Chapitre VIII. De l’économie à la politique, 1919-1920
p. 175-204
Texte intégral
1Un profond sentiment d’incertitude et de malaise s’empara de la France en été 1919. Le traité de paix avait été signé avec l'Allemagne, mais le spectre de la domination allemande continuait à hanter bien des Français que ni les dispositions du traité de Versailles sur la sécurité, ni ce qu’ils voyaient comme des garanties insuffisantes de paiement des réparations, ne satisfaisaient. L'économie française fournissait aussi des sources d'inquiétude. La pénurie de charbon fut aggravée par une grève des mineurs en juin. Des protestations se firent entendre contre les contrôles à l’importation. Emises par la presse et le Parlement, des critiques sur la politique économique du gouvernement forcèrent ce dernier à se défendre devant la Chambre des Députés en juillet. Bien que Clemenceau survécut à une motion de censure, ce défi symbolisait la frustration des Français devant leur situation personnelle et celle de leur pays1.
2C’est dans cette atmosphère chargée que Loucheur commença ses derniers mois comme proche associé politique de Clemenceau. Il continua à s’occuper des réparations en défendant la section du traité de Versailles qui y avait trait et en négociant son application. Mais il négocia la création de liens économiques avec l’Allemagne et il discuta avec l’Angleterre de plusieurs questions économiques. En mai, juin et juillet, il participa à la formulation d’une politique gouvernementale des contrôles à l’importation et à l’exportation ; il chercha également à résoudre les problèmes industriels des régions libérées et à satisfaire aux besoins extrêmement urgents de la France en charbon. Politiquement, il atteignit un tournant : il dut choisir entre se présenter à la Chambre des Députés ou retourner à une carrière d’affaires dans le privé.
La défense du traité en France, les négociations à l’étranger
3Pendant le débat sur le traité de Versailles à la Chambre, plusieurs députés socialistes attaquèrent les clauses des réparations, et la teneur de leurs critiques fut reprise par Vincent Auriol devant la Chambre le 10 septembre : « Garanties de paiement... de justice... de solidarité ? Où sont-elles ?... Vous dites : garanties. Je dis, moi : incertitudes ! Incertitudes sur le montant des réparations, sur les délais de paiement... sur les modalités de paiement... sur la répartition des charges... Tous les problèmes sont posés, aucun n’est résolu. Vous avez fait des proclamations de principe, vous avez laissé en suspens toutes les difficultés »2. Il contesta l’assertion de Louis-Lucien Klotz selon laquelle l’Allemagne pourrait payer dix-huit milliards de francs-or par an, et signala qu’il n’existait aucune provision assurant la priorité aux régions dévastées.
4Un des députés les plus loquaces de la droite, Louis Marin, partageait l’inquiétude des socialistes sur l’absence de garanties. Mais, contrairement aux socialistes, il croyait que l’Allemagne pourrait facilement s’acquitter des demandes en matière de réparations que le gouvernement semblait favoriser3.
5Loucheur et Klotz représentaient le gouvernement à la Chambre. Loucheur participa périodiquement aux débats à la Chambre ; son principal discours eut lieu le 22 septembre. Comme Klotz, il tenta d’esquiver la question des garanties en soulignant l’importance des sommes que la France recevrait de l’Allemagne. Essayant visiblement de détourner l’attention de ce que la France recevrait réellement, et de la date à laquelle elle le recevrait, il approuva le chiffre cité par Klotz pour les paiements allemands : 300 milliards de marks-or – soit 18 milliards de francs-or par an. Il soutint que les exportations allemandes de charbon calculées d’après les données d’avant-guerre, augmenteraient rapidement à quatre-vingt millions de tonnes par an, permettant à la nation vaincue de s’acquitter de ses obligations non seulement envers la France (vingt-sept millions de tonnes par an) mais envers les autres nations alliées (dix-sept millions de tonnes de plus). Mais son optimisme contrastait vivement avec les calculs qu’il avait faits à la conférence de la paix. Etayé par des arguments faibles, son discours fut une mystification délibérée4.
6Tout en essayant de masquer les problèmes du traité, le gouvernement fit appel à l’opinion publique, car on entrait en période de campagne électorale nationale. Pour se présenter comme les champions des réparations, Loucheur et Clemenceau peignirent le tableau d’une France ayant rejeté à la conférence l’inclusion d’une somme fixe dans le traité parce que le chiffre proposé avait été inférieur à ce qu’elle avait jugé raisonnable. En réalité, pendant les négociations, la France avait jugé réaliste et conseillé une somme bien en dessous des chiffres cités par Loucheur et Klotz pendant le débat5.
7Bien que la Chambre ratifia le traité au début d’octobre, elle vota une résolution unanime enjoignant au gouvernement de continuer à négocier avec les Alliés afin d’obtenir la priorité en matière de réparations pour les régions libérées, un système satisfaisant de garanties des paiements allemands, et un accord pour la répartition équitable des coûts de guerre. Le fait que le principe de la priorité fût inclus dans la résolution montre l’ignorance dans laquelle la Chambre était du déroulement des négociations à la conférence de la paix, au cours desquelles le gouvernement l’avait abandonné. Le gouvernement ne souffla mot ; ce ne fut qu’en 1921, après que Tardieu eut publié son récit de la conférence de la paix, que la Chambre devait apprendre la vérité6.
8Bien que la ratification parlementaire du traité fut scellée par le vote du Sénat du 11 octobre, la résolution de la Chambre montra clairement que les Alliés avaient encore des questions controversées à résoudre7. Clemenceau et Loucheur se rendirent donc à Londres à la mi-décembre pour discuter de la priorité pour les régions dévastées. Ils tentèrent de résoudre par la même occasion la répartition des pourcentages entre l’Angleterre et la France pour les paiements au titre des réparations. Présentant le cas français, Loucheur soutint une division en faveur de la France de 55 % contre 25 %. Or c’était là les chiffres qu'il avait suggérés à la conférence de paix comme ultime concession avant l’interruption soudaine des négociations en mars. Loucheur souligna que cette proposition représentait une perte considérable pour les Français dont les coûts de reconstruction continuaient à augmenter. Si on utilisait ces derniers pour déterminer les pourcentages, soutint-il, la répartition serait plutôt de l’ordre de 60 % à 20 %8.
9Pour donner plus de poids à l’argument français, Clemenceau argua que la France avait souffert de l’invasion allemande bien plus que n’importe quel autre pays envahi : dix de ses provinces les plus riches avaient été gravement endommagées. Loucheur, qui fournissait des détails techniques en renfort, choqua Lloyd George en disant que les coûts de la reconstruction des régions affectées s’élevait à 125 milliards de francs-or, soit 47 % de plus qu’une évaluation que ce qu’il avait annoncé en octobre9.
10Les Anglais n’acceptèrent qu’une des deux demandes françaises. Tout en déplorant le sacrifice consenti par l’Angleterre, Lloyd George annonça que son pays acceptait les pourcentages de Loucheur au nom de la solidarité franco-anglaise. Mais il rejeta la demande de priorité pour les régions dévastées, arguant qu’il faudrait alors accorder le même régime à la Belgique, moyennant quoi l’Angleterre ne recevrait quasiment rien pendant plusieurs années10. En échange des pourcentages, les Français renoncèrent à la priorité. La position anglaise ne dut pas les surprendre, car pendant la conférence de la paix l’Angleterre avait refusé d’accorder la priorité à la Belgique malgré la modestie des demandes belges. Néanmoins, le fait de lier les deux questions valut probablement la France les pourcentages désirés11.
11Au début de décembre, Loucheur retourna à Londres. Le refus, le 19 novembre, du Sénat américain de ratifier le traité de Versailles éloigna la perspective d’un engagement américain dans le processus européen de paix et de stabilité : la coopération et l’accord entre la France et l’Angleterre apparurent alors d’autant plus essentiels. Lors d’un entretien avec Lloyd George le 3 décembre, Loucheur mentionna les forces opposées aux bolcheviques en Russie et la coopération anglo-française dans le traité de Sèvres avec la Turquie ; mais son souci majeur était de cimenter les relations entre les deux pays. Il le fit clairement comprendre au début de la conversation en soulignant l’importance d’une « entente totale » entre les deux pays sur les questions de politique étrangère, car, s’ils concluaient un accord politique et économique, il serait possible que les Etats-Unis s’unissent à eux. Loucheur prenait probablement ses désirs pour des réalités, mais ses propos soulignent l’importance qu’il attachait à la coopération alliée, y compris les Etats-Unis12.
12Bien qu’aucune décision ne fut prise à cette réunion, Lloyd George et Clemenceau reparlèrent de ces questions lors d’un entretien privé le 11 décembre à Londres. Cette réunion servit à éclaircir certains malentendus diplomatiques entre les deux pays. En outre, Clemenceau dit au Premier ministre qu’il comptait nommer Loucheur ministre des Finances pour succéder à Klotz et qu’il lui avait télégraphié le matin même de venir à Londres pour s’entretenir avec le chancelier de l’Echiquier, Austen Chamberlain. Loucheur semblait au seuil d’une nouvelle étape, car il n’avait jusque-là dirigé que des ministères d’occasion créés pour remédier à des situations de crise. Mais il refusa le poste que Clemenceau lui offrait, préférant apparemment conserver l’influence considérable qu’il avait sur les questions économiques sans remaniement de cabinet. En tout état de cause, les discussions de Loucheur avec Chamberlain pour remédier à la faiblesse du franc n’aboutirent à rien13. La complexité de la question et des conflits d’intérêt firent dérailler la solidarité que les deux pays appelaient de leurs vœux.
13Loucheur négocia également avec les Allemands pendant l’été et l’automne 1919 sur des questions liées au traité de paix et à la coopération économique franco-allemande. Comme il voulait atteindre des résultats concrets et réalistes, il montra une certaine souplesse dans les négociations qu’il conduisit en tant que représentant français et président du très temporaire Comité d’organisation de la Commission des réparations (COCR)14.
