La politique de prohibition et de prévention de la violence des empereurs du IVe siècle
p. 201-232
Résumés
L’État romain s’est donné, à partir du ive siècle ap. J.-C., l’objectif ambitieux de bannir diverses formes de violence jugées inacceptables, en recourant à une politique de prévention des meurtres marquée par un durcissement de l’échelle des pénalités. Constantin Ier a ainsi imposé l’équivalence entre les invasions de propriétés commises avec ou sans armes qui étaient bien différenciées au Haut Empire. Cependant, cette mesure a été nuancée par la suite, ce qui montre que la législation était aussi l’objet de compromis changeants entre l’État et les intérêts des élites, en particulier italiennes. Cette politique a compris sous Valentinien Ier et Théodose Ier, de façon contradictoire, une restriction beaucoup plus sévère du port d’armes au moins pour le cas de l’Italie et une extension du droit à l’autodéfense, attribuant ainsi en partie aux particuliers une mission étatique de maintien de l’ordre public. Comme le montrent l’œuvre d’Augustin d’Hippone et le livre de droit syro-romain, cette dernière décision, source de nombreux abus, a été abolie à la fin du ve siècle.
The Roman state defined in the fourth century an ambitious policy to suppress diverse forms of violence by enforcing prevention and increasing punishments. Constantine I thus considered the invasion of small holdings with or without the use of weapons as equivalent crimes, contrary to what had been the case in the Early Empire. However, continuous compromises made between local elites, notably the Italians, resulted in this measure being subsequently moderated. Valentinian I and Theodosius I, in a contradictory manner, also restricted the right to use weapons, at least for Italians, while extending the right to self defense. These policies therefore passed on the responsibility of maintaining civil order from the state to the people. As the works of Augustine and the Roman-Syrian law code exemplify, the latter decision, which itself was a source of much abuse, was cancelled in the late fifth century.
Texte intégral
1Les empereurs du ive siècle ont émis une série de lois sur différentes formes de violences rurales, qui ont été rarement mises en rapport. Ces lois concernent notamment les invasions de propriétés, le vol de bétail et les attaques contre des voyageurs. Par delà la diversité des personnalités des empereurs qui ont émis cette législation dispersée, apparaissent certaines cohérences définissant de nouveaux principes juridiques. Deux lois étonnantes par leur radicalité se détachent, celle de Constantin de 317 majorant les pénalités pour invasions de propriété et celle de Théodose de 391 élargissant de manière notable le concept d’autodéfense, dont nous étudierons la portée, l’application et le destin, notamment au ve siècle. L’étude de ces lois permet aussi d’approcher la manière dont les politiques impériales étaient infléchies par un dialogue perpétuel avec les populations auxquelles elles s’adressaient, en particulier les notables.
1. L’évolution de la répression des crimes de violence
2Constantin a émis le 17 avril 317 une loi très originale concernant les invasions de propriétés :
« Que celui qui s’est rendu coupable de violence manifeste, ainsi que cela a été dévoilé au cours d’un procès, soit non plus frappé de la relégation ou de la déportation dans une île, mais qu’il subisse le supplice capital, qu’il ne suspende pas, par le biais d’un appel, la sentence prononcée contre lui, vu que la violence est source de nombreux crimes : on découvre que des mauvais coups et des meurtres sont souvent commis lors des tentatives de violence des uns et de la résistance indignée des autres. Voici par conséquent ce que nous avons décidé : si, éventuellement, quelqu’un, soit du côté du possesseur, soit du côté de celui qui cherche à violer une possession, est tué, seul sera supplicié celui qui a tenté d’user de violence et est responsable des maux survenus de part et d’autre. »1
3Constantin a ainsi condamné à mort toutes les invasions de propriétés commises de manière manifeste, en flagrant délit. Cette disposition est renouvelée par une loi de 317 ou de 318, adressée au préfet de la Ville Septimius Bassus2. L’aspect le plus novateur de cette loi est l’absence de distinction entre les invasions de propriétés avec ou sans usage d’armes. En effet, le droit classique, de l’époque des Sévères, répartissait les invasions de propriétés en deux catégories, celles commises avec armes, relevant de la uis publica, et les autres, relevant de la uis privata. Cette distinction était encore rappelée par une loi de Dioclétien de 2943. Les pénalités étaient très différentes. Le crime de uis publica était puni par la mort ou, pour le cas des notables, la déportation4. Les Sentences attribuées à Paul, à la fin du iiie siècle ou au début du ive siècle, imposent aux coupables de uis privata, s’ils sont honestiores, la relégation, la confiscation d’un tiers des biens et la peine d’infamie et s’ils sont humiliores la condamnation aux mines5. Constantin connaissait ces dispositions puisqu’il a rappelé de manière explicite ces pénalités anciennes dans l’énoncé de sa loi. Elle impliquait donc une forte augmentation des peines, spécialement pour les notables, puisque les pénalités n’étaient pas différenciées selon les catégories sociales. En effet, Constantin assimilait le crime de uis aux crimes majeurs, comme celui de maiestas, pour lesquels les honestiores étaient passibles de la peine capitale non commuable en déportation.
4Cette loi présente une certaine ambiguïté, puisque sa dernière phrase mentionne le cas de meurtres effectifs commis lors d’invasions de propriétés. Certains chercheurs ont utilisé ce passage pour affirmer que la loi de Constantin se limitait à condamner à mort les seules invasions de propriété se soldant par la mort effective de personnes6. En fait, cette loi montre plutôt la tendance du droit romain tardif à faire suivre de manière peu claire le traitement du cas général par celui d’un cas particulier, jusqu’à les confondre. La loi de Constantin avait en fait une portée très générale. La simple occupation d’un domaine par un créancier, s’il était pris en flagrant délit, le condamnait implicitement à la peine capitale. Ceci s’explique par la motivation détaillée que Constantin a introduite dans le texte même de sa loi, permettant de mieux la comprendre. Il considérait que les invasions de propriétés étaient souvent l’occasion d’homicides. En effet, elles dégénéraient fréquemment dans l’Empire romain en véritables batailles rangées. Apulée, développant un portrait satirique de la société romaine dans ses Métamorphoses, a inventé une affaire tragique d’invasion de propriété qu’il voulait sans doute exemplaire. Elle se conclut en effet par la mort du notable agresseur ainsi que par celle des trois fils du propriétaire du domaine en question7. Or, Constantin a stigmatisé les notables, spécialement les sénateurs, pour leur tendance à commettre des occupations de propriétés. Une de ses lois du 4 décembre 316 ou 317 caractérise l’invasion de domaines comme un méfait caractéristique de l’ordre sénatorial, tel le viol de vierges8. Constantin avait ainsi sans doute l’intention de mettre au pas et de moraliser les notables.
5La loi de Constantin de 317 marque bien un objectif de prévention de la violence, par une répression majorée. Les invasions de propriétés, parce qu’elles donnaient lieu occasionnellement à des meurtres, ont été punies à l’égal de ces crimes. Cette loi marque donc une pénalisation accrue des meurtres involontaires en situation de violence. On peut trouver des prémisses de cette évolution dès le iiie siècle. Les Sentences attribuées à Paul condamnent ceux ayant tué une personne dans une rixe aux mines, au ludus ou à la relégation, selon leur statut. Les conséquences d’un acte de violence étaient ainsi prises en compte pour induire un châtiment majoré dans ce cas9. Cependant, Constantin est allé bien au-delà de ce principe en considérant que les cas de violence manifeste devaient être considérés commis équivalents à de véritables meurtres10. Pour cet empereur, toute personne commettant une invasion de propriété acceptait le risque d’être amenée, au cours du conflit, à tuer son adversaire. En outre, en considérant que seul l’auteur de l’invasion de propriétés était responsable, il offrait un droit d’autodéfense élargi à la victime. Celle-ci pouvait en effet tuer son agresseur même si sa propre vie n’était pas en danger, contredisant ainsi le principe classique du nécessaire emploi de la force minimum dans les situations d’autodéfense. Il insistait ainsi sur l’intentionnalité mauvaise de celui qui avait créé une situation de violence. Le caractère particulièrement novateur de cette politique de prévention de la violence laisse supposer un intérêt particulier de Constantin pour cette question. On pourrait être tenté de le mettre en rapport avec ses convictions chrétiennes. Les Pères de l’Église ont en effet, par le moyen de pénitences sévères, condamné les meurtres mêmes involontaires, en insistant sur le caractère nocif de la violence menant nécessairement au crime11. Cependant, Yann Rivière, dans une étude récente, a relativisé l’influence du christianisme dans la législation de Constantin12. D’ailleurs, l’impunité promise par Constantin à la victime, pouvant tuer sans risque de poursuites son agresseur, n’aurait sans doute pas été acceptée par les Pères de l’Église, très restrictifs sur le droit à l’autodéfense13. La jurisprudence sur les meurtres commis lors de rixes montre que les lois de Constantin ont en fait constitué le terme d’une évolution globale des mentalités depuis le iiie siècle marquée par une condamnation de plus en plus sévère des actes de violence, en raison de la gravité de leurs conséquences.
6Constantin, dans sa loi initiale d’avril 317, a interdit le droit d’appel pour les coupables de violence manifeste. Il plaçait ainsi ces actes dans la catégorie des crimes graves, homicide, adultère et ueneficium, pour lesquels, dans une loi de 313, il avait pareillement interdit le droit d’appel14. Il a étendu par la suite cette interdiction à d’autres crimes dont la répression lui paraissait prioritaire, production de fausse monnaie et rapt de jeune fille15. Cependant, la suppression de ce droit pour le crime de vis s’explique aussi pour une raison pratique, obtenir la condamnation rapide du coupable pour éviter qu’il ne commette d’autres crimes. Constantin définissait ainsi une politique d’ordre public pour les campagnes. On peut en effet rapprocher sa décision de dispositions spéciales relatives à la répression du banditisme fixées sous le Haut-Empire. Ulpien cite un rescrit de Marc Aurèle qui, peu après 169, interdit le droit d’appel pour les latrones manifesti, les instigateurs de sédition et les chefs de factiones16. Constantin semble s’être inspiré de cette décision, qui insiste sur la nécessité d’une exécution rapide de ces criminels pour pouvoir rétablir l’ordre public menacé. La notion de flagrant délit, indiquée par l’emploi du terme manifestus, est ainsi soulignée17. Constantin répondait peut-être, par ses lois de 317-318, à des problèmes immédiats. La défaite de Maxence a pu causer une situation de trouble dans les campagnes d’Italie, nécessitant une politique autoritaire de remise en ordre. Ceci expliquerait que la seconde loi de Constantin ait été adressée au préfet de la Ville.
7Par contre, la première des lois de Constantin, connue par un exemplaire destiné au proconsul d’Afrique Catullinus le 17 avril 317, était peut-être destinée à résoudre un problème spécifiquement africain. L’Afrique proconsulaire était déchirée en 317 par les troubles liés au schisme donatiste. Constantin a interdit ce schisme en 315 et procédé au début de l’année 317 à la confiscation forcée des basiliques et des terrains appartenant à cette église. De nombreux donatistes ont trouvé la mort en les défendant. Un sermon donatiste mentionne ces violences, culminant par la mort héroïque à Carthage d’un évêque, Donatus d’Aviocalla, le 12 mars 31718. Cette loi de Constantin était donc peut-être destinée en premier lieu à créer un outil juridique utile pour réprimer les actions des donatistes. Ceux-ci pouvaient être ainsi accusés d’avoir envahi de manière violente des biens, basiliques et terrains agricoles, appartenant en fait légalement à l’Église catholique. Constantin aurait voulu, par cette mesure sévère, prévenir le retour de telles émeutes. Cette mesure conjoncturelle, destinée à résoudre un problème spécifiquement africain, aurait été ensuite étendue à l’Italie. Il ne s’agit que d’une hypothèse, mais qui permettrait d’expliquer la radicalité de la loi de Constantin.
