative à la navigation méditerranéenne, le consulat de Bilbao rédige en février 1520 les ordonnances de ses seguros, qui sont les premières à toucher le monde atlantique, celles de Burgos datant de 1538287. Cette antériorité dans le temps permet de remonter, comme nous l’avions supposé288, à la fin du XVe siècle, les premiers contrats d’assurances faits par des Bilbanais289. En effet, la législation rend souvent officiel un état de faits préexistants. C’est le cas pour Burgos, dont les plus anciennes assurances trouvées jusqu’à aujourd’hui remontent à 1481290, c’est-à-dire plus d’un demi-siècle avant la rédaction de ses ordonnances. En outre, sur les 207 contrats inventoriés entre 1481 et 1508291, 20 % concernent des trajets au départ de Bilbao. Les négociants de ce port, en rapport avec des assureurs génois dès 1429, munis en 1520 d’une législation sur les assurances, et bénéficiant d’un trafic portuaire de première importance, ont été intéressés dans les seguros de la mer, peut-être dès la fin de la première moitié du XVe siècle. Étant donné leur rôle de transporteurs entre la Méditerranée et l’Atlantique et le trafic commercial de leur port, il ne fait pas de doute que les Bilbanais ont participé activement à la diffusion de la pratique de l’assurance.
134En agissant pour leur propre compte ou en qualité de courtiers, quand ce n’est pas les deux à la fois, certains de ces hommes d’affaires, « suppôts » de la nation de Biscaye à Bruges, naturalisés nantais ou résidents de Séville, dirigent des cabinets d’assurances établis à l’étranger. Ils échangent avec les négociants installés à Bilbao des services mutuels par le biais de procurations et de commissions. Presque à chaque fois qu’un bateau se dirige vers Bilbao ou quitte ce port, a fortiori si le chargement appartient à un Bilbanais, un de ces hommes est mis à contribution. Ces affaires d’assurances, par les connexions qu’elles suscitent, démontrent de façon patente la solidarité entre les ressortissants biscayens et leurs homologues établis à Bilbao.
135D’ailleurs, la présence de ces colonies dans les grands centres économiques internationaux étend la gamme et l’importance des risques qui peuvent être courus. Cet élément essentiel prouve que nos marchands ne se contentent pas des possibilités offertes par l’économie de leur port d’origine, et que les assurances sont une des composantes de leur activité financière. En effet, l’existence d’un tel réseau ne peut pas être uniquement motivée par la volonté de se prémunir contre les risques de la mer, elle est également une grande entreprise spéculative.
À l’extérieur : quelques grands courtiers en assurances
136Des personnalités marchandes notoires centralisent le courtage en assurances à l’extérieur de Bilbao. Leur influence, leur crédit, la connaissance qu’ils ont des marchés financiers, leur fonction même, offrent autant de garanties dans des affaires souvent longues à régler et où les litiges abondent. Ils sont la clef de voûte, l’armature du système.
Sancho de Agurto, consul de Burgos
137Né à Bilbao, Sancho de Agurto est résident de Bruges dans les années 1540292 et s’installe plus tard à Burgos293, place à partir de laquelle il gère ses affaires, associé à son frère Pedro, installé dans le port du Nervión. Sa renommée et sa fortune lui permettent de diriger le consulat de Burgos en 1567-1568, et de nouveau en 1572-1573294. Son activité en tant que courtier en assurances est impressionnante. De 1568 à 1571, elle porte sur plus de 115000 ducats295. En 1572, il s’agit encore d’au moins 30000 ducats296. Très souvent, ces opérations de courtage portent sur des bateaux au départ ou à l’arrivée de Bilbao et, maintes fois, sur des produits qui appartiennent à ses marchands. Les membres de la famille sont particulièrement concernés. Un Jacome de Agurto, résidant en Galice, fait appel à Sancho pour assurer 600 ducats de cuivre ouvré et brut sur le trajet Bilbao-Aveiro. Ne doutons pas qu’il s’agisse ici d’affaires familiales. D’autant que Pedro de Agurto recourt aussi à son frère et associé Sancho pour faire effectuer l’assurance de laine qui fait le voyage de Bilbao aux Pays-Bas. Martín de Larrea, autre grand marchand bilbanais, seul ou avec Pedro de Agurto, a également recours aux services de Sancho. Un certain Martín de Agurto, autre membre de la famille, demande à Sancho qu’il fasse assurer 4000 ducats de Bilbao à Cadix. De la même manière, d’autres Bilbanais assurent marchandises et bateaux par l’intermédiaire de Sancho : Juan de Gorocibay, Francisco de Larrauri, Antonio de Bertendona, Juan de Landecho, etc. En réalité, Sancho est le lien indispensable entre Burgos et Bilbao en matière d’assurances. Il met en rapport des marchands de ce port mais aussi ceux de Burgos, Torrecilla en Cameros, Santo Domingo de la Calzada, Pontevedra, Tolède, Vitoria, Pedroso, Miranda de Ebro, avec les financiers de Burgos qui « misent » sur les frets d’aller et de retour. Trois autres grandes figures du commerce burgalais, d’origine biscayenne, Andrés de Larrea, Sebastián de Larrauri297 et Melchor de Mújica jouent le même rôle en ce qui concerne les commerces européen et américain des Bilbanais établis dans leur port d’origine et à Séville298.
138L’analyse des assurances signées à Burgos attire notre attention sur un fait : peu de Basques non-Bilbanais font confiance en matière d’assurances aux Bilbanais installés à Burgos dont nous venons de parler. Cela est d’autant plus étonnant que l’on connaît par ailleurs le haut degré de solidarité qui existe entre les membres de la communauté. Il n’y là aucun paradoxe. Les affaires d’assurances réclament la plus grande confiance. En cas d’échouage ou de capture du navire et de ses marchandises, tout dépend de la capacité de l’assureur à rembourser ce qu’il doit. Pour cette raison, le courtier en assurances doit être une personne de confiance absolue, non seulement parce qu’il doit être en mesure de trouver des assureurs honnêtes et solvables, mais aussi car il doit pouvoir démêler les problèmes qui résultent souvent de la souscription d’assurances. Grâce à leur connaissance du milieu burgalais et à leur crédit, ces personnages d’origine bilbanaise à la tête du consulat de Burgos diminuent notablement les risques encourus par les assurés face aux mauvais payeurs, et le cas échéant facilitent les poursuites judiciaires. La plupart du temps, au moins dans le cas bilbanais, l’assuré a des liens sociaux forts avec son courtier. Il s’agit souvent d’un parent, d’un associé, de son patron ou d’un de ses clients.
Diego de Echávarri, consul de Biscaye à Bruges
139Diego, qui n’est plus à présenter, se trouve également impliqué dans diverses transactions liées aux assurances. En 1559, il doit payer 287 livres 13 sous 4 deniers, en vertu d’une assurance contractée sur le chargement d’un galion accomplissant son voyage des Pays-Bas en Espagne299. Pendant l’automne 1565, le risque couru par notre marchand sur un chargement de laine, se monte à 1650 ducats300. Ces deux premières opérations mettent en valeur d’importantes prises de risques, lorsque l’on connaît la parcimonie avec laquelle les marchands de cette époque ont coutume d’opérer en matière d’assurances. Si Diego s’occupe des modalités de ces contrats, lesquelles se résument pour l’essentiel à sa signature, à l’encaissement de la prime, et aux débours survenant lors du naufrage ou de la prise d’un navire, il ne finance certainement qu’une partie de ces opérations, le reste se divisant entre les ressortissants de la nation espagnole ou biscayenne établis aux Pays-Bas et les marchands de la péninsule.
140L’exemple qui suit nous livre les démêlés opposant assuré et courtier. Dans une missive expédiée à Simón Ruiz, l’on apprend que Diego a souscrit pour le compte du Castillan une assurance à 6 % sur 9 fardeaux de « hollandes » voyageant de Nantes en Biscaye301. Six mois plus tard, à Simón Ruiz qui trouve ce taux tout à fait prohibitif, Diego répond qu’il est préférable de signer une police d’assurances à Anvers, même plus chère, car le remboursement y est meilleur qu’en tout autre lieu302. On sait par ailleurs qu’il a couru une part des risques303 à son compte. Quelques années plus tard, en 1579, une lettre de procuration est donnée par Martín de Larrea, habitant de Bilbao, à Diego pour que ce dernier récupère des héritiers des Maluenda, Isabel de la Torre, Luis de Salamanca et Jerónimo de Salamanca Santa Cruz, tous de Burgos, 328 livres, 6 sous et 8 deniers correspondant à l’assurance de 57 sacs de laine chargés par Martín et assurés par Diego304. Bien que nous ne sachions pas ce qu’il advient du remboursement, il ne semble pas possible que Martín y perde son argent, Diego de Echávarri étant facteur des Salamanca à Anvers. Quoi qu’il en soit, notre marchand semble, à l’instar de Sancho de Agurto, centraliser une part importante du courtage des assurances souscrites aux Pays-Bas pour les navires qui font le trajet jusqu’en Biscaye ou en sens inverse.
141Les deux hommes dont nous venons de présenter l’activité travaillent ensemble. Lorsque Diego de Echávarri envoie 3000 ducats de marchandises d’Anvers à Séville, Sancho de Agurto se charge de l’assurance305. Ce qui corrobore l’hypothèse selon laquelle, la majeure partie du temps, les marchands de Bilbao remettent entre les mains d’autres Bilbanais établis à Burgos, Bruges, ou à Bilbao comme nous le verrons, la difficile tâche de trouver des assureurs avec de bonnes garanties.
142Il apparaît qu’une poignée d’hommes connectent le marché de la navigation à celui de la finance maritime et jouent un rôle clef dans la structure et le fonctionnement des assurances. Par ailleurs, la confiance des assurés bilbanais semble s’adresser presque exclusivement aux financiers natifs de la ville du Nervión opérant à Burgos, à Anvers ou ailleurs. En revanche, les autres Basques, qu’ils soient d’Elorrio, Azpeitia ou de Vitoria confient peu le courtage en assurances à leurs voisins bilbanais. Tout se passe comme si une extrême cohésion existait au sein de la communauté bilbanaise entre expatriés et sédentaires, les relations avec les Castillans étant assurées à travers les grandes figures de la finance et du commerce bilbanais établis à l’extérieur du port. Ainsi, tandis que nombre d’assurés bilbanais traitent avec les Larrea, la logique des liens de dépendance et de pouvoir oblige ces derniers à s’en remettre aux Quintanadueñas de Burgos, plutôt qu’à un Bilbanais306. Cependant, de nombreux Castillans utilisent aussi les services des Bilbanais pour réaliser l’assurance de leurs marchandises. Ces derniers autorisent donc que l’on recoure à leurs services, mais lorsqu’il s’agit pour eux de faire assurer leurs marchandises, ils s’adressent majoritairement à d’autres Bilbanais. Les deux cas de figure traduisent une même volonté : le contrôle de la commission liée au travail d’intermédiaire, c’est-à-dire des rentrées régulières d’argent sans prise de risques. Par ailleurs, nous savons que les Basques ont ouvert des « cabinets d’assurances » à Séville307, Medina308, et peut-être à Rouen309. Tout comme celles de Burgos et d’Anvers, ces entreprises jouent sans aucun doute un rôle dans le courtage.
Les assureurs bilbanais
143Hormis ces courtiers, dont nous avons dit qu’ils agissaient également pour leur propre compte, un grand nombre de marchands de Bilbao a pu être repéré dans ce secteur d’activité. Nous allons mettre en valeur les caractéristiques des assurances qu’ils effectuent. Leur activité ne se borne pas à l’espace européen et s’étend au trafic avec l’Amérique. En 1554, 1000 ducats de cueros y azucares y cañafístola et autres marchandises chargées sur la nave San Lucas, qui fait voile de l’île de Santo Domingo de Indias à Séville, ont été assurées conjointement par Juan de Arbolancha, Martín de Regoitia, Juan Mixao et d’autres marchands de Bilbao310.
144Ces assurances ne se limitent pas au commerce colonial, nos marchands courent aussi des risques sur les navires partant pour les pêcheries lointaines. En 1588, plusieurs négociants du port du Nervión, 12 au total, signent une police de 450 ducats sur une nave française qui fait le voyage jusqu’à Terre-Neuve311. Ces financements réalisés par des marchands de la côte ne doivent en aucun cas nous apparaître comme un fait exceptionnel, au moins pour les campagnes de pêche, beaucoup de bateaux étant assurés simultanément par des négociants de Burgos et des ports basques, surtout de Bilbao et de Saint-Sébastien312.
145Quant aux risques courus sur des trajets intra-européens, la variété prévaut. Nos marchands réalisent des assurances sur des bateaux au départ de Bilbao, bien entendu, mais aussi de Castro Urdiales313, de Santander314, de Pontevedra315, des Pays-Bas ou de Nantes316. Les destinations offrent également un large éventail : l’Atlantique et la Mer du Nord avec les Pays-Bas317 et l’Irlande318, la côte cantabre319, les ports portugais320 et Séville321, les risques courant sur les chargements de laine ou de fer. La Méditerranée n’est pas hors-jeu, une cargaison par exemple étant destinée à Livourne322 et une autre à Denia ou Jávea323.
146Si la majeure partie des financiers agissant sur cette place est originaire de la ville, les Castillans et les étrangers qui y résident n’en sont pas exclus. Ainsi, voit-on Roger Jefferson, Anglais installé à Bilbao, prendre des risques sur des marchandises chargées à bord de la zabre Nuestra Señora de Guadalupe dans son voyage jusqu’à Cariño ou Cedeira (Galice)324. Ce n’est pas un cas isolé puisqu’en 1587, Miguel de Toledo, résident de Bilbao, ainsi que certains marchands nantais, sont obligés en tant qu’assureurs de payer les avaries subies par une nave échouée dans la ría de Santander. Les Flamands n’échappent pas à la règle. Que les primes soient attirantes et l’appât du gain a raison de leur prudence. En 1594, ils sont seulement quatre325 pour assurer 1450 ducats, mais le jeu en vaut la chandelle, la prime pour le trajet Bilbao-Séville s’élevant à 14 %. À lui seul, Cristián Antonio assure 725 ducats326. Il ne faudrait pas trop vite imaginer les Bilbanais comme des exceptions, et prendre Bilbao pour l’unique port de la façade basco-cantabrique où se souscrivent des assurances, bien qu’il soit, à notre avis, celui où il s’en effectue le plus. Nous avons l’exemple d’un fret de 500 ducats assuré entièrement par 12 marchands de Laredo sur le trajet Laredo-Lisbonne327. Les Guipuzcoans font de même. En 1587, des marchands de Saint-Sébastien assurent 150 ducats à Joanes de Farguearz, habitant d’Hendaye, sur l’armement d’un navire en partance pour Terre-Neuve328. Qui mieux que ces hommes connaît les armateurs, les maîtres de navire et l’état des bateaux ?
147Outre les coques de navires et les marchandises, nos marchands s’adonnent également à l’assurance du numéraire qui s’exporte par Bilbao. En 1569, Bartolomé del Barco avise Simón Ruiz du fait que l’on peut y assurer 600 ou 700 ducats par nave avec autant de garanties qu’à Burgos329. Moins de deux mois plus tard, il est question de réaliser la même opération dans notre port, pour 500 à 600 ducats par navire330.
148En somme, la grande diversité des voyages et des produits assurés montre avec quelle attention les marchands de la ville du Nervión s’investissent dans ce type d’activité. Derrière la variété apparente des chargements, le fer, grâce aux divers courants d’exportation qu’il implique, sans qu’il y ait toutefois une véritable spécialisation, paraît davantage attirer nos financiers331. Si l’on rapproche cette remarque du fait que dans les polices d’assurances réalisées à Burgos qui concernent le fer, Bilbao apparaît relativement peu comme port exportateur, nous pouvons suggérer que les négociants du port du Nervión s’occupent eux-mêmes d’assurer les chargements de la matière première.
149Parfois, les marchands de Bilbao font appel à des courtiers étrangers à la ville. En 1560, Juan de Regoitia, habitant de Bilbao, demande à Pedro de Isunza332, domicilié dans le port de l’Escaut et originaire de Vitoria, qu’il effectue à sa place des prises de risques à raison de 30 livres de gros par bateau333. Martín de Bertendona, habitant de Bilbao, fait aussi signer des polices d’assurances pour son compte par la compagnie du « sauf-conduit » de Nantes334. Ce qui montre que nos financiers utilisent les possibilités des grands centres de commerce européen.
150Ainsi, Bilbao a créé à la périphérie de son « ennemi complémentaire », Burgos, une véritable bourse d’assurances avec des connexions et des ramifications dans les plus grands centres commerciaux européens. Il ne s’agit pas d’un marché régional335, mais bien d’un marché international. Ce qui ne veut pas dire que le port du Nervión ait surpassé le nombre des assurances recensées dans la cité de l’Arlanzón. Cependant, il importe de souligner que Burgos et Bilbao sont pour l’extrême nord de l’Espagne du XVIe les deux places privilégiées pour la souscription de seguros.
4. Les paiements
151À Bilbao, le fer est considéré presque à l’égal du numéraire. Les transactions ayant lieu par simple trueque ne manquent donc pas. En principe, ces échanges portent sur de grandes quantités. Lorsque l’échange se conclut à Bilbao, il offre la possibilité de disposer sur-le-champ d’une marchandise étrangère déjà importée et prisée sur le marché local, sans avoir à faire face aux affres du transport et à l’insécurité des mers. À la fin de l’hiver de 1594, Aparicio de Hormaeche effectue avec des Irlandais, par l’intermédiaire de Domingo de Santa Gadea, un troc de fer contre poisson. Le montant mis en jeu est évalué à 9387 réaux336. De même, l’Angleterre doit se procurer le fer de Biscaye. Le subtil dosage d’un chargement composé de 40 tonneaux de fer ouvré (2/3 vergajón et 1/3 platina) et de 16 tonneaux de graisse sayn de baleines, destiné à un marchand de Liverpool, nous révèle les termes du contrat entre les deux parties. San Juan de Fano, marchand de Bilbao et propriétaire de la cargaison, accomplit cette expédition « a trueque y cambio de pieças de frisas de Ynglaterra »337. Si dans ces échanges le fer se taille la part du lion, il n’est pas seul. Plus d’une fois, les habitants de l’intérieur troqueront avec les marchands de Bilbao leur laine contre du pastel ou des fardeaux de tissus338. En s’éloignant de la ría du Nervión, bien que la nature des marchandises change, la méthode reste la même. Un maître de navire du Conquet paie 240000 oranges (évaluées à 4 réaux chaque millier) en fanègues de sel qui valent 6 réaux chacune et qu’il promet de livrer à un habitant de Colindres339.
152Ces échanges comportent de nombreux avantages et sont une aubaine en cas de pénurie d’argent comptant. Tout d’abord, le troc réduit au minimum le problème de la solvabilité du client et, avantage encore plus appréciable, évite les délais de paiement. Ce truisme a son importance à une époque où les mauvais payeurs ne sont pas rares et où ces délais tendent à s’allonger. Souvent, pour les principales villes de Castille, Bartolomé del Barco demande à Simón Ruiz de lui envoyer une liste de marchands qui offrent de sérieuses garanties. En raison de la densité du trafic drainé par Bilbao, les marchands du port se trouvent en position de force lorsque le troc devient nécessaire.
153La lettre de change340, pour sa part, est utilisée à la fois comme procédé pour le transfert de fonds d’un pays à l’autre, plus rarement à l’intérieur d’une même contrée, et comme instrument de crédit. On distingue généralement deux types de change. Comme il l’indique, le change « forcé » est obligatoire soit pour le donneur, soit pour le preneur. Le donneur peut être obligé d’effectuer une remise sur une autre place pour solder un achat de marchandises ou pour assurer le paiement d’un prêt à l’État. Le preneur peut être « forcé » de tirer une lettre pour une raison analogue.
154Au XVIe siècle, quatre grandes places financières commandent les règlements de comptes des hommes d’affaires d’Europe occidentale : les foires de Lyon, celles de Castille, les quatre foires d’Anvers et, à partir de 1534, celles de Besançon341. Ces diverses foires ayant lieu à date fixe, du moins en principe, il s’établit entre elles un système de correspondance342.
Les hommes d’affaires de Bilbao
155Les marchands de Bilbao, rompus aux techniques financières de l’époque, ne manquent pas ces rendez-vous où se règlent les échanges internationaux, où l’argent qui sert le commerce met en contact prêteurs et emprunteurs. Dans les années 1530, Diego Pérez de Fuica donne en change réel343 à Bilbao (pour Lyon) à Yvon Rocaz, habitant de Nantes, la valeur de 670 couronnes344. En contrepartie, le Nantais livre deux obligations à payer à Juan de Loxeri, résidant à Nantes, certainement en relation d’affaires avec Diego Pérez. Ce change par lettres permet de contourner les interdictions de sorties de numéraire ordonnées par le souverain. De même, il évite le transport onéreux et risqué de masses monétaires.
156Bien qu’en l’occurrence le transfert de fonds s’organise de Bilbao, il arrive souvent à nos marchands d’aller sacar y tomar a cambio, c’est-à-dire emprunter de l’argent345, aux foires de Medina de Rioseco, de Villalón ou de Medina del Campo pour Anvers, Lyon, Séville, Valence ou même Bilbao346. Le va-et-vient de ces lettres de change d’une place à l’autre met en contact les hommes d’affaires de Bilbao avec leurs homologues européens, à commencer par les plus grands financiers du siècle : les Génois. En 1540, Sancho de Isasi charge Francisco de Alza de « cobrar de Gabriel Calbojo et Carlo Lercano genobeses » 1500 écus en vertu d’une lettre de change donnée à Gênes par Filipo Pinelo Adorno347, à payer à la foire d’octobre348. Ces paiements représentent sans doute le retour en argent des ventes de fer effectuées par les Bilbanais en Italie. Avec la détérioration progressive du système des foires349 les lettres de change qui concernent les marchands du Nervión se payent de plus en plus à Burgos350, à Madrid351 ou à Bilbao352 même, leur diffusion émanant de marchands installés aux Pays-Bas, dans le royaume de France, ou encore au Portugal. En sens inverse, des lettres sont par exemple tirées depuis Bilbao ou Medina del Campo sur Anvers353.
157En réalité, ces instruments de crédit354 sillonnent l’Europe en tous sens, et la géographie de leurs lieux d’émission et de réception se modifie souvent en rapport avec les variations que subit le commerce des marchandises et le change. Ne nous arrêtons pas davantage sur le cas où seuls nos marchands sont mis en cause car ils n’ont pas entre leurs mains, tant s’en faut, le contrôle absolu du commerce passant par Bilbao. Ce système propre à leurs activités commerciales se double de circuits supplémentaires pour lesquels ils mettent volontiers leurs compétences au service des autres. Ils ne représentent alors qu’un maillon de la chaîne commerciale.
Au service des non-Bilbanais355
158Prenons le cas des Echávarri. Lorsqu’il reçoit les 58 1/2 fardeaux de cire, propriété de Martín Pérez de Varrón, Diego de Echávarri, comme plus tard Alejandro, son fils, divise cette énorme quantité356 entre un écoulement sur place, à Bilbao, et des envois au loin vers les différents lieux de consommation de la meseta castillane. Ainsi, il vend et donne à vendre. Le débit des marchandises et la rotation du capital s’en trouvent accélérés. Les points de redistribution essaiment donc à partir d’un correspondant principal, en l’occurrence Diego. Comment s’organise alors la récupération des fonds ? En 1593, pour recouvrer le fruit des ventes, les étapes sont les suivantes : dans le cas de Martín Pérez, Diego357 fait parvenir les fonds tirés de ses propres ventes, ainsi que les lettres des divers autres marchands chargés d’écouler la cire de l’importateur-exportateur, à Simón Ruiz. Deux millions de maravédis doivent être réunis. Si une lettre n’est pas honorée, Diego en paiera le montant pour ne pas différer le transfert postérieur de capitaux à Anvers ou aux foires de Besançon. Après une ramification des ventes élaborée à partir de Diego, les fonds qu’elles produisent convergent vers le grand homme d’affaires castillan, Simón Ruiz, avant de regagner Anvers pour être réinjectés dans l’achat d’autres marchandises. Le circuit est alors bouclé.
159Pour les firmes des juifs portugais de Lisbonne ou d’Anvers, comme les Da Veiga, les Rodrigues d’Evora ou les Ximenes, l’organisation employée se calque quasiment sur le modèle exposé précédemment, à quelques variantes près. De nouveau, Juan de Jugo, Diego de Vitoria, Alejandro de Echávarri, Pedro de Nobia, viennent en aide aux marchands du Nord en « rabattant » leurs capitaux vers les centres financiers castillans358. Par la suite, le produit de ces ventes est souvent viré à Lisbonne359. Les paiements du 11 mai 1599 sont très clairs à ce sujet : « Aujourd’hui, j’écris [il s’agit d’Alejandro de Echávarri] à Cosme Ruiz pour qu’il remette 1000 ducats à Manuel Da Veiga en plus des 1000 autres ducats que je lui ai déjà envoyés ». Remarquons que ces virements peuvent directement être opérés depuis Bilbao sans passer par l’intermédiaire castillan. Selon un itinéraire identique, certains fonds produits par les ventes de marchandises expédiées d’Anvers par Pedro da Veiga parviennent à Manuel da Veiga de Lisbonne, par l’intermédiaire d’Alejandro de Echávarri et de Cosme Ruiz. De même, Lope Rodrigues d’Evora reçoit des traites de Bilbao ou de Madrid, en raison des produits envoyés d’Anvers par Nicolas Rodrigues d’Evora360. Ce ne sont là que quelques exemples qui tentent d’expliquer un système. Tout marchand d’envergure qui commande ses ventes dans le port de Biscaye, depuis l’étranger, recourt aux mêmes procédés.
160Prenons un cas concernant l’Angleterre. En 1544, Jean Vernier, Français résidant à Bilbao, ainsi que des négociants de Burgos, sont chargés de percevoir deux traites (2550 ducats) pour le compte de Jean Boisson, marchand toulousain. Ces lettres sont tirées par un marchand de Londres sur son compatriote Roger Jefferson, établi à Bilbao361. Le fait pour un débiteur londonien de faire payer Boisson en Espagne, illustre bien les rapports de Bilbao avec les marchés du Nord, d’autant plus que les Boisson généralisent le procédé : en 1545, Étienne Férault reçoit la mission permanente de recouvrer en Biscaye, et dans les autres provinces d’Espagne s’il y a lieu, les sommes remises pour Boisson d’Angleterre et spécialement de Londres362.
161Si le change que nous venons de voir est obligatoire pour l’une des parties, les changes par arbitrage, pour leur part, sont facultatifs. Ils n’obéissent qu’à un mobile : l’appât du gain. Bartolomé del Barco et Pedro de Nobia confient cette tâche à Simón Ruiz. À cet égard, le huésped profite grandement du réseau d’informations de son patron et peut faire de bonnes affaires sans trop de prise de risques. Cette opération de change par arbitrage entre deux places comprend traditionnellement deux lettres de change, l’une pour l’aller et l’autre pour le retour. Par la première, le banquier entre en possession d’un avoir à l’étranger. Par la seconde, il fait rentrer son argent, soit en tirant une traite sur une place où il avait de l’avoir, soit en donnant ordre à son correspondant d’envoyer une remise. Nos marchands gagnent, en théorie, sur la différence entre le cours des deux places.
162Ainsi, ont été remis pour la foire d’août à Lyon, 950 écus à 413 maravédis et 951 à 415 maravédis par Francisco de Bobadilla, agent de Simón Ruiz à Madrid, pour le compte de Bartolomé del Barco, ce dernier interrogeant Cosme Ruiz et Lope de Arciniega pour savoir où en est le change à Lyon. Pedro de Nobia, pour sa part, demande à Simón Ruiz de récupérer de l’argent et de l’envoyer à Lyon pour les changes. Il est question de 836158 maravédis. Juan de Bustinza, autre marchand bilbanais d’envergure, a reçu une lettre de 1500 écus de Lyon au prix de 421 maravédis. Vu que le change a monté, il se tient prêt à changer davantage. La majoration de 7 pour mille correspond à la prime versée pour les lettres venues de Lyon payables en banque, c’est-à-dire sans intervention de numéraire, par simple jeu d’écritures. Sur ce type d’opérations, on gagne parfois 20 ou 30 %, mais les retours comme les gains ne sont pas automatiques363. L’on ne sait si les marchands de Bilbao payent une commission pour ces services financiers rendus par Simón Ruiz. Ce n’est pas sûr, au moins pour Bartolomé del Barco, mais il faudrait pouvoir s’en assurer. Cela pourrait faire partie des actes gracieux dont le patron fait bénéficier son intermédiaire principal. Il n’y aurait à cela rien d’extraordinaire, le Castillan aidant financièrement son intermédiaire à reconstruire ses maisons et entrepôts à l’occasion de dégâts survenus dans la ville lors d’inondations ou d’incendies.
163Ces activités aident les Bilbanais à se familiariser avec le commerce de l’argent. Toutefois, ils ne font pas que participer ponctuellement aux affaires de change et aux règlements des achats de marchandises et fondent des organismes bancaires dès la fin du XVe siècle364. Du XVe au XVIIe siècle, les opérations bancaires internationales sont indissociables des foires commerciales. Les règlements des transactions réalisées entre partenaires de pays différents s’effectuent durant les derniers jours des foires. C’est aussi durant cette période qu’ont lieu les paiements relatifs à des opérations à crédit conclues lors de foires précédentes. Mais, même lorsqu’une transaction internationale à crédit se conclut en dehors des foires, l’échéance du règlement est fixée à l’une d’elles. Il en va de même pour le paiement des lettres de change. Dès la fin du XVe siècle, de nouvelles banques privées de dépôt et de virement apparaissent, notamment à Burgos, à Aranda de Duero, à Valladolid, à Ségovie, à Madrid, à Tolède, à Cordoue, à Baeza et à Séville.
164Durant la première moitié du XVIe siècle, le développement de ces établissements s’accélère et les changeurs-banquiers intègrent leur entreprise dans le réseau des foires de Castille, alors en plein essor. Ces foires, ainsi que celles d’Anvers, de Bergen-op-Zoom, de Lyon et de Francfort-sur-le-Main, deviennent les points de convergence du commerce mondial et de la finance internationale. Les foires de Castille auxquelles l’activité des banques est liée connaissent donc leur apogée au cours de cette période et sont intégrées au réseau des foires commerciales et financières européennes. Les banquiers qui les animent ne sont pas de simples changeurs, mais plutôt des financiers internationaux.
165Au XVIe siècle, l’activité bancaire des Basques va plus particulièrement s’intensifier en Andalousie. Deux des plus grandes banques de la Séville du Siècle d’Or sont dirigées par un Biscayen, Pedro de Morga, et un Guipuzcoan, en la personne de Domingo de Lizarrazas. L’influence des Basques dans la banque en Espagne ne se réduit pas à quelques exemples isolés. En effet, un décret gouvernemental de 1560 transforme la Casa de Contratación en une banque publique de dépôt et virement365. Le gouvernement espère ainsi attirer des dépôts du secteur privé pour les affecter au financement du négoce avec les colonies et au renforcement des réserves de la banque366. Lorsqu’on connaît l’importance des Basques dans le financement de la Carrera de Indias, il est aisé de s’imaginer leur degré d’implication dans cette initiative. Le gouvernement n’atteint pourtant pas son objectif.
166Pedro de Morga est si connu à Séville que la rue où il vit est officiellement appelée par son nom et sa demeure considérée comme étant une des plus belles de la cité du Guadalquivir. Au milieu du XVIe siècle, il crée une banque à Séville à laquelle sont associés des Génois367. Après avoir dissous sa première compagnie bancaire en 1557, il en fonde une nouvelle associé à Jimeno de Bertendona368, de Bilbao. Les deux compères dirigent de concert avec Juan de Arregui, un autre compatriote, d’importantes affaires au premier rang desquelles figure la traite. Il s’agit de 324 esclaves en 1564, de 134 en 1565, dont la plupart sont expédiés pour le seul compte de Jimeno, et encore de 100 en 1567369. De plus, Juan de Arregui et Jimeno de Bertendona sont en affaires avec Pedro de Arriarán ; tous participent aux activités bancaires370. Par la solvabilité qu’ils mettent à disposition de ces financiers, on comprend aisément que les capitaux de la banque permettent à d’importantes affaires de se développer. Par ailleurs, il est plausible que d’autres marchands basques aient trouvé là un moyen de se procurer de l’argent frais pour leurs opérations ou d’en laisser en dépôt. Le sentiment d’appartenir à une même communauté aidant, les capitaux de la banque alimentent sans doute, par un effet de cercles concentriques, les activités du réseau bilbanais qui travaille avec l’Amérique. La direction de ces organismes attirent l’attention sur la capacité de mobilisation de capitaux dont font preuve les Bilbanais, et les Basques en général. Par ailleurs, la banque est un autre moyen d’entrer au service à l’État. À long terme, cette relation se solde par la faillite du banquier en 1576, en raison de la deuxième banqueroute royale371. Il serait toutefois intéressant de connaître les circonstances exactes de cette faillite ; la famille en sort-elle totalement ruinée ?
167Domingo de Lizarrazas fonde une très grande banque sévillane qui a dans les années 1540 de bonnes garanties, jusqu’à concurrence de 200000 ducats372. Lorsqu’en 1553 la banque fait faillite, plus de 50 millions de maravédis s’y trouvent qui appartiennent au trésor royal373. C’est dire la notoriété à laquelle Domingo est parvenu. Participent à la banque de Lizarrazas plusieurs autres marchands, bilbanais ou basques : Antonio de Vergara, Francisco de Bilbao, Jacome de Zaldíbar et un certain Salcedo374. Dans les années 1570, un autre grand banquier basque, Juan de Iñíguez, exerce à Séville. Par ailleurs, en 1576, la plus ancienne banque de cette ville, celle des Espinosa, fait faillite. Parmi les hommes d’affaires responsables de sa gestion apparaît un certain Domingo de Zornoza375, dont des membres de la famille sont établis à la fois à Bilbao et à Séville.
168Au XVIe siècle, les acheteurs d’argent sont inséparables des banquiers qui en assurent la circulation. Au siècle suivant, ils représentent un groupe réduit, mais d’un grand pouvoir économique376. Ils achètent l’argent des particuliers, l’affinent et le transforment dans la Casa de la Moneda en monnaie légale377. Ce négoce très risqué peut aussi bien produire d’énormes richesses que mener à la ruine. À Séville, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, le nombre de ces compradores de plata y oro est limité à quatre (les Arriola, Pedro Aramburu, Juan Cruz Gainza, Lorenzo Ibarburu y Galdona), uniquement des Basques378.
169L’utilisation précoce et habile des outils de l’échange fait apparaître Bilbao comme un centre financier international et les Bilbanais comme d’authentiques financiers et banquiers. Cela met en valeur un certain degré d’autonomie de leur commerce et de leur place vis-à-vis des pôles castillans dont on a souvent exagéré la tutelle379. En effet, le marché des assurances contrôlé par les Bilbanais ainsi que les innombrables avances d’argent de tout type, concédées par eux dans le domaine financier et bancaire à Séville, Anvers, dans les ports cantabres ou à Bilbao, caractérisent la présence d’un groupe d’hommes d’affaires basques de grande envergure, qui comptent parmi les plus actifs de leur époque dans les royaumes d’Espagne. Leur expérience maritime, commerciale et guerrière en Méditerranée, et aussi dans l’Atlantique, leur a permis de posséder une certaine avance pratique dans la maîtrise des outils de l’échange. La concentration des « mises-hors » sur des bateaux français à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe, sur des embarcations cantabres en partance pour les Indes consacre ce rôle moteur. Nos hommes d’affaires cherchent de nouveaux espaces, de nouvelles activités pour faire « travailler » leur argent. De fait, à cette époque, les guerres concomitantes contre l’Angleterre, les Provinces-Unies et la France380 laissent prévoir un avenir compromis pour le commerce hispano-européen passant par Bilbao, et accroissent l’attention portée par les Bilbanais aux échanges intra-péninsulaires et aux activités financières que nous venons de décrire. Investir de cette façon, ce n’est pas seulement s’assurer des bénéfices, c’est également tester de nouveaux circuits et donc s’informer sur de nouvelles possibilités d’investissement marchand.
III. Logiques commerciales de la communauté bilbanaise
170Après avoir vu comment les individus et les familles de marchands bilbanaises bâtissent leur succès dans leurs relations sociales avec les castillans et grâce à l’utilisation de techniques et des formes d’échanges adaptées à la conjoncture, nous voudrions changer d’échelle pour comprendre la façon dont la communauté bilbanaise, et au-delà basque, organise son commerce tout en gardant en ligne de mire ses relations avec les Castillans. En effet, cette communauté marchande basque manifeste une volonté de diminuer l’imprévu, d’augmenter les chances de réussite grâce au calcul et de réaliser des économies d’échelle. À Bilbao comme à l’étranger, les groupes de Basques s’agrègent en colonies, puis fondent des consulats pour optimiser les échanges, régler les différents entre marchands, percevoir des droits sur le trafic commercial, etc. Ainsi, les marchands débutants peuvent accéder à un large éventail d’affaires381.
1. Les « colporteurs de la mer » et les institutions maritimo-mercantiles (XIVe-XVIIe siècles)
171Jusqu’à nos jours, l’image que nous avons de l’activité des Basques en Méditerranée est résolument attachée au transport maritime382. Pourtant, à y regarder de près, leur préoccupation en Mer intérieure n’est pas seulement celle de marins expérimentés383. Tout d’abord, l’importance de leur présence se mesure par les différents consulats de Biscayens et Guipuzcoans, ou de tous les Espagnols, que président les Basques. Cela démontre l’existence d’une population sédentaire basque sur le pourtour européen de la Mer Intérieure qui agit en cheville avec les transporteurs-négociants itinérants, avec les chargeurs et marchands installés dans la patrie d’origine, dans le Golfe de Biscaye, et avec les groupes basques installés un peu partout dans l’Atlantique.
172Un consulat des Biscayens et Guipuzcoans est en place à Valence en 1504. Sa création a des fins clairement commerciales. Le consul est chargé de taxer de 20 sous chaque centaine de tonneaux de charge et d’un denier chaque livre de marchandises qui appartient à des Biscayens ou à des Guipuzcoans384. Dans la ville, des hôteliers basques reçoivent marins et marchands chez eux et servent au besoin d’intermédiaires entre leurs compatriotes et les marchands locaux. La présence de ces lieux de sociabilité où l’on se retrouve entre migrants de la même terre natale apporte une cohésion plus forte au groupe basque. À Syracuse, le consul est dit « des patrons et marchands et marins naturels de la province [Guipúzcoa] et comté [Biscaye] (comprenons seigneurie) et Encartaciones qui seraient en ladite ville en mer comme à terre ». José Angel García de Cortázar, pour sa part, fait référence à un consul basque dans le port de Majorque pendant la seconde moitié du XVe siècle385.
173Leur expérience de la mer et du commerce leur vaut d’occuper d’autres charges. Pour ne donner qu’un exemple, Juan Gómez, de Saint-Sébastien, est consul de tous les Espagnols à Gênes pendant onze années. Gênes, autant dire un des grands centres du commerce méditerranéen ! Cette institution, comme celles présentes à Valence et à Syracuse, protège et coordonne les va-et-vient des chargements de fer entre le Pays Basque et la Méditerranée dont tous les grands ports ou villes attestent la présence : Valence, Carthagène, Marseille, Gênes, Pise, Rome, Palerme, Ancône, etc. Les Basques s’accommodent de nombre de marchandises pour leur commerce : ils font feu de tout bois. Blé, tapis, esclaves, draps de soie, alun attirent ces voyageurs. Des agents sédentaires installés aux points névralgiques de l’économie méditerranéenne soutiennent les activités de ces « colporteurs de la mer ». Bien qu’il ne les considère pas comme des marchands à part entière, Jacques Heers écrit dans son article qu’ils vendent du fer de Biscaye et achètent des draps de soie et des esclaves. Dans les années 1460, une quinzaine d’entre eux, originaires de Bilbao et d’autres ports et villes basques, sont installés à Gênes386. Ils y manient la lettre de change et octroient des prêts à risque maritime à leurs compatriotes, parfois pour d’importantes sommes387. Ils financent également les voyages des Galiciens en Méditerranée388. À Florence, dans les années 1490-1500, des Basques tels que les Arbieto, les Amusco, ou les Orduña sont en affaires avec la grande firme Salviati389. Lorsque l’on regagne l’Espagne, les voilà qui pratiquent l’assurance et qui réalisent des prêts maritimes pour le compte de Valenciens390, ou font venir de Chio, pour leur propre compte, alun et tapis391. Des contacts s’établissent aussi entre les Bilbanais d’Anvers et ceux de Málaga392. En Méditerranée, au moins depuis le XVe siècle, leur activité déborde largement le cadre du transport : ils sont à la fois « colporteurs de la mer », financiers, transporteurs et pirates.