14Pendant l’été, la crise du charbon fut aggravée par des grèves dans les mines françaises. A la fin de juin, Loucheur suggéra au Conseil suprême économique de discuter avec les Allemands un certain nombre de questions liées au traité, dont le charbon. Mais Loucheur avait des problèmes plus graves : la France était très vulnérable au niveau du coke, car seule une petite portion du charbon français et sarrois se prêtait à la fabrication du coke. Avec le rattachement de la Lorraine et de ses hauts-fourneaux, le besoin en charbon à coke était plus grand que jamais. La Lorraine était elle aussi vulnérable : elle était équipée pour la production de matériaux semi-finis, mais les moyens industriels de finition se trouvaient en Allemagne. En principe, les Français pouvaient compter sur le marché allemand pour écouler leurs produits semi-finis, puisque le traité de Versailles leur garantissait l’accès à ce dernier pour cinq ans, mais personne ne savait ce que les Allemands feraient une fois qu’ils auraient regagné leur souveraineté douanière15.
15Connaissant l’importance des besoins en charbon de la France et les dangers que l’on courait si l’on essayait de forcer les Allemands à honorer le traité, Loucheur décida qu’il obtiendrait de meilleurs résultats en se montrant accommodant qu’en pratiquant l’intransigeance et la coercition. Il savait que la France négociait à partir d’une position de force, et il était convaincu, à l’instar d’autres membres du gouvernement, que l’atout majeur de la France était le minerai de fer16. Le 1er août, accompagné de représentants de son partenaire d’affaires pendant la guerre, Schneider-Creusot, il proposa à la délégation allemande à Versailles un cartel de l’acier avec la Belgique et le Luxembourg – la même idée dont il avait parlé aux Belges deux mois plus tôt17. Un délégué allemand à Versailles, Ernst Schmitt, contacta des fonctionnaires de Krupp au nom du gouvernement allemand pour suggérer de continuer les discussions. Mais les industriels allemands refusèrent. Les négociations s’enlisèrent et furent abandonnées en novembre18.
16Dans ses discussions avec l’Allemagne sur le charbon, Loucheur adopta le principe d’une livraison minimum de vingt millions de tonnes par an dans l'avenir ; en attendant, il jugea acceptable un transfert mensuel d’un million de tonnes. Il alla même jusqu’à discuter avec les Allemands de moyens de les aider à augmenter leur production de charbon. Impressionnés par l’« initiative » de Loucheur et ses « grandes conceptions » lors des négociations générales, les Allemands étaient eux aussi désireux d’arriver à un modus vivendi. Le 24 août, leur délégation avertit le ministère des Affaires étrangères allemand que de temporiser sur le charbon créerait à Versailles « une atmosphère de méfiance, d’irritation et de chicane dans laquelle on ne pourra pas s’occuper des autres questions vitales pour nous. » Le même jour, les délégués confièrent à Loucheur qu’ils avaient recommandé à leur gouvernement de commencer les livraisons sans délais19.
17Le ton d’urgence du rapport de la délégation allemande persuada apparemment Berlin d’accepter les termes offerts par Loucheur, et les deux parties signèrent un protocole le 29 août 1919 avec les puissances alliées et associées. D’après cet accord, le Reich devait commencer à envoyer immédiatement aux Alliés 1,66 million de tonnes par mois et devait augmenter cette quantité après l’application intégrale du traité de Versailles en janvier 192020. Loucheur comptait sur des livraisons allemandes d’au moins un million de tonnes par mois pendant le reste de 191921.
18Son espoir de conclure des ententes additionnelles avec les Allemands ravivé par ce succès, Loucheur parla en septembre de coopération pour l’exploitation du potentiel hydro-électrique du Rhin entre Strasbourg et Constance. La délégation allemande à Versailles partageait l’enthousiasme de Loucheur. Mais ces efforts furent bloqués par les industriels allemands. Schmitt écrivit dans un mémorandum en octobre que les efforts de coopération avec la France étaient contrariés par l’industrie lourde qui, sûre de sa supériorité économique, n’avait pas le moindre intérêt à un partenariat économique avec la France22.
19Les industriels s’opposaient à ce que leur gouvernement s’acquitte de ses obligations en charbon envers la France, un charbon dont ils avaient eux aussi besoin : ils n’étaient donc pas disposés à donner un avantage à leurs concurrents français. Pendant les premières années de l’après-guerre, les mines de charbon allemandes tombèrent graduellement sous le contrôle des producteurs de fer et d’acier, qui bien entendu se servaient en premier23. Ils pensaient que les Français devraient payer le charbon allemand au prix fort plutôt qu'au prix réduit prévu par le traité de paix et qui était celui payé par les consommateurs allemands. Les industriels s’opposèrent également avec opiniâtreté à livrer du coke à la France, parce qu’ils voulaient développer leur propre production métallurgique que la perte de la Lorraine avait grandement diminuée.
20La confiance des Français dans leurs moyens de pression pour obtenir du coke du fait de la longue dépendance de l’Allemagne en minette de Lorraine, s’avéra excessive. La guerre avait quasiment interrompu les échanges de fer et de coke entre la Ruhr et la Lorraine, si bien qu’en 1918 les Allemands dépendaient plus du riche minerai suédois que de la minette lorraine, qui était de basse qualité. Par ailleurs, les Allemands avaient commencé à récupérer du métal mis à la ferraille, une source qui augmenta après la guerre. Les industriels allemands pouvaient donc se permettre un défi. En réalité, c’étaient les fabricants français qui étaient à la merci d’une rétribution. En effet, selon l’expression d’un industriel allemand, il suffisait « de laisser les Français s’étouffer avec leur minette »24.
21Confrontée à la résistance des industriels, à des problèmes de transports, et à des pénuries généralisées, l’Allemagne ne put expédier à la France le million de tonnes mensuel que Loucheur avait attendu ; ses livraisons à l’ensemble des destinataires alliés varièrent entre 350 000 et 650 000 tonnes. A la fin d’octobre, Loucheur insista que le gouvernement allemand force ses producteurs de charbon à tenir leurs contrats, et menaça d’un durcissement de la position française dans les négociations. Au début de décembre, les Allemands promirent de fournir un million de tonnes avant la fin du mois, mais ils ne le firent pas. Et, en janvier 1920, alors que le protocole du 29 août 1919 prenait pleinement effet, leurs livraisons de charbon aux Alliés furent de l’ordre de 300 000 tonnes. Bien que, de part et d’autre, les négociateurs avaient désiré resserrer leur coopération par des règlements volontaires, cela s’avéra extrêmement difficile à réaliser, et une série de querelles commença au sujet des obligations de l'Allemagne en charbon d'après les termes du traité de Versailles25.
22Pendant les négociations de Versailles durant l’été et l’automne 1919, on parla également de la main d’œuvre allemande pour la reconstruction des provinces françaises dévastées. Bien que cette idée eut été abandonnée par le Conseil des Quatre à la conférence de la paix, les Français, Loucheur en tête, et les Allemands continuaient à s’y intéresser, et ils commencèrent à explorer cette possibilité au début de juillet26. L’engagement du gouvernement allemand dans ce sens fut souligné par la nomination de Walther Rathenau au poste de « haut-commissaire chargé de la direction du travail de restauration des régions dévastées »27. En septembre, Berlin informa secrètement le Quai d’Orsay de ce projet et demanda l’acquiescement de la France. Grand organisateur de la puissance économique allemande pendant la guerre, Rathenau avait en effet dit au ministre des Affaires étrangères allemand au début de juillet que la reconstruction du nord-est de la France serait la pierre d’achoppement des relations entre l’Allemagne et les Alliés. Outre que ce projet l’intéressait, il possédait de brillants talents d’organisation et sa position d’industriel important lui donnait plus de chance d’obtenir l’appui de ses pairs pour coopérer avec la France qu’un fonctionnaire ou un homme politique. Pourtant, lorsque Loucheur apprit ce choix, il le rejeta. Rathenau avait joué un trop grand rôle dans la destruction systématique de l’industrie française des régions dévastées pendant la guerre28, et Loucheur voulait voir nommer quelqu’un dont le nom soulèverait moins de passions.
23Les conversations sur la main d’œuvre se poursuivirent jusqu’en décembre, et un accord semblait imminent lorsque les Français décidèrent de suspendre provisoirement les négociations. Le 21 décembre, Loucheur écrivit en marge d’une lettre de Tardieu ayant trait aux négociations que cette décision résultait de « difficultés politiques. » L’opinion publique française dans les régions dévastées était tellement hostile à une main d’œuvre allemande que, d’accord avec les Allemands, les Français avaient prévu de faire travailler les ouvriers allemands séparément des populations locales. L'hostilité des syndicats français joua également. Loucheur les accusa par la suite de miner son plan, et bien que les leaders ouvriers nient être « xénophobes, » on sait, par exemple, que la direction des syndicats du bâtiment se prononça contre le plan, et que les branches locales y était encore plus fortement opposées29.
24Sans la chute du gouvernement en janvier 1920, Loucheur aurait sans doute repris les négociations sur la main d’œuvre allemande, mais, après son départ, le dossier resta fermé. Même en Allemagne, l’on sentait que, sans Loucheur, la main d’œuvre n’avait aucune chance. La suspension des négociations marqua un tournant, non parce que les Français cessèrent de coopérer avec l’Allemagne au sujet des réparations, mais parce que leur politique perdit son élan. A part le charbon, les Français ne cherchèrent à obtenir aucune prestation précise en 1920. Ils restèrent passifs cette année-là malgré l’entrée en vigueur du traité de Versailles qui leur fournissait une base d'action légale30. L’absence de Loucheur du gouvernement fut donc cruellement ressentie.
Les régions libérées
25Les groupements sinistrés que Loucheur avait organisés pour aider les industriels ayant subi des dommages de guerre reçurent des monopoles d’achat de certains produits allemands lorrains et sarrois, et en provenance de certaines des zones allemandes occupées (voir supra, p. 150-151). Loucheur espérait que les groupements fourniraient aux consommateurs français, en particulier dans les régions libérées, les matières premières dont ils avaient tant besoin. Mais il pensait également qu’ils contribueraient à rétablir l’équilibre économique, car ils permettraient aux industriels qui en étaient membres de reprendre contact avec leurs clients sans attendre la réouverture de leurs usines31.