8Dès octobre 319, Constantin a nuancé sa décision en limitant les pénalités dans un cas particulier du crime de uis, lorsque le coupable, de bonne foi, avait tenté de reprendre le contrôle de son bien sans attendre une décision de justice19. La peine a alors été réduite à la simple confiscation de la moitié du bien en dispute, une peine très légère. Dans cette même loi, Constantin évoque par contre la peine de déportation lorsque l’auteur du crime de uis apparaît avoir envahi un domaine qui ne lui appartenait pas. La peine de mort ne concernait donc que les auteurs de uis pris en flagrant délit. Cependant, cette loi montre bien que la distinction entre uis publica et uis privata a disparu sous Constantin, puisqu’il y évoque la déportation comme peine de référence pour les invasions de domaines avec ou sans usage d’armes. Il s’inspire donc des pénalités afférentes au crime de uis publica dans les Sentences de Paul, marquant ici une certaine continuité avec le droit pénal du iiie siècle.
9La loi de 319 définit ainsi un facteur très atténuant pour le crime de uis, la bonne foi du coupable. Un légitime propriétaire bénéficiait ainsi d’une certaine tolérance s’il voulait se venger et se faire justice lui-même. En effet, cette loi implique qu’un jugement statuant sur le légitime possesseur du domaine en question soit rendu avant de statuer sur tout crime de violence. Or, le droit classique ne prenait pas en compte ce critère. Un rescrit d’Antonin le Pieux a imposé que les crimes de violence soient jugés avant même qu’une sentence soit rendue concernant le légitime propriétaire du domaine disputé20. Les lois de Constantin de 317 et 319 dénotent ainsi une tendance du droit pénal tardif, l’attention accrue portée aux différents niveaux de responsabilité des coupables. Le droit romain tardif insistait ainsi sur l’intentionnalité des actes délictueux commis21. On peut se demander si la loi initiale de Constantin n’a pas soulevé l’hostilité de certains notables, qui auraient demandé qu’elle soit aménagée. Constantin aurait ainsi en partie accepté la possibilité pour ces notables de se faire justice eux-mêmes.
10Une loi de Constance II de 357 ou 361 a confirmé les dispositions de Constantin restreignant le droit d’appel pour le crime de uis commis de manière manifeste22. Cette disposition semble avoir été contestée pour son extrême sévérité. En effet, Constance II s’est senti obligé de légitimer les mesures de son père. Évoquant sa piété filiale, il a éprouvé le besoin de rappeler un extrait de la loi de 317. Il a justifié sa sévérité en rappelant la grande clémence dont son père avait fait preuve habituellement. Cependant, Constance II a en revanche réduit de manière très notable dans sa loi les peines prévues pour le crime de violence. Cette clémence compensait sans doute son refus de revenir sur les dispositions réglant le droit d’appel23. L’empereur s’est limité en effet à proposer l’alternative entre la déportation et la simple confiscation de la moitié des biens, faiblement pénalisante, pour le coupable. Ces peines semblent concerner tous les cas couverts par le crime de uis, à l’exception sans doute de ceux commis de manière manifeste. Or, dans le cas d’une invasion de propriété commise par des hommes armés, la possibilité offerte par Constance II au gouverneur de se limiter à confisquer la moitié des biens du coupable marque un recul notable des pénalités par rapport à l’époque des Sévères. En effet, comme nous l’avons vu, seule la déportation était prévue pour ce crime relevant de la uis publica. Il s’agit d’un des rares cas où les pénalités pour un crime étaient plus faibles au ive siècle qu’au iiie siècle. La législation du ive siècle n’a donc pas été marquée de manière uniforme par une aggravation des peines. Constance II, qui semble gêné par la sévérité de son père, légitimait par une allusion à sa fidélité dynastique ce changement profond. Il est probable que sa loi a répondu aux pressions de notables critiquant les lois de Constantin pour leur sévérité. La législation sur la violence de Constantin et de Constance II apparaît ainsi avoir été négociée en concertation avec les élites.
11Une loi de Théodose du 6 mars 390 introduit une limitation encore plus prononcée des peines pour les notables coupables du crime d’invasion de propriétés. En effet, elle impose les pénalités édictées antérieurement pour le crime de uis uniquement pour les personnes uiles ou infames qui l’auraient commis, ou pour ceux qui l’auraient perpétré plusieurs fois24. La catégorie des uiles semble faire allusion de manière générale aux humiliores ou bien à certaines professions particulièrement dévalorisés25. Cette loi se concentre sur le cas des coupables issus des plus basses couches sociales. Elle impose en effet que les esclaves ayant commis un crime de uis soient condamnés à mort si leur maître n’en a pas eu connaissance et aux mines si celui-ci les a exhortés à commettre ce crime. Dans ce dernier cas, leur maître était uniquement frappé par la peine d’infamie. Théodose a donc défini le cadre d’une répression graduée des crimes de violences commis par les élites. Au contraire, les esclaves étaient jugés responsables de leurs actes dans tous les cas de figure. L’ordre du maître n’était reconnu que comme un facteur atténuant légèrement leur responsabilité. Théodose déplaçait ainsi les responsabilités de l’instigateur du crime et de celui auquel il profitait à ceux chargés de sa réalisation effective. En effet, Théodose n’a puni que de l’infamie un notable commettant le crime de uis pour la première fois. Pourtant, selon cet empereur, seule la folie expliquait qu’un notable demande à ses esclaves d’envahir une propriété. Ce n’était qu’en cas de récidive, et surtout s’il commettait ce crime fréquemment, que le notable était puni sévèrement. Théodose faisait sans doute allusion aux peines prévues par la loi de Constance II de 357 ou 361. Il montrait ainsi une grande tolérance envers les crimes accomplis par les membres des élites. Sa loi de 390 marque donc un palier supplémentaire dans le processus de réduction des peines pour uis relatives aux honestiores engagé depuis Constance II.
12Or, Théodose a justifié la peine modérée de l’infamie lors d’une première perpétration de ce crime en invoquant la lex Iulia de ui. Pourtant, telle qu’elle était appliquée à la fin du iiie siècle, cette lex prévoyait d’autres pénalités plus sévères ajoutées à l’infamie, telles la relégation et la confiscation du tiers des biens, et ceci uniquement pour les cas moins graves de violences, assimilées à la uis privata, commises sans armes26. Théodose, qui ne différenciait d’ailleurs pas les invasions de propriétés menées avec ou sans armes, dénaturait donc tant la lex Iulia de ui originelle, celle de l’époque augustéenne, que la façon dont les juristes du iiie siècle l’avait interprétée27. Comme pour Constance II, son appel à la tradition, facteur de légitimité, ne lui servait qu’à introduire une innovation, qui consistait pour ces deux empereurs en un abaissement des peines pour les notables. Théodose semble en fait, comme l’a remarqué Jean Coroï, réintroduire une distinction entre la uis priuata, qui caractériserait le premier acte de violence d’un notable puni d’infamie, et la uis publica, qui engloberait les cas de récidives punis de la déportation28.
13Théodose excusait ainsi en grande partie les notables qui ne commettaient qu’une unique fois le crime d’invasion de propriétés. La perte de leurs dignités était pour eux l’unique enjeu. Seule la récidive transformerait un notable en véritable criminel devant encourir des peines sévères. Les juristes de l’époque classique avaient déjà souligné l’importance du concept de récidive, qui différenciait le criminel occasionnel de celui endurci29. Callistrate avait présenté une gradation des peines, rappelant celle de la loi de Théodose, pour les violences commises par des iuuenes humiliores, punis d’abord par une simple flagellation, puis par l’exil ou la peine capitale en cas de récidive30. Le droit pénal tardif paraît encore une fois avoir développé des analyses plus fines des critères aggravants ou atténuants d’un crime que celles existant dans le droit classique. Théodose lui-même a évoqué le principe de récidive dans une loi de 381 interdisant d’étendre le pardon pascal aux criminels endurcis31.
14Cette législation s’explique sans doute parce que l’empereur tenait à ménager les notables italiens après sa victoire sur Maxime en 389. Son pouvoir était alors mal établi sur l’Italie. Théodose était personnellement entré en conflit avec Ambroise – que de nombreux notables chrétiens d’Italie considéraient comme leur porte-parole – à propos de l’affaire de Thessalonique au printemps 39032. Il a cependant compensé son attitude tolérante en matière pénale par une plus grande sévérité concernant les pénalités civiles appliquées aux notables tentant de récupérer leur bien par la force. Une loi de 380, émise par Théodose et Gratien, condamne les personnes de bonne foi occupant illégalement un domaine leur appartenant avant l’obtention d’une décision de justice, à le perdre intégralement. Ces dispositions ont été reprises en juin 389 pour le cas spécial des occupations de biens de la Res privata et confirmées pour tous les autres cas33. Constantin, dans sa loi de 319, s’était limité à imposer la confiscation de la moitié du domaine en question34. Théodose voulait sans doute résoudre en 389 un problème conjoncturel, celui des propriétés confisquées par Maxime en Italie, que leurs légitimes propriétaires ont sans doute tenté de récupérer dès sa chute. Les périodes de vacances du pouvoir impérial étaient ainsi marquées par une recrudescence des invasions de propriétés commises par des notables.
15La législation de Théodose s’explique parce que les pénalités sévères pour invasions de propriétés étaient mal acceptées par les notables, comme le montre une relatio de Symmaque de 384. Ce préfet de la ville est en effet intervenu en faveur d’un jeune notable, agens in rebus, qui n’était pas parvenu à étayer suffisamment une accusation avec inscription pour uis35. Les accusateurs ayant été déboutés devaient subir les pénalités prévues pour le crime en question. Symmaque tentait de protéger cet agens in rebus des pénalités prévues pour le crime de uis en expliquant son accusation hâtive par sa jeunesse téméraire. Ceci explique que Théodose, par une loi du 25 décembre 394 ou du 6 janvier 395 adressée au fonctionnaire faisant office de préfet du prétoire d’Italie, Pasiphilus, ait aboli l’obligation d’une inscription pour les crimes de uis, sans doute pour faciliter le dépôt de plaintes36. Un autre fragment de cette loi impose à Pasiphilus de consacrer son activité judiciaire aux seuls crimes avec inscription, tels la uis privata, la uis publica, ou le vol de troupeaux de bétail (abigeus)37. Cette loi constituait un élément de la stratégie de Théodose et de ses conseillers pour rallier les notables italiens ayant soutenu l’usurpation d’Eugène, vaincu en septembre 394. Certains grands propriétaires terriens italiens, comme en 389, ont sans doute profité de la situation troublée régnant en Italie à la suite de cette guerre civile pour agrandir illégalement leurs propriétés. Le crime de uis présente en effet la particularité d’être principalement un crime de notables dont souffraient d’autres notables.
