Les droits des particuliers sur les domaines impériaux. Réflexions à partir du Code Théodosien
p. 311-328
Résumés
La différence d’approche des droits des emphytéotes dans les deux parties de l’Empire contribue à expliquer le déclin du ius perpetuum en Orient et son maintien en Occident. En Orient, la spécificité du ius emphyteuticum paraît admise bien avant que Zénon ne le définisse comme un ius tertium ne découlant ni d’une locatio conductio ni d’une alienatio. Avant Zénon, l’emphytéote est un conductor lorsqu’il est envisagé dans ses rapports avec l’Empereur. Du bail emphytéotique découle le ius emphyteuticum, distinct du dominium. Différemment, en Occident, le droit de l’emphytéote n’est pas distingué du dominium. L’emphytéote est titulaire d’une maîtrise foncière autonome, d’un dominium juxtaposé à la propriété supérieure de l’Empereur comme le suggère le maintien de son appellation de conductor face à l’empereur concédant. Dès lors, en Occident, en l’absence de distinction entre le ius emphyteuticum et le dominium, il est inutile d’écarter, comme en Orient, le risque de confusion entre le ius perpetuum et le dominium. C’est pourquoi le ius perpetuum continue d’être utilisé en Occident, le signe de sujétion du perpétuaire face à l’empereur se matérialisant uniquement par le versement d’une redevance annuelle.
The legal characterisation of individual rights in imperial domains differs between the two sides of the Empire and this may explain the rise of ius emphyteuticum and the decline of ius perpetuum in the East, as well as the survival of the latter in the West. In the East, the particular nature of ius emphyteuticum could have been established well before emperor Zeno first defined ius emphyteuticum as being a ius tertium that does not derive from a locatio conductio or an alienatio. Earlier to Zeno, the emphyteuticarius is called conductor with respect to his contractual relationships with the Emperor. The emphyteuticum lease confers a specific right – the ius emphyteuticum – distinct from the dominium. In the West, no such distinction exists between ius emphyteuticum and dominium. The emphyteuticarius owns an autonomous dominium, beside the superior dominium of the Emperor. Thus, in the West, the risk of confusion between ius perpetuum and dominium is not considered as a relevant matter as in the East. Therefore, ius perpetuum is still used in the West and the perpetuarius’subjection to the emperor is only evidenced by the payment of an annual fee.
Texte intégral
1Si je souhaite revenir, aujourd’hui, sur une question souvent débattue et éminemment traitée1, c’est pour reprendre l’analyse juridique des droits des particuliers sur les domaines impériaux que j’aborderai ici uniquement en examinant la nature juridique des droits de l’emphytéote et du perpétuaire d’après le Code Théodosien et en comparant les solutions adoptées en Occident et en Orient2.
2En général, il ressort des controverses doctrinales que l’emphytéose porte principalement sur les fundi patrimoniales, distincts du patrimonium3. Quant à elle, la concession de terres au profit du perpétuaire s’applique, en principe, aux terres explicitement rattachées à la Res privata4.
3D’un point de vue juridique, il semble que le bail emphytéotique confère à l’emphytéote un droit sur la chose d’autrui que l’on pourrait qualifier de droit réel5 : le ius emphyteuticum, caractérisé par sa perpétuité6 et ce, tout au moins à partir du règne de Valentinien Ier7. La nature de la concession en ius perpetuum est discutée. Pour certains auteurs, cette forme de concession correspond à une location perpétuelle, pour d’autres, à une quasi-aliénation. Or, cette concession paraît attribuer au perpétuaire un droit spécifique, symétrique du ius emphyteuticum. Il pourrait alors s’agir d’un autre type de droit (réel) sur la chose d’autrui, le ius perpetuum. Il est admis que les titulaires de ces concessions diffèrent de simples locataires ad tempus en ce qu’ils n’ont pas un droit personnel et temporaire à l’encontre d’un bailleur. La différence s’expliquerait aisément si l’on suivait les schémas rigoureux du droit classique qui distingue clairement les actions personnelles et les actions réelles, les premières protégeant ce que l’on peut appeler des droits personnels, les secondes, des droits réels.
4Mais que penser des droits reconnus à l’emphytéote et au perpétuaire à l’époque tardive ? Il convient de partir de deux points généralement admis par la doctrine. Tout d’abord, la concession en ius perpetuum est réservée à la partie occidentale de l’Empire tandis que l’emphytéose prend son essor en Orient8. Ensuite, les sources indiquent que les emphytéotes comme les perpétuaires reçoivent la double appellation de conductores et de domini9. Pour expliquer cette double appellation, les auteurs relient, d’une part, celle de conductor à la nature du contrat visé – une location à très long terme, voire perpétuelle. Mais on peut, dès à présent, souligner que l’emploi indifférencié de conductor fait tantôt référence à la location ad tempus qui ne confère qu’un droit personnel, tantôt allusion à la location perpétuelle qui pourrait conférer un droit réel sur la chose d’autrui. Ce double sens de conductor ferait ainsi passer au second plan la distinction traditionnelle, issue de la procédure, entre droit réel et droit personnel. D’autre part, les auteurs rattachent le plus souvent l’appellation de dominus à la transformation de la propriété à l’époque tardive10. Ainsi, les droits réels de ces particuliers seraient confondus avec le dominium.
5Juridiquement, deux questions se posent. Premièrement, pourquoi l’Orient a-t-il connu le succès de l’emphytéose tandis que l’Occident a conservé la concession en ius perpetuum ? Deuxièmement, que signifie concrètement cette double appellation de conductor et de dominus11 ?
6Il s’agit donc de revenir sur la qualification juridique des droits de l’emphytéote et du perpétuaire pour souligner la différence d’approche entre l’Orient et l’Occident. La confusion des concepts juridiques, serait, à notre sens, limitée à la partie occidentale de l’Empire. En Orient, la meilleure préservation des concepts juridiques pourrait alors expliquer le succès de l’emphytéose au détriment du ius perpetuum.
7Nous évoquerons, dans un premier temps, la spécificité du ius emphyteuticum en Orient puis, plus brièvement, le caractère fédérateur du dominium en Occident.
