Le statut du metallarius dans le Code Théodosien
p. 427-450
Résumés
Cet article se penche sur le statut de ceux que plusieurs constitutions du livre X du Code Théodosien nomment les metallarii. Tous les auteurs modernes ont compris ce terme comme s’il désignait les ouvriers des mines. Mais l’analyse de ces lois fait douter que le metallarius soit un simple ouvrier mineur : le metallarius est en effet inscrit sur des listes particulières du fisc et son statut, tel qu’il est décrit, le rapproche davantage des petits et moyens exploitants de la mine que de ses travailleurs. En outre, la comparaison avec certains des modes d’exploitation minière des siècles précédant le Bas-Empire rend très vraisemblable l’hypothèse que le metallarius soit plus un exploitant de puits métallifères qu’un travailleur. Cette recherche permet aussi de s’interroger plus largement sur le devenir de l’administration minière au Bas-Empire.
Some laws from book ten of the Theodosian Code allude to the status of the metallarii, whom many scholars identify with mine workers. But the analysis of these laws induce to doubt that the metallarius may be a simple miner. Indeed, metallarii are registered on special fiscal lists and their status, as it is described, sets them nearer to small and average mine lease-holders than to mine workers. Furthermore, the comparison with some types of mining exploitation of the centuries preceding the later Roman Empire makes very likely the hypothesis according to which the metallarii are rather shaft lease-holders than workers. This study is also a good opportunity to investigate more generally on the becoming of the mine administration in the later Roman Empire.
Texte intégral
1J’aimerais m’arrêter ici sur le statut de celui que les constitutions du Code Théodosien nomment le metallarius : les historiens le considèrent souvent comme étant un travailleur de la mine et traduisent le terme latin en français par « mineur » ou « ouvrier mineur »1. Jean-Pierre Waltzing affirme ainsi en 1895 : « Les mineurs formaient des corporations obligatoires recrutées par l’hérédité et les condamnations. … Les ouvriers mineurs (metallarii) n’étaient généralement pas des esclaves puisqu’ils étaient propriétaires fonciers. Attachés au sol natal, comme dit une loi (CTh X, 19, 7 de 370 : regredi ad solum genitale compellant), ils étaient affectés à l’exploitation avec tous leurs biens et leur famille (CTh X, 19, 15 de 424) »2.
2Cette description est étonnante, car l’on voit assez mal des propriétaires fonciers se comporter exactement comme des ouvriers appartenant à des associations professionnelles, à moins que, à l’instar des nauicularii, leur groupement ne soit davantage celui de propriétaires entrepreneurs que de travailleurs manuels. Et c’est là à mon avis qu’est toute la question : faut-il considérer les metallarii comme ces ouvriers mineurs dont la dure condition est quelquefois rappelée par les sources littéraires, ou comme des entrepreneurs ou des exploitants de la mine ?
3Avant de répondre à cette question, je me bornerai pour le moment à considérer le metallarius comme un homme en rapport à l’exploitation des mines métallifères et des carrières de pierre. Le terme qui le désigne est propre au Code et on ne le trouve nulle part ailleurs dans la littérature latine, sauf en une occurrence dans l’Histoire Auguste, dans la Vie de Claude le Gothique, où l’acception du mot est assez singulière3. C’est donc manifestement un néologisme de la seconde moitié du ive siècle et sa création n’est sans doute pas due au hasard. Comme il apparaît d’ores et déjà d’une rapide lecture des textes, c’est manifestement le paiement de l’impôt minier qui intéresse le législateur tardif. Ce dernier a donc voulu disposer d’un outil lexical adapté pour désigner ceux qui devaient à l’État l’impôt minier4. Le terme semble être employé pour désigner les « mineurs » de tous les types de mines, même si les lois évoquent surtout les mineurs et chercheurs d’or5, ce qui se comprend dans le contexte tardif : depuis que le système monétaire est fondé sur l’or, c’est de ce métal dont l’État a le plus criant besoin. Ce n’est donc certainement pas un hasard si les lois du Code sur les metallarii sont émises dans la période des années 360-420, qui enregistre les plus fortes demandes de métal aurifère.
4Si le Code Théodosien apporte un témoignage intéressant sur le statut des metallarii, il faut bien souligner l’angle particulier, et donc partiel, sous lequel il aborde cette question : les constitutions envisagent les devoirs des metallarii envers l’État et ne s’occupent guère de la mise en place de l’exploitation minière, qui semble déjà organisée quand le législateur se penche sur la question des revenus qu’il doit tirer des mines ou des carrières. Les premières constitutions qui traitent des questions minières sont en effet tardives, datant des règnes de Valentinien Ier et de Valens.
5La tentation est alors grande de croiser ce témoignage partiel avec celui d’autres sources, mais cette méthode, on va le voir, a aussi ses limites.
6Quelques détails trouvés dans les textes juridiques et certains textes littéraires me semblent néanmoins pouvoir être utilement exploités et interrogés à partir de ce que l’on sait de l’exploitation minière des époques antérieures. Ce dernier point est à mon sens important : quasiment toutes les études sur les mines dans l’Empire s’arrêtent au iiie siècle par manque de matériau épigraphique ; rares sont celles qui font le lien entre Haut et Bas-Empire. Or la nature des sources tardives fait qu’on considère en général cette époque comme étant en rupture avec les précédentes. Sans chercher ici à postuler une continuité a priori, je me demanderai seulement si l’on ne peut pas relire les textes tardifs en conservant en tête la situation de l’exploitation minière aux époques antérieures.
7Or toutes les études régionales menées sur l’administration minière au Haut-Empire convergent pour reconnaître l’importance dans de nombreux districts miniers de l’exploitation privée des puits par des exploitants-fermiers. Cette régie indirecte pouvait être confiée à de grands conductores chevaliers qui tenaient en main tout le district et sous-louaient peut-être à des fermiers moins riches des concessions de puits – c’est la solution qui semble avoir été adoptée dans les mines de fer du Norique –, soit à des entrepreneurs moyens, ces coloni que l’on trouve mentionnés au iie siècle dans les tables de bronze de Vipasca au Portugal6.
8Les problèmes rencontrés par l’Empire de la fin du iie à la fin du iiie siècle ont, dans de nombreuses régions minières, désorganisé le travail, arrêté l’exploitation, fait fuir exploitants et ouvriers. Les travaux archéologiques sont formels sur ce point, mais ils décrivent aussi une reprise, plus modeste, à partir du ive siècle du travail dans les mines. La géographie minière a également changé : des mines ont totalement fermé ou ne survivent que partiellement ; d’autres en revanche naissent ou renaissent7. Cl. Domergue, recherchant les causes du grand déclin des prospections minières en Espagne à partir du iiie siècle, rejette l’idée d’un « épuisement des gîtes » et d’une « insuffisance des techniques » et pense que « les problèmes de main-d’œuvre… ont joué un rôle de premier plan »8. Cette pénurie de main d’œuvre a sans doute existé au iiie siècle, mais est-elle encore effective au ive siècle ? Rien n’est moins sûr9. Les lois du Code Théodosien semblent pour leur part témoigner d’une certaine désorganisation administrative et technique, dont les empereurs ont dû hériter, sans déployer pour autant les moyens nécessaires à une reprise efficace des chantiers miniers publics : l’État au Bas-Empire laisse faire ou, au mieux, encourage l’entreprise individuelle. Et ses différents fonctionnaires (comte des Largesses sacrées, comte de la Res privata, préfets du prétoire ou gouverneurs de province) ne sont appelés qu’à empêcher la « fuite » des metallarii et non à organiser le travail minier.