2. Vol de bétail et port d’armes
16La législation de Constantin sur la prévention de la violence semble avoir inspiré certaines mesures prises par des empereurs du ive siècle sur d’autres formes de troubles ruraux. Une loi de Valentinien de septembre 364 a condamné toute personne usant d’un cheval en Italie suburbicaire, à l’exception des sénateurs, des honorati, des décurions et des vétérans, à subir les peines des abactores, les voleurs de troupeaux de bétail38. Une autre loi de cet empereur, datée d’octobre de la même année, a interdit aux bergers de la Res privata de Campanie de détenir des troupeaux de chevaux en les menaçant des mêmes supplices39. Une dernière loi de Valentinien, de 365, condamne de même les rapines commises habituellement par les abactores, reliant ainsi vol de bétail et violence40. Il s’agissait donc de mesures d’urgence destinées à prévenir le vol de bétail en Italie. Elles étonnent par leur radicalité. Alors que Constantin a présenté les invasions de propriétés comme étant la principale cause de troubles dans les campagnes, Valentinien a au contraire pointé du doigt les abactores comme étant responsables de ces désordres. Le simple fait de posséder un cheval, pour une personne ne faisant pas partie des catégories privilégiées, entraînait une peine de travaux forcés à temps limité41. Or, le vol de troupeaux de bétail connaissait déjà sous les Sévères une répression majorée lorsqu’il était commis en Italie. Si l’on en croit Ulpien, dont le propos est repris dans une collection juridique de la fin du ive siècle, les abactores armés de glaive en Italie devaient en effet être envoyés ad bestias, sans doute pour répondre aux besoins des spectacles romains42. À la fin du iiie siècle, les coupables de ce crime dans les autres provinces de l’Empire n’étaient qu’occasionnellement frappés de la peine capitale, la condamnation à perpétuité étant aussi mentionnée pour ce crime43. La loi de Valentinien offrait de même une mesure spéciale relative à l’Italie. La proximité du pouvoir impérial rendait ainsi inacceptable ces troubles ruraux, d’autant plus que Valentinien a lui-même résidé en Italie de 364 à 367. Le parallèle entre les mesures de cet empereur et la loi de Constantin de 317 est frappant. Dans un objectif de prévention, certains actes recevaient une répression majorée parce qu’ils étaient supposés conduire à de graves troubles ruraux. Valentinien supposait en effet implicitement que tous les bergers étaient susceptibles de pratiquer le vol de bétail avec violence. Valentinien se donnait d’ailleurs avec sa loi d’octobre 364 l’objectif d’affaiblir, voire de supprimer, les déprédations commises par les voleurs de bétails définis en tant que latrones, bandits professionnels.
17Honorius a utilisé une autre stratégie pour lutter contre le vol de bétail. En décembre 399, il a condamné à la peine sévère de la relégation les propriétaires terriens ou procurateurs de domaines qui offraient à leurs bergers la possibilité d’utiliser des chevaux dans les provinces de Valérie et du Picenum44. Ils étaient ainsi implicitement supposés être complices des vols de bétail qui pourraient être commis par leurs bergers. La peine qui leur était infligée était très sévère. Trajan n’avait condamné qu’à dix ans de relégation les notables qui montraient une connivence beaucoup plus grande avec des brigands en achetant le bétail qu’ils avaient dérobé45. Honorius marquait ainsi sa suspicion envers les élites italiennes, supposées responsables au moins indirectement, par leur laxisme, de la criminalité rurale46. Honorius s’opposait ainsi dans ce domaine à son père, qui avait marqué en 390 une grande tolérance envers les crimes d’invasions de propriétés commises par des notables, en particulier italiens.
18Honorius a suivi les mêmes tendances envers un crime souvent rapproché des invasions de propriétés, le déplacement de bornes. Cet empereur a en effet puni en novembre 400 par la condamnation aux mines et par la peine terrible du fouet plombé les personnes enlevant des tituli, pancartes indiquant le possesseur d’un domaine47. Le châtiment du fouet plombé était considéré à cette époque comme équivalent à la peine capitale48. On peut observer une aggravation continue des pénalités pour ce crime depuis le Haut-Empire. Hadrien a condamné le déplacement de bornes par la peine sévère de la relégation dans le cas d’honestiores et par la peine beaucoup plus limitée des travaux forcés pour une période de deux années pour les humiliores49. Ce crime, implicitement rapproché de la vis privata par ses pénalités, n’était encore condamné à la fin du iiie siècle que par la relégation et la confiscation d’un tiers des biens pour les honestiores, la condamnation aux mines étant réservée aux seuls esclaves50. L’élévation des pénalités relatives aux personnes employées par des propriétaires terriens, marquait ainsi, à l’époque d’Honorius, le terme d’une évolution entamée depuis le iiie siècle. Honorius témoignait ainsi de sa réelle suspicion envers les élites, supposées protéger leurs bergers voleurs de bétail et qui cherchaient à étendre illégalement leurs propriétés par l’intermédiaire de leurs dépendants, cibles principales de la loi de 400. Sa politique se révélait donc plus sévère envers cette catégorie sociale que celle de son père. Ce qui s’explique sans doute parce qu’à cette époque, Honorius et Stilichon, ayant vaincu Gildon en Afrique, avaient raffermi leur pouvoir sur l’Italie et voulaient mettre au pas les élites italiennes.
19Il existe un témoignage littéraire contemporain, méconnu, montrant que l’opinion publique italienne marquait une certaine suspicion envers ses élites, accusées de favoriser le banditisme rural. L’Histoire Auguste offre une biographie largement fantaisiste d’un usurpateur, Proculus, sous le règne de Probus à la fin du iiie siècle. Ce notable, issu d’une domus nobilis de la cité d’Albenga dans les Alpes Cottiennes, se serait livré toute sa vie au brigandage et au vol de bétail à la tête de deux mille de ses esclaves, avant de devenir usurpateur en Gaule51. Il entretenait donc dans cette région montagneuse une armée de bergers d’origine servile, dont il commanditait les vols de bétail. Les grands propriétaires étaient ainsi supposés faire corps avec leurs esclaves délinquants. André Chastagnol et François Paschoud ont placé la date de rédaction de cette biographie entre 399 et 40152. Le terme domus nobilis semble plus faire référence à une famille sénatoriale qu’à une dynastie de notables municipaux53. Le portrait de Proculus a été l’objet de nombreuses déformations par l’auteur de l’Histoire Auguste, qui a introduit par ce biais des allusions à divers contemporains54. Cependant, cet auteur, pourtant probablement issu des milieux sénatoriaux romains, semble se moquer particulièrement, dans cette biographie, de l’orgueil des notables municipaux d’Italie en expliquant l’origine de leur patrimoine par la pratique du banditisme. En attribuant une véritable armée servile à Proculus, il trace un parallèle évident avec les troubles ruraux qui avaient frappé l’Italie à l’époque précédant les guerres civiles républicaines55. Honorius a interdit en 397 ou en 399 la possession par les sénateurs d’escortes de gladiateurs armés56, une pratique bien attestée sous la République. D’autre part, le laxisme des propriétaires terriens, laissant leurs esclaves vivre de leurs actes de banditisme, a été reconnu comme une cause des révoltes serviles de l’époque républicaine57. L’auteur de l’Histoire Auguste semble donc tracer un parallèle entre les troubles ruraux frappant l’Italie tant à l’époque républicaine qu’au ive siècle. La biographie de Proculus semble être particulièrement dirigée contre les notables d’Italie du Nord. Or, une des lois relatives à l’interdit unde ui, réglant au civil les affaires d’invasions de propriétés, a été justement adressée en 396 ou 397 à Arrianus, gouverneur de Ligurie, province dont Albenga était très proche58. Elle proposait des facilités aux familles de personnes ayant abandonné leur bien pour le récupérer. Cette loi spécifique indiquait l’acuité du problème d’invasions de propriétés en Ligurie à cette date. L’auteur de l’Histoire Auguste semble donc faire allusion à des troubles qui lui étaient immédiatement contemporains.
20Le pouvoir impérial semble ainsi avoir hésité au ive siècle entre une certaine tolérance envers les notables et la suspicion que leurs pratiques habituelles violentes lui inspiraient. La sévérité de Constantin a été nuancée par Constance II et surtout par Théodose, avant que son fils Honorius n’inverse cette tendance. Il est donc difficile de trouver une cohérence interne à la législation impériale du ive siècle, même si elle était unie par les mêmes principes. Les lois sur le crime de uis et le vol de bétail expriment surtout les rapports de force changeants entre l’empereur et les notables, principalement italiens.
21La volonté impériale de prévenir les violences en Italie ne s’est pas seulement exprimée par la répression du vol de bétail, mais aussi par une restriction du droit de port d’armes, même à titre défensif. Une autre fragment de la loi de Valentinien d’octobre 364 relative au vol de bétail en Campanie, sous le titre Quod armorum usus interdictus est, a limité le port d’arme dans cette province, même à but défensif, aux seules personnes ayant une autorisation officielle. Celle-ci n’était sans doute délivrée qu’aux notables, honorati, décurions ou vétérans, considérés comme étant au dessus de tout soupçon59. Il est possible que cette mesure, destinée à réduire les fréquents vols de bétail en Italie du Sud au ive siècle, ait été appliquée au moins à l’ensemble de l’Italie suburbicaire. Une novelle de Valentinien III de 440 a par contre rétabli le droit pour les provinciaux de s’armer pour combattre les incursions des Vandales en Italie. Valentinien III faisait référence au patriotisme des citoyens, nécessaire pour suppléer aux insuffisances de l’armée, en exigeant néanmoins le respect de la publica disciplina par les personnes qui se seraient armées60. Il évoquait ainsi non seulement le droit mais aussi le devoir de lutter contre des barbares décrits comme étant des praedones. L’empereur Majorien a en revanche réactivé la loi de Valentinien en interdisant de nouveau aux Italiens, en 456-457, d’user d’armes61. La fin des menaces pesant sur Rome, après l’expédition des Vandales de 455, rendait ainsi inutile le recours aux civils. Le pouvoir impérial oscillait donc entre une politique de prévention de la violence, nécessitant un contrôle de l’usage des armes, et la tentation de mobiliser les populations civiles.
22Or, Cassiodore atteste du maintien de l’interdiction du port d’armes au moins pour le Bruttium et la Sicile à l’époque ostrogothique62. Cette interdiction avait sans doute été étendue à l’ensemble de l’Italie. L’Anonyme de Valois rapporte en effet que Théodoric avait interdit le port d’armes par les Romains, à l’exception des stylets63. Il semble donc que Théodoric ait remis en vigueur la loi de Valentinien Ier, un prince qu’il avait pris pour modèle64. Théodoric a en outre augmenté de manière radicale les peines pour les abactores, condamnés à mort même s’ils n’avaient pas utilisé de violence ou d’une arme65. Il se plaçait ainsi dans la lignée de Valentinien et de ses mesures exceptionnelles destinées à combattre la violence en Italie, notamment le vol de bétail. L’Anonyme de Valois offre une image très positive de l’établissement des Ostrogoths en Italie. Le royaume de Théodoric aurait été particulièrement sûr, puisque tous les italiens étaient supposés pouvoir garder dans leurs domaines de la campagne leur or et leur argent aussi sûrement que dans une cité66. La sécurité publique et la répression de la violence constituait donc un thème privilégié de la propagande de Théodoric en direction des populations civiles italiennes, complaisamment relayé par l’Anonyme de Valois. La continuité avec le ive siècle en terme de politique et de propagande impériale est particulièrement frappante. On observe ainsi, encore au vie siècle, après la fin de l’Empire d’Occident, le maintien de l’utopie d’un statut spécial de l’Italie, qui devait être une terre sans violence, armes ou criminalité.
3. Une innovation problématique de théodose : l’extension du droit à l’autodéfense
23Une loi de Théodose du 1er juillet 391 dénote un principe de prévention de la violence et des crimes qui rappelle la loi de Constantin de 317 :
« Le droit à l’autodéfense, nous l’octroyons à tous, quand un militaire ou un civil s’introduit de nuit sur des terres pour les piller ou bloque, par des embuscades en vue d’agressions, des routes fréquentées ; la liberté d’action étant laissée à chacun, que celui qui le mérite soit aussitôt soumis au supplice, qu’il subisse la mort qu’il menaçait de donner et qu’il encoure ce qu’il prévoyait pour autrui. Il vaut mieux en effet faire face au moment critique qu’être vengé à titre posthume. Nous vous permettons donc de vous venger et, comme il est trop tard pour juger et punir, nous soumettons par édit : que personne n’épargne un militaire à qui il faut résister avec une arme comme s’il s’agissait d’un bandit »67.