26Cependant, les groupements ne fonctionnèrent pas sans accrocs, au moins pour le fer et l’acier. L’inflation frappa le système gouvernemental de contrôle des prix pour l’achat et la vente de produits allemands par le Groupement des sinistrés du Nord et de l’Est. Des troubles ouvriers renchérirent les coûts de production : la Lorraine et la Sarre étaient touchées par des grèves périodiques qui causèrent des ralentissements. Des pannes de transports créèrent des pénuries qui firent également grimper les prix.
27Devant l’augmentation de leurs frais, les producteurs voulurent renégocier les prix de vente de leurs produits, mais les acheteurs voulaient s’en tenir aux prix inscrits dans les contrats. Pris entre producteurs et acheteurs, les groupements s’adressèrent au ministère de la Reconstitution industrielle pour trouver une solution, mais Loucheur ne se montra guère compatissant. Quand le groupement de la Sarre suggéra en septembre que le ministère stabilise le prix des matières premières dont les sociétés allemandes avaient besoin pour remplir les commandes du groupement, le gouvernement, qui projetait de mettre fin au monopole du groupement dans la région de toute façon, fit la sourde oreille32. En mars 1920, le groupement fut informé que, pour les commandes métallurgiques en attente (83 000 tonnes), ses clients pouvaient soit annuler soit accepter de longs délais et des prix sensiblement plus chers. En Lorraine également, le gouvernement contraria le groupement. En septembre, Loucheur approuva des augmentations de prix rétroactives en juin pour les usines séquestrées, et quand le groupement essaya de faire honorer les prix contractuels après l’arrivée des gestionnaires français, l’Office de la reconstitution industrielle (ORI) décida que les acheteurs devraient payer les nouveaux prix ou annuler leurs commandes. Dans la plupart des cas, les consommateurs sarrois et lorrains choisirent d’annuler leurs commandes33. Même lorsqu’il s’agit de réintégrer les industries dévastées dans l’économie française, le groupement semble avoir été moins efficace que Loucheur ne l’avait espéré, car les usines ne pouvaient pas s’occuper convenablement de leurs clients d’avant-guerre alors que leurs fournisseurs n’arrivaient pas à remplir leurs commandes.
28Contrairement au système des groupements, l’ORI eut de plus en plus de succès pour restaurer les industries des régions dévastées. Mais même là, il y eut des problèmes en 1919. Conçu pour coordonner et centraliser la fourniture de matériaux et de machines essentielles, l’ORI se vit confier au printemps de 1919 le contrôle quasi-total de la reconstitution industrielle. Il travaillait de concert avec l’industrie privée représentée par l’Association centrale pour la reprise de l’activité dans les régions envahies (ACRARE) et avec ses organismes subsidiaires, tel le Comptoir central d’achats. L’ORI et le Comptoir central d’achats collaborèrent pour du matériel et de l’équipement aux usines qui en manquaient. Les bénéficiaires devaient se soumettre à des contrôles gouvernementaux dont les procédures étaient parfois exaspérantes dans le climat d’incertitude et de crise de 1919 et à cause des confusions bureaucratiques dūes à la rapidité avec laquelle ce sytème s’agrandit au fur et à mesure des commandes34.
29L’ORI aida également à réaliser le programme d’électrification que le ministère des Travaux publics avait établi pour le nord-est de la France. Il ne construisit ni les centrales thermiques ni les lignes à haute tension, mais il devint le principal promoteur de l’électrification dans la région. Grâce à son influence auprès des industriels, il fut souvent capable de briser la résistance des usines aux changements que l’électrification représentait pour elles. Les compagnies de l’électricité s’enhardirent et commencèrent à faire de gros investissements35.
30Les programmes que l’ORI fit démarrer en 1919 commencèrent à porter leurs fruits en 1920 et l’organisme fut cité comme un modèle d’efficacité et de compétence36.
Le contrôle des importations
31Les restrictions s’appliquant à toutes les importations de l’étranger sauf exceptions admises par le gouvernement furent reconduites après la guerre pour protéger le franc et pour permettre à l'industrie française de se réadapter et de reprendre sans concurrence étrangère. Mais cette politique priva la France d’équipement et de matières premières nécessaires à la reconstruction. On disait également qu’elle nourrissait l’inflation et que le libre échange rétablirait la stabilité économique. Dès février 1919, un projet de loi présenté à la Chambre voulait soustraire aux restrictions à l’importation les matières premières utilisées pour fabriquer des produits d’exportation de valeur égale ou supérieure. En avril, un projet de résolution fut introduit pour restaurer la libre entrée en France du matériel agricole, des matières premières, et des produits finis indispensables aux industries d'exportation. Ce projet voulait faire retrouver à la France la liberté commerciale aussi rapidement que possible37.
32Devant la montée des pressions publiques et parlementaires, Loucheur posa la question des contrôles à ses collègues ministériels38. Dans le débat qui s’ensuivit, les avis s’alignèrent sur les positions prises par Clémentel et Loucheur lors de la réunion du 1er mai. Clémentel soutenait que des importations de matières premières étaient certes nécessaires pour résoudre les problèmes industriels sans compromettre ni le franc ni l’industrie française, mais que les restrictions devraient demeurer en vigueur contre les produits finis étrangers. Il s’opposait à la levée des contrôles sur l’exportation des matières premières, qui selon lui causerait pénurie et inflation. Loucheur traita sa solution de « palliatifs insuffisants. » Selon lui, la santé économique de la France dépendait d’un retour à la liberté totale d’importation et d’exportation des matières premières et des produits finis. Il admit pourtant que plusieurs industries françaises dont la performance avait été affaiblie par la guerre et la flambée des prix du charbon devraient bénéficier de la protection de tarifs augmentés39.
33Les décisions du gouvernement reflétèrent en général la position de Loucheur. Vers la mi-mai, un décret élimina virtuellement toutes les restrictions à l’exportation, et le 13 juin un autre décret élimina les contrôles à l’importation de presque tous les produits. Mais un autre décret imposa une surtaxe ad valorem à un certain nombre d'importations, parce que les droits de douane fixes appliqués à ces produits avaient été établis avant la guerre, alors que les prix étaient bien plus bas. Cette solution temporaire s’avéra toutefois impossible à appliquer, les douaniers étant incapables de mettre en place dans des délais aussi courts le mécanisme compliqué de calcul de la valeur des produits importés. En juillet, le gouvernement lui préféra un système de coefficients : si un produit avait doublé de prix depuis 1913, le droit de douane fixe était multiplié par deux pour déterminer la nouvelle taxe. Pour empêcher les taxes d’augmenter d’un seul coup, un coefficient maximum de 3 fut établi. Deux décrets supplémentaires prirent effet en juillet : l’un complétait l’élimination des restrictions à l’importation, et l’autre restaurait les interdictions à l’exportation d’un nombre de vivres afin de stabiliser les prix domestiques40. C’était là essentiellement l’expression des vues de Loucheur qui, pour des raisons pratiques, était devenu protectionniste à peine quelques mois après avoir critiqué le système d’avant-guerre.
34La presse et le Parlement s’insurgèrent. Les partisans du retour à la liberté commerciale furent outragés par l’augmentation des droits de douane. Le Temps parla de la possibilité de représailles de la part d’autres pays et se plaignit que la commission interministérielle chargée d’établir des coefficients de majoration pour des révisions périodiques allait en fait déstabiliser les tarifs douaniers. La Chambre des Députés entendit ses membres soutenir que le nouveau système affaiblirait la France, encouragerait la spéculation, et renchérirait le coût de la vie41.
35Le gouvernement se défendit devant la Chambre vers la fin de juillet. Loucheur maintint que « la politique économique actuelle, contrairement à ce que certains pensent, doit s’adapter à toute heure, à tout moment, aux problèmes nouveaux qui se posent devant nous, et ce serait une pure absurdité que de s’attacher à une théorie invariable, quelle qu’elle fût, qui pourrait être la cause des pires erreurs »42. En éliminant presque toutes les interdictions à l’importation et en se protégeant par des droits de douane élevés, le gouvernement, essentiellement, avait remis la France sur la voie des tarifs douaniers d’avant-guerre43.
36Bien que le gouvernement survécut à cette crise parlementaire, sa politique douanière demeura impopulaire auprès d’un important segment de l’opinion publique. Bien des Français toléraient mal une approche économique qu’ils jugeaient inefficace, et l’économie devint un point de ralliement des adversaires de Clemenceau pendant les derniers mois de 1919.
Le charbon
37Après que l’Angleterre décida de mettre fin aux réductions de prix qu’elle avait accordées pendant la guerre à la France et à l’Italie, la crise du charbon s’aggrava, à commencer par une grève des mineurs français. Mais la crise était d’envergure continentale. Même en Angleterre, des baisses de production compromirent les exportations du premier fournisseur étranger de la France.
38Bien que Loucheur collabora avec le ministre du Travail, Pierre Colliard, pour trouver une solution à la grève, il semble avoir eu une voix décisive dans l’action du gouvernement. Deux groupes de mineurs se mirent en grève. Le premier appartenait à des syndicats groupés autour de certains députés du Nord et du Pas-de-Calais. Quelques jours plus tard, un second groupe, qui appartenait à la Fédération nationale des travailleurs du sous-sol d’autres régions, se joignit à eux. La production de charbon s’arrêta presque totalement.
39D’après le statut de 1913 qui fixait la journée de travail à huit heures pour les mineurs, ni le temps de remontée ni la demi-heure du déjeuner ne faisaient partie des huit heures. Une des revendications présentées par la Fédération au début de mai 1919 demandait que la descente, le déjeuner, et la remontée soient inclus dans les huit heures. Soutenu par la commission des Mines, le député radical-socialiste Antoine Durafour introduisit une proposition à la Chambre, selon laquelle les huit heures commençaient avec la descente du premier mineur, finissaient avec la remontée du dernier mineur, et incluaient une demi-heure pour le déjeuner. Lors de son congrès national à Marseille à la fin de mai, la Fédération approuva la formule de Durafour et menaça de se mettre en grève le 16 juin si le Parlement ne la votait pas avant le 12 juin44.
