Le descriptif : perspectives psycholinguistiques
p. 61-83
Texte intégral
1Selon le paradigme cognitiviste classique, les sujets compétents disposent, pour comprendre ou composer un texte, de connaissances spécifiques relatives à la façon d’organiser les informations en un ensemble langagier cohérent. Ces structures d’organisation définissent le texte comme appartenant à un des quelques types reconnus par notre culture (narratif, descriptif, argumentatif, explicatif). Ainsi, la plupart des textes que nous traitons ont un air de parenté et sont en même temps originaux : ils relèvent d’un type qu’ils actualisent de manière à chaque fois spécifique. Dans cette perspective, apprendre à produire et à comprendre des textes passe par l’identification progressive des types dominants de notre culture, par la construction de schémas textuels prototypiques, i.e. de représentations mentales des propriétés structurales typologiques des objets-textes, de leur superstructure typologique.
2Un tel modèle du fonctionnement cognitif accorde au sujet un rôle éminemment actif dans le traitement des objets langagiers. Les schémas textuels dont il est censé être doté lui permettent d’anticiper la suite d’un texte qu’il a commencé à lire ou à écouter, anticipation qu’il validera (ou non... car l’auteur peut chercher à tromper les attentes de son lecteur-auditeur) en prélevant des indices dans la suite du message. Dans cette conception, on parle d’interactivité pour signifier que le sujet met en œuvre des opérations de traitement par concept, de « haut en bas » ou « top-down » (il applique voire impose à l’objet-texte ses connaissances textuelles de haut niveau, ses schémas textuels prototypiques) et des opérations complémentaires de traitement par données, de « bas en haut » ou « bottom-up » (il prélève des indices à la surface du texte).
« L’interactivité sera donc conçue comme l’intervention possible d’un niveau de traitement sur le déroulement d’un niveau qui lui est sous-ordonné. Une telle définition exclut en premier lieu une stricte séquentialité des différents niveaux de traitement. Mais un fonctionnement en parallèle ne constitue pas une condition suffisante pour qu’on puisse parler d’interactivité : c’est la présence d’effets top-down qui constitue la caractéristique d’une interactivité. En d’autres termes ce qui distingue une conception interactive d’une conception modulariste, c’est qu'elle postule une combinaison d’effets ascendants et descendants, plutôt qu’une stricte séquentialité ascendante » (Coirier et alii, 1996, 153-154).
3Cette approche a donné lieu à de nombreuses recherches sur le traitement du texte narratif, qui semblent valider la plausibilité psychologique du modèle. Qu’en est-il du texte descriptif ? Peut-on parler de superstructure textuelle et de schéma textuel prototypique descriptifs ? Nous tenterons de montrer qu’il convient sans doute de préférer une réponse plutôt négative à cette dernière question. Il nous semble en effet que si les textes descriptifs sont bien des textes et non pas de simples agrégats de phrases, leur description ne relève pas pour autant d’une superstructure « rhétorique » mais, plus modestement, de « simples » plans de textes marqués en surface linguistique par des organisateurs textuels. De même, leur traitement cognitif ne mobilise pas un schéma textuel prototypique mais résulte de l’émergence progressive, de « bas en haut », d’une organisation sémantique rendue possible par le repérage des marques de surface du plan de texte. Ce faisant, c’est peut-être l’économie même du modèle cognitiviste classique qui est interrogée.
4Nous chercherons à étayer cette position par un examen d’analyses linguistiques du texte descriptif, puis par quelques observations empiriques relatives au traitement d’un genre descriptif particulier.
1. Un type textuel descriptif ? Une super-structure textuelle descriptive ?
5Les psycholinguistes qui se sont intéressés au traitement cognitif des textes ont, très souvent, emprunté à la linguistique textuelle des descriptions plus ou moins formelles dont ils se sont efforcés de tester la plausibilité psychologique en montrant que ces structures des objets-textes avaient un pendant cognitif dans le système de traitement des sujets compétents. Nous retracerons donc les tentatives de description linguistique du texte descriptif entreprises depuis de longues années maintenant par J.-M. Adam. Ce choix se justifie non seulement par la large diffusion de ces travaux représentatifs de ce type d’approche, mais aussi par l’intérêt porté par Adam aux implications de ses recherches en psychologie cognitive, voire par l’accueil réservé à ses propositions par les psycholinguistes (cf. Cossais et alii, 1993).