174Plus que les particularités de leur établissement dans telle ou telle contrée, la vision d’ensemble vaut. On les voit agir à la même période sur les berges de la Tamise393 ou à Bruges comme des marchands à part entière394. Un consulat de Biscayens est d’ailleurs érigé dans ce port dès la fin du XVe siècle. Le fer de Biscaye se vend alors dans l’Europe entière. En Méditerranée, à Barcelone et à Gênes comme à Valence, Carthagène et à Málaga, il est présent partout395. Dans les ports atlantiques, sa présence se ressent encore plus. Aux grands ports anglais et flamands déjà cités, il faut ajouter ceux de la Baltique vers lesquels les envois s’effectuent de Bruges et d’Anvers, lieux de résidence d’une colonie basque nombreuse396, et ceux plus proches des côtes de la Galice, du Portugal397 et de France. À la fin du XVe siècle, la proche Gascogne reçoit du fer de Biscaye398. La Bretagne, ainsi que la Normandie, accueillent également du fer basque dans leurs ports399.
175Au XVe siècle, le marin et le marchand basques, parfois une seule et même personne, sont déjà installés à l’intérieur des rouages de l’économie européenne. Ils négocient des lettres de change, consentent des assurances, des prêts maritimes et attendent les « commerçants de la mer » et les patrons basques dans les ports où ils relâchent. Ainsi, la communauté basque a des relais commerciaux à Valence, Carthagène, Málaga, Nice, Marseille, Gênes, Florence, dans les Pouilles, et à Syracuse pour ses activités de transport et de commerce400. Ce modèle se détériore lentement à partir de la fin de la première moitié du XVIe siècle.
176Vers 1560-70, le réseau basque méditerranéen semble s’affaiblir au profit du réseau atlantique. En effet, à partir de ces dates, les sources dépouillées à Bilbao sont presque muettes sur les horizons méditerranéens401. Pourtant, dans une liste des marchandises du port de Marseille qui date de 1554, tous les fers sont dits de Biscaye et de Collioure402. Peut-être y parviennent-ils par l’intermédiaire sévillan. Bien que parallèlement des liens commerciaux aient été tissés avec les grands ports atlantiques, la Méditerranée a contribué de façon majeure à la formation des Basques aux techniques du commerce. Cette familiarité précoce avec les instruments du grand négoce maritime explique jusqu’à un certain point que les Basques aient su en tirer le meilleur profit et en adapter le fonctionnement aux nouvelles données économiques.
177Pour agir dans des conditions d’efficacité maximale, les groupes de marchands basques dispersés à travers le monde créent, comme nous l’avons vu, des institutions maritimo-commerciales (consulat de Bilbao, consulat basque à Valence, à Syracuse, consulat de Biscaye à Bruges, confrérie de Nantes et de Bilbao, collège de pilotes biscayens à Cadix, congrégation basque à Séville, confrérie de Notre-Dame de Aránzazu à Mexico, etc.). Ces institutions portent en elles plusieurs avantages. Bien entendu, elles optimisent les activités commerciales et de transport et les protègent avec l’aide des membres du corps diplomatique établis à l’étranger403, mais elles associent aussi dans bon nombre de cas, affaires biscayennes et affaires guipuzcoanes, ce qui est d’une importance certaine pour le succès respectif des ressortissants des deux provinces.
178Tout d’abord, ces organismes négocient les privilèges de la « nation » avec les autorités du lieu d’installation. Des exemptions fiscales et une gestion politique et juridique autonome apparaissent comme autant d’éléments favorables au commerce404. Cela permet à l’individu de bénéficier des prérogatives de la colonie. De plus, grâce à une meilleure connaissance de l’état des marchés sur telle ou telle place, des cours des monnaies, de la durée des voyages, bref, grâce à un meilleur contrôle de l’information, ces organismes installés en dehors du Pays Basque permettent de réduire considérablement les risques liés à la contingence. Par ailleurs, ces institutions jouent souvent un rôle de créditeur. Tout marchand basque peut ainsi avoir accès à cette réserve de crédit qui « lubrifie » ses affaires. Les membres de ces colonies ont aussi l’habitude de se retrouver dans les tavernes et les chapelles d’un quartier qui leur est réservé et dans lequel ils parlent leur langue. Ces éléments renforcent la cohésion du groupe, sa solidarité, le rendent plus performant. Comme si cela était peu, le consulat de Bilbao joue le rôle de Correo Mayor et, comme tel, a le droit d’envoyer du courrier et sert de poste pour les membres du gremio et les maisons commerciales405. Ainsi il relie entre eux les différents groupements et associations de marins et de marchands. Il incombe également au consulat de Bilbao le financement de la réfection des infrastructures portuaires et routières.
179Comme nous l’avons précisé, ces organisations ont pour points d’ancrage géographique principaux le Pays Basque et l’Andalousie. Dans une large mesure, un des organismes unificateurs de ces institutions, au moins pour les Bilbanais, est le consulat de commerce de Bilbao. Les marchands basques ne sont pas les seuls Espagnols à bénéficier d’un système de « nations ». En parallèle, les Castillans ont développé des organisations similaires, parfois plus puissantes406. La présence des Castillans, surtout ceux de Burgos, et de leurs consulats dans les principaux centres du commerce européen, sont pain bénit pour les entrepreneurs basques dont le réseau d’affaires est ainsi consolidé. Comment ? L’appartenance simultanée de certains grands marchands bilbanais à la « nation » d’Espagne d’Anvers et au consulat de Biscaye à Bruges, tel que Diego de Echávarri, donne une idée précise du rôle d’intermédiaire qu’ils jouent entre les deux colonies résidantes à l’étranger. De même, les Bilbanais établis à Burgos, dont nous avons vu qu’ils en dirigeaient le consulat, établissent une passerelle commerciale pour leurs compatriotes restés à Bilbao vers les affaires castillanes, les assurances en particulier.
2. Basques et Castillans dans l’Atlantique européen et en Mer du Nord407
180Le statut des Basques dans le port français de Nantes n’est pas le même pour tous. Si certains sont de passage, le temps de décharger et de prendre de nouvelles cargaisons, d’autres s’immobilisent plus longtemps et se mettent en quête de lettres d’habilitation408, tels que Anthoyne Lasnier (Antonio Lanier) en 1551, Diego de Vitoria en 1552, Pierre de Villiers Real (Pedro de Villareal), Diego de Lezama en 1556 et Martín de Anuncibay en 1562, tous originaires de Bilbao. Andrés Ruiz, pour sa part, le frère de Simón, est habilité en 1546409. Ces lettres équivalent à des autorisations pour résider en Bretagne et y posséder des biens, meubles et immeubles. Leur existence dénote de la part de nos marchands une volonté d’assimilation que confirme par ailleurs la francisation de certains patronymes et les mariages entre immigrants et filles du pays d’adoption410. La possession d’une maison nous mène à la même conclusion411.
181Nombre d’entre eux poussent encore plus loin cette volonté d’installation et obtiennent des lettres de naturalité412. C’est le cas des marchands San Juan de Fano et Pedro de Amendux en 1572, Sancho de Bilbao la Vieja en 1578, Martín de Jauregui et San Juan de Jugo en 1581, et Hortuño del Barco et Martín de Baronde (Martín de Barraondo), en 1582. À Nantes, les Bilbanais savent se montrer obligeants : Jeanne Rocaz, femme d’Hortuño del Barco, l’un des plus riches marchands de Nantes, renonce aux intérêts de prêts consentis entre 1588 et 1603, pour un total de 700 écus413. Lorsqu’en 1575 Henri III réclame de la ville de Nantes un don de 12000 livres, nous retrouvons parmi ceux qui y contribuent, Pedro de Gatasta (Gatasca), Bastien de Larivaga (Sebastián de Larrinaga) et Martín de Gueldo, pour des montants respectifs de 20 livres, 20 livres et 1,5 livres, tandis que Andrés Ruiz est taxé pour 55 livres414. L’étroitesse de liens que nous avions notée en Espagne se retrouve à Nantes. Ainsi, après avoir été formés à leurs côtés, les Bilbanais agissent comme employés ou agents des firmes castillanes, parrainent ou font office de témoins lors des baptêmes et des mariages de marchands castillans415.
182Les activités de la communauté bilbanaise à Nantes sont clairement commerciales. Schématiquement, l’on pourrait établir que le groupe basque de Nantes agit à deux niveaux : d’une part, les opérateurs basques remplissent massivement le rôle de commissionnaires pour des marchands basques, espagnols, français, et d’autre part des affaires sont traitées pour leur propre compte. Ainsi, c’est par l’entremise d’un groupe d’intermédiaires bilbanais établis à Nantes que les marchandises vont de Lyon jusqu’à Burgos, Medina del Campo et Valladolid au milieu du XVIe siècle en passant par le port biscayen. Bartolomé de Catalinaga envoie les livres et le papier de Juan de Nebrèze à son fils Francisco de Nebrèze installé à Valladolid, et réceptionne les « angers » de Jean de Regaud, habitant de Thiers. Martín de Anuncibay reçoit les marchandises de Pierre et Joseph Ossandon, habitants de Thiers ; Juan de Arbolancha Aguirre celles de Claude Seneton, libraire à Lyon ; Martín de Álava, celles de ces « Messieurs de la compagnie des cartes », de Guillaume Roville, libraire à Lyon, de Jacobe de Giunta, et de Jacques de Melis, libraire à Medina del Campo ; Antonio de Bertendona, celles de Diego de Curiel ; Bartolomé del Barco celles de Jean Beraut, habitant de Thiers, etc.
183Ces commissionnaires établis en divers points cruciaux du commerce détournent une partie du trafic à leur profit. En effet, pour leur propre compte des négociants basques apparaissent en tant que chargeurs de marchandises venues de Thiers ou de Lyon et destinées à Bilbao416 : Antonio de Bertendona, Sancho de Gastañaga, la femme et les fils de Juan de Lezama417, etc. Dans un premier temps par la voie terrestre, puis par la Loire, arrivent dans la cité bretonne de grandes quantités de balles de papier, de livres, de cartes à jouer et de balles de merceries envoyées depuis Thiers et Lyon par Diego de Guinea, originaire de Bilbao. Celui-ci, vers le milieu du XVIe siècle, centralise un nombre important d’expéditions de marchandises. Il fait acheminer principalement des produits pour le compte de Juan de Amézaga, de Martín de Álava, et de la famille Lezama ou plus rarement le sien418. Si à partir de 1556, nous ne rencontrons plus Diego de Guinea ni à Lyon, ni à Thiers, Juan de Anuncibay, Sancho de Gastañaga et Diego de Lezama chargent toujours à Nantes pour Martín de Álava et Martín de Anuncibay. En 1558, les premiers font parvenir aux seconds 18 fardeaux de « bretagnes », 14 de « brins » et de « mélinges », 6 « nantaises blanches » et 3 sambrioques (toiles de Saint-Brieuc). Ces envois, qui continuent les années suivantes, se doublent d’autres expéditions qui de Rouen rejoignent Bilbao par l’intermédiaire nantais. La cité de la Loire redistribue des toiles de Rouen vers le port du Nervión. Depuis Quimper, Sancho de Gastañaga, Diego de Lezama et compagnie, établis à Nantes, reçoivent également pour leur propre compte des « garnesuis » qui poursuivent leur chemin vers l’Espagne.
184Mais les Bilbanais ne sont pas uniquement en relations avec les Castillans ou avec leurs compatriotes, ils traitent aussi directement des affaires avec des Nantais. Une lettre de paiement donnée par Bartolomé del Barco à Antonio de Jugo et Domingo de Lezama, de Bilbao, pour le compte de Guillaume Pollain et Marin Juber, de Nantes, créanciers de Diego de Lezama, résident nantais, soustend une affaire de plus de 5000 ducats419. Une carte d’affrètement de 1569 retrace l’acheminement d’un chargement en sens inverse, c’est-à-dire de Bilbao à Nantes420. À Bilbao, Martín de Abarrategui, Antonio de Jugo et Juan de Bustinza chargent du fer et de la laine à remettre respectivement à Nantes à Juan de Mendia, Diego de Lezama et Juan de Anuncibay. Au milieu du siècle, sur l’axe Lyon-Nantes-Bilbao-La Castille, l’importance numérique de nos hommes est telle qu’il est peu de marchandises sorties de France par le port de la Loire et entrées en Castille par celui de Bilbao, qu’ils en soient propriétaires ou non, qui ne passent par leurs mains421. Contrôlant les postes clés du transit de marchandises à Nantes et à Bilbao, un des points cruciaux des échanges entre la France et l’Espagne, les Bilbanais maîtrisent ainsi une partie de ce commerce, car au contraire des Castillans et des Français, les Bilbanais et leurs alliés ne font pas, ou exceptionnellement, appel à des commissionnaires pour l’acheminement des marchandises qui leur appartiennent en propre : ce sont leurs compatriotes de Bilbao ou d’autres Basques qui s’en chargent. Ainsi n’ont-ils rien à envier aux Castillans ou aux Nantais. Ils possèdent des moyens de transport, ont accès à l’information commerciale, et ne laissent pas échapper hors du groupe bilbanais les commissions liées à la circulation des marchandises.
185Bien qu’elle paraisse moins active, la colonie basque est bien ancrée dans le commerce normand. À Rouen, Sancho de Arbieto assure un rôle de chargeur de premier ordre422. En 1561, il fait partir à destination de Nantes 73 fardeaux de « rouens », dont 6 appartiennent à Juan de Regoitia marchand de Bilbao. L’année suivante, il expédie par la voie de Beaufort 28 fardeaux de « rouens » pour le compte de Cristóbal de Ávila et 241 pour celui de Jean le Lou et Yvon Rocaz, associés des Ruiz. À la même période, il représente d’ailleurs les intérêts des Ruiz à Rouen et réalise des envois de tissus à Séville, pour leur compte et aussi pour le sien423. Plus tard, au début du XVIIe siècle, Cosme Ruiz, héritier et neveu de Simón, travaille aussi avec deux Basques établis à Rouen : Juan Bautista Ugalde et Pierre Yriarte424.
186De façon globale, le testament de Pedro de Salazar nous renseigne sur les différents types d’activités des Basques à Rouen425. Les liens avec sa patrie d’origine (il est né à Portugalete, avant-port de Bilbao) se traduisent par deux faits. À Rouen, entre autres serviteurs, deux Basques composent son personnel, et en Biscaye, sa famille et un facteur le représentent pour ses affaires. L’étendue de ses relations d’affaires l’amène à commercer aussi bien à Rouen qu’à Cadix, Séville, Bilbao, Burgos ou Anvers. En association avec Juan de Gamarra, originaire de Vitoria, il importe de la laine à Rouen. Il exporte des toiles dont 6000 aunes ont été confiées aux blanchisseurs de Louviers, au moment où il rédige son testament. Pour répartir ses prises de risque, il commerce avec du sel, des olives, du vin. Tout comme ses compatriotes de Bilbao, il signe des prêts à la grosse aventure et même un contrat d’assurance avec un marchand du port de Biscaye. En 1544, en association avec d’autres marchands espagnols et basques, il envoie du poivre et du gingembre aux hommes d’affaires italiens de Lyon. On reconnaît chez ce marchand une préoccupation identique à celle des Bilbanais de Nantes : élargir ses connaissances sans se détacher de ses compatriotes. Pour ce qui est du commerce régulier de la laine, il est associé à un Alavais, et ils comptent pour le transit des marchandises avec des familiers ou des compatriotes à Bilbao.
187Certains membres de la communauté basque s’installent durablement en Normandie. Dans les années 1550-1560, des descendants des familles Mújica et Vitoria y sont naturalisés426. Ces familles s’assimilent au milieu rouennais et sont capables d’y jouer un rôle de premier plan et d’influencer la société d’accueil427. Parfois même, ces immigrés sont vivement attachés à leur patrie d’adoption. À leurs dernières heures, ils souhaitent être enterrés à Rouen et font l’aumône de pièces d’or et d’argent aux couvents de la ville428. Du point de vue de leurs rapports avec le milieu d’accueil, il ne semble pas que les Bilbanais aient eu un comportement singulier puisque, comme les marchands burgalais, ils se mettent en quête de lettres de naturalisation, s’intègrent bien au milieu local, font des legs, etc.
188À Rouen comme à Nantes, il semble que la communauté basque s’affaiblisse à partir de la fin du XVIe siècle. Pour Rouen et le début du XVIIe siècle, les firmes ibériques ont perdu de leur influence et sont dominées par les maisons de commerce flamandes429. À Nantes, au début du XVIIe siècle, les patronymes basques sont plutôt rares parmi les membres de la « Contractation » alors qu’ils étaient si nombreux cinquante ans auparavant.
189S’ils contrôlent une bonne part du commerce de transit entre Nantes et Rouen et à destination de Bilbao et de la Castille, les Bilbanais drainent également pour le compte de leurs commettants l’argent issu de la vente de ces produits destiné aux marchands des ports expéditeurs. L’activité de Diego de Vitoria, lié aux Ruiz de Castille et de Nantes, aux Del Barco, est en l’occurrence fort intéressante. Il est assurément un des plus grands marchands de Bilbao au XVIe siècle, bien qu’étant issu d’une famille encore assez modeste à la fin du XVe siècle430. Jusqu’à quel point cette affirmation est-elle juste ? En effet, dès 1494, un Diego de Victore (Vitoria) est consul de la « nation » de Biscaye à Bruges431. En tout cas, au milieu du siècle suivant, la situation a considérablement évolué, car il fonde avec Andrés Ruiz et Vitores Ruiz, frères de Simón, Francisco et Juan de la Presa, une société au capital de 20000 ducats432. À ce titre, Diego devient un intermédiaire un peu particulier puisqu’il est associé à la firme tout en restant à Bilbao. S’il est difficile à croire qu’il s’érige en concurrent de ses associés, on peut néanmoins penser qu’il fait bénéficier certains proches de Bilbao, volontairement ou non, des informations et opportunités de négoces dont il a connaissance. Ainsi, sa maîtrise des rouages du commerce est telle que Simón Ruiz demande souvent à Bartolomé del Barco de l’imiter dans ses agissements, pour la vente des marchandises par exemple433. Il est vrai que Diego n’hésite pas à profiter d’un marché bilbanais en plein essor : en 1561, il vend à Bilbao à des marchands de Tolède plus de 4000 ducats en cire et tissus divers434 ; en 1575, son chiffre d’affaires sur cette place est de plus de 8000435 et la même année, il charge un de ses employés de lui acheter 6000 ducats de marchandises436.
190Étant donné les grosses sommes qu’il est habitué à manipuler, il centralise les exportations de numéraire de la firme Ruiz vers la France, mais aussi celles de Hernando de Frías, Lope de Arciniega et de la compagnie à laquelle il appartient437. Cela signifie que les Ruiz confient l’exportation de numéraire à un marchand différent, Diego de Vitoria, de celui qui s’occupe pour la firme des réceptions et des envois de marchandises, Bartolomé del Barco. Les commissionnaires respectifs des sociétés castillanes à Bilbao se rencontrent donc autour de ces expéditions monétaires et créent ainsi sur place des possibilités d’échanges d’informations et d’affaires communes.
191À Nantes comme à Rouen, à Bruges comme à Anvers, ces commissionnaires actifs font fortune. Leur richesse collective et celle de leurs alliés aux Pays-Bas se dessinent un instant sous nos yeux : à Bruges, l’hôtel des Biscayens, magnifiquement construit, à la mode espagnole, avec un toit plat, un vestibule élégant et une cour spacieuse au devant, se situe près de la maison communale de Poortesloge et du pont Saint-Jean438. Un autre auteur voit plutôt dans cet édifice l’art italien dans toute sa pureté dont rien ne lui semble plus imposant que la riche colonnade qui entoure ce palais de toute part439. Un escalier conduit à une première entrée ornée de deux statues de grandeur naturelle. On traverse alors une avant-cour pour arriver à une seconde entrée couverte, remarquable par la richesse de ses ornements et surtout par la beauté de la statue qui en décore la partie supérieure440. Par ailleurs, dans l’église Saint-Donat de Bruges, devant la sacristie, se trouve un mausolée en marbre blanc aux armes de Martín de Aguirre et de sa femme441.
192Un récapitulatif des dettes de la ville de Bruges442 qui remonte à 1495 démontre également la richesse des marchands et marins biscayens. Leurs créances représentent la moitié du total de celles de la nation d’Espagne et cinq fois plus que le capital prêté par celle du Portugal. La somme s’élève à 4800 livres de gros de Flandre. Si l’on rappelle qu’à cette époque la nation d’Espagne tient à Bruges une situation commerciale très importante, on est à même d’évaluer l’envergure économique des marchands de Biscaye. D’ailleurs, ces marchands se trouvent partout où le commerce est actif. Un groupe de Basques est également présent à Middelburg et à Anvers443.
193Au milieu du XVIe siècle, beaucoup de marchands venus de Bilbao sont installés dans le port de l’Escaut, au cœur de l’économie européenne444 : Juan de Bilbao, Juan de Lezama, Martín de Aguirre, Juan de Regoitia, Sancho de Libano, Juan de Jugo, Arnaldo del Plano, Sancho de Agurto, Diego de Echávarri, voilà quelques-uns des grands marchands du commerce biscayen à Bruges et à Anvers. En 1552-1553, les deux premiers acquittent des droits très élevés sur les exportations de marchandises, de l’ordre de ceux payés par leurs homologues castillans445. Parmi les marchands cités, certains possèdent des affaires à Nantes, comme les Lezama et les Jugo, à Séville et à Cadix446.
194Les actes notariés évoquent fréquemment les liens avec la Biscaye447. À l’heure de charger les navires, les Bilbanais d’Anvers se mettent au service d’autrui, comme ils le font à Nantes, à Rouen ou à Bilbao. Ces commissionnaires agissent pour le compte de leurs pairs, de Bilbao, mais ils servent également les marchands castillans, pour élargir le champ de leurs connaissances d’affaires autant que pour gagner de l’argent. Ces connaissances sont mises à contribution dès que l’occasion s’en présente. Enfin, ces marchands ont leurs affaires propres. Diego de Echávarri incarne parfaitement cette situation448.
195Nous nous attarderons davantage sur le cas de Pedro de Nobia, ainsi que celui de son fils, qui hérite du majorat fondé par Aparicio de Ugarte, car ils livrent des informations sur la façon dont les capitaines de navires utilisent les services des intermédiaires terrestres et mettent en relation les Bilbanais des Pays-Bas avec ceux de Bilbao et d’Andalousie449. Originaire de Begoña, anteiglesia située à côté de Bilbao, Aparicio de Ugarte, chevalier de l’ordre de Calatrava et lieutenant général des armées navales du roi, meurt en janvier 1568 à Messine où hivernaient 10 galères dont il avait le commandement. Dans son testament, Aparicio fonde un majorat au fils de Pedro de Nobia, riche marchand de Bilbao, avec deux conditions expresses450 : l’héritier, ainsi que les descendants du majorat après lui, devront comme le défunt s’appeler Aparicio de Ugarte et porter ses armes au côté droit. Suivant ces volontés, Perian de Nobia, fils de Pedro, devient Aparicio de Ugarte Nobia tandis que la curatelle du patrimoine hérité incombe à Pedro.
196Cette gestion nous livre quelques-unes des activités marchandes auxquelles s’adonnait le testateur. L’on apprend qu’en 1569, Pedro porte au crédit de son fils 110824 maravédis issus de la vente de deux fardeaux de tapisserie envoyés des Pays-Bas par Diego de Echávarri, encore lui, à Pedro de Nobia et qui étaient la propriété de feu Aparicio de Ugarte. Malgré la distance, les voyages incessants, son mariage avec Luciana de Adorna, de Jérez de la Frontera, et sa résidence à la cour, le capitaine entretenait d’étroites liaisons avec son cousin de Bilbao et avec la communauté basque établie en Europe et en Amérique. En effet, la même année, Pedro de Nobia reçoit à Séville des mains de Martín López de Isasi le produit d’une vente de soie à Mexico451. La somme a été envoyée par Martín de Aranguren, d’origine basque lui aussi. Quelques années plus tard, il s’agit de nouveau de soie envoyée aux Indes Occidentales. En outre, sur ordre du défunt, Pedro de Nobia paie 50 ducats en soies à Juan Ochoa de Milluegui, habitant et regidor de Cadix, originaire de Bilbao, lui même en relation d’affaires avec Sancho de Agurto, résidant aux Pays-Bas et en relation à la fois avec Diego de Echávarri et avec Pedro de Nobia452.
197Cet exemple éclaire l’étroitesse de liens qui existent entre les hauts personnages bilbanais établis à l’extérieur de la ville, commissionnaires terrestres du groupe basque de la ville, et les capitaines de navire qui sillonnent les mers pour les besoins de la guerre. Ces derniers apparaissent comme le ferment essentiel du milieu marchand. Ils créent et renouvellent les possibilités de communication entre les commissionnaires terrestres, et étendent le champ de leurs affaires potentielles. Leur rôle est particulièrement important dans la connexion des circuits marchands qui lient la Castille au reste de l’Europe avec ceux qui de Séville s’étendent jusqu’en Amérique.
198Ces exemples attirent notre attention sur plusieurs points importants. Tout d’abord, l’activité de commission s’insinue dans tous les rouages du commerce. En cela, elle peut être considérée comme un métier à part entière, plutôt que comme une occupation d’appoint au caractère ponctuel. Ensuite, les cas de Bartolomé del Barco et de Diego de Echávarri révèlent l’extension, la complexité et la signification de ce métier pour les Bilbanais. Le triomphe du commerce basque, c’est la commission dans le commerce de transit.
199En 1577, la « nation » de Biscaye à Bruges est criblée de dettes453. Quelques années plus tard, parmi les maisons espagnoles établies à Bruges et y exerçant le commerce, les familles basques semblent assez faiblement représentées. Tout au plus rencontre-t-on les Salinas, les Melgar et les Peralta, d’origine basque ou navarraise454. Après 1585, à Bruges, nous ne trouvons plus de trace dans la ville des Biscayens et de leur consulat455. Cependant, en dépit d’un commerce sans doute moins important qu’auparavant, quelques grandes figures du commerce basque sont encore présentes aux Pays-Bas. À la fin du siècle, bien que leur présence soit moins massive, quelques grands marchands biscayens gèrent encore leurs affaires depuis Anvers.
200Martín Pérez de Varrón, dont nous connaissons les liens avec les Echávarri, et son fils Luis Pérez de Varrón sont en affaire avec Jan Boussemart à qui ils fournissent des perles et des diamants et avec lequel ils participent à quelques grosses affaires456. Du 13 décembre au 23 mars 1603, Henry de Beaulieu achète des toiles de Rouen pour le compte de Luis Pérez (2/3) et de Jan Boussemart (1/3), pour un total de 20300 arrobes et plus de 21875 livres. Pour le compte des mêmes, il se porte acquéreur de 258 pièces de toiles blancarts, soit 8127 arrobes et plus de 31364 livres. L’année suivante, Luis s’associe à Baltasar Andrea. En 1605, le Bilbanais Diego de la Quintana prend sa part de bénéfice (1/4) dans une affaire de cuivre à laquelle les deux Anversois participent pour un quart chacun. La vente du cuivre et les frais se montent à plus de 32000 ducats. La même année, les trois compères se retrouvent en cheville pour une vente similaire à Laredo. Plus tard, il semble que Luis s’occupe du commerce de la laine avec Venise.
201Globalement, à partir de la fin du siècle, s’opère un retrait des positions avancées des Basques et des Castillans dans le nord-ouest européen. Mais preuve semble faite que les commissionnaires traversent mieux la mauvaise conjoncture que les Castillans, car leur place se consolide au fur et à mesure du siècle dans le commerce de redistribution en Castille même. Le réseau « bilbanais » ne se limite pas à un réseau portuaire. Ambitieux, soucieux d’accroître leurs gains, ses membres pénètrent l’intérieur castillan pour gagner les zones de consommation et augmenter leurs bénéfices.
202Les chiffres des douanes de la mer de Castille sont éloquents : en 1559-1560, avec 17 raisons sociales et 182637,5 maravédis d’imposition, le port de Bilbao se place au cinquième rang des villes dont les marchands paient le plus d’impôts457. Henri Lapeyre conclut, peut être hâtivement, que ce chiffre assez médiocre indique une activité réduite de ces marchands en dehors des limites de la seigneurie de Biscaye458. Qu’en est-il réellement ?
203En premier lieu, et cela n’a pas échappé à l’auteur, vu la situation des douanes sur les marges de la Biscaye, tout compte exact des marchandises qui s’exportent de la province est vain, le fer par exemple étant exonéré de taxes lors de son acheminement vers la Castille. Ajoutons les marchandises redistribuées par voie maritime qui repartent de Bilbao à destination des ports de la Péninsule Ibérique et celles qui sont consommées en Biscaye. Par ailleurs, parmi les produits qui viennent de Castille et sont taxées aux confins de la Biscaye, une part est vendue à Bilbao à des marchands du port. Parfois, la marchandise, pour laquelle la dîme est payée par un Castillan, appartient en fin de compte à un marchand de Bilbao, ou d’une autre ville biscayenne. Plusieurs cas de figure peuvent se rencontrer où la taxe est payée par un marchand au nom d’une tierce personne. Ainsi, la correspondance marchande nous apprend que les marchandises qui appartiennent à Lope de Arciniega, sont taxées au nom de Simón Ruiz. Le travail de Henri Lapeyre, exemplaire à plus d’un égard, n’a pu tenir compte de ces tours de passe-passe puisqu’il avait accès à des documents le plus souvent de type officiel. Quoi qu’il en soit, l’étendue des réseaux auxquels nous accordons toute leur importance dans ce travail contredit l’affirmation faite par cet auteur au sujet des marchands de Bilbao. En effet, l’on ne saurait clore cette réflexion sans faire référence aux migrations des gens de Bilbao, dont les membres essaiment dans tout le Pays Basque459 et aux foires de Castille460 comme à Burgos461, Logroño462, Ségovie463, Valladolid464, Madrid465, Grenade466, Cordoue467, etc.
204Les écritures de procuration sont en l’occurrence de grand intérêt. Quelle que soit la ville où un négociant de Bilbao doit récupérer un avoir, faire un placement ou prendre en charge une livraison, des compatriotes apparaissent. Au gré des actes, une carte se dessine qui embrasse toute la Péninsule Ibérique. Ces marchands, devenus résidents permanents, sont partie prenante dans ce commerce et pour autant ne sont pas comptés dans le total d’imposition de Bilbao, car considérés comme Burgalais, Vallisolétains, Madrilènes, etc.
205Quoi qu’il en soit, l’observation des chiffres fournis par Henri Lapeyre pour l’année 1578 nous éclaire sur l’évolution de la part des Bilbanais dans le commerce terrestre du nord de la Péninsule468. Même si Bilbao est toujours en cinquième position, l’échelle des montants d’imposition s’est nivelée, celui des marchands de Bilbao représente 11 % du montant de celui des marchands de Medina del Campo et 21,5 % de celui des Burgalais alors qu’en 1559-1560, le rapport était respectivement de 7,5 et 13 %. Cela va dans le sens d’une importance croissante du milieu marchand basque au moment même où la conjoncture se détériore en Vieille-Castille469. De plus, dans cette classification, Vitoria, Arciniega, et Abando (situé à côté de Bilbao) intègrent respectivement le sixième, le douzième et le dix-huitième rang. Cela prouve bien que les hommes du Pays Basque et de Bilbao en particulier participent de plus en plus activement au commerce intérieur, en collaboration et en concurrence avec les marchands castillans.
3. Les Bilbanais et le commerce avec l’Amérique
206Les marchands bilbanais, établis depuis le début au cœur même du commerce colonial, jouent à Séville un rôle de financiers très important. Dès 1509, Iñigo de Nalinco, Núñez de Bilbao, Sánchez de Aramburu, tous de Bilbao, financent les premières expéditions marchandes aux Indes Occidentales470. Les Jauregui, les Bertendona, les Larrea, les López de Recalde, les Mendieta ou les Arbieto471, de très riches marchands répertoriés comme habitants de Séville, ont leurs origines, ou de proches parents, à Bilbao et à Anvers.
207D’autres dirigent leurs affaires depuis le port basque. En 1594, Pedro de Agurto Gastañaga donne pouvoir à Pedro de Iturralde, habitant de Séville, et au capitaine Agustín de Landecho, pour acheter 6000 ducats de marchandises qui doivent se charger sur le flotte de Terre Ferme472. Cet exemple illustre parfaitement le fait que les relations entretenues entre Séville et Bilbao se prolongent souvent vers le vaste et lointain arrière-pays du pôle andalou qu’est l’Amérique. À cet égard, nos sources montrent de façon patente que tout le long du siècle l’argent américain alimente le commerce de Bilbao et du Pays Basque en général473. Les 2000 ducats que Bartolomé Izquierdo, habitant de Cuenca, dans la vice-royauté du Pérou, envoie pendant l’hiver 1576, depuis Séville jusqu’à la ría du Nervión, illustrent aussi cette relation triangulaire. Arrivé à bon port, Bartolomé achète 10 fardeaux de toiles (8000 réaux) à Juan de Bustinza, 1100 réaux de mercerie à Pedro de Mortarana, 3 balles de papier de Thiers à Pedro de Areilza, des chaudrons de cuivre, des tissus à Gilles Perrin et Jean Gobin, deux Français de Bilbao474. L’importance des toiles françaises pour le marché américain est telle que Séville ne suffit pas à l’alimenter. Notre port est donc mis à contribution475.
208En outre, un courant d’exportation de fer, de produits de son industrie et d’autres marchandises requiert l’énergie de toute la communauté basque de Séville. Au moins à partir de 1520, Lope Saez de Arbolancha, de Bilbao, et son fils, Lope de Arbolancha, établi à Cadix, font le commerce du fer476. Relativement peu nombreux à Anvers, à Bruges ou dans les ports français, les marchands d’Elorrio en Biscaye, Azpeitia, Vergara et Eibar en Guipúzcoa se montrent très entreprenants sur les trajets Pays Basque-Andalousie, avec l’Amérique en ligne de mire477.
209Après avoir participé à la conquête du Nouveau Monde, les basques collaborent à la mise en place des premiers circuits commerciaux et des premières ambassades478. D’ailleurs, sur 111 marchands qui traversent l’Atlantique entre 1519 et 1539, 20 sont basques, ce qui représente un intérêt pour le commerce très supérieur à la moyenne de toutes les autres régions par rapport aux différents métiers et occupations479. Jerónimo de Zurbano, Bilbanais établi à Lima, approvisionne depuis la capitale les divers centres économiques du Pérou480. En 1541, il remet à son beau-frère à Arequipa 22 caisses et 17 barils. L’essentiel de la cargaison est constitué de mercure, de canons, de casse-pierres, de ferrures et d’outillage en général, en provenance de Biscaye. Martín de Ereño, pour sa part, riche marchand péruvien natif de Bilbao, commerce avec des marchandises de Biscaye, de Castille, de Mexico et de Chine481. D’autres exemples ne feraient qu’allonger l’exposé482.
210Guido de Labezarri, né en Biscaye en 1510483, apparaît comme comptable dans l’expédition de Villalobos aux îles des épices en 1542. Il reste à Mindanao et aux Moluques jusqu’en 1549. Les années suivantes, il vit au Portugal et en Espagne jusqu’en 1552, moment où il s’intègre à la corporation des libraires et s’embarque pour Mexico, endroit depuis lequel il exerce son office. Dans les années 1570, il succède à Legazpi, un autre Basque, au poste de gouverneur général des Philippines. Son mérite va plus loin puisqu’il ouvre la voie du commerce avec la Chine484. Sebastián Vizcaíno, de son côté, dont les origines semblent être extrémègnes, mais qui est associé et apparenté avec des familles d’entrepreneurs basques, notamment avec les Lezama de Bilbao dont on a décrit certaines activités à Nantes et aux Pays-Bas, émigre dès son jeune âge à Mexico où il s’enrichit comme marchand, à la suite de quoi il part pour Manille, centre commercial où il séjourne de 1586 à 1589485. Il voyage ensuite au Japon dans le but de présenter au souverain une ambassade au nom du roi d’Espagne486.
211Nulle part l’importance des marchands basques n’apparaît plus visible que dans les espaces que nous venons de décrire. Ne sont-ils pas – c’est le cas de Séville et d’Anvers – parmi les grands centres commerciaux de l’économie européenne ? L’ensemble de ces réseaux d’affaires, ainsi que leurs nombreuses ramifications, montrent que la puissance économique des marchands de Bilbao, et des Basques en général, trouve des relais dans chaque faisceau des commerces européen et américain, et que ces activités s’articulent en bonne part autour des pôles économiques basque et andalou. Il ne fait pas de doute qu’à un moment ou à un autre l’argent que les Basques retirent de ces échanges, passe sous quelque forme que ce soit par le Pays Basque, au gré des opportunités que présentent l’industrie et le commerce de la terre d’origine. Nos marchands quadrillent les circuits importants de l’économie européenne et de l’économie américaine. Ils sont présents à chaque fois que la marchandise change de mains : aux postes de transit, mais aussi près des centres de production et de consommation, prêts à agir pour eux ou un des leurs dès qu’une affaire suppose un bon bénéfice. Comme les groupes bilbanais et basques sont dispersés à travers le monde, ils offrent simultanément à chaque membre de la communauté la possibilité de faire des affaires dans tous les domaines, et dans tous les compartiments du commerce international. Ce sont les grands circuits d’échanges mondiaux que nos hommes pénètrent.
212En définitive, les Bilbanais et leur chapelet de connaissances se rendent des services, s’appuient mutuellement, faisant appel autant que possible à leurs compatriotes, valorisant ainsi un grand ensemble commercial « basque », système à part entière au sein de l’économie européenne et américaine. Son fonctionnement est fondé sur un réseau d’importants commissionnaires-marchands terrestres à Bilbao dont les relations avec les Castillans sont mises à profit pour l’envoi de membres de leur famille à l’étranger chez des parents de leurs patrons castillans. Cette expatriation permet le contrôle d’un nouveau point de transit. En appartenant à la fois aux deux communautés de marchands et à leur consulat ou « nation » les plus importants de ces commissionnaires bilbanais établis à l’étranger ou en Castille constituent au-delà du cercle familial les relais presque exclusifs par lesquels les membres du groupe marchand bilbanais présents dans le port souscrivent des assurances, prennent des participations sur des bateaux, achètent et vendent à l’étranger, etc. De cette façon, ces commissionnaires-marchands, qu’ils soient à Bilbao ou ailleurs touchent à la fois le produit des commissions versées par les Castillans et par les Bilbanais. Lorsqu’il s’agit d’assurer, de recevoir, d’entreposer, de distribuer, en somme de payer une commission, les marchands du port basque s’adressent à leurs parents établis à l’extérieur, ou, s’ils n’en ont pas, à un commissionnaire-marchand bilbanais, pour que l’argent dépensé ne sorte pas du groupe. Le cas le plus remarquable est celui des assurances. Les Bilbanais ne souscrivent presque aucune assurance à Burgos sans passer par l’intermédiaire des Bilbanais d’origine établis dans la cité de l’Arlanzón. Les Castillans ne les imitent pas puisqu’ils font appel aux Bilbanais, pour les affaires d’assurances comme pour tout autre type de transactions. En parallèle, ces familles de commissionnaires-marchands bilbanais réalisent des affaires propres en suivant souvent le modèle de leurs patrons castillans et entrent en concurrence avec eux tout en continuant à être leurs intermédiaires. Des capitaines et des maîtres de navires d’origine bilbanaise soudent ce réseau d’intermédiaires actifs et leur assurent de nouvelles opportunités de négoce. Cette cohésion constitue une de leurs forces, contribue à leur richesse et assure la pérennité du système. Lorsque le recours à un Bilbanais devient impossible, la solidarité s’exprime à un autre échelle, autrement dit avec les Guipuzcoans, les Alavais ou les Basques français.