40Dans le Nord et le Pas-de-Calais, où des négociations étaient déjà en cours pour une nouvelle journée de huit heures et une augmentation de salaire, les mineurs se mirent en grève au début de juin. Mais les représentants syndicaux et les propriétaires de mines continuèrent à discuter, et un accord préliminaire fut atteint le 6 juin sur les points contestés. En attendant l’action du Parlement, les deux parties acceptèrent le plan gouvernemental selon lequel le temps de travail d’un mineur était calculé « du dernier descendant au dernier remontant, y compris un repos d’une demi-heure pris au fond »45. Mais cet accord fut rejeté massivement par les mineurs qui envoyèrent une délégation à Loucheur pour exiger que les propriétaires de mines reçoivent l’autorisation d’augmenter suffisamment les prix du charbon pour permettre les augmentations de salaires qu’ils demandaient. Citant les problèmes économiques, Loucheur rejeta leur requête, mais proposa un arbitrage gouvernemental. Les mineurs et les propriétaires acceptèrent. De concert avec Colliard, Loucheur annonça de nouveaux barêmes de salaires le 18 juin, mais les mineurs, insistant sur la proposition Durafour, continuèrent la grève46.
41Lorsque la proposition Durafour vint devant la Chambre, le gouvernement, Loucheur en tête, protesta contre les vingt minutes de production journalière de chaque ouvrier qu'elle faisait perdre. C’était, dit-il, plus que le pays ne pouvait subir. Le 16 juin, quelques jours après que la Chambre eut voté la formule gouvernementale, la Fédération donna l’ordre à ses mineurs de se mettre en grève. Comme elle refusait de négocier si le gouvernement ne cédait pas sur le temps de descente, Loucheur fut forcé de capituler. Déplorant le « malentendu » entre les mineurs, la commission des Mines de la Chambre, et le gouvernement, il annonça que le gouvernement était prêt à accepter le projet Durafour. Réintroduit à la Chambre, ce dernier fut voté le 20 juin ; quatre jours plus tard, Loucheur annonçait l’accord du gouvernement pour cette loi au Sénat où elle fut également acceptée sans modification47.
42A ce point, la Fédération reprit les négociations avec les propriétaires des mines, mais on fut bientôt dans l’impasse. Lorsque, comme le suggérait Colliard, les deux parties acceptèrent l’arbitrage du gouvernement, le ministre du Travail se joignit à Loucheur pour rendre une décision qui fut annoncée le 9 juillet. Deux jours plus tard, la grève prenait fin et les mineurs reprenaient le travail. La grève des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais avait déjà pris fin dès le vote du projet Durafour48.
43Loucheur avait probablement espéré que, mise devant un fait accompli, la Fédération s’inclinerait, puisque les représentants syndicaux du Nord et du Pas-de-Calais avaient accepté la façon de calculer la journée de huit heures du gouvernement dans leur accord du 6 juin avec les propriétaires de mines. Il devait également considérer que la proposition du gouvernement, qu’il pensait généreuse, était bien plus favorable aux mineurs que la journée de huit heures de 1913. Surpris par l’intransigeance des mineurs qui connaissaient la gravité de la crise du charbon, il se montra réaliste et assouplit sa position. Il n’avait pas le choix : sa préoccupation centrale était la productivité, quelles que fussent les concessions. Bien sûr, comme le signala plus d’un député le 20 juin devant la Chambre, la grève aurait pu être évitée et le gouvernement en portait l’entière responsabilité49.
44La grève coûta cher à la France. Les chiffres de production le disent bien : 1er mai, 1 534 524 tonnes ; juin, 622 773 tonnes ; juillet, 1 354 892 tonnes. La France mit plusieurs mois à s’en remettre, et le prix du charbon augmenta d’un minimum de vingt francs par tonne50. En plus, on avait perdu vingt minutes de production par jour et par mineur, ce qui représentait une augmentation de 4,4 % des coûts par unité de travail, soit le coût journalier d’un ouvrier. Loucheur en était réduit à espérer que d’autres sources de ravitaillement en charbon viendraient compenser la pénurie causée par le conflit minier qui aggravait les carences normales.
45L'Angleterre continua d’être le principal fournisseur étranger de charbon pour la France, et Loucheur fit de son mieux pour maintenir les livraisons à un niveau élevé et pour persuader les Anglais d’abandonner leur système de prix double, selon lequel le charbon exporté était facturé plus cher que le charbon vendu en Angleterre. Loucheur comprenait que les Anglais voulaient se protéger contre l’inflation des prix mondiaux et retirer des revenus maximum de la vente de leur charbon. Vers la fin de juin, il dit à Clémentel que le meilleur moyen pour la France de combattre le prix double était de réduire les importations des pays qui le pratiquaient. Comme c’était là chose impossible, il recommanda que la France aborde la question devant le Conseil suprême économique (CSE)51. Clémentel, qui était d’accord, suggéra que la France utilise son retour à la liberté économique complète pour présenter au CSE une résolution prescrivant « la suppression de toutes restrictions entre Alliés, et le rétablissement de l’égalité de traitement pour tous »52.
46Le mémorandum remis au CSE par les Français à la fin de juin montra l’abîme qui séparait les mesures françaises des mécanismes mis en place par les autres Alliés. Le mémorandum citait les prix du charbon anglais comme une enfreinte capitale à la préférence avérée des Alliés pour le libre échange. Il demandait aux Alliés des garanties réciproques d’égalité pour l’achat de tous les produits et de toutes les matières premières. Si des contrôles s’imposaient, le pays concerné devrait s’efforcer d’éviter toute discrimination contre ses alliés53.
47Les Anglais continuèrent leur système de prix double, mais, à leur consternation, les Français restèrent sur leurs positions. Le 22 juillet, Loucheur dénigra devant la Chambre la façon dont l’Angleterre, en pleine crise mondiale du charbon, plaçait des quantités limitées de charbon sur le marché libre, si bien que les Français le payaient bien plus cher que les consommateurs anglais. Il fit clairement comprendre que la France n’acceptait pas la décision anglaise, avait protesté par voies diplomatiques, et continuerait à protester54. Quatre jours plus tard, alors qu’il était à Londres pour discuter du système des prix, des livraisons de charbon, et des questions qui y étaient liées, il fut traité avec froideur. Les Anglais refusèrent naturellement de bouger55.
48Lorsque, au début d’août, les Français reparlèrent de la politique des prix devant le CSE, les Anglais acceptèrent de revoir la question, avertissant toutefois qu’étant donné une production annuelle de 185 millions de tonnes, ce qui était même insuffisant pour leurs besoins domestiques, les discussions étaient probablement inutiles56. L’étude faite par le Board of Trade en septembre entérina la politique anglaise d’exportation du charbon sur le marché libre, mais Sir Auckland Geddes, le président du Board of Trade, confia à Loucheur qu’une augmentation préalable de la production britannique permettrait au charbon sous licence d’exportation pour la France pendant le dernier trimestre de l’année de passer de 2,25 millions de tonnes à 3 millions de tonnes57.
49Au début de novembre, Loucheur apprit que l’Angleterre s’apprêtait à éliminer ses licences à l’exportation. Ces dernières avaient permis au gouvernement anglais de contrôler les quantités de charbon expédiées à l’étranger pendant la guerre, et ce système avait depuis le début favorisé la France, qui recevait toujours en 1919 environ la moitié du charbon anglais exporté. Le démantèlement de ce système risquait de créer une concurrence féroce entre les importateurs français et les autres nations sur le marché libre et les prix allaient flamber. Qui plus est, le Bureau national des charbons (BNC) se servait de ce système pour assurer une répartition équitable du charbon anglais en France58. La France allait donc devoir faire des révisions majeures et trouver de nouveaux moyens de pression dans la répartition du charbon.
50Les Français tentèrent de préserver une garantie de priorité pour le charbon anglais. Clemenceau et Loucheur voulaient une priorité de 1,5 million de tonnes par mois pour la France. Ils tentèrent tout d’abord d’obtenir en plus un prix fixe pour le charbon, mais Loucheur y renonça à la conférence de Londres à la mi-décembre. A cette occasion, les Anglais firent la sourde oreille aux demandes d’une attribution mensuelle minimum, mais, avant la fin de décembre, Loucheur s’était assuré de leur accord pour la livraison de 1,5 million de tonnes que Clemenceau et lui avaient voulue. Les Anglais acceptèrent également de reporter la fin des licences d’exportation de plusieurs jours afin de revoir la situation. Ce délai donna à Loucheur et au BNC le temps de réorganiser les contrôles du côté français pour l’allocation de charbon anglais. Lorsque le système des licences prit fin le 1er janvier 1920, le BNC était prêt. Loucheur y avait gagné l’approvisionnement régulier d’une source d’énergie vitale, même si l’abolition des licences d’exportation provoqua pour quelque temps une guerre des prix entre importateurs français59.
51Pendant les derniers mois de 1919, les livraisons de charbon anglais ne tombèrent jamais au-dessous d’un million de tonnes par mois, et pendant quatre des six derniers mois de l’année, les importations furent soit supérieures à, soit voisines de 1,4 million de tonnes60. Etant donné les quantités limitées de charbon anglais disponibles pour les exportations, ces quantités étaient impressionnantes, même si elles étaient loin de suffire aux besoins de la France. Le plus grand échec de Loucheur fut au niveau des prix. Ses tentatives répétées de faire abandonner à l’Angleterre son système de prix double furent vouées à l’échec, et les prix payés par les Français montèrent en flèche vers la fin de l'année.
52Loucheur tenta d’obtenir de la Belgique 350 000 tonnes de charbon par mois, comme elle s’y était engagée au début de 1919, mais les industriels belges refusèrent catégoriquement de vendre du charbon à l’étranger alors que la Belgique souffrait de manques (voir supra, p. 148). Les livraisons belges à la France atteignirent 333 000 tonnes en juillet 1919, puis la situation se détériora, car les Belges essayèrent d'obtenir une révision des quantités auxquelles ils étaient tenus. La première indication de leur refus de coopérer vint en septembre, quand ils annoncèrent une diminution de leurs expéditions mensuelles de charbon à la France pour obtenir que la France autorise la livraison de coke allemand à la Belgique. Loucheur et d’autres fonctionnaires français ayant contesté ce geste puisque la production de charbon belge était en hausse, les Belges firent marche arrière, car ils redoutaient des représailles au niveau du minerai de fer, un domaine dans lequel ils étaient vulnérables. Néanmoins, les envois de charbon continuèrent à baisser : en octobre et novembre, les Belges ne fournirent respectivement que 193 169 tonnes et 92 406 tonnes61. Gêné, Loucheur envoya d’abord un représentant spécial pour négocier auprès du gouvernement belge. Lorsque cela échoua, il suspendit les envois de minerai de fer français. Le gouvernement belge délégua auprès de Loucheur son ministre de l’Economie, Henri Jaspar, qui fit accepter aux Français un nouveau quota mensuel de cent mille tonnes. Loucheur dut conclure que c’était là le mieux qu’il pût faire, car les Belges avaient envoyé moins de cinquante mille tonnes en décembre62. Malheureusement pour lui, les importations baissèrent en automne et en hiver, au moment où cette baisse fut ressentie le plus cruellement ; à la fin de l’automne, le public manifestait un mécontentement grandissant devant sa façon de remédier à la crise. Lorsqu’il quitta son poste de ministre en janvier 1920, il ne semblait guère probable que la France puisse espérer être soulagée par le charbon belge, contrairement à ce que Loucheur avait pensé au cours de l’été précédent.