1.1. De 1985 à 1992, la typologie textuelle d’Adam a assez sensiblement évolué
Tableau 1. Les typologies « textuelles » de J.-M. Adam
1985a | 1985b | 1987a | 1990 | 1992 |
Types textuels | Types textuels séquentiels | Types de structures séquentielles | Types de structures séquentielles | Types de structures séquentielles |
narratif | narratif | narratif | narratif | narratif |
descriptif | descriptif | descriptif | descriptif | descriptif |
explicatif | Expositif | Explicatif- | Explicatif- | explicatif (« en pourquoi ») |
argumentatif | argumentatif | argumentatif | argumentatif | argumentatif |
injonctif | Injonctif-instructif | Injonctif- | Injonctif- | Ø |
prédictif | prédictif | Ø | Ø | |
conversationnel | conversationnel | dialogal- | converstionnel- | dialogal |
rhétorique | sémiotique- | Poétique- | Ø | Ø |
6Le passage de « texte » à « structure séquentielle » correspond à une tentative, à notre avis purement nomimale, de répondre à l’objection de l’hétérogénéité textuelle : si les textes empiriques sont ou peuvent être hétérogènes, il n’est pas possible d’en dresser la typologie, d’où la redénomination du concept de texte comme objet construit sous le label « séquence textuelle », homogène et donc typologisable (Brassart 1990, 31). En fait, l’hétérogénéité envisagée par Adam recouvre deux situations distinctes : l’enchâssement et la dominante. Dans le premier cas, un « mini » texte (homogène) est partie intégrante d’un texte enchâssant (exemplum narratif dans une argumentation, description dans un récit, par exemple) qui peut sans doute être qualifié de complexe mais qui ne perd pas pour autant ses propriétés structurelles. Le second cas reflète certains flottements dans la typologisation d’Adam. Dire, par exemple, qu’un poème narratif mêle deux séquences de types différents (le poème en dominant, le récit en dominé... mais pourquoi pas l’inverse ?) n’a guère de sens : qu’un texte narratif soit « poétique » ou non ne change rien à son identification comme narratif. L’abandon en 1990 de la catégorie « rhétorique-sémiotique-poétique-autotélique » se justifie donc par le simple fait qu’il s’agissait non pas d’un type de superstructure mais d’un traitement stylistique, d’un « réglage en surface » (Adam 1987C, 77). Faute de cette rectification, Adam ne respectait pas le principe de base de toute typologie : construire des catégories non seulement homogènes mais aussi exclusives.
7L’essentiel des modifications de classement concerne le descriptif. L’élargissement progressif du champ conceptuel de la notion lui permet d’absorber d’autres catégories ou certaines de leurs variantes.
8Dans un premier temps, le descriptif est référencé restrictivement à l’assertion d énoncés d’état (1985a, 41) ou à la présentation d’arrangements dans l’espace (1985b, 303). Les « énoncés de faire » qui ne relèvent pas du narratif (recette de cuisine, notice de montage, consignes, etc.) sont donc rangés sous la rubrique « injonctif (-instructif/instructionnel) ». L’extension du descriptif aux descriptions d’actions en 1989 (Adam et Petitjean, 152 sq.) ne se traduit pas pour autant par l’abandon du type injonctif qui perdure sur le mode homogène pour la recette ou hétérogène pour la description d’itinéraire (injonctif dominant, descriptif dominé). Ce n’est qu’en 1992 (95 sq.) qu’Adam renonce à ce type ad hoc qui ne relève pas de l’organisation textuelle mais des modalités d’énonciation, de l’intention ou du contrat de communication de type jussif : l’injonctif-instructif est une des mises en discours possibles du texte descriptif.
9Le prédictif (prophétie, bulletin météorologique, horoscope) est d’abord distingué du descriptif en ce qu’il est l’annonce d’un état futur, comme s’il ne pouvait y avoir de description que d’état présent ou passé... C’est sans doute en raison de ce caractère prospectif qu’il est considéré en 1987c (p. 66) comme une variante du type injonctif-instructionnel. La révision de 1992 le fait disparaître purement et simplement. On peut penser qu’Adam considère alors que le prédictif n’est qu’une variante temporo-modale de la description.