1. Le ius emphyteuticum, une spécificité orientale
8L’approche particulière du ius emphyteuticum dans les constitutions orientales contribue à expliquer l’abandon du ius perpetuum dans cette partie de l’Empire. Dans le prolongement des solutions constantiniennes, les législateurs orientaux continuent de distinguer le ius emphyteuticum et le dominium. Pour éviter tout risque de confusion, le ius perpetuum, défini uniquement par sa perpétuité – ce qui le rapprochait de la propriété au point de la confondre avec celle-ci – est abandonné.
1. 1. La spécificité du ius emphyteuticum sous Constantin
9Il est traditionnellement admis que l’on doit à Zénon la qualification du ius emphyteuticum comme un ius tertium ne découlant ni d’une locatio conductio ni d’une alienatio.
10D’après une constitution rapportée au CJ 4, 66, 112, l’empereur se place logiquement du côté de l’emphytéote lorsqu’il s’agit de déterminer la nature juridique de son droit. D’une part, le droit de l’emphytéote doit être distinct du droit conféré au locataire en raison de la conductio. Une telle affirmation implique une distinction, tout au moins en termes de protection juridique, entre le droit personnel du locataire à court terme et le droit de l’emphytéote. Ceci pourrait alors constituer un indice en faveur de la conception du droit de l’emphytéote comme un droit réel sur la chose d’autrui. D’autre part, le droit de l’emphytéote doit être distinct du droit conféré à l’acheteur par alienatio. Sachant qu’à l’époque de Zénon, l’alienatio emporte, en principe, transfert du dominium, le droit de l’emphytéote serait bien conçu comme un droit réel sur la chose d’autrui.
11Ces considérations conduisent à quelques remarques au regard de l’appellation de l’emphytéote comme conductor et/ou comme dominus. En effet, l’emphyteuticarius n’a pas à recevoir l’appellation de conductor s’il ne peut être protégé à titre de locataire en tant que titulaire d’un droit personnel. Mais il ne peut pas non plus être appelé dominus s’il ne bénéficie pas de la protection accordée à celui qui revendique le dominium. Suivant cette interprétation, l’emphyteuticarius est protégé judiciairement en tant que titulaire d’un ius tertium, d’un droit spécifique.
12Or, rien n’indique que cette spécificité du ius emphyteuticum soit une innovation zénonienne. Zénon, en rejetant expressément toute tentative d’assimilation du ius emphyteuticum au droit du conductor et à celui du dominus pourrait, simplement, s’inscrire dans la lignée de ses prédécesseurs orientaux pour confirmer la spécificité du ius emphyteuticum et écarter le risque de confusion généré par la double appellation de l’emphytéote.
13Il paraît ainsi possible de se demander d’une part, si la spécificité du ius emphyteuticum a pu être effectivement admise avant Zénon et d’autre part, comment l’emphytéote pouvait être judiciairement protégé s’il recevait la double appellation de conductor et de dominus.
14Bien avant la prise de position théorique de Zénon, plus précisément dès Constantin, la spécificité du ius emphyteuticum semble prise en considération.
15Trois textes méritent l’attention puisqu’ils sont traditionnellement cités à l’appui d’une confusion au regard du droit de l’emphytéote.
16Le premier texte correspond à une constitution de Constantin, probablement datée de 321, rapportée au CJ 11, 62, 213 et citée comme preuve de la qualification de l’emphytéote comme dominus. Remarquons tout d’abord, élément appréciable, que ce texte ne mentionne pas expressément le droit de l’emphytéote ! Il ne paraît pas impensable alors de suggérer que les fonds patrimoniaux concernés aient pu faire l’objet d’un autre contrat, à savoir une locatio conductio renouvelable par tacite reconduction. Suivant cette hypothèse, la constitution peut trouver une nouvelle explication. Grâce à la faveur impériale, le mineur ne subit pas la sanction pour défaut de paiement de la redevance si celle-ci a été payée, après l’échéance mais avec un peu de retard, par son tuteur ou son curateur. Par faveur, le contrat de bail n’est pas résilié, ce qui implique d’une part, que le mineur conserve son droit (ius), et si l’on suit cette hypothèse, son droit personnel protégé sur le fondement de la locatio conductio et d’autre part, que le fisc ne puisse mettre en œuvre sa garantie14, l’hypothèque. Par faveur impériale, on fait comme si le mineur avait payé à l’échéance. Par conséquent, il ne supporte pas d’atteinte à la propriété de ses biens puisqu’il n’y a pas de mise en œuvre de l’hypothèque et il conserve le dominium sur l’ensemble de ses biens, préservant ainsi sa fortune (substantia). Cette constitution, ambiguë dans sa formulation, peut tout aussi bien attester d’une distinction maintenue sous Constantin entre le ius du mineur conductor d’un fonds patrimonial et le dominium de celui-ci sur le reste de ses biens. De cette façon, cette constitution peut ne pas constituer un indice probant de la confusion entre le droit de l’emphytéote et le dominium du titulaire d’une maîtrise foncière.
17Le second texte s’entend d’une constitution constantinienne de 333, insérée dans le CTh III, 30, 515. Selon nous, Constantin y complète sa législation protectrice des mineurs face à la négligence, voire la trahison de leurs représentants. Tout défaut de paiement du canon emphytéotique entraîne immédiatement la confiscation (commissum16) du domaine grevé du droit emphytéotique (possessio iuris emphyteutici). Mais, par protection, le mineur est indemnisé de la confiscation du fonds auquel était attaché son droit emphytéotique : le représentant, négligent ou fautif, doit dédommager le mineur à hauteur de la valeur du domaine confisqué. Dans cette constitution, le ius emphyteuticum conserverait sa spécificité, demeurant distinct du dominium.
18Le troisième texte correspond à CTh II, 25, 1 (a. 334 ? 325 ?)17. La doctrine s’accorde à y déceler une confusion entre le droit de l’emphytéote et le dominium. Le problème résiderait, à notre sens, dans le changement de statut juridique de certains emphytéotes comme le suggère l’expression per diuersos nunc dominos. Le changement de statut serait intervenu entre la date de la répartition originaire et celle de la constitution. Entre temps, certains emphytéotes seraient devenus maîtres des fonds (domini) probablement grâce à l’intervention impériale, l’empereur ayant récompensé certains emphytéotes par la donation du fonds qu’ils exploitaient. Sachant qu’un emphytéote n’a juridiquement aucun pouvoir sur les esclaves du fonds, seul un emphytéote, une fois devenu propriétaire, peut les affranchir ou les vendre et, ainsi, être en mesure de séparer un esclave de sa famille. Suivant cette interprétation, le droit de l’emphytéote n’est pas confondu avec le dominium.