9La question est donc de comprendre comment l’État romain du ive siècle a décidé de la reprise des travaux10. Comme sous le Haut-Empire, il avait plusieurs solutions à sa disposition : la régie directe, grâce aux procurateurs impériaux ; la régie indirecte mise en œuvre par des conductores ou de plus modestes coloni, restant sous le contrôle des agents de l’État11. Quelles furent donc les solutions adoptées au ive siècle ?
10Pour faire cette étude, je considérerai d’abord les sources littéraires et juridiques d’époque tardive qui parlent ou semblent parler des ouvriers des mines, pour évaluer leur crédit et leur apport à l’histoire du travail dans les mines, et je me pencherai dans un second temps sur l’organisation administrative des districts miniers telle qu’elle peut être perçue par quelques détails des constitutions du Code Théodosien.
1. La mine et ses travailleurs
11Quelques témoignages littéraires, contemporains des textes du Code, mais fort imprécis, livrent des aperçus sur le travail dans la mine accompli par les condamnés aux travaux forcés ou par d’autres types de travailleurs. Les plus nombreux textes de ce type sont bien sûr les textes chrétiens qui décrivent la longue agonie des martyrs des persécutions envoyés aux mines : mais ces passages, devenus vite topiques, insistent surtout sur la pénibilité de ce travail au fond de la mine, sans évoquer l’organisation minière en son ensemble. Les travailleurs condamnés qui travaillent au fond sont appelés comme sous le Haut-Empire, des metallici ; dans son sermon 125, Augustin écrit : ex effractore erit metallicus : de opere metallici quanta opera construuntur ? Illius poena damnati ornamenta sunt ciuitatis12 (« ancien voleur tu seras mineur : combien d’ouvrages sont construits à partir du travail du mineur ? Les ornements de la cité sont la peine de ce condamné »). Ces descriptions, souvent indigentes, témoignent du travail le plus simple et le plus pénible, celui de creuser au fond des puits pour extraire le minerai13. Et il ne faut sans doute pas s’appuyer sur les textes chrétiens évoquant l’envoi des martyrs aux mines pour inférer l’importance du nombre de ces condamnés dans l’organisation minière. Après la grande persécution de 303-311, les auteurs n’évoquent que des cas particuliers et rarement des déportations massives14. Et de la même façon il est difficile de mesurer l’importance pour les districts miniers des condamnations aux mines telles que les prévoit, nombreuses, la législation tardive.
12Il est sûr en tout cas que, si les constitutions du Code ayant trait aux metallarii (et regroupées ici en annexe) semblent parler de travailleurs, il s’agit de travailleurs libres, qui exploitent de leur plein gré (sponte dans CTh X, 19, 3, texte 1 de l’annexe) le secteur d’une mine.
13Deux lois de Valentinien et Valens paraissent ainsi renvoyer à ce travail libre :
celle du 10 décembre 365 (CTh X, 19, 3, texte 1 de l’annexe) : « si une personne voulait que l’industrie minière fleurisse par son propre labeur, elle acquerrait des avantages pour elle-même ainsi que pour l’État », quicumque exercitium metallorum uellet adfluere, is labore proprio et sibi et rei publicae commoda compararet ;
celle du 19 mars 370 (CTh X, 19, 7, texte 5 de l’annexe), où il est question de « ceux qui [recherchent] là, par une errance vagabonde, le minerai d’or », eos, qui ibidem auri metallum uago errore sectantur.
14Ces phrases font penser que la condition des metallarii est bien celle d’ouvriers de la mine gagnant leurs revenus à partir du travail de leurs mains.
15Toutefois, je ne crois pas qu’il faille lire ces textes au premier degré comme des témoignages du travail manuel des metallarii. Et il est sans doute utile ici de mettre en parallèle ces textes du Code avec un passage des Variae de Cassiodore, daté de l’année 527, où le roi Athalaric incite son comte du patrimoine Bergantinus15 à développer les activités minières du Bruttium. Le travail des mineurs libres y est décrit dans un style littéraire, sans doute peu éloigné du style des constitutions originelles des empereurs des ive-ve siècles. Voici ce que dit l’auteur :
« Si tout travail assidu produit des fruits dont la grande diversité permet d’acheter, par une ordinaire conversion, de l’or et de l’argent, pourquoi ne pas rechercher ces choses mêmes pour l’acquisition desquelles nous semblions demander d’autres biens ? La riche Italie doit nous apporter des fruits d’or. Tout succès sera acquis là où le métal jaune sera trouvé. Car à quoi sert que la terre soit fatiguée par une fertilité répétée, si en elle-même une plus grande récompense peut être acquise ? (…) C’est pourquoi, nous ordonnons à ta Grandeur d’envoyer un chartarius dans notre ferme Rusticiana sise dans la province des Bruttii, et, si, comme Theodorus, expert en ces matières, l’affirme, la terre est féconde des biens qui viennent d’être évoqués, que les entrailles des montagnes soient inspectées par des ateliers solennellement créés : qu’on pénètre, comme l’expérience nous y aide, dans les profondeurs de la terre (…) Les hommes pénètrent dans les ténèbres profondes, ils vivent sans les astres, ils s’exilent du soleil et, pendant qu’ils recherchent des gains sous terre, ils délaissent quelquefois les joies de la lumière. Cette voie est parfois pour eux leur ruine et ceux qui, suivant leur propre avis, tracent des petits chemins de leurs mains laborieuses, ne parviennent pas à gagner leurs revenus. Mais pour ceux dont les procédés sont plus prudents, la vie est plus heureuse, ils entrent sans ressources, ils sortent riches : sans vol, ils ravissent des richesses, ils jouissent durablement des trésors désirés sans susciter l’envie, et seuls parmi les hommes ils semblent acquérir des prix, sans passer par aucun marché. Et bientôt, rendus à la lumière supérieure, ils extraient, par l’action séparatrice des eaux, de la terre qui les a produits toutes les petites parties plus lourdes, jusqu’à ce qu’elles soient utilement détachées dans le liquide... »16.
16Cette lettre pose, on le voit, des problèmes d’interprétation, car la langue de Cassiodore, aux réminiscences littéraires très marquées17, est souvent métaphorique : aussi ne comprend-on pas toujours bien concrètement à quel travail minier l’auteur fait allusion.
17Si le début de la lettre semble évoquer l’exploitation minière du point de vue du seul propriétaire de la terre, le roi goth, la suite est une description tant des procédés d’exploitation que du travail du mineur lui-même. Ces deux niveaux descriptifs sont si bien entrecroisés qu’il est difficile de réellement distinguer le travail du mineur et celui de l’exploitant. C’est sans doute l’exploitant de la mine qui, sans or au départ parvient à tirer des revenus (quaerere compendium ou procurare reditus) de ses terres. Mais c’est bien le travailleur de la mine qui « pénètre sous la terre » et « s’exile du soleil », « traçant des petits chemins de ses mains laborieuses ». Aussi est-il essentiel de comprendre combien, dans cette lettre, sont toujours décrits conjointement et de façon mêlée les deux niveaux de l’exploitation minière, son administration et le travail de ses ouvriers.
18Ce texte, à mon avis, fait en fin de compte plus référence à l’exploitant qu’au mineur lui-même. Il est en effet clairement affirmé que les mines doivent être mises en valeur de manière systématique et cohérente par les agents royaux, pour le seul profit du roi, propriétaire du domaine : celui-ci entend mettre en place des ateliers (officinae) pour extraire et transformer le métal. Que ces ateliers soient exploités par des entrepreneurs privés ne change rien au fond de la question : les « procédés prudents » dont il est question sont bien ceux d’un exploitant, public ou privé.