10En 1992 (127 sq.) également, le type explicatif-expositif est nettement circonscrit au couple « problème de compréhension/chaîne temporelle-causale explicative ». L’expositif, qui ne répond pas à ce patron textuel, est alors traité comme une variante mathétique de la description (monographie cf. Borel 1989, 1990).
1.2. De la même façon, les formalisations de la superstructure descriptive proposées par Adam ont évolué au fil du temps
11La première version (figure 1) est empruntée à Ricardou (1973). Elle reste marquée par une conception dominante de la description représentant les objets concrets situés dans l’espace.
12En 1986 (figure 2), Adam rencontre les travaux de l’école de Grize et s’efforce de construire une « linguistique textuelle sur une base sémiologique » (Adam 1986, 152), du moins pour la description. Il reprend et intègre dans sa formalisation, les opérations retenues par Apothéloz (1983) pour rendre compte de l’activité descriptive (aspectualisation, thématisation, affectation, assimilation). Ces opérations sont supposées être mises en œuvre par le descripteur et générer les différents « types » de macro (Pd.) et micro (pd.) propositions. Il y ajoute l’opération d’ancrage (référentiel), opération de base dans la sémiologie de Grize en ce qu'elle est constitutive de la dérivation de toute « classe-objet » sans laquelle il ne pourrait y avoir d’activité langagière. De ce point de vue, cette opération n’est pas spécifique de la description, d’où, sans doute, son absence chez Apothéloz (1983) qui n’envisage que l’affectation comme cas spécifique d’ancrage différé dans la description « énigmatique ».
13A partir de 1987 (figure 3), l’intégration des opérations à la formalisation est achevée, alors quelles restaient comme marginales dans la version précédente. Adam invente l’opération ad hoc de mise en situation pour réunir Pd. Ass et Pd. Sit qui relevaient en 1986 de deux opérations distinctes, l’opération d’assimilation et l’opération d’aspectualisation respectivement. Il fait également apparaître la reformulation comme une des modalités possibles de l’assimilation. Cette option est abandonnée en 1992 (figure 4) dans la mesure où la reformulation est considérée comme une des variantes de l’ancrage (référentiel) avec l’affectation. De même, les propositions Sit. Méto. (consacrées par exemple à l’évocation des vêtements d’un personnage décrit) n’apparaissent plus dans ce dernier avatar, ce qui implique sans doute une redéfinition moins restrictive de la notion de « partie ».
14Les propositions de J.-M. Adam appellent quelques commentaires critiques.
15Que penser d’abord de l’importation du concept d’opération de la sémiologie de l’école de Neuchâtel à la linguistique textuelle ? L’histoire des théories scientifiques montre à l’évidence que ce type d’emprunt existe bel et bien et qu’il peut se traduire par des « progrès » sensibles dans la conception de tel ou tel phénomène. Mais, en l’occurrence, on peut se demander pourquoi les opérations ne sont utilisées que dans le cas de la description et pas pour les autres types de textes ou de séquences. La théorie générale d’Adam n’est pas révisée et le projet annoncé de fonder une linguistique textuelle sur une base sémiologique n’est pas tenu.
16Plus profondément, il n’est pas sûr qu’un tel projet puisse être réalisé. L’école de Neuchâtel ne vise pas à établir une typologie des formes textuelles ou discursives. Cette idée même a été explicitement récusée à plusieurs reprises par Grize et ses collègues pour les discours en général :
« Une des difficultés qu’on rencontre à vouloir isoler un objet d’étude dans le champ des discours pour l’insérer dans une typologie dent à ce qu’un type de discours n’a pas de réalité sémiotique lorsqu’il est isolé de son contexte, de ses rapports avec d’autres discours, des situations qui le déterminent et où il a ses effets. [...] On ne borne pas un discours comme on borne un terrain, on ne le démonte pas comme une machine. C’est un signe de quelque chose, pour quelqu’un, dans un contexte de signes et d’expériences. Le discours est ainsi un processus qui, dans son déroulement même, « fait signe », i.e. fournit des marques de la manière dont il faut le prendre. » (Borel 1981, 23),
17mais aussi pour les discours argumentatif, explicatif et... descriptif :
« Bien qu’une description se présente de prime abord comme un segment de texte constitué d’éléments de nature linguistique, il y a de bonnes raisons de penser que l’identification, au moyen de ses seules propriétés linguistiques, d’un énoncé ou de tout fragment comme indice d’un épisode descriptif dans un discours soit une entreprise désespérée. Une description n’est pas un objet stable, car, comme texte, elle n’est pas homogène, et, comme discours, c’est surtout différentiellement qu'elle se laisse identifier par contraste avec d’autres types de discours et par la place qu’elle occupe ou les fonctions qu’elle remplit dans une procédure de schématisation. » (Borel 1989, 119 ; même idée dans Borel 1990, 172).