19Au regard de ces trois textes, le droit de l’emphytéote paraît à la fois distinct du dominium et du droit du locataire ordinaire. Ces textes constantiniens plaident en faveur de la spécificité du ius emphyteuticum en tant que droit réel sur la chose d’autrui.
1. 2. Le renforcement des prérogatives de l’emphytéote après Constantin
20Les successeurs de Constantin préservent, en Orient, la spécificité du ius emphyteuticum tout en renforçant les prérogatives de son titulaire.
21Tout d’abord, une constitution de Théodose Ier, rapportée au CJ 11, 62 (61), 818 (a. 386) distingue très clairement le dominium du droit conféré par emphytéose ou de celui conféré par la location ordinaire (dominium uel emphyteusin uel conductionem). L’empereur dénonce les privilèges individuels accordés, par rescrit ou par annotation impériale, sur certains fonds de Mésopotamie. À titre de récompense, les bénéficiaires de ces libéralités avaient obtenu ces fonds « en propriété ou en emphytéose ou en location ordinaire ».
22Ensuite, une constitution d’Arcadius (CTh XIII, 11, 6 du 4 février 396 [394]19) soulève de nouvelles difficultés d’interprétation. L’empereur sanctionne Strator parce qu’il a troublé les possessores iuris emphyteutici sous prétexte de peraequatio. Ne peut-on pas penser que ces possessores ont été troublés parce que la peraequatio n’aurait pas dû les concerner ? Autrement dit, l’opération de Strator doit être annulée parce que l’opération de peraequatio a englobé, à tort, les possessiones iuris emphyteutici, troublant leurs possessores. La peraequatio aurait ainsi visé, à l’origine, les seuls domaines des propriétaires de la circonscription. Le trouble des possessores iuris emphyteutici s’explique si l’on songe que la peraequatio s’est réalisée à leur détriment, c’est-à-dire en faveur des propriétaires qui ont bénéficié de l’amoindrissement de leur part d’imposition supplémentaire. Dans ce cas et dans la logique de la constitution précédente, le ius emphyteuticum ne serait pas confondu avec le dominium.
23Ultérieurement, dans une constitution datée du 18 juin 434 (CTh V, 12, 3)20, Théodose II marque sa volonté de renforcer les prérogatives de l’emphytéote. Les juristes de la chancellerie se trouvent confrontés à un dilemme : répondre au vœu impérial tout en évitant la confusion juridique entre le ius emphyteuticum et le dominium. C’est pourquoi, le bail emphytéotique est, tout d’abord, bien différencié de la vente de droit privé qui emporte, à cette époque, transfert du dominium21. Les juristes ne remettent donc pas en cause la spécificité du ius emphyteuticum, expressément mentionné, d’ailleurs, dans CTh V, 12, 2 (5 août 415)22. Mais ensuite, intervient le privilège impérial (CTh V, 12, 3 du 18 juin 434) :
… sed tamquam pretiis depensis sic eis nostri numinis beneficio potiantur, ut, quod iuris alter inferendo pretium consecutus est, hoc nostra liberalitate praedictus emphyteuticarius habeat23.
24Il s’agit de renforcer les prérogatives de l’emphytéote à l’égard des tiers. Pour ce faire, les juristes de la chancellerie utilisent le mécanisme de la fiction (« tamquam… »). La fiction juridique consiste à faire comme si l’emphytéote avait payé le prix du domaine emphytéotique alors qu’il n’a pu et ne doit pas l’acheter, comme le rappelle, à propos, le début de la constitution. Par privilège impérial, l’emphytéote jouit d’un statut équivalent à celui d’un acquéreur de droit privé sans être confondu avec ce dernier. C’est sur le fondement d’une fiction juridique, garantie par l’intervention impériale, que l’emphytéote va pouvoir se comporter à l’égard des tiers comme un titulaire du dominium. Vis-à-vis de l’empereur, source du privilège, le statut de l’emphytéote n’est pas modifié : l’emphytéote demeure face à l’empereur – dominus du fonds – un locataire à très long terme, titulaire du ius emphyteuticum. Aussi l’emphytéote voit-il ses prérogatives renforcées puisqu’il peut désormais jouir face aux tiers d’une maîtrise foncière aussi solide que celle d’un dominus et bénéficier d’une protection judiciaire analogue. Concrètement, l’emphytéote pourra bénéficier de la protection possessoire et agir au pétitoire contre les tiers mais aussi transmettre son droit, avec toutes les nouvelles prérogatives qui s’y rattachent, entre vifs comme à cause de mort. Pour autant, le droit de l’emphytéote n’est pas confondu avec le dominium. Cette maîtrise solide et durable de l’emphytéote, équivalente à un dominium face aux tiers, se juxtapose au (sacrum) dominium de l’empereur. L’emphytéote demeure conductor face à l’empereur dont il tient son ius emphyteuticum24, et dominus à l’égard des tiers sur le fondement du privilège impérial. Ainsi, seul l’empereur, en tant que véritable dominus, peut affranchir les esclaves du domaine emphytéotique.
25En 434, les juristes de la chancellerie, conformément à la volonté de Théodose II, ont trouvé un biais pour renforcer les prérogatives de l’emphytéote face aux tiers tout en évitant de confondre le ius emphyteuticum et le dominium.
26Mais une nouvelle intervention impériale remet, bientôt, en cause cette dernière construction juridique. En 438, comme l’indique la Novelle V, 1, Théodose II veut également autoriser l’emphytéote à affranchir les esclaves du fonds emphytéotique. Le raisonnement des juristes de la chancellerie paraît avoir été le suivant : 1) l’emphytéote, fort de l’autorisation impériale, doit pouvoir affranchir les esclaves du fonds emphytéotique ; 2) juridiquement, un acte d’affranchissement n’est valable que s’il est passé a domino ; 3) il faut éviter le risque de confusion juridique entre le ius emphyteuticum et le dominium. En d’autres termes, comment faire en sorte que l’emphytéote puisse exercer une prérogative appartenant exclusivement au véritable dominus sans que le droit de l’emphytéote ne soit confondu avec le dominium ? Seul un aménagement contractuel inédit pouvait résoudre une telle quadrature du cercle ! Ainsi, une des prérogatives inhérentes au dominium est contractuellement rattachée au ius emphyteuticum. Certes, cette nouvelle construction juridique adhère à la volonté de l’empereur dominus tout en évitant la confusion des concepts mais à quel prix ! En effet, comment parvenir, en pratique, à maintenir une telle distinction, fruit d’un artifice juridique dicté par des considérations politiques ?