19Ce texte de Cassiodore incite donc à aborder les sources tardives, y compris juridiques, qui évoquent le travail des mineurs, avec beaucoup de prudence, en dissociant le travail des ouvriers de celui des exploitants : seuls les textes traitant des condamnés aux mines évoquent assurément le premier type de travail ; quant aux autres textes, ils sont beaucoup plus ambigus, reflétant la traditionnelle réticence des littérateurs, même s’ils appartiennent aux bureaux impériaux ou royaux, à évoquer précisément des types d’organisation économique.
20Pour comprendre le statut des metallarii au ive siècle, il faut donc avancer prudemment en présentant, d’une part, ce qui paraît assuré à la lecture des textes de loi, et, d’autre part, les hypothèses qui peuvent être éliminées.
2. Le statut des metallarii-exploitants
21D’abord, comme le montrent les lois du Code Théodosien X, 19, 3 ; 4 ; 12 et 15 (textes 1, 2, 8 et 9 de l’annexe), qui réclament aux metallarii un canon en nature parce qu’ils exploitent les terres publiques, la plupart des mines sont toujours propriété éminente de l’État au Bas-Empire. Elles dépendent directement de son administration comme l’apprend la loi CTh I, 32, 5, du 29 juillet 386 : cette loi rappelle que les mines de Macédoine, Mésie et Dacie intérieure sont gérées par des procuratores provenant des curies voisines et dépendent du comte des Largesses sacrées18. Ces « procurateurs » ne sont donc plus les spécialistes et les techniciens qu’ils avaient été sous le Haut-Empire lorsqu’ils appartenaient, en tant que chevaliers ou affranchis, au personnel administratif de l’Empire. Le comte des Largesses doit seulement exiger d’eux le contrôle de la perception de l’impôt ; il ne peut leur demander de superviser la maintenance des infrastructures minières, ce qui explique sans doute pour une part la faiblesse relative de la reprise minière du ive siècle19.
22Une autre loi, CTh X, 19, 15 de 424 (texte 9 de l’annexe), fait incontestablement la distinction entre les propriétés privées et les mines qui sont propriété du fisc, en opposant les maisons privées (domus priuatae) et les propriétés publiques (publici fundi) sur lesquelles vivent les metallarii. Ainsi, pour le législateur, la condition du metallarius paraît intimement liée aux terres publiques. Si l’État envisage certes dans d’autres lois que des propriétaires privés puissent prospecter leurs domaines, il interdit seulement aux metallarii d’y exercer leur savoir-faire20.
23D’autre part, selon le vocabulaire juridique romain, les metallarii « occupent » ces terres publiques. En effet, Théodose II rappelle, dans CTh X, 19, 15 de 424, que les metallarii ont acheté (emisse) des loca metallica, ce qu’on peut traduire à mon sens par « concessions minières ». Voilà ce que dit le législateur :
« Ceux dont on sait qu’ils ont acheté des concessions minières soumises à l’acquittement de l’impôt susdit, seront assujettis, sans nul doute, aux mêmes charges que ceux qui les ont vendues étaient habitués à accomplir ».
24Ces individus qui ont acheté des loca metallica sont enregistrés sur des listes fiscales à part et doivent à ce titre payer un impôt qui leur est propre et qui représente une part fixe de métal. L’impôt reposant sur les metallarii est cependant pensé sur un mode proche de celui de l’impôt foncier, comme Roland Delmaire l’avait déjà bien fait remarquer. Le texte montre en effet que les listes de recensement pour le paiement de l’annone équivalent, par leur mode de répartition des charges, aux listes de recensement des metallarii : le metallarius fraudeur « saura qu’aucun préjudice ne sera par là porté au fisc, même si celui dont il est prouvé qu’il est un metallarius, donnait son nom à des listes de prélèvement de l’impôt privé ».
25Mais comme, d’autre part, les metallarii travaillent toujours sur les terres de l’État, ils doivent en réalité un impôt qui a aussi la forme d’une rente : c’est là le propre du uectigal romain21 payé par les possessores, c’est-à-dire les occupants d’une terre d’État qui l’exploitent légitimement comme locataires22.
26Que le genre de cet impôt soit un uectigal, on en a plusieurs preuves assurées. J’attirerai d’abord l’attention sur un texte littéraire, le seul qui puisse être utilement mis en rapport avec les textes du Code : il s’agit du fameux passage du livre XXXI des Histoires d’Ammien Marcellin, évoquant la fuite des « mineurs » des Balkans. L’auteur affirme que « [les Goths] furent rejoints par des hommes habiles à exploiter les filons d’or »23, qui profitèrent de l’invasion gothique de 375 pour fuir des charges fiscales trop lourdes. Ce texte est très intéressant car il lie, comme ceux du Code, le travail minier et l’impôt dû par les « chercheurs d’or » à l’État.
27Or cet impôt est, chez Ammien, appelé uectigal et non census ou capitatio. D’autre part, le terme uectigal est précisément mentionné dans une loi concernant les carrières, CTh X, 19, 8 de 376 (texte 6 de l’annexe), qui exempte exceptionnellement les sénateurs de cette rente-impôt. Les sénateurs qui voudraient exploiter les carrières de leurs propriétés ou éventuellement prendre des concessions dans d’autres carrières privées ne sont certes pas désignés explicitement par le terme de metallarii, ce qui serait inconvenant à leur égard, mais leur activité, telle qu’elle est décrite par le législateur, entre bien dans la rubrique générale sur les metallarii, preuve que le mot désigne avant tout, non les travailleurs de la mine, mais bien les exploitants.
28C’était d’ailleurs un vectigal que payaient les exploitants des mines d’État aux iie-iiie siècles, comme les juristes romains le rappellent. Ainsi Ulpien affirme au Digeste :
« nous devons entendre par "vectigal public", les domaines sur lesquels le fisc lève un vectigal, comme il y a le vectigal sur les ports ou sur les marchandises, de même il y a le vectigal des salines, des mines, et des fabriques de poix »24.
29Aussi, l’État tardif, suivant les caractéristiques de sa nouvelle fiscalité, a-t-il recensé les terres métallifères et les personnes qui les exploitaient au titre de locataire, créant ainsi une nouvelle condition fiscale, dont les devoirs envers l’État étaient propres et qui avaient l’obligation d’exploiter les mines ou de s’assurer de leur exploitation s’ils voulaient quitter ces terres. Cela signifie que le statut des exploitants est forcément celui de locataires du sol, c’est-à-dire de colons. Ces « colons » peuvent être, comme le montre la loi sur les carrières (CTh X, 19, 8, texte 6 de l’annexe), des personnes assez aisées, voire de grands propriétaires eux-mêmes. Mais ils peuvent aussi être de modestes chercheurs de métaux car les lieux métallifères qu’ils exploitent ne doivent plus ressembler aux concessions qu’offraient les mines impériales au temps de leur grandeur. Ces concessionnaires peuvent donc travailler des puits moins profonds, exploiter seulement des sables ou des alluvions25. En tout cas, il ne sont pas nécessairement les « ouvriers » de la mine et peuvent avoir des « hommes » sous leurs ordres pour effectuer le travail.
30Il n’y a d’ailleurs pas lieu de s’étonner de cette répartition du travail entre l’État, propriétaire éminent, et des personnes privées, puisque c’est ainsi que certaines mines étaient déjà gérées aux iie-iiie siècles ap. J.-C. Les statuts de Vipasca II parlaient ainsi de « colons » (coloni) occupatores, c’est-à-dire propriétaires de la concession qu’ils avaient achetée26. Et les mines argentifères de Mésie ont livré quelques inscriptions honorifiques qui évoquent des groupements de colons, très certainement exploitants de la mine27. Si les modalités de prise à ferme des puits variaient peut-être selon les régions, il semble sûr que l’État romain avait privilégié au Haut-Empire la régie indirecte des mines et accepté de voir ces territoires exploités en petites et moyennes concessions. Cela semble donc être encore le cas au Bas-Empire.