18Adam ne méconnaît pas cette position de fond de l’école de Neuchâtel (cf. exergue de Adam 1987a, 51). Il ne la considère cependant pas comme un obstacle majeur à l’emprunt de la notion d’opération, sans doute parce qu’il croit traiter l’objection dans le cadre de sa conception de l’hétérogénéité dont nous avons dit plus haut les limites qu'elle présente à nos yeux.
19Par ailleurs, il apparaît que la description n’est pas, au regard de la théorie des superstructures typologiques, un texte comme les autres, comme le récit en particulier. Adam le répète régulièrement :
« Alors que, confronté à un énoncé qu’il perçoit comme narratif, le lecteur attend avant tout un déroulement événementiel, une issue plus ou moins prévisible selon un ordre logico-sémantique [...] et en grande partie indépendant de la manifestation (le récit se traduit aisément d’un code et d’une langue à l’autre), l’énoncé descriptif est davantage réglé, d’une part, par ses structures sémiotiques de surface et, d’autre part, par ses structures lexicales. Le lecteur semble attendre le dévidement d’un paradigme de mots latents [...]. A la linéarité dominante du type narratif répond une tabularité dominante de la description. » (Adam 1985a, 441 ; même idée dans Adam 1985b, 303-304).
20Pour maintenir cependant la description au nombre des types de textes en tant qu’ils sont caractérisables par une superstructure typologique, Adam réduit les pouvoirs de cette superstructure descriptive en l’évaluant comme faiblement conventionnelle et peu voire non contraignante. Il situe ainsi la description à la limite qui sépare les textes régis par une superstructure et ceux organisés par un simple plan de texte (figure 5).
« Les descriptions présentent une régularité conventionnelle (un petit nombre de macro-propositions de base liées à des opérations élémentaires) qui m’incite à parler d’une superstructure descriptive. Mais le caractère non linéaire de la hiérarchie de ce type de structure séquentielle semble la placer nettement sous l’argumentation (vers le pôle /-/ contraignant). Ceci explique l’existence de sortes de plans descriptifs destinés à garantir la linéarisation de la séquence. Nous ne faisons que commencer à répertorier ces types de plans de textes. » (Adam 1986, 162)
21En fait, la segmentation, la linéarisation et la « mise en ordre » de la description ne sont pas assurées par (référence à) une superstructure typologique mais par les organisateurs textuels (locaux) de plans de textes ou « grilles postiches » (Hamon 1981).
« Entre le modèle abstrait et le texte réalisé interviennent diverses opérations. […] Une opération de mise en ordre organise la succession des paquets de propositions. » (Adam-Petitjean 1982, 84 ; repris dans Adam 1985C, 138-139). « Luttant contre le désordre, les organisateurs assurent la mise en évidence de la progression de la description et la hiérarchisation d’une séquence qui serait autrement platement linéaire et dépourvue de structure. » (Adam 1993, 102).
22Si la superstructure typologique de la description est « un simple répertoire des opérations de construction des macro-propositions elles-mêmes » (Adam 1992, 84), elle ne définit pas un ordre canonique de référence des macro-propositions (ni même des opérations). Elle ne possède donc pas la propriété caractéristique des superstructures textuelles et n’autorise pas, dans sa version cognitive de schéma textuel prototypique, les effets interactifs qui ont été évoqués plus haut. Dans ces conditions, il semble préférable de considérer que la description ne rentre pas dans le cadre de la théorie des superstructures et des schémas textuels. Si elle est cependant identifiable en tant que type de texte, c’est, conjoncturellement, par contraste cotextuel (suspension de la diégèse narrative, par exemple), ou, plus généralement, par repérage d’une configuration de traits linguistiques superficiels de textualisation (les organisateurs textuels mais aussi d’autres signaux peut-être plus discrets comme ceux dont il est question plus bas) qui assurent au fil du texte l’empaquetage des propositions et permettent l’émergence d’une organisation textuelle cohérente et lisible.