213Cette solidarité presque agressive comme le remarquait Pierre Chaunu au sujet de la minorité basque installée à Séville487, lie à des degrés divers les marchands basques du monde entier. Elle en fait des dominants et non des dominés. En relisant les lignes que Fernand Braudel a consacré aux marchands arméniens488 et juifs489, il est aisé de voir à quel point le cas basque mutatis mutandis trouve sa place à leurs côtés. Poussé par une économie en plein essor (commerce du fer, chantiers navals, pêche), attiré par un commerce international très actif, et soutenu par ses activités militaires, bureaucratiques et religieuses, le réseau marchand « bilbanais » s’est tissé et a conquis des positions en Europe et en Amérique dans tous les secteurs du commerce. La détention d’un double pouvoir économique et politique a conditionné sa réussite. Nous allons y revenir dans le prochain chapitre.
214Gardons-nous bien toutefois de confondre Bilbanais et Basques, car si la montée en puissance des autres Basques obéit peut-être aux mêmes logiques de fonctionnement que celle des Bilbanais, ils n’agissent pas massivement dans les mêmes espaces. En effet, tandis que les marchands d’Elorrio en Biscaye, Azpeitia, Vergara et Eibar en Guipúzcoa se montrent très actifs sur l’axe Pays Basque-Andalousie, hors de cet ensemble commercial l’influence de ces hommes semble moindre490. Les Bilbanais, pour leur part, se consacrent davantage au commerce européen, du moins jusqu’aux changements qui le modifient à la fin du XVIe siècle. Tout se passe comme si, au sein même du Pays Basque, une certaine spécialisation du trafic et de sa géographie était en place. Bien sûr Saint-Sébastien et maints autres petits ports de la côte, tel que Deva, participent aux exportations de laine vers le nord-ouest européen et reçoivent également des produits de cette zone, mais leur force propre n’est pas dans cette voie qui les relie au nord491. Un courant incessant d’exportation de fer et objets métalliques unit ces ports à Séville. Ces marchands, guipuzcoans pour la plupart, sont beaucoup moins concernés par la diversité des affaires que ne le sont leurs homologues de Bilbao492 qui ont su exporter leur fer dans toutes les directions et drainer jusqu’à leur port des produits manufacturés variés en provenance du nord-ouest européen et intéressant tous les marchés, qu’ils soient basques, castillans ou américains. Si des exportations ont bien lieu au départ des autres ports, notamment guipuzcoans, les marchands de ces places se sont plus massivement tournés vers Séville, l’Amérique et le commerce du fer. Si les uns portent une plus grande attention à Séville et l’Amérique tandis que les autres s’intéressent davantage à un commerce dans lequel le nord-ouest de l’Europe occidentale se taille la part du lion, ces groupes essaimés aux quatre coins de l’empire espagnol n’en appartiennent pas moins à une seule et même communauté. Cette séparation relative des champs d’action des deux provinces maritimes basques n’a en fait qu’une valeur de tendance, car les capitaux des Biscayens comme ceux des Guipuzcoans et des Alavais passent facilement d’un faisceau de commerce à un autre. Nous avons vu que les effectifs des marchands originaires de Bilbao diminuent dans le dernier quart du XVIe siècle et au début du XVIIe dans le nord-ouest européen. De plus, leur commerce s’affaiblit du fait de la crise traversée par leurs alliés burgalais et Castillans en général, aux Pays-Bas, à Nantes et à Rouen. S’ensuit un renforcement des liens avec les ports andalous, le Portugal et l’Amérique493. Les Bilbanais reconvertissent donc une part de leurs affaires vers la Castille, le sud de l’Espagne et l’Amérique, renforçant ainsi les activités de la communauté basque en Andalousie et au Nouveau Monde. D’ailleurs, globalement, la montée de l’importance de l’Amérique pour les Basques est avérée, puisque leur installation dans le Nouveau Monde devient beaucoup plus active au début du XVIIe siècle que par le passé494.
215Deux facteurs expliquent cette cohésion au sein du groupe bilbanais. En premier lieu, les services prêtés à l’État, commerciaux et guerriers, contre lesquels les Biscayens arrivent à négocier de nombreux privilèges économiques, politiques et sociaux (voir première partie, chapitre I), soudent entre eux tous les membres de la communauté biscayenne qui doivent s’entraider pour sauvegarder ces prérogatives et si possible les accroître. Dans ces activités guerrières comme dans les négociations successives avec les monarques, nous trouvons sans doute des germes de la manipulation commerciale des Bilbanais à l’égard de leurs patrons. En effet, la manipulation est une tradition dans une province qui lutte pour son indépendance, tout en restant fidèle à son seigneur, le roi. En temps de guerre, nous avons vu que les Bilbanais profitaient des camps opposés et les manipulaient en fonction de leurs intérêts. Les activités guerrières et commerciales, les privilèges auxquels elles leur donnent droit contribuent donc efficacement à façonner les identités bilbanaise et basque jusqu’à un certain point. Cette identité s’enrichit d’un élément de type ethnique qui renforce la cohésion de ces réseaux de solidarité et qui permet de faire le lien avec le reste de la communauté basque. En tant que minorité en Espagne, les Basques représentent un réseau préétabli495. Une citation suffira à fixer le sens de cette affirmation :
« En efecto, los Cántabros, entendiendo por este nombre a todos los que hablan el idioma vizcaíno son unos pueblos sencillos y de notoria probidad. Fueron los primeros marineros de Europa, y han mantenido siempre la fama de excelentes hombres de mar. Su país, aunque sumamente áspero, tiene una población numerosísima que no parece disminuirse con las continuas colonias que envía a la América. Aunque un Vizcaíno se ausente de su patria, siempre se halla en ella como encuentre con paisanos suyos. Tienen entre sí tal unión, que la mayor recomendación que puede uno tener para con otro es el mero hecho de ser vizcaíno, sin más diferencia entre varios de ellos para alcanzar el favor del poderoso que la mayor o menor inmediación de los lugares respectivos. El Señorío de Vizcaya, Guipúzcoa, Álava y el reino de Navarra tienen tal pacto entre sí, que algunos llaman a estos países las provincias unidas de España. »496
216Au rôle de la famille et au sentiment d’appartenance à un même groupe qui ressort de l’obtention de privilèges économiques et sociaux s’ajoute donc le facteur ethnique comme élément de cohésion et de solidarité entre les Biscayens et les autres Basques.
217Ce réseau maritime et marchand bilbanais s’affirme comme un élément essentiel dans la mise en contact des diverses économies européennes entre elles et de celle de l’Europe avec le Nouveau Monde. Grâce à la diffusion des techniques maritimes et commerciales en Europe, il a participé à la construction de l’hégémonie commerciale de ce continent dans le monde au début des temps modernes. À cette époque, les Basques ont créé un réseau de commerce et de pouvoir qui embrasse l’Europe et l’Amérique. Vérité presque banale pour les puissances anglaises ou hollandaises, mais pour ces marchands de la côte dont on dit encore pour le XVIe siècle qu’ils ne sont que de bons marins ou des intermédiaires passifs, le fait ne laisse pas d’étonner.
IV. Pouvoirs économique et politique des marchands dans la société
218En examinant le niveau de richesse ainsi que le mode de vie de ces marchands et en les observant dans leur vie quotidienne, l’on découvre une mentalité particulière, des choix singuliers dans le domaine des investissements qui renvoient à une image différente de celle que l’on a habituellement du marchand. Les Bilbanais ne prêtent pas seulement à leurs patrons castillans. De même, ils se lient à certains personnages de la ville et de la province. Au-delà de l’horizon local et de celui de la Seigneurie, ils participent aux rentes de l’État et aux affaires bancaires, pourvoient en argent frais la noblesse titrée et mettent en place une politique sociale de l’argent très élaborée qui leur vaut de nombreuses contreparties. Comme dans le cadre du négoce, il s’agit d’authentiques stratégies qui agissent à plusieurs niveaux d’échelle et ont de notables répercussions sur la société et sur l’économie. Elles font entrer l’influence politique parmi les intérêts commerciaux.
219Les 23 patrimoines marchands que nous présentons ici ne sont ni tout à fait complets, ni tout à fait justes. Nous avons dû, surtout pour la rubrique « maisons et terres », procéder à des estimations, les chiffres n’étant pas livrés. D’ailleurs, le fait qu’il s’agisse alternativement d’inventaires après décès, de testaments, ou des deux à la fois, donne une idée des divers degrés de précision atteints lors de nos calculs, en règle générale sous-estimés. Cela pris en compte, notre base de travail paraît très représentative, Falah Hassan Abed Al-Hussein appuyant ses conclusions sur l’interprétation de 18 patrimoines marchands medinenses dont 2 ne sont pas détaillés497. Malgré tout, l’on peut regretter l’absence de certains inventaires relatifs à des marchands de Bilbao que nous avons beaucoup évoqués, comme ceux des Del Barco, des Vitoria, de Pedro de Nobia pour n’en citer que quelques-uns, ou encore ceux des résidents bilbanais de Séville498 ou des Indes, originaires du port biscayen, qui figurent parmi les plus fortunés. Quoi qu’il en soit, l’ensemble de notre travail livre les résultats suivants :
9 marchands (39,1 % environ) possèdent un capital compris entre 0,36 et 1,49 million de maravédis, avec une moyenne de 1 million.
9 autres (39,1 % à peu près) ont une fortune oscillant entre 1,5 et 6,6 millions de maravédis, avec un capital moyen de 2,9 millions.
4, soit 17,4 % du total, sont détenteurs d’un patrimoine allant de 6,7 à 14,6 millions de maravédis, avec une richesse moyenne de 8,8 millions.
1, (4,4 % à peu près) possède un patrimoine de 56,25 millions de maravédis.
220À Medina del Campo, les proportions sont inversées : un tiers des marchands seulement appartient aux deux premières catégories alors que 44,4 %, près de la moitié de l’ensemble, possèdent une fortune comprise entre 6,7 et 14,6 millions de maravédis. Il faut ajouter que quatre marchands sont au-dessus du lot, avec 15,66 ; 25,46 ; 26,4 ; et 93,69 millions de maravédis. Même si les marchands de Medina del Campo apparaissent globalement plus riches que leurs homologues bilbanais, le petit port biscayen est loin d’être aussi peuplé que la cité castillane qui compte 20000 habitants en 1530499. Si pour établir des comparaisons nous avons souvent eu recours à des exemples traitant le commerce des grandes villes500, ce n’est pas le fruit du hasard. Malgré la petitesse du port du Nervión, une oligarchie marchande fort riche s’est formée qui rivalise souvent dans ses activités comme par son niveau de richesse avec les plus grands.
Structure du patrimoine des marchands de Bilbao (1542-1611) (en millions de maravédis

* donnés en dot à sa fille.
** rentes données à son fils pour son mariage.
*** dont 4000 ducats donnés en dot à sa fille.
221La carrière et la richesse de Diego de Echávarri incarnent le succès d’un groupe de Bilbanais installés aux points névralgiques de l’économie. Que représentent les 150000 ducats qu’il possède à sa mort en regard des grandes richesses d’Europe ? Parmi les riches familles medinenses, une seulement dépasse la fortune de Diego. À Florence, en 1530, 8 à 10 familles florentines comptent chacune une fortune supérieure à 100000 ducats, Tommaso Guadagni, le plus riche marchand florentin de l’époque, possède pour sa part plus de 400000 ducats501. Ne pouvant établir la fortune de notre marchand qu’en 1578, nous constatons cependant qu’il détient un niveau de richesse d’un ordre comparable502. Si l’on compare ce noyau de riches marchands établi à Bilbao aux travailleurs des campagnes environnantes, on peut aisément imaginer un contraste saisissant. Songeons qu’un journalier employé en 1567 dans une forge gagne 2 réaux par jour, soit environ 50 ou 60 ducats l’an, et encore n’est-il pas le plus mal loti503.
1. Les marchands bilbanais et les finances royales : asientos et juros
222La croissance des États modernes n’a pu se faire sans le recours à l’emprunt504. La collaboration entre le roi et les hommes d’affaires n’est une particularité ni basque ni européenne505. Cette alliance est théoriquement bénéfique pour les deux partenaires. Elle sert les grandes entreprises des princes et des rois et, pour un temps, accroît le pouvoir politique et économique des financiers. Étant donné que les dépenses publiques de la monarchie hispanique subissent une hausse en termes réels, de 80 % entre 1520 et 1600, que les revenus de l’État ne peuvent éponger, les emprunts sous leurs diverses formes deviennent la seule solution506. La guerre entre la France et les Habsbourg, les troubles provoqués par la réforme en Allemagne, les hostilités avec le « Turc » en Méditerranée, et surtout la répression de la révolte des Pays-Bas507, absorbent des sommes prodigieuses qui contraignent au recours à l’emprunt et, à terme, acculent l’État castillan à la banqueroute. Cette demande croissante de numéraire va de pair avec une offre qui elle aussi augmente. Le gonflement du stock de monnaie métallique et l’accélération de la circulation monétaire le long des XVIe et XVIIe siècles engendrent un accroissement de l’offre de crédit et se traduit par la baisse progressive des taux d’intérêts508. Malgré cet inconvénient, l’argent marchand approvisionne toujours les caisses de l’État, qui fait au besoin main basse sur des cargaisons d’argent arrivées à Séville pour le compte des hommes d’affaires. Si tous les groupes marchands participent à ces prêts à la Couronne, volontairement ou contre leur gré, les marchands basques semblent s’y être tout particulièrement intéressés, davantage que les Castillans509. Ces opérations de crédit revêtent plusieurs formes dont les deux plus importantes sont les asientos et les rentes d’État.
223Les asientos sont des contrats signés entre le roi et des financiers510. Ce recours de l’État aux hommes d’affaires trouve son origine dans l’irrégularité du ravitaillement en argent liquide de l’Espagne, la principale masse de manœuvre constituée par l’argent des Indes n’arrivant qu’une fois l’an dans le meilleur des cas511. Or, la politique et la guerre exigent des débits plus réguliers, comme entre 1567 et 1573, sous le gouvernement du duc d’Albe512. La période suivante n’est pas placée sous de meilleurs auspices, le soulèvement des Pays-Bas absorbant plus de 3,5 millions d’écus513 annuels, en moyenne, de la banqueroute de 1575 à la trêve de 1609514. Si, pour une grande part, ces asientos sont conclus en Espagne, le reste se négocie avec des hommes d’affaires anversois, aux Pays-Bas où nous voyons agir un certain nombre de nos marchands515.
224En effet, la brève mais importante carrière financière de Diego de Echávarri s’inscrit dans ce contexte de troubles aux Pays-Bas. Elle dure de la fin des années 1560 à 1575 au moins516. En avril 1572, les rebelles qui s’emparent des ports de Zélande provoquent presque instantanément la multiplication de ce type d’emprunts517. Pour répondre à la demande de la cour des Pays-Bas, Fernando de Frías Ceballos s’engage à fournir 1860903 écus, 1200000 en 1573, et 400000 qu’il prête conjointement avec Diego de Echávarri et Tommaso Fiesco518. Diego multiplie les participations de ce type, aux côtés de banquiers italiens, castillans et aussi d’autres Basques, comme Pedro de Isunza519. Mais le Bilbanais ne se limite pas à ces collaborations. En 1575, il conclut avec la cour des Pays-Bas un asiento de 112531 écus dont il est seul titulaire520. De plus, associé à Diego Pardo, il négocie plusieurs autres avances d’argent, pour un total de 227358 ducats sur un asiento de 850000 ducats, conclu à Anvers, mais non ratifié en Espagne521. L’année suivante, il fait partie, de concert avec Andrés de la Maza522, des principales firmes financières de la Couronne à Anvers523. Une lettre envoyée par Andrés à Simón Ruiz permet de fixer la participation personnelle de Diego à 10293 ducats524.
225Grâce aux lettres envoyées depuis Bilbao à Simón Ruiz, et conservées à Valladolid525, on peut suivre la carrière financière d’un autre grand marchand de Bilbao, Diego de Vitoria, dont nous avons déjà évoqué les activités marchandes. En 1576, dans un asiento conclu aux Pays-Bas, Diego investit l’importante somme de 20000 écus526. Les quatre années suivantes, il multiplie ses participations : pour 5333 1/3 écus dans une affaire similaire, dont Pero Ruiz Embito est le titulaire527, à hauteur de 4166 1/6 écus dans un asiento de 25000 écus528, et de 9000 écus dans des contrats signés par Pero Ruiz et Tommaso Balbani529. Malgré ses participations répétées, ce type de contrats avec la Cour ne lui inspire pas une confiance absolue ; Diego se méfie : « yo no quería tanta entrada con la corte por la esperiencia que beo de los que an negociado, sino andar mi pata llana », écrit-il à Simón Ruiz530. Quelques années plus tard, en 1580, ses motivations seront pourtant différentes, Diego demandant à Simón de le faire participer à toute affaire concernant l’État531. Les marchands ont tout intérêt à se ménager les bons traitements de cet allié tout puissant dont chaque décision d’embargos, de guerres, d’octroi de sauf-conduits, de licences est en mesure de ruiner un commerce ou au contraire de favoriser son développement. Ce ne sont pas uniquement les profits qui motivent ces prêts à la Couronne mais aussi les licences d’exportation de monnaie réelle que le monarque consent à cette occasion. En 1577, pour l’asiento de 16000 ducats conclu avec Diego de Echávarri et Andrés de la Maza, le roi autorise une exportation de 11,64 millions de maravédis532.
226En somme, l’exemple de nos deux grands commissionnaires-marchands montre l’intensité avec laquelle certains Bilbanais de notre port sont impliqués dans la haute finance en cheville avec les Castillans. Qui plus est, les participations personnelles de Diego de Vitoria que nous avons pu restituer grâce aux relations épistolaires qu’il entretenait avec Simón Ruiz, ne figurent pas, pour la majorité des cas, dans les tableaux élaborés par Valentín Vázquez de Prada, ni dans ceux présentés par René Quatrefages533. D’autres marchands de Bilbao participent assurément à ces gros contrats534, les hommes d’affaires génois s’appuyant sur des prêteurs espagnols et italiens que des intermédiaires « racolent » pour eux535. De toute façon, pour accéder aux hautes sphères de la finance, la communauté marchande de Biscaye a la voie ouverte, Diego de Echávarri et Diego de Vitoria en constituant les tremplins, les marchepieds.
227Ces souscriptions répétées aux emprunts d’État prennent tout leur sens dès qu’il est possible de calculer la part des avances d’argent réalisées par les hommes d’affaires basques dans le total d’un asiento. Considérons les montants de l’asiento de 850000 ducats conclu à Anvers le 22 décembre 1575 pour rembourser les avances d’argent des marchands établis dans la ville536. Pedro de Isunza, Francisco Ruiz de Vergara et Diego de Echávarri, qu’ils soient seuls ou associés à d’autres marchands, sont titulaires de plus de 52 % de cette somme, soit près d’un demi-million de ducats. Et encore ces 850000 ducats ne représentent-ils, selon diverses sources, que la moitié ou les deux tiers des créances des hommes d’affaires anversois537. En outre, la moitié seulement de la somme globale correspond au paiement de l’arriéré. En effet, les hommes d’affaires concernés s’engagent à payer 425000 ducats en écus d’or538. Si l’asiento avait été ratifié en Espagne, les avances de nos marchands et de leurs associés avoisineraient 700000 ou 800000 ducats. Ces chiffres, qui ne doivent pas être considérés comme des constantes, prouvent tout de même la place prise par les financiers basques dans les affaires conclues avec la Couronne à cette époque-là.
228En comparaison, à la même date, les avances d’argent de Juan de Curiel à l’État castillan atteignent 1,5 million de ducats539. Le nombre des bailleurs de fonds d’un tel prestige reste en fait très limité. Avec Niccolo Grimaldi, le trésorier Espinosa et les Fugger, Juan de Curiel fait partie des créanciers attitrés de la cour d’Espagne540. Ces montants sont d’un ordre de grandeur comparable au potentiel financier basque aux Pays-Bas en 1575. Richard Ehrenberg est peut-être excessif lorsqu’il écrit que les marchands de Burgos ont été « à peu près les seuls Espagnols qui parvinrent à lutter contre les financiers d’Allemagne du Sud et de Gênes, affaiblis par les grandes crises de la seconde moitié du XVIe siècle »541. Les Basques y ont contribué pour une bonne part, au moins jusqu’en 1575. Après cette date, s’ils sont plus rarement titulaires, ils n’en continuent pas moins de participer à ces contrats avec l’État. Pedro de Álava, dont la famille a été plusieurs fois évoquée, totalise une participation personnelle de plus de 100000 ducats dans deux asientos signés en 1588, cette somme représentant à peu près 10 % des contrats542.
229Mais dès lors que l’État est contraint d’interrompre le remboursement de la dette flottante, que se passe t-il ? Souvent, la dette est convertie en emprunts à long terme, rémunérés à un faible taux, qui immobilise le capital marchand. Des faillites s’ensuivent même parmi les groupes de financiers très influents. Ainsi se solde la collaboration du roi avec ses bailleurs de fonds. Tant que les pouvoirs publics peuvent honorer leurs dettes, les financiers s’enrichissent en servant l’État et dès que l’État ne peut plus garantir le remboursement de ses dettes, il consolide la dette flottante et la transforme en rentes perpétuelles à faible taux d’intérêt qui pénalisent les financiers.
230Ne nous laissons pas trop émouvoir par cette soumission forcée des financiers, surtout lorsqu’ils sont Basques, car les Bilbanais ont plus d’un atout dans leur jeu, et sont à même de négocier au mieux de leurs intérêts les prêts conclus avec la Couronne d’autant plus facilement qu’ils fabriquent des navires, des armes et font la guerre pour le compte du monarque. Par ailleurs, ils sont en même temps créanciers et débiteurs de l’État castillan. Au début du XVIIe siècle, à Potosí, les Basques propriétaires de mines sont redevables de la somme de 2,5 millions de pesos, c’est-à-dire trois fois le montant du quinto real des meilleures années. Cette dette représente des achats de charges publiques et de mercure, et les mineurs basques de Potosí bénéficient d’un privilège qui exclut la saisie de leurs biens en cas de dettes543. En réalité, il existe une interdépendance entre le roi et les financiers basques. Outre la construction navale où nous les retrouvons parmi les maîtres d’œuvre et la fonction de prêteurs royaux, ces hommes exercent un contrôle sur la production d’argent dont le rendement est fondamental pour la politique impériale. Peu importe qu’ils ne soient pas tous Bilbanais, car l’ensemble de la communauté a joué collectivement la carte de l’État. En fait, ils sont amenés à représenter un véritable groupe de pression avec lequel le roi est obligé de traiter. Cette proximité avec le pouvoir est consolidée par les postes qu’ils occupent au sein de l’État et de ses rouages. Enfin, ce qui consolide leur réussite et sa durée, c’est le fait qu’ils peuplent une province dépendante de la Castille, et soient à cet égard considérés comme des « Castillans ». Là où les Fugger et où les Toscans ont échoué544, les financiers basques réussissent plus durablement en qualité de sujets du roi castillan. Ils ont ainsi la possibilité de conquérir le pouvoir de l’intérieur et de peser de tout leur poids sur les décisions de l’État. À une époque où les besoins des autorités paraissent insatiables, et où les garanties qu’ont incorporées les banques à leur système de crédit sont insuffisantes pour contraindre des dirigeants présentant des tendances absolutistes à honorer leurs obligations545, le groupe de pression basque semble faire figure d’exception en Espagne.
231Les rentes d’État attirent également le groupe marchand bilbanais. Si à Valladolid les grandes familles nobles et les letrados monopolisent les juros546, ce sont les riches marchands qui, à Bilbao, reviennent presque invariablement sous la plume du notaire. Par leur abondance et par les avances d’argent qu’ils révèlent ou supposent, ces emprunts d’État confirment à la fois la richesse des marchands de notre port, mais confortent surtout l’importance des liens qui existent entre la Couronne et la côte basco-cantabrique, prise dans son entier. Diego de Echávarri, qui en 1578 place plus de 33,75 millions de maravédis547, en est le plus illustre représentant. Arrêtons-nous un instant sur ce chiffre. Ces 90000 ducats représentent davantage que la fortune totale de Simón Ruiz en 1572 (67709 ducats), plus que celle de Vitores Ruiz Embito, qui atteint 70400 ducats en 1567, c’est également davantage que les richesses de Francisco de la Torre (67893 ducats environ)548. Rodrigo de Dueñas, lui-même, de loin le plus riche marchand de Medina del Campo au XVIe siècle, ne possède, en 1560 il est vrai, que 28,1 millions de maravédis549.
232Bien qu’ils n’atteignent pas de pareilles sommes, d’autres investissements de ce type méritent toute notre attention. Relevons, parmi eux, le total de 5,54 millions de maravédis investis en juros par la famille Martínez de Recalde550, les 10,77 millions réunis par Pedro de Nobia et son fils Aparicio de Ugarte Nobia551, le capital de 3,7 millions de maravédis que représentent les fonds avancés en l’espace de 7 années par Martín García del Barco et son fils Sancho552, ou encore les montants des juros de Teresa de Usunsola, habitante de Bilbao, veuve de Pedro de Goronda mort à Séville, qui se montent à plus de 5 millions553 et ceux de Juan Pérez de Mújica qui représentent 2,25 millions de maravédis en 1603554, celui des frères Fuica Ladrón de Cegama qui est de 10,5 millions environ555, etc.
233La plupart de ces juros sont redimibles, le roi se réservant le droit de les racheter. Ces emprunts sont assignés sur un revenu de l’État, sur la Casa de Contratación des Indes par exemple, ou sur les dîmes de la mer de Castille. Les intérêts produits peuvent atteindre 12,5 %556 au début du XVIe siècle, mais leur taux décline par la suite à 7,14 %, puis, par étapes, à 3,3 %. Ces masses considérables d’argent apparaissent comme autant de capitaux qui échappent au commerce, mais qui consolident les liens entre les marchands et la Couronne. À Bilbao, le marchand semble s’être très vite dessaisi d’une bonne part de son argent au profit de la rente d’État557. Pourtant, le commerce de la marchandise assure une meilleure rémunération du capital. Or nos marchands sont mêlés à ce type d’affaires dès le début du XVIe siècle et sans doute avant. Certes, les demandes continues d’argent de la part d’une monarchie souvent au bord de l’asphyxie financière ainsi que les réquisitions répétées lors de l’arrivée de la flotte des Indes558 ont contribué à cet état de fait. Mais ces explications suffisent-elles ?
234Nous avons vu qu’en 1495 la « nation » de Biscaye établie à Bruges possédait 4800 livres de gros de créances sur la ville du Zwin. Par deux fois en 1530, Diego de Echávarri apportait son soutien financier à des villes de Hollande, moyennant 16 % d’intérêt, il est vrai559. On peut ajouter l’exemple de Hortuño del Barco, propriétaire de 40 livres, monnaie de France, de rente annuelle sur les fouages de Bretagne qui appartiennent à la Couronne de France560, en plus des 300 écus que la ville de Nantes doit à sa femme, Jeanne Rocaz, et à lui-même561. Domingo de Garay, pour sa part, originaire de Bilbao et installé en Amérique, possède une rente à Arequipa562. En 1505, Juan Pérez de Zamudio, originaire de Bilbao et habitant de Middelburg possède une créance de 100 livres de gros de Flandre sur la ville de Bruges563. Cet appui financier à la Couronne, aux villes, semble bien un fait structurel des Biscayens, au vrai de tous les hommes d’affaires basques. De ce fait, ces prêts ne paraissent pas liés à une quelconque « trahison de la bourgeoisie » chère à Fernand Braudel, mais plutôt à un souci permanent de se rapprocher du pouvoir et de négocier avec l’État des avantages de diverses natures.
235Ces masses d’argent déversées dans les caisses royales laissent supposer autre chose qu’une attitude de rentier. Le taux de rémunération n’est pas tout, car ces placements ont également des fins stratégiques. Indirectement ou non, cet argent est postérieurement dépensé en matériel de guerre, en soldes de gens de guerre, en autorisations et passe-droits, et profite au développement de l’économie maritime bilbanaise. Toutefois, il semble bien que les difficultés économiques de la fin du siècle aient tendu sans doute à accroître cet engagement du capital marchand dans les affaires de l’État. En effet, alors qu’aucun des inventaires ou testaments dépouillés pour la période antérieure à 1579 ne mentionne ce type de placements, ceux-ci se développent après cette date564. Ce n’est certainement pas un hasard si, à partir de cette époque et plus que par le passé, les chantiers navals du Pays Basque et ses hommes sont sollicités pour fournir navires, armes et services militaires de toutes sortes au roi. Comme nous le suggérions dans la seconde partie au sujet du fonctionnement du marché bilbanais, il s’opère donc bien à la fin du siècle un glissement vers des activités financières de tous types, qui est utile à l’économie guerrière bilbanaise.
236En réalisant ces services financiers, les Bilbanais essaient aussi de se ménager l’appui du monarque d’une autre façon. En effet, à partir de la seconde moitié du siècle, les riches marchands convoitent de plus en plus des offices pour leur progéniture. La monarchie espagnole, soucieuse de centraliser les ressources de son empire afin de mener une « politique de grandeur », dispose en abondance de charges militaires et administratives565. Elle répond par conséquent aux besoins de cette bourgeoisie. Dans le cas du Pays Basque, l’intimité des liens entre les hommes d’affaires et le roi, la dialectique qui existe entre puissance d’argent, puissance maritime et État, facilitent l’incorporation des Basques dans l’appareil administratif. Pour se concilier les faveurs du monarque et obtenir de lui, en plus des privilèges commerciaux des postes dans l’appareil d’État, les Basques sont entrés dans un engrenage de placements financiers, dont les effets sont à la fois nuisibles et favorables au commerce et à l’industrie. Quoi qu’il en soit, ces hommes d’affaires sont présents dans tous les rouages du pouvoir, avec les avantages que cela suppose. Au XVIe siècle, grâce aux divers services qu’ils rendent et aux charges qu’ils occupent, ils sont l’une des composantes essentielles de la puissance de l’État espagnol.
237Même s’ils en sont séparés de par leur nature, ces prêts à la Couronne se combinent avec d’autres types de rentes dont la signification est similaire. En effet, les censos apparaissent, à bien des égards, comme un instrument supplémentaire dans la stratégie des marchands bilbanais.
2. Les censos ou le pacte avec la haute noblesse
238Ces rentes constituées, qui ont joué un grand rôle dans le crédit de l’Ancien Régime, apparaissent en grande quantité à Bilbao. Si les montants consacrés aux censos sont en principe moins élevés que dans le cas des juros, il faut bien reconnaître qu’on court, en théorie, plus de risques en prêtant à un noble titré qu’à l’État. Hélas, ce surplus de risques ne se reporte pas de façon évidente sur les taux d’intérêts qui restent compris entre 5 et 7,14 %, sans aller au-dessous toutefois. Mais, la rémunération du capital n’est pas le seul objet de ces placements. Ils activent ou renforcent des liens sociaux dont l’appui est déterminant pour les affaires marchandes. La clientèle de nos marchands appartient aux groupes sociaux les plus divers, dont la haute noblesse, les paysans et les artisans constituent une bonne part.
239Les difficultés financières des nobles ont plusieurs origines parmi lesquelles un train de vie élevé, les prêts et faveurs à l’égard de la Couronne, mais aussi et surtout la constitution de dots particulièrement opulentes pour leurs filles. À Bilbao, une fois encore, ce sont les grandes familles marchandes qui occupent le devant de la scène. Aparicio de Ugarte possède un censo de 6000 ducats de principal sur le marquis de Poza566. Par ailleurs, dans une missive expédiée à Simón Ruiz en 1583, María Ortiz de Anuncibay, veuve de Diego de Vitoria, dont nous avons parlé à propos des asientos, est bien décidée à investir 18000 ducats sur un censo fondé par le comte d’Aguilar « por la mucha securidad que ay » mais également car « tenemos satisfaçión por lo negociado con el mismo conde los señores Simón Ruiz, Diego de Echávarri y Pedro de Nobia quienes lo an mirado mui bien y por no faltar de ocasión tan buena »567. Cela indique que ces placements ne se font pas individuellement, mais bien en fonction d’une stratégie collective, car il s’agit d’hommes qui appartiennent au même réseau et veulent ainsi gagner et négocier plus facilement les faveurs d’un puissant. Quant aux prêts consentis par Diego de Echávarri et Pedro de Nobia au comte d’Aguilar, le testament de Diego permet de fixer son montant à 4050000 maravédis568 et une écriture de vente de censo de 1568 signale un total de 2625000 maravédis en ce qui concerne Pedro569.
240L’année suivante, María signe deux gros censos d’un montant de 7,1 millions de maravédis sur le marquis de Poza et le duc de Medinaceli570. En 1589, cette fois, elle donne pouvoir à Cosme Ruiz pour récupérer du duc de Béjar, les intérêts d’un censo de 3 millions de maravédis qu’elle a sur lui571. Simón Ruiz a lui-même fondé un censo sur ce duc. Il s’agit en tout, à supposer que le contrat de 1583 ait été ratifié, de presque 17 millions de maravédis (plus de 45000 ducats) qui ont été prêtés par la veuve de Diego de Vitoria.
241Que signifient ces placements auprès des nobles titrés ? Ne fautil y voir qu’une simple opération financière ? Outre leur proximité de l’État, nombre de ces nobles occupent les postes les plus influents de l’armée et de la diplomatie. Ils constituent donc un appui important dans les stratégies familiales des hommes d’affaires de Bilbao. Prêter de grosses sommes d’argent à ces personnages équivaut à s’en faire des alliés572. D’ailleurs, d’autres marchands de Bilbao liés professionnellement aux Del Barco, aux Nobia et aux Ruiz, prêtent également de l’argent à ce comte573. Les sommes investies ne sont pas des capitaux morts, car à la première occasion, ils font jouer des relations au plus haut niveau de l’appareil d’État574.
242Quelques-uns de ces importants censos, peuvent de la même façon se retrouver hors des rangs de cette noblesse titrée, en Biscaye même. En 1603, Martín de Larrea, marchand bilbanais domicilié à Nantes, demande à ce que l’on recouvre pour lui les intérêts d’un censo de 5000 ducats de principal qu’il possède sur Teresa Gómez de Martiarto et Antonio Gómez de Butrón y Urquiaga son fils, habitants d’Erandio et Sondica575. En l’occurrence, mais il faudrait conduire une enquête pour s’en assurer, le censo peut signifier une volonté de rapprochement de deux familles distinctes du point de vue de l’implantation géographique (les Larrea étant présents dans la ville et les Butrón et les Martiarto étant deux lignages bien connus de la tierra llana). Le marchand escompte peut-être au travers de ce prêt mettre une part du patrimoine foncier d’un grand lignage de la tierra llana sous son influence. Sans compter que, jusqu’en 1630, les habitants de la ville n’ont pas de représentation officielle aux assemblées (juntas) de la province. Il s’agit donc aussi de gagner par le biais d’alliances d’argent et/ou de sang de l’influence au sein de cette institutions biscayenne. Quoi qu’il en soit, la noblesse, qu’elle ait un titre ou non, ne constitue pas l’unique client de nos marchands, loin s’en faut.
243Des prêts sont consentis à des artisans. Dans ce cas, les relations de dépendance des emprunteurs à l’égard des marchands bilbanais sont assez manifestes. Aparicio de Hormaeche, gros marchand de fer, transforme presque systématiquement ses créances flottantes en censos. Dans ce cas, les rentes signifient le surendettement de l’artisan. La majorité des avances qu’il consent sont en fait des achats anticipés de fer réalisés auprès des forgerons des alentours de la ville. Comme les censos sont garantis par l’hypothèque d’un bien, Aparicio tient ses débiteurs à la gorge et par conséquent contrôle ainsi une part de la production576. La pratique de l’achat anticipé étant courante à Bilbao, comme dans beaucoup de villes d’un peu d’importance, ce genre de censo est certainement répandu. Quoi qu’il en soit, les rentes impliquant des individus de l’entourage sont nombreuses. Des contrats sont rédigés avec des habitants de Munguía, Larrabezúa, Deusto, Begoña, Arrigoriaga, Abando, Lezama577, etc. Qu’ils mettent en cause des artisans ou des non-artisans, ces documents ont la même signification : la domination du port sur les terres alentour. Mais cela n’étonne guère, toutes les villes, un tant soit peu importantes, ayant une certaine emprise sur leur arrière-pays.
244Les marchands de Bilbao peuvent occasionnellement investir dans les censos conclus avec des habitants de Laredo578 ou de Nájera579. Par ailleurs, en vue de l’approvisionnement de la ville, l’alhóndiga de Bilbao prend à censo 1500 ducats de Martín de Arana, lesquels sont donnés à Juan de Otaola afin qu’il les emploie pour acheter du blé580. Ce n’est pas un exemple isolé. En 1584, pour alimenter le pósito de Madrid, la ville signe 36 censos, d’une valeur totale de 30 millions de maravédis environ, avec des habitants de Valladolid, Medina del Campo, Burgos et Bilbao581.
245Pris ensemble, les juros et les censos peuvent représenter jusqu’aux trois quarts du capital de nos hommes d’affaires, la fourchette très ample allant de 1,95 % à 77,2 %, certains marchands n’investissant, bien entendu, aucun argent dans ces placements. Nous retrouvons des caractéristiques similaires chez les négociants de Medina à une différence près toutefois. Mis à part deux cas où la proportion atteinte est de 47,26 % et de 55,93 %582, tous les pourcentages se situent au-dessous d’un tiers du capital total, les marchands les plus riches souscrivant plutôt moins à ces rentes que leurs pairs moins fortunés. Songeons qu’à sa mort en 1597, Simón Ruiz laisse moins de 3 % de son patrimoine en censos et en juros583. À Bilbao, en revanche, les deux plus gros patrimoines sont engloutis aux trois-quarts dans la rente, plusieurs autres étant sacrifiés dans la proportion de 40 % à ces placements de faible rapport. Cela corrobore l’extrême attention que les Basques de Bilbao portent à la finance et aux liens sociaux qu’elle permet de tisser. Dans l’état actuel de nos recherches – mais il faudrait en avoir confirmation – il semble que les Bilbanais aient eu une gestion beaucoup plus stratégique de leur patrimoine que les Castillans.
3. Richesses et pouvoir dans la ville
246La richesse de nos marchands, leur fonction de financiers et les liens qui en découlent les préparent à occuper au sein de la cité et dans le gouvernement des postes de première ampleur. Dès le XIIIe siècle, de nombreuses villes sont dominées politiquement et socialement par les grands marchands584. Bien entendu, cette domination n’a pas été réalisée partout simultanément. La fortune politique des marchands de Bilbao ne date que de la seconde moitié du XVe siècle. Jusque vers 1435, le pouvoir dans la ville de Bilbao est réservé quasi exclusivement aux lignages historiques et ce n’est qu’à partir de cette date que la présence de marchands se fait plus notable585.
247Toutefois, au XVIe siècle, il existe dans la cité du Nervión un degré certain d’identification entre les intérêts des marchands et ceux de la ville. Rien ne symbolise mieux cette union du Conseil de la ville et de l’Université des marchands que le fait qu’ils logent ensemble dans le même édifice, à côté de l’église de San Antón586. D’ailleurs, les postes d’alcaldes (juges municipaux), comme ceux de regidores (magistrats municipaux élus), se trouvent traditionnellement occupés par des membres du consulat de commerce. Précisons que Bilbao, comme les villes basques en général, et à la différence des autres royaumes d’Espagne, échappe à la vénalité des offices et aux magistratures héréditaires. L’occupation des charges, annuelles, fonctionnent selon un système électif auquel participe l’ensemble des chefs de familles qui désignent les regidores. Bien qu’elles confèrent un certain prestige, cette position privilégiée constitue surtout un moyen très sûr pour servir les intérêts de la communauté marchande, car les charges municipales sont une des voies d’autorité les plus directes pour influer sur l’évolution de la vie et de l’économie locales. De même, ces charges locales constituent un tremplin pour obtenir des postes militaires dans l’empire587. Sur 12 regidores que nous connaissons pour les années 1558 et 1560, tous appartiennent à l’Université des marchands de Bilbao588. En 1599, la situation n’a guère changé589. De même, les postes d’alcaldes, font l’objet d’un monopole590. Cela n’est pas un cas particulier. On observe la même situation dans l’intérieur biscayen, à Elorrio par exemple.