27Accorder à l’emphytéote une telle prérogative ne pouvait qu’engendrer des confusions pratiques. C’est pourquoi, Théodose II revient à sa solution de 434 en 439 (NTh V, 2) puis en 441 (NTh V, 3, 1). Dès lors, l’emphytéote ne peut plus affranchir les esclaves du fonds emphytéotique. Néanmoins, face aux tiers, l’emphytéote jouit encore d’une maîtrise foncière aussi solide que celle d’un dominus et protégeable de manière analogue.
28Quelles solutions compliquées ! Il semblerait que ce que l’on entend traditionnellement par droit vulgaire soit, au moins aussi, le fruit d’un compromis de circonstance entre le caractère fluctuant des exigences impériales et le souci constant des juristes de la chancellerie orientale de préserver, tant bien que mal, les concepts juridiques.
29Que pouvaient en conclure les commissaires de Justinien ? La comparaison entre CTh V, 12, 325 et CJ 11, 62, 12 révèle la perplexité de ces derniers. Les compilateurs ajoutent : « en plus, le pouvoir d’affranchir les esclaves provenant des fonds patrimoniaux et emphytéotiques doit leur être accordé puisqu’ils sont maîtres des fonds »26. Cet ajout a été différemment interprété par les auteurs, certains y décelant une maladresse des compilateurs, rattachable à une source, non identifiée, postérieure à 367 et antérieure au règne de Théodose II. Or, cet ajout pourrait constituer, si ce n’est un indice du renforcement des prérogatives de l’emphytéote en Orient au cours du ve siècle, tout au moins celui de la difficulté de rattacher juridiquement au ius emphyteuticum l’une des prérogatives inhérentes au dominium, à savoir le pouvoir d’affranchir les esclaves du fonds.
30Pour les commissaires de Justinien, il fallait donc tenir compte des hésitations de Théodose II et, peut-être du renforcement postérieur des prérogatives de l’emphytéote. Suivant une stricte logique juridique, les commissaires de Justinien ne parviennent pas à dépasser le clivage ius emphyteuticum/dominium. Soit les emphytéotes sont domini et exercent toutes les prérogatives inhérentes au dominium, soit ils ne le sont pas et ne peuvent évidemment pas exercer une prérogative inhérente au dominium, le pouvoir d’affranchir les esclaves du fonds. Inversement, si les emphytéotes exercent toutes les prérogatives des domini, et plus particulièrement s’ils ont le pouvoir d’affranchir les esclaves du fonds, ils doivent être considérés comme domini. La logique des commissaires de Justinien exclut d’elle-même tous les compromis forgés par leurs prédécesseurs orientaux. Les juristes de Théodose II, par une acrobatie nécessaire, étaient parvenus, grâce au détour de la fiction, à ne pas faire allusion au dominium tout en déformant les contours du ius emphyteuticum. Respectant la mission qui leur a été assignée par Justinien, les compilateurs se font un devoir de reprendre la constitution de Théodose II tout en la détournant de sa signification primitive. Foin des hésitations théodosiennes ou d’un éventuel renforcement contractuel des prérogatives de l’emphytéote, les emphytéotes sont maîtres des fonds et par conséquent, on doit leur accorder le pouvoir d’affranchir les esclaves des fonds patrimoniaux et emphytéotiques.
31Encore un bref rappel de l’évolution de l’emphytéose en Orient. Celle-ci finit par englober le ius perpetuum comme l’attestent un passage du Code Théodosien (CTh V, 14, 33 de 393) et un extrait du Code Justinien (CJ 1, 33, 227).
32Pour conclure, l’Orient témoigne d’un effort de préservation des concepts juridiques. Le ius emphyteuticum demeure distinct du dominium tandis que le ius perpetuum – caractérisé uniquement par sa perpétuité et susceptible de confusion avec le dominium – est abandonné à la fin du ive siècle, absorbé par le ius emphyteuticum.
33Une telle absorption ne s’est pas produite en Occident où le ius perpetuum se maintient aux côtés de l’emphytéose.
34Mais à la différence de l’Orient, les droits de leurs concessionnaires ne sont plus distingués juridiquement du dominium.
2. Le dominium fédérateur, une originalité occidentale
35Le dominium se présente comme fédérateur en Occident28 en raison d’une part, de la confusion juridique entre le ius emphyteuticum et le dominium, et d’autre part, de l’absence de distinction entre le ius perpetuum et le dominium.
36En effet, en Occident, les concepts juridiques passent au second plan. Compte, en premier, la maîtrise foncière, solide et durable des particuliers sur les domaines impériaux. Tous les concessionnaires bénéficient d’un dominium face aux tiers, qui leur permet d’agir par le biais de la procédure en revendication ou d’affranchir les esclaves comme tout dominus. Tous reçoivent donc l’appellation de domini. Mais subsiste, d’une certaine manière, la propriété supérieure du Prince qui se manifeste par le maintien de leur qualification de conductores face à l’empereur titulaire du sacrum dominium29.
2. 1. La double appellation de l’emphytéote, dominus et conductor
37À partir de 368, le ius emphyteuticum n’est plus distinct du dominium30. En témoigne une constitution de Valentinien Ier, rapportée au CTh V, 15, 1831. Cette mesure prouve que seule l’intervention préalable de l’empereur concédant entraîne la validité du contrat et l’obtention du dominium. Le bail emphytéotique est conclu en échange d’une contrepartie, la maîtrise de la tenure emphytéotique32. Aussi le ius emphyteuticum est-il confondu avec le dominium. Concrètement, l’adjudication, conduite par les agents de la Res privata, attribue au plus offrant le bail emphytéotique, le montant du loyer étant déterminé par la mise aux enchères. Dès l’adjudication, le plus offrant obtient le dominium du fonds emphytéotique. De son côté, l’empereur, en tant que bailleur, donne son assentiment au contrat public mais surtout, en tant que propriétaire supérieur, confirme la validité du dominium du tenancier en apposant la garantie impériale de la fermeté et de la perpétuité de la maîtrise foncière ou perpetua firmitas (possidendi). La marque de la supériorité du sacrum dominium réside, avant tout, dans la perception du canon emphytéotique que doit l’emphytéote. Il est inutile, alors, de distinguer, face aux tiers, le ius emphyteuticum du dominium33.