2. Quelques observations empiriques sur le traitement des textes descriptifs épistémiques
23Pour marquer le plan des textes, la langue offre une série de marques linguistiques. Ces marques sont des signaux et non des signes linguistiques ; leur signifiant ne « renvoie » pas à un signifié mais indique à l’auditeur/lecteur qu’il doit mettre en œuvre un certain traitement sémantique sur les informations qu’il a activées en mémoire de travail. Tout ce passe comme si, grâce à ce marquage textuel, le locuteur/rédacteur cherchait à piloter l’activité cognitive de son destinataire, à contrôler autant que possible la compréhension de son message par l’autre. A l’écrit, une des fonctions essentielles de l’alinéa est de marquer le plan du texte et ainsi de signaler au compreneur quand il est possible ou nécessaire d’activer une opération psycholinguistique d’« empaquetage » pour intégrer les informations traitées. Ce signal typographique peut être doublé d’autres signaux linguistiques non spécifiques à la modalité scripturale, en particulier les organisateurs textuels, ces connecteurs ou locutions connectives qui portent non pas sur deux propositions ou phrases adjacentes mais sur des ensembles de phrases. Nous postulons qu’il existe, au moins dans certains types de textes, une autre forme de signalement du découpage textuel : l’opposition nom plein vs anaphore.
24Soit le document « La chèvre de Montagnes Rocheuses » (CdMR) issu d’un corpus de fiches publicitaires offertes naguère avec une plaque de chocolat, « Les merveilles du monde » de Nestlé. L’image du verso est accompagnée au recto d’un texte de type descriptif et de genre « épistémique » ou « documentaire » : le portrait générique d’un animal est proposé à des fins de vulgarisation des connaissances en direction de lecteurs plutôt jeunes.
La Chèvre des Montagnes Rocheuses
Les chèvres des Montagnes Rocheuses ne craignent pas d’être dérangées par l’homme. Elles vivent à plus de 4000 m d’altitude sur des pics élevés et escarpés où seuls les alpinistes ont des chances de les apercevoir.
Elles sont bien protégées du froid. Elles ont une peau épaisse et une abondante fourrure faite de poils très longs. Elles semblent lourdes et pourtant elles se déplacent facilement sur les rochers et peuvent franchir des précipices. Leurs pattes courtes et puissantes sont terminées par des sabots aux bords effilés qui forment des sortes de crampons.
Les chèvres des Montagnes Rocheuses sont rarement attaquées par les loups et les pumas car ils ne grimpent jamais si haut dans la montagne. Les aigles parviennent parfois à capturer des petits... mais leur plus grand ennemi est la neige.
Quand la neige est trop épaisse, les chèvres des Montagnes Rocheuses ne peuvent plus trouver d’herbes et de lichens pour se nourrir. Elles essaient alors de descendre vers les régions boisées moins enneigées. Elles n’y arrivent pas toujours car la couche de neige les empêche de passer. Un grand nombre d’entre elles meurent alors de faim. Il arrive aussi qu'elles soient englouties par une avalanche.
25L’animal est envisagé selon une série de points de vue, dont la liste, finie mais faiblement organisée conformément à un ordre tabulaire prédéterminé, est connue des lecteurs compétents : habitat, aspect physique, nutrition, reproduction, prédateurs,... Ces points de vue constituent la base des opérations psycholinguistiques d’aspectualisation et de la planification du texte. Chaque aspect se développe en une « partie » de texte, confondue ici avec un paragraphe puisque le texte est court. Le marquage typographique est quasi systématiquement renforcé par une opposition entre la réitération du nom de l’animal en tête de paragraphe et une chaîne anaphorique interne au paragraphe qui a comme tête le nom plein liminaire. La rethématisation de l’animal en début de paragraphe n’est pas liée à des contraintes phrastiques. Elle n’est pas a priori nécessaire puisque, le thème étant unique et constant, il y a en principe peu de risque de confusion et d’ambiguïté dans l’emploi des anaphores. Nous postulons que le jeu réglé de la rethématisation et de l’anaphorisation relève du marquage du plan du texte. La rethématisation signale au compreneur un changement sémantique. Elle lui signale qu’un aspect vient d’être traité dans la séquence précédente et qu’il y a heu d’intégrer les informations relatives à cet aspect de l’objet. De façon complémentaire, elle lui signale qu’il va être question d’un autre aspect dans la séquence qui s’ouvre et que toutes les informations s’y rapporteront jusqu’à la fin du paragraphe-partie et la prochaine rethématisation. A l’intérieur de chaque paragraphe, l’absence de nom plein thématique et l’emploi quasi systématique d’anaphores (pronom personnel, parfois substitut lexical du type « cet animal ») signale au compreneur que c’est un seul et même aspect qui est développé et que les informations qui s’y rapportent doivent être « liées » en vue de leur intégration mémorielle.