248Ruth Pike fait les mêmes remarques pour les marchands de Séville591. Toutefois, dans la cité du Guadalquivir ou à Medina del Campo592, comme dans les autres grandes villes d’Espagne, la prédominance de l’élite marchande dans l’exercice des hautes charges de la ville est certainement moins marquée, moins achevée que dans la petite « république marchande ». La taille de Bilbao en terme de population facilite l’accomplissement des stratégies des marchands. D’ailleurs, la mainmise de ceux-ci sur la ville se vérifie à la première occasion. La peste de 1599 rend compte de l’étroitesse de ces liens593. Le 20 septembre, le conseil municipal décide de procéder à un emprunt sur les riches. Dans la liste établie à cet effet apparaissent d’abord les représentants du Consulat de commerce de la ville (fiel et diputados de la Casa de Contratación) dont la contribution s’élève à 100 ducats. Suivent 24 autres participants. Même si la profession de chacun d’eux n’est presque jamais indiquée, ce que regrette Bartolomé Bennassar, nous avons pu vérifier que tous dirigent des affaires dans le port biscayen. Il y a plus, car comme dans leur activité de commissionnaires actifs, l’occupation des charges municipales ne se limite pas à l’horizon local, mais semble être le propre des Bilbanais et de tous les Basques partout où ils vont : à Logroño, à Ségovie, à Valladolid et à Madrid comme à Séville et à Cadix594. Comme tous les Bilbanais sont hidalgos, ils peuvent facilement prétendre à l’occupation des charges municipales595. Preuve en est le fait qu’à Madrid, certains prétendants au poste de régidor s’inventent une hidalguía en se faisant passer pour Biscayen596.
249Ces positions dans les différents cabildos se combinent avec la détention de charges plus intimement liées à l’État, dans la bureaucratie. Les Basques convoitent et occupent des postes socialement prestigieux, bien souvent dans les finances, ou comme secrétaires du roi597. Malgré leur éloignement, les membres de l’administration royale maintiennent d’étroites relations avec leur lieu d’origine et avec le milieu marchand et guerrier598. Comme dans le cas de leur entrée aux conseils de leur ville d’accueil, l’accès à ces charges gouvernementales est facilité par l’appartenance de ces hommes à la petite noblesse. Traditionnellement ailleurs, les riches marchands doivent, outre la possession d’une richesse considérable, adopter les règles de vie aristocratiques qui « stérilisent » une part considérable de leur patrimoine. Les marchands biscayens et guipuzcoans ne sont pas tenus d’adopter ce mode de vie de type aristocratique, ni pour obtenir l’hidalguía, ni même pour remplir des fonctions bureaucratiques.
250En Amérique, le pouvoir politique ainsi que le pouvoir économique sont à conquérir. À un petit groupe de conquistadores basques, un peu plus de 30 dans un premier temps, s’incorporent bientôt des compatriotes disposés à peupler les nouvelles terres et à faire fortune599. On en connaît au moins 115, arrivés entre 1519 et 1539 qui procèdent de 60 localités différentes du Pays Basque600 et dont certains occupent la charge de regidor après avoir prêté de l’argent, vendu des armes et parfois s’être apparentés aux capitaines de la conquête, basques et non-basques, qui initient le processus de formation de l’aristocratie locale601. Comme si cela était peu, les Bilbanais ayant effectué la longue traversée, entrent également au service de hauts fonctionnaires, évêques et vice-rois, et leur octroient des prêts ou gèrent leurs affaires602. Comme nous l’avons montré, leur concours est souvent requis, car ces hommes agissent souvent dans plusieurs domaines à la fois : dans celui de la guerre, des affaires et de la conquête spirituelle. Dire qu’ils tiennent en leur pouvoir le gouvernement de Potosí, la ville minière la plus riche du monde, suffit à donner une idée globale de leur puissance politique et économique en Amérique, même si en l’occurrence, les Guipuzcoans sont les Basques les plus représentés.
251Il est certain que la place occupée par les Basques dans la politique et l’économie de la Péninsule Ibérique favorise leur installation en Amérique à des postes similaires. Compte tenu de l’éloignement du pouvoir métropolitain et du fait que ses autorités en Amérique sont transitoires et contradictoires dans ses intérêts avec la Couronne et la société coloniale, les réseaux familiaux apparaissent comme des structures de pouvoir politique de longue durée et comme des sources de pouvoir au sein de la société coloniale603. Parvenus aux plus hautes marches du pouvoir, les Basques mènent la politique de leurs intérêts économiques604. La place que ces personnages occupent dans la structure politico-judiciaire locale ou étatique sont, en même temps, des moyens pour l’organisation des affaires, et constituent en partie le cadre institutionnel qui assure le bon déroulement des contrats commerciaux605.
252De toute façon, dans le cas basque, l’occupation des charges qui ont une base locale va de pair avec l’exercice de charges royales ou impériales. Ces hommes sont présents dans le cœur, les veines et les vaisseaux du corps administratif. La correspondance entre les différents échelons du pouvoir politique garantit un appui pour les activités économiques des Basques dans le commerce international606.
253Revenons dans la cité biscayenne pour essayer de découvrir les caractéristiques de la place des marchands dans la cité. Elle tient d’habitude à l’ostentation de richesses pour de nombreuses oligarchies mercantiles. On imite lorsqu’on le peut le modèle aristocratique en portant de belles parures, en faisant bâtir de beaux palais et en donnant des fêtes ou en s’intéressant à l’art, à la bienfaisance. Bien que, dans le domaine foncier, nous ayons souvent procédé à des évaluations et non à une collecte de chiffres bruts, l’investissement des marchands de Bilbao dans l’achat de biens immobiliers va de soi. Les négociants burgalais du Moyen Âge607, les Sévillans du Siècle d’Or608 comme d’autres d’oligarchies européennes, telles que celles d’Italie609, trouvent dans l’achat de terres et la construction de demeures un objet de prestige social de même qu’une source de revenus (dans le cas de locations urbaines comme dans celui de la mise en exploitation de propriétés rurales).
254L’on retrouve ce trait de caractère chez les marchands de Logroño du XVIe siècle qui figurent parmi les plus grands possédants de la ville610. Leurs propriétés, essentiellement constituées de vignes et de terres labourables611, s’avèrent certainement un placement d’un bon rapport tout comme celui des marchands aragonais qui, intéressés au commerce des céréales, investissent dans la terre612. En Biscaye, il en va tout autrement. Nous ne pensons pas que la campagne du littoral basque, essentiellement des montagnes, se conforme au schéma selon lequel elle serait « le gouffre où vont s’engloutir les capitaux urbains »613. Certes les casas-torres que possèdent nos marchands constituent un placement judicieux, mais les terres, en revanche, offrent peu, la triade pommeraies-vignes – châtaigneraies614 occupant la majeure partie du sol cultivé. Il faut préciser que les productions de cidre et de vin répondent à l’avitaillement des bateaux de commerce comme aux commandes royales et qu’elles dépassent, par conséquent, la simple autoconsommation. Quoi qu’il en soit, nous sommes loin des vastes terres céréalières, par conséquent loin d’une spéculation systématique615.
255Dans la majeure partie des cas, nos marchands possèdent néanmoins plusieurs propriétés qui s’élèvent exceptionnellement à 70 % de leur fortune totale616. Assez fréquemment, ces patrimoines fonciers débordent le cadre de la province. Un bon nombre de nos hommes d’affaires expatriés détiennent par exemple des « casas y azienda que están sitas en [...] Sevilla y en Triana » ou encore des terres en Flandre, des demeures aux Indes Occidentales, des oliveraies à Almería et Pechina617, des vignes et des terres céréalières en Navarre618 tandis que d’autres ont des propriétés en Afrique du Nord619 ou des vignes en Rioja620. Ces documents portent en eux une même réalité, selon laquelle la fortune des marchands de Bilbao, et de tous les Basques, est disséminée à travers le monde. Lors de leur passage ou de leur installation dans une contrée étrangère, ils ont su saisir les occasions d’investissements, au XVIe siècle comme au XVIIIe. D’autres, installés à Bilbao, tel Ochoa Saez Lanier, se limitent aux horizons immédiats, et achètent peu à peu des entrepôts, des caves, des écuries, des magasins, quelques pièces de maisons à Bilbao en vue de leur location621. Cette solution ne paraît pas des plus mauvaises puisque Andrés Ruiz en personne, le frère de Simón, se porte acquéreur de plusieurs maisons à Bilbao dans les rues Santiago et San Miguel622.
256Il semble que le marchand bilbanais n’ait pas été systématiquement tenté par le besoin de paraître, mais qu’il ait surtout cherché à faire des investissements pratiques et rentables. En recensant ses propriétés mobilières, cette relative absence d’ostentation est confirmée. À chaque fois qu’il est permis d’entrer dans l’une de ses demeures, nous retrouvons couverts, coupes, pichets et sucriers d’argent, chaînes, médailles, anneaux d’or avec leurs rubis, leurs diamants et autres incrustations de pierres précieuses. Cette forme de thésaurisation est l’une des principales caractéristiques du monde marchand de l’époque623. Parfois la décoration des intérieurs révèle un goût raffiné. Voyez cette tasse d’argent avec deux loups et la croix de Saint-André au milieu, cette carafe « echa en Italia de reliebe y con personages » qui pèse plus d’un kilo, ce camée paré de quatre diamants dont l’illustration est ornée de blanc et de bleu, cet « agnus dei » d’or « esmaltado de azul verde y colorado blanco y negro con sus cristales yluminado con estampas de San Gerónimo y San Joan »624. La nourriture est souvent servie dans des plats d’argent, l’assaisonnement des mets et le vin, dans des vinaigriers, des huiliers et des carafes d’argent dont on orne les tables. Jusqu’aux serviettes qui sont parfois fabriquées à la mode allemande ou flamande, tout dénote une certaine aisance dans la vie quotidienne de nos marchands.
257Arrêtons-nous un instant sur l’ornementation des murs et les effets personnels de ces hommes et de ces femmes. Un grand choix de pièces d’armes n’y est pas rare. Chez Juan Martínez de Recalde apparaît la panoplie du parfait guerrier625. À côté des armes proprement dites, lances, piques, arquebuse, arbalète, et même un cimeterre mauresque (alfanje), nous pouvons voir un plastron d’armure, « una cota de malla », des cuissières, des jambières, des épaulières et même des gantelets. Il est vrai qu’en plus de sa qualité de marchand, Juan Martínez fait office de proveedor general en la costa del mar del poniente. Toutefois, nous retrouvons avec une certaine fréquence des armes dans les inventaires étudiés. Elles mettent en évidence un goût prononcé pour l’art militaire et rappellent les services que le Pays Basque et ses hommes rendent au roi.
258D’autres articles décorent la maison, en faible quantité toutefois : des tapis et des guadamécis626, quelques retables de saints peints à l’huile, et, à l’occasion, un miroir « con sus puertas y armas en ellas de Castilla y Aragón »627. Parfois, quoique rarement, il arrive de rencontrer un retable à l’effigie de la famille ou encore un autel en argent avec ses attributs (le calice et le devant d’autel en tapisserie de soie et de fil d’or), comme chez les Echávarri628. Certains intérieurs possèdent un luxe assez impressionnant. Lors d’un inventaire réalisé en 1611, Juan Pérez de Mújica déclare environ 10 kilos d’or et d’argent en articles divers. De la vaisselle aux parures féminines, tout est représenté629 : des porcelaines gravées de motifs de vénerie, des bracelets d’or, des « agnus dei », deux « librillos de oro », une main d’ivoire avec ses bagues et ses incrustations d’or, un rosaire de corail, des pendants d’oreilles ornés d’émeraudes et de perroquets (« çarçillos de papagayos y esmeraldas »), etc. Les vêtements sont également de toute beauté. Admirons cette « saya entera de raso aprensado y picado de color de rosa seca y entretela de plata guarnecida con cuatro pasamanos de oro », ou encore ce « baquero de damasco de la China de color colombino guarnecido con pasamanos de oro [...] y aforrado en tafetan narangado »630. La même année, chez Lope de Basurto Acha631, consul des marchands de Bilbao, au moins 61 marcs d’argent en pièces de toutes sortes, soit plus de 15 kilos, sont comptabilisés632. Nous retrouvons cet étalage de richesses dans l’inventaire de Martín de Regoitia fait à Gênes pendant l’hiver 1603. Outre des articles que nous venons de citer, trois livres : un sur la vie de Saint Joseph, un autre intitulé « Ludovico Lilos », le dernier étant le « Símbolo de la fe de fray Luis de Granada »633. L’intérêt pour la littérature est très rare chez nos marchands. Malgré de nombreux déplacements, voire de longs séjours à l’étranger, l’on retrouve bien peu de livres dans leur demeure. Diego de Echávarri en est le meilleur exemple. Sa vie aux Pays-Bas au contact des grands marchands de ce monde et son immense fortune n’ont pas eu raison de son peu de goût pour la lecture. Dans son inventaire de biens, comme dans celui de l’écrasante majorité de nos marchands, il n’y a pas un seul livre634.
259Si les intérieurs sont toujours bien pourvus en vaisselle d’argent et bijoux d’or, les objets d’art, mis à part quelques retables, et les œuvres littéraires sont piètrement représentés. À Nájera, petite ville de 4000 habitants, il suffit d’entrer chez un riche marchand, pourtant moins fortuné que certains de ses homologues bilbanais, pour retrouver tout de suite un décor beaucoup plus gai et abondant. 23 tableaux « au pinceau » dans leur cadre d’ébène ou de bois doré, 27 pièces de guadamécis dorés et rouges, des tapisseries de Flandre et 8 tapis de toutes tailles, dont un de Turquie635, agrémentent sa maison. La même remarque vaut pour les négociants de Medina et de Burgos, dont certains possèdent même des instruments de musique636, ou les familles de riches marchands et de letrados fortunés de Logroño que l’on retrouve bien souvent au service du roi637. À Séville, les négociants locaux n’hésitent pas à embaucher les meilleurs artistes et sculpteurs du moment pour décorer leurs chapelles et leurs tombes638. En comparaison, les marchands de Bilbao ont consacré en moyenne 5 %639 de leur patrimoine à leurs biens mobiliers. Ils semblent avoir porté l’accent sur des achats de vaisselle d’argent et de bijoux d’or, luxe que l’on pourrait qualifier « de base » en même temps que forme de thésaurisation, par opposition à un luxe plus raffiné dénotant des traits de caractères particuliers ou une passion, comme celle du jeu ou de la musique.
260Malgré leur richesse, la plupart de nos marchands auront vécu dans des intérieurs dépourvus de faste, presque modestes, attachés, jusqu’à leur dernière heure, à l’image d’un Diego de Echávarri, à ce qui a fait leur fortune : la commission et la marchandise. Ainsi sont laissés aux assoiffés de noblesse l’achat de seigneuries640, les jeux, la musique et les lettres. S’ils participent de façon indéniable à l’économie du Siècle d’Or, ces hommes ne collaborent que de façon très marginale à sa culture. Cette réflexion s’arrête aux marchands de Bilbao qui habitent la ville, car nous avons peu d’éléments sur le mode de vie et la mentalité des autres membres de la diaspora basque.
261La singularité du marchand de Bilbao gagne en précision dès que nous pouvons entrer dans son univers mental. Comme tous les hommes et les femmes de son temps, il se soucie profondément du salut de son âme. Son testament commence invariablement par une longue profession de foi, des achats de messes perpétuelles et autres dispositions pieuses devant être observées par la descendance après sa mort. Cette volonté de racheter ses fautes pour accéder aux côtés du Très-Haut se traduit également par des actes caritatifs. Ce type de donation, sans doute honorable, contribue aussi à redorer le prestige du donateur et de sa famille. À Bilbao comme aux Indes, il n’est pas rare de voir certains marchands laisser une part de leur richesse pour doter des orphelines641. Ainsi, une lettre de procuration datée de 1580 permet à Miguel de Teza, habitant de Bilbao, de procéder à la vente des biens dont il est propriétaire « en la villa ymperial de Potosí del reino del Perú ». Une fois la liquidation accomplie, Miguel demande à ce que la moitié des sommes recouvrées soit employée pour secourir les « Yndios e Yndias huérfanos y pobres necesitados »642. L’année suivante, Domingo Fernández de Trucios, mort à Potosí, laisse 4000 ducats qui sont placés sous l’administration de la ville de Bilbao. La moitié est destinée à marier des orphelines et l’autre moitié à la construction d’une alhóndiga, magasin public géré par la municipalité643. Des mentions identiques datent du début du XVIIe siècle. D’autres marchands basques établis à Rouen font des dons aux pauvres644. Dans tous les testaments qui évoquent ces legs apparaît le double souci de faire bénéficier de ses œuvres la terre natale et la terre d’adoption.
262Si l’on s’en tient aux quantités révélées par nos sources, il semble que les Peruleros originaires du port basque soient plus enclins à délier leur bourse pour de nobles actions que les marchands bilbanais régnicoles, et pas forcément parce qu’ils détiennent une plus grande richesse. En effet, aucune donation de ce type et d’un tel montant n’est à noter à Bilbao. Diego de Echávarri ordonne que le vendredi de sa mort « se dé a cada pobre, hombre o mujer, un quartillo, y a los muchachos y niñas, a cada uno un ochavo »645. Ces sommes ridicules, soit 8,5 et 2 maravédis, dénotent une prodigalité mesurée, a fortiori lorsqu’on connaît l’immense fortune de ce marchand. Songeons qu’à la même époque Simón Ruiz fait construire un hôpital à Medina del Campo. Ces actes de charité ne sont pas réservés aux marchands. En 1604, 329806 maravédis de rente annuelle qui appartiennent à Lope de Pila, comptable habitant de Bilbao, sont utilisés pour doter cinq orphelines646. Malgré la richesse de certains d’entre eux, les marchands bilbanais ne paraissent pas, dans l’ensemble, avoir beaucoup contribué à l’amélioration des conditions de vie de leur prochain. Bien souvent, les riches se sont contentés de fonder une chapellenie pour glorifier le nom de leur famille. À ce sujet, le testament de Sancho de Bilbao est très évocateur. Sa requête est d’être enterré dans le monastère de San Francisco à Bilbao, dans la chapelle, « que llaman de los de Bilbao »647, comme il l’écrit en 1590. Notons toutefois que dans les comptes des perceptions d’avaries du consulat de commerce de Bilbao une somme est prélevée pour le secours des pauvres.
263Plusieurs éléments ressortent de ce dernier chapitre. Tout d’abord, en dépit de la richesse accumulée par certains d’entre eux, les marchands de Bilbao semblent avoir bien peu dissipé leur patrimoine, ou avec beaucoup de modération, dans la charité, la mode et les fastueux banquets de leur temps. Dotés d’un savoir pragmatique, souvent partis du bas de l’échelle sociale, endurcis par les aléas de la mer, aventuriers, peu soucieux du grand train de vie noble, ces hommes laborieux et austères ont associé, autant qu’il leur était possible de le faire, commerce et exercice du pouvoir. Bien entendu, cette mentalité d’entrepreneur que l’on note chez les Basques de Bilbao comme chez ceux qui gèrent leurs affaires depuis Séville et Cadix ne constitue pas une règle infrangible pour les marchands basques648.
Conclusion
264La participation de Bilbao et de ses hommes à la création du monde moderne est à la fois d’ordre économique et politique. Leur dynamisme industriel, maritime et commercial, la solidité et la polyvalence d’un réseau d’affaires tissé sur l’échiquier international, synthétisent l’apport bilbanais et basque au développement de l’Espagne moderne et sa participation à la domination économique universelle de l’Europe occidentale dans sa phase initiale.
265Tandis que certains auteurs doutent de l’essor économique espagnol au Siècle d’Or ou le nient649, nous pouvons affirmer que le Pays Basque croît, avec des oscillations et des rythmes divers, durant les 60 ou les 70 premières années du XVIe siècle et que le marché de son principal port, Bilbao, ne décline véritablement qu’au début du XVIIe siècle. Par ailleurs, l’on attribue généralement à la Séville de Charles Quint, point de réception de l’or et surtout de l’argent du Nouveau Monde, la place centrale dans les royaumes d’Espagne lorsque ce n’est pas en Europe650. Les trésors américains lubrifieraient les échanges européens et contribueraient au développement de l’économie européenne651. Dans ce schéma, le commerce avec l’Amérique aurait une incidence déterminante sur le développement du commerce européen et assignerait à l’Espagne un rôle de transmission passive.
266À l’intérieur des royaumes d’Espagne, ce primat de Séville sur les autres ports n’a pas, à notre connaissance, fait l’objet de contestations scientifiques. Pierre Chaunu affirme que l’axe Medina del Campo-Burgos-Bilbao rétrocède devant l’axe Burgos-Medina-Séville à partir de 1530652. L’explication donnée par cet auteur, à savoir que l’émigration du Nord de la Péninsule vers le Sud démontre le déplacement du centre économique des royaumes d’Espagne vers Séville653 paraît insuffisante. Il semble excessif de considérer cette « ruée vers l’or » des marchands basques et burgalais vers l’Andalousie comme une rupture avec les terres du nord de l’Espagne. La communauté basque installée à Séville n’est qu’un chaînon de l’immense réseau que Biscayens, Guipuzcoans, Alavais, Navarrais et Castillans tissent en Europe et en Amérique, et dont l’un des principaux centres de commerce, au moins jusque dans les années 1560-1570, est le Pays Basque, et Bilbao en particulier.
267Burgos, pour sa part, au plus fort de son activité, vers 1540-1550, reste fidèlement attachée à l’économie du Nord. La captation de la Vieille-Castille et des provinces du Nord par la métropole andalouse est à nuancer. L’ensemble basco-burgalais, dont la collusion des forces remonte au XIVe siècle, ne se démantèle pas après la découverte des richesses du Nouveau Monde. Des facteurs sont envoyés à Séville pour étendre l’éventail des affaires envisageables mais il ne s’opère pas une rupture avec la façade nord. Tout se passe comme si l’ancien axe (Medina del Campo-Burgos-Bilbao) intégrait le nouvel axe (Burgos-Medina-Séville). Plus que d’une substitution, il a été question dans un premier temps d’une extension des réseaux commerciaux. Loin d’oublier leur relation multiséculaire avec le Pays Basque, et Bilbao notamment, les contrées du canal de la Manche, de la Mer du Nord ainsi que la France continuent d’acheminer une grande partie de leurs marchandises vers le Nord de l’Espagne. Le commerce portuaire de l’Atlantique espagnol n’est pas régi par un seul centre. Séville n’est pas le centre de la vie européenne dans la première moitié du XVIe siècle, comme le suggère Immanuel Wallerstein654 pour la simple raison qu’il n’est même pas le centre de la vie espagnole. L’influence de la découverte de l’Amérique sur la structure du commerce espagnol et européen a été progressive et assez tardive. Il a fallu attendre près de trois-quarts de siècle pour que l’Andalousie prenne le pas sur la façade basque et cantabre dans le domaine marchand. L’Amérique n’a pas eu un poids suffisant pour renverser tout d’un coup l’ancien équilibre. En ce qui concerne le commerce de la marchandise, Bilbao tient une place aussi importante que Séville, au moins jusqu’aux années 1560-1570. Le commerce atlantique espagnol s’articule autour de plusieurs points névralgiques : Bilbao, Lisbonne et Séville. Cette résistance est due non seulement à un commerce international en expansion, mais surtout au développement interne des forces industrielles et commerciales basques, navarraises et castillanes655.
268Dans les royaumes d’Espagne, la croissance économique ne concerne donc pas uniquement l’Andalousie et la Castille comme tendait à le démontrer l’historiographie traditionnelle, d’autant que la croissance se manifeste aussi dans la Couronne d’Aragon656. Cela va dans le sens d’une croissance polynucléaire dans les royaumes d’Espagne qui trouve sa réplique à l’échelle européenne si l’on en croit Bartolomé Yun Casalilla657. Quelle incidence cette réalité a-t-elle sur la géographie du commerce européen ? Il ne semble pas que la vie économique du début de l’époque moderne ait été exclusivement organisée autour de la Méditerranée, de la Mer du Nord et de la Baltique658. Les royaumes d’Espagne ainsi que la France, un de ses partenaires indispensables, ont eu leur mot à dire. De même, il paraît exagéré d’écrire que durant la première partie du siècle, Anvers est au centre de toute l’économie internationale659 car chaque port d’un peu d’importance est au centre d’un système commercial. Personne ne trouvera à redire à la primauté d’Anvers dans la première moitié du XVIe siècle, mais la cité de l’Escaut n’est pas seule à croître. Un chapelet de ports connectés à des zones productives se développe le long de toute la façade atlantique. Ils tiennent des places de choix dans les échanges européens. Bilbao donne la réplique à Séville, Rouen à Anvers660, sans compter Bordeaux et Nantes qui emboîtent le pas. Chacun de ces ports, connecté avec l’intérieur, a sa production à offrir : Bilbao, le fer, la construction navale, les laines castillane et navarraise, les produits de la pêche ; Rouen et Nantes, les draps, les toiles, le papier et le blé ; Bordeaux, le pastel, le vin. L’économie européenne s’articule et croît en divers points.
269Revenons en terre basque. Si nous raisonnons en termes de contribution, quelle part prend le Nouveau Monde dans le développement de la Biscaye ? Répondre à cette question est fondamental puisque certains auteurs affirment que le capitalisme commence à acquérir sa forme moderne quand les États du « centre » de l’Europe occidentale établissent une hégémonie commerciale dans l’économie mondiale des XVIe et XVIIe siècles. Le travail forcé de la « périphérie » (Amérique Latine et Europe orientale) crée les excédents économiques postérieurement transférés en Angleterre, aux Pays-Bas et dans le nord de la France661. Que peut apporter l’étude du commerce de Bilbao dans ce domaine ? Le dynamisme du commerce portuaire de Bilbao est essentiellement basé sur des produits d’Europe occidentale. Les articles échangés (pour l’essentiel matières premières espagnoles contre produits manufacturés européens) démontrent que l’apport des produits coloniaux est a priori très réduit dans la croissance du commerce de Bilbao, ce qui tend à conforter l’idée que les échanges avec l’Amérique sont secondaires par rapport aux échanges intra-européens. Mais nous avons dit ce que cette croissance devait aux productions industrielles du pays qui fleurissent avec les guerres et le développement de la Carrera de Indias orchestrés par l’État. Les trésors américains subventionnent donc le dynamisme d’un pan de l’économie basque662. Par ailleurs, l’exploitation minière des Basques en Amérique produit d’énormes bénéfices donnant lieu à des transferts d’argent d’Amérique au Pays Basque par l’intermédiaire andalou. Si les métaux précieux ont activé la croissance du Pays Basque, ils ne sont pas pour autant les détonateurs de cette croissance. Ils l’entretiennent, tout au plus. Bien que non négligeable, la part des excédents américains n’a pas dû être décisive. L’infériorité en volume et en valeur du commerce américain par rapport aux échanges intra-européens ainsi que les guerres auxquelles l’argent américain sert de combustible limitent sérieusement l’influence du Nouveau Monde dans l’essor de l’Europe. Ces deux points ne concordent pas avec la théorie d’Immanuel Wallerstein d’après laquelle le développement du capitalisme moderne au centre est imputable à plusieurs siècles d’extraction de l’excédent de la périphérie, le centre se restreignant aux Pays-Bas, à l’Angleterre et au nord de la France663. C’est peut-être avoir une vision réductrice de la vie économique dont le jeu complexe se prête mal à l’analyse systémique.
270L’importance du réseau de commerce et de pouvoir que contrôlent les Bilbanais au XVIe siècle leur confère une dimension de première importance. Aux côtés des gens d’affaires de Burgos avec lesquels ils coopèrent, ils constituent l’un des ferments de maturité du milieu marchand européen. Le succès des entrepreneurs de Bilbao survit à la baisse de régime de l’économie castillane. Le réseau, doué d’une « capacité caméléon », s’adapte aux changements de la conjoncture. Ainsi, dans les dernières décennies du XVIe siècle, après la vague de troubles qui secouent les relations entre la France, les Pays-Bas et l’Angleterre d’un côté, et la Biscaye de l’autre, les marchands de Bilbao raffermissent leurs liens avec la Péninsule Ibérique et le Nouveau Monde, investissent dans les productions castillanes et basques, et dans de nombreux produits financiers.
271La réalité économique du commerce dirigé par les Basques est une réalité morcelée, basée sur la dispersion des forces économiques avec une forte composante portuaire. Ce modèle de développement facilite le déplacement des capitaux vers les secteurs porteurs du moment et permet ainsi d’éviter les crises. Quand l’occasion se présente, les capitaux refluent vers l’économie de la terre d’origine. Comme nous venons de le voir, la baisse des échanges avec le nord-ouest européen dans le dernier quart du XVIe siècle et la crise qui frappe le marché de Bilbao au début du XVIIe siècle ne sonnent pas le glas du réseau commercial dont la reconversion vers les marchés portugais, castillans, andalous et américains et vers les productions basques et castillanes a sauvegardé le mécanisme, et peut-être même accru la compacité, dans la mesure où d’autres Basques, Guipuzcoans en bonne partie, contrôlaient les courants d’échange entre les différentes zones. Par ailleurs, dans le dernier quart du XVIe siècle, les Bilbanais investissent de plus en plus dans la finance, et notamment dans les affaires d’assurances maritimes et de prêts à la grosse aventure, à Bilbao, comme à Santander ou à Laredo. En parallèle, ils font également des avances d’argent aux Basques français qui partent pour Terre-Neuve. À cet égard, les marchands bilbanais adaptent le type de contrat, notamment dans le domaine du prêt maritime, à la conjoncture troublée de la fin du siècle. Le maniement précoce et habile des outils de l’échange, qui remonte à leur incursion en Méditerranée et à leurs voyages atlantiques au Moyen Âge, leur permet de posséder une certaine avance en matière technique que les terrestres ne possèdent pas forcément.
272La puissance de l’économie bilbanaise comme la capacité de reconversion vers de nouveaux secteurs de ces acteurs renvoient à l’analyse de leurs liens sociaux et à la politique sociale de argent qu’ils réussissent à organiser. En effet, dans le domaine commercial, les Bilbanais parviennent à manipuler leurs relations d’affaires. Les germes de cette manipulation se trouvent dans la guerre comme dans les négociations successives des Biscayens avec les monarques dont dépendent les conflits. Cette utilisation stratégique des liens sociaux est une tradition dans une seigneurie luttant pour préserver ses fors et ses libertés et restant en même temps fidèle à son seigneur, le roi. La politique sociale des Bilbanais s’opère notamment au moyen de prêts. Les prêts et les conditions tarifaires avantageuses que l’intermédiaire-marchand bilbanais concède à son patron lui donnent la possibilité d’établir une relation durable dont les Basques vont tirer le meilleur profit. Ainsi, par exemple, ils peuvent envoyer leur progéniture chez des parents de leurs patrons castillans installés à l’étranger pour une formation commerciale. Ces apprentis-marchands deviennent bientôt les commissionnaires de leur famille d’accueil, à l’égard de laquelle ils octroient, tout comme leur père à Bilbao, des avances d’argent dès que l’occasion se présente. Père et fils sont associés et gèrent par ailleurs des affaires pour leur propre compte en utilisant à leur profit les informations et les opportunités de négoce qu’ils obtiennent de la gestion d’une partie des affaires de leur patron. Il s’ensuit que les intermédiaires bilbanais contrôlent des points de transit du commerce, manipulent et concurrencent leurs commettants. Par ailleurs, au-delà du cadre familial, le groupe bilbanais, fort des prérogatives qui lui ont été données par le roi en contrepartie de ses services militaires, agit de façon très solidaire pour conforter et proroger les privilèges qui façonnent son identité. Ainsi, pour son commerce, le groupe fait appel aux intermédiaires établis à l’étranger ou en Castille et n’entre en contact avec les Castillans que par l’intermédiaire de ces personnages importants qui dirigent souvent les institutions marchandes biscayennes et/ou castillanes à Bruges, à Anvers ou encore à Burgos. Cette sollicitation permanente du groupe envers des compatriotes évite la fuite de capitaux hors du cercle bilbanais. Les commissions payées à chaque fois qu’un navire est assuré, qu’une prise de risque est signée à l’étranger, qu’une lettre est tirée ou acceptée, restent entre des mains bilbanaises tandis que les Castillans alimentent en commissions diverses leurs intermédiaires basques. Ce réseau d’intermédiaires puissants installés à Bilbao et à l’étranger est sans cesse soudé par les va-et-vient des maîtres de navires de Bilbao dont les activités de transporteurs commerciaux et de capitaines guerriers quadrillent l’Europe et renouvellent les relations d’affaires des « terrestres ». Lorsque les Bilbanais qui résident dans le port ne peuvent pas faire appel à un des leurs, un autre niveau de solidarité apparaît, moins puissant que celui de la famille ou du groupe bilbanais, mais cependant bien réel. C’est le sentiment d’appartenance à une même communauté, à une même ethnie qui lie jusqu’à un certain point les Basques du monde entier.
273Mais les stratégies de l’argent de nos marchands touchent tous les groupes sociaux, aussi bien la haute noblesse que des paysans aisés ou des artisans. Des rentes constituées portent souvent sur les patrimoines de ducs et de comtes qui organisent la guerre. Elles activent ou confortent des liens sociaux dont les marchands profitent pour accéder aux charges administratives les plus variées et obtenir toute sorte d’avantages. À ce sujet, une particularité retient l’attention : ces prêts sont octroyés non par des individus, mais par divers membres castillans et bilbanais appartenant au même réseau commercial. Ces rentes, comme les juros et les asientos que les financiers bilbanais concluent avec le roi, s’intensifient dans les années 1570-1580, au moment même où le trafic marchand est fortement perturbé par les guerres. Elles signifient une reconversion partielle d’une économie commerciale vers une économie guerrière. Ce n’est certainement pas un hasard si de 1580 aux années 1620-1640 environ un navire de guerre sur deux est construit en Pays Basque. Grâce aux commandes royales, les chantiers navals et les fabriques d’armes biscayens et guipuzcoans tournent alors à plein régime, au moins jusqu’au début du XVIIe siècle.
274Le cas basque démontre le besoin de s’attacher à des études « simultanées » lesquelles, afin de cerner les activités d’un port, ou celles d’un groupe de marchands, nécessitent plusieurs observatoires. La considération des activités de chaque colonie à l’extérieur de la terre natale est le seul moyen de recréer la complexité d’une économie portuaire particulière et de mettre à jour les logiques de fonctionnement d’un groupe d’entrepreneurs. À ce titre, l’importance du port de Bilbao et l’enrichissement insoupçonné de ses marchands au XVIe siècle, difficiles à détecter a priori, sont fertiles en enseignements664.
Notes de bas de page
1 Pour un exemple sur le fonctionnement de ces divers types de liens, je renvoie le lecteur au travail de M. Bertrand, Grandeur et misère de l’office. Les officiers de finances de Nouvelle-Espagne, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, 1999.
2 En somme, il n’est pas question de faire l’analyse d’un réseau total, selon la terminologie de Banton reprise par Zacarías Moutoukias, c’est-à-dire de reconstituer tous les types de liens entre les individus, voir Z. Moutoukias, Negocios y redes sociales : modelo interpretativo a partir de un caso rioplatense (siglo XVIII), C.M.H.L.B. Caravelle, no 67, 1997, p. 37-55. Le type des sources utilisées (protocoles notariés) ne nous a pas permis de reconstituer l’ensemble des liens sociaux des familles de marchands que l’étude de procès et de registres paroissiaux aurait sans doute utilement complété. C’est essentiellement à partir de cette documentation que Giovanni Levi a écrit son livre, L’eredità immateriale. Carriera di un esorcista nel Piemonte del seicento, Turin, G. Einaudi, 1985.
3 H. Casado Alonso a écrit sur les marchands de Burgos une longue série d’articles dignes d’intérêt (cités en bibliographie générale). J. I. Gómez Zorraquino, pour sa part, a centré son travail sur les marchands aragonais, La burguesía mercantil en el Aragón de los siglos XVI y XVII (1516-1652), 1987. Voir aussi F. H. Abed Al-Hussein, Trade and business..., 1982 ; R. Rodenas-Vilar, Vida cotidiana y negocio en la Segovia del Siglo de Oro-El mercader Juan de Cuéllar, 1990 ; H. Lapeyre, Une famille de marchands : les Ruiz, 1955.
4 J. Amelang, La formación de una clase dirigente : Barcelona, 1490-1714, 1986 ; E. Vila Vilar, Los Corzo y los Mañara : tipos y arquetipos del mercader con América, 1991 ; J. A. Azpiazu, Sociedad y vida social vasca en el siglo XVI. Mercaderes guipuzcoanos, 2 tomes, 1990. L. García Fuentes, Sevilla, los Vascos y América, 1991 ; J. P. Priotti, Los Echávarri : mercaderes bilbaínos del Siglo de Oro, 1996.
5 À Séville, il ne semble pas que l’activité des marchands locaux soit dominante, loin s’en faut, R. Pike, Aristócratas y comerciantes. La sociedad sevillana en siglo XVI, 1978. Cet auteur signale tout de même qu’après 1540, le rôle des Génois, des Castillans et des Basques est en baisse au profit des Sévillans. Cependant, à la fin du siècle, le commerce est dominé par les non-Sévillans, voir A. M. Bernal, La financiación de La Carrera de Indias (1492-1824), 1992.
6 En ce qui concerne le Pays Basque, cette affirmation se trouve dans H. Lapeyre, El comercio..., p. 181. J. A. García de Cortázar qui analyse la situation à la fin de l’époque médiévale hésite à considérer les habitants de Bilbao comme des marchands à part entière, Sociedad y poder en la Bilbao medieval, dans Bilbao : Arte e Historia, 1990, p. 21-2. Dans Navegación y comercio en el Golfo de Vizcaya, L. Suárez Fernández écrit que les Basques se limitent à un rôle de transporteurs, p. 110. Pour le XVIe siècle, M. Basas Fernández continue à les juger comme des marins plutôt que comme des marchands à part entière, El esplendor del comercio bilbaíno durante el siglo XVI, dans Bilbao : Arte e Historia, p. 60. E. Lorenzo Sanz est également de cet avis en ce qui concerne les Basques de Séville puisqu’il affirme que cette communauté s’est mise en valeur par ses activités de transport et non en tant que mercaderes indianos, voir Comercio de España con América en la época de Felipe II, 1979-1980, t. I, p. 285. Dans son beau livre L’Europe et la mer, 1993, p. 123, M. Mollat se fait l’écho de cette dichotomie et divise les activités de la communauté ibérique aux Pays-Bas en deux lorsqu’il écrit que les Burgalais font du commerce tandis que les Biscayens et les Catalans assurent le transport maritime. Voir aussi I. Mugartegui Eguía, Las actividades de intermediación : transporte y comercio del País Vasco marítimo a finales del siglo XV, dans El Pueblo Vasco en el Renacimiento (1491-1521), 1990, p. 112-3.
7 G. Jackson, Methodology and port history, dans Segundas Jornadas de Estudios Portuarios y Marítimos, 1996, inédit.
8 Les grands marchands seraient castillans ou étrangers et l’activité des Basques dans leurs ports se réduirait le plus souvent à surveiller, embarquer et décharger les marchandises. Nous verrons que ce n’est pas le cas. Par ailleurs, les Basques exerceraient depuis toujours une domination exclusive sur le commerce du fer, ce qui n’est pas exact puisque les Castillans possèdent des forges en Pays Basque et en commercialisent la production. En outre, pour les Basques, l’accumulation des bénéfices provenant du commerce serait rare et concentrée par les marchands de fer, L. M. Bilbao Bilbao, Crisis y reconstrucción..., p. 160. Cette affirmation est par trop excessive. Un des plus grands marchands de Bilbao au XVIe siècle, Diego de Echávarri, ne pratique que marginalement le commerce du fer.