53Loucheur se tourna également vers les Etats-Unis. C’était un ultime ressort car, avant la guerre, la France n’avait pas importé un gramme de charbon américain, en grande partie à cause du coût du transport63. Mais, comme la guerre avait fait augmenter considérablement les prix du charbon européen, le charbon américain était plus abordable en 1919. L’obstacle fondamental, toutefois, était le manque de fret. Loucheur savait que dans ce domaine la position de la France n’était pas enviable. Il écrivit à Clémentel en juin 1919 que le gouvernement anglais n’accorderait sans doute pas les licences dont les Anglais avaient besoin pour transporter du charbon des Etats-Unis en France et que les compagnies de transports maritimes américaines étaient occupées à voler les marchés charbonniers aux Anglais en Amérique du Sud. Loucheur était également très conscient de l’insuffisance de la marine marchande française ; en juillet, il se plaignit à la Chambre des Députés que la dépendance de la France vis-à-vis du fret étranger affaiblissait sa puissance économique64.
54Loucheur eut une idée prometteuse à long terme. Il envisageait de créer, « d’accord avec les Américains, un courant de trafic spécial et intensif entre les Etats-Unis et la France par cargos de très grosse capacité, 20 000 à 30 000 tonnes, par exemple, à déchargement automatique, mūs au pétrole ». Il prévoyait d’équiper quelques ports pour recevoir ces bateaux. Il s’ouvrit de cette idée à Clémentel à la fin de juin65. En même temps, il prit des mesures pour améliorer la marine marchande française. Selon les termes d’un accord qu’il passa avec deux associations d’aciéristes le 30 juillet, ces derniers devaient fournir de l’acier à des prix préférentiels pour la construction d’une flotte marchande et devaient en retour recevoir le charbon dont ils avaient besoin au prix du charbon allemand, qui était bien en-dessous de celui du charbon français d’alors. Loucheur espérait que les livraisons de charbon allemand permettraient au programme de démarrer ; comme cela ne se produisit pas, il dut se débrouiller pour trouver d’autres ressources. Comme le charbon non-allemand était plus cher, la Caisse de péréquation dut payer la différence. Elle eut ainsi des frais importants, mais Loucheur les jugea inévitables pour construire une flotte marchande capable de transporter de grandes quantités de charbon sur de longs parcours66.
55Loucheur dut également trouver des solutions plus immédiates. A la fin de juin 1919, il informa la Chambre que la France était en train de négocier l’acquisition d’une flotte pour transporter entre sept et huit millions de tonnes de charbon des Etats-Unis en France. Annoncée trois mois après qu’il eût commencé à explorer les achats de charbon américain et en pleine grève des mineurs, cette nouvelle était surtout destinée à remonter le moral des Français. Loucheur négligea de mentionner ce qu’il avait dit à Clémentel à peine quelques jours plus tôt : trouver du fret était quasiment impossible. Le 22 juillet, il répéta à la Chambre qu’il obtiendrait du charbon américain, et de nouveau, ce fut pour remonter le moral des parlementaires67. Pourtant, ses références au charbon américain étaient plus qu’un artifice : il était convaincu que cette source allait devenir importante pour la France.
56D’autres présentèrent une image moins optimiste du potentiel de l’Amérique comme fournisseur. Le journal L'Usine se demanda si la France pourrait remplir les bateaux transportant du charbon en France pour leur voyage de retour, parce que les exportations françaises consistaient surtout d’objets de luxe. Et en août 1919, Herbert Hoover avertit les Européens que leur manque mensuel collectif de vingt millions de tonnes était un vide qu’il ne fallait pas espérer faire combler par les Etats-Unis : même si du fret devenait disponible, les Etats-Unis auraient tout au plus un ou deux millions de tonnes à exporter68.
57Néanmoins, la France reçut des envois des Etats-Unis pendant les derniers mois de 1919. Les premières livraisons, achetées par de grands utilisateurs de charbon tels le Groupement charbonnier des industriels parisiens, commencèrent à arriver en août. La quantité importée ce mois-là s’éleva seulement à 31 750 tonnes, mais les chiffres mensuels augmentèrent au-dessus de 130 000 tonnes en octobre et en novembre, avant de tomber brutalement en décembre et en janvier à cause d’une grève des mineurs américains69. Pourtant, Loucheur demeura optimiste. Lors d’une visite dans les régions libérées en janvier, il encouragea les industriels de la région de commencer à utiliser le charbon américain pour se constituer des réserves. Et bien que le prix demeurât élevé à la fin de 1919 et au début de 1920, la confiance de Loucheur s’avéra bien fondée, car, au cours de 1920, non seulement les frais de transport atteignirent un niveau qui rendit le charbon américain plus abordable, mais les importations françaises augmentèrent rapidement et atteignirent 826 134 tonnes en novembre70.
58Bien que les initiatives que Loucheur aida à développer pour le charbon américain ne commencèrent à donner des résultats sensibles qu’après son départ du ministère de la Reconstitution industrielle, son sens des changements qui avaient affecté les conditions des échanges internationaux s’avéra être précieux pour son pays.
59Le 29 août 1919, Loucheur avait signé avec les Allemands un protocole pour la livraison de charbon à la France avant la mise en vigueur du traité de Versailles (voir supra, p. 180-182), mais les quantités envoyées à la fin de 1919 furent bien moindres que ce que l’on n’attendait. Même dans la Sarre, les plans de Loucheur furent contrecarrés. Des grèves au printemps de 1919 y ralentirent la production, et la France devait y remplir des quotas mensuels pour ses exportations vers l’Italie. A la fin de juin, Loucheur dit à Clémentel que la Sarre n'était pas encore à même de contribuer à résoudre la crise française du charbon. La situation ne changea guère pendant le reste de l’année71.
60La gravité de la pénurie valut à Loucheur de violentes critiques. La presse parisienne s’en prit à son réseau charbonnnier pendant tout l’automne 1919. Des protestations furent également émises par les industriels parisiens qui, à cause des coupures de courant électrique causées par le manque de charbon, durent commencer à alterner tous les quinze jours les équipes de nuit et de jour au début de novembre pour économiser l’électricité aux heures de pointe. Plusieurs industriels étaient persuadés que Loucheur était en partie responsable de cette situation et de l’augmentation des coûts qu’elle entraînait. A Paris, les frustrations étaient telles qu’un dépôt de charbon fut même pillé72.
61D’autres régions de France souffraient elles aussi. Dans un secteur des Ardennes, par exemple, où on attendait des livraisons mensuelles de charbon pour novembre et décembre de 30 000 tonnes, 3 500 tonnes arrivèrent chaque mois. En Lorraine, les hauts fourneaux durent être éteints. Loucheur admit que les industriels recevaient à peine un tiers du charbon dont ils avaient besoin73.
62Telles étaient les conditions lorsque les responsabilités de Loucheur prirent fin avec la chute du gouvernement Clemenceau le 18 janvier 1920. Pour bien des consommateurs, ce fut un moment de soulagement et d’espoir : soulagement que Loucheur ne soit plus l’administrateur du charbon, et espoir que la décision du gouvernement de regrouper l’approvisionnement et le transport du charbon dans le même ministère améliorerait la situation. Pourtant, Loucheur avait augmenté les importations de charbon en 1919 de presque quatre millions de tonnes sur l’année précédente. Mais cela avait été annulé par une diminution presque équivalente de la production française, bien que le rendement fût plus fort à la fin de l’année qu’au cours des mois précédents. En fin de compte, le départ de Loucheur ne fit rien pour atténuer la crise qui continua pendant plusieurs mois74.
63En lien avec les activités de Loucheur dans le domaine du charbon, il y avait une proposition de loi sur les mines parrainée par Loucheur, qui en escomptait un rendement accru, et qui fut votée en septembre 1919. On savait depuis longtemps que le système de concessions minières accordées par l’Etat aux entreprises privées avait besoin d’être réformé. Le seul statut qui traitait sérieusement de la question était une loi de 1810 par laquelle le gouvernement accordait des concessions à perpétuité aux compagnies privées pour gérer et exploiter les mines qu’ils ouvraient et pour garder tous les profits venant du charbon et des autres ressources minérales extraites. Cette loi était considérée en France comme injuste dans la mesure où l’Etat renonçait à sa part des profits. Avant la guerre, les critiques parlementaires furent si fortes que le ministère des Travaux publics dut suspendre pour quelque temps l’ouverture de nouvelles concessions. Il recommença à en accorder parcimonieusement en 1912. En septembre 1917, le ministère de l’Armement fut chargé de préparer une nouvelle législation minière sur les concessions75, cette responsabilité du ministère des Travaux publics ayant passé au ministère de l’Armement par un décret du 12 septembre 1917. Ce transfert de pouvoir fut effectué à un bon moment, car Loucheur était un homme d’affaires ; or ceux qui protestaient le plus contre la transformation du système en vigueur étaient les industriels.
64Loucheur présenta ses idées devant la Chambre des Députés le 29 octobre 1917. Il expliqua que les deux révisions majeures de son schéma portaient sur la limitation de la durée des concessions, et sur la participation du gouvernement aux profits. En outre, il exprima l’espoir de voir créer une régie intéressée pour certaines mines, soit un système dans lequel l’Etat partageait avec les intérêts privés la propriété et la gestion d’une compagnie. Il rappela toutefois à la Chambre que sous un tel régime l’Etat, en tant qu’actionnaire, participerait aussi aux pertes. Loucheur rejeta la demande des socialistes qui voulaient nationaliser les mines, mais il adopta également une position plus modérée que François de Wendel, un industriel et député conservateur opposé aux limites de durée des concessions76.