31Or, ces colons-exploitants sont bien distincts, tous les spécialistes le soulignent, des travailleurs de la mine28 : les modestes salariés qui travaillaient au fond de la mine, aux côtés d’esclaves ou de condamnés, n’auraient jamais pu payer les 4 000 sesterces nécessaires au iie siècle pour devenir possessor d’un puits de mine. Ils ne gagnaient, au mieux, que quelques 560 sesterces annuels29. Et la situation des travailleurs salariés ne peut guère avoir évolué de façon significative dans l’Antiquité tardive, comme certains travaux de Federico Morelli le montrent30.
32Comme le dit Cl. Domergue pour Vipasca : « être colon à Vipasca, c’est jouir d’un statut juridique permanent, celui des entrepreneurs qui, dans des conditions diverses, mettent en valeur les mines impériales. Est occupator le colon qui exploite une concession selon la procédure de l’occupatio… S’ils ne disposent pas de gros moyens financiers, comme paraissent le montrer les paragraphes concernant la constitution de societates ils en ont suffisamment pour avoir des esclaves et pour employer des hommes libres31 ». Dans les tables de Vipasca, des salariés libres, mercennarii, sont d’ailleurs expressément mentionnés comme travaillant sous les ordres des colons exploitants (Vip. I, 7).
33Les metallarii tardifs sont-ils d’ailleurs comme le pensait J.-P. Waltzing regroupés en collèges ? Nous n’en avons pas de preuve assurée. Une prospection collective est certes envisagée par CTh X, 19, 3 de 365 (texte 1 de l’annexe) ; mais le législateur fait peut-être référence à une societas d’entrepreneurs privés comme en prévoit Vipasca II. Il est difficile de dire s’il s’agit de collèges ou de societates. Toutefois, l’existence de collèges de colons exploitants en Dacie et Norique des mines rend l’hypothèse de J.-P. Waltzing très plausible.
34Il est en revanche plus difficile de croire que les mineurs aient formé, à cette époque, « des corporations obligatoires recrutées par l’hérédité et les condamnations »32.
35Quelques textes font certes référence au fait que les metallarii, quittant leur région d’origine, cessent de vouloir poursuivre l’exploitation du minerai dans les endroits où ils ont été recensés, au point d’aller se réfugier chez des propriétaires privés, où apparemment certains continuent à extraire du métal. Les deux textes les plus clairs qui parlent de ce problème sont CTh X, 19, 5 et 7 (textes 3 et 5 de l’annexe). Le premier concerne l’Orient dans son ensemble. Quant au second, que A. H. M. Jones date de 370, il concerne les régions mêmes dont parle Ammien Marcellin : le diocèse de Thrace et les régions des Balkans. La lettre des textes du Code rappelle d’ailleurs celle d’Ammien : comme lui, les empereurs parlent des « endroits cachés » (latebras) où les mineurs vont se réfugier. Pour ces régions, il faut sans doute croire Ammien lorsqu’il dit que le uectigal exigé par l’État dans les mines publiques était trop lourd et poussait les experts en prospection minière à se dégager de cette entreprise peu rentable. Que leur prise à ferme de l’entreprise minière les ait engagés envers l’État à poursuivre l’exploitation semble clair. Et c’est là qu’est la différence avec la période antérieure : le colon de Vipasca, une fois devenu occupator de la mine par l’acquittement de la moitié de la production au fisc, pouvait arrêter le travail quand il le désirait. Le fisc ne pouvait pas alors l’obliger à poursuivre l’exploitation ; l’État reprenait seulement ses droits sur la terre et pouvait les louer à un nouvel occupator. Les modalités nouvelles de la fiscalité tardive modifient certainement ici les conditions d’exploitation, puisque le uectigal à payer par le colonus est désormais inscrit sur des listes fiscales. Les metallarii doivent alors trouver un remplaçant s’ils veulent quitter leur concession. C’est d’ailleurs ce que rappelle la loi de 424 (CTh X, 19, 15, texte 9 de l’annexe)33. Ces obligations nouvelles pesant sur les metallarii, sans doute dès la première moitié du ive siècle, étaient assurément irréalistes, si on considère le caractère fort aléatoire de la prospection minière. Ces coloni, associés ou collègues, n’avaient donc d’autre recours que la fuite pour refuser la charge fiscale ; mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils étaient contraints par l’État à s’engager dans le travail minier. Leur prise à ferme restait libre ; c’est seulement après leur engagement sur une concession qu’il leur était sans doute difficile de se désengager34. Leur fuite, en tout cas, arrête la production, ce qui ne serait pas le cas s’il s’agissait de simples travailleurs salariés, dont la main-d’œuvre n’est pas si rare à l’époque.
36Quant aux textes sur le transport de metallarii en Sardaigne, CTh X, 19, 6 et 9 (textes 4 et 7 de l’annexe), évoquent-ils même une fuite ? On peut en douter. Les metallarii, loin d’y « fuir » pour s’y cacher, sont plutôt attirés par un privilège récent que l’État vient d’accorder à cette région : comme le disent les empereurs Gratien, Valentinien et Théodose, les metallarii sont « caressés par l’espoir malhonnête de passer en Sardaigne, à cause du privilège du nouveau statut qui [vient] d’être émis » (CTh X, 19, 9, texte 7 de l’annexe). L’État voulant sans doute relancer l’activité minière de cette région, riche en divers métaux35, avait dû pour ce faire, offrir des modalités d’exploitation tout à fait favorables aux propriétaires locaux, en réduisant sans doute les taxes prélevées par lui. Loin de parler de fuite, les textes du Code évoquent donc plutôt une recherche supplémentaire de gains.
37Ces points étant éclaircis, il reste que nous avons peut-être trace des travailleurs de la mine dans le Code, mais seulement pas aux endroits où on les attendait. Et c’est ce qu’il faut examiner pour finir.
3. Les metallarii et leurs « hommes »
38On a dit que l’impôt pesant sur ces metallarii était de même nature que le vectigal des époques précédentes. À une exception près toutefois : le colonus devait au iie siècle la moitié de la production à l’État. Il s’agissait par conséquent d’une rente variant en fonction des profits. Le canon en nature exigé des metallarii tardifs est quant à lui fixe. Il représente, pour les aurileguli, une certaine somme de poudre d’or : huit scrupules en 365 (CTh X, 19, 3, texte 1 de l’annexe), puis seulement sept en 392 (CTh X, 19, 12, texte 8 de l’annexe). Or huit scrupules représentent exactement l’équivalent de deux sous d’or à payer par an, et sept scrupules, 1, 75 sou36.
39Cet impôt serait donc assurément beaucoup trop lourd pour un travailleur salarié, gagnant entre quatre et six sous par an. Mais il semble assez léger pour un exploitant dont les biens peuvent n’être pas négligeables. Toutefois, CTh X, 19, 12 précise que cet impôt repose « sur chaque homme ». Voilà ce que dit le texte :
« Chaque année, ceux qui recueillent l’or devront verser aux Largesses sept scrupules pour un homme, non seulement dans le Diocèse du Pont mais aussi dans le diocèse d’Asie ».
40Si les aurileguli avaient été des ouvriers – comme Cl. Pharr, par exemple, l’a interprété – et qu’ils aient, de ce fait, été obligés de payer chacun sept scrupules d’or, le législateur n’aurait pas jugé nécessaire d’employer l’expression perhominem corrélativement avec un distributif (septeni). Cette accumulation aurait été redondante.
41On peut donc penser que l’aurilegulus, propriétaire exploitant, récolte l’impôt des « hommes »37 qui travaillent pour lui et pour lesquels il doit payer sept scrupules d’or.