9 Dans sa vision d’ensemble des mouvements migratoires à moyenne distance, E. Fernández de Pinedo affirme que la pauvreté de ces zones de montagne est la cause principale de l’émigration basque, Los movimientos emigratorios medium distance vasco-navarros, 1500-1900 : una visión de conjunto, dans Primera Conferencia Europea de la Comisión Internacional de Demografía Histórica, 1993, p. 186, p. 198. T. García Giráldez se fait l’écho de cette explication, La formación de las redes familiares vascas en Centroamérica, 1750-1880, dans Emigración y redes sociales de los Vascos en América, 1996, p. 317. Nous verrons plus avant que le cas des familles marchandes s’accommode peu de cette affirmation. Par ailleurs, en 1996, dans l’introduction d’un ouvrage consacré à l’émigration des Basques en Amérique et à leur participation dans l’économie du Nouveau Monde, les éditeurs avancent l’idée qu’à partir de 1492 l’Amérique est devenu « le champ d’irradiation le plus fécond pour la vitalité de ce peuple », R. Escobedo et alii, Comerciantes, mineros y nautas. Los vascos en la economía americana, 1996, p. 9. Cette affirmation, par trop exagérée, fait bon marché de l’émigration basque vers l’Europe qui a connu un essor très important pendant la majeure partie du XVIe siècle. Bien qu’avec moins d’acuité, ces flux migratoires vers les pays européens se sont prolongés aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.
10 Selon les cas, la descendance de ces familles suit une formation dans la Péninsule Ibérique ou à l’étranger, qui comprend l’apprentissage de langues étrangères et du commerce.
11 On lira au sujet de ces relations entre migrants et société d’origine, les pages que Laurence Fontaine a consacrées à l’activité des colporteurs, Histoire du colportage en Europe, XVe-XIXe siècle, 1993, p. 121 et suiv.
12 Pour le XVIe siècle, je me permets de renvoyer le lecteur à mes travaux, Los Echávarri : mercaderes bilbaínos del Siglo de Oro, 1996 ; Commerce et finance en Flandre au XVIe siècle : les activités de Diego de Echávarri, consul de la nation de Biscaye, Handelingen van het Genootschap voor Geschiedenis ‘Société d’Émulation’ te Brugge, 1995, p. 81-95 ; Mercaderes vascos y castellanos en Europa durante el siglo XVI : cooperaciones y rivalidades, dans Castilla y Europa. Comercio y mercaderes en los siglos XIV, XV y XVI, 1995, p. 265-83 ; Guerre et expansion commerciale : le rôle des Basques dans l’empire espagnol au XVIe siècle, Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, no 48 2/3, 2001, p. 51-71. Pour le XVIIIe siècle, P. Gonzalbo Aizpuru, Familias vasco-novohispanas, dans Emigración y redes sociales de los Vascos en América, 1996, p. 275 et suiv.
13 De nombreux Basques, installés aux Pays-Bas, commercent à la fois avec le Pays Basque et l’Andalousie. On pourrait faire la même remarque pour la colonie basque installée à Nantes et à Rouen. À Séville, les Basques tirent profit des vins et de l’huile andalouse qu’ils envoient en Amérique. Qui plus est, un courant commercial unit le Pays Basque et l’Andalousie : le fer et les toiles à l’aller, les cuirs, l’huile et les vins au retour.
14 De cette habilité à contrôler l’espace dépend la bonne marche des affaires ; la proximité des compatriotes et l’éloignement des associés qui appartiennent à la famille paraît être la formule idéale, P. Gonzalbo Aizpuru, art. cit., p. 276.
15 Sitôt l’Amérique découverte, les équipages basques ainsi que leurs capitaines transportent à bord leurs propres marchandises, voir E. Otte, La flota de Diego Colón. Españoles y Genoveses en el comercio trasatlántico de 1509, 1965, p. 482 et suiv.
16 Au début du XIXe siècle, la profession de colonel d’artillerie exercée par des familles basques en Amérique centrale masque une importante activité commerciale, d’après le tableau réalisé par T. García Giráldez, art. cit., p. 337.
17 Au XVIIe siècle, Martín de Veytia, comptable de Veracruz, doit son arrivée en Nouvelle-Espagne à un compatriote de Saint-Sébastien exerçant comme commerçant, et dont il était l’assistant, M. Bertrand, Grandeur et misère de l’office. Les officiers de finances de Nouvelle-Espagne, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, 1999, p. 211-2.
18 Selon la terminologie utilisée par Mills et Domhoff, cité par T. García Giráldez, art. cit., p. 324.
19 L’intérêt d’un travail sur les huéspedes de Bilbao a été souligné par M. Basas Fernández, Linajes vascongados en la Universidad de mercaderes de Burgos, BIFG, 1964, p. 115.
20 A.H.P.U.V., C 8-179, B.B. à S.R., 24/08/1569.
21 De 4 à 8 maravédis par fardeau.
22 Il s’agit sûrement du droit perçu par les pilotes qui guident les naves au long de la ría, des bancs de sable de Portugalete à Bilbao.
23 A.H.P.U.V., C 28-157, B.B. à S.R., 3/05/1576.
24 Ibid.
25 Ibid., C 114-239, B.B. à C.R. et L.A., 24/11/1587.
26 Il s’agit vraisemblablement de locations d’entrepôts. Le tarif est passé de 10-12 à 40 ducats.
27 A.H.P.U.V., C 114-235, B.B. à C.R. et L.A., 3/11/1587.
28 Ibid. C 106-259, B.B. à S.R., 30/05/1586. « Ainsi, il me paraît qu’en toute conscience vos grâces sont obligées de payer notre travail conformément aux usages ». Il faut ajouter qu’au cours de notre période les usages relatifs au paiement de l’ostelaje ont varié. En 1527, le travail de l’hôte n’est pas rémunéré par fardeau mais le plus souvent par pièce ou douzaine de pièces, voir arancel antiguo de ostelaje publié par T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., note p. 176.
29 Ibid., C 13-76, B.B. à S.R., 13/11/1571 ; C 18-67, B.B. à S.R., 27/02/1573.
30 Ibid., C 13-65, B.B. à S.R., 20/04/1571.
31 Ibid.
32 Le poisson frais dont on ne peut retarder l’envoi provoque l’inflation des prix du transport et par conséquent oblige les expéditions de produits non périssables à être différées.
33 Ibid., C 4-42, M.B. à S.R., 22/02/1566.
34 Ibid., C 39-216, B.B. à S.R., 27/09/1578, C 114-177, B.B. à C.R. et L.A., 14/03/1587. Il est vrai que Alejandro de Echávarri, autre marchand réputé à Bilbao, touche une commission de 1,6 % sur la cire négociée pour ses patrons et que les Salamanca ont un facteur à Séville qui perçoit une commission de 1,5 %, A.S.M.R.L., source citée ; C. Jones Mathers, Family partnerships and international trade in the early modern Europe : merchants from Burgos in England and France, 1470-1570, Business History Review, 1988, p. 388.
35 L’avería est un droit perçu par le consulat sur les marchandises qui quittent ou arrivent dans le port. À ce sujet, voir T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., p. 84 et suiv.
36 À de nombreuses reprises, l’argent dû par Simón Ruiz à Bartolomé del Barco pour le règlement de ces frais doit être payé à Francisco de Nébrèze ou à Hilaire de Bonnefont pour lui, Bartolomé ayant tiré une lettre de change sur ces derniers afin de ne pas avancer des sommes trop importantes (A.H.P.U.V., C 13-51, C 8-208, etc.). Sharon Kettering aboutit à des conclusions voisines pour la France dans le domaine politique. Oppède, client et broker de Mazarin, réussit là où un autre échoue, car il est capable de prêter et de donner de l’argent, ainsi que d’avoir un accès privilégié au crédit pour ses patrons ou les clients de ses patrons. La volonté de prêter de l’argent augmente l’utilité du client et les faveurs du patron. D’où la nécessité de s’endetter, Patrons, Brokers, and Clients in Seventeenth Century France, New York-Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 48
37 Il en a d’autres à Lille, en Zélande (Dominicus Van Uffeln en 1594), à Hambourg, Francfort, Rouen, Besançon, Lyon, Burgos (García del Peso), Lisbonne, Séville et Venise, V. Vázquez de Prada, op. cit., t. I, p. 229-30.
38 Pour ne parler que des chargements importants, notons que 349 pains de cire ont été reçus puis répartis par Alejandro, en janvier 1598, chez Juan de Albear Salazar, Antonio de Uribarri et Paolo de Hertogue, habitants et résidents de Bilbao, pour le compte de Martín Pérez de Varrón et que 49 1/2 fardeaux, encore de cire, appartenant à Dominicus van Uffeln et Martín Pérez de Varrón ont été réceptionnés par notre marchand en avril 1598. Dominicus van Uffeln est originaire d’Anvers et résident de Hambourg. À la fin du XVIe siècle, il compte parmi les marchands qui importent le plus grand nombre de draps anglais de Londres ou de Stade à Hambourg, W. R. Baumann, The Merchant Adventurers and the Continental Clothtrade (1560s-1620s), 1990, p. 244.
39 V. Vázquez de Prada, op. cit., t. I note 80 bis, p. 34.
40 Ce Flamand ne nous est pas inconnu puisqu’il était déjà chargé, en 1591, de percevoir les intérêts des rentes que Diego père possédait en Flandre.
41 Les fonds produits par la cire et autres marchandises chargées dans des yoles à Hambourg par Lukas Beckmann, pour François van der Willighen d’Anvers, doivent être recouvrées par Francisco de Bobadilla à Madrid ou Juan de la Carrera à Séville (A.S.M.R.L., source citée). En 1591, Lukas est chief Elder de la guilde des drapiers-détaillants et des marchands de draps, W. R. Baumann, op. cit., p. 248. Par ailleurs, un certain Barthold Beckmann est en relation avec Johann van Eckeren et Louis de Boyleux de Cambrai qui habitent à Bilbao, H. Kellenbenz, Die Fremden Kaufleute auf der iberischen halbinsel vom 15. jahrhundert bis zum ende des 16. jahrhunderts, dans Kölner Kolloquien zur internationalen sozial-und Wirtschaftsgeschichte Band 1 Fremde Kaufleute auf der iberischen Halbinsel, 1970, p. 315.
42 M. Basas Fernández donne la liste non limitative d’une quinzaine de marchands burgalais qui utilisent les services de Bartolomé del Barco. À titre d’exemple, Martín de Guemes sert 5 marchands tandis que Bartolomé de Catalinaga représente 7 marchands burgalais, Linajes vascongados en la universidad de mercaderes de Burgos, BIFG, 1964, p. 114-5. Pedro de Agurto a quelque 18 commettants et parmi eux 5 Génois, 1 Tolédan, des Burgalais, etc., T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., p. 176 et suiv. Comme on peut l’apprécier, cette activité est fondamentale pour la formation d’un réseau.
43 Nous avons eu l’occasion de brosser un premier tableau de ces luttes commerciales dans Mercaderes vascos y castellanos en Europa durante el siglo XVI : cooperaciones y rivalidades dans Castilla y Europa. Comercio y mercaderes en los siglos XIV, XV y XVI, 1995, p. 265-83.
44 A.H.P.U.V., C 81-74, F.A. à S.R., 18/11/1583.
45 Le cas des Bilbanais n’est pas une exception. La fortune des Vénitiens s’établit à partir de ce type de services. Au début, les marchands vénitiens étaient essentiellement des agents (brokers) qui fournissaient des services commerciaux, F. Mauro, Merchant communities, 1350-1750, dans The rise of merchant empires : long-distance trade in the early modern world, 1350-1750, 1990.
46 En Amérique, en raison de leur importance dans la Carrera de Indias, les Basques se livrent également au travail commissionné, L. García Fuentes, Factores vascos en los galeones de Tierra Firme (1580-1630), dans Comerciantes, mineros y nautas. Los vascos en la economía americana, 1996, p. 171-202.
47 F. Braudel, Civilisation..., t. II, p. 336.
48 B. Caunedo del Potro, Mercaderes castellanos en el Golfo de Vizcaya (1475-1492), 1983, p. 83. Des nombreux exemples de cette double activité de marins et de marchands sont contenus dans W. R. Childs, Anglo-Castilian trade in the later Middle Ages, 1978, p. 228 et suiv.
49 Ne donnons qu’un exemple. À la mort de Pedro de Alango, pilote de la Carrera de Indias et originaire de Bilbao, 500 marcs d’argent qui procèdent de ventes de vin reviennent d’Amérique à son nom, A.G.I.-Contratación, leg. 242, N1 R8. Voir également E. Otte, La flota de Diego Colón. Españoles y Genoveses en el comercio transatlántico de 1509, 1965, p. 482-503.
50 A.M.B., Cartulaire de l’ancien consulat d’Espagne à Bruges : actes civils de Pedro de Paredes, 1544-1547.
51 C’est le cas lorsque les Génois commercent avec le sel d’Ibiza, voir J. Heers, Le commerce..., p. 313. En Catalogne, les patrons basques participent plus activement au commerce catalan et y sont plus intimement mêlés qu’à celui des Génois, ibid., p. 317 et 323.
52 La correspondance de Bartolomé del Barco et de ses employés basques avec Simón Ruiz est rédigée en castillan. Le brouillard de Alejandro de Echávarri est écrit en langue castillane. On pourrait aisément multiplier les exemples.
53 Juan de Aguirre, qui a résidé pendant longtemps aux Pays-Bas, dit savoir et comprendre le Français et le Flamand, R. Fagel, Los hombres de la lana y del hierro : mercaderes vascos en los Países Bajos en el siglo XVI, dans El licenciado Poza en Flandes, 1996. En plus de ces deux langues, il faut ajouter le Basque et le Castillan.
54 A.M.M., reg. 50 no 6, doc. 2.
55 A.H.P.B., leg. 3288.
56 Cette affirmation est confirmée par l’exemple malouin du début du XVIIIe siècle. Sur 160 négociants recensés en 1701 dans le rôle de capitation, une cinquantaine au moins ont navigué comme capitaines sur des vaisseaux du port, et quinze exercent encore cette fonction, A. Lespagnol, Modèles éducatifs et stratégies familiales dans le milieu négociant malouin aux 17e et 18e siècles : les ambiguïtés d’une mutation, dans Cultures et formations négociantes dans l’Europe Moderne, 1995, p. 264.
57 L’exemple de Pedro de Larraondo, de Bilbao, est particulièrement révélateur. Cet armateur du port de Biscaye écrit depuis Ibiza à l’un de ses commettants de Valence, et l’informe à cette occasion du prix des biens particulièrement demandés aux Pays-Bas et en Italie, F. Melis, Documenti per la storia economica dei secoli XIII-XVI, 1972, p. 182.
58 B. Caunedo del Potro, Mercaderes castellanos..., p. 100-1.
59 J. A. García de Cortázar, op. cit., p. 239.
60 Cette précocité de l’âge au travail n’a rien d’un cas exceptionnel, voir F. Angiolini et D. Roche (éd), Cultures et formations négociantes dans l’Europe Moderne, 1995. Même dans les milieux aisés, les enfants travaillent dès l’âge de 12 ans, P. Jeannin, op. cit. p. 155.
61 J. A. Goris, Étude sur les colonies marchandes méridionales à Anvers de 1488 à 1567, 1925, p. 613. Notons que d’autres marchands basques fort connus, tels que Pedro de Isunza et Francisco Ruiz de Vergara commencent également leur carrière marchande à Anvers en faisant partie, tout comme Diego de Echávarri, de la « nation » d’Espagne en 1560, ibid. Les deux premiers marchands sont originaires de Vitoria.
62 Voir J. P. Priotti, Commerce et finance en Flandre au XVIe siècle : les activités de Diego de Echávarri, consul de la nation de Biscaye, dans Handelingen van het Genootschap voor Geschiedenis ‘Société d’Émulation’ te Brugge, 1995, p. 81-95.
63 Vers 1500, Bruges perd son rang de marché mondial, une évolution en sens contraire porte Anvers, en quelques années, au premier plan, H. van Werveke, Bruges et Anvers, huit siècles de commerce flamand, 1944, p. 51. La période 1535-1557 correspond au plus grand éclat d’Anvers, jamais la ville n’a été aussi prospère, F. Braudel, Civilisation matérielle, Économie et Capitalisme, 1979, t. III, p. 125.
64 W. Brulez, De firma della Faille en de internationale handel van vlaamse firma’s in de 16e eeuw, (résumé en Français), 1959, p. 580. Signalons toutefois que depuis le XIVe siècle, les hommes d’affaires italiens recourent de plus en plus au système de la commission : ils adressent les marchandises à vendre à un commissionnaire établi à demeure sur la place de destination avec ordre de leur renvoyer d’autres marchandises achetées avec le produit de la vente des premières, Y. Renouard, Les hommes d’affaires italiens du Moyen Âge, 1968, p. 143-220 ; J. Le Goff, Mercaderes y banqueros de la Edad Media, 1991, p. 22-3.
65 W. Brulez, De firma della Faille..., loc. cit.
66 A.H.P.U.V., C64-135, F.L. à L.A.
67 R. Fagel, art. cit.
68 A.H.P.U.V., C 81-76, F.A. à S.R., 18/11/1583. « Bien que jeune, il a du talent ». Que ce soit à Medina del Campo, à Nantes, à Rouen ou à Séville, sans parler de Bilbao, Simón Ruiz s’est très fréquemment entouré d’employés, de facteurs ou de collaborateurs basques.
69 Ibid., C 114-211, B.B. à C.R. et L.A., 17/07/1587.
70 Fils d’Andrés Ruiz, il est l’un des plus notables marchands de Nantes. Notons qu’en 1578, Julien est flanqué d’un autre apprenti-marchand qui vient de Bilbao en la personne de Martín de Jauregui, A.H.P.U.V., C 39-257, D.V. à S.R., 9/01/1578. Martín est voué à une belle carrière puisqu’à la fin du siècle, il déclare que le roi lui doit plus de 4000 ducats, ibid., C159-142, M.J. à S.R. Les Ruiz de Nantes prennent d’autres Basques à leur service. En 1588, Juan Martín de Ugarte est employé chez eux, ibid., C124-147, B.B. à S.R.
71 Ibid., C 10-185, B.B. à S.R., 19/09/1570, C 18-85, B.B. à L.A., 22/05/1573.
72 A.H.P.U.V., C 64-138, P.N. à S.R., 13/10/1581.
73 Ibid., C 39-254, P.N. à S.R., 10/04/1578.
74 Voir C. Douyère, Le testament..., p. 167 et suiv.
75 T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., p. 168.
76 En 1568, Pedro Ortiz de Anuncibay est pris comme apprenti chez Martín de Ezcaray, habitant d’Alfaro (aux confins de la Rioja et de la Navarre), pour une durée de 4 ans, A.F.B., leg. 520 no 83.
77 M. Basas Fernández a montré l’importance des lignages basques dans l’Université des marchands de Burgos au XVIe siècle, Linajes..., p. 110-28.
78 J. Bernard, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), 1968, t. II, p. 530-31.
79 A. Lespagnol, Modèles éducatifs et stratégies familiales dans le milieu négociant malouin aux 17e et 18e siècles : les ambiguïtés d’une mutation, dans Cultures et formations négociantes dans l’Europe Moderne, 1995, p. 267.
80 P. Jeannin, Les marchands..., p. 139.
81 A.H.P.B., leg. 5600. Nous avons un cas où le jeune adolescent est mis à l’école avant d’être envoyé aux Canaries avec une cargaison. L’enseignement n’est pas le seul fait des particuliers. Des institutions participent à la diffusion de la culture. Sont-elles publiques ou privées ? Nous ne le savons pas.
82 M. Basas Fernández, Francisco de la Presa, hijodalgo y mercader, B.I.F.G., t. XI, p. 351.
83 Outre les documents que nous avons déjà cités, toutes les « obligations » signées à Bilbao sont rédigées en langue castillane.
84 E. Coornaert, Un centre industriel d’autrefois. La draperie-sayetterie d’Hondschoote (XIVe-XVIIIe siècle), 1930.
85 Dans la correspondance Ruiz (A.H.P.U.V., sources citées) de nombreuses références montrent comment des agents sont envoyés à Orduña pour y démêler des problèmes douaniers. On apprend qu’en 1576 Martín de Aguinaga s’occupe des taxes douanières (diezmos) pour les marchandises de Simón Ruiz envoyées depuis Bilbao par Bartolomé del Barco, A.H.P.U.V., C28-172, B.B. à S.R.
86 En 1567, un marchand de Bilbao fait appel à Alonso de Baldarrama et Pedro de Berrio, résidents aux foires de Castille pour récupérer certaines sommes d’argent, A.F.B., leg. 882 no 206.
87 F. M Burgos Esteban, Los lazos..., p. 115
88 En 1571, Juan de Bustinza exporte pour 404043 maravédis de laine, H. Lapeyre, El comercio..., p. 292. À la fin du siècle, il est un des grands négociants impliqués dans le trafic américain, pour 3,73 millions de maravédis en 1595, ibid., p. 254.
89 A.F.B., leg. 454 no 14.
90 F. Brumont, Una economía diversificada y en plena expansión, dans J. A. Sesma Muñoz (coord.), Historia de Logroño, 1994, t. III, p. 129-70.
91 Bartolomé Bennassar, pour sa part, qualifie une dot de 6500 ducats de « royale » tandis qu’une dot de 1000 ducats est considérée comme très confortable, Valladolid au Siècle d’Orune ville de Castille et sa campagne au XVIe siècle, 1967, p. 349.
92 J. A. Azpiazu Elorza, op. cit., t. II, p. 248.
93 F. H. Abed Al-Hussein, Estrategia de los mercaderes en matrimonio y herencia, dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II, p. 185.
94 G. Lhomann Villena, op. cit., p. 52.
95 Mercaderes y artesanos en la Sevilla del descubrimiento, 1986, p. 42, 52 et suiv. Précisons que cette étude ne concerne que les années 1500-1550.
96 F. H. Abed Al-Hussein, loc. cit.
97 En effet, la moyenne pour ces dots représente 782 ducats et plus des deux tiers (71 %) se situent au-dessous de ce chiffre, op. cit.
98 A.F.B., legs. 1004 no 64, 1157 no 82.
99 A.F.B., legs. 1208 no 36, 1657 no 59.
100 Pour les dots sévillanes, voir B. Morell Peguero, loc. cit.
101 J’ai déjà eu l’occasion de développer les stratégies commerciales qui découlent de ces alliances de patrimoines pour certaines familles d’Elorrio, voir Réseaux sociaux, commerce international et pouvoir aux XVIe-XVIIe siècles : les Otalora, les Urquizu, les Iturbe et les Arespacochaga, Trace, Mexico, 2000, p. 86-97.
102 A.H.P.U.V., C 131-104, B.B. à S.R., 17/11/1589.
103 En 1565 et 1566 par exemple, Bartolomé réceptionne respectivement 1080 et 1338 fardeaux de tissus en provenance de Nantes, uniquement pour le compte de Simón, J. P. Priotti, Nantes et le commerce atlantique : les relations avec Bilbao au XVIe siècle, 1993, p. 269. En plus, Bartolomé rend ce type de service à Lope de Arciniega, Francisco de Nébrèze, Hilaire de Bonnefont, Hortuño del Barco, etc. (A.H.P.U.V.). Nous avons également connaissance de marchands burgalais pour lesquels il travaille : Pedro de Burgos, Gaspar Martínez, Bernardino Vallejo, Andrés de San Miguel, Gabriel de la Torre, Fernando de Espinosa, Pedro Martínez de la Torre, Juan Bautista de la Moneda, Miguel Ruiz de Yurramendi, Pedro Alvárez, Juan de Frías, Juan de Lago, Pedro de Porres, Francisco de la Presa, M. Basas Fernández, Linajes..., p. 115.
104 T. Guiard-Larrauri, Historia del consulado..., p. 634-7.
105 En 1575, Hortuño se rend à Medina où il a des négoces. L’année suivante, il est à Bilbao et expédie un courrier à Simón Ruiz, à la place de son père. Il va à Paris quelques mois plus tard pour y acheter des marchandises, A.H.P.U.V., C 24-64, C 28-148, C 28-153.
106 Ibid., C 56-82, B.B. à L.A., 30/05/1580. Devenir associé de son patron est une autre forme de réussite. Lope de Arciniega n’est pas le seul à opter pour cette solution. Juan de Salinas, facteur de Diego et Martín de Soria à La Rochelle est associé de la firme, B. Caunedo del Potro, Compañías mercantiles castellanas a fines de la Edad Media, Medievalismo, 1993, p. 54-5.
107 Pour la seule année 1585, H. del Barco est propriétaire d’un quart des 3600 muids de sel achetés à Lisbonne par Hernando de Morales pour Simón Ruiz, de 350000 maravédis issus de l’écoulement de balles de papier que doit récupérer Simón, et d’une cargaison de fer chargée par son père à Bilbao et dont Hortuño partage la propriété avec Cristóbal de San Juan, A.H.P.U.V., C 98-162, C 98-119, C 98-122, C 98-153.
108 A.H.P.U.V., C 124-169, B.B. à S.R., 10/08/1588.
109 A.H.P.U.V., C 106-309, B.B. à S.R., 28/11/1587.
110 H. Lapeyre, Une famille..., p. 91.
111 A.M.N., G.G. 194. En février 1585, Anthome del Barco épouse Jeanne Rocaz.
112 A.H.P.U.V., C159-103, L.A. à S.R., 7/04/1593. Ces exigences montrent à quel point Hortuño est devenu indispensable à la firme Ruiz.
113 Ibid. « mieux vaudrait que le profit revienne à quelqu’un de la maison qu’à une personne de l’extérieur ».
114 Ibid., C 159-130, L.A. à S.R., 21/12/1593.
115 H. Lapeyre, Une famille…, op. cit., p. 75.
116 A.H.P.U.V., C 114-194, B.B. à C.R. et L.A., 5/05/1587. À Bilbao, Bartolomé compte également avec la collaboration de son frère Agustín. Ce dernier s’intéresse aux négoces familiaux. Au début de 1587, il agit auprès de l’alcalde et du preboste de Portugalete, en tant qu’employé de Bartolomé, au sujet d’une exportation de cochenille, ibid., C 114-223, B.B. à S.R., 8/09/1587
117 Pour la somme de 20540 réaux, A.F.B., leg. 436 no 395. Sancho participe également à l’achat de la moitié d’un autre navire, le « San Juan Bautista », A.F.B., leg. 499 no 179.
118 A.F.B., leg. 499 no 25. La même année, l’on apprend que Sancho et d’autres marchands ont participé pour 700 ducats dans l’affrètement d’un bateau qui se dirigeait vers les Canaries, A.F.B., leg. 499 no 54.
119 A.F.B., legs. 436 no 322, 436 no 320. À ces occasions, il est même noté estante en Sevilla.
120 A.F.B., legs. 1603 no 73, 1603 no 93.
121 A.H.P.B., leg. 3297.
122 En 1598, il paie 1744 écus à François Bodin, au nom de Pierre Obrat, Pierre Rousseau de Laval, A.F.B., leg. 1625 no 121-122-123. En 1604, 18 fardeaux de toiles de Rouen qui lui appartiennent sont à Orduña, A.H.P.B., leg. 4022.
123 A.H.P.B., leg. 4666, A.F.B., leg. 87 no 204. Par ailleurs, en 1591, il prête 240000 maravédis à deux maîtres français qui partent pour les pêcheries lointaines, J. P. Priotti, Des financiers..., p. 193.
124 T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., p. 639-40.
125 A.F.B., leg. 119 no 39-40-50-55-58-93. Au total, il s’agit de 179 sacs.
126 A.F.B., leg. 1144 no 96.
127 Ibid., C 114-190, B.B. à C.R. et L.A., 21/04/1587.
128 B. Bennassar, Un Siècle d’Or espagnol (1525-1648), 1982, p. 39.
129 L’embouchure de la Loire est une « porte ouverte sur le monde », P. Jeulin, L’évolution..., p. 25. Nantes est une sorte de plaque tournante de la France, une porte d’entrée et de sortie pour plus d’un tiers du royaume. Elle est incluse dans un vaste système économique dont Bilbao est le pivot, P. Jeulin, Aperçus..., p. 294 et suiv.
130 A.F.B., leg. 1603 no 73.
131 Il est encore membre de la « contractation » en 1601, A.M.N., HH 194.
132 A.M.N., HH 194.
133 Les informations livrées, sauf indications contraires, sont tirées du brouillard d’Alejandro de Echávarri, source citée.
134 En ce qui concerne ce marchand, je me permets de renvoyer le lecteur à mon travail, Los Echávarri : mercaderes bilbaínos del Siglo de Oro, 1996.
135 B. Bennassar, Recherches..., annexe no 1.
136 La jeune Paulina de Allyn, d’origine flamande semble-t-il, est la mère d’Alejandro. Les autres enfants de Diego sont de Luisa de Aguirre.
137 Dès son retour à Bilbao, en 1578, Diego père, semblait déjà avoir opté pour ce type de commerce commissionné.
138 Voir deuxième partie, chapitre II et IV.
139 Voir première partie, chapitre I.
140 On pourrait ajouter les activités de piraterie et de course (voir première partie, chapitre II) auxquelles se livrent les Basques et qui ont un lien avec le commerce. À la fin du XIVe siècle, des Biscayens prennent un navire génois qu’ils coulent après avoir vendu les marchandises à Minorque, J. Heers, Le commerce des Basques en Méditerranée au XVe siècle, Bulletin Hispanique, 1955, p. 295.
141 F. C. Lane, Economic consequences of organized violence, The Journal of Economic History, 1958, p. 407.
142 A.G.S. (C.M.), leg. 65 no 15. Il est le grand patron des marchands basques de Séville, A. M. Bernal, La financiación de la Carrera de Indias (1492-1824), 1992, p. 164.
143 A.M.A., fonds faillite : IB 1.
144 B. Caunedo del Potro, La actividad de los mercaderes ingleses en Castilla (1475-1492), 1984, p. 11-2. L’on peut juger de la participation de Jofre de Sasiola aux affaires maritimes en constatant qu’à la première occasion il apparaît parmi les accusés du vol d’un navire sur les côtes irlandaises, ibid., p. 33.
145 J. J. Alzugaray, Vascos universales del siglo XVI, 1988, p. 102, 106.
146 Quelques logiques de fonctionnement de ces réseaux sont analysées dans J. P. Priotti, El rey, el crecimiento de la red…, art. cit. et Réseaux sociaux…, art. cit.
147 F. H. Abed Al-Hussein, Trade..., p. 125.
148 Pour des références sur la participation des familles basques à l’église à l’époque moderne, R. Escobedo Mansilla et alii (éd.), Emigración y redes sociales de los Vascos en América et Comerciantes, mineros y nautas, 1996.
149 I. Reguera, Inquisición y élites de poder en el País Vasco : el tribunal de Logroño, dans J. M. Imízcoz Beunza (dir.), Élites, poder y red social. Las élites del País Vasco y Navarra en la Edad Moderna, 1996, p. 83-99.
150 J. Heers, Transizione al mondo moderno (1300-1520), 1992, p. 31-2.
151 Elle vend également des agrès et de l’étoupe à Martín del Hoyo Setier, de Laredo, A.H.P.C., leg. 1122.
152 En 1587, Marina Saez de Ugarte vend à Lope de Berriz, maître de Deusto, et à Martín de Jauregui, habitant du même lieu, plus de 600 ducats d’agrès, A.H.P.B., leg., 3866.
153 A.H.P.B., legs. 4979, 3298 ; A.F.B., legs. 845 no 34, 882 no 89.
154 A.H.P.B., leg. 4666. « où se trouve le commerce des toiles ».
155 Ibid.
156 A.F.B., leg. 4022.
157 A.F.B., leg. 87 no 262.
158 Voir J. P. Priotti, Des financiers..., cf., annexes no 1-2-3. Au cours du prélèvement d’un impôt nouveau sur les riches en 1599, elle apparaît comme une des plus grandes fortunes de la ville, B. Bennassar, Recherches sur les grandes épidémies dans le nord de l’Espagne à la fin du XVIe siècle, 1969, cf., annexe no 1, p. 92.
159 L. García Fuentes, op. cit., p. 86 et suiv.
160 Cette affirmation a été formulée par S. Huxley, Unos apuntes sobre el papel comercial de la mujer vasca en el siglo XVI, dans Eusko-Ikaskuntza-Sociedad de Estudios Vascos, p. 164.
161 B. Morell Peguero, Mercaderes y artesanos en la Sevilla del descubrimiento, 1986, p. 72 et suiv.
162 En 1563, par exemple, Francis Perrin, français établi à Bilbao, consigne ses marchandises à Nantes à sa mère, A.H.P.B., leg. 3099 ; W. Kaiser, Marseille au temps des troubles, 1559-1596 : morphologie sociale et luttes de factions, 1992, p. 65.
163 Ibid.
164 Les ports de la côte basque et cantabrique connaissent des allées et venues incessantes de marchands flamands. À la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, Eddy Stols affirme qu’une vingtaine se déplace fréquemment entre les ports de la côte nord tandis que des sources espagnoles parlent pour l’année 1594 de plus de 200 maisons commerciales de Flamands installés à Séville, (cette différence est en partie due à la résistance des milieux mercantiles autochtones au nord qui empêchent les Flamands de prendre pied à Santander, Laredo, Bilbao et Saint-Sébastien comme ils le font à Séville), voir Les marchands flamands dans la Péninsule Ibérique à la fin du XVIe siècle et pendant la première moitié du XVIIe siècle, dans Fremde Kaufleute auf der Iberischen Halbinsel, 1970, p. 226-8.
165 En ce qui concerne la présence anglaise à Bilbao au début de notre période, on pourra consulter G. Connell-Smith, Forerunners of Drake, 1954, p. 2-8. On trouve de riches marchands londoniens résidant à Bilbao dans le premier tiers du XVIe siècle, tel que Thomas Traves, ibid., p. 64. Cet auteur remarque également que la présence anglaise est plus importante en Andalousie que dans les provinces du nord car les marchands de Burgos et les Biscayens prennent une part plus active au commerce avec l’Angleterre et les Pays-Bas que les Andalous, ibid., p. 8.
166 Cité par J. E. Gelabert, Intercambio y tolerancia : las villas marineras de la fachada atlántica y el conflicto anglo-español (1559-1604), Revista de Historia Naval, 1987, p. 65.
167 Les membres de la « nation » française à Bilbao se trouvent de préférence dans la paroisse de Saint-Jacques plutôt que dans celle de Saint-Nicolas ou de Saint-Antoine, A. Mousset, Les archives du consulat de la mer à Bilbao, s.d., p. 20.
168 En 1520, Ochoa Saez de Aguirre, habitant de Bilbao reconnaît garder en dépôt 140 ducats de Jacques Olivier, « betton vo de Qesuyq » (breton habitant du Croisic) et maître de navire, A.H.P.B., leg. 3288.
169 André Arnaud et Julien Jarnigan, Nantais établis à Bilbao, font appel dans les années 1580 à Lope de Arciniega pour que ce dernier récupère des sommes qui leur sont dues et les remette à Lyon. Par ailleurs, André charge les réaux envoyés par Lope à Bilbao, à destination de la France, A.H.P.U.V., C 56-112, C 81-99, C89-95, C 89-96.
170 Au début du XVIIe siècle, une d’entre elles réunit pour 10 ans au moins Jean Michel, riche marchand d’origine nantaise installé à Bilbao, et Pedro de Urrecha pour aller chasser la baleine sur les côtes du Brésil, J. P. Priotti, Des financiers...
171 A.H.P.U.V., C 3-48, M.B. à S.R., 3/08/1565.
172 A.H.P.U.V., C 38-232, J.J. à L.A., 25/06/1578.
173 On a très souvent considéré les marchands flamands, anglais ou allemands comme les négociants étrangers les plus actifs dans le port du Nervión alors que les Français y ont joué un rôle sûrement aussi important.
174 Voir B. Bennassar, Recherches..., annexe 1, p. 88. A. Mousset dénombre 11 marchands qui participent à cet emprunt forcé. Il s’agit de François de Launay, Julien Boileau, Pierre Langlois, Jean de Guiraud, Robert Govin, Jean Salomon et Jacques Bodin pour 200 réaux chacun ; de François Huet et Julien Garreau pour 150 réaux chacun ; de Jacques Berranger et de Jacques Balleton pour 100 réaux, (art. cit., p. 15). Le fiel et les diputados sont les personnages qui dirigent le consulat de Bilbao. À leur propos, voir T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., p. 213 et suiv.
175 À Cadix en 1575 ou 1581, à Séville en 1578, à Barcelone la même année, à Valence en 1593, A. Girard, Le commerce français à Séville et Cadix au temps des Habsbourg, 1967 (1re éd. 1932), p. 51.
176 Ensemble de bâtiments composé d’entrepôts, de caves et de maisons où le fer et l’acier peuvent être stockés moyennant un maravédi par an et par quintal pour les étrangers et una blanca pour les naturels et les naturalisés (tarif de 1563).
177 A.H.P.U.V., C98-141, B.B. à S.R., 24/05/1585.
178 A.F.B., leg. 499 no 91.
179 Tous les étrangers qui ont des intérêts dans la ville n’y résident pas forcément. Cela va de soi. La préoccupation de grands personnages étrangers pour cette place suffit à indiquer l’importance économique du port de Bilbao. En 1451, Jacques Cœur a un correspondant à Bilbao, M. Mollat, Jacques Cœur ou l’esprit d’entreprise, 1988, p. 56. Ce fait est d’autant plus significatif que ce grand marchand est davantage tourné vers le commerce de la Méditerranée. Des grandes familles italiennes, telles que les Guinigi de Lucques, ont également un correspondant à Bilbao, V. Vázquez de Prada, op. cit., t. I, p. 200. À propos de cette famille, on lira R. Sabbatini, I Guinigi tra ‘500 e ‘600, 1979.
180 M. Basas Fernández, La sección de genealogías del archivo municipal de Bilbao, dans Primer Congreso de Historia Municipal, 1958, p. 3.
181 A.H.P.U.V., C 3-43, M.B. à S.R., 29/05/1565. « dieu me préserve de tels hommes qui à première vue sont tous des saints et qui ont un si mauvais fond ; il m’a dit des choses qu’on ne dirait pas à un Maure ».
182 A.H.P.U.V., C 72-158, J.J. à S.R., 5/06/1582, C 81-106, J.J. à S.R., 26/07/1583. Si les étrangers naturalisés sont tout de même obligés de déclarer les marchandises chargées et déchargées par eux, Julien refuse d’acheter une lettre de naturalité. Cette déclaration qui doit être faite auprès du fiel de l’Université de marchands est une règle en vigueur depuis le 9 août 1477, cf. J. A. García de Cortázar, op. cit., p. 215, note no 31.
183 A.H.P.U.V., C 72-162, J.J. à L.A., 25/08/1582.
184 Ce « juge des sorties », représentant du roi, est chargé de surveiller les exportations de numéraire.
185 A.H.P.U.V., C 114-200, B.B. à C.R. et L.A., 14/04/1587.
186 A.G.S.-C.C., leg. 140-116, 16/02/1520. Cette acte fait référence à une ordonnance de 1447.
187 C. Gómez-Centurión Jiménez, Felipe II, la empresa de Inglaterra y el comercio septentrional (1566-1609), 1988, p. 337.
188 J. Pontet-Fourmigué, Bayonne, un destin de ville moyenne à l’époque moderne, 1990, p. 474.
189 Ibid.
190 Au cours du XVIIe siècle, Santander tentera en vain de détrôner Bilbao, J. L. Casado Soto, Cantabria..., p. 198-9.
191 Dans le second tiers du XVIe siècle, T. Guiard-Larrauri n’en dénombre pas moins de 15 tandis que dans le dernier tiers, il en répertorie 19, La industria naval..., note p. 57.
192 Pour donner une idée de leur nombre, rappelons qu’en 1562, Philippe II envoie 300 charpentiers de navires biscayens à Barcelone, voir C. R. Phillips, Six galleons..., p. 47.
193 En 1524, les maîtres-fabricants d’épées sont au nombre de 10. Trente ans plus tard, on compte 15 espaderos dans la ville, T. Guiard-Larrauri, La industria naval..., note p. 201.
194 Les références respectives sont : A.F.B., legs. 2659 no 80, 986 no 161, 2659 no 357-395.
195 A.F.B., leg. 1004 no 71.
196 En donnant des facilités d’exportation et en laissant miroiter de gros bénéfices, la pratique de l’artisanat dans un port ou à proximité d’un port est une incitation aux pratiques commerciales. C’est également le cas à Séville où des artisans tentent l’aventure par mer, B. Morell Peguero, op. cit.
197 A.F.B., leg. 1544 no 40.
198 Ibid., leg. 845 no 64-65-66-67.
199 A.F.B., leg. 1390.
200 À cette époque, il contrôle les hautes fonctions du commerce du port du Nervión, T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., p. 637.