24Cette loi accorde des dispositions très originales en matière de droit pénal. En effet, les provinciaux reçoivent le droit de tuer toute personne entrant dans un champ la nuit pour le piller ou attaquant des personnes sur les routes. L’énoncé est ambigu. Les dispositions initiales semblent en effet restreintes par la suite du texte, qui se limite à faire allusion à de stricts cas d’autodéfense, mettant en jeu la vie de la victime. Cependant, la première phrase peut être comprise isolément : l’allusion aux principes réglant l’autodéfense ne constitue pas une restriction, mais plutôt la justification des dispositions accordées au début de la loi. Pour comprendre cette mesure, il faut la rapprocher de celle relative au crime de uis en 390, émise par le même empereur (CTh IX, 10, 4). Comme nous l’avons vu, Théodose justifiait alors ses dispositions originales par une allusion aux pénalités définies traditionnellement par la lex Iulia de ui, qu’il modifiait pourtant profondément. Il a de même éprouvé le besoin de justifier sa loi de 391 en invoquant le principe anciennement reconnu d’autodéfense. De la même manière, la dernière phrase de cette loi n’indique pas que seuls les militaires étaient concernés. Ce passage se limitait à évoquer un simple cas particulier. La première phrase évoquait un droit d’autodéfense élargi accordé aux provinciaux à l’encontre tant des civils que des militaires pillards68.
25La caractéristique la plus frappante du texte est l’absence de prise en compte de la question de l’usage d’armes. Le droit d’autodéfense est même accordé aux victimes attaquées par des personnes non armées qui ne mettaient pas en danger leur vie. Il s’agit donc d’une rupture. Un rescrit de Dioclétien de 294, dernier décret impérial connu sur la question de l’autodéfense avant la loi de Théodose, n’accordait le droit de tuer son agresseur que s’il était armé necandi causa69. La loi de Théodose, sous couvert d’autodéfense, était bien une loi de prévention de la criminalité. L’empereur considérait explicitement que certains auteurs de violences devaient être punis de mort parce que leurs actions entraînaient souvent des meurtres. Les pillards et les coupables d’agressions sur les routes ne devaient donc pas être seulement punis pour leurs actes mêmes mais aussi parce qu’ils étaient potentiellement des meurtriers. Le parallèle avec la loi de Constantin de 317 est frappant. Dans les deux cas, et afin de prévenir des meurtres, les auteurs de simples violences devaient être exécutés. Ces deux lois impliquent une même extension du principe d’autodéfense. Constantin a permis à une victime de tuer toute personne tentant d’occuper son domaine, seul l’agresseur étant jugé responsable. Théodose a étendu cette licence à l’encontre des personnes entrant sur un domaine de nuit pour le piller. Occupation permanente et pillage temporaire d’une propriété étaient ainsi mis en rapport. Les deux textes peuvent être d’autant plus rapprochés que toute violation de propriété, commise avec violence, rendait passible de l’accusation de uis70. Cependant, les politiques de Constantin et de Théodose ont ciblé des catégories sociales différentes. Constantin a fondé sa politique d’ordre public dans les campagnes sur la répression des crimes commis par les notables. Au contraire, Théodose, par sa loi de 390, a fortement réduit les pénalités prévues par Constantin pour les notables pratiquant les invasions de propriété, tout en maintenant une répression sévère contre les uiles ou esclaves commettant le même crime. Ses lois de 390 et de 391 étaient donc parfaitement cohérentes. Sa politique d’ordre public était destinée principalement à réprimer les violences commises dans les campagnes par des personnes d’origine humble.
26La loi de Théodose de 391 permet aussi à tout propriétaire terrien de tuer tout populator entrant sur son domaine de nuit. Ce terme ambigu désigne de manière générique un pillard, pouvant user de violence pour accomplir des vols. Cette loi marque donc une répression renforcée de la violation de propriété. On peut trouver des prémisses de cette évolution dès la fin du iiie siècle. Ulpien précise que les directarii, qui pénétraient sans effraction dans des maisons pour les piller, et les effractores, n’étaient punis que des travaux forcés, l’opus, à temps limité ou à perpétuité71. Selon le juriste Paul, seule la présence d’un facteur aggravant, usage d’armes ou opération commise de nuit, leur faisait encourir la condamnation plus grave aux mines72. Or, un passage des Sentences attribuées au juriste Paul à la fin du iiie siècle ou au début du ive siècle propose pour les directarii, quelque soient les circonstances de l’acte, le choix entre la condamnation aux mines ou les travaux forcés, sans qu’une limitation de durée soit indiquée73. On observe donc une aggravation de l’échelle des peines d’un degré entre l’époque des Sévères et la fin du iiie siècle. Augustin d’Hippone offre d’ailleurs un témoignage précis montrant qu’au début du ve siècle tous les effractores, même non armés, étaient envoyés aux mines74. En effet, selon ce Père de l’Église, ces criminels trouvaient leur place parmi les criminels majeurs entre les malefici et les adultères, punis eux par la peine capitale75. La loi de Théodose trouve ainsi sa place dans un processus de condamnation de plus en plus sévère des effractores ou autres pillards agissant de manière parallèle. Théodose pouvait donc logiquement considérer que les pillards commettant une violation de propriété de nuit, facteur aggravant, méritaient la mort. On retrouve dans cette loi une élévation d’un degré de l’échelle des pénalités depuis l’époque des Sévères. Sa loi de 391 constitue ainsi le terme d’une évolution juridique continue depuis le début du iiie siècle. Au-delà de la question du viol de propriété, la dangerosité potentielle du populator nocturne explique aussi cette hausse des pénalités. Augustin d’Hippone a remarqué qu’il était difficile de savoir si un voleur nocturne venait pour seulement piller ou plutôt pour tuer76. Théodose évoque en effet explicitement sa volonté de prévenir les meurtres, au moins dans les campagnes, en supposant que les personnes entrant de nuit dans des propriétés, mêmes non armées et sans intention criminelle prouvée, pouvaient commettre de tels crimes.
27L’étude du second cas particulier permet de comprendre l’évolution engendrée par la loi de Théodose. Celle-ci offre la possibilité aux provinciaux de tuer toute personne les attaquant lors d’un voyage. Or, ces criminels, regroupés sous le terme technique de grassatores, étaient seulement punis à l’époque des Sévères de la condamnation aux mines lorsqu’ils n’étaient pas armés. Seuls ceux exécutant des attaques fréquentes avec usage d’armes étaient condamnés à la peine capitale à cette époque77. La loi de Théodose, comme celle de Constantin de 317, mettait sur le même pied les violences commises avec ou sans armes, les punissant de la peine capitale. Les peines des grassatores, supposés mettre en danger dans tous les cas la vie de leur victime, étaient ainsi augmentées d’un degré. Cette politique de prévention des crimes passait donc par une extrême sévérité.
28La portée de la loi de Théodose de 391 a été l’objet d’un débat relatif à la question de l’autodéfense. Un chercheur italien, Arrigo Manfredini, a mis en doute son originalité. En effet, selon lui, cette loi n’aurait permis que de tuer de véritables brigands, latrones. Il aurait existé dès le Haut-Empire une présomption juridique de danger permettant de mettre à mort tout brigand78. Arrigo Manfredini marque ici une certaine hésitation, en affirmant tour à tour que Théodose en 391 s’est limité à donner une valeur juridique à ce principe et que celui-ci avait déjà reçu valeur légale sous le Haut-Empire79. En fait, le principal problème de son interprétation réside dans le sens qu’il accorde au terme latro, celui de brigand armé professionnel, correspondant en fait à son usage littéraire80. En réalité, aucun texte juridique romain ne définit ce vocable. Les critères d’usage d’armes et de participation à une bande ne sont nulle part spécifiés81. Le mot paraît plutôt avoir été employé pour désigner de manière vague les délinquants, surtout ceux commettant des vols avec violence82. La loi de Théodose de 391 emploie bien le terme latro dans le sens littéraire de membre d’une bande organisée de délinquants armés, mais seulement de manière métaphorique pour justifier la sévérité des mesures imposées, notamment contre les déserteurs pillards.
29La thèse d’Arrigo Manfredini nécessite de revenir sur la question du droit à l’autodéfense sous le Haut-Empire. En fait, l’absence de définition juridique du terme latro explique qu’aucun texte juridique du Haut-Empire ne permette de tuer dans toutes circonstances des criminels rangés sous cette catégorie. Au contraire, le principe d’autodéfense a toujours été restreint avant la loi de Théodose de 391, puisque la présomption de danger devait toujours être prouvée. Un rescrit de Gordien III ne permettait à une victime de tuer son adgressor que si sa vie était en danger83. L’empereur Gallien précise de même qu’il n’était possible de tuer une personne qui commettait des latrocinia uniquement si l’on pouvait prouver sa volonté de commettre un meurtre84. Un fragment des Sentences attribuées au juriste Paul offre seulement la possibilité de tuer le latro caedem inferens, le bandit dont on pouvait être sûr de l’intention meurtrière répétée85. Le principe d’autodéfense semble d’ailleurs avoir été compris de manière de plus en plus restrictive, puisque même le cas du voleur armé agissant de nuit était sujet à caution à la fin du iiie siècle. Selon les Sentences attribuées à Paul, le meurtrier devait en effet prouver qu’il n’avait pu capturer le voleur armé qui le menaçait et le livrer au gouverneur86. Avant la loi de 391 il n’existait donc pas de possibilité pour les provinciaux de se faire justice sur la personne d’un bandit, à moins que leur vie soit en jeu. Au contraire, un rescrit de Gordien III de 243 a imposé à un notable qui chassait un brigand célèbre de le livrer au gouverneur, seul à même de l’exécuter87.
30Il faut donc revenir aux arguments d’Arrigo Manfredini. Il s’est fondé en réalité sur quelques passages du Digeste uniquement relatifs à des esclaves criminels. Ulpien en effet considère que le meurtrier d’un esclave latro ne doit pas verser de pénalités au titre de la lex Aquilia à son propriétaire88. Gaius suit le même principe pour le cas d’un esclave latro insidians, en se justifiant par le droit naturel pour chaque personne de se défendre89. Ces deux passages évoquent sans doute des règles spécifiques destinées à réprimer le banditisme des esclaves, peut-être des mesures d’urgence prises lors de la période républicaine90. Elles ne pouvaient être transposées aux personnes libres, dont la vie était beaucoup plus précieuse. Les juristes pouvaient se permettre dans le cas d’esclaves l’usage de concepts peu précis91.
31Le principal intérêt de l’étude de Manfredini est de mettre en valeur l’existence dès le Haut-Empire d’un courant d’opinion exigeant la possibilité de pouvoir mettre à mort automatiquement toute personne supposée être un brigand. Ainsi, Cicéron, dans son Pro Milone, a justifié le meurtre des latrones et des insidiatores à tout moment par un droit qui serait naturel, celui d’éliminer des personnes nuisibles par nature. Cependant, il s’agissait pour le célèbre rhéteur d’une stratégie judiciaire, justifiant le meurtre du latro Clodius par Milon qui avait été pourtant l’agresseur lors de leur rencontre finale. L’argument préventif employé par Cicéron, évoquant la nécessité de tuer un brigand pouvant commettre des crimes ultérieurs, a été repris de manière explicite par Théodose dans sa loi de 39192. Dans un autre de ces discours, le Pro Tullio, Cicéron, pour défendre son client, a au contraire critiqué ce même principe. Il a défendu une conception restrictive du droit d’autodéfense, limité aux seuls cas où la vie de la victime était en danger93. Dans son appréciation, Cicéron variait ainsi, pour les besoins tactiques de ses plaidoyers, d’un principe supposé inclus dans un droit qui serait naturel mais qui n’a jamais été reconnu comme règle juridique.