65Selon Loucheur, une action législative rapide aurait eu l’avantage d'augmenter rapidement la production de matières premières, ce qui pour lui était « la grande bataille économique pour notre lutte de demain »77. Le 9 novembre 1917, il créa un Comité consultatif des mines, qui rédigea une proposition de loi qui fut présentée à la Chambre le 8 janvier 1918. La proposition, réagissant en partie aux besoins de guerre en minerais essentiels, limitait les concessions à quatre-vingt dix-neuf ans et incluait la participation de l'Etat aux profits d’après une échelle progressive78. Ce projet fut mis en examen par la commission des Mines, mais ce ne fut qu’en décembre 1918 que la Chambre en accepta une version modifiée. Il fallut alors réconcilier le texte de la Chambre avec une loi que le Sénat avait votée au mois de juin précédent, si bien que la nouvelle loi sur les mines ne prit effet qu’en septembre 1919. La base proposée par le gouvernement fut toutefois retenue, et, une fois la loi en vigueur, Loucheur put accorder les concessions qui avaient été en suspens jusque-là79.
66Loucheur dut patienter presque deux ans pour arriver à ses fins, mais son succès contribua à débloquer la semi-paralysie des concessions. Cette loi signifiait également que l’Etat avait une nouvelle source de revenus ; en fait, c’était là le principal souci de beaucoup. Bien que Loucheur ne récolta pas les fruits de son labeur pendant qu’il était ministre, la loi sur les mines facilita ultérieurement la production de charbon.
La politique
67Tout en travaillant sur les questions économiques en 1919, Loucheur semble avoir préparé son avenir politique, bien qu’il le nia et déclara vouloir réintégrer le secteur privé. La preuve la plus notoire de son intérêt pour un avenir politique est l’enthousiasme qu’il manifesta à la fin de 1918 pour les journaux. Il devint actionnaire minoritaire du puissant journal parisien Le Petit Journal à la fin de l'année et se porta ultérieurement partie à l’achat de plusieurs journaux de province, parmi lesquels La Dépêche de Rouen et Le Progrès du Nord de Lille. L’historien Carlton J. H. Hayes écrit qu’un journal était un médiocre investissement financier et que quand un homme d’affaires riche s’y intéressait, c’était en général moins pour y réaliser des gains financiers que pour en tirer des bénéfices tels une visibilité accrue de ses vues politiques. On savait en 1930, par exemple, que Le Petit Journal, dont Loucheur devint le seul propriétaire en 1920-1921, était à peine à flot, ou même qu’il perdait de l'argent, mais qu’il était pourtant un atout politique important pour Loucheur80. Ce qui était un atout politique en 1930 ne l’était certainement pas moins en 1919.
68Au lendemain de la guerre, plusieurs personnes considéraient que Loucheur voulait être plus qu’un ministre d’occasion. Lord Derby, l’ambassadeur d’Angleterre en France, rapporta en janvier 1919 qu’on parlait de lui comme d’un futur président du Conseil. D’autres prédisaient qu’il se présenterait aux élections de la Chambre des Députés81. L’exercice des fonctions de ministre pendant la guerre le persuada sans doute de songer à une carrière politique et de commencer à la préparer s’il la choisissait.
69Loucheur fit connaître ses intentions à l’automne de 1919. Mû par les encouragements de Clemenceau, par le désir de continuer à contribuer au relèvement économique français, et par la profonde satisfaction qu’il trouvait dans le service public, il fit savoir en octobre qu’il se porterait candidat à la Chambre des Députés dans les élections nationales du 16 novembre. Sa candidature devint officielle le 21 octobre, lorsqu’il accepta de faire campagne comme membre d’un groupe de candidats du Nord appelé la Fédération républicaine du Nord82.
70La réaction de la presse fut mitigée. Certains journaux désapprouvèrent. Le journal gauchiste La Bataille et le conservateur L’Usine arguèrent que sa campagne électorale le détournait de questions plus importantes, tels l’approvisionnement en charbon de la France83. Par contre La Journée industrielle, le journal des milieux d’affaires, applaudit à sa décision, arguant que le gouvernement ne devrait pas être laissé « à des professionnels de la politique dont le plus grave défaut est peut-être l’incompétence ». Avançant l’idée d'un « parti industriel », il souligna que le Parlement avait besoin de « beaucoup d'industriels, courageux, énergiques, réalistes, pénétrés des difficultés de leur tâche et résolus à faire de notre pays une grande nation organisée pour la production et dirigée vers l'expansion ». L’appui du journal à une race future de parlementaires représentée par Loucheur fut si net que Le Progrès du Nord, qui appuyait lui aussi sa candidature avec enthousiasme, publia le commentaire mot pour mot84.
71Loucheur fit une campagne courte, vigoureuse, et centrée sur les questions économiques. Le 27 octobre, il dit au Congrès de la Fédération républicaine du Nord qu’il avait l’intention de choisir comme thèmes électoraux les transports et les questions financières85. Etant donné l’importance de ces sujets pour les électeurs du Nord, c’était là un choix judicieux. Loucheur assura le public que l’Allemagne serait sommée de payer des sommes importantes au titre des réparations et d’appliquer le traité de Versailles à la lettre. 11 promit également que les entreprises ne seraient pas écrasées d’impôts quand l’Etat assainirait ses finances86. Il souligna l’importance de la modernisation et de l’expansion du réseau des transports pour satisfaire aux besoins de l’après-guerre. Décrivant les chemins de fer français comme de simples « jouets d’enfants », il signala qu’ils étaient insuffisants pour les besoins particuliers du Nord nés des ruines de la guerre. Il dit aux électeurs qu’il fallait « voir grand » : cela voulait dire l’électrification des lignes de chemin de fer, des gares plus importantes, et la construction de lignes supplémentaires. Cela signifiait un système de canaux capables d’accommoder des barges de charbon non pas de trois cents tonnes, comme c’était alors le cas, mais de mille tonnes87. Même dans des circonstances normales, le Nord, qui dépendait tellement des canaux et des chemins de fer, aurait répondu positivement à ce scénario.
72Pendant la campagne, Loucheur se montra particulièrement vexé par l’accusation de profiteur de guerre. Son critique le plus virulent, le journaliste néo-royaliste Léon Daudet, célèbre pour ses invectives contre les membres du gouvernement, l’avait attaqué à plusieurs reprises en 1919 dans son quotidien royaliste L’Action française. D’après Daudet, Loucheur avait gagné des sommes fabuleuses pendant la guerre comme fabricant d’armes – assez pour commencer à construire un trust de la presse88. Daudet lui donna le surnom mordant de « Loucheur – tout en or », mais Loucheur répliqua en le surnommant « Daudet – tout en ordure »89. Soutenu par son groupe politique, Daudet entretint le débat pendant la campagne électorale, peignant Loucheur comme le plus célèbre profiteur de guerre français90. Quand un contradicteur répéta l’accusation le 9 novembre à Dunkerque, Loucheur était prêt. Il expliqua qu’à son entrée au gouvernement en décembre 1916, il avait établi un comité spécial, présidé par un membre de l’Ordre de la Légion d’Honneur, pour gérer les profits qui lui revenaient de droit par ses contrats de guerre ; le comité devait reverser les profits au gouvernement91. En tant que ministre, ajouta-t-il, il avait vécu sur d’autres revenus, et sa renonciation scrupuleuse à des profits lucratifs lui avait valu de la part de plusieurs présidents du Conseil ce compliment : « Loucheur, vous êtes un honnête homme »92.
73Pourtant Loucheur ne souffla mot ni alors ni plus tard des profits de guerre réalisés par Giros et Loucheur (Girolou) avant décembre 1916. Ceux-ci, considérables, dépassaient de beaucoup les deux millions de francs que la compagnie, rebaptisée Giros et Cie., gagna en 1917 et reversa au Trésor public. La compagnie n’eut aucun profit en 1918. Les bénéfices nets de Girolou du 1er août 1914 à la fin de 1915 s’élevaient à un peu plus de six millions de francs, contre un bénéfice normal annuel de 717 000 francs calculé d’après les recettes annuelles moyennes de la société pendant les trois années précédant la guerre. Mais il n’était pas rare que les fabricants d’armes français fissent des profits extraordinaires. Le gouvernement imposa un impôt sur les profits de guerre en 1916, quoique les sommes recueillies ne fussent probablement qu’une fraction des profits eux-mêmes93.
74L’accusation de profiteur de guerre ne semble pas avoir nui à la candidature de Loucheur. Pourtant, son désir de s’expliquer confirme qu’il prenait cette accusation très au sérieux. A sa grande consternation, ses ennemis entretinrent ce débat pendant des années, et en 1925 il comparut devant un jury d’honneur et démontra la fausseté de plusieurs des accusations lancées contre lui. Néanmoins, l’épithète « profiteur de guerre » devait le hanter jusqu’à ses derniers jours94.
75Il fut élu à la Chambre le 16 novembre avec davantage de votes que les autres candidats de la liste de la Fédération républicaine. Le Progrès du Nord rapporta qu’un collègue de la Fédération exprima ses sentiments en disant, « Notre grande joie est le succès de M. Loucheur »95. Pour Loucheur, il était agréable que les membres du Parlement ne puissent plus le considérer comme un outsider. Comme il avait l’appui de Clemenceau, il pouvait espérer continuer à diriger les affaires économiques. Peu après, Clemenceau lui offrait le poste de ministre des Finances. Bien que Loucheur déclinât cette offre, celle-ci révèla la confiance qu’avait Clemenceau dans Loucheur sur les questions de politique économique96.
76Le gouvernement Clemenceau tomba le 18 janvier 1920, après que le Parlement eût refusé à ce dernier le poste de président de la République, le 17 janvier. Cet échec, qui fut une expérience humiliante et amère pour le Tigre, reflétait l’humeur des Français au début de 1920. Nombreux étaient ceux qui croyaient que la raison d’être de son pouvoir avait pris fin avec le retour de la paix ; ils étaient impatients de démanteler sa dictature de guerre et d’affirmer la suprématie du législatif sur l’exécutif. Avec l’élection d'une Chambre plus conservatrice en novembre 1919, les jours du Tigre étaient comptés, encore que la relève se produisît de façon surprenante, par le refus de lui accorder un poste en grande partie honorifique97.