201 P. Jeannin, Les marchands au XVIe siècle, 1957, p. 43.
202 A.H.P.B., leg. 2520.
203 A.F.B., leg. 2670 no 39.
204 Ses crédits n’atteignent pas 60 ducats et ses dettes rassemblent 104 réaux. Aucun bien lui appartenant en propre n’est mentionné, A.H.P.B., leg. 3859.
205 Juan doit un censo de 100 ducats à Pedro de Dobarán, un marchand de la ville, auquel il achète du cuir, plus 100 autres ducats à un autre marchand, ainsi que 20 ducats environ à Martín de Basabe, de nouveau pour des cuirs, A.F.B., leg. 1557 no 16.
206 Notons surtout ceux d’H. Casado Alonso, Finance et commerce international au milieu du XVIe siècle : la compagnie des Bernuy, Annales du Midi, Toulouse, no 195, 1991, p. 323-343 ; El comercio del pastel en España a mediados del siglo XVI, 1989, pp. 1-21 ; El comercio internacional burgalés en los siglos XV y XVI, dans Actas del V Centenario del Consulado de Burgos, 1994, p. 177-247. Voir également les articles de M. Basas Fernández publiés dans le B.I.F.G. donnés dans la bibliographie générale et aussi L. García Fuentes, Sevilla, los Vascos y América, 1991, p. 72-95 ; F. H. Abed Al-Hussein, Las compañías o asociaciones de mercaderes, dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II.
207 Voir annexe no 4.
208 C’est Antonio de Arbolancha, le facteur de la compagnie à Séville, qui aura la responsabilité de la vente de ces toiles. L’assurance du chargement depuis Bilbao jusqu’à Séville se fera à 2,5 %, A.H.P.B., leg. 3288.
209 Les ventes dans les deux contrées sont assurées par Pedro de Carazo, domicilié à Anvers et Pedro de Aguirre, leur correspondant de Londres, A.H.P.B., leg. 3288.
210 Pour plus de détails, voir annexe no 4.
211 Y. Renouard fait cette constatation pour les marchands italiens, Les hommes d’affaires italiens du Moyen Âge, 1968, p. 86-7.
212 Pour cette compagnie au capital partiel de 1,35 million de maravédis, il est possible de faire un calcul par extrapolation. Les bénéfices de 1589 à 1590 étant de 815324 maravédis, la mise de fonds de la compagnie représenterait, à un taux constant de 11,5 %, 7089774 maravédis.
213 A.F.B., leg. 87 no 262.
214 Il s’agit de ventes de fer essentiellement. Notons qu’au même moment Marcos n’a qu’un passif de 3,9 millions de maravédis. « me quedan en limpio » écrit-il, 7310524 maravédis, A.H.P.B., leg. 3298.
215 R. Rodríguez González, Mercaderes castellanos del Siglo de Oro, 1995, p. 44. Il s’agit vraisemblablement de livres à la reliure dorée.
216 Ibid.
217 Seul ou associé à Ochoa Lanier, il achète plus de 2 millions de marchandises à Miguel de Zamora. Ochoa, pour sa part, se porte acquéreur, apparemment tout seul, de plus de 36 millions de maravédis au même marchand. Qui plus est, les deux compères et Pierre Boileau investissent plus de 4 millions dans des achats à la firme Ruiz. Je remercie Hilario Casado Alonso de m’avoir fourni ces informations.
218 D’autres Basques s’associent à Anvers avec des étrangers. En 1581, Martín Pérez de Varrón s’associe pour trois ans à Jean Poelman (au service de Plantin depuis 1567) qui s’établit à Salamanque pour le commerce des livres. Varrón apporte un capital de 6000 florins tandis que Poelman contribue seulement pour 200 florins, J. Denucé, Correspondance de Christophe Plantin, 1968 (1 éd. 1916), t. VI, note 2, p. 119 et t. VII, note 4 p. 10. En 1584, Martín Pérez de Varrón et Christophe Plantin, le fameux imprimeur français établi à Anvers, s’associent pour la vente de 260 bibles. Des 80 qui sont en possession de Martín, 44 sont en dépôt à Anvers, 20 à Bilbao, 3 à Mexico et 13 à Rome, J. Denucé, op. cit., 1968 (1 éd. 1883), t. VII, p. 144-5.
219 H. Casado Alonso, « Crecimiento económico y redes de comercio interior en la Castilla septentrional (siglos XV y XVI) », dans J. I. Fortea Pérez (éd.), Imágenes de la diversidad. El mundo urbano en la Corona de Castilla (siglos XVI-XVIII), Santander, Universidad y Asamblea Regional de Cantabria, 1997, p. 283-322.
220 H. Casado Alonso, El comercio internacional..., p. 217.
221 Pedro de Arriarán et Jerónimo de Bertendona, les deux d’origine basque, le second de Bilbao, forment une compagnie avec un capital de 2,25 millions en 1566, F. H. Abed Al-Hussein, Las compañías o asociaciones de mercaderes dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II, p. 206.
222 Ces compagnies ont été répertoriés par L. García Fuentes, op. cit. Outre les compagnies dont il donne le détail des activités, 26 autres compagnies sont notées pour le XVIe siècle. Pour le XVIIe siècle, cet auteur a noté 31 compagnies basques à Séville.
223 Cependant, une citoyenneté n’est jamais très fixée. Il n’est pas rare que certains marchands habitant Bilbao soient originaires de la région environnante et aient ainsi deux lieux d’appartenance. Ainsi, Juan Pérez de Ocáriz est à la fois vecino de Oñate (Guipúzcoa) et de Bilbao, J. A. Azpiazu, op. cit., t. II, p. 220.
224 Ibid. De plus, à Medina del Campo, en 1580, Jerónimo de Salamanca forme une compagnie dans laquelle son principal associé, Francisco de Arriaga, d’origine basque, et lui-même investissent 8,5 millions de maravédis chacun, A. C. Ibañez Pérez, Burgos y los Burgaleses en el siglo XVI, 1990, p. 174.
225 Luis Pérez et Francisco de Morovelly proposent à Simón Ruiz la création d’une firme avec un capital qui oscille entre 1,87 et 2,25 millions de maravédis, F. H. Abed Al-Hussein, Las compañías o asociaciones de mercaderes, dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II, p. 206. Quant aux 93 compagnies medinenses dont cet auteur établit par tranche le capital moyen, 16 disposent de 300000 maravédis, 44 ont une mise de fonds moyenne de 2 millions de maravédis, 26 atteignent 3,5 millions, 7 compagnies bancaires emploient un capital moyen de 5,5 millions de maravédis, F. H. Abed Al-Hussein, loc. cit. Les grands marchands de Burgos ont des compagnies qui utilisent des liquidités oscillant entre 408540 et un peu plus de 44 millions de maravédis, dans l’intervalle 1547-1549, H. Casado Alonso, El comercio internacional burgalés en los siglos XV y XVI, dans Actas del V Centenario del Consulado de Burgos, 1994, p. 218. Certains lignages de Bilbao ou résidant dans le port de Biscaye, apparaissent sur la liste donnée par cet auteur : les Arbieto, les Mújica, les Vitoria et les Salinas. Même si ces sommes ne sont peut-être pas des apports initiaux, le nombre de ces compagnies comme les montants qu’elles manient sont impressionnants.
226 Ces hommes d’affaires ne divisent pas les risques par le morcellement des associations car lorsqu’ils fondent une compagnie, ils apportent à la société une grande part du capital disponible, Y. Renouard, Les hommes d’affaires italiens du Moyen Âge, 1968, p. 86.
227 Cette stabilité semble en effet être le lot des grandes familles castillanes. A Medina, par exemple, les associations des Ruiz et des Medina s’étendent respectivement de 1551 à 1606 et de 1547 à 1566, à Burgos, celle des Quintanadueñas se prolonge de 1525 à 1553, F. H. Abed Al-Hussein, Las compañías o asociaciones de mercaderes, dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II, p. 196 et suiv.
228 Sur 17 compagnies étudiées, 6 se constituent pour une durée de 6 ans, 4 pour 4 ans, 4 pour 3 ans, et les 3 dernières pour 1,5 ; 5 et 9 ans, J. I. Gómez Zorraquino, La burguesía mercantil en el Aragón de los siglos XVI y XVII (1516-1652), 1987, p. 120.
229 Le caractère éphémère de ces associations rend compte de la contingence que constitue l’arrivée à bon port d’une marchandise, Y. Renouard, loc. cit.
230 Voir annexe no 4.
231 D’après Y. Renouard, op. cit., p. 87. Notons tout de même que les compagnies maritimes catalanes du XVIe siècle ne correspondent apparemment pas à ces règles de l’époque médiévale puisque sur 4 associations évoquées, 3 durent 3 années tandis que la dernière est conclue pour 4 ans, R. Noguera de Gúzman, La compañía mercantil..., p. 35-48.
232 Cette durée correspond à peu près à celle des compagnies de marchands castillans et américains du XVIe siècle, la moyenne de 3 ans a été avancée par H. Lapeyre, M. Basas Fernández et E. Lorenzo Sanz, voir F. H. Abed Al-Hussein, Las compañías o asociaciones de mercaderes, dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II, p. 208. Plus du tiers des associations étudiées pour Bilbao auraient donc une durée de vie à peu près similaire.
233 Voir B. Yun Casalilla, Sobre la transición al capitalismo en Castilla. Economía y sociedad en Tierra de Campos (1500-1830), 1987, p. 199-200.
234 Ces contrats fonctionnent selon le système de la comanda visible à Venise au Xe siècle, à Gênes dès le XIIe siècle, à Marseille et Barcelone dès le XIIIe siècle, R. S. López, Les méthodes commerciales des marchands occidentaux en Asie du XIe au XIVe siècle, dans Actes du 8e Colloque International d’Histoire Maritime, 1970, p. 345.
235 Selon la pratique de la comanda ad quartum denarium, voir à ce sujet J. M. Madurell Marimón et A. García Sanz, Comandas comerciales barcelonesas de la Baja Edad Media, 1973, p. 123.
236 Voir annexe no 5.
237 Pour cette question, voir l’ouvrage de A. M. Bernal, La financiación…, p. 27 et suiv.
238 Voir annexe no 5.
239 On note qu’en 1519-1520 trois voyages sont réalisés, deux pour Londres et un pour le Portugal, pour lesquels les prêts ne dépassent pas 100 ducats.
240 Les financements se répartissent sur 22 départs et peuvent aller jusqu’à 600 ducats par bateau (généralement entre 100 et 300 ducats).
241 La période va de 1577 à 1586. Il s’agit de 6 départs avec des prêts entre 50 et 100 ducats.
242 Entre 1591 et 1611, nous avons comptabilisé 22 voyages comprenant ce type d’avance d’argent (entre 100 et 300 ducats, rarement davantage).
243 Voir J. P. Priotti, Des financiers..., p. 188.
244 J. A. Azpiazu Elorza, op. cit., t. I, p. 353.
245 E. Fernández de Pinedo, Estructura..., p. 107.
246 Voir J. P. Priotti, Des financiers...
247 Ibid.
248 Ibid.
249 Ibid.
250 Le montant de la vente s’élève à 1055 ducats, A.F.B., leg. 448 no 69.
251 E. Fernández de Pinedo, Estructura..., p. 106.
252 Ces trois armateurs nantais sont membres de la « Contractation » en 1601, A.M.N., HH 194.
253 J. P. Priotti, Des financiers..., p. 189.
254 Voir deuxième partie.
255 Un certain Marticot de Arreche, Français, doit rembourser à Juan de Arancivia, de Saint-Sébastien, 800 ducats à 24 % que ce dernier a placés sur deux naves partant pour Terre-Neuve en 1624, J. A. Azpiazu Elorza, op. cit., t. I, p. 368.
256 Ibid., p. 389. Cet auteur note des apports financiers d’habitants de Vergara, Mondragón, Oñate ou encore Vitoria et Logroño.
257 En effet, dans cette ville les taux d’intérêt pour Terre-Neuve sont traditionnellement de 40 %, ce pendant toute la seconde moitié du XVIe siècle, G. K. Brunelle, The new world merchants of Rouen, 1559-1630, 1991, p. 40.
258 C. Douyère, Le testament..., p. 162.
259 F. Mauro, Le Portugal et l’Atlantique au XVIIe siècle, p. 277.
260 Ibid. Cet auteur explique également que l’on faisait venir un peu d’huile de baleine de Biscaye par Viana.
261 Riche marchand d’origine nantaise, installé à Bilbao, qui fait le commerce de la laine et du fer.
262 Pour cette licence, les concernés ont à payer 1000 ducats pour les deux premières années, J. P. Priotti, Des financiers..., p. 190. Toutefois, l’argent ne semble pas l’unique condition pour obtenir cette autorisation. En effet, Julien Michel « était tenu comme espagnol et passait pour tel, étant fort bien venu près du roi d’Espagne, auquel il avait été envoyé comme ambassadeur, par feu Monsieur Mercure durant la Ligue », F. Mauro, op. cit., p. 278.
263 « Tout le secours et l’aide, qui pour cela serait nécessaire, sans qu’il leur soit posé aucun problème pendant leur passage, même s’ils voulaient, dans lesdits endroits, faire d’autres choses », A.H.P.B., leg. 4978.
264 F. Mauro, loc. cit.
265 Ibid.
266 J. P. Priotti, Des financiers..., p. 191.
267 En 1610, un des navires de Julien Michel appareille à Bahia pour embarquer du « bois rouge ». Comme cela est strictement interdit aux étrangers, le vice-roi fait saisir le navire et emprisonner son équipage. Il suffit à Julien Michel de désavouer le capitaine pour ne pas être inquiété. Ces informations m’ont été aimablement fournies par T. du Pasquier.
268 Les deux bateaux sont Nuestra Señora de Begoña qui jauge 130 tonneaux et une autre embarcation, plus petite, de 70 tonneaux, A.H.P.B., leg. 3297.
269 Ibid.
270 Ibid.
271 A.H.P.C., leg. 1707.
272 A.H.P.C., leg. 1124. Il est à noter que les marchands de Laredo participent eux-mêmes à ces financements. Cette année-là, Mari Fernández de Escalante prête pour le même voyage 200 ducats.
273 A.H.P.C., leg. 1124
274 Ibid.
275 Sur ce point, on consultera avec intérêt l’ouvrage de A. M. Bernal, op. cit., d’où sont extraites les informations suivantes.
276 E. Otte, La flota de Diego Colón. Españoles y Genoveses en el comercio trasatlántico de 1509, Revista de Indias, 1965, p. 490-7-8-9 et 502-3. À titre d’exemple, Sancho Martínez de Bilbao et Iñigo de Trahuco (Trauco) prêtent 270 ducats pour le départ d’un seul navire en 1509. Mis à part ceux qui financent les premières expéditions marchandes aux Indes dans les années 1509-1510, Antonio Miguel Bernal décrit les activités d’un certain Diego de Cornoza (Zornoza), biscayen d’origine, et dont la famille est installée à Bilbao. Ces prêts en 1528 et 1530 se montent à 800000 maravédis environ. D’autres exemples se trouvent dans l’ouvrage cité. Voir aussi T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., p. 170-4.
277 Je reprends ici les informations publiées dans mon travail : « Estructura y funcionamiento del sistema asegurador bilbaíno en Europa durante el siglo XVI », Letras de Deusto, oct.-déc. 2001, p. 173-86.
278 G. Céspedes del Castillo, Seguros marítimos en la Carrera de Indias, Anuario de Historia del Derecho Español, t. XIX, 1948-1949, p. 63 ; J. Le Goff, op. cit., p. 32.
279 L. A. Boiteux, La fortune de mer-le besoin de sécurité et les débuts de l’assurance maritime, 1968, p. 93.
280 Ibid., p. 89 et suiv.
281 J. Heers, Gênes au XVe siècle. Activités économiques et problèmes sociaux, 1961, p. 290.
282 Pour les relations commerciales de Bilbao avec l’Espagne levantine, voir C. Carrère, Le droit d’ancrage et le mouvement du port de Barcelone au milieu du XVe siècle, Estudios de Historia Moderna, 1953, p. 103 et suiv., J. Guiral-Hadziiossif, Valence, port méditerranéen au XVe siècle (1410-1525), Paris, 1986, p. 17-8, p. 215-6. On trouve également des Bilbanais de passage à Marseille, J. Billioud, R. Collier, Histoire du commerce de Marseille de 1480 à 1599, 1951, p. 21, p. 153-5.
283 Ce sont en effet plus de 7000 polices burgalaises qui ont été répertoriées par M. Helmer dans ce fonds. Qui plus est, H. Casado Alonso recense 207 assurances supplémentaires (1481-1508) dont il fait une très bonne analyse dans son article Comercio internacional y seguros marítimos en Burgos en la época de los Reyes Católicos, dans Congresso internacional Bartolomeu Dias e a sua época, Porto, 1989, p. 585-608.
284 En effet, les polices d’assurances faites à Bilbao étaient soumises à la juridiction consulaire, M. Basas Fernández, El seguro marítimo en Burgos (siglo XVI), Bilbao, 1963, p. 15.
285 Depuis sa fermeture en 1983 pour cause d’inondation, un quart seulement du fonds des archives municipales de Bilbao a été restauré. Si la réouverture a été autorisée, les documents ne seront visibles que par l’intermédiaire d’une base informatisée, (El correo español-El pueblo Vasco, jeudi 8 avril 1993, p. 3). Finalement, le fonds municipal a été transféré à l’Archivo Foral de Bizkaia. Pour le moment, sa consultation n’est pas permise.
286 Chaque document, par les sommes globales qu’il présente, rassemble en vérité de nombreux souscripteurs, parfois plusieurs dizaines. Notre analyse porte donc sur un nombre plus important d’assurances qu’il ne paraît.
287 M. Basas Fernández, loc. cit.
288 Voir J. P. Priotti, Des financiers..., p. 182.
289 Les Italiens pourraient avoir initiés les Basques à ce type de techniques maritimes. Dès 1429, des assureurs génois prennent des risques sur des chargements basques, ceux de Rodrigo Romo (Gênes à Barcelone puis Valence à Gênes) et Ochoa de Bilbao (Cadix à Savone), J. Heers, art. cit., p. 296. En outre, des Basques eux-mêmes souscrivent des assurances à Valence à la fin du XVe siècle, J. Guiral-Hadziiossif, art. cit. Par ailleurs, M. Barkham a découvert une police d’assurance signée par des marchands de Bilbao datée de 1495, Mercaderes, comercio y finanzas en el norte de España : el seguro marítimo en Burgos y su desarrollo en Saint-Sébastien, Bilbao y Madrid (1500-1630), dans Actas del V Centenario del Consulado de Burgos, 1994, p. 571.
290 H. Casado Alonso, Comercio internacional..., p. 587.
291 Ibid., p. 604-8.
292 A.M.B., Cartulaire de l’ancien Consulat d’Espagne à Bruges : registre de Pedro de Paredes 1544-1547.
293 M. Basas Fernández, Linajes..., p. 118.
294 Ibid.
295 Chiffre obtenu à partir des relevés réalisés par M. Helmer (A.D.B.-Casa de Velázquez).
296 Ibid.
297 Tous les deux sont en étroite connexion avec des marchands de Bilbao, Sebastián avec Pedro de Agurto Gastañaga, Antonio de Jugo ou encore Antonio de Vitoria, et Andrés avec Hortuño et Pedro de Bilbao la Vieja, Rodrigo de Galarza, Rodrigo de Jauregui, Martín de Sertucha, Martín de Larrea, Juan de Benero. Nous les retrouvons comme Sancho de Agurto aux plus hautes fonctions de la ville et de son commerce. Sebastián de Larrauri est regidor de Burgos en 1594, Andrés de Larrea, lui, est consul de l’Université des marchands de Burgos en 1589-1590, M. Basas Fernández, Linajes..., p. 124-5. Notons que le rôle de ces hommes d’affaires en matière d’assurances ne se limite pas à mettre en relation le marché de la demande avec celui de l’offre. Ils participent effectivement à ces prises de risques. Andrés de Larrea assure 100 ducats sur des toiles qui vont de Nantes à Bilbao en 1572, A.D.B.-Casa de Velázquez (fonds M. Helmer), 1571.
298 En 1565, Andrés de Larrea, résidant à Séville, fait assurer pour Hortuño de Bilbao la Vieja 600 ducats sur la coque et l’armement d’un navire qui se rend de Séville en Nouvelle-Espagne, A.D.B.-Casa de Velázquez (fonds M. Helmer). En 1572, Andrés a la confiance d’une puissante compagnie basque de Séville formée par Pedro de Morga, Juan de Arregui et Jimeno de Bertendona (ce dernier est de Bilbao). Cette année-là, Andrés réalise pour le compte de la compagnie l’assurance de plus de 20000 ducats de cochenille et autres produits qui vont de Séville à Rouen, A.D.B., ibid. Il agit également pour son propre compte et apparaît dans la liste des assureurs d’un chargement de toiles qui va de Nantes à Séville, A.D.B., ibid. D’autre part, Juan de Martiartu, Basque de Séville compte sur Andrés pour réaliser l’assurance de vin que Juan envoie de Séville en Nouvelle-Espagne, A.D.B., ibid. Depuis Séville, Matias de Fano qui a des parents à Bilbao et expédie du vin et de l’huile de Santa María jusqu’au port de Biscaye, laisse Hortuño de Bilbao la Vieja et Andrés de Larrea s’occuper de l’assurance, ibid.
299 J. P. Priotti, Des financiers..., p. 185.
300 Ibid.
301 V. Vázquez de Prada, op. cit., t. II, p. 179-80 (D.E. à S.R. 21/02/1576).
302 Ibid., p. 213 (D.E. à S.R. 5/09/1576). Le taux de l’assurance pour le même trajet était de 5 % à Nantes, de 4 % à Burgos.
303 Ibid., p. 202 (D.E. à S.R. 30/06/1576).
304 A.F.B., leg. 1157 no 44.
305 A.D.B.-Casa de Velázquez (fonds M. Helmer). De plus, en 1558, Diego expédie des marchandises pour le compte d’habitants de Medina del Campo, à remettre à Bilbao à Pedro et Sancho de Agurto, A.M.B., Cartulaire de l’ancien consulat d’Espagne à Bruges : registre de Pedro de Paredes (1558-1559).
306 A.D.B.-Casa de Velázquez (fonds M. Helmer).
307 Ce négoce s’avère suffisamment profitable pour qu’en 1589 deux Basques, Martín de Ibarra et Juanes de Irauzqui, résidents de Séville, forment une compagnie afin de signer quelque police d’assurance que ce soit (bateaux et/ou marchandises destinés à des ports d’Espagne y de otras partes), L. García Fuentes, op. cit., p. 77.
308 Une association formée de Sebastián de Mújica, marchand d’origine basque et regidor de Medina del Campo, d’Antón de Medina, Diego del Campo et d’autres agit comme cabinet d’assurances, F. H. Abed Al-Hussein, Trade and business..., p. 77-8.
309 Si l’on n’a pas connaissance de l’existence de cabinets d’assurances, il n’en reste pas moins que les Bilbanais et autres Basques sont actifs dans ce secteur d’activité. Bernabé de Luengas souscrit plusieurs assurances à la fin des années 1580, (informations aimablement fournies par J. Bottin).
310 A.F.B., leg. 105 no 73.
311 J. A. Azpiazu Elorza, Sociedad y vida social vasca en el siglo XVI-Mercaderes guipuzcoanos, 1990, t. I, p. 357.
312 S. Barkham, Burgos insurance for basque ships : maritime policies from Spain, 1547-1592, Archivaria, no 11, p. 90. Cet auteur note pour le début du XVIIe siècle une hausse des souscriptions d’assurances faites à Saint-Sébastien et à Bilbao suite à la banqueroute de nombreux hommes d’affaires de Burgos, S. Barkham, Guipuzcoan shipping in 1571 with particular reference to the decline of the transatlantic fishing industry, dans Essays in honor of Jon Bilbao, 1977, p. 78.
313 En 1564, Martín Saez de Anuncibay, Pedro de Agurto, Juan de Urteaga, Martín de Larrea, Pero Saez et San Pedro de Landaeta son fils, assurent 200 ducats à Juan de Estala, Génois installé à Bilbao, sur le trajet Castro Urdiales-Cadix. Cette même année Lope de Roda de Castro Urdiales charge Iñigo de Milluegui, habitant de Bilbao, de faire assurer 200 ducats sur un bateau qui au départ de Castro Urdiales doit se rendre en Irlande, J. P. Priotti, Des financiers..., p. 183. À quatre reprises, en 1553, 1554 et en 1571, des habitants de Castro Urdiales demandent à ce que les Bilbanais honorent leurs engagements et remboursent les sommes qu’ils avaient assurées, A.H.P.C., leg. 1707, leg. 1708, leg. 1694.
314 Des marchands de Bilbao et de Nantes ont assuré une nave qui s’est échouée dans la ría de Santander, A.H.P.B., leg. 3868.
315 En 1575, Rodrigo de Galarza et d’autres habitants de Bilbao courent des risques sur une cargaison de vin venant de Pontevedra et appartenant à Pedro de Mendia, également de Bilbao, A.H.P.B., leg. 3861., A.M.B., Cartulaire de l’ancien Consulat d’Espagne à Bruges : registre de Pedro de Paredes (1544-1547).
316 Sur le trajet Nantes-Bilbao, Martín de Bertendona, marchand de Bilbao, souscrit 18 assurances en 1549 et 8 en 1551. En somme, il s’agit de 4175 livres de marchandises assurées en 1549, de 1550 livres en 1551. Les primes varient de 3 à 4 % la première année, de 2,5 à 3 %, la seconde, A.M.N., H.H. 189. En 1560, c’est au tour de Juan de Anuncibay de courir des risques sur plus de 1000 livres de marchandises, A.M.N., HH 192. Son activité de courtier est importante puisqu’en 1562, il assure 318 fardeaux de marchandises (C. Uriarte qui termine sa thèse sur la famille Salamanca m’a confié cette information). De France à Anvers, Pedro de Madaria par l’entremise de Bartolomé de Vergara, Sancho de Arbieto et Fernando Daca participent à l’assurance d’une cargaison de pastel, J. A. Goris, op. cit., p. 641 annexe no 20.
317 Martín de Aguirre, Biscayen résident de Bruges, assure 109 sacs de laine en 1547, qui font le voyage jusqu’aux Pays-Bas. Juan de Bilbao, pour sa part, signe à Anvers une police de 250 ducats, la moitié pour le compte de Gaspar de Burgos, sur de la laine qui doit être débarquée à Arnemuiden, A.M.B., Cartulaire de l’ancien Consulat d’Espagne à Bruges : registres de Pedro de Paredes, 1547-1548 ; 1556-1557.
318 En 1552, deux habitants de Santander réclament 300 ducats à des assureurs de Bilbao correspondant aux marchandises chargées sur la nave San Nicolás qui devait se rendre en Irlande, A.H.P.C., leg. 1707.
319 Un Portugais assure au nom de Jacome de Agurto 50 livres de marchandises qui sont chargées sur un bateau allant à Laredo, A.M.A., leg. 3132.
320 Un marchand de Viana demande à ce que soient assurés 300 ducats de draps d’Angleterre à Bilbao sur le parcours Biscaye-Portugal.
321 Quatre négociants résidant à Bilbao assurent 1450 ducats entre Bilbao et Séville, A.F.B., leg. 1015 no 2.
322 En 1540, Pedro de Madaria, résidant à Bruges, en affaires avec son frère Juan de Madaria, habitant de Bilbao, participe pour 125 livres de gros à l’assurance de la coque du navire de Juan Saez de Catelinaga, domicilié à Bilbao, qui doit se rendre avec son chargement de blé jusqu’à Livourne, A.F.B., leg. 1040 no 41.
323 Juan Henrique assure au nom de Pedro de Madaria 100 livres sur des marchandises qui partent d’Anvers, A.M.A., leg. 3132. Fernando de Mújica court 250 livres de risque sur le même trajet, ibid.
324 J. P. Priotti, Des financiers...
325 Il s’agit de Paulo de Hertogue, Nicolas Bracyl, Cristián Antonio, Juan de Nerozebe, marchands flamands installés à Bilbao, A.F.B., leg. 1015 no 2.
326 Ibid.
327 A.H.P.C., leg. 1124 (1604).
328 J. A. Azpiazu, Sociedad..., t. I, p. 357. Cet auteur précise que les assurances qui s’effectuaient habituellement à Burgos, se faisaient aussi à Bilbao et Saint-Sébastien à la fin du siècle. Si Bilbao, en raison de son potentiel financier a pu « hériter » d’une part des assurances contractées naguère à Burgos, Madrid joue également un rôle important dans ce domaine à la fin du siècle. En 1586 et 1587, à trois reprises, pour des marchandises aussi diverses que la cochenille, le fer, et les « garnesuis », il est question de seguros madrilènes ou à effectuer à Madrid, A.H.P.U.V., C 106-242, B.B. à S.R., 28/03/86 ; C106-291, B.B. à S.R., 7/10/1586 ; C 114-231, B.B. à S.R. 2/10/1587. Notons également deux assurances de marchands portugais sur du poivre et du sel chargés jusqu’en Biscaye et interceptés par des corsaires de La Rochelle, A.H.P.B., leg. 3863.
329 J. P. Priotti, Des financiers...
330 Ibid.
331 En 1520, une cargaison de fer à destination de La Coruña, est assurée à Bilbao, A.H.P.B., leg. 3288. En 1554, 23 Bilbanais prennent des risques sur un chargement qui se dirige vers Vivero, A.F.B., leg. 105 no 114. On pourrait multiplier les exemples.
332 Déjà en 1556, cet important marchand alavés assurait 630 livres de gros de Flandre sur des sacs de laine appartenant à Rodrigo de la Vega, résident de Bruges, A.M.B., Cartulaire de l’ancien Consulat d’Espagne à Bruges : registre de Pedro de Paredes 1556-1557. À propos de cette famille, je renvoie le lecteur à J. de Apraiz, Los Isunza de Vitoria, 1897 et à J. J. Alzugaray, Vascos..., p. 108-9.
333 A.F.B., leg. 2659 no 450.
334 Il souscrit 18 assurances en 1549 et 8 en 1551 sur le trajet Nantes-Bilbao, J. P. Priotti, Des financiers de la mer..., p. 184-5.
335 Sur ce point, nous ne sommes pas d’accord avec la conclusion sur les assurances maritimes basques de M. M. Barkham, Mercaderes, comercio y finanzas en el norte de España : el seguro marítimo en Burgos y su desarrollo en San Sebastián, Bilbao y Madrid (1500-1630), en Actas del V Centenario del Consulado de Burgos, 1994, p. 612.
336 A.F.B., leg. 436 no 198.
337 Ibid., leg. 893 no 68. Chaque tonneau de graisse est payée 15 pièces de frises à 30 aunes d’Angleterre chacune, le fer n’étant valorisé que pour 11 pièces par tonneau.
338 A.F.B., legs. 1603 no 181, leg. 86 no 90.
339 A.H.P.C., leg. 1124.
340 Sur les changes, je renvoie le lecteur une fois pour toutes au travail très clair de H. Lapeyre, Une famille..., p. 275-335, aux divers articles de cet auteur cités en bibliographie générale et à l’ouvrage de R. de Roover, L’évolution de la lettre...
341 Pour plus de détails sur ce thème, on consultera avec profit H. Lapeyre, Une famille..., p. 283-335. Des changes ont également lieu hors des foires sur des places françaises comme Rouen, ou castillanes, comme Séville, Alcalá, Madrid ou Burgos, H. Lapeyre, ibid., p. 286.
342 Ibid.
343 Le change réel consiste à prendre de l’argent en une ville pour rendre sa valeur en une autre, ou au contraire, bailler argent en un lieu pour reprendre sa valeur en un autre, H. Lapeyre, Une famille..., p. 249.
344 A.H.P.B., leg. 3087.
345 De 1563 à 1570, pas moins de 14 contrats de change sont signés avec des marchands de Bilbao comme emprunteurs, F. H. Abed Al-Hussein, Trade and business..., p. 110-1. Néanmoins peut-on parler d’une « crise de liquidité » des marchands des régions périphériques comme le suggère cet auteur ? Dans le cas de Bilbao, l’auteur déduit même que ces marchands auraient eu des difficultés financières. Cela ne me semble pas le cas pour trois raisons. Les comptes des douanes de Castille suggèrent un accroissement des activités des marchands de Bilbao au moment où la conjoncture se dégrade en Castille, ce qui tendrait à prouver que ces prêts ne sont pas le signe d’un resserrement de leurs finances. Ensuite, les marchands de Bilbao font également office de prêteurs sur la place de Medina del Campo comme sur les autres centres de commerce. Enfin, les sommes recensées sont relativement faibles : deux années seulement dépassent le million de maravédis.
346 A.H.P.B., leg. 3288. En 1542, Pedro Ortiz de Libano, de Bilbao, donne une lettre de procuration à Juan de Lezama, Juan de Sojo et d’autres apoderados pour sacar a cambio à la foire de mai ou fuera de ella, pour les Pays-Bas 1000 ducats et pour Bilbao jusqu’à 200 ducats, en marchandises ou en argent, A.H.P.B., leg. 3097. À la foire d’octobre, Pedro fait emprunter sur le change 350 ducats à rembourser aux Pays-Bas, 100 ducats à rembourser à Bilbao, ibid. Juan de Arciniega fait de même pour 600 ducats, ibid. En 1544, la veuve de Martín Saez de Arbolancha emprunte 650 ducats sur le change à la foire de Medina de Rioseco à rembourser aux Pays-Bas, à Séville ou Valence, ibid. En 1560, Antonio Pasqua, de Cadix, emprunte sur le change ou achète en marchandises 200 ducats à Bilbao, A.F.B., leg. 845 no 53. Martín de Arrieta, indiano, habitant à Bilbao, saca a cambio à la foire de Villalón 350 ducats, à payer aux Pays-Bas ou à Lyon, A.F.B., leg 520 no 168. Ces exemples démontrent non seulement que nos marchands participent au système des changes, mais surtout que Bilbao fait partie intégrante du système des changes en Espagne au XVIe siècle, en tant que place secondaire, bien entendu. La carte reproduite par F. Braudel au sujet des Buonvisi est d’ailleurs éloquente, Civilisation..., t. II, p. 158.
347 Sur les familles marchandes génoises, voir V. Vázquez de Prada, Lettres..., t. I, p. 189 et suiv. et J. M. Bello León, Mercaderes extranjeros en Sevilla en tiempos de los Reyes Católicos, dans Historia, Instituciones, Documentos 20, 1993, p. 48-50.
348 A.F.B., leg. 1040 no 59. La même année une lettre de 670 ducats donnée par Agustín de Espinola à Gênes doit être encaissée pour le compte de Martín García del Barco, important marchand de Bilbao, sur Giovanni Antonio Pinelo, Génois, à la foire de Villalón, ibid., no 58.
349 La correspondance entre les foires flamandes et celles de Castille se dérègle dès les premières années du règne de Philippe II par suite des prorogations continuelles souvent imposées aux hommes d’affaires par la monarchie, H. Lapeyre, Une famille..., p. 285.
350 Ainsi Gonzalo de Morga, de Bilbao, encaisse par l’entremise de son apoderado, John Burnel, Londonien résidant à Bilbao, 634 ducats d’une lettre émise par Pedro de Madaria, Bilbanais d’Anvers, sur Pedro de Jaén, de Burgos, A.F.B., leg. 1040 no 38. Juan de Larrea, lui, encaisse d’Antonio de Quintanadueñas et de Francisco de Gamiz, tous les deux de Burgos, le produit de deux lettres de change, 956 ducats 12 sous 5 deniers payés à 375 maravédis chacun sur le premier, 1011 ducats 16 sous de ducat sur le second en vertu d’une lettre donnée par Ventura de Frías, habitant de Lisbonne, A.H.P.B., leg. 3861.
351 Sancho del Barco, en tant que fondé de pouvoir de son frère Hortuño del Barco, résidant à Nantes, est chargé de faire encaisser de Juan de Ocaraza, habitant de Madrid, 114998 maravédis procédant d’une lettre de change, A.F.B., leg. 822 no 44. Manrique de Arana et Juan Antonio de Larrea doivent récupérer 1500 ducats sur Nicolás Balbi, résident de Madrid, pour une lettre donnée par un certain Agostino et Estefano Balbi, présents à Anvers, A.H.P.B., leg. 3301.
352 Diego de Vitoria donne, par personne interposée, à Juan Basco de Castillo, de Colindres, 133000 maravédis en raison d’une lettre de change tirée par Diego de Echávarri, résidant aux Pays-Bas, sur Diego de Vitoria au profit de Juan Basco, A.H.P.B., leg. 3863. Une lettre émise à Rouen en 1586 par Juan de Chebrier est à payer par Francisco de Chebrier, présent à Bilbao, au profit de Baltasar de Lezama, pour la valeur reçue de Antonio Gallo Salamanca, ibid., leg. 3865. Dans ce cas, il y a lieu de penser que Baltasar encaisse les 250 écus dont il est question pour le compte du Castillan. L’on apprend qu’en 1563 une lettre de 88094 maravédis a été donnée aux Pays-Bas par Pedro de Perteguis, de Bilbao, à Diego de Echávarri, sur Pedro de Agurto, de Bilbao, A.F.B., leg. 2659 no 596.
353 Pour la valeur reçue à Bilbao de Martín de Capetillo, Juan de Cabezón donne l’ordre à Juan del Castillo à Bruges de payer 1300 couronnes (à 6 sous de gros chacune) à Juan de Larrea Salazar, A.M.B., Cartulaire de l’ancien Consulat d’Espagne à Burges : registre de Pedro de Paredes, 1559-1560. Il s’agit là d’un contrat de change « classique » avec une avance de fonds où la lettre est émise (à Bilbao dans notre cas) et un remboursement dans celui où elle est payable (en l’occurrence Bruges). Les intervenants sont au nombre de quatre. Martín est le donneur, Juan de Cabezón le preneur, et en tant que correspondants, Juan de Larrea Salazar fait office de bénéficiaire et Juan del Castillo de tiré. Il est compréhensible que normalement donneur et bénéficiaire d’une part, et preneur et tiré d’autre part soient en compte l’un avec l’autre. En 1556, Juan del Castillo, encore lui, doit honorer 600 écus à Juan de Jugo, résident de Bruges, pour la valeur livrée par Antonio de Jugo à Juan de Otaola et Martín de Regoitia, de Bilbao, pour le compte de Melchor de Recalde, A.M.B., Cartulaire de l’ancien Consulat d’Espagne à Bruges : registre de Pedro de Paredes, 1557-1558.
354 Sur le change par lettres se greffe une opération de crédit sans laquelle le commerce serait tout à fait impossible, H. Lapeyre, loc. cit.
355 J. P. Priotti, op. cit., p. 71-7.
356 Il s’agit de 50 280,75 livres de cire, soit 25 tonnes à peu près.
357 Diego est sans aucun doute le correspondant principal, ce qui ne veut pas dire qu’il soit le seul. Dans les années 1580, Juan de Jugo et Diego de Vitoria opèrent également des remises d’argent adressées à Simón Ruiz pour le compte de Martín Pérez, A.H.P.U.V., C 39-237 à C 39-249.
358 Ibid., C 56-115 à C 56-120, C 64-123 à C 64-131, A.S.M.R.L., source citée.
359 J. G. da Silva, Stratégies des affaires à Lisbonne entre 1595 et 1607-Lettres marchandes des Rodrigues d’Evora et Veiga, 1956, p. 206-7.
360 De Bilbao les fonds destinés à la famille Ximenes se dirigent chez Antonio Ximenes pour le compte de Fernao Ximenes qui est lié à Duarte et Manuel Ximenes d’Anvers, J. P. Priotti, op. cit.
361 G. Caster, op. cit., p. 196.
362 Ibid.
363 A.H.P.U.V., C106-271, B.B. à C.R. et L.A., 27/06/1586 et ibid., C 81-118, P.N. à S.R., 28/10/1583 ; A.H.P.B., leg. 4053 ; V. Vázquez de Prada, op. cit., t. I, p. 122.