32Ce débat affleure aussi dans la célèbre controverse sur l’actualité de la loi des XII Tables entre le philosophe Favorinus, qui la jugeait trop sévère, et le juriste Africanus, qui la pensait applicable au second siècle de notre ère. Africanus jugeait en effet acceptable de mettre à mort tout voleur nocturne, comme le prévoyait la loi des XII Tables, en faisant allusion à l’audace du fur manifestus et à la violence intolérable du nocturnus grassator. Ils étaient supposés, même non armés, représenter un danger potentiel pour leurs victimes94. Finalement, Théodose, par sa loi de 391, a donné force de loi à l’avis d’Africanus, en permettant à toute personne de tuer tant les personnes l’attaquant sur des routes, désignées habituellement par les juristes par le terme grassator, que les pillards entrant sur son domaine la nuit. Le caractère nocturne de l’acte ou le cheminement sur une route publique créaient une présomption de danger reconnue légalement par Théodose. Le courant d’opinion représenté par Cicéron, dans le Pro Milone, et Africanus était en effet toujours répandu aux ive et ve siècles. Augustin d’Hippone, dans son traité De Mendacio daté de 395, affirme ainsi qu’une personne qui ne tuerait pas un bandit deviendrait elle aussi un assassin, puisqu’elle serait responsable de la mort des futures victimes du brigand95. Il défendait donc le droit de tuer à tout moment toute personne nuisible assimilée à un latro, forcément récidiviste. L’évocation de latrones à titre métaphorique par Théodose dans sa loi de 391 n’était donc pas gratuite. Cet empereur, en assimilant les personnes attaquant des voyageurs et les pillards de domaines à ce type de criminels, justifiait ainsi la sévérité de ses mesures à leur encontre. Il pouvait ainsi, comme le faisaient les juristes de l’époque classique, supposer implicitement que les auteurs de vols avec violences étaient en général des professionnels endurcis du crime, selon la définition littéraire commune du terme latro96. Théodose s’est ainsi limité à reconnaître légitime un courant d’opinion existant depuis le Haut-Empire. Sa loi constituait bien une innovation, contrairement à ce qu’affirme Manfredini.
33Théodose a conduit en fait une véritable politique d’ordre public dans les campagnes en utilisant le thème de la lutte contre les latrones. En juillet 383, il a défini un nouveau délit, la dissimulation du latro par un propriétaire terrien sur son domaine. Ce délit était puni par la perte de ce domaine, l’intendant étant condamné à la peine capitale. La disposition est rappelée dans un fragment d’une autre loi de Théodose, datée du 27 février soit de l’année 383 soit de l’année 39197. Théodose impliquait ainsi les propriétaires terriens dans la lutte contre le banditisme en leur imposant de dénoncer et de livrer les brigands présents sur leur domaine. En réalité, le terme latro désignait sans doute ici, comme nous l’avons vu, non des bandes de brigands professionnels mais aussi, de manière plus générale, de simples paysans locaux coupables de vols avec violences, attaques de voyageurs ou pillages de domaines. L’interprétation de cette dernière loi est rendue difficile par l’incertitude concernant sa datation98. Si l’on retient la date de 383, elle montrerait la détermination de Théodose à remettre en ordre les campagnes après la fin de la guerre gothique. En revanche, si l’on place cette loi en 391, la cohérence de la politique de Théodose envers le banditisme apparaît particulièrement frappante. En février de cette année, il aurait imposé aux propriétaires de biens-fonds de dénoncer les brigands présents sur leur domaine, puis, en juillet suivant, il leur permettait de tuer tout pillard entrant sur leur domaine de nuit. Il s’est ainsi appuyé sur eux pour appliquer sa politique de lutte contre les violences qui troublaient les campagnes, en leur offrant les moyens de mieux protéger leurs propriétés. C’était les favoriser dans leur lutte contre les violences rurales, mais c’était aussi leur imposer cette mission sous peine de perdre leurs domaines. On peut donc comprendre qu’il ait fait preuve d’une certaine tolérance envers les crimes commis par ces notables, telles les invasions de propriétés. Ces lois de Théodose dénotent en fait la dévolution progressive de missions publiques à des propriétaires fonciers à partir de la fin du ive siècle99.
34Théodose a ainsi admis un principe totalement nouveau. Le droit pour des victimes de résister à un agresseur, voire de se venger de dommages subis, pouvait se substituer à la fonction judiciaire des gouverneurs ruraux. Il proposait ainsi aux citoyens, notamment aux propriétaires terriens, de relayer l’État dans une de ses prérogatives essentielles, la lutte contre la criminalité. Selon la loi de 391, les citoyens étaient en effet explicitement supposés se charger à la place de l’État du supplicium à appliquer aux bandits. Cette loi leur permettait de se venger sans attendre un véritable jugement. Ce principe nouveau a été repris et développé par son fils Honorius. Si un fragment de sa constitution du 2 octobre 403 attribuait aux provinciaux la liberté de résister aux déserteurs, un autre fragment de la même constitution leur imposait d’arrêter effectivement tous les déserteurs qu’ils pouvaient rencontrer. Ils devaient même tuer les déserteurs qui auraient refusé, sans doute violemment, d’être transférés aux autorités militaires100. Honorius avait donc le projet de contraindre les populations civiles à s’impliquer dans la lutte contre la désertion lors d’un moment de crise, marqué par l’entrée d’Alaric en Italie. Elles étaient supposées de substituer à un État défaillant et assurer elles-mêmes la vengeance publique contre les criminels. Le Code Justinien, prenant acte de ce nouveau principe, a d’ailleurs réuni dans une rubrique spécifique, au titre explicite, Quando liceat sine iudice unicuique uindicare la loi de Théodose de 391 et celle d’Honorius de 403101. Ce principe avait cependant été établi dans certains cas dès l’époque classique. Tertullien a affirmé au début du iiie siècle, dans un passage évoquant d’ailleurs la répression des latrones, que tout citoyen devenait automatiquement un soldat lorsqu’il rencontrait un hostis publicus ou un transfuge102. Selon le juriste Marcien, il était permis à tout civil de tuer un transfuge, assimilé à un ennemi103. Les brigands, dès l’époque des Sévères, ont été reconnus comme étant coupables de crime de maiestas104. Théodose et Honorius se sont donc limités à étendre l’obligation pour les civils de lutter contre les ennemis de l’État à tous les coupables de crimes ruraux assimilés à des brigands, supposés mettre en danger la discipline publica.
4. Application et destin de la loi de Théodose sur l’autodéfense
35Les chercheurs ayant commenté la loi de Théodose de 391 se sont peu interrogés sur ces questions. Il existe cependant un témoignage méconnu montrant qu’elle était couramment utilisée au ve siècle. Saint Augustin évoque dans une lettre écrite entre 406 et 408 certains propriétaires terriens catholiques qui auraient exécuté des circoncellions donatistes ayant pénétré sur leurs domaines, après les avoir capturés. Ces circoncellions commettaient fréquemment des violences contre des prêtres donatistes ayant accepté de se convertir au catholicisme après que cette hérésie eut été interdit en 405. Ils intervenaient dans les domaines de propriétaires fonciers donatistes devenus catholiques pour les empêcher de convertir de force leurs propres paysans. Augustin faisait évidemment l’éloge des propriétaires terriens qui se limitaient simplement soit à convertir les circoncellions capturés, soit à les livrer aux autorités pour être jugés105. Cependant, il a accepté d’excuser de véritables meurtres de circoncellions commis par d’autres propriétaires de terres. Augustin justifiait cette pratique en évoquant un épisode des Actes des Apôtres, qui rapporte le massacre de juifs hostiles à saint Paul par une escorte militaire le protégeant106. Il tentait donc de présenter à tort le massacre de circoncellions capturés comme une simple application du principe d’autodéfense, ainsi légitimé. En effet, les circoncellions en question, entravés, ne constituaient plus une véritable menace. Augustin devait donc justifier sa position par d’autres arguments. Il a affirmé que certains domini agissaient ainsi pour éviter d’être attaqués plus tard par ces circoncellions s’ils les avaient libérés. Il a aussi indiqué que les domini avaient le droit légitime de se venger de ces latrones en raison des violences qu’ils avaient endurées auparavant. Il a en effet assimilé à de nombreuses reprises, en particulier dans la lettre en question, les circoncellions, souvent munis d’armes, à des latrones107. Augustin d’Hippone semblait ainsi défendre le principe de la loi du talion. En fait, il ne pouvait justifier ces exécutions que par une référence implicite à la loi de Théodose de 391, dont il semble reprendre terme à terme les arguments justificateurs. L’assimilation des circoncellions à des latrones permettait de légitimer un droit à une autodéfense préventive de la part des domini, doublée de l’exercice d’une vengeance privée se substituant à celle de l’État. Augustin était en effet un très bon connaisseur du droit pénal romain et n’hésitait pas à citer dans ses œuvres des lois très récentes108.
36Augustin a été particulièrement sensible au danger représenté par les violences des circoncellions dans les années 405-411. Pour combattre ce fléau, il n’a pas hésité à privilégier les ressources offertes par la législation contemporaine sur le principe de charité chrétienne. Il marquait ainsi une grande tolérance envers les meurtres commis par des propriétaires terriens auxquels il attribuait une grande responsabilité dans la suppression du donatisme. Dans cet objectif, il a aussi modifié son jugement sur le principe d’autodéfense. Il a en effet lui-même rappelé, dans son traité sur le libre arbitre daté de 387, qu’une personne ne pouvait tuer que les brigands qui mettaient en danger sa propre vie, en suivant la législation contemporaine109. Dans une de ses lettres de 398, il a même limité le droit d’autodéfense aux seuls porteurs d’autorité publique, agissant au nom de la communauté et a sévèrement condamné les vengeances privées110. Pourtant, Augustin partageait en même temps avec Théodose les idées mêmes qu’il a utilisées pour justifier sa loi de 391. L’évêque d’Hippone, dans son traité De Mendacio, affirmait déjà vers 395, nous l’avons vu, qu’une personne qui ne tuerait pas un bandit deviendrait elle aussi un assassin, puisqu’elle serait responsable de la mort des futures victimes du brigand111. La légitimation par Augustin du droit de supprimer les brigands n’était donc pas uniquement liée au problème conjoncturel des circoncellions. Augustin, comme Théodose, acceptait ainsi de confier aux propriétaires terriens une mission d’ordre public et même le pouvoir d’infliger des châtiments capitaux. La législation de Théodose a ainsi été acceptée parce qu’elle concordait avec un courant d’opinion acceptant de mettre tous les moyens en œuvre pour lutter contre le banditisme.
37D’autres Pères de l’Église marquaient pourtant une réticence plus affirmée envers le principe même du droit à l’autodéfense. Basile de Césarée, dans une lettre de 375, a imposé à tout laïc tuant un bandit d’être séparé de l’Église pour une période indéterminée. Un clerc ayant commis un tel crime devait en revanche perdre sa charge112. Les brigands constituaient pourtant pour lui l’exemple même de meurtriers volontaires et endurcis, pouvant aller jusqu’à tuer pour simplement éviter d’être capturé113. Implicitement, Basile considérait donc que même un meurtre en cas de nécessité absolue, pour défendre sa vie, n’était pas totalement excusable et polluait son auteur. Il craignait sans doute les vengeances privées et les meurtres arbitraires qui se dissimulaient habituellement sous le principe d’autodéfense. Il était sans doute fréquent que des propriétaires terriens se fassent justice eux-mêmes sur des criminels assimilés à des bandits, avant que la loi de 391 ne donne une justification juridique à ces exécutions. Logiquement, Basile de Césarée a sans doute été opposé à cette loi.