38On peut donc avancer qu’en Occident, à partir de 368, l’emphytéote n’est plus titulaire d’un ius emphyteuticum, distinct du dominium. En revanche, l’empereur en tant que maître supérieur, est exclusivement habilité à confirmer la maîtrise foncière de son tenancier et à percevoir le canon emphytéotique en tant que bailleur à très long terme. Une remarque : la confiscation du domaine (ou commissum) continue de s’appliquer en Occident, ce qui corrobore la reconnaissance d’une superposition sur un même fonds de dominia de valeurs hiérarchisées.
39On peut observer la même confusion au regard du droit du perpétuaire.
2. 2. Le perpétuaire, dominus
40Suivant le même raisonnement, le perpétuaire bénéficie de l’appellation de dominus, signe de son dominium, superposé au sacrum dominium du Prince.
41Pour cette raison, il est probable que le ius perpetuum ait été envisagé comme une quasi-aliénation. En effet, c’est ce qu’affirme clairement une constitution de Valentinien Ier34. Comme le précise le début de la mesure35, le nouveau statut du domaine correspond à la concession de celui-ci en ius perpetuum. Au perpétuaire se réfère l’expression ad noui domini iura migrauerit. Le perpétuaire est donc qualifié de dominus, appellation octroyée également à tout futur perpétuaire et à ses héritiers (dominis hereditibusque dominorum).
42Cette appellation rend compte du dominium du perpétuaire, transmissible aussi bien à cause de mort qu’entre vifs, conformément aux dispositions de CJ 11, 71, 5, 436.
43Mais ce statut de dominus ne peut être détaché de la faveur impériale, de la générosité de l’empereur comme le signale CJ 11, 71(70), 5, 5 : liberalitas, quae possidentem iure perpetuo dominium uult uocari37.
44Le dominium du perpétuaire ne remet pas en question le dominium supérieur de l’empereur38. Il implique d’une part, une sujétion du perpétuaire qui se matérialise par l’acquittement d’une redevance annuelle et d’autre part, une prééminence de l’empereur qui se concrétise par un droit de regard sur la transmission du fonds (personne de l’acquéreur, responsabilité de l’acquéreur et de ses héritiers quant à la personne du remplaçant39, vraisemblablement par la possibilité d’un droit de retrait et par la perception d’un droit de mutation).
45Par ailleurs, le perpétuaire ne reçoit pas, de façon constante, l’appellation symétrique de conductor. Si celle-ci semble utilisée dans CJ 11, 71 (70), 340 (perpetuariis conductoribus), le ius perpetuum se présente comme distinct du droit issu de la locatio conductio dans CTh XI, 16, 12 (380)41, CTh XI, 16, 20 (395)42 et CJ 11, 66 (65), 343.
46Pour conclure, en Orient, les concepts juridiques sont mieux préservés, ce qui explique le maintien d’une distinction entre le ius emphyteuticum et le dominium, le premier s’entendant vraisemblablement d’un droit réel sur la chose d’autrui. L’abandon oriental du ius perpetuum permet d’écarter tout risque de confusion entre celui-ci et le dominium, risque basé sur l’existence concurrente d’expressions fondées sur la perpétuité44. En Occident, les distinctions conceptuelles passent au second plan. L’emphytéote et le perpétuaire sont assimilés à des domini en tant que titulaires de maîtrises foncières solides, autonomes, transmissibles et protégeables de manière analogue à celles des domini. Ces maîtrises foncières, juxtaposées au sacrum dominium de l’empereur, sont assujetties comme l’attestent l’existence du paiement d’une redevance ou d’un loyer annuels mais aussi, probablement d’un droit de regard impérial sur la transmission du fonds.
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Notes de bas de page
1 Bottiglieri 1994 ; Burdeau 1966, 1972 et 1973 ; Delmaire 1989 ; Jaillette 1988 ; Voci 1989 ; Scaffardi 1981 ; Solidoro Maruotti 2001 ; Vera 1986, 1987 et 1992.
2 Cette communication s’appuie sur certaines réflexions formulées dans le cadre de notre thèse, cf. Laquerrière-Lacroix 2004, p. 154-208.
3 Cf. Delmaire 1989, p. 659-698. En ce sens, Lepelley 2001, p. 238-239. Voir plus généralement Giangrieco Pessi 1998 ; Giliberti 1996 ; Masi 1971.
4 Lepelley 2001, p. 239 souligne que les terres des cités et des temples – restant, en droit, propriété des cités, mais dont la gestion a été confiée à l’administration de la Res privata – pouvaient être attribuées à des concessionnaires perpétuels, parfois qualifiés d’emphytéotes.
5 Sur cette question, cf. Feenstra 1978 ; Grosso 1944 ; Capogrossi Colognesi 1999.
6 En ce sens, Burdeau 1966, p. 246-252 ; Masi 1971, p. 68 ; Giangrieco Pessi 1998, p. 372. Contra, Lévy 1951, p. 44.
7 En ce sens, Voci 1989, p. 21 ; Sargenti 1993, p. 398.
8 Selon Delmaire 1989, p. 665, le système emphytéotique tend à s’étendre, à partir de 370, sur les fundi patrimoniales et à se confondre avec la location perpétuelle, confusion achevée au vie siècle quand l’expression ius perpetuum est glosée par ius emphyteuticum.
9 Cette double appellation a été relevée par la doctrine, cf. notamment Lévy 1951, p. 45-47 ; Jaillette 1988, p. 262 et p. 272 ; Delmaire 1989, p. 661-662 et p. 666.