26Cette « loi » du marquage des paragraphes-parties et donc du plan de texte par l’opposition nom plein-rethématisation liminaire vs anaphore intra-paragraphique, n’est évidemment pas absolue. On le constate dans CdMR (le second paragraphe ne commence pas par une rethématisation alors qu’on passe de l’aspect « habitat » à l’aspect « adaptation au heu de vie * propriétés physiques »).
27Les deux investigations que nous présentons ici visent à soumettre à l’épreuve des faits empiriques la loi textuelle que nous postulons. Nous analysons d’abord un corpus de textes descriptifs épistémiques. Nous cherchons ensuite à mettre en évidence ses effets sur la réception des textes, sur leur traitement cognitif. Nous demandons pour cela à des sujets de reconstruire l’architecture scripturale paragraphique de textes manipulés.
2.1. Analyse d’un corpus de textes descriptifs épistémiques
28Conformément à notre hypothèse, nous nous attendons à trouver, dans un corpus de textes descriptifs épistémiques, un « grand nombre » de rethématisations en tête de paragraphe-partie et, au contraire, une quasi absence de rethématisation à l’intérieur des paragraphes-parties.
292.1.1. Notre corpus comprend 229 fiches animalières issues de trois sources :
87 fiches publicitaires « Les merveilles du monde » (MdM) : les textes comptent environ 200 mots, une trentaine de lignes de 6 à 7 mots chacune en moyenne et 4 à 5 paragraphes,
100 fiches publiées par les éditions « Rencontre » (Rc) : les textes comptent environ 270 mots, une quarantaine de lignes de 6 à 7 mots chacune en moyenne et 3 à 4 paragraphes,
42 fiches publiées par le « Livre de Paris » (LdP) : les textes comptent environ 280 mots, une vingtaine de lignes de 12 mots chacune en moyenne et 2 à 3 paragraphes.
30Le corpus n’est pas totalement homogène et les choix rédactionnels diffèrent assez sensiblement d’une série à l’autre. L’auteur des fiches MdM, destinées à une diffusion de masse et à une lecture « opportuniste », privilégie des textes assez courts, très nettement segmentés en paragraphes assez courts également. A l’inverse, le rédacteur des fiches LdP, conçues pour la vente et une lecture voulue, opte pour des textes nettement plus longs et, paradoxalement, peu découpés en paragraphes. La série Rc se situe « entre » MdM et LdP : les textes sont plutôt longs mais les lignes sont assez courtes et les paragraphes assez nombreux. On peut donc s’attendre à des traces de marquage textuel en partie différentes selon la série.
31L’analyse quantitative se décline en deux grands volets. Nous recherchons d’abord les noms pleins qui rethématisent le nom de l’animal en début de paragraphe dans la phrase 1, puis les renominations internes aux paragraphes, dans les phrases 2 et suivantes.
32Deux cas particuliers d’absence de rethématisation nous semblent devoir être retenus et examinés. Dans un certain nombre de textes, le premier paragraphe ne contient aucune reprise nominale « fidèle » du thèmetitre. Nous considérons que cette absence de rethématisation peut s’expliquer par la proximité immédiate du thème-titre. Tout se passerait comme si le rédacteur avait estimé que la trace mémorielle du titre était suffisamment puissante chez son lecteur pour le dispenser de le rethématiser, et que, du fait même qu’il s’agit du premier paragraphe, il n’était pas nécessaire de marquer par une rethématisation un changement d’« aspect » qui n’interviendra, en principe, qu’avec le second paragraphe.
33Un second cas a été relevé. Certains paragraphes commencent par un organisateur textuel, fréquemment temporel. Ce marquage de la structure textuelle est souvent accompagné d’un lexique qui évoque quasi métatextuellement l’aspect qui va être traité. Dans ces conditions, la rethématisation semble ne pas avoir été perçue comme nécessaire par le rédacteur, le marquage textuel étant déjà assuré par l’organisateur liminaire.