364 Dès les années 1520, un certain Juan de Mújica est mentionné parmi les banquiers espagnols qui ont signé un asiento de 52500 ducats pour contribuer aux dépenses de l’élection impériale, R. Carande, Carlos V y sus banqueros, t. III, 1987 (1re édition 1967), p. 43-124-126. Un autre membre de cette famille participe également à ces financements en la personne de Gaspar de Mújica, ibid., p. 134. Vers 1550, d’autres Basques apparaissent comme banquiers du roi : Diego de Gamarra, Jerónimo et Francisco de Aresti, R. Carande, Carlos V y sus banqueros-La Hacienda Real de Castilla, 1949, p. 462. À la même époque, une autre banque, celle des Delgadillo-Arbieto, prête au roi et se déclare insolvable en 1555, F. H. Abed Al-Hussein, Trade and business..., p. 265. Les familles Arbieto, Aresti et Gamarra sont bien représentées à Bilbao et à Burgos.
365 H. Van der Wee (dir.), La banque en Occident, 1991, p. 131.
366 Ibid.
367 R. Pike, Enterprise and adventure. The Genoese in Seville and the opening of the New World, 1966, p. 94.
368 Ibid., p. 189 note 44.
369 A.G.I.-Contratación leg. 5757.
370 L. García Fuentes, op. cit., p. 34-5.
371 R. Pike, Enterprise..., p. 94.
372 Ibid., p. 183 note 6.
373 Ibid., p. 92.
374 A.G.S.-Contratación leg. 198, N5-566. Au moins pour les trois dernières, des membres de ces familles sont actifs dans le port du Nervión. Par ailleurs, un García de Salcedo, très riche marchand de Mexico, prête des capitaux à des villes minières, L. Schell Hoberman, Mexico’s..., p. 78. Des marchands basques sont impliqués en Amérique dans les prêts au trésor royal, ibid., p. 177.
375 R. Pike, Enterprise..., p. 95. Au moins depuis 1540, ce marchand est installé à Séville. À cette date, il a un employé à Bilbao en la personne de Pedro de Zurbarán, A.F.B., leg. 1040 no 65.
376 L. García Fuentes, op. cit., p. 35.
377 Ibid.
378 Ibid. Notons toutefois que ces derniers sont majoritairement guipuzcoans.
379 Cela continue au XVIIIe siècle. En 1783, des Bordelais financent un voyage jusqu’en Inde à l’aide de capitaux de firmes de Paris, Basel, Santo-Domingo et Bilbao, P. Butel, France, the Antilles and Europe, 1700-1900, dans The rise of merchant empires : long-distance trade in the early modern world, 1350-1750, 1990, p. 172.
380 C. Gómez-Centurión Jiménez, op. cit., p. 259.
381 C’est un des éléments que F. C. Lane prend en considération lorsqu’il se penche sur les raisons de l’enrichissement rapide d’Andrea Barbarigo. Il explique que la présence de colonies de marchands vénitiens dans tous les grands centres de commerce de Londres à Alexandrie élargit le nombre des commercial ventures ouvertes à Andrea qui commence ses entreprises avec 200 ducats au début du XVe siècle, Andrea Barbarigo, merchant of Venice (1418-1449), 1944, p. 21. Cet auteur montre également comment au travers de deux riches relations d’affaires, Andrea établit la base de sa fortune, ibid., p. 22 et suiv.
382 C’est ce qu’affirme J. Heers, Le commerce... Bien que des études sur la Méditerranée renferment ça et là quelques informations sur le sujet, cette image n’a guère changé aux yeux des historiens. Parmi ces travaux, E. Ferreira Priegue, Cónsules de Castellanos y cónsules de Españoles en el Mediterráneo, M. Rodríguez Llopis, La integración del reino de Murcia en el comercio europeo al fin de la Edad Media, et C. Cuadrada, M. Dolores López, Comercio atlántico y operadores económicos castellanos en el Mediterráneo : Mallorca en la baja Edad Media, dans Castilla y Europa. Comercio y mercaderes en los siglos XIV, XV y XVI, 1995, p. 81-154 et p. 191-239 ; R. Córdoba de la Llave, El comercio del hierro en Córdoba, un capítulo de la actividad económica vascongada en Andalucía a fines de la Edad Media, dans Congreso Mundial Vasco, 1987-1988, t. II, p. 317-25 ; B. Dini, Mercaderes españoles en Florencia (1480-1530), dans Actas del V Centenario del Consulado de Burgos, 1994, p. 323-47 ; J. Hadziiossif, Assureurs et assurances à Valence à l’époque des Rois Catholiques, dans Horizons marins, itinéraires spirituels (Ve-XVIIIe siècles), 1987, vol. II, p. 155-66 et C. Carrère, Barcelona, 1380-1462. Un centre econòmic en època de crisi, 1978 (1re éd. en Français, 1967), t. I, p. 242, 311, 314, t. II, p. 36-7.
383 D’ailleurs, Pierre Jeannin affirme qu’avant le XIXe siècle, il n’y a généralement pas d’armateurs « purs », c’est-à-dire d’entreprises consacrant leur activité exclusivement au transport maritime, Flottes..., p. 21.
384 E. Ferreira Priegue, Cónsules de Castellanos..., p. 203.
385 Op. cit., p. 264.
386 Leur séjour ne dépasse généralement pas deux ou trois ans, J. Heers, art. cit., p. 318-9.
387 Ochoa de Artacho de Bilbao prête 2060 lires en 1459 tandis que Martín de Simienso octroie plus du double, soit 4850 lires, J. Heers, art. cit., p. 321.
388 E. Ferreira Priegue, op. cit., p. 793 et suiv.
389 B. Dini, Mercaderes españoles en Florencia (1480-1530), dans Actas del V Centenario del Consulado de Burgos, 1994, p. 331 et suiv.
390 Pour les assurances que les Basques réalisent à Valence à la fin du XVe siècle, J. Hadziiossif, Assureurs et assurances à Valence à l’époque des Rois Catholiques, dans Horizons marins, itinéraires spirituels (Ve-XVIIIe siècles), 1987, p. 155-66.
391 M. del Treppo, op. cit., p. 26.
392 A.M.A, leg. 3133. À plusieurs reprises, des Bilbanais et des Navarrais établis à Anvers donnent des procurations à des Basques de Cadix ou de Bilbao pour récupérer de l’argent dû par des marchands de Málaga.
393 À la fin du XVe siècle, des membres de certaines familles de Bilbao sont déjà installés à Londres pour y recevoir le pastel et du vin que leur envoient leurs pairs installés à Bordeaux et plus tard à Bilbao. En ce qui concerne l’exportation de fer vers l’Angleterre, elle dépend d’un fournisseur presque unique : l’Espagne et plus précisément le Pays Basque, W. R. Childs, England’s iron trade in the fifteenth century, The Economic History Review, 1981, p. 25-7. Cet auteur suggère que l’importation anglaise de fer avant la fin du XVe siècle s’élève à 3500 tonnes environ, dont 2500 tonnes par le port de Londres. 95 % des quantités de fer ont été acheminées jusqu’au port de la Tamise sur des bateaux espagnols ou qui appartenaient probablement à des marchands espagnols, ibid., p. 37. Écrivant sur les Portugais qui font le commerce avec l’Angleterre au XVe siècle, W. R. Childs affirme que « their trade was still modest and their expansion not as impressive as that of the Basques in the same period », Anglo-Portuguese trade in the fifteenth century, Transactions of the Royal Historical Society, 1992, p. 212.
394 Une part du commerce du fer effectué entre l’Espagne et Bruges est tenue par des marchands basques, J. A. van Houtte, The rise and decline of the market of Bruges, The Economic History Review, 1966, p. 36. En 1450, par exemple, Martin Jean Darosteguy a chargé dans le navire « Sainte-Marie de Bilbao » 308 quintaux de fer, poids de Bilbao, dont 200 ont été déchargés à la Rochelle par le maître du navire, L. Gilliodts-Van Severen, Cartulaire de l’ancien Consulat d’Espagne à Bruges, 1901, t. I, p. 42. Quatre ans plus tard, une nave basque allant aux Pays-Bas avec 750 quintaux de fer appartenant pour la plupart à des Basques est obligée de faire route contraire à cause d’intempéries, ibid., p. 58.
395 C. Carrère, Barcelona..., t. II, p. 36 ; J. Heers, Gênes au XVe siècle, 1961, p. 219-220, 491. Les célèbres maisons Centurioni et Spinola commercent avec du fer venu de Biscaye ; J. Guiral-Hadziiossif, Valence, port méditerranéen au XVe siècle (1410-1525), 1986, p. 421-2 ; M. Rodríguez Llopis, La integración del reino de Murcia en el comercio europeo al fin de la Edad Media, dans H. Casado Alonso (dir.), Castilla y Europa. Comercio y mercaderes en los siglos XIV, XV y XVI, 1995, p. 99 ; R. Córdoba de la Llave, El comercio del hierro en Córdoba, un capítulo de la actividad de la economía vascongada en Andalucía a fines de la Edad Media, dans Congreso Mundial Vasco, 1987-88, p. 317-25.
396 Au XVe siècle, les Basques de Bruges réexpédient une partie du fer venu de Biscaye à destination de Bergen, Stockolm, Uppsala, etc., J. A. García de Cortázar, Vizcaya en el siglo XV, 1966, p. 194.
397 Des marchands biscayens sont à Lisbonne au XVe et XVIe siècle, V. Rau, Privilégios e legislacão portuguesa referentes a mercadores estrangeiros (séculos XV e XVI), dans Fremde Kaufleute auf der Iberischen Halbinsel, 1970, p. 15 et Estudos de História, vol. I, 1968, p. 143.
398 J. A. García de Cortázar, op. cit., p. 254.
399 Dès le XIIIe siècle, les Espagnols vont à Nantes avec du fer, J. A. García de Cortázar, op. cit., p. 242. Voir aussi M. Mollat, Comptabilité du port de Dieppe au XVe siècle, 1951, p. 22, 50-1 et Le commerce de la Haute-Normandie au XVe siècle et au début du XVIe, 1952, p. 18 ; H. Lapeyre, Une famille de marchands : les Ruiz, 1955, p. 370.
400 Il faut dire qu’à partir de 1475, la mer (Océan Atlantique, Manche, Mer du Nord), libérée de l’hostilité franco-anglaise, s’ouvre à toutes les marines, grâce à une succession de traités de commerce, à la réglementation de la course et à la répression de la piraterie. Au cours du dernier quart du XVe siècle, l’importance des colonies espagnoles dans les ports d’Occident s’accroît. Les marins et marchands basques et les marchands castillans sont à la tête de cette expansion, M. Mollat, Le rôle international des marchands espagnols dans les ports de l’Europe occidentale à l’époque des Rois Catholiques, Anuario de Historia Económica y Social, 1970, vol. III, p. 45.
401 Il est significatif que le trafic de Livourne entre 1547 et 1611 ne concerne pas le nord de la Péninsule. Les relations avec l’Espagne qui tiennent pourtant une grande place dans le commerce du port toscan paraissent se limiter à Séville, Cadix, Alicante et Palma de Majorque, voir F. Braudel et R. Romano, Navires et marchandises à l’entrée du port de Livourne (1547-1611), 1951.
402 R. Collier, J. Billioud, Histoire du commerce de Marseille de 1480 à 1599, 1951, p. 513.
403 Ces éléments sont également à l’origine du succès des Vénitiens, H. van der Wee, Structural changes in European long-distance trade, and particularly in the re-export trade from south to north, 1350-1750, dans The rise of merchant empires : long-distance trade in the early modern world, 1350-1750, 1990, p. 23.
404 La liste des 51 privilèges attribués à la « nation » de Biscaye à Bruges, en 1493, rend pleinement compte de l’ampleur des concessions faites par les autorités de la ville. Notons que les articles 47, 48 et 49 stipulent que la « nation » de Biscaye jouit de tous les privilèges octroyés à celle de Castille. Cela laisse présager de l’importance de la colonie basque à Bruges. La liste des 51 articles a été transcrite pour l’essentiel par L. Gilliodts-van Severen, Cartulaire de l’ancien consulat d’Espagne à Bruges, 1901, t. I, p. 151-61.
405 R. Sidney Smith, op. cit., p. 113.
406 À ce propos, voir le travail de H. Casado Alonso, Las colonias de mercaderes castellanos en Europa (siglos XV y XVI), dans Castilla y Europa. Comercio y mercaderes en los siglos XIV, XV, XVI, 1995, p. 15-56.
407 Sauf indication contraire, les informations livrées sont tirées des A.M.N., HH 189-192.
408 A.D.L.A., (Ch. Co.), B 53, B 54, B 56.
409 Ibid.
410 C’est le cas de Jan Cathilinaya (Juan de Catalinaga) en 1606 qui épouse Jarguitte Fouretier, A.M.N., G.G. 195.
411 Pedro de Álava possède une maison à Nantes, H. Touchard, Le commerce maritime..., p. 282 note 417.
412 A.D.L.A., B 57, B 60, B 61.
413 A.M.N., C. C. 335 ; J. Mathorez, Notes sur les rapports de Nantes avec l’Espagne, Bulletin Hispanique, 1912, p. 392.
414 Ibid. Ces trois patronymes sont très courants à Bilbao. Martín de Gueldo par exemple est membre de l’Université des marchands de Bilbao dans les années 1550-1575, les Larrinaga et les Gatasca aussi, T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., p. 171 ; H. Lapeyre, Une famille…, op. cit., p. 51 note 26.
415 A.M.N.-GG 168, 173, 175.
416 A.M.N., HH 189-HH 192.
417 En 1572, Martín et Baltasar de Lezama, habitants de Nantes, ordonnent à Juan de Lezama, marchand de Bilbao de récupérer 1606 écus d’or de Francisco de Álava, ambassadeur du roi d’Espagne en France, A.H.P.B., leg. 3858. C’est dire la notoriété de cette famille !
418 En 1553, cinq balles de livres et un ballot sont consignés à Bilbao à Martín de Álava pour le compte de Diego de Guinea. Trois années plus tard, il s’agit de 31 caisses de cartes à jouer. Les envois à ses partenaires commerciaux sont plus nombreux et plus importants. En 1550, 49 balles de papier, 25 caisses de cartes et 30 balles de fil transitent par Nantes pour aller jusqu’à Martín de Álava. On pourrait multiplier les exemples.
419 A.F.B., leg. 87 no 40. Le montant honoré par les marchands de Bilbao est de 42660 réaux, reste de 55250 réaux. Nous possédons d’autres exemples de ces complicités. Parmi les ventes effectuées à Bilbao, certaines ont été réalisées par les associations suivantes : San Juan de Mendia, domicilié à Nantes et Martín de Abarrategui (1566), Juan de Anuncibay, habitant à Nantes et Hernando Marqués, estante en Bilbao (1567), Juan Martínez de Urribarri, de Bilbao et Olivier de Cusi, français de Bilbao (1569), Juan de Arratia menor, de Bilbao et San Juan de Zugasti, Biscayen de la Fosse de Nantes (1577), Antonio de Jugo de Bilbao et Diego de Lezama, résident de Nantes (1579), etc. A.F.B., legs. 797 no 26, 469 no 92-107, 1260 no 57, 986 no 121 ; A.H.P.B., leg. 3863.
420 T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., p. 80 et suiv.
421 P. Jeulin donne une liste de 35 Bilbanais intéressés à ce trafic, Aperçus sur la Contractation de Nantes (1530 environ-1733).
422 En 1546 et 1550, Sanson Corbieto et Martin d’Arbiete dits marchands d’Espagne, obtiennent leur lettres de naturalité à Rouen, C. Demeulenaere-Douyère, Les Espagnols et la société rouennaise, 1981, p. 78. Sancho de Arbieto et Martín de Arbieto font partie du consulat de Bilbao entre 1525 et 1600, T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., p. 168-72. Lors de l’occupation de Rouen par les protestants d’avril à octobre 1562, les biens de plusieurs marchands espagnols sont pillés et leur argent confisqué. Lors du règlement des indemnités en 1563, Sanson d’Arbiete reçoit 15708 livres, l’un des plus gros montants remboursés aux divers marchands, E. le Parquier, Extraits des registres du parlement de Normandie, Bulletin de l’Histoire du Protestantisme Français, 1912, p. 31. Sancho et Pedro de Arbieto expédient également pour leur compte des marchandises depuis Anvers. En 1552-1553, il s’agit de tissus, de fils, de toiles de Haarlem, de serviettes, de tapisseries, A.G.R., Chambre des Comptes, carton 326. C. Demeulenaere-Douyère, Le commerce espagnol à Rouen au XVIe siècle, Études Normandes, 1981, p. 47-8. À leurs côtés, François d’Ariague et Martin Venero comptent parmi les membres espagnols de la colonie de Rouen et font le commerce de la laine, ibid., p. 45. Tous ces noms paraissent d’origine basque. Les patronymes Baxaneta, Arriaga et Benero sont connus à Bilbao à la même période, T. Guiard-Larrauri, Historia..., p. 168-70 ; P. Jeulin, Aperçus..., p. 300.
423 E. Lorenzo Sanz, Comercio de España con América en la época de Felipe II, 1979-1980, t. I, p. 286.
424 J. G. da Silva, Stratégie des affaires à Lisbonne entre 1595 et 1607-Lettres marchandes des Rodrigues d’Evora et Veiga, 1956, p. 13 note 45. Toujours à Rouen, nous trouvons un Bilbanais expatrié au service d’un Castillan, mais qui a gardé contact avec ses compatriotes. En 1591, Baltasar de Espinosa, de Medina del Campo, en tant qu’héritier et administrateur de Prudencio de Sarria, originaire de Bilbao et mort à Rouen, règle à Martín de Larrea, Juan Antonio de Larrea et San Pedro de Adaro, tous de Bilbao, 4800 escudos del sol 6 sous et 9 deniers tournois, issus pour l’essentiel de sacs de laine dus par le défunt, A.F.B., leg. 87. Notons également un Manuel Sánchez, habitant de Rouen, qui est en affaire avec Martín de Zubileta, employé de Juan de Bustinza, autre grand marchand du port biscayen, A.H.P.B., leg. 4666.
425 Ce document a été analysé par C. Douyère, Le testament de Pedro de Salazar, marchand espagnol de Rouen (1549), Bulletin philologique et historique, 1973, p. 157-69. Les informations qui suivent sont tirées de cet article.
426 C. Douyère, Le testament de Pedro de Salazar, marchand espagnol de Rouen (1549), Bulletin Philologique et Historique, 1973, p. 158-9.
427 Ibid.
428 C. Douyère, Le testament..., p. 165.
429 J. Bottin, La redistribution..., p. 33.
430 B. Caunedo del Potro, Mercaderes castellanos..., p. 286-7.
431 L. Gilliodts-Van Severen, Cartulaire de l’ancienne estaple, t. II, 1905, p. 295 no 1289.
432 En 1570, la compagnie exporte 9000 ducats de marchandises à Nantes sur deux navires bretons, A.D.B.-Fonds M. Helmer, 1570.
433 A.H.P.U.V., C 21-142, B.B. à S.R., 26/05/1574, C 24-58, B.B. à S.R., 20/04/1575.
434 A.H.P.B., leg. 3098.
435 A.H.P.B., leg. 3860.
436 A.H.P.B., leg. 3861. Si sa marchandise de prédilection est le tissu français, il ne dédaigne pas s’occuper de l’écoulement de produits flamands, de la vente de poivre, de clous de girofle ou de n’importe quelle autre épice. À l’occasion, il trafique avec le coton, la cochenille, la laine et bien d’autres produits, A.F.B., leg. 882 no 59, A.H.P.B., leg. 3856. En 1573, par exemple, Diego vend à Juan de Bialar pour un marchand de Pampelune 4 sacs de poivre, 1 de clou de girofle, 1 de gingembre, et une caisse de cannelle, le tout pour 412224 maravédis. Quelques années plus tard, Antonio Gómez doit acheminer entre 2,5 et 3 tonneaux de poivre depuis Lisbonne jusqu’à Bilbao ou Nantes pour le compte de Diego de Vitoria et celui de Simón Ruiz, A.H.P.U.V., C 28-229, D.V. à S.R., 7/10/1576. Dès 1569, Diego de Vitoria fait venir pour son propre compte depuis la cité du Tage 2300 ducats d’épices diverses, A.D.B.-Casa de Velázquez (Fonds M. Helmer), 1569 A.H.P.U.V., C 24-125, D.V. à S.R., 4/11/1575 ; C 47-186, D.V. à S.R., 22/12/1579. Diego a acheté 50 ou 60 sacs de laine qu’il a payés en réaux et en indigo, A.H.P.B., leg. 3856. Pour ce qui est de la toile française, Antonio de Vitoria Lecea, son fils, suit d’ailleurs son exemple. En 1585, il fait assurer à Burgos 800 ducats de toiles qui doivent aller de Nantes à Bilbao, A.D.B.-Casa de Velázquez (Fonds M. Helmer), 1585.
437 A.H.P.U.V., C 21-166, J. L. à L.A., 4/03/1574, C 21-170, D.V. à S.R., 4/03/1570, C 21-175, D.V. à S.R., 30/03/1574, C 24-106, D.V. à S.R., 30/01/1575. En 1580, il est question de deux licences d’un total de 15,33 millions de maravédis achetées par Diego à 2 1/4 % et dans lesquelles il participe pour 10861122 maravédis, plus des deux tiers, la part de Simón Ruiz s’élevant à 1064200 maravédis, celle de Antonio de Jugo à 3 millions de maravédis, et celle de Pero Ruiz à 408000 maravédis, ibid., C 56-167, D.V. à S.R., 23/01/1580. Sa renommée lui vaut la confiance de Diego de Zúñiga, l’ambassadeur espagnol de France en personne, qui remet entre ses mains l’exportation de 16500 réaux à destination du royaume voisin, A.H.P.B., leg. 3863.
438 J. Finot, Étude historique sur les relations commerciales entre la Flandre et l’Espagne au Moyen Âge, 1899, p. 284-5.
439 Ibid.
440 Ibid.
441 J. Finot, op. cit., p. 254. Nous avons décrit quelques-unes des activités de cet important marchand dans ce chapitre.
442 Ibid., p. 223.
443 Les Basques ont une chapelle dans l’église de Middelburg, J. de Ybarra y Bergé, Vizcaínos..., p. 349. Cette présence est confirmée par Raymond Fagel qui mentionne des Basques installés dans cette ville, voir Los hombres de la lana y del hierro : mercaderes vascos en los Países Bajos en el siglo XVI, dans El licenciado Poza en Flandes, 1996, p. 57. Un certain Pedro de Celtuches (Sertucha ?), originaire de Bilbao et résident à Middelburg, met du pastel et du vin à bord de « la Martine », à destination de L’Écluse, pour Juan de Celtuches (Sertucha ?) et autres marchands d’Espagne.
444 Une quarantaine de Basques font le commerce depuis Anvers à destination de l’Espagne et du Portugal. La liste des Espagnols et des Portugais participant à ce trafic est donnée par L. van der Essen, Contribution à l’histoire du port d’Anvers et du commerce d’exportation des Pays-Bas vers l’Espagne et le Portugal à l’époque de Charles Quint (1553-1554), Annales de l’Académie Royale d’Archéologie de Belgique, 1920, p. 44-7. Parmi les membres de la nation d’Espagne qui habitent à Anvers en 1560, l’on note 11 patronymes basques, J. A. Goris, Étude sur les colonies marchandes méridionales à Anvers de 1488 à 1567, 1925, p. 611-4. Il faudrait y ajouter la liste des membres de la « nation » de Biscaye qui n’a pas été retrouvée.
445 A.G.R., chambre des comptes, carton no 326. D’autres Basques payent également des droits importants : Juan de Doypa, Pedro de Arbieto et Pedro de Isunza, L. Bril, De handel tussen de Nederlanden en het Iberisch Schiereiland (midden XVIe E.), mémoire de maîtrise inédit, 1962, p. 88-9.
446 En 1556, Martín de Aguirre doit récupérer 5000 ducats de son neveu, Baltasar de Aguirre, domicilié à Séville, pour des marchandises vendues pour le compte de Martín. Sancho de Agurto, pour sa part, veut solder un compte de marchandises vendues pour lui à Cadix au milieu des années 1540.
447 En témoignent de nombreuses associations de marchands établis à Bilbao et aux Pays-Bas. Notons celles de Juan de Madaria, habitant de Bilbao, et Pedro de Madaria, son frère, résidant à Bruges (1545), celle de Juan de Regoitia, Biscayen d’Anvers et de Martín de Regoitia, son frère de Bilbao (1545), celle de Juan de Urteaga, habitant le port du Nervión et de Francisco de la Maza, Brugeois d’adoption (1556), celles enfin de Juan de Jugo de Bilbao avec Martín Pérez de Varrón, Basque d’Anvers (1577) et de Pedro de Agurto avec Gilles Offmann, habitant d’Anvers (1574), etc., A.M.B., Cartulaire de l’ancien Consulat d’Espagne à Bruges : registre de Pedro de Paredes, 1544-1557, A.H.P.B., legs. 3863, 3859, A.F.B., leg. 986 no 117-135.
448 J. P. Priotti, Commerce et finance en Flandre au XVIe siècle : les activités de Diego de Echávarri, consul de la nation de Biscaye, dans Handelingen van het Genootschap voor Geschiedenis « Société d’Émulation » te Brugge, 1995, p. 81-95
449 Sauf indications contraires toutes les informations concernant Aparicio émanent de deux documents : le testament du capitaine Aparicio de Ugarte, A.G.S., C.M., leg. 153 no 11 et la curatelle des biens d’Aparicio de Ugarte Nobia, son neveu, A.F.B., leg. 1333 no 21.
450 Il comporte entre autres biens 9,1 millions de principal de rente, des propriétés foncières en Achuri et Gorostizaga et un harnachement en argent d’une valeur de 700 ducats, A.H.P.B., leg. 3301.
451 Ce Basque, Guipuzcoan, est un des plus riches marchands de Séville en 1584, E. Lorenzo Sanz, Comercio..., t. I, p. 373.
452 A.M.B., Cartulaire de l’ancien Consulat d’Espagne à Bruges : registre de Pedro de Paredes, 1547-1548.
453 J. Maréchal, Le départ..., p. 35.
454 J. Finot, op. cit., p. 258-9.
455 J. Maréchal, Le départ..., p. 54.
456 A.M.A., fonds faillites : IB 906 et IB 2
457 En comparaison, Medina del Campo qui est au premier rang paie 2427847 maravédis, Burgos qui est au second 1401921 maravédis, Valladolid au troisième 449101, et Toledo 189178, H. Lapeyre, El comercio..., p. 129.
458 Ibid., p. 101.
459 À Orduña, en 1578, Juan de Zornoza fait les affaires de Jacobe Geraldinis, conde de Sesemonde (James Fitzgerald, comte de Desmond). Sa fonction, mais il ne s’agit là que d’un document, réside en l’accomplissement de menues tâches (paiement des transports de charges de Bilbao à Orduña, paiement de fournisseurs de soie à Bilbao, etc.) mais aussi en l’octroi de prêts. Juan a prêté au comte 4400 réaux en réaux et écus, 1100 réaux pour une lettre de change sur Juan Pérez de Madrid, plus 300 livres tournois et 16 écus d’or que Juan de Zornoza lui a fourni à Nantes, P.R.O.-State Papers/69/13/no 818.
460 L’activité des Basques dans les foires castillanes a déjà été stipulée. À Medina, Pedro Oruña, de Bilbao, achète, en 1551, 12900 litres de vin à un marchand de Medina. Par ailleurs, des marchands de Bilbao se portent acquéreurs de laine sur le marché medinense, F. H. Abed Al-Hussein, Trade and business..., p. 21-9. À Villalón, les Biscayens se sont introduits dans les échanges de soie et de draps de Flandre et « de la mer », B. Yun Casalilla, Sobre la transición..., p. 187. À Medina de Rioseco, les commerçants de Medina del Campo s’approvisionnent en « hollandes », « bretagnes », « futaines », « rouens » et tissus nantais que leur vendent des Burgalais mais aussi des Biscayens, ibid.
461 Pedro et Sancho de Agurto, le premier de Bilbao et son frère installé à Burgos, sont associés en 1560 pour des ventes de métal, A.H.P.B., leg. 5600. À Burgos, les Gaona et Juan Ugarte de Astobiza, d’origine basque, figurent parmi les plus gros acheteurs de la grande firme Miguel de Zamora et compagnie, H. Casado Alonso, Crecimiento...
462 Un certain Juan de Ibaizábal, riche marchand d’origine basque est établi à Logroño, voir F. M. Burgos Esteban, Los lazos del poder. Obligaciones y parentesco en una élite local castellana en los siglos XVI y XVII, 1994, p. 29.
463 En 1603, Pedro de Aldecoa, de Bilbao, donne pouvoir à Juan de Salcedo, d’Orduña, pour payer les droits de 170 arrobes de « pastel de yslas » que Pedro a consignées à Jerónimo de Aguirre, marchand de Ségovie, mais dont l’origine basque ne fait pas de doute, A.H.P.B., leg. 4979. Juan de Ayzaga est marchand et habitant de Ségovie à la fin du XVIe siècle, A.H.P.S., sección protocolos, leg. 399. Par ailleurs, Pedro de Bilbao Lazcano, de Ségovie, commerce à Séville. L’on retrouve parmi sa clientèle des Basques de la cité andalouse, A.H.P.S., sección Hacienda, carpeta 33, leg. 11. Parmi les habitants de Ségovie à qui les Bernuy vendent du pastel en 1546, apparaissent de nombreux Basques : Pedro de Aguinaga, Pero de Amézaga, Lope de Álava, Diego de Ondategui, les Zuazo, les Vitoria et les Vergara, voir l’annexe no 2 de H. Casado Alonso, El comercio del pastel en España a mediados del siglo XVI, dans Congreso de Historia de Segovia.
464 Antonio de Vitoria Lecea, fils de Diego de Vitoria, et Francisco de Fuica font parvenir à Valladolid, à Andrés de Otaola, Bilbanais d’origine, 24 fardeaux de tissus français qui leur appartiennent, A.H.P.B., leg. 3869. Pedro del Plano, d’origine basque et habitant à Valladolid fait les affaires de Diego de Echávarri, J. P. Priotti, Commerce et finance en Flandre au XVIe siècle : les activités de Diego de Echávarri, consul de la nation de Biscaye, dans Handelingen van het Genootschap voor Geschiedenis ‘ Société d’Emulation’ te Brugge, 1995, p. 81-95.
465 À Madrid, Miguel de Ulibarri, marchand de fer et habitant de Madrid, a une évidente origine basque et, vu son métier, des liens avec le Pays Basque, A.H.P.M., leg. 4906. Un autre marchand de fer, Francisco de Lasabe, est résident à Valladolid et est employé par Andrés de Garibay, marchand de Madrid. Les deux compères sont Basques, ibid., leg. 2803. Pedro de Larrea, marchand de Madrid, est en relation avec Juan Ortiz de Zarate, employé du roi, à qui il doit rendre 1044192 maravédis comme reste de comptes. Zarate avait initialement remis 4714134 maravédis à Pedro et à son associé, ibid., leg. 1006. Un Miguel Ortiz de Libano, marchand de Bilbao, déclare avoir été pendant 5-6 années à Madrid, A.H.P.B., leg. 2520. Parmi les marchands de Madrid qui paient le plus d’alcalabas, l’on trouve un certain Pedro de Larrea, d’origine basque, dont la compagnie fondée avec Alonso de Tablares produit de très gros bénéfices, A. Alvar Ezquerra, El nacimiento de una capital europea. Madrid entre 1561 y 1606, 1989, p. 264
466 Pedro de Retes, de Grenade, mais dont la famille est à Bilbao, achète 24 fardeaux de toiles françaises à Diego de Vitoria, à Bilbao en 1574, A.H.P.B., leg. 3858.
467 R. Córdoba de la Llave, El comercio del hierro en Córdoba, un capítulo de la actividad vascongada en Andalucía a fines de la Edad Media, dans Congreso Mundial Vasco, 1987-1988, p. 317 et suiv.
468 El comercio..., p. 131.
469 Voir deuxième partie, chapitres II et IV.
470 A. M. Bernal, La financiación de la Carrera de Indias (1492-1824), 1992, p. 164.
471 Nous savons par exemple qu’en 1565, Andrés de Larrea reçoit 100 marcs d’argent qui correspondent à un quart de la vente de 232 pièces d’esclaves. Ce marchand, en relation avec Domingo de Bilbao la Vieja, exporte vers la Nouvelle-Espagne 692499 maravédis de marchandises diverses (tissus et machettes essentiellement), A.G.S.-Contratación, leg. 203, N4 R3. Déjà en 1561, Andrea (Andrés) de Larrea conclut aux côtés de Rodrigo de Baço un asiento avec le roi pour transporter des quantités de mercure en Nouvelle-Espagne, M. Helmer, art. cit., p. 235-6. Andrés de Larrea est membre de la Casa de Contratación de Bilbao entre 1575 et 1600, T. Guiard-Larrauri, Historia del Consulado..., p. 173.
472 A.F.B., leg. 436 no 84.
473 De nombreuses références dans l’A.H.P.B. (Bilbao) et l’A.F.B. (Bilbao) montrent les envois de pesos de Séville à Bilbao. Dans « Bienes de difuntos » de la section Contratación de l’A.G.I. (Séville), on trouve également de nombreux transferts de numéraire réalisés au profit des parents du défunt installés en Pays Basque. Voir aussi les remises effectuées par les muletiers yangois en Guipúzcoa, Biscaye et Álava, L. García Fuentes, op. cit., p. 155 et suiv.
474 A.H.P.B., leg. 4052.
475 E. Lorenzo Sanz, Comercio de España con América..., t. I, p. 445. Nous ne pensons pas qu’il s’agisse seulement d’une voie utilisée en cas d’urgence comme le prétend cet auteur. À plusieurs reprises nous avons déjà constaté des expéditions de tissus français de Bilbao à Séville, voir le chapitre réservé aux compagnies. De nombreuses références sont également contenues dans l’A.H.P.U.V., et les assurances burgalaises (A.D.B., source citée). En 1577, vu la pénurie d’« angers », de « brins » et de « mélinges » à Séville, certains marchands à Bilbao envoient par terre ou mer 200 ou 300 fardeaux, A.H.P.U.V., C 34-232, B.B. à S.R. Déjà en 1539, Pero Ortiz de Madariaga, de Bilbao, demande à son fils, du même nom, de récupérer à Cadix 68 fardeaux de « toiles blanches », « angers », « malobrins » et « olonnes », A.H.P.B., leg. 3097. En 1588, 130 fardeaux de toiles sont chargés à Bilbao, à destination de Sanlúcar, pour le compte de Tolédans, A.H.P.B., leg. 3868.
476 A.H.P.B., leg. 3288. On pourrait multiplier les exemples de l’activité commerciale des Basques en Andalousie. En 1543, García de Marquina de Bilbao révèle qu’Alonso de Betolaza, son employé à Cadix, lui doit 163750 maravédis qui correspondent aux bénéfices d’un voyage à Santa Marta de Indias, ibid. Toujours dans les années 1540, Martín de Anuncibay et Juan de Loxeri, marchands de Bilbao, donnent pouvoir à Hortuño de Abendaño, habitant de Séville, et à Martín de Urizar, originaire de Bilbao et résident de Séville, pour récupérer de Francisco de Sasana, habitant des bords du Guadalquivir, 480367 maravédis, A.H.P.B., leg. 3097. Quarante années plus tard, la ville de Bilbao demande à ce que soient répertoriés les biens, l’argent et le montant des ventes de grains de cochenille qui ont appartenu à ce même Martín, mort à Mexico, A.F.B., leg. 152 no 81. À la fin du XVIe siècle, Aparicio de Hormaeche, un des principaux marchands de fer à Bilbao réclame à Diego Pérez de Goicolea, à Rafael de Ibar Eguía, originaire de Bilbao et à Bernardo de Mostrenco, tous résidents de Séville, 550 pesos envoyés par Diego López de Otuna, installé à Potosí, A.F.B., leg. 436 no 317-320. En 1610, Bartolomé de Zaldíbar Espilla déclare posséder un crédit de 4000 pesos sur son fils, Juan de Zaldíbar, résident de Potosí, A.H.P.B., leg. 4029. Il faudrait ajouter les compagnies commerciales dans lesquelles Guipuzcoans et Biscayens s’associent pour vendre du fer dans le sud, surtout à Séville, J. A. Azpiazu Elorza, op. cit., t. II, p. 115-322. Ajouter encore un certain Ximeno de Bertendona, de Bilbao, qui est installé à Séville pour y trafiquer avec l’Amérique. Ce marchand envoie de concert avec Simón Ruiz du mercure au Mexique, M. Helmer, Lettres d’Amérique dans la correspondance de Simón Ruiz (1562-1595), 1967, p. 234. Nous avons retrouvé ce Bilbanais de Séville associé à Pedro de Morga et Juan de Arregui, également d’origine basque, qui envoient vers la Nouvelle-Espagne pendant la seule année 1571, plus de 4000 ducats de vin depuis les Canaries, et 38035 ducats de marchandises, et reçoivent en provenance d’Amérique 5725 ducats de cochenille chargée par Pedro de Arriáran à Veracruz, A.D.B., Casa de Velázquez-Fonds Marie Helmer. Par ailleurs, Juan de Regoitia envoie 155 botas de vino de Jérez, depuis Cadix où il est installé, à Bilbao, à son frère Martín, A.F.B., leg. 105 no 64.
477 L. García Fuentes, op. cit. Cet auteur a établi la liste des volumes de fer exportés pour les XVI, XVII et XVIIIe siècles dont la validité a été critiquée par R. Uriarte Ayo dans Revista de Historia Económica, XI no 1, 1993, p. 209 et suiv. Quoi qu’il en soit, le nombre et l’importance des compagnies basques qu’il dépeint sont suffisants pour parler d’un commerce de très grande envergure.
478 J. P. Priotti, Guerre et expansion commerciale : le rôle des Basques dans l’empire espagnol au XVIe siècle, Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, déc. 2001, p. 51-71 ; El crédito como lazo social. El caso vasco español (siglos XVI-XVII), Tierra Firme, Caracas, 2002, p. 111-127.
479 P. Gonzalbo Aizpuru, art. cit., p. 276.
480 E. Otte, Los mercaderes vascos y los Pizarro. Cartas inéditas de Gonzalo y Hernando Pizarro y su mayordomo Diego Martín, 1966, p. 26-7. D’autres exemples peuvent être donnés sur l’activité des marchands de Bilbao en Amérique. Domingo de Hernández, habitant Potosi et natif de Bilbao envoie 4000 ducats à Bilbao par l’intermédiaire de Miguel de Teza, A.G.S.-Contratación, leg. 473 N5 R2.
481 A.G.S.-Contratación, leg. 268B N1 R13.
482 Consulter les 6 tomes coordonnés par Amaya Garritz, Los vascos en las regiones de México, siglos XVI-XX, ainsi que les textes réunis par Ronald Escobedo et alii, Comerciantes, mineros y nautas. Los vascos en la economía americana et Emigración y redes sociales de los vascos en América (voir bibliographie générale).
483 Les informations qui suivent sont tirées de J. J. Alzugaray, Vascos..., p. 110-1.
484 La participation des Basques à ce commerce est confirmée. Alzega, un marchand basque de Mexico, consacre 35 % de son avoir en marchandises aux produits qui viennent de Chine tandis que les trois autres exemples choisis par l’auteur, n’y consacrent qu’entre 10 et 13 % (d’après inventaires de marchands), L. Schell Hoberman, op. cit., p. 270.
485 Martín de Lezama est le gendre de Vizcaíno, W. M. Mathes, Sebastián Vizcaíno y la expansión en el océano pacífico (1580-1630), Universidad Nacional Autónoma de México, México, 1973, p. 124 ; J. J. Alzugaray, Vascos universales..., p. 172.
486 Ibid., p. 174.
487 Séville et l’Atlantique, t. VIII, p. 254 note 5.
488 À ce propos, on lira aussi avec intérêt l’article de M. Aghassian, K. Kévonian, Le commerce arménien dans l’Océan Indien aux XVIIe et XVIIIe siècle, dans Marchands et hommes d’affaires asiatiques dans l’Océan Indien et la Mer de Chine 13e-20e siècles, 1988, p. 155-81. Ces auteurs précisent notamment qu’aux XIIe-XIVe siècles, les Arméniens jouent un rôle important d’intermédiaires dans le commerce des villes italiennes avec l’Asie mongole, ce qui n’est pas sans rappeler, toute chose étant égale par ailleurs, les services que rendent les Basques entre l’Italie et les Pays-Bas, et entre l’Europe du nord-ouest et la Castille. Le XVIe siècle voit leur activité s’accroître tout comme pour les Basques.