42Il faudrait alors comprendre ce passage comme évoquant un impôt par tête et reposant donc sur les exploitants comme sur les travailleurs. Et cela expliquerait la lourdeur des impôts pesant sur les metallarii. Cet impôt fixe, et peut-être lié au nombre d’employés de la mine, semble en effet bien lourd pour des hommes dont les revenus sont, comme toujours en matière de prospection, forcément aléatoires.
43En conclusion, j’espère surtout avoir montré ici qu’il était dangereux de traduire metallarius ou aurilegulus par ouvrier ou mineur. Le statut du metallarius est assurément lié, dans le monde tardif, au mode d’imposition qui pèse sur lui, et sa condition sociale ne peut être confondue, comme celle du colonus, avec son statut fiscal. Il est sans doute des metallarii fort modestes ; mais il en est d’autres qui ont des fortunes plus considérables.
44L’exploitation des mines par des coloni petits et moyens exploitants, si elle est avérée, prouve aussi que la reprise des travaux miniers au Bas-Empire s’est effectuée selon des modalités déjà éprouvées auparavant. Mais cette reprise n’en est pas moins demeurée fragile : les menaces d’invasions dans certaines des grandes régions minières38, le contrôle sans doute moins actif de l’État sur la maintenance technique des entreprises, n’ont plus permis à l’exploitation minière de se déployer dans toute l’étendue qui avait été la sienne au Haut-Empire. En somme, il y eut au ive siècle des tentatives de poursuivre l’administration des mines telle qu’elle avait fleuri au Haut-Empire. Mais ces tentatives avortèrent vite à cause des menaces extérieures et du fait que les empereurs usèrent finalement plus d’expédients qu’ils ne restaurèrent véritablement une administration cohérente des districts miniers.
Bibliographie
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Annexe




Notes de bas de page
1 C’est le seul sens que donne un dictionnaire comme le Gaffiot, Flobert, 2000, p. 983 ; tous les auteurs depuis Waltzing 1895, même sans penser comme ce dernier que ces ouvriers forment collège, considèrent que les metallarii sont ceux qui travaillent directement à la mine. Edmondson 1989, p. 86 et p. 95, affirme ainsi : « That there was a shortage of mining labour in the Later Roman Empire is suggested by those legal measures taken by Roman emperors at the end of the fourth century not only to stem the flow of runaway miners, but also to tie the sons of miners to the profession of their fathers ». Jones 1964, p. 838-839 est beaucoup plus mesuré et nuancé, comme nous allons le voir. Enfin, Delmaire 1989, p. 421, Domergue 1990, p. 303-313 (qui identifie les metallarii du Code Théodosien à la « main d’œuvre minière » et aux « ouvriers travaillant dans les mines d’or ») et Salerno 2003, p. 123-132, pensent eux aussi qu’il s’agit de travailleurs des mines ou de chercheurs d’or.
2 Waltzing 1895, II, p. 237-239.
3 Histoire Auguste, Vita Claudii XV, 4 : tantum ei a nobis decretum salarii, quantum habet Aegypti praefectura... tantum argenti, quantum accipit curator Illyrici metallarius, « nous lui avons alloué un traitement correspondant à celui du préfet d’Égypte… la même quantité d’argent que reçoit le curateur chargé de l’exploitation des mines en Illyricum » (trad. A. Chastagnol, Paris, 1994).
4 Salerno 2003, p. 123-132, lie aussi le statut du metallarius à la création du nouveau régime fiscal et il identifie, comme moi, la condition du metallarius à celle du colonus. Toutefois, l’auteur continue à penser que ces metallarii sont des travailleurs. Ils sont, dit-il p. 126 et p. 130-131, si assujettis par l’État que leur statut ressemble à celui de condamnés aux mines, « cultivant leur puits de mine » contraints et forcés (« impedendo la mobilità del metallarius, stabilendone l’ereditarietà e, nel contempo, disciplinando sempre più minuziosamente la damnatio ad metalla, le costituzioni imperiali disegnano un’articolata realtà nella quale convivono, nelle miniere, i damnati, serui poenae, ed i metallarii, di condizione libera ma legati al loro stato »). Or colonus n’est sans doute pas à prendre ici dans le sens de « cultivateur », mais dans le sens d’« exploitant », comme on le démontrera plus bas.
5 Pour qualifier ces mineurs ou chercheurs d’or, l’administration impériale use concurremment de metallarius et d’aurilegulus (on le voit bien en CTh X, 19, 9 (texte 7 de l’annexe), daté d’août 378). Delmaire 1989, p. 428-435, distingue les travailleurs des mines (identifiés aux metallarii) et les chercheurs d’or (aurileguli, appelés aussi metallarii). La distinction est intéressante, mais elle ne me semble pas refléter deux catégories réelles de mineurs antiques : la terminologie latine ne les distingue pas, on le voit ; l’impôt auxquels ils sont soumis est le même (Delmaire 1989, le reconnaît p. 430-431 : les metallarii sont soumis « au canon metallicus ; cette taxe est surtout connue pour les chercheurs d’or ») ; et les textes sont souvent trop flous pour permettre de toujours comprendre de quel travail minier il s’agit (ils parlent « d’une floraison de l’industrie minière », exercitium metallorum... adfluere, en CTh X, 19, 3 (texte 1 de l’annexe) ; de « ceux qui recherchent le métal d’or », auri metallum uago errore sectantur, en CTh X, 19, 7 (texte 5 de l’annexe) ; enfin de metallarii… aurileguli en CTh X, 19, 9). La prospection minière me paraît être envisagée globalement par l’État romain, qu’il s’agisse du travail dans des mines d’État aux infrastructures déjà développées ou de prospection sur des terrains encore inexplorés, publics ou privés, soumis de toute façon au vectigal minier.
6 C’est Domergue 1983 qui, exploitant les tablettes de bronze de Vipasca, a le premier mis en lumière le rôle économique de ces coloni. Domergue 1990, p. 200, souligne que cette ferme des puits métallifères se retrouve ailleurs et ajoute l’idée que le colonus-occupator était sans doute « un habitant du lieu, car le fisc voulait avoir ses exploitants sous la main ». Les travaux de Ørsted 1985 (poursuivis, avec plus ou moins de bonheur, dans d’autres articles : Ørsted 2000, trop rapide et parfois fautif, et Ørsted 2001) et d’Andreau 1989 insistent sur l’importance de ce type de ferme des travaux miniers. P. Ørsted estime que ce mode d’exploitation existait aussi dans les mines du Norique et de Dalmatie. Si son interprétation de l’abréviation épigraphique trouvée dans CIL III, 4809 con(ductor) fer(rarium) NPD [que P. Ørsted interprète comme N(oricarum) p(artis) d(imidiae) et non comme N(oricarum) P(annoniarum) ou P(annonicarum) et D(almatiarum) ou D(almatarum)] n’est pas partagée par tous les savants, l’existence de coloni exploitants dans le Norique et la Mésie n’en est pas moins attestée par l’épigraphie. Cf. infra note 26.
7 Tandis qu’il y eut certainement une dégradation puis une disparition des infrastructures minières dans les pays où l’autorité romaine allait s’affaiblissant au cours des ive-ve siècles (Gaules, Bretagne, Espagne), les zones centrales et orientales de l’Empire (les Balkans, l’Asie Mineure, l’Égypte) ne connaissent pas à ces époques un tel repli : voir, pour le maintien des mines dans l’Orient Byzantin, l’article pionnier de Vryonis 1962 ainsi que celui de Matschke 2002.
8 Voir Domergue 1990, p. 219-222, notamment, p. 221 et p. 312-313 ; Domergue 2008, p. 207. Andreau 1990, souligne, p. 98 et 102-104, à la suite de C. Domergue, le déclin minier du iiie siècle en Espagne, mais nuance aussi ce déclin en rappelant la survie de certaines régions minières (mines d’or en Thrace, en Asie Mineure, mines d’étain en Bretagne ; mines de fer et de cuivre dans diverses régions ; cf. Delmaire 1989, p. 428-433). Voir aussi Edmondson 1989, p. 90, qui parle d’une « small-scale prospecting, as a response to the emperors’efforts to encourage gold-mining in the second half of the fourth century ».