10 En ce sens, Jaillette 1988. Sur l’évolution de la notion de propriété à l’époque tardive, cf. Biscardi 1940, 1981 et 1993 ; Cannata 1962 ; Jaillette 1988 ; Laquerrière-Lacroix 2004 ;
11 Lévy 1951 ; Solidoro Maruotti 1998 et 2001 ; Vera 1993.
Bien sûr, on peut imaginer aisément que, par simplification, les locataires perpétuels aient été seulement désignés comme locataires – même si c’était faire peu de cas de la distinction entre droit réel et droit personnel –, mais comment se peut-il que des locataires perpétuels puissent être qualifiés de propriétaires ? Est-ce à dire qu’il existe véritablement une confusion entre le dominium et le ius emphyteuticum en Orient ? Est-ce à dire qu’en Occident, il existe une confusion semblable, au moins jusqu’en 368, suivie d’une même confusion au regard du droit du perpétuaire ?
12 IMPERATOR ZENO A. SEBASTIANO P(RAEFECTO) P(RAETORIO). Ius emphyteuticarium neque conductionis neque alienationis esse titulis addicendum, sed hoc ius tertium sit constitutum ab utriusque memoratorum contractuum societate seu similitudine separatum, conceptionem definitionemque habere propriam et iustum esse ualidumque contractum, in quo cuncta, quae inter utrasque contrahentium partes super omnibus uel etiam fortuitis casibus pactionibus scriptura interueniente habitis placuerint, firma illibataque perpetua stabilitate modis omnibus debeant custodiri : ita ut, si interdum ea, quae fortuitis casibus sicut eueniunt, pactorum non fuerint conuentione concepta, si quidem tanta emerserit clades, quae prorsus ipsius etiam rei quae per emphyteusin data est facit interitum, hoc non emphyteuticario, cui nihil reliquum mansit, sed rei domino, qui, quod fatalitate ingruebat, etiam nullo intercedente contractu habiturus fuerat, imputetur : sin uero particulare uel aliud leue damnum contigerit, ex quo non ipsa rei penitus laedatur substantia, hoc emphyteuticarius suis partibus non dubitet adscribendum (476-484). Comparer IJ III, 24, 3.
13 IDEM A. AD DRACONTIVM. Patrimonialis fundi pensitationem aurariam seu frumentariam intra tempus omissam minorum dominio non nocere praecipimus nec ad fraudem iuris eorum euadere, si, quod sollemniter debetur, paulo serius inferatur : ita tamen, ut permanente substantia paruulorum iudex tutorem uel curatorem, per quem differtur illatio, neglegentiae suae et deserti officii poenas exigat et damna deplorare compellat.
14 En ce sens, Vera 1992, p. 474.
15 (IDEM A. FELIC) I. Quoniam per negligentiam seu proditionem tutorum et curatorum possessiones iuris enphyteutici, uitio intercedente commissi, e minorum fortunis auelluntur, placet, ut tutor curatorue, cuius officio manente possessio minoris iuris enphyteutici praerogatiuam commissi offensa perdiderint, tantum de facultatibus propriis censura inminente minoribus restituat, quanto rem ualere potuisse constabit. DAT. XIV KAL. MAI. CONST(ANTINO) P (OLI) DALMATIO ET ZENOPHILO CONSS.
16 Delmaire 1989, p. 664 y voit une dépossession de la terre quand la pensio n’est plus payée par le possesseur insolvable ou sans garant.
17 IMP. CONSTANT(INVS) A. GERVLO RATIONALI TRIVM PROVINCIARVM. In Sardinia fundis patrimonialibus uel enphyteuticariis per diuersos nunc dominos distributis, oportuit sic possessionum fieri diuisiones, ut integra apud possessorem unumquemque seruorum agnatio permaneret. Quis enim ferat liberos a parentibus, a fratribus sorores, a uiris coniuges segregari ? Igitur qui dissociata in ius diuersum mancipia traxerunt, in unum redigere eadem cogantur : ac si cui propter redintegrationem necessitudinum serui cesserint, uicaria per eum qui eosdem susceperit mancipia reddantur et inuigila, ne per prouinciam aliqua posthac querela super diuisis mancipiorum affectibus perseueret. DAT. III KAL. MAI. PROCVLO ET PAVLINO CONSS.
18 IDEM AAA. CLEARCHO P (RAEFECTO) P (RAETORIO). Omnes fundi patrimoniales per Mesopotamiam et Osrhoenam prouincias, quos constat diuorum retro principum sanctionibus limiti deputatos, ad ius pristinum sine ullius adsertionis reuocentur obstaculo praebituri omnia, quae antea impendenda necessitatibus limitis praebere consueuerant, ita ut nulli penitus audiantur, qui aut rescripto aut adnotatione dominium uel emphyteusin uel conductionem quolibet genere largitatis de nostra liberalitate meruerint. DAT. PRID. K. MAI. CONSTANTINOPOLI HONORIO NP. ET EVODIO CONSS.
19 IMPP. ARCAD(IVS) ET HONOR(IVS) AA. HERODI. Actus stratoris, qui possessores iuris enphyteutici sub peraequationis colore turbauit, iubemus aboleri, alio ad id negotium dirigendo. Quem obseruare conueniet, ut pristinis dominis, si quidem idonei comprobantur, cuncta restituat, nouis uero ad redhibenda omnia, quae per eum uel suspensa uel minuta uel dilata sunt, strenuus exactor incumbat. Si quid etiam latioribus ac fecundioribus fundis addi in praestatione potest, tenax inquisitor incumbat. In omnibus uero subsignationem facultatium, quae in huiusmodi locationibus prima est quaerenda, suscipiat. DAT. XVI KAL. MART. ARCAD(IO) IIII ET HONOR(IO) III AA. CONSS.
20 (IMPP. THEOD)OSIVS E(T) VAL(ENTINI)ANVS AA. TAVRO P(RAEFECTO) P(RAETORI)O ET PATRICIO. Possessores uel enphyteuticarii patrimoniales, qui fundos minime nunc usque conpararunt, eodem largitatis modo nequaquam ad eorum conparationem urgueantur, sed tamquam pretiis depensis sic eis nostri numinis beneficio potiantur, ut, quod iuris alter inferendo pretium consecutus est, hoc nostra liberalitate praedictus enphyteuticarius habeat : illud quoque ius, in quibus coluit praediis, quod aut ex successione aut ex comparatione priuata aut nostri numinis liberalitate aut quocumque modo possedit, sciat illibatum intemeratumque seruari. (…) DAT. XIIII K. IVL. CONSTANT(INO)P(OLI) ARIOVINDO ET ASPARE CONSS.