489 Civilisation..., t. II, p. 131-5.
490 Nous tenons cette impression des assurances de Burgos qui pour les années 1560 représentent à notre sens une source importante pour le commerce européen organisé à partir de l’Espagne. Par ailleurs, l’étude des marchands guipuzcoans faite par José Antonio Azpiazu conduit souvent à cette dominante pour les affaires péninsulaires, op. cit., t. II. L. García Fuentes qui traite le XVIe siècle, op. cit. et R. Córdoba de la Llave, art. cit., qui fournit l’origine géographique de 22 marchands basques de la seconde moitié du XVe siècle le confirme. De la seconde moitié du XVe siècle à la fin du XVIe, les Basques installés en Andalousie semblent majoritairement Guipuzcoans, et lorsqu’ils sont biscayens, ils proviennent de l’intérieur de la province, en particulier d’Elorrio. Les tableaux qui présentent la géographie des Guipuzcoans décédés en dehors de leur province d’origine à partir de la seconde moitié du XVIe siècle confirment une forte émigration en Andalousie et en Amérique ainsi que vers l’intérieur de la Péninsule. L’Europe du nord-ouest n’apparaît pas, voir Santiago Piquero Zarauz, El siglo XVI, época dorada de los movimientos migratorios guipuzcoanos de media y larga distancia durante la Edad Moderna, dans Primera Conferencia Europea de la Comisión Internacional de Demografía Histórica, 1993, p. 657.
491 Cette affirmation est confirmée par les mouvements migratoires du Guipúzcoa qui se dirigent massivement vers l’Andalousie et l’Amérique dans la seconde moitié du XVIe siècle et encore au XVIIe siècle, S. Piquero Zarauz, El siglo XVI, época dorada de los movimientos migratorios guipuzcoanos de media y larga distancia durante la Edad Moderna, dans Primera Conferencia Europea de la Comisión Internacional de Demografía Histórica, 1993, p. 657. Par ailleurs, les lignages basques que l’on retrouve dans l’université de marchands de Burgos proviennent dans la plupart des cas de Biscaye et Álava, la participation du Guipúzcoa étant minoritaire. L’explication en est claire : la Biscaye, avec Bilbao comme principal port, constitue la grande zone importatrice pour les produits destinés à Burgos tandis que l’Álava est la zone limitrophe de la Castille (Vitoria, est un poste de douane (puerto seco) où les marchandises qui viennent de la côte cantabrique et plus particulièrement de Bilbao payent la dîme). Dans ce circuit commercial Burgos-Vitoria-Bilbao connecté avec la France, l’Angleterre, les Pays-Bas et l’Europe du nord-ouest en général, l’élément guipuzcoan semble assez marginalisé.
492 Entre 1472 et 1515, les expéditions depuis Séville en direction de la Biscaye et du Guipúzcoa vont neuf fois sur dix jusqu’aux ports guipuzcoans, E. Otte, La navegación europea del puerto de Sevilla a fines de la Edad Media, dans Atti del V Convegno Internazionale di Studi Colombiani, 1990, p. 553. De plus, entre 1579 et 1630, sur 55 trajets au départ ou à destination du Guipúzcoa pour lesquels Biscayens et Guipuzcoans ont contracté des assurances, 40 % à peu près concernent l’axe Guipúzcoa-Portugal-Andalousie alors que le commerce avec le nord-ouest européen est ridiculement représenté avec un seul trajet. Le trajet le plus représenté est celui de la pêche à Terre-Neuve, M. Barkham, Mercaderes, comercio, finanzas..., p. 601.
493 Chacun à sa façon investit son argent dans des secteurs plus porteurs. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, lorsque le commerce sur l’axe Burgos-Bilbao-Pays-Bas devient de plus en plus difficile, les marchands castillans, surtout ceux de Medina, de Valladolid et de Burgos investissent largement dans l’industrie de la soie à Grenade et dans l’industrie textile à Ségovie, Tolède et Ciudad Real et réorientent leur commerce vers le Portugal après 1550, ainsi que dans les achats de terres et la rente, F. H. Abed Al-Hussein, Trade and business..., p. 63, 70, 278.
494 J. I. Israel, Razas, Clases sociales y vida política en el México colonial, 1610-1670, 1980 (1re éd. en anglais 1975), p. 118.
495 M. Aghassian et K. Kévonian ont formulé cette remarque pour les Arméniens, Le commerce arménien dans l’Océan Indien aux XVIIe et XVIIIe siècle, dans Marchands et hommes d’affaires asiatiques dans l’Océan Indien et la Mer de Chine 13e-20e siècles, 1988, p. 167.
496 Malheureusement, la citation n’est pas datée et l’on ne sait pas qui en est l’auteur, cité par L. García Fuentes, Sevilla, los Vascos y América, 1991, p. 18. « En effet, les Cantabres, entendant par ce nom tous ceux qui parlent la langue de Biscaye sont des gens sincères et de notoire probité. Ils furent les premiers marins d’Europe, et ont toujours gardé la réputation d’excellents hommes de mer. Leur pays, bien qu’extrêmement montagneux, a une population très nombreuse qui ne paraît pas diminuer en dépit des envois continus de colonies en Amérique. Bien qu’un Biscayen s’absente de sa patrie, il s’y trouve toujours dès qu’il rencontre ses compatriotes. Ils ont entre eux une telle union, que la meilleure recommandation qu’on puisse avoir auprès d’une tierce personne est le simple fait d’être Biscayen, sans plus de différence entre eux, lorsqu’il s’agit d’obtenir une faveur d’un puissant, que la plus ou moins grande proximité de leurs provenances respectives. La Seigneurie de Biscaye, le Guipúzcoa, l’Álava et le royaume de Navarre ont fait un tel pacte entre eux, et certains appellent ces pays les provinces unies d’Espagne ». Il est remarquable que l’expression « le simple fait d’être biscayen » soit restée dans la langue espagnole d’aujourd’hui.
497 Op. cit., p. 171.
498 Notons toutefois les patrimoines de marchands basques suivants. En 1536, la fortune de Juan de Urrutia, grand marchand basque de Séville, est évaluée à 50-60000 ducats, E. Otte, Los mercaderes vizcaínos Sancho Ortiz de Urrutia y Juan de Urrutia, Boletín Histórico, 1964, p. 26. À Mexico, 9 marchands basques ont une fortune comprise entre 10000 et 499999 pesos dont 3 au-dessus de 100000, L. Schell Hoberman, Mexico’s merchant elite, 1590-1660, 1991, p. 226-8. La fortune de Pedro de Isunza, originaire de Vitoria et résident des Pays-Bas, est évaluée à 300000 ducats, J. de Apraiz, Los Isunza de Vitoria, 1897, p. 14. Un certain Juan de Ibaizábal, riche marchand d’origine basque ou navarraise établi à Logroño, possède une fortune personnelle de 100000 ducats en 1624, voir F. M. Burgos Esteban, Los lazos del poder. Obligaciones y parentesco en una élite local castellana en los siglos XVI y XVII, 1994, p. 29.
499 A. Molinié-Bertrand, Au Siècle d’Or, l’Espagne et ses hommes, 1985, p. 161.
500 Voir aussi les chapitres sur les dots et les compagnies commerciales. En 1561, Burgos a 20000 habitants, à la fin du siècle, Ségovie en a 25000, Valladolid, 40000 à peu près, Madrid, 60000 environ, A. Molinié-Bertrand, op. cit., p. 135, 166, 208. La métropole sévillane à laquelle nous avons fait souvent référence atteint une population de plus de100000 habitants dans les années 1580, R. Pike, Aristócratas..., p. 28. Admettons que le chiffre de la population de Bilbao doive être révisé à la hausse, comme nous l’avons suggéré dans le premier chapitre de la première partie, ce qui est fort possible compte tenu des nombreux résidents bilbanais à l’extérieur dont nous avons vu qu’ils participaient activement au commerce de la ville et à la présence dans le port du Nervión d’un important groupe de marchands étrangers, les deux catégories échappant pour l’essentiel au comptage des feux à Bilbao, les premiers pour d’évidentes raisons de géographie et un établissement fréquent de longue durée dans une autre ville, les seconds à cause de leur nationalité étrangère. Malgré tout, la population totale de Bilbao ne doit pas dépasser, tant s’en faut, celle des métropoles castillanes. C’est dire la vitalité économique de nos hommes et la forte proportion de population impliquée dans le commerce à Bilbao.
501 Ibid., p. 140-1.
502 Dans son article W. D. Phillips affirme que le capitaine de Saint-Sébastien Miguel de Oquendo était riche de 500000 ducats. Outre que ce chiffre colossal n’est suivi d’aucun commentaire, l’auteur ne fournit aucune référence d’archives, Spain’s northern shipping industry in the sixteenth century, The Journal of European Economic History, 1988, p. 281. D’ailleurs, Mickael Barkham évalue sa fortune à quelque 40000 ducats environ, Mercaderes, comercio y finanzas en el norte de España : el seguro marítimo en Burgos y su desarrollo en Saint-Sébastien y Madrid (1500-1630), dans Actas del V Centenario del Consulado de Burgos, 1994, p. 583.
503 A.H.P.B., leg. 882 no 214.
504 F. Bayard, Le monde des financiers au XVIIe siècle, 1988, p. 13.
505 Notons néanmoins que dans les pays islamiques où la structure de l’État, militaire ou tribale, est accusée, les grands marchands demeurent en marge de la classe gouvernante, liée à eux par des combinaisons financières mais, par nature, peu accessible à leurs doléances, J. Aubin, Marchands de la Mer Rouge et du Golfe Persique au tournant des 15e et 16e siècles, dans Marchands et hommes d’affaires asiatiques dans l’Océan Indien et la Mer de Chine, 13e-20e siècles, 1988, p. 88.
506 P. Kriedte, Peasants, Landlords and Merchant Capitalists. Europe and the world economy, 1500-1800, 1983, p. 47.
507 Selon Eddy Stols les dépenses engagées pour la reconquête militaire des provinces méridionales des Pays-Bas auraient absorbé au moins 218 millions de ducats entre 1566 et 1654, Les horizons ibériques et coloniaux du commerce des Pays-Bas au XVIe siècle, dans Christophe Plantin et le monde ibérique, 1992, p. 21.
508 E. Fernández de Pinedo, Crédit et banque dans la Castille aux XVIe et XVIIe siècles, dans Banchi pubblici, banchi privati e monti di pietà nell’Europa preindustriale, 1990, p. 1045 et suiv.
509 Pour plus de précisions, je me permets de renvoyer le lecteur à mon travail, « Uso material e inmaterial del dinero. Un análisis social para el estudio de los patrimonios mercantiles, siglos XVI-XVII », dans H. Lasado Alonso et R. Robledo Hernández (éds), Fontuna y negocíos. Formación, y gestión de los grandes patrimonios (siglos XVI-XX), 2002 p. 45-72.
510 Nos marchands semblent très tôt s’intéresser à ce type d’affaires. En 1519, Pero Saez de Oñati, de Bilbao, veut faire placer par l’intermédiaire de son facteur d’Anvers, Antón de Ereuso, et celui de Francisco de Recalde de l’argent dans les asientos, A.H.P.B., leg. 3288.
511 H. Lapeyre, Simon Ruiz et les « asientos » de Philippe II, 1953, p. 17.
512 V. Vázquez de Prada, op. cit. t. I, p. 141.
513 L’unité monétaire n’a pas été notée par Richard Ehrenberg, mais comme Requesens aurait reçu en argent comptant 7281126 écus de 39 placas (patards) du 23 novembre 1573 au 5 mars 1576, soit environ 3,5 millions d’écus annuel, nous pensons qu’il s’agit bien d’écus, V. Vázquez de Prada, loc. cit.
514 R. Ehrenberg, Le Siècle des Fugger, 1955, p. 312.
515 Le paiement de ces asientos est réalisé à Anvers et comprend une partie au comptant, le reste en draps ou en effets à payer par les intéressés, son remboursement, lui, étant effectué en Espagne, V. Vázquez de Prada, op. cit, t. I, p. 141-2.
516 Voir les tableaux produits par R. Quatrefages, Los tercios españoles (1567-1577), 1979, p. 219 et suiv.
517 M. Ulloa, La Hacienda Real de Castilla en el reinado de Felipe II, 1986, p. 781.
518 Ibid.
519 R. Quatrefages, loc. cit.
520 Sachant que ce montant représente plus de 40 millions de maravédis, d’autres financiers doivent participer à cette opération, ibid.
521 V. Vázquez de Prada, op. cit., t. I, p. 329. À cette occasion, notons que la part des deux hommes dans l’asiento est de plus de 25 %.
522 Cet homme d’affaires est trésorier du consulat d’Espagne à Bruges en 1563 et consul de cette autorité commerciale en 1565, A.M.B., Cartulaire de l’ancien Consulat d’Espagne à Bruges : libro de rótulos de la nación de España (1550-1573).
523 V. Vázquez de Prada, op. cit., t. I, p. 142.
524 Ibid., t. II, p. 279-80.
525 A.H.P.U.V. : archivo Simón Ruiz.
526 A.H.P.U.V., C28-229, D.V. à S.R., 7/10/1576.
527 V. Vázquez de Prada, op. cit., t. I, p. 333.
528 A.H.P.U.V., C39-278, D.V. à S.R., 27/07/1578.
529 A.H.P.U.V., C47-167, D.V. à S.R., 20/07/1579 ; C56-171, D.V. à S.R., 20/02/1580.
530 Ibid., C 35-289, D.V. à S.R., 20/10/1577. « je ne voulais pas m’aventurer si loin avec la Cour à cause de l’expérience qu’en ont les autres, mais plutôt avancer prudemment ».
531 Ibid., C 56-176, D.V. à S.R., 13/06/1580.
532 A.H.P.U.V., C 34-291, D.V. à S.R., 30/11/1577.
533 Op. cit., t. I, p. 328-55 et op. cit., p. 219 et suiv.
534 En 1575, Pedro de Morga, de Séville et Martín de Fano, également de la cité du Guadalquivir mais originaire de Bilbao, font partie des financiers qui remettent de l’argent d’Espagne à Anvers sous la forme de lettres de change ou d’asientos, V. Vázquez de Prada, op. cit., t. I, p. 330. D’autres Basques de la province voisine d’Álava sont à plusieurs reprises mêlés aux asientos conclus aux Pays-Bas, comme Pedro de Isunza et Francisco Ruiz de Vergara, originaires de Vitoria, qui signent d’importants contrats, ibid. et suiv. H. Lapeyre soucieux de détailler les participations à certains asientos signés par les Ruiz, dévoilent des associations avec Bernardo Vizcarreto, les Vergara, Lope de Arciniega, Simón Ruiz..., p. 35-8.
535 F. Braudel, Civilisation matérielle..., t. II, p. 341.
536 V. Vázquez de Prada, op. cit., t. I, p. 329. L’auteur précise que cet asiento n’a pas été ratifié en Espagne.
537 Ibid., p. 143.
538 Ibid.
539 R. Ehrenberg, op. cit., p. 177.
540 Ibid.
541 Ibid., p. 175.
542 V. Vázquez de Prada, op. cit. t. I, p. 340-3.
543 M. Helmer, Luchas entre Vascongados y « Vicuñas » en Potosí, Revista de Indias, 1960, p. 188.
544 Les banques de Toscane et du sud de l’Allemagne ne surmontent pas les banqueroutes répétées des États français, espagnol et portugais, H. van der Wee (dir.), La banque..., p. 176.
545 Telle est la conclusion d’H. van der Wee qui ajoute que les premiers changements en ce domaine, et encore seront-ils timides, ne se dessineront que vers la fin du XVIIe siècle, La banque..., p. 180.
546 B. Bennassar, Valladolid au Siècle d’Or-une ville de Castille et sa campagne au XVIe siècle, 1967, p. 257.
547 J. P. Priotti, op. cit., p. 39-40.
548 H. Casado Alonso, Finanzas y comercio internacional..., p. 5 note 15.
549 F. H. Abed Al-Hussein, Los mercaderes de Medina : personalidad, actividades y hacienda, dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II, p. 172.
550 A.G.S., C.M., legs. 62 no 31, 65 no 67, 68 no 1, 77 no 76. Il faut y ajouter les 5635000 maravédis que représente le capital versé par Juan López de Recalde en 1520, pour lesquels il perçoit 375000 maravédis d’intérêts de juros l’an, ibid., leg. 65 no 15.
551 A.H.P.B., legs. 2530, 3301, A.F.B., leg. 86 no 47.
552 A.G.S., C.M., legs. 111 no 43, 111 no 48, leg. 85 no 13.
553 A.H.P.B., leg. 3871.
554 A.H.P.B., leg. 2520.
555 A.H.P.B., leg. 3871.
556 A.G.S., C.M., leg. 88 no 24, no 25. Ces emprunts de la Couronne d’Espagne datent des années 1526-1527.
557 L’exemple de Diego de Echávarri semble très évocateur. Ses juros, d’un montant colossal, sont bien piètrement rémunérés, à 3,3 %.
558 A.G.S., C.M., leg. 181 no 38-39. Il s’agit de 755087 maravédis, qui lors de leur arrivée des Indes en 1553-1554, ont été confisqués sur ordre du roi à Pedro de Arbieto, habitant de Bilbao, et à un certain Aguinaga, et pour lesquels Martín de Arbieto, frère de Pedro résidant à Séville, aurait dû recevoir 54044 maravédis l’an, soit 7,14 % d’intérêt. Or, l’on s’aperçoit que dans les années 1569-1570, les intérêts cumulés sont réunis avec le capital de départ pour créer un nouveau juro de plus de 1,5 million de maravédis de principal. Ce gonflement du capital a-t-il été motivé par quelque pression de l’État ? C’est possible, ce n’est pas sûr.
559 J. P. Priotti, op. cit., p. 32.
560 A.F.B., leg. 271 no 67.
561 A.M.N., HH188-C335.
562 A.G.I.-Contratación, leg. 373, N1 R13.
563 R. Doehaerd, op. cit., t. II, p. 197 ; t. III, p. 172.
564 L’on observe le même phénomène en France. Au cours des années 1630-1635, quand la France s’engage dans la guerre de 30 ans, des personnes qui ont des intérêts réels dans le monde de l’économie traditionnelle s’en détachent donc partiellement ou totalement, attirées par des actions de plus grand et rapide profit. Sous Colbert, la politique gouvernementale développant le grand commerce et l’industrie de luxe exportatrice, attire à nouveau, dans la paix, les épargnes vers des activités de type économique, F. Bayard, Le monde des financiers au XVIIe siècle, 1988, p. 374.
565 E. Fernández de Pinedo, Fiscalidad y absolutismo en Castilla en la primera mitad del siglo XVII, (tiré à part), p. 36-7.
566 A.H.P.B., leg. 3871.
567 A.H.P.U.V., C81-128, M.O.A. à S.R., 18/11/1583. « parce que cela semble très sûr » [...] « nous sommes satisfaits de ce qui a été négocié entre ledit comte et ces messieurs Simón Ruiz, Diego de Echávarri et Pedro de Nobia, qui l’ont regardé avec attention et comme une occasion à ne pas manquer ».
568 J. P. Priotti, op. cit., p. 41.
569 A.F.B., leg. 1420 no 26.
570 A.H.P.B., leg. 3866.
571 A.H.P.B., leg. 3869.
572 J’ai déjà eu l’occasion de développer ces aspects dans : Uso material…, art. cit.
573 En 1569, Lope de Acosta, marchand de Bilbao, apparentée aux Nobia, fonde un censo de 3500 ducats de principal sur les biens du comte d’Aguilar. Sans compter la participation de Simón Ruiz, le montant de l’argent prêté au compte se monterait à 40000 ducats, somme non négligeable, AFB-judicial 1101/062 ; AHPB, leg. 3863.
574 Uso material...
575 A.H.P.B., leg. 4979.
576 En 1593, par exemple, un habitant de Yurre a envers lui une dette de 300 ducats qui se mue en censo avec comme garantie la casería, ferrería y molino de « Ubirichaga », A.F.B., leg. 822 no 82. Juan et Diego de Ugarte, de Oquendo, prennent en location à Francisco de Gorostiola, de Bilbao, les trois quarts d’un martinete et lui emprunte par la même occasion 400 réaux, en vertu de quoi ils lui verseront 350 réaux de rente annuelle, A.F.B., leg. 458 no 51. Dans ce cas précis aucune garantie n’est évoquée mais le travail est certainement une caution suffisante pour le Bilbanais.
577 Ces censos ont généralement un principal assez faible dépassant rarement 500 ducats
578 En 1566, Sebastián de Escalante Garay, de Laredo, doit à Lope de Acosta, en raison d’un censo de 800 ducats de principal, 21000 maravédis l’an, A.F.B., leg. 197 no 38.
579 A.F.B., 2659 no 252.
580 A.G.S.-C.J.H., leg. 33 (171-178).
581 A. Alvar Ezquerra, El nacimiento de una capital europea-Madrid entre 1561 y 1606, 1989, p. 135.
582 F. H. Abed Al-Hussein, Los mercaderes de Medina : personalidad, actividades y hacienda, dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II, p. 171.
583 H. Lapeyre, Une famille…, op. cit., p. 81-2.
584 J. Le Goff, op. cit., p. 47 et suiv.
585 J. A. García de Cortázar, Sociedad y poder..., p. 32.
586 M. Basas Fernández, El crecimiento de Bilbao y su comarca, 1969, p. 27. Lors des épidémies de peste ou lorsque des menaces de guerre pèsent sur la sécurité de la ville, le consulat de commerce pare au plus pressé en rétribuant des médecins ou en contribuant à la défense militaire de la cité selon le cas, voir R. Sidney Smith, Historia de los Consulados de mar (1250-1700), 1978 (1ère éd. en anglais 1940), p. 105 et B. Bennassar, Recherches..., annexe 1.
587 J. P. Priotti, Réseaux sociaux, commerce international… art. cit.
588 A.G.S. (C.J.H.), legs. 31 (179-199), 33 (171-178). Les noms sont les suivants : Diego Díaz de Trauco, Sancho Martínez de Larrauri, Juan de Catalinaga, Juan Martínez de Uribarri, Domingo de Mendiola, Jacobe de Ugaz en 1558 et Martín Saez de Anuncibay, Juan de Regoitia, Juan de Quijano, Sancho López de Recalde, Iñigo de Milluegui et Pedro de Nobia en 1560.
589 Dans les délibérations municipales de 1599, tous les regidores sont des marchands bien connus dans la ville. Ces délibérations ont été publiées par B. Bennassar, Recherches..., p. 92.
590 D. Carlos de la Plaza y Salazar, Por Bilbao, 1900, p. 145. Cet auteur présente une liste assez continue des alcaldes de Bilbao entre 1553 et 1600. Tous évoluent dans l’univers marchand de la ville.
591 Aristócratas..., p. 34.
592 Sur 13 regidores connus entre 1559 et 1576, 8 sont marchands, F. H. Abed Al-Hussein, Trade and business..., p. 168. Une bonne partie de ces postes échappe donc aux hommes d’affaires medinenses.
593 B. Bennassar, Recherches..., voir annexe no 1.
594 Dans la liste des regidores de Logroño établie par F. M. Burgos Esteban apparaissent de nombreux patronymes d’origine basque : les Mendizabal et les Arriaga, op. cit., p. 249. Francisco, Baltasar et Pedro Arteaga, pour leur part, sont regidores de Ségovie de même que banquiers du roi, F. H. Abed Al-Hussein, Trade and business..., p. 168. Par ailleurs, un membre de la famille Lezama, dont nous avons parlé, est regidor de Valladolid au début du XVIIe siècle, A. Gutiérrez Alonso, Estudio sobre la decadencia de Castilla. La ciudad de Valladolid en el siglo XVII, Valladolid, Universidad de Valladolid, 1989, p. 116, 304, 313. Pour le cas madrilène, voir A. Guerrero Mayllo, Familia y vida cotidiana de una élite de poder. Los regidores madrileños en tiempos de Felipe II, Madrid, 1993. Les Basques occupent d’autres postes clefs dans les institutions municipales et ecclésiastiques de Cadix et Séville, voir L. García Fuentes, op. cit., p. 24 et suiv. Pour d’autres exemples, l’on peut consulter les travaux de J. Garmendia Arruebarrena, Cádiz, los Vascos y la Carrera de Indias, 1992 et Diccionario biográfico vasco, 1992. Par ailleurs, Juan Ochoa de Milluegui, originaire de Bilbao, est regidor de Cadix au XVIe siècle, et est en relation avec d’importants marchands de Bilbao installés dans le port biscayen, à Burgos et aux Pays-Bas.
595 À Séville, pour protéger leurs prérogatives comme groupe, les conseillers municipaux demandent à ce que la qualité d’hidalgo soit exigée pour accéder à la charge de regidor, B. Morell Peguero, Mercaderes y artesanos en la Sevilla del Descubrimiento, 1986, p. 186.
596 A. Guerrero Mayllo, Familia y vida cotidiana de una élite de poder. Los regidores madrileños en tiempos de Felipe II, Madrid, 1993, p. 24.
597 En 1605, sur un total de 29 secrétaires royaux, pas moins de 13 sont basques, et parmi 14 oficiales de papeles, 5 sont guipuzcoans, E. Fernández de Pinedo, Fiscalidad y absolutismo en Castilla en la primera mitad del siglo XVII, p. 37 note 10. Sous Philippe IV, 9 conseillers de Castille sur 98 sont basques ou navarrais, J. Fayard, Les membres du conseil de Castille à l’époque moderne, 1979, p. 221.
598 Pour plus de détails, J. P. Priotti, El rey, el crecimiento de la red vizcaína y la defensa del imperio español (1500-1630), dans J. R. Gutiérrez et alii, Felipe II y el oficio de rey : la fragua de un imperio, Madrid, 2001, p. 323-43. C’est aussi le cas à Logroño au XVIe et au XVIIe siècle, consulter F. M. Burgos Esteban, Los lazos del poder. Obligaciones y parentesco en una élite local castellana en los siglos XVI y XVII, 1994, p. 66.
599 P. Gonzalbo Aizpuru, art. cit., p. 267.
600 Ibid.
601 Restreignons-nous à quelques exemples. En 1520, Francisco de Urista, originaire de Bilbao, est nommé regidor de Puerto de Príncipe de Cuba, E. Otte, Los mercaderes vizcaínos..., p. 11. Dans ces années-là, Francisco de Urista est également veedor real de rescates, ibid., p. 10. On sait par ailleurs qu’il cède 2000 pesos à l’amiral Diego Colón. Les Urrutia, pour leur part, accordent un prêt maritime de 1000 pesos à Diego de Ordás, compagnon de Hernan Cortés, E. Otte, Los mercaderes vizcaínos Sancho Ortiz de Urrutia y Juan de Urrutia, Boletín Histórico, 1964, p. 11, 17. Jerónimo de Zurbano, grand marchand de Bilbao établi à Lima, occupe le poste de regidor de la capitale péruvienne dans les années 1550-1560, E. Otte, Los mercaderes vascos y los Pizarro. Cartas inéditas de Gonzalo y Hernando Pizarro y su mayordomo Diego Martín, dans Travaux de l’Institut d’Études Latino-américaines de l’Université de Strasbourg, 1966, p. 30 et J. I. Israel, Razas, clases sociales…, op. cit. Voir aussi les exemples de familles basques donnés par M. Bertrand, Grandeur et misère de l’office…, p. 217 et suiv. Le lignage Landázurri/Zaldíbar fait apparaître de nombreux membres de grandes familles marchandes de Bilbao, notamment les Erquiñigo, Zugasti, Barrenechea, actives dans le commerce de la ville dès le XVIe siècle. En ce qui concerne la famille Barrenechea, quelques références dans J. P. Priotti, op. cit., p. 85, 88.
602 En 1588, Juan de Larrea est comptable et secrétaire du marquis de Villamanrique, vice-roi de la Nouvelle-Espagne, A.H.P.B., leg. 3868.
603 P. Gonzalbo Aizpuru, art. cit., p. 292.
604 Un recensement des pays d’Amérique où la réussite politico-économique des Basques est remarquable, n’est pas l’objet de ce travail. De nombreux exemples, à travers l’époque moderne, et même jusqu’à nos jours, sont contenus dans R. Escobedo et alii (éd.), Comerciantes... et Emigración...
605 Z. Moutoukias, Réseaux personnels et autorité coloniale : les négociants de Buenos Aires au XVIIIe siècle, Annales, Sciences Sociales, 1992, p. 889-915.
606 Si dans le cas des marchands de Medina, F. H. Abed Al-Hussein (Trade and business..., p. 169) pense que les charges municipales étaient achetées, dans la majorité des cas, pour le prestige, il en va tout autrement pour les Basques.
607 Voir notamment H. Casado Alonso, Señores, mercaderes y campesinos-La comarca de Burgos a fines de la Edad Media, 1987, p. 485-510.
608 B. Morell Peguero, Mercaderes y artesanos en la Sevilla del descubrimiento, 1986, p. 70.
609 Y. Renouard, op. cit., p. 80.
610 F. Brumont, Los principales..., p. 180.
611 Ibid.
612 J. I. Gómez Zorraquino, op. cit., p. 80-2.
613 R. Gascon, Grand commerce et vie urbaine au XVIe siècle. Lyon et ses marchands, 1971, p. 811 et suiv. Ce phénomène est observé pour la fin du XVIe siècle, cité par F. Braudel, Civilisation matérielle..., t. I, p. 243-4, 428.
614 Il ne s’agit pas d’une viticulture à l’échelle de celle pratiquée en Rioja Alta dont nous venons de parler pour Logroño.
615 Base de l’alimentation, le blé est souvent un objet de spéculation et de pression. La Biscaye, déficitaire de façon quasi chronique en céréales, s’approvisionne à la fin du XVIe siècle à Anvers et Amsterdam, V. Vázquez de Prada, op. cit., t. I, p. 71-2. Nous avons pu vérifier dans la deuxième partie que lorsqu’une famine survient au début du XVIIe siècle, les envois de ces deux villes ne représentent qu’une très faible partie du total, l’écrasante majorité des expéditions étant réalisées depuis la France.
616 En moyenne, les biens immobiliers représentent un quart environ des richesses de nos marchands. Rappelons que ces résultats ont souvent été élaborés à partir d’évaluations. Ce taux correspond grosso modo à ce que nous avons pu calculer à partir du tableau donné par F. H. Abed Al-Hussein, Los mercaderes de Medina : personalidad, actividades y hacienda, dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II, p. 171.
617 Ces investisseurs sont les prédécesseurs des Basques qui au XVIIIe siècle apparaîtront comme de grands vignerons ou de grands propriétaires d’oliveraies en Andalousie. Un bel exemple de continuité.
618 A.H.P.B., leg. 3867, 3871, 5396, 4053 ; A.F.B., leg. 685 no 62,
619 En 1543, Pedro de Amézaga, de Bilbao, fait vendre une propriété qui est située entre la mer et la ville de Bougie, A.H.P.B., leg. 3288.
620 Un certain Jerónimo de Jauregui, marchand de Nájera d’origine basque ou navarraise, possède 2,5 hectares de vigne, F. Brumont, La laine dans la région de Nájera (deuxième moitié du XVIe siècle), dans Actas del II Coloquio de Metodología Histórica Aplicada, 1983, p. 328-9.
621 A.H.P.B., leg. 2498. Au total, le montant de ces locations atteint 149,5 ducats par an.
622 A.F.B., leg. 636 no 74.
623 Voir F. Brumont, Los principales grupos sociales, dans J. A. Sesma Muñoz (coord.), Historia de Logroño, 1994, t. III, p. 173-88.
624 A.H.P.B., legs. 2521, 4029, 3860, A.F.B., leg. 2612 no 15.
625 A.H.P.B., leg. 3859.
626 L’apprêt de ces cuirs polychromés et dorés est surtout réalisé à Cordoue.
627 A.H.P.B., legs. 5396, 4980.
628 Ibid., leg. 5396.
629 Ibid., leg. 2521.
630 Ibid. « cette jupe de soie teintée couleur de rose séchée et bordée d’un bougran argenté orné de quatre liserés d’or », [...] « ce pantalon de damas de Chine de couleur colombine bordé d’or [...] et doublé en taffetas orangé ».
631 Lope a par ailleurs acheté un esclave noir appelé Pedro et âgé de 18 ans, pour 40 ducats, A.H.P.B., leg. 3865. Ce marchand n’est pas le seul à posséder un esclave parmi son personnel de service. C’est aussi le cas de Tomás de Bedia qui déclare dans son testament être propriétaire d’un « negro esclabo llamado Juan que me costo cient ducados », A.H.P.B., leg. 3861. « esclave noir nommé Pedro qui m’a coûté 100 ducats ».
632 Ibid., leg. 4029. Cela correspond à peu près aux 70 marcs en couverts d’argent retrouvés chez le banquier medinense Diego de Salvatierra, F. H. Abed Al-Hussein, Los mercaderes de Medina : personalidad, actividades y hacienda, dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II, p. 149.
633 A.F.B., leg 1390 no 22.
634 On compte toutefois une vingtaine de livres chez Mari Sánchez del Barco laissés en héritage par le bachelier Del Barco, A.F.B., leg. 437, no 154. F. Brumont remarque la même carence en œuvres littéraires chez les marchands de Logroño, Los principales..., p. 173-88. Sur 16 marchands de Medina del Campo, 2 seulement possèdent des livres, F. H. Abed Al-Hussein, Trade and business..., p. 158.
635 F. Brumont, Paysans de Vieille-Castille aux XVIe et XVIIe siècles, 1993, p. 206.
636 F. H. Abed Al-Hussein, Los mercaderes de Medina : personalidad, actividades y hacienda, dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II, p. 151.
637 Voir F. Brumont, Los principales..., p. 173-88.
638 R. Pike, Aristócratas..., p. 115.
639 Pour les marchands de Medina, la moyenne est de 6,25 %, ibid.
640 Le désir d’assimilation à la noblesse peut pousser les marchands jusqu’à l’achat de seigneuries, F. Brumont, Los principales..., art. cit.
641 Cela n’a rien d’étonnant car c’est une des formes préférées de charité qui soit au XVIe siècle, F. H. Abed Al-Hussein, Los mercaderes de Medina : personalidad, actividades y hacienda, dans E. Lorenzo Sanz (coord.), Historia de Medina del Campo y su tierra, 1986, t. II, p. 156. À sa mort, Juan de Urrutia laisse 300000 maravédis pour le mariage de 30 orphelines de Valmaseda et des vêtements pour 30 autres, E. Otte, Los mercaderes..., p. 29.
642 A.H.P.B., leg. 4053. « les Indiens et Indiennes orphelins et pauvres nécessiteux ».
643 A.F.B., leg. 152 no 64. Ce sont aussi des préoccupations de type alimentaire qui poussent Juan de Urrutia à donner 20 fanègues de blé aux « affamés » de Séville et 300 ducats pour fonder un dépôt de blé à Valmaseda, E. Otte, Los mercaderes..., p. 30.
644 C. Douyère, Le testament..., p. 165.
645 Voir J. P. Priotti, op. cit., p. 47.
646 A.H.P.B., leg. 4980.
647 A.G.S. (C.M.), leg. 462 no 15.
648 Au sujet des exceptions basques en Andalousie, voir L. García Fuentes, op. cit., p. 60-1.
649 Pour des critiques de ces points de vue, voir le travail de B. Yun Casalilla, Cambiamento e continuità. La Castiglia nell’impero durante il Secolo d’Oro, Studi Storici, janvier-mars 1995, p. 51-101.
650 I. Wallerstein, Capitalisme et économie-monde, 1450-1640, 1980, p. 152. L’auteur fait de Séville « le centre de la vie européenne ». La signification de cette expression n’est pas tellement claire puisqu’à la page 158, l’auteur écrit qu’« Anvers était non seulement le centre coordinateur de presque tout le commerce international de l’empire des Habsbourg, mais aussi la charnière par laquelle l’Angleterre aussi bien que le Portugal s’articulaient sur l’économie-monde européenne ». Dans la seconde moitié du XVIe siècle, l’Espagne glisserait à la semi-périphérie de cette économie-monde, I. Wallerstein, The capitalist world-economy, 1979, p. 39. Ces termes de « centre », « semi-périphérie » et « périphérie » sont à la base de la théorie de Wallerstein sur l’économie-monde européenne. L’auteur soutient qu’entre 1450 et 1640 une économie-monde européenne est créée qui fonctionne comme suit. Le nord-ouest européen est le centre du système durant cette période, l’Amérique espagnole et la Baltique, sa périphérie, et l’aire de la Chrétienté méditerranéenne, après avoir été préalablement une aire centrale, devient au cours du XVIe siècle une zone semi-périphérique, The capitalist..., p. 37-9. Dans ce schéma, Séville constitue la « courroie de transmission passive » des excédents qui vont de la périphérie vers le centre, D. O. Flynn, El desarrollo del primer capitalismo a pesar de los metales preciosos del Nuevo Mundo : una interpretación anti-Wallerstein de la España imperial, Revista de Historia Económica, 1984, note 21, p. 34.
651 « Parce qu’une bonne part de la croissance en Europe est liée aux colonies et aux marchés d’outre-mer, il est difficile de séparer le commerce intra-européen du commerce à longue distance », C. R. Phillips, The growth and composition of trade in the Iberian empires, 1450-1750, dans The rise of merchant empires : long-distance trade in the early modern world, 1350-1750, 1990, p. 100.
652 P. Chaunu, Les routes de l’Atlantique, dans 9e Colloque International d’Histoire Maritime, 1969, p. 108-9.
653 P. Chaunu, Séville et l’Atlantique, t. VIII, p. 252. Cette migration est en fait rattachée à la société d’origine. Dans le cas basque, il existe une dynamique entre terre natale et terres d’adoption.
654 Op. cit., p. 152.
655 Ces forces endogènes sont liées à l’impulsion démographique et productive et au développement depuis le XVe siècle des marchés, des foires locales, des réseaux urbains, B. Yun Casalilla, Cambiamento..., p. 58. Nous sommes d’accord sur ce point avec l’auteur.
656 J. Amelang, La formación de una clase dirigente : Barcelona, 1490-1714, 1986 et J. I. Gómez Zorraquino, La burguesía mercantil en el Aragón de los siglos XVI y XVII (1516-1652), 1987.
657 Cambiamento..., p. 57-8.
658 F. Braudel, Civilisation..., t. III, p. 78. Cet auteur écrit : « Au début de l’Europe nouvelle il faut placer, en effet, la croissance de ces deux ensembles : le nord et le sud, les Pays-Bas et l’Italie, la Mer du Nord plus la Baltique et la Méditerranée entière » et M. Prak, Regions in early modern Europe, p. 25. M. Mann va plus loin lorsqu’il suggère que le développement de l’Europe est une conséquence possible de l’échange créatif entre ces deux régions, European development : approaching a historical explanation, dans Europe and the rise of capitalism, 1988, p. 15.
659 F. Braudel, Civilisation..., t. III, p. 118.
660 J. Bottin écrit dans l’un de ses articles : « Des fonctions diversifiées, à bien des égards comparables à celles d’Anvers, à l’ampleur du rayonnement près, en firent le premier véritable entrepôt du royaume sur la façade atlantique », La redistribution..., p. 27.
661 Cité par D. O. Flynn, El desarrollo del primer capitalismo a pesar de los metales preciosos del Nuevo Mundo : una interpretación anti-Wallerstein de la España imperial, Revista de Historia Económica, 1984, p. 29.
662 D. O. Flynn est-il peut-être excessif lorsqu’il juge que les bénéfices du Nouveau Monde n’ont financé que la destruction militaire et le gaspillage, ibid., p. 35.
663 D. O. Flynn, ibid., p. 29.
664 Il ne semble pas, comme le soutient H. Kamen, que la seule période (entre le début du XVIe siècle et le début du siècle suivant) où les marchands de la Péninsule ont participé en grand au commerce soit le début du XVIe siècle, The decline of Spain : a historical myth ?, dans Crisis and change in modern Spain, p. 47 note 104. Il ne semble pas non plus que le succès du commerce et des commerçants basques soit incomplet à cause du développement institutionnel, économique et social de Castille, T. F. Ruiz, Mercaderes castellanos en Inglaterra, 1248-1350, Anuario del Instituto de Estudios Marítimos, Juan de la Cosa, 1977.
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