9 Carrié, Rousselle 1999, p. 519-526, nuance fortement le déclin démographique au Bas-Empire ; cf. infra, note 29 pour une discussion à ce sujet.
10 Jones 1964, p. 838-839, affirme que l’organisation minière est, sous l’Empire tardif, « une question très obscure ». En réalité, les apports des textes du Code Théodosien sur la question, combinés aux témoignages de l’archéologie et de rares textes littéraires, sont loin d’être négligeables, comme Roland Delmaire l’a déjà montré.
11 Andreau 1989, p. 96-104, Cuvigny 2000, p. 14-15 et Domergue 2008, p. 190-204 (notamment son tableau très clair p. 196), insistent sur la variété des solutions offertes aux empereurs, notamment en matière de régie indirecte et de ferme des travaux.
12 Aug., Serm. 125, 5. La loi de 424 (CTh X, 19, 15, texte 9 de l’annexe) semble identifier le metallarius au metallicus. C’est ainsi d’ailleurs que Salerno 2003, p. 112 comprend le texte de la loi (« sinonimo di metallicus, nell’accezione di persona « che lavora in miniera », è metallarius… Metallicus, metallarius, riferiti a persone, sono, pertanto, indicativi di una categoria di soggetti impegnati, a qualsiasi titolo e con qualsiasi funzioni, nel lavoro in miniera »). Mais cette identification est unique dans le Code et elle ne peut pas, à notre sens, être comprise comme le fait l’auteur. Car, plutôt que d’assimiler le metallarius au condamné aux mines (metallicus au sens d’Augustin), le texte assimile le metallicus (compris sans doute simplement comme un travailleur en rapport à l’exploitation des mines) au metallarius.
13 La dureté du travail minier, soulignée par tous les auteurs antiques, de Pline l’Ancien à Diodore de Sicile, est légèrement nuancée par Domergue 1990, p. 351-358, qui estime que la pénibilité, réelle, des travaux varie cependant en fonction des types de mines (sous terre ou à ciel ouvert) et des tâches demandées aux travailleurs. Voir, pour les auteurs chrétiens, Tertullien, Apolog. 6, 29, 44 ; id., De cultu feminarum I, 2, 1 (SC 173, éd. et trad. fr. M. Turcan, p. 48-49) ; ibid., I, 5, 1 (SC 173, p. 64-67) : Aurum et argentum, principes materiae cultus saecularis, id sint necesse est unde sunt, terra scilicet plane gloriosior, quoniam in maledictorum metallorum feralibus officinis poenali opere deplorata nomen terrae in igni reliquit atque exinde de tormentis in ornamenta, de suppliciis in delicias, de ignominiis in honores metalli refuga mutatur, « l’or et l’argent, matières essentielles de la parure mondaine, ne peuvent être autre chose que ce dont ils viennent : de la terre donc, plus glorieuse évidemment, puisque après avoir reçu les larmes du travail des condamnés dans les officines mortelles des mines maudites, elle a perdu dans le feu le nom de terre et que, fuyant la mine, elle sort des tourments pour être ornements, des supplices pour être délices, de la honte pour être honneur ».
14 Voir Gustafson 1994, p. 421-433, pour une recension des passages évoquant l’envoi de chrétiens aux mines au cours des ive-ve siècles. Ils sont souvent très flous.
15 Delmaire 1989, p. 691-694, rappelle que le comte du patrimoine (comes patrimonii) s’occupe sous les Ostrogoths de la domus regia, domaine privé des rois, constitué à partir des anciens domaines impériaux. Comme tel, il fournit des vivres au palais sur les productions des domaines, procède aux levées, juge les gens des domaines et s’occupe, comme on le voit ici, de l’exploitation de ces propriétés. Pour Bergantinus, uir inlustris qui servit sous Athalaric, voir PLRE II, p. 225.
16 Cassiodore, Var. IX, 3, 1-3 (CC 96, p. 348-349) : Si labor omnis assiduus adeo diuersos exigit fructus, ut aurum argentumque solita commutatione mercetur, cur non ipsa diligenter exquirimus, propter quae alia poscere uidebamur ? Italia diues inferat nobis et aureos fructus. Omnis prouentus adquiritur, ubi metallum fuluidum reperitur. Nam quid necesse est terram multiplici fecunditate lassari, si ipsa magis pretia in ea potuerint inueniri ?... Quapropter ad massam iuris nostri Rusticianam in Bruttiorum prouincia constitutam magnitudinem tuam iubemus chartarium destinare et si, ut ab artifice harum rerum Theodoro dicitur, memoratis rebus terra fecunda est, officinis sollemniter institutis montium uiscera perquirantur : intretur beneficio artis in penetrale telluris... Intrant homines caligines profundas, uiuunt sine superis, exulant a sole et, dum sub terris compendia quaerunt, nonnunquam lucis gaudia derelinquunt. Est illis aliquando ruina uia sua et reditus procurare nequeunt, qui pedibus suis semitas operosis manibus effecerunt. Sed quibus cautior ars, uita felicior est, intrant egentes, exeunt opulenti : sine furto diuitias rapiunt, optatis thesauris sine inuidia perfruuntur et soli sunt hominum qui absque ulla nundinatione pretia uideantur adquirere. Mox enim ut supernae luci fuerint restituti, minuta quaeque grauiora discernentibus aquis a genetrice terra separant ac fictilibus recondita uasta fornace decoquunt, donec soluantur utiliter in liquorem...
17 À la fin de la lettre (Var. IX, 3, 5 ; CC 96, p. 350), Cassiodore, se souvient de ce qu’il a lu chez Pline l’Ancien, Histoire Naturelle VII, 10, (CUF, éd. et trad. fr. R. Schilling, p. 40), lorsque ce dernier évoquait la passion des griffons pour l’or. Edmondson 1989, p. 85-86, rappelle à juste titre combien les sources littéraires en la matière sont difficiles d’interprétation.
18 CTh I, 32, 5 (= CJ 11, 7, 4), IDEM AAA. AD EVSIGNIVM P(RAEFECTVM) P(RAETORI)O. Cum procuratores metallorum i(n)tra Macedoniam Daciam mediterraneam Moesiam seu Dardaniam soliti ex curialibus ordinari, per quos sollemnis profligetur exactio, simulato hostili metu huic se necessitati subtraxerint, ad implendum munus retrahantur ac nulli deinceps licentia laxetur prius indebitas expetere dignitates, quam subeundam procurationem fideli sollertique exactione compleuerint. DAT. IIII K. AVG. MED(IOLANO) HONORIO N. P. ET EVODIO V. C. CON[SS], « LES MÊMES AUGUSTES À EUSIGNIUS PRÉFET DU PRÉTOIRE. Puisque les procurateurs des mines de Macédoine, de Dacie intérieure, de Mésie, de Dardanie, choisis d’ordinaire parmi les décurions qui accomplissent le recouvrement régulier de l’impôt, se sont soustraits à cette obligation, prétendument par peur de l’ennemi, qu’ils soient rappelés à accomplir leurs charges. De ce fait, aucun ne sera autorisé à rechercher des honneurs indus avant d’avoir achevé sa gestion de la procuratèle, par la fidèle et scrupuleuse perception des taxes. DONNÉ À MILAN LE QUATRE DES CALENDES D’AOÛT SOUS LE CONSU-LAT D’HONORIUS TRÈS NOBLE ENFANT ET D’EVODIUS HOMME CLARISSIME ».