38Comme le montre l’exemple des circoncellions, la loi de 391 pouvait être source de nombreux abus. Elle déléguait la mission publique de lutte contre le banditisme aux propriétaires de biens-fonds, qui pouvaient être tentés de s’affranchir de la tutelle de l’État114. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait été abolie ensuite, comme le montre un passage méconnu d’un livre de droit syro-palestinien de la fin du ve siècle, intégré à un Synodicon syriaque115. En effet, quatre des versions de ce livre de droit mentionnent une disposition interdisant aux personnes n’étant pas revêtues de l’autorité publique de tuer un bandit, un meurtrier ou un esclave méritant la mort dans quelque condition que ce soit. Outrepasser cet interdit rendait passible de la peine capitale, le coupable étant assimilé à un meurtrier commun116. Le simple droit à l’autodéfense en cas de danger de mort n’était même pas mentionné. Ce texte syriaque utilise d’ailleurs précisément le terme grec technique leistès, équivalent du latin latro, pour désigner les brigands en question. La version B de ce livre, éditée par Anton Vööbus, répète d’ailleurs cette disposition à deux reprises, en indiquant, à propos du cas particulier des brigands, qu’ils devaient absolument être déférés à un gouverneur117. Or, ces interdits sont légitimés par la référence à des décisions impériales non précisées118. Il existait ainsi un décret impérial, promulgué à la fin du ve siècle, qui a aboli la loi de Théodose de 391 : il interdisait de tuer un brigand dans n’importe quelle circonstance. L’interdiction absurde du simple droit à l’autodéfense en cas de danger de mort montre bien que cette disposition, très sévère, avait pour objectif de stopper définitivement de graves abus. Ils étaient sans doute habituellement commis par des propriétaires terriens se référant à la loi de Théodose de 391 toujours en vigueur. On peut tenter de dater cette mesure. L’empereur Léon a condamné en 468 à une forte amende de cent livres d’or toutes les personnes entretenant des serui armati, des Isauriens et des bucellaires119. Léon interdisait ainsi les armées privées organisées par les grands propriétaires terriens. En 486 Zénon a renouvelé l’interdiction des prisons privées120. Mais le problème a persisté dans l’Orient byzantin. Un mandement de Justinien ou de Justinien II a imposé aux propriétaires terriens de ne pas réunir une escorte de plus de cinq serviteurs : ceux-ci ne devaient pas être équipés de chevaux et ne devaient posséder que des armes de bois121. L’attribution aux propriétaires terriens de missions d’ordre public et de lutte contre le banditisme expliquait la constitution de ces milices. Le droit d’exécuter toute personne entrant dans un domaine la nuit et, plus généralement, tout brigand, tel que le permettait la loi de Théodose de 391, offrait aux propriétaires terriens un pouvoir élargi à ces milices. Il semble donc que ce soit Léon ou Zénon qui ait émis, à la fin du ve siècle, les dispositions conservées dans le livre de droit syro-palestinien interdisant de tuer sans jugement tout brigand. L’un de ces empereurs liait ainsi, à l’inverse de Théodose, maintien de l’ordre public dans les campagnes et mise sous contrôle des milices des propriétaires terriens.
39À partir du ive siècle, le banditisme n’a plus été perçu comme une forme de criminalité banale et irréductible mais plutôt, par des auteurs comme l’anonyme du De Rebus Bellicis, comme une menace majeure contre l’équilibre de l’Empire122. Constantin Ier, Valentinien Ier et Théodose Ier ont entrepris une politique de prévention et de prohibition de la violence rurale. Une telle politique, axée sur l’utopie d’un monde sans violence, semble profondément novatrice. Pourtant, ses prémices apparaissent dès le iiie siècle. Ces politiques ont connu des mutations perpétuelles. Les revendications fréquentes, dans ces lois, du respect des traditions juridiques anciennes ou de la fidélité dynastique aux lois d’empereurs précédents étaient supposées légitimer ces changements. Derrière l’élévation continue des peines qui marque la législation du ive siècle, on peut observer en fait des périodes successives de clémence ou de sévérité, notamment envers les notables, s’expliquant sans doute par des rapports de force changeants. En effet, les propriétaires terriens ont été alternativement rendus responsables des troubles ruraux, ou ont été au contraire mobilisés pour suppléer l’État dans sa mission d’ordre public, selon les circonstances politiques du moment ou la personnalité des empereurs en question.
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Notes de bas de page
1 CTh IX, 10, 1 : IMP. CONSTANTINVS A. AD CATVLLINVM PRO(CONSVLEM) AFRICAE. Qui in iudicio manifestam detegitur commisisse uiolentiam, non iam relegatione aut deportatione insulae plectatur, sed supplicium capitale excipiat, nec interposita prouocatione sententiam quae in eum fuerit dicta suspendat, quoniam multa facinora sub uno uiolentiae nomine continentur, cum aliis uim inferre temptantibus, aliis cum indignatione repugnantibus uerbera caedesque crebro deteguntur admissae. Vnde placuit, si forte quis uel ex possidentis parte uel ex eius, qui possessionem temerare temptauerit, interemptus sit, in eum supplicium exseri, qui uim facere temptauit et alterutri parti causam malorum praebuit. DAT XV KAL. MAI. SERDICAE GALLICANO ET BASSO CONSS. Traduction de P. Jaillette (Jaillette 1995, p. 21).
2 CTh IX, 10, 2 : IDEM A. AD BASSVM P(RAEFECTVM) V(RBI). Si quis per uiolentiam alienum fundum inuaserit, capite puniatur. Et siue quis ex eius parte, qui uiolentiam inferre temptauerit, siue ex eius, qui iniuriam repulsauerit, fuerit occisus, eum poena adstringat, qui ui deicere possidentem uoluerit. DAT. VI ID. MART. ROM(AE) GALLICANO ET BASSO CONSS. Les manuscrits du Code Théodosien offrent la date du 10 mars 317 pour cette loi. Cependant, tous les chercheurs l’ayant commentée ont considéré qu’il ne s’agissait que d’un rappel, spécialement destiné à l’Italie, de la loi du 17 avril. De plus, son destinataire, Septimius Bassus, n’a été préfet de la Ville qu’à partir du 15 mai 317 (PLRE I, Septimius Bassus 19, p. 157-158). Cette loi a donc été émise, soit au cours de l’année 317 (le 10 juillet ou le 10 août 317 selon Coroï 1915, p. 315) ou le 10 mars 318 (Jaillette 1995, p. 22).
3 Cette loi punit l’occupation pacifique d’un domaine par un créancier sous le chef de la uis priuata (CJ 9, 12, 5).
4 PS V, 26, 1.
5 Les Sentences attribuées au juriste Paul montrent une contradiction sur cette question. Si l’invasion de propriétés par une turba constituée d’hommes en armes est punie de mort (V, 3, 3), ce crime est inclus parmi les chefs d’accusation de uis privata dans un autre passage, et seulement puni de la relégation, de l’infamie et de la confiscation d’un tiers des biens pour les humiliores (V, 26, 3). Dans le chapitre relatif à la lex Cornelia de sicariis, la peine capitale est appliquée aux assauts de propriétés commises en foule et avec armes (V, 23, 7). Il s’agit sans doute d’un contresens du juriste à l’origine de cette compilation. Il s’explique parce qu’il désirait limiter le champ de la uis publica aux crimes commis par des magistrats. Un juriste de l’époque des Sévères, Marcien, se limite à évoquer la confiscation d’un tiers des biens et l’infamie pour le crime de uis priuata (Dig XLVIII, 7, 1). La peine de relégation peut avoir été ajoutée au cours du iiie siècle. Le Code Justinien ne donne pas d’informations supplémentaires à ce sujet. Voir Cloud 1989.
6 Ainsi De Malafosse 1947, p. 30 (contra Coroï 1915, p. 321).
7 Apulée, Métamorphoses IX, 35-38.
8 La praescriptio fori était annulée a ces crimes (CTh IX, 1, 1).
9 PS V, 23, 4.
10 Au contraire, Hadrien a statué que la mort involontaire d’une personne lors de violences, par exemple lors d’une rixe, ne pouvait être considérée comme un homicide (Dig XLVIII, 8, 1, 3).
11 Voir, pour l’exemple d’Augustin, Houlou 1974.
12 Rivière 2002.
13 Ainsi Basile de Césarée a imposé une lourde pénitence pour toute personne tuant un bandit, même en situation d’autodéfense (Ep. 217, 55). Cyprien de Carthage a condamné les meurtres d’agresseurs commis même lorsque la vie de la victime était menacée (Ep. 57). Autres exemples dans Houlou 1974.
14 CTh XI, 36, 1.
15 CTh IX, 21, 2 (318 ou 321) ; IX, 24, 1 (320 ou 326).
16 Dig XXVIII, 3, 6, 9 (Ulpianus, Libro decimum ad Sabinum). Modestin, rapportant un rescrit d’empereurs non précisés, évoque la suppression du droit d’appel pour les bandits célèbres et les instigateurs de sédition ou de complots (Dig. XLIX, 1, 16, Modestinus, Libro sexto differentiarum). La décision évoquée par Ulpien a probablement été annoncée par Marc Aurèle lors d’un discours au Sénat en 169, en rapport avec les troubles causés par les premières invasions germaniques. Cf. Arcaria 2003, p. 222-225.
17 Dès l’époque des Sévères, les juristes avaient introduit cette notion dans le traitement au civil du vol, en aggravant notamment les amendes pour le fur manifestus (Dig XLVII, 2, 3 pr.).
18 Édition et datation de ce document dans Maier 1987, p. 198-211.
19 CTh IX, 10, 3 : IDEM A. AD BASSVM P(RAEFECTVM) V(RBI). Si quis ad se fundum uel quodcumque aliud adserit pertinere, ac restitutionem sibi conpetere possessionis putat, ciuiliter super possidendo agat, aut impleta sollemnitate iuris crimen uiolentiae obponat, non ignarus, eam se sententiam subiturum, si crimen obiectum non potuerit comprobare, quam reus debet excipere. Quod si omissa interpellatione uim possidenti intulerit, ante omnia uiolentiae causam examinari praecipimus et in ea requiri, quis ad quem uenerit possidentem, ut ei, quem constiterit expulsum, amissae possessionis iura reparentur eademque protinus restituta uiolentus poenae non immerito destinatus, in totius litis terminum differatur, ut agitato negotio principali, si contra eum fuerit iudicatum, in insulam deportetur, bonis omnibus abrogatis. Quod si pro eo, quem claruerit esse uiolentum, sententia proferetur, omnium rerum, de quibus litigatum est, media pars penes eum resideat, cetera fisci uiribus uindicentur. P(RO)P(OSITA) PRID. NON. OCT. ROM(AE), CONSTANTINO A(VGVSTO) V ET LICIN(IO) CAES. CONSS.
20 Dig. XLVIII, 6, 5, 1.
21 Voir Humbert 1991, p. 170-183. La différenciation fine des diverses formes de complicité pour un crime est aussi une particularité du droit pénal tardif. Voir Chevallier 1953.
22 CTh XI, 36, 14 : IDEM AA. AD FLAVIANVM PROC(ONSVLEM) AFRIC(AE). Grauis ista commotio est ac non ferenda iracundia iudicis, quae effusione humani sanguinis expiatur. Sed ad fucum iniquitatis augendum lex nostri genitoris adscita est, scilicet ut diceretur genitor noster conuictis in quaestione uiolentiae appellationis perfugia decerpsisse. Plectatur, inquit, qui manifestam detegitur commisisse uiolentiam. Quae legis suae uerba aliis quoque scitis clemens conditor explanauit. Etenim uigorem uindictae differri post totius negotii exitum noluit, scilicet ut, si procacem uesaniam principalis negotii discussio publicasset, conuictum reum aut medietatis amissio aut sors deportationis adfligeret. DAT. III NON. AVG. TAVRO ET FLORENTIO CONSS. J. Coroï date cette loi de 361 (Coroï 1915, p. 321).
23 J. Coroï a interprété différemment cette loi. Constance II aurait selon lui rétabli le droit d’appel pour le crime de uis. Cependant, aucun passage explicite de ce texte ne confirme cette analyse (Coroï 1915, p. 324).