21 CTh V, 12, 3 : Possessores uel enphyteuticarii patrimoniales, qui fundos minime nunc usque conpararunt, eodem largitatis modo nequaquam ad eorum conparationem urgueantur, « les possesseurs et emphytéotes patrimoniaux qui jusqu’à présent n’ont nullement acheté leurs domaines, ne doivent en aucune manière être poussés à leur achat par ce genre de libéralité ».
22 [IDEM AA. AVREL] IANO P (RAEFECTO) P (RAETORI) O. Nulli penitus liceat, siue saluo canonis seruato iure siue cum imminutione canonis patrimonialis, uel limitotrofos siue saltuenses per Orientem uel fundos patrimoniales postulare. Nemo potiatur his ne si subreptiua quidem id promeruerit petitione per speciale beneficium, uel exquisita fraude uel quo alio artificio ultro in quemquam liberalitas nostra processerit, quandoquidem nec enphyteuticario mutari proprium ius per petitionem huiusmodi censemus nec canoni aliquid detrahi uel imminui, et cum praedium ipsum reuocari debuerit. Futuras prohibere contec[... inpro] bas petitiones arcemus, ut a principio nec suscipi nec instrui eas generali sanctione mandemus, quo praediorum labor emfyteuticarius per Orientem propriam praerogatiuam retineat nec nouus possessor iura aliena perturbet. DAT. NON. AVG. CONST(ANTINO) POLI HON(ORIO) A. X ET THEOD(OSIO) A. VI CONSS. Cf. Laquerrière-Lacroix 2004, p. 168-169.
23 « Mais, par privilège de Notre majesté divine, ils doivent s’en rendre maîtres comme s’ils en avaient payé le prix de sorte que l’emphytéote précité, doive, par Notre libéralité, avoir le droit qu’autrui obtient en payant un prix ».
24 Aussi l’emphytéote ne pourrait-il pas agir au pétitoire contre celui dont il tient son ius emphyteuticum.
25 CTh V, 12, 3 : IMPP. THEODOSIVS ET VALENTINIANVS AA. TAVRO P(RAEFECTO) P(RAETORI)O ET PATRICIO. Possessores uel enphyteuticarii patrimoniales, qui fundos minime nunc usque compararunt, eodem largitatis modo nequaquam ad eorum comparationem urgueantur, sed tamquam pretiis depensis, sic eis nostri numinis beneficio potiantur, ut, quod iuris alter inferendo pretium consecutus est, hoc nostra liberalitate praedictus enphyteuticarius habeat. 1. Illud quoque ius, in quibus coluit praediis, quod aut ex successione aut ex comparatione priuata aut nostri numinis liberalitate aut quocumque modo possedit, sciat inlibatum intemeratumque seruari… D. XIIII K. IVL. CONSTANTINOPOLI ARIOVINDO ET ASPARE CONSS.
26 CJ 1, 62, 12 : Licentia eis concedenda etiam libertates mancipiis ex fundis patrimonialibus atque emphyteuticariis, cum fundorum sunt domini, praestare.
27 IMPP. ARCADIVS ET HONORIVS AA. MINERVIO COMITI RERVM PRIVATARVM. Ad palatinorum curam et rationalium officia omnium rerum nostrarum et totius perpetuarii, hoc est emphyteuticarii, iuris exactio reuertatur. D. X K. IAN. MEDIOLANO CAESARIO ET ATTICO CONSS.
28 Se rapporter aux travaux de Wessel 2003.
29 Lepelley 2001, analyse deux témoignages de saint Augustin sur l’acquisition, vers 400, d’un domaine impérial emphytéotique par l’évêque donatiste de Calama, Crispinus. L’auteur précise, p. 234, que ces deux textes « montrent crûment la toute puissance exercée par les propriétaires fonciers sur leurs dépendants, même si, comme c’était le cas, ils n’étaient que des possessores à bail perpétuel et non des domini, détenteurs de la pleine propriété ». Dans le même sens, ibid. p. 242. Il semble que les emphytéotes soient effectivement des possessores, des locataires perpétuels vis-à-vis de l’empereur mais tout en jouissant d’un dominium à l’égard des tiers, dominium juxtaposé au dominium supérieur du Prince. L’auteur utilise d’ailleurs, p. 239, l’expression « propriété éminente ». Cette situation hybride est mise en relief dans la lettre 66 : Si personas compares, tu possessor, ille imperator (ibid. p. 235).
30 Auparavant, la distinction était préservée : le pouvoir d’affranchissement était refusé aux emphytéotes sachant qu’ils n’étaient pas maîtres des fonds, Cf. CJ 11, 63 (62), 2 : IMPP. VALENTINIANVS ET VALENS AA. AD GERMANIANVM COMITEM SACRARVM LARGI-TIONVM. Libertates, quas mancipiis ex fundis patrimonialibus atque emphyteuticis qui fundorum non sunt domini praestiterunt, rationales huiusmodi praecepti auctoritate rescindant. PP. XIII K. MAI. LVPICINO ET IOVINO CONSS. Sur la question de la cessibilité du droit de l’emphytéote, cf. Gaudemet 1992 ; Laquerrière-Lacroix 2004, p. 180-182.
31 IDEM AA. AD FLORIANVM COM (ITEM). Quotienscumque enphyteutici iuris praedia in uitium delapsa commissi actis legitimis ac uoci fuerint subicienda praeconis, super facto licitationis et augmento nostra perennitas consulatur, nec prius eius dominio, qui ceteros oblatione superauit, perpetuae firmitatis robur accedat, quam si super pensionis modo, conductoris nomine, enthecae quantitate nostrae tranquillitatis arbitrium fideli ratione consultum obseruanda praescripserit. DAT. IIII K. MART. TRIV(ERIS) VAL(ENTINI)ANO ET VALENTE AA. CONSS. (26 février 368 ? 370 ? 373 ?), « chaque fois que des domaines de droit emphytéotique sont tombés dans un défaut relevant de la confiscation et ont dû être soumis aux actes légaux et au cri du héraut, Notre Éternité doit être consultée au sujet de la conduite de l’enchère et de l’augmentation du loyer. Et la solidité de la fermeté perpétuelle ne doit pas s’ajouter à la maîtrise de celui qui a dépassé les autres par son enchère avant que le jugement de Notre Tranquillité, consulté à l’aide d’un registre fidèle, n’ait prescrit ce qui doit être observé au sujet du montant du loyer, du nom du locataire, de la quantité du matériel d’exploitation ».