77Pour la droite, une des raisons de la chute de Clemenceau était la déception des Français après une paix jugée trop clémente vis-à-vis de l’Allemagne. Mais le mécontentement universel à l’égard de la politique économique du gouvernement joua également un rôle98. Là, le principal coupable était Loucheur. Lorsqu’il quitta le ministère en janvier, l’économie française, bien qu’en période de croissance, était dominée par le retour aux méthodes d’avant-guerre. Plusieurs de ses initiatives pour le renouveau économique n’avaient pas été réalisées. Malgré tout, il joua un rôle critique dans les derniers mois de 1919 en encourageant des projets comme la flotte marchande moderne et l’électrification de l’industrie française à grande échelle.
78Lorsque le gouvernement Clemenceau donna sa démission, la France perdit avec Loucheur l'avocat de la modération vis-à-vis de l’Allemagne. Loucheur s’était avéré réaliste ; il savait que la coopération et la négociation économiques donneraient à long terme de meilleurs résultats que la coercition dans le domaine des clauses économiques du traité de Versailles. Bien qu’il ne dévoila cette attitude à l’opinion publique française qu’au compte-goutte, elle était évidente dans la souplesse dont il fit preuve lors de ses négociations avec les Allemands à l’automne 1919. Il est dommage qu’un homme qui avait été si profondément engagé dans l’élaboration des clauses sur les réparations du traité de Versailles fût momentanément tenu à l’écart du processus de paix. Cette tâche incomba à un groupe d’hommes qui connaissaient certes le texte du traité, mais qui n’avaient pas participé aux séances de rédaction des clauses sur les réparations qui contenaient de nombreuses subtilités99.
79La démission du gouvernement Clemenceau marqua sans doute la fin de l’étape la plus importante de la carrière publique de Loucheur. Bien qu’il occupa à nouveau des postes ministériels en 1921 et après, il ne devait plus avoir autant d’influence sur les questions économiques que pendant l’année charnière de 1919.
Notes de bas de page
1 Trachtenberg, Reparation in World Politics, p. 99. France, Annales de la Chambre : Débats, 22 juillet 1919, p. 3266-3282.
2 Weill-Raynal, Les Réparations allemandes, I, p. 129-130.
3 Ibid., p. 130-133
4 France, Annales de la Chambre : Débats, Il septembre 1919, p 3849-3855. Trachtenberg, Reparation in World Politics, p. 105. Le gouvernement, très inquiet de la réaction du Parlement, était prêt à changer de position. Ceci est reflété dans une déclaration de Loucheur qui, après une séance à la Chambre, dit : « Je ne pouvais pas leur dire la vérité ; ils m’auraient tué ». Alfred Sauvy cite Loucheur mais ne dit pas exactement quand Loucheur fit cette déclaration. Il est plus que probable, cependant, que le commentaire date de 1919. Voir Alfred Sauvy et Anita Hirsch, Histoire économique de la France entre les deux guerres (3 vols. ; Paris, 1984), III, p. 42.
5 Trachtenberg, Reparation in World Politics, p. 106. Loucheur dit également à la commission des Affaires étrangères du Sénat le 13 août que la France avait rejeté l’inclusion d’une somme fixe dans le traité. A cette occasion, il cita les chiffres de paiements annuels minimum et maximum proposés par la France à la conférence et nota que la proposition française d’un paiement maximum de 235 milliards de francs pour les réparations avait été jugée inacceptable par les Américains. A aucun moment, cependant, il ne mentionna que les Anglais avaient été beaucoup plus exigeants que les Français. Loucheur assura également que l'Allemagne pourrait payer dix-huit milliards de francs-or par an à la fin des cinq premières années de la paix. Voir Procès-verbal, Commission des Affaires étrangères (Sénat), 13 août 1919, Procès-verbaux, AS.
6 Weill-Raynal, Les Réparations allemandes, 1, p. 135-136.
7 Ibid., p. 136.
8 Notes prises par le secrétaire d'une conférence anglo-française tenue à 10, Downing Street, le vendredi 12 décembre 1919, dans la Série Papiers d’Agents, Papiers André Tardieu, vol. 42, MAE.
9 Weill-Raynal, Les Réparations allemandes, I, p. 138-139.
10 Tardieu, The Truth, p. 349-350.
11 La proportion de 11 à 5 fut inscrite dans le procès-verbal de la réunion pour calmer les peurs des pays non représentés à la conférence mais ayant droit aux réparations. La proportion de 55 à 25 fut cependant adoptée comme base de distribution entre les Français et les Anglais, et les 20 % restants furent répartis entre les autres pays concernés. A la conférence de Spa en juillet 1920, la part de la France fut réduite à 52 % et celle de l’Angleterre à 22 %. Voir Tardieu, The Truth, p. 350-351. Et Weill-Raynal, Les Réparations allemandes, III, p. 819.
12 Note d’une conversation entre le Premier ministre et M. Loucheur, 3 décembre 1919, dans CAB 23/25, PRO.
13 Notes prises par le secrétaire d'une conférence anglo-française tenue à 10, Downing Street, à onze heure, Londres, le samedi 11 décembre 1919, dans CAB 23/25, PRO. Loucheur, Carnets secrets, p. 113-114. Notes prises par le secrétaire d’une conférence anglo-française tenue à 10, Downing Street, le 13 décembre 1919, dans les Papiers André Tardieu, 42.
14 Trachtenberg, Reparation in World Politics, p. 116.
15 Réunion du Conseil suprême économique, 30 juin 1919, dans Y, 154, MAE. Schuker, The End of French Predominance, p. 222-223.
16 Trachtenberg, Réparation in World Politics, p. 111-113.
17 Pour la proposition de Loucheur à la Belgique, voir supra, p. 166-168.
18 Georges-Henri Soutou, « Der Einfluss des Schwerindustrie auf die Gestaltung der Frankreichspolitik Deutschlands, 1919-1921 », dans Industrielles System und politische Entwicklung in der Weimarer Republik, édité par Hans Mommsen et al, (Dusseldorf, 1974), p. 544-545.
19 La délégation allemande à Versailles à Berlin, 3 août 1919, dans les Papiers Louis Loucheur, 12/2, HI. Rapport d’Emile Haguenin, 16 août 1919, ibid. La délégation allemande à Versailles à Berlin, 24 août 1919, ibid.
20 D’après le traité de Versailles, les Alliés avaient le droit de réquisitionner jusqu’à 3,5 millions de tonnes de charbon par mois.
21 Bordereau d’envoi à Monsieur Laroche, 12 septembre 1921, dans Y, 191, MAE. Weill-Raynal, Les Réparations allemandes, I, p. 427-429.
22 La délégation allemande à Versailles à Berlin, 25 septembre 1919, dans les Papiers Louis Loucheur, 12/2. Trachtenberg, Reparation in World Politics, p. 113-114.
23 Weill-Raynal, Les Réparations allemandes, I, p. 419-422.
24 Maier, Recasting Bourgeois Europe, p. 198-199. La citation est d’après Soutou, L’Or et le sang, p. 804.
25 Maier, Recasting Bourgeois Europe, p. 200. Kurt Von Lersner à Berlin, 4 novembre 1919, dans les Papiers Louis Loucheur, 12/2. William F. Ogburn et William Jaffe, The Economic Development of Post-War France : A Survey of Production (New York, 1929), p. 231.
26 Weill-Raynal, Les Réparations allemandes, 1, p. 442.
27 Beaumont au ministère des Affaires étrangères, 13 septembre 1919, dans la Série A, Paix, 1914-1920, Vol. 90, MAE.
28 David Felix, Walther Rathenau and the Weimar Republic : The Politics of Reparations (Baltimore, 1971), p. 68. Louis Loucheur à Stephen Pichon, 22 septembre 1919, dans A, 90, MAE. Stephen Pichon à Emile Haguenin, 22 septembre 1919, dans A, 90, MAE. Etant donné les discussions positives qui eurent lieu entre Loucheur et Rathenau à Wiesbaden en 1921, il est permis de supposer que Rathenau aurait coopéré avec Loucheur en 1919, bien que ce dernier ait eu raison d'écarter sa candidature en 1919 en raison de l’hostilité de l'opinion publique française.
29 Trachtenberg, Reparation in World Politics, p. 116-117.
30 Emile Haguenin au ministère des Affaires étrangères, 16 février 1920, dans A, 91-92, MAE. Trachtenberg, Reparation in World Politics, p. 118.
31 Thomas W. Grabau, Industrial Reconstruction in France After World War I (New York 1991), p. 72-75.
32 Le monopole du groupement prit fin en novembre 1919.
33 Grabau, Industrial Reconstruction, p. 102-111
34 Ibid., p. 118-119, 133-135. Grabau indique que le Comptoir central d'achats, par exemple, avait soixante-quatre personnes dans son bureau central en octobre 1918 et mille en janvier 1920.
35 Ibid., p. 139-141.
36 Ibid., p. 132, 141.
37 Ibid., p. 88. Haig HT, A History of French Commercial Policies, p. 103-104. Procès-verbal, Conseil économique, 1er mai 1919, dans F 12, 7657, AN
38 La Journée industrielle, 14 mai 1919, p. 1.
39 Procès-verbal, Conseil économique, 1er mai 1919, dans F 12, 7657, AN.
40 Haight, A History of French Commercial Policies, p. 109-110. Le Temps, 14 juillet 1919, p. 1, 13 juillet 1919, p. 1.
41 Le Temps, 14 juillet 1919, p. 1,20 juillet 1919, p. 1.
42 France, Annales de la Chambre : Débats, 22 juillet 1919, p. 3273.
43 Haight, A History of French Commercial Policies, p. 102-120. La France n’était pas la seule à dépendre des barrières douanières après la guerrre. D'autres pays dont le commerce extérieur était important, devinrent protectionnistes au début des années 1920, lorsqu’une récession mit fin à l’essor économique d’après-guerre. Voir Dan Silverman, Reconstructing Europe After the Great War (Cambridge, Mass., 1982), p. 237-241.