24 CTh IX, 10, 4 : IMPPP. VAL(ENTINIANVS), THEOD(OSIVS) ET ARCAD(IVS) AAA. AD ALBINVM P (RAEFECTVM) V (RBI). Seruos, qui fecisse uiolentiam confessionibus testium aut propriis docebuntur, si id inscio domino commiserint, postremo supplicio deditos luere perpetrata censemus. Quod si illi metu atque exhortatione dominorum uiolentiam admiserint, palam est, secundum legem Iuliam dominum infamem pronuntiandum loci aut originis propriae dignitate non uti, seruos uero, quos furoribus talium paruisse constiterit, metallis per sententiam dedi. Viles autem infamesque personae et hi, qui bis aut saepius uiolentiam perpetrasse conuincentur, constitutionum diualium poena teneantur. Iudicem uero nosse oportet, quod graui infamia sit notandus, si uiolentiae crimen apud se probatum distulerit omiserit uel inpunitate donauerit aut molliore quam praestituimus, poena perculerit. DAT. PRID. NON. MART. MED(IOLANO), VAL(ENTINI) ANO A (VGVSTO) IIII ET NEOTERIO V. C. CONSS.
25 Tels les acteurs ou aubergistes (voir par exemple CTh IX, 7, 1 de 326). Sur l’utilisation juridique de ce terme, voir Grodzynki 1987, p. 180-188.
26 PS V, 26, 3. Voir supra note 5.
27 Les pénalités de la lex de ui originelle, d’époque augustéenne, sont mal connues. Selon J. Coroï et J. D. Cloud, la confiscation d’un tiers des biens, fréquemment utilisée dans la législation d’Auguste, daterait de cette loi originelle. Voir Coroï 1915, p. 260 ; Cloud 1989.
28 Coroï 1915, p. 327.
29 Callistrate utilise le terme saepius pour qualifier les actes de criminels récidivistes, par exemple pour les coupables de vols de bétail (Dig XLVII 14, 3, 2) ou les grassatores (Dig XLVIII, 19, 28, 10). Ce terme est employé dans la loi de Théodose. Selon Callistrate la récidive impliquait en général une élévation d’un degré de l’échelle des pénalités.
30 Dig XLVIII, 19, 28, 3.
31 CTh IX, 38, 6.
32 L’origine de ce conflit est difficile à dater. La loi du 18 juin 390 (CTh IX, 40, 13), imposant un délai de trente jours entre une sentence capitale et son exécution, marque le rapprochement entre Ambroise et Théodose.
33 CTh IV, 22, 2 ; 3. Ces dispositions ont été reprises en 440 par Valentinien III (NVal, VIII, 1).
34 CTh IX, 10, 2.
35 Symmaque, Relatio 49. Voir Liebs 1993 ; Giglio 1996.
36 CJ 8, 4, 8. Les avis sont partagés sur la portée de cette mesure. Selon J. De Malafosse, cette loi offrait seulement l’alternative entre l’interdit nouveau de momentariae possessionis et l’accusation criminelle de uis avec inscription. Par contre, pour J. Kniep et J. Coroï, cette constitution aurait au contraire supprimé l’obligation de l’inscription. Voir Kniep 1886, p. 395 ; Coroï 1915, p. 280-283 ; De Malafosse 1947, p. 53-55.
37 CTh II, 1, 8, pr. L’abigeus a été reconnu comme un crime public, pouvant donner lieu à une accusation avec inscription par une loi de Théodose de novembre 394 (CJ 9, 37, 1). Elle montre avec quelle acuité était ressenti le problème du vol de bétail en Italie à cette époque, problème sur lequel on verra Jaillette 2000.
38 CTh IX, 30, 1.
39 CTh IX, 30, 2.
40 CTh IX, 30, 3. Sur ces lois, voir De Robertis 1974 ; Jaillette 2000, qui en propose la traduction.
41 Hadrien a condamné les coupables d’abigeatus à un peine d’opus à temps limité (Coll. Mos. XI, 7, 2). Cette peine était sans doute toujours d’actualité au ive siècle, en l’absence de législation postérieure sur le sujet.
42 Coll. Mos. XI, 8, 4 : Romae tamen etiam bestiis subiici abigeos uidemus : et sane qui cum gladio abigunt, non inique hac poena adficiuntur.
43 PS V, 18, 2 = Coll. Mos. XI, 7, 1 : Atroces pecorum abactores plerumque ad gladium uel in metallum, nonnumquam autem in opus publicum dantur. Atroces autem sunt, qui equos et greges ouium de stabulo uel de pascuis abigunt, uel si id saepius aut ferro conducta mano faciunt.
44 CTh IX, 30, 5 (1er janvier 399) : IMPP. ARCAD(IVS) ET HONOR(IVS) AA. BENIGNO VIC(ARIO) VRB(IS) ROMAE. Pastores Valeriae prouinciae uel Piceni uti equinis animalibus non iubemus. Alioquin, si interdictus usus animalium uindicetur, conscios usurpationis huius seu dominos uel procuratores relegationis poena retinebit. DAT. KAL. DECEMB. MED(IOLANO) THEODORO V. C. CONS. Sur ce texte, Jaillette 2000, p. 198.
45 Dig XLVII, 14, 3, 3 (Callistratus, Libro sexto de cognitionibus). La peine de relégation était uniquement relative aux honestiores.
46 Une loi de Théodose de 392 dénonce les potentes protégeant habituellement des bandits, seule raison qui permettait à ces criminels d’échapper à leur juste châtiment (CTh I, 29, 8).
47 CTh II, 14, 1. Ces peines sont relatives à des humiliores.
48 Selon Augustin d’Hippone, qui mentionne cette peine pour certains crimes commis par des mangones (Ep. 10*).
49 Dig XLVII, 21, 1-2.
50 PS V, 22, 2. Voir Delmaire 1995.
51 Histoire Auguste, Quadrigae tyrannorum XII. L’auteur de cette œuvre place Albenga dans les Alpes Maritimes, alors que cette cité se situait dans les Alpes Cottiennes (Quad. Tyr. XII, 1). Voir Zecchini 2002.
52 Chastagnol 1994, p. LX-LXIII ; Paschoud 2001, p. XXIV-XXV.
53 Salzman 2001 ; Badel 2005, p. 250-255.
54 Pour R. Syme, Proculus est soit identifiable à Silvanus, éphémère usurpateur franc en 355, soit à Eugène, usurpateur en Gaule en 392. Indice probant, Silvanus (Ammien Marcellin, Hist. XV, 6) et Eugène (Orose, Hist. VII, 35, 12) ont été trahis par leurs alliés francs, comme l’aurait été Proculus selon l’Histoire Auguste (Quad. Tyr. XII ; Prob. XVIII, 5 et 7). Cf. Syme 1968, p. 53-59 et 76-77 ; Paschoud 2001, p. 211-213.
55 Certains imperatores ont recruté des armées en enrôlant leurs bergers esclaves. César a accusé Pompée d’avoir recruté trois cent serui pastores d’Apulie (César, Bellum Civile I, 24, 2). De même, Domitius Ahenobarbus a créé une armée et une flotte avec ses coloni et ses pastores d’origine servile (Bellum Civile I, 34 ; 56 ; 57).
56 CTh XV, 12, 3.
57 Voir notamment, pour la seconde guerre servile de Sicile, Diodore de Sicile, Hist. XXXIV.
58 CTh IV, 22, 4. Pour la date de 397, voir Jaillette 1995, p. 50.
59 CTh XV, 15, 1 : Nulli prorsus nobis insciis adque inconsultis quorumlibet armorum mouendorum copia tribuatur (voir CTh IX, 30, 2). L’autorisation de port d’arme était sans doute uniquement accordée à des notables. On peut mettre en parallèle cette disposition avec la loi de septembre 364 (CTh IX, 30, 1) qui permettait aux sénateurs, honorati, décurions et vétérans d’utiliser des chevaux parce qu’ils n’étaient pas supposés, en raison de leur dignité, commettre des vols de bétail.
60 NVal IX.
61 NMaj VIII.
62 Cassiodore, Variae, I, 4.
63 Anonymus Valesianus, XII, 83 (MGH AA, Chronica Minora I, 1892) : Item ut nummus Romanus arma usque ad cultellum uteretur uetuit.
64 Voir Amory 1997, p. 96.
65 Edictum Theoderici Regis, 56 (MGH, Leges, V, 1875) : Abactor animalium uel gregum atque pecorum alienorum, siue ea de stabulis, siue de pascuis adegerit, gladio puniatur et in quadruplum amittendis damno de eius substantia consulatur.
66 Anonymus Valesianus, XII, 72.
67 CTh IX, 14, 2 : IMPPP. VAL(ENTINI)ANVS, THEOD(OSIVS) ET ARCAD(IVS) AAA. AD PROVINCIALES. Liberam resistendi cunctis tribuimus facultatem, ut quicumque militum uel priuatorum ad agros nocturnus populator intrauerit, aut itinera frequentata insidiis adgressionis obsederit, permissa cuicumque licentia dignus ilico supplicio subiugetur ac mortem quam minabatur excipiat et id quod intendebat incurrat. Melius est enim occurrere in tempore, quam post exitum uindicari. Vestram igitur uobis permittimus ultionem et, quod serum est punire iudicio, subiugamus edicto : nullus parcat militi, cui obuiari telo oporteat ut latroni. DAT. KAL. IVL. TATIANO ET SYMMACHO CONSS. Nous avons repris la traduction de P. Jaillette (Jaillette 1995, p. 32).
68 Cette interprétation est partagée par Arrigo Manfredini, qui s’est opposé à J. Godefroy, pour lequel cette loi ne concernerait que les militaires délinquants. Cf. Gothofredus 1736, III (1738), p. 93-94 ; Manfredini 1996, p. 520.
69 CJ 9, 16, 6.
70 Dig XLVII, 2, 21, 7.
71 Dig XLVII, 18, 1, 1-2.
72 Dig XLVII, 18, 2. Un extrait d’Ulpien, évoqué par une compilation juridique de la fin du ive siècle (Coll. Mos. VII, 4, 1), condamne tous les effractores à être envoyés aux mines à perpétuité. Il est contradictoire avec le fragment d’Ulpien, précédemment évoqué, conservé dans le Digeste (Dig XLVII, 18, 1, 1-2). Ulpien y insiste d’ailleurs sur la nécessaire modération des peines devant frapper ces criminels, en donnant des exemples précis. Le fragment issu de la Collatio mosaicarum et romanorum legum a donc sans doute été interpolé au ive siècle, pour cadrer avec les peines frappant effectivement l’ensemble des effractores à cette époque.
73 PS V, 4, 8. Cf. Balzarini 1983, p. 181-186.
74 Pour ce Père de l’Église, la providence était souveraine puisque toute personne trouvait son utilité : même les effractores affectés dans les carrières étaient utiles à la construction de nouveaux bâtiments dans les cités (Sermo 125, 5 : Effractor esse uoluit nescio quis : nouit lex iudicis quia contra legem fecit ; nouit lex iudicis ubi illum ponat : ordinat illum optime. Ille quidem male uixit : sed non male ordinauit lex. Ex effractore erit metallicus. De opere metallici quanta opera construuntur ? Illius poena damnati ornamenta sunt ciuitatis).
75 Augustin, En. in Ps. 145, 15.
76 Augustin, Hept. III, 1, 2.
77 Selon le juriste Callistrate (Dig XLVIII, 19, 28, 10).
78 Manfredini 1996, p. 519-520.
79 Manfredini 1996, p. 506 et 514.
80 Suivant par exemple Sénèque, De Beneficiis 5, 14.
81 Pour le juriste Marcien, les brigands étaient organisés en factiones, groupes organisés. Cependant il ne précise pas la taille minimale d’une bande (Dig XLVIII, 19, 11, 2).
82 De nombreux passages du Digeste se limitent à différencier les voleurs des latrones par l’emploi de la force par ces derniers, donnant lieu à l’exemption pour force majeure (Dig XIII, 6, 5, 4 ; 6, 18 ; XVII, 1, 26, 6 ; 2, 53, 3-4 ; XIX, 5, 20, 1 ; XXVI, 7, 50 ; XXXIX, 5, 34, 1). Celle-ci déliait une victime de certaines obligations, par exemple de rembourser un objet volé qui ne lui appartenait pas. Tout latrocinium est supposé constituer une adgressura (Dig X, 2, 4, 2).