19 Le procurateur affranchi de Vipasca avait, pour sa part, une tâche autrement utile de contrôle technique et de maintenance des infrastructures minières communes aux différents puits comme les travers-bancs d’exhaure (voir Domergue 1990, p. 295-303 : il exerce « la surveillance des infrastructures techniques, les tâches de police et l’organisation de la vie communautaire »). Des curiales amateurs n’étaient sans doute plus à même de mener à bien de telles tâches. Voir Domergue 1990, p. 309-314, qui souligne la faible reprise des travaux miniers en Espagne au Bas-Empire, expliquée notamment par le manque d’intérêt de l’administration en la matière. Voir Delmaire 1989, p. 440-442 : ces procurateurs curiales « se limite[nt]… à la collecte des uectigalia fiscaux ». Dušanić 1977, p. 77-90 et Dušanić 1989, p. 148-150, a développé pour sa part un autre point de vue, qui me semble excessif. L’auteur estime d’une part que les liens des mines et des municipalités voisines sont anciens dans l’Illyricum et que la loi CTh I, 32, 5, citée supra, ne fait que réglementer une pratique ancienne, et d’autre part, que les curiales avaient des tâches spécifiques dans l’entretien et la gestion des mines : « the duties of cities or, precisely, of their dignitaries, involved primarily the lease of the putei, financial support of public building activity on the territory of the mines, and participation of the mining administration.... the practice was eventually transformed into an onus of the honestiores (CTh I, 32, 5) ». Or, si les inscriptions du iiie siècle citées par l’auteur (CIL III, 12728, datée de 251-253, évoquant une col(onia) m(etallorum) D(omauianorum) et une inscription de Sočanica datée de 238-244, où il serait question de « mines du municipe des Dardaniens », m(etalla) m(unicipii) D(ar)d(anorum) montrent en effet que ces cités semblent s’occuper de territoires miniers dès cette époque, ces textes prouvent seulement que ces cités se trouvent liées administrativement aux territoires miniers, sans qu’on puisse préciser davantage la nature de ce lien.
20 CTh XI, 28, 9 (9 avril 414). Voir aussi : CTh XI, 20, 6 de 430 et CTh XI, 21, 3 de 424, où il est question d’impôts prélevés par l’État en espèces métallifères sur des domaines privés où des mines sont exploitées.
21 Voir Ørsted 1985, p. 103-118 et 156 ; Ørsted 2001, p. 17-18.
22 Delmaire 1989, p. 428-431, pense la même chose : « par l’attachement au métier et à l’origo, le statut des metallarii est identique à celui des colons et s’explique de la même façon : ils ont le droit d’exploiter les metalla du fisc comme les colons peuvent exploiter les domaines fiscaux… On voit la condition héréditaire et la notion de biens ascrits à la fonction, comme pour les curiales, les naviculaires et les boulangers de Rome ». Malgré ces précisions fort intéressantes, l’auteur veut toujours considérer le metallarius comme étant seulement un ouvrier. Bien sûr, il peut très certainement l’être, mais il peut aussi, soulignons-le à nouveau, être un exploitant colon du domaine impérial. Les metallarii n’ont cependant pas à acquitter l’annone mais le canon metallicus (cf. CTh X, 19, 5, cité infra, texte 3 de l’annexe). Voir également Jones 1964, p. 281, note 35 : « all these laws presume that metallarii were bound to their origo, and the last deals with their children » et p. 838-839. Notons par ailleurs que Cassiodore dans le texte des Variae cité ci-dessus, explique lui aussi que le travail minier remplacera utilement l’impôt foncier des propriétaires des Bruttii qui décident d’exploiter des mines. Cassiod., Var. IX, 3, 3, (CC 96, p. 349) : proinde quicquid ad exercendam huius artis peritiam pertinere cognoscitis, ordinatio uestra perficiat, ut et terra Bruttiorum ex se tributum quod dare possit inueniat, quae fructibus copiosa luxuriat, « ainsi, que vos dispositions accomplissent tout ce qui vise à réaliser cet art avec talent, de sorte que la terre des Bruttii qui, abondante en fruits, s’abandonne à la prospérité, trouve en elle-même l’impôt qu’elle peut donner ».
23 Amm. Marcell., XXXI, 6, 6 : Quibus accessere sequendarum auri uenarum periti non pauci, uectigalium perferre posse non sufficientes sarcinas graues, susceptique libenti consensione cunctorum, magno usui idem fuere ignota peragrantibus loca, conditoria frugum occulta et latebras hominum et receptacula secretiora monstrando. La traduction que donne G. Sabbah de ce passage (CUF, VI, p. 199 : « Ils [Les Goths] furent rejoints par des ouvriers habiles à exploiter les filons d’or, en nombre très important, car ils étaient dans l’incapacité de pouvoir supporter les lourdes charges des redevances. Reçus avec l’accord empressé de tous, ils rendaient aussi de grands services à des gens qui parcouraient des lieux inconnus, en leur montrant les dépôts de grains cachés, les refuges de la population et ses asiles les plus secrets ») surinterprète à mon sens ce que dit Ammien, puisque G. Sabbah voit des « ouvriers » là où l’auteur parle de façon imprécise – et c’est bien là le problème de tous les textes qui nous occupent – d’« individus » ou ici, d’« hommes experts » (periti).
24 Ulpien, Dig L, 16, 17, 1 : « publica » uectigalia intellegere debemus, ex quibus uectigal fiscus capit : quale est uectigal portus uel uenalium rerum, item salinarum et metallorum et picariarum.
25 Voir Andreau 1990, p. 94-102, pour le résumé des techniques de production au Haut-Empire.
26 Pour Vipasca, voir Domergue 1983, p. 114-121 et 128-177, où l’auteur édite et commente la Lex Metalli Vipascensis II (CIL II, 5181), qui précise très explicitement que les exploitants de la mine sont des coloni.
27 Pour la zone des Balkans (Norique, Pannonie, Dalmatie et Mésie supérieure), voir Dušanić 1971 (en serbe, avec résumé en anglais citant des inscriptions de Sočanica) et Dušanić 1977, p. 72-88 (et notes 219-222). Pour cet auteur, ces coloni ne peuvent pas être identifiés à des habitants d’une colonia (hypothèse que formule pourtant Ørsted 1985, p. 208, note 169, sans, semble-t-il, y adhérer), car ils se trouvent hors d’un territoire municipal : comme le dit une inscription honorifique de Mésie, retrouvée à Sočanica (citée par Noeske 1977, p. 280-281, qui l’interprète cependant différemment de Dušanić), ils forment un ordo (l’ordo colonor(um)) dans cette zone qui n’appartient pas au municipium Dardanicum. Je préfère suivre l’interprétation de Dušanić 1977, p. 87, note 222, plutôt que celle de Noeske qui estime que l’ordo colonor(um) est identique à l’ordo decurionum, ce qui me semble une idée assez douteuse. Pour la Dacie, Andreau 1989, p. 105-106, estime que le collegium aurariarum (CIL III, 941) est un collège de fermiers petits exploitants.
28 À Vipasca, les coloni doivent disposer pour prendre un puits en concession d’un capital d’investissement minimum de 4000 sesterces (Domergue 1983, p. 114-117 et 128-177). Ørsted 1985, p. 205-211 et Ørsted 2001, souligne avec force que le capital exigé d’un exploitant pour prendre une mine en concession est loin d’être négligeable (« these coloni, as they thermed in the texts were thus no petty speculators, but serious investors »). Edmondson 1989, p. 95-98 fait assurément un contre-sens quand il interprète les coloni de la Lex Metalli Vipascensis (CIL II, 5181), comme des paysans venus travailler occasionnellement dans les mines des grands propriétaires, évoquant alors une « symbiosis between mining and agriculture ». Pour Vipasca, comme pour les mines de Dacie ou des provinces danubiennes, où est mentionnée l’existence de coloni en rapport avec le travail minier, il ne s’agit certainement pas de cela.