44 Olivier, La Politique du charbon, p. 169-172.
45 Le Temps, 7 juin 1919, p 4.
46 Olivier, La Politique du charbon, p. 171-175 Le Temps, 20 juin 1919, p. 3.
47 Le Progrès du Nord, 22 juin 1919, p. 1. La Bataille (Paris), 25 juin 1919, p. 1.
48 La Bataille, 4 juillet 1919, p. 1. Le Petit Journal. 10 juillet 1919, p. 1. Olivier, La Politique du charbon, p. 175-176
49 France, Annales de la Chambre : Débats, 20 juin 1919, p 2477-2479.
50 Olivier, La Politique du charbon, p. I 75-1 76.
51 Louis Loucheur à Etienne Clémentel, 23 juin 1919, dans F 12, 8075, AN.
52 Etienne Clémentel à Louis Loucheur, 27 juin 1919, ibid.
53 Annexe A à l'Extrait du procès-verbal, Conseil suprême économique, 30 juin 1919, dans Y, 154, MAE.
54 France, Annales de la Chambre : Débats, 22 juillet 1919, p. 3273.
55 Au capitaine Codrington (Foreign Office), 7 août 1919, dans FO 382/2484, PRO Note de Paul Cambon, 19 juillet 1919, dans Foreign Office, FO 368, General Correspondence, Commercial, Vol. 2114. PRO.
56 Sessions du Conseil suprême économique, 1-2 août 1919, dans Y, 155, MAE. Télégramme d’Aimé de Fleuriau au ministère des Affaires étrangères, 4 août 1919, dans Y, 191, MAE. Loucheur fut très ennuyé que les Anglais ne répondent pas plus positivement, mais il dut être satisfait d’une action du Conseil suprême économique au début d’août. Herbert Hoover, le directeur de l’American Relief Administration, parla devant le CSE le 1er août de la gravité de la crise du charbon et recommanda « d’instituer en Europe, sous une forme ou une autre, un contrôle du charbon afin de stimuler la production et d’assurer une répartition qui maintienne les services essentiels sur lesquels doit reposer l’équilibre économique et politique ». Sa recommandation fut acceptée par le CSE et une commission européenne du charbon fut créée ; Loucheur fut choisi pour représenter la France. Il s’affaira à donner corps à cette idée. Mais, au lieu de traiter des pénuries des pays européens en général, la Commission, qui n'avait pas l’autorité de mettre à exécution ses recommandations, passa le plus clair de son temps à procurer à l’Autriche du charbon. Voir Mémorandum de Hoover, 1er août 1919, dans Y, 191, MAE Résolution du Conseil suprême, 5 août 1919, ibid. Le Petit Journal, 6 août 1919, p. 1. Derek H. Aldcroft, From Versailles to Wall Street, 1919-1929 (Berkeley and Los Angeles, 1977), p. 60.
57 Sir Auckland Geddes à Louis Loucheur, 19 septembre 1919, dans les Papiers Louis Loucheur, 11/Divers.
58 Notes prises par le secrétaire d'une conférence franco-anglaise tenue à 10, Downing Street, le vendredi 12 décembre 1919, dans les Papiers André Tardieu, 42. Jacques Seydoux au ministère des Affaires étrangères, 5 novembre 1919, dans Z, Grande-Bretagne, 96, MAE.
59 Philippe Berthelot à Paul Cambon, 19 novembre 1919, dans Z, Grande-Bretagne, 96, MAE. Notes prises par le secrétaire d’une conférence franco-anglaise tenue à 10, Downing Street, le vendredi 12 décembre 1919, dans les Papiers André Tardieu, 42. L'Usine, 8 janvier 1920, p. 21, 15 janvier 1920, p. 19, 21. Olivier, La Politique du charbon, p. 214-216.
60 Olivier, La Politique du charbon, p. 188.
61 L’Usine, 4 septembre 1919, p. 25. Olivier, La Politique du charbon, p. 178-180, 188.
62 Olivier, La Politique du charbon, p. 188, 234-235 Le Progrès du Nord, 14 janvier 1920, p. 1. L’Usine, 22 janvier 1920, p. 23. Philippe Berthelot à l’ambassadeur de France à Bruxelles, 7 janvier 1920, dans la Série Z, Europe, 1918-1929, Belgique, Vol. 124, MAE.
63 Olivier, La Politique du charbon, p 236-237.
64 Loucheur à Clémentel, 23 juin 1919, dans F 12, 8075, AN. France, Annales de la Chambre : Débats, 22 juillet 1919, p. 3274.
65 Loucheur à Clémentel, 23 juin 1919, dans F 12, 8075, AN. Clémentel, dans sa réponse, parla des problèmes de charbon entre la France et l’Angleterre. Il ne mentionna même pas l’idée de Loucheur d'un parcours spécial franco-américain. Voir Clémentel à Loucheur, 27 juin 1919, dans F 12, 8075, AN.
66 Brelet, La Crise de la métallurgie, p. 137-138. La somme facturée à la Caisse semble avoir été de l'ordre de vingt-six millions de francs.
67 Le Petit Journal, 2 jullet 1919, p. 2. Loucheur à Clémentel, 23 juin 1919, dans F 12, 8075, AN. France, Annales de la Chambre : Débats, 22 juillet 1919, p. 3273.
68 L'Usine, 10 juillet 1919, p. 9, 21 août 1919, p. 21.
69 Olivier, La Politique du charbon, p. 238-239, 242. Susan Armitage, The Politics of Decontrol of Industry : Britain and the United States (Londres, 1969), p. 131-135. La grève commença le 1er novembre et affecta 72 % des mines américaines. Elle dura plus d'un mois.
70 Le Progrès du Nord, 14 janvier 1920, p. 1. Olivier, La Politique du charbon, p. 238-239.
71 Olivier, La Politique du charbon, p. 181, 188. Loucheur à Clémentel, 23 juin 1919, dans F 12, 8075, AN.
72 Olivier, La Politique du charbon, p. 257-258. L'Usine, 15 janvier 1920, p. 19.
73 L’Usine, 8 janvier 1920, p. 19, 21. Olivier, La Politique du charbon, p. 259.
74 L'Usine, 29 janvier 1920, p. 1. Olivier, La Politique du charbon, p. 265-266, 288-289.
75 L’Usine, 17 février 1918, p. 9. L'Europe nouvelle, 12 janvier 1919, p. 25-27, 26 janvier 1918, p. 79-80. France, Journal Officiel : Lois et décrets, 15 septembre 1917, p. 7301
76 Chevrier, « Le Rôle de Loucheur », p. 57-60. La Journée industrielle, 16-17 juin 1918, p. 1. France, Annales de la Chambre : Débats, 29 octobre 1917, p. 2920-2941.
77 France, Annales de la Chambre : Débats, 29 octobre 1917, p. 2931.
78 Projet de loi (Chambre), 8 janvier 1918, dans C, 7761, AN.
79 Procès-verbal, Commission des Mines (Chambre), 14 juin 1918, ibid. La Journée industrielle, 16-17 juin 1918, p. 1. France, Annales de la Chambre : Débats, 13 décembre 1918, p. 2984-2496. Projet de loi (Chambre), 4 juillet 1919, dans C, 7761, AN. L'Usine, 25 septembre 1919, p. 21.
80 La Journée industrielle, 11 mars 1919, p. 2. Loucheur, Carnets secrets, p. 148. Carlton J H. Hayes, France : A Nation of Patriots (New York, 1930), p. 150, 447.
81 Lord Derby à Lord Curzon, 20 janvier 1919, dans FO 371/3751, PRO. L'Europe nouvelle, 28 décembre 1918, p. 2243.
82 Interview avec Simone Loucheur, 17 juin 1977. Le Petit Journal, 22 octobre 1919 p. 3.
83 La Bataille, 23 octobre 1919, p. 1.
84 Le Progrès du Nord, 25 octobre 1919, p. 1.
85 Plusieurs articles sur les discours électoraux de Loucheur parurent dans Le Progrès du Nord entre le 28 octobre et le 16 novembre 1919.
86 Le Progrès du Nord, 12 novembre 1919, p. 1.
87 Ibid., 31 octobre 1919, p. 1, 12 novembre 1919, p. 1, 31 octobre 1919, p. 2.
88 L'Action française (Paris), 13 janvier 1919, p. 1, 15 janvier 1919, p. 1, 16 janvier 1919, p. 1, 19 janvier 1919, p. 1, 3 mars 1919, p. 1, 11 mars 1919, p. 1
89 Interview avec Simone Loucheur, 17 juin 1977
90 Tract de la Liste d'Action française et d’Union nationale, campagne électorale de 1919, dans 313 AP, 171, AN.
91 Le comité auquel Loucheur fit allusion reversa ses profits pour les années en question en mars 1920, attendant pour ce faire que Loucheur ne fût plus ministre. Voir J. Faure, J. Petsche et S. Derville au ministre des Finances, 10 mars 1920, dans B, 15617, MF.
92 Le Progrès du Nord, 10 novembre 1919, p. 1.
93 Contribution extraordinaire sur les bénéfices exceptionnels et supplémentaires réalisés pendant la guerre, par Messieurs A. Giros et Loucheur, ingénieurs civils, du 1er août 1914 au 31 décembre 1915, dans B, 15617, MF. Hardach, « La Mobilisation industrielle », p. 102.
94 Louis Loucheur à Gabriel Castagnet, 10 décembre 1925, dans les Papiers Louis Loucheur, 1/2. Loucheur établit une liste avec deux colonnes : une pour les accusations et une pour les réponses possibles. Voir « Exemples de questions à examiner, ‘bruits répandus,’ ‘vérifications possibles’ ». Ce document se trouve avec les papiers datant de la fin de 1925, ibid. Louis Launay, M. Loucheur (St. Cloud, France, 1925), p. 11-16. Loucheur, Carnets secrets, p. 106-107.
95 Le Progrès du Nord, 20 novembre 1919, p 1
96 Loucheur, Carnets secrets, p. 113-114.
97 Wright, France in Modem Times, p. 334-335. Bruun, Clemenceau, p. 199.
98 Bruun, Clemenceau, p. 199.
99 Weill-Raynal, Les Réparations allemandes, I, p. 142.
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