83 CJ 9, 16, 2 (243) : IMP. GORDIANVS A. QVINTIANO. Is, qui adgressorem uel quemcumque alium in dubio uitae discrimine constitutus occiderit, nullam ob id factum calumniam metuere debet. PP. III NON. APRIL. ARRIANO ET PAPO CONSS.
84 CJ 9, 16, 3 (265) : IMP. GALLIENVS A. MVNATIO. Si ut adlegas latrocinantem peremisti, dubium non est eum, qui inferendae caedis uoluntate praecesserat, iure caesum uideri. PP. XIII K. FEB. VALERIANO ET LICINIO CONSS.
85 PS V, 23, 8 : Qui latronem caedem sibi inferentem uel alias quemlibet stupro occiderit, puniri non placuit : alius enim uitam, alius pudorem publico facinore defenderunt.
86 PS V, 23, 9 : Si quis furem nocturnum uel diurnum, cum se telo defenderet, occiderit, hac quidem lege non tenetur, sed melius fecerit, qui eum comprehensum transmittendum ad praesidem magistratibus obtulerit.
87 CJ 8, 40, 13.
88 Coll. Mos. VII, 3, 1 (Ulpianus libro VIII ad edictum sub titulo si quadruples pauperiem dederit) :… Proinde si quis seruum latronem occiderit, lege Aquilia non tenetur, quia (iniuria) non occidit.
89 Dig IX, 2, 4, pr. (Gaius libro septimo ad edictum prouinciale) : Itaque si seruum tuum latronem insidiantem mihi occidero, securus ero : nam aduersus periculum naturalis ratio permittit se defendere. Voir Manfredini 1996, p. 513-516.
90 Des esclaves commettant des insidiae, embuscades, sont ainsi attestés en Sicile avant la première guerre servile en Italie vers 69 av. J.-C. (Cicéron, Pro Tullio 9, 21-23).
91 A. Manfredini suppose au contraire que les juristes donnaient une valeur générale à ces passages. Cf. Manfredini 1996, p. 513.
92 Cicéron, Pro Milone 9-10. Cf. Manfredini 1996, p. 510-511.
93 Cicéron, Pro Tullio 21, 49.
94 Aulu Gelle, Nuits Attiques XX, 1, 7-8 : Dic enim, quaeso, dic, uir sapientae studiosissime, an aut iudicis illius perfidiam contra omnia iura diuina atque humana iusiurandum suum pecunia uendentis aut furis manifesti intolerandam audaciam aut nocturni grassatoris insidiosam uiolentiam non digna esse capitis poena existumes ?
95 Augustin, De mendacio, IX, 14 : Et occidimus homines cum latronibus, si scire contingat hoc eos esse facturos ; quia si nos praeuenientes eos occideremus, illi non occiderent alios. Aut si fateatur nobis aliquis parricidium se facturum, nos cum eo facimus, si cum possumus eum priusquam faciat non interficimus, quando aliter eum uel cohibere uel impedire non possumus. Pour la datation de cette œuvre, voir G. Combes, Bibliothèque Augustinienne, II, 1937, p. 231.
96 Ainsi Callistrate assimile les grassatores, voleurs usant de violence, à des latrones (Dig XLVIII, 19, 28, 10).
97 CTh IX, 29, 2 : IMPPP. GR(ATI)ANVS, VAL(ENTINI) ANVS ET THEOD(OSIVS) AAA. AD FLAVIANVM P(RAEFECTVM) P(RAETORIO). Latrones quisquis sciens susceperit uel offerre iudiciis supersederit, supplicio corporali aut dispendio facultatum pro qualitate personae et iudicis aestimatione plectatur. Si uero actor siue procurator latronem domino ignorante occultauerit et iudici offerre neglexerit, flammis ultricibus concremetur. DAT. III. KAL. MART. MEROB(AVDE) II ET SATVRNINO CONSS. Traduction et examen de ce texte dans Jaillette 2000, p. 194-195.
98 La datation de cette loi, dédiée selon les manuscrits au préfet du prétoire Nicomaque Flavien, est liée à la question controversée de la carrière de ce personnage. En effet, en 383 aucune préfecture n’est attestée de façon sûre pour celui-ci. La PLRE I attribue la dédicace de cette loi à son fils, Nicomaque Flavien iunior, proconsul d’Asie en 383. Néanmoins, l’intitulé même de CTh VII, 18, 8, qui pose le même problème, impose qu’elle ait été adressée à un préfet du prétoire. Le destinataire de cette loi est en effet supposé recevoir des déserteurs capturés qui doivent lui être envoyés par les gouverneurs. Deux solutions ont été évoquées. Pour J. P. Callu et D. Vera, Nicomaque Flavien senior aurait été préfet du prétoire d’Illyrie orientale en 383. En revanche, T. Honoré, reprenant une idée avancée par Th. Mommsen, estime que CTh VII, 18, 8 et IX, 29, 2 sont des lois émises en 391(Mommsen 1904, p. 346 et p. 483), lors de la préfecture du prétoire d’Italie, d’Afrique et d’Illyrie de Nicomaque Flavien senior. Cf. PLRE I, Virius Nicomachus Flavianus 15, p. 347-348 ; Callu 1974 ; O’Donnell 1978 ; Vera 1983, p. 45-46 ; Honoré 1989, p. 12-13 et p. 25.
99 Arcadius, en supprimant en 408 les irénarques en Orient pour attribuer leur mission de lutte contre le banditisme à des locupletiores, a inscrit sa politique dans la lignée de celle de son père : voir CTh XII, 14, 1. Les irénarques sont cependant encore évoqués dans une loi de 415 (CTh XI, 24, 6, § 7), ce qui montre que leur suppression n’a pas été totale. En revanche, Honorius a rappelé en 409 que seuls des magistrats municipaux ou des defensores plebis pouvaient déférer des brigands arrêtés aux gouverneurs (CTh IX, 2, 5). Les politiques des deux fils de Théodose sont ici discordantes. Voir Lewin 1993.
100 CTh VII, 18, 13 ; 14. Constantin a offert en 318 la possibilité de tuer les plagiarii ayant enlevé des enfants en Afrique qui résisteraient à leur arrestation. Ce droit n’était cependant attribué qu’à des personnes pourvues d’une autorité publique (CTh IX, 18, 1).
101 CJ 3, 27.
102 Tertullien, Apol. II, 8 : Latronibus uestigandis per uniuersas prouincias militaris statio sortitur. In reos maiestatis et publicos hostes omnis homo miles est ; ad socios, ad conscios usque inquisitio extenditur.
103 Dig XLVIII, 8, 3, 6.
104 Dig XLIX, 1, 16.
105 Augustin, Ep. 88, 9 : Hoc quantum possumus monemus etiam laicos nostros, ut eos illaesos teneant, et nobis corripiendos instruendosque perducant. Sed aliqui nos audiunt, et si possunt faciunt : alii cum illis quemadmodum cum latronibus agunt, quia eos reuera tales patiuntur. Aliqui ictus eorum suis corporibus imminentes feriendo repellunt, ne ab eis ante feriantur : aliqui apprehensos iudicibus offerunt, nec nobis intercedentibus eis parcunt, dum ab eis pati mala immania pertimescunt. In quibus omnibus illi non deponunt facta latronum, et honorem sibi exigunt martyrum.
106 Actes des Apôtres 23, 12-23. Cet épisode est évoqué à plusieurs reprises par Augustin pour justifier le meurtre de circoncellions (C. Cresc. III, 49, 54 ; Ep. 185, 28). Il est mentionné dans les actes du concile de Carthage de juin 404 par les évêques catholiques qui ont demandé à cette occasion une protection impériale contre les circoncellions.
107 Augustin, Ep. 88, 8 : Viuunt ut latrones, moriuntur ut circumcelliones, honorantur ut martyres ; et tamen nec latrones aliquando audiuimus eos quos depraedati sunt, excaecasse. Occisos auferunt luci, non uiuis auferunt lucem ; Ep., 88, 9 : In quibus omnibus illi non deponunt facta latronum, et honorem sibi exigunt martyrum ; Ep., 105, 2, 5 : Quae est ista dementia, ut cum male uiuitis, latronum facta faciatis ; et cum iure punimini, gloriam martyrum requiratis ? Voir aussi C. litt. Petil. II, 23, 52 ; 83, 183 ; Sermo 53A, 13.
108 Voir Houlou 1974.
109 Augustin, De lib. arb. I, 5, 11 : non ergo lex iusta est, quae dat potestam uel uiatori, ut latronem, ne ab eo ipso occidatur, occidat ; uel cuipiam uiro aut feminae ut uiolenter sibi stupratorem inruentem ante inlatum stuprum, si possit, interimat… ?
110 Augustin, Ep. 47, 5. De même, l’allusion de Hilaire de Poitiers, remarquant que tous ceux qui utilisent le glaive ne périssent pas par le glaive, par exemple dans le cas de iudicii officio aut resistendi latronibus necessitate, est une formulation littéraire du droit d’autodéfense en cas de danger de mort (In Matth. 32, 2). Augustin, pour cette lettre au moins, et Hilaire étaient les héritiers d’une tradition ancienne dans l’Église très hostile tant à l’autodéfense qu’à la vengeance personnelle (voir aussi Cyprien, Ep. 57). Cf. Houlou 1974, p. 12-13.
111 Augustin, De mendacio IX, 14. Voir supra note 95.
112 Basile, Ep. 217, 55.
113 Basile, Ep. 188, 7, 11 ; 217, 57.
114 Une loi interdisant aux notables de créer des prisons privées date justement du règne de Théodose, de 388 (CTh IX, 11, 1).
115 Quatre versions de ce texte étaient connues vers 1900, deux en langue syriaque d’après des manuscrits conservés respectivement à Londres (L) et à Paris (P), ainsi qu’une version arabe (Ar) et une version arménienne (Arm). Elles ont été éditées par K. G. Bruns et E. Sachau. Deux recensions nouvelles de ce code ont été découvertes par la suite et ont été éditées et traduites par A. Vööbus. Nous appellerons par commodité A et B ces versions que A. Vööbus a numérotées (68) et (69) à partir de l’ordre des textes du Synodicon. La version B, issue d’un ouvrage conservé dans un monastère de Mardin, est proche de la version arménienne. Voir Bruns, Sachau 1880 ; Vööbus 1976.
116 P 29 ; Ar 34 ; Arm 28 ; B 33 : « ‹ If, however, a man, one who does not have authority from the state and dares and kills a robber (leistès) or a murderer or kills a servant who deserve death, he shall be killed according to the laws – the one who dares and who kills and has no authority for this » (traduction anglaise de Vööbus 1976, p. 117).
117 B 103 : « The laws do not allow a man to kill a bandit (leistès), rather shall one deliver him over to those holding authority and to the investigators who shall punish him according to his deeds » (traduction anglaise de Vööbus 1976, p. 141).
118 Le livre de droit syro-palestinien présente un certain caractère provincial. R. Taubenschlag a ainsi montré que certaines dispositions de droit privé présentes dans ce code étaient étrangères au droit romain (Taubenschlag 1959). Pourtant, comme l’a remarqué C. Nallino, les rédacteurs des versions A et B les ont explicitement désignées comme étant des compilations de lois d’empereurs romains. Il s’agissait donc d’une compilation hybride, mélangeant droit impérial et droit provincial syrien. Les dispositions relatives aux bandits, relevant du droit pénal, devait sans doute avoir une portée générale dans toute la partie orientale de l’Empire. Voir Nallino 1930.
119 CJ 9, 12, 10.
120 CJ 9, 5, 1.
121 Feissel, Kaygusuk 1990.
122 De rebus bellicis II, 1 ; 4-6.
Auteur
Université de Provence
Université d’Aix-Marseille 1
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