29 Les salaires inscrits sur les tablettes de cire de Dacie ont fait l’objet de grandes discussions. Mrozek 1968, p. 317-321, Mrozek 1977, p. 103-105, Mrozek 1989, p. 166 et Berger 1948, retenaient tous deux 1, 5 sesterce par jour et estimaient que le salarié recevait en plus des cibaria (selon la lecture cibarisque faite par Carcopino contre Mommsen lisant liberisque dans la tablette X citée ci-dessous), c’est-à-dire de la nourriture, voire, pour A. Berger, un logement et des vêtements. Noeske 1977, p. 396-404, est parvenu à des résultats différents en cherchant un montant plausible de salaire journalier (c’est-à-dire une somme qui tomberait juste pour un paiement quotidien) qui prendrait en compte, dans le temps global de travail, les jours fériés : la tablette IX mentionnerait 90 deniers pour 386 jours, ce qui équivaudrait à 4 as et demi par jour et à 46 jours chômés ; la tablette X, la plus complète, datant du 20 mai 164, donne pour sa part 70 deniers pour 179 jours, ce qui équivaudrait à 7 as par jour et à 19 jours chômés. Voir TC X (CIL III, 2, p. 948, rééditée par Noeske 1977, p. 398, qui retient pour ce texte la lecture du CIL, liberisque, et non cibarisque) : scripsi it quod dixsit se locas(s)e [et] locauit operas s[ua]s opere aurario Aurelio Adiutori e[xh]ac die [i]n idu[s] Nouembres proxsimas (denarios) s[e]ptaginta liberisque X [mer]c[ede]m per [t]empora accipere debebit, « j’ai écrit, comme il l’a déclaré, qu’il s’est loué et qu’il a loué sa force de travail, à Aurelius Adiutor pour travailler dans une mine d’or à partir de ce jour jusqu’aux ides de novembre prochain, pour un salaire de soixante-dix deniers, plus dix pour ses enfants, à recevoir à termes (convenus) », trad. Domergue 2008, p. 75. Mais c’est sans doute Cuvigny 1996, p. 139-145, qui a apporté la réponse définitive à cette question en estimant qu’il ne fallait pas chercher à calculer sur une base journalière des salaires qui étaient en réalité calculés sur une base annuelle et payés mensuellement. En raisonnant ainsi, on retrouvait en Dacie les salaires mensuels payés aux carriers et aux travailleurs du Mons Claudianus pour la même époque (au mieux, 47 drachmes mensuels, soit 141 deniers annuels ; sinon, 37 drachmes, 4 oboles ou 28 drachmes), ce qui ne saurait être une coïncidence et engagerait même à penser qu’il existait une gestion centrale des contrats de travail des salariés pour les mines et carrières impériales (Cuvigny 1996, p. 145, reprenant une hypothèse de Dušanić 1989, p. 154-155). Voir en dernier lieu le commentaire de Domergue 2008, p. 75-76 (mais qui ne tient pas compte des remarques d’H. Cuvigny).
30 Les mercennarii connus sous l’Empire pour avoir loué leur force de travail dans les mines du fisc étaient à l’évidence des travailleurs pauvres. Toutefois, leur labeur semble avoir suffi à les faire vivre, comme l’a montré, pour l’époque qui nous intéresse, Morelli 1996, p. 47-59 et 153-164, qui donne, pour les plus bas salaires, un montant annuel de 4 nomismata en argent avec la fourniture de vivres.
31 Domergue 1983, p. 128-130, notamment p. 130 ; Domergue 1990, p. 332 et p. 342-351 (pour l’examen de l’importance du travail salarié dans les mines de Dacie et d’Espagne).
32 Waltzing 1895, II p. 238. L’auteur se fondait pour affirmer cela sur les lois CTh X, 19, 5-7 et 15 qui s’échelonnent entre 369 et 424, et évoquent le sort de metallarii fuyant les obligations qu’ils doivent à l’État en exploitant les mines. Ces « fuites de mineurs » ont fait croire que, durant la période tardive des ive-ve siècles, le recrutement de la main-d’œuvre avait posé de graves problèmes aux propriétaires et entrepreneurs. Aussi, comme pour les autres professions, les empereurs auraient-ils cherché à maintenir les fils des mineurs dans la condition de leurs pères. C’est la thèse générale que développe le livre de Boak 1955, passim (pour les mineurs p. 103-107), mais je ne pense pas qu’il faille y accorder crédit. Selon Whittaker, Garnsey 1998, p. 282 et 289, ces arguments « manquent de valeur scientifique », puisque les lois évoquant la fuite des « ouvriers » ou celle des colons, sont bien plus ambiguës qu’il n’y paraît et s’expliquent mieux par la récente thèse fiscaliste et par une volonté des employeurs de mieux contrôler leurs tenanciers. Les « mineurs fugitifs » sont donc sans doute proches des colons fugitifs : comme eux, ils se réfugient chez un autre propriétaire qui leur garantit sans doute une charge fiscale moins lourde.
33 À côté des mesures qui astreignent les metallarii et leurs enfants à rester sur les concessions qu’ils occupent, il est en effet question de vente de concession à des personnes privées, jusque-là non assujetties à l’impôt des metallarii. Voir CTh X, 19, 15 (11 juillet 424) : Qui uero metallica loca praedictae obnoxia functioni emisse perhibentur, isdem procul dubio, quae auctores eorum implere consueuerant, muniis subiacebunt, « ceux dont on sait qu’ils ont acheté des concessions minières soumises à l’acquittement de l’impôt susdit, seront assujettis, sans nul doute, aux mêmes charges que ceux qui les ont vendues étaient habitués à accomplir ». Ces loca metallica ne peuvent donc être compris, comme le fait Salerno 2003, p. 112, comme des « lieux où la poena metalli est exécutée ». Ils sont vendus et achetés par des entrepreneurs libres (nommés précisément metallarii) qui cherchent à en tirer profit.
34 Comme le rappelle Carrié 2002, p. 311-313, à la suite de Sirks 1995, il existait bien un « libre choix du métier ». Mais une fois le métier choisi, le travailleur ou l’entrepreneur était ipso facto obligé d’« appartenir au koinon de la profession choisie ».
35 Voir Davies 1935, p. 69-72 : « la Sardaigne est riche en argent, fer, cuivre, voire en or, comme semblent le prouver ces textes tardifs (et eux seuls…) ».
36 Voir Jones 1990, s. v. libra et scrupulum : les scrupules représentent 1/288e de la livre de 324 g (selon le poids adopté par les numismates, quoique le poids réel soit légèrement supérieur, 327 g). Le scrupule pèse donc environ 1,125 g et le sou d’or créé par Dioclétien, pesant 4,5 g, représente exactement 4 scrupules.
37 Homines dans le CTh désigne souvent les journaliers ou les colons des grands propriétaires terriens. Voir Cracco Ruggini 19952, p. 133-135 : le mot homines est synonyme soit d’operarii, les manouvriers du domaine, soit surtout d’agricolae, lui même parfait synonyme de colonus, rusticanus.
38 La loi de 386, CTh I, 32, 5, citée et traduite note 8, ainsi que le texte d’Ammien Marcellin, XXXI, 6, 6, cité ci-dessus, montrent combien les invasions germaniques des années 370 ont perturbé l’exploitation des mines des Balkans. Les procurateurs curiales se sont, dit la loi, « soustraits à leur charge, prétendument par peur de l’ennemi ».
Auteur
Université de Rouen — GRHiS Année Épigraphique
Université Laval de Québec
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