32 Ce que révélaient précédemment CTh V, 15, 15 (364) et CJ 11, 62 (61), 3 (365).
33 Delmaire 1989, p. 661-662 : « Le droit emphytéotique est défini comme conductio (CTh V, 15, 18 ; XVI, 5, 54) mais peut aussi lui être opposé puisqu’il est perpétuel alors que la conductio est à temps » (Dig VI, 3 ; NJ CXLVII et CXLVIII).
34 CTh V, 13, 4 : IDEM AA. AD FLORIANVM C(OMITEM) R(ERVM) P(RIVATARVM). Prouincialium opibus rei priuatae possessiones concedimus, uidelicet, ut de fundis ad eius dominium pertinentibus eligat unus quisque quem uelit eumque perpetuo iure suscipiat, palatiis tantum omnifariam in rei priuatae sollicitudine retentandis. Hi uero, quos commoditas praediorum ad eadem postulanda sollicitat, adeant tuae dicationis officium et modum suae deliberationis indicent per libellos certumque habeant pro unaquaque uilla, cum ea dote uel forma, cui nunc habetur obnoxia, ad noui domini iura migrauerit, si quid adiecerit sumptus cura sollertia, quidquid mancipiorum uel pecoris adcreuerit, capitationis aut canonis augmenta non patiatur, sed solis dominis heredibusque dominorum sit cessura felicitas. Quin etiam neque ad glebam senatus neque ad collationes auri siue argenti iidem cum ceteris tenebuntur, sed ea sola deuotione fungentur, quam annonaria..... census publici ratione canon sollemnis efflagitat. Si quis autem in annis singulis non soluerit debitum, ex re ipsius cetera, quod in reliquis remansisse claruerit, sine aliquibus dependere cogetur indutiis. Sane si quem postea minus…
35 Nous suivons la traduction de Jaillette 1988, p. 101 : « Mais que ceux que l’avantage des domaines incitent à demander ces terres s’adressent à l’office de ton Excellence et indiquent par demande écrite la superficie qu’après réflexion ils souhaitent et qu’ils aient l’assurance que chaque domaine rural pourvu de l’équipement ou du statut auquel il est maintenant soumis passera aux droits du nouveau propriétaire (…) ».
36 CJ 11, 71 (70), 5, 4 : IMPP. THEODOSIVS ET VALENTINIANVS AA. VOLVSIANO P(RAEFECTO) P(RAETORIO). 4. Iure igitur perpetuo publici contractus firmitate perpetuarius securus sit et intellegat neque a se neque a posteris suis uel his, ad quos ea res uel successione uel donatione siue uenditione uel quolibet titulo peruenit siue aliquando peruenerit, esse retrahendam.
37 CJ 11, 71 (70), 5, 5 : IMPP. THEODOSIVS ET VALENTINIANVS AA. VOLVSIANO P(RAEFECTO) P(RAETORIO). 5. Sane quia non ex omni parte excludenda est largitas principalis, rem diuinae domus suae imperator, si uelit, donabit ei, qui eam possidet iure perpetuo, siue ipse iam meruit siue cuiuslibet tituli iure successit. Videtur enim suam concedere pensionem, non alteri nocere liberalitas, quae possidentem iure perpetuo dominum uult uocari.
38 Cf. CTh V, 13, 4 : De fundis ad eius dominium pertinentibus.
39 Cf. CJ 11, 66 (65), 3 (377 ?).
40 IMPP. ARCADIVS ET HONORIVS AA. HADRIANO P(RAEFECTO) P(RAETORIO). Loca omnia fundiue rei publicae propositis prius licenter edictis dehinc, ubi in eum canonis modum contendentium augmenta succreuerint, ut extendi ultra aut superari alterius oblatione non possint, perpetuariis conductoribus locentur. [400-405].
41 IMPPP. GR(ATIA)NVS, VAL(ENTINI)ANVS ET THEODOS(IVS) AAA. AD THEODORVM C (OMITEM) R(ERVM) P(RIVATARVM). Ad uirum clarissimum et inlustrem praefectum praetorio Italiae scripta porreximus, ut ab actoribus et conductoribus patrimonii nostri atque ab his, qui iure perpetuo possederunt, extraordinarii muneris cessaret iniuria neque suburbicariis partibus tironum immineret exactio. Sane praestantia tua prouidere debebit, quatenus frumenti et equorum maturetur exactio. DAT. XV KAL. APRIL. TREV(IRIS) GR(ATIA)NO V ET THEOD(OSIO) I AA. CONSS.
42 IMPP. ARCAD(IVS) ET HONOR(IVS) AA. MESSIANO COM(ITI) RERVM PR(IVATARVM). Euidenter atque absolute iubemus, ne fundi ad patrimonium nostrum pertinentes, seu conductionis titulo seu perpetuo iure teneantur, aliquid praeter ordinem superindicti uel pretii petiti nomine uel de sordidis quibuscumque muneribus agnoscant. Nam hoc et a diuis principibus impetratum est et a nostra serenitate reparatum. Quisquis igitur iudicum contra fecerit, quinque pondo auri de facultatibus, alia de officiis suis, totidem et de curialibus, qui exsequi male iussa festinant, nouerit eruenda. DAT. XVII KAL. IVL. MED(IOLANO) OLYBRIO ET PROBINO CONSS.
43 IMPPP. GRATIANVS, VALENTINIANVS ET THEODOSIVS AAA. AD HESPERIVM PROCONSVLEM AFRICAE. Quicumque possessionem rei priuatae nostrae acceptam suo nomine uel iure perpetuo uel titulo conductionis ei crediderit esse tradendam, qui pensare utilitatem patrimonii nostri soluendo non ualeat, is pro eo quem succedaneum subrogauit perpetuae solutioni statuatur obnoxius (376 ?).
44 Respectivement, perpetuo iure possidere et perpetuo iure dominii possidere.
Auteur
Professeur à l’Université d’Auvergne Centre de Recherches Romanistiques d’Auvergne
Université de Reims
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