34Par ailleurs, nous avons relevé les noms pleins internes aux paragraphes, qui constituent en principe autant d’infractions à la loi de marquage que nous postulons.
35Dans un certain nombre de cas, la reprise du nom plein paraît liée à des contraintes linguistiques plus ou moins fortes pour prévenir une possible ambiguïté référentielle que provoquerait l’emploi de l’anaphore. Plus généralement, quand la chaîne anaphorique interne qui prend sa source dans une rethématisation liminaire est interrompue par plusieurs propositions, le nom plein tend à être repris, comme pour « relancer » la chaîne anaphorique. Plus cette contrainte linguistique est forte, moins la fonction de cette pseudo-rethématisation est de nature textuelle.
36En revanche, certaines rethématisations internes ont manifestement une fonction textuelle de marquage du changement d’aspect. La rethématisation, linguistiquement non nécessaire, ouvre une nouvelle rubrique sans s’accompagner pour autant d’un alinéa. Compte tenu de cette analyse, on devrait donc s’attendre à rencontrer un assez grand nombre de rethématisations textuellement fonctionnelles dans les textes dont les paragraphes sont peu nombreux et longs, en particulier dans la série LdP.
37Un dernier cas mérite d’être signalé. Il arrive que le nom plein apparaisse en fin de paragraphe, parfois après une série d’anaphores. Il nous semble qu’il s’agit là d’un emploi stylistique : les substituts, anaphoriques par rapport au titre sont en réalité cataphoriques par rapport à la renomination à venir. Une évocation provisoirement mystérieuse trouve sa clé dans la renomination finale (cf. l’opération d’affectation d’Apothéloz).
382.1.2. Globalement, les textes du corpus portent massivement les traces de la loi de marquage que nous postulons (tableau 3) et, de ce point de vue, nos attentes sont confirmées. Si l’on prend en compte les variantes de marquage (cas particulier du premier paragraphe, utilisation alternative de connecteurs textuels), près des 3/4 des paragraphes sont concernés.
39Dans les 2/3 des cas (68 %), il y a rethématisation liminaire. Le plus souvent (41,26 %), le nom plein de l’animal est repris en tête de la première phrase, avec conjonction des fonctions de thème et de sujet grammatical. Les variantes de marquages sont très peu fréquentes – en particulier l’absence de rethématisation dans le premier paragraphe –, ce qui constitue un indice complémentaire de la puissance de la loi que nous postulons. Cette tendance moyenne pour l’ensemble du corpus se retrouve globalement pour chaque série.
40La présence du nom plein de l’animal à l’intérieur du paragraphe (phrase 2 et suivante) est en principe contraire à la loi de marquage que nous postulons. Contrairement à nos attentes, ce phénomène est fréquent dans l’ensemble du corpus (tableau 4) puisque, en moyenne, 61 % des paragraphes sont potentiellement concernés, avec des pointes remarquables dans les séries LdP et surtout Rc qui se distinguent significativement de la série MdM, mais pas entre elles.
Tableau 4. Renominations à l’intérieur des paragraphes (et moyenne par paragraphe)
NP intra § | Quasi § | Cataphore | |
MdM | 75 (0,21) | 18 (0,05) | 9 |
Rc | 313 (1) | 181 (0,58) | 3 |
LdP | 86 (0,85) | 53 (0,61) | 15 |
Corpus | 474 (0,61) | 252 (0,32) | 27 |
41L’explication de cette situation ne semble pas devoir être recherchée du côté des emplois stylistiques cataphoriques qui sont marginaux. En revanche, le nombre des paragraphes par texte doit jouer un rôle déterminant. En effet, moins les paragraphes sont nombreux, plus ils tendent à être longs et plus la probabilité d’une renomination du thème-titre risque d’être fréquente pour signaler un changement de thème-aspect qui ne serait pas également marqué par un alinéa, ou pour éviter les possibles ambiguïtés référentielles liées à l’emploi des pronoms anaphoriques. Cette explication est confortée par l’existence d’une corrélation négative significative entre le nombre de paragraphes et le nombre de renominations internes aux paragraphes, doublée de différences significatives entre les séries quant au nombre de paragraphes.
42Parallèlement, on constate que dans les séries aux paragraphes plutôt peu nombreux et longs, les renominations ont majoritairement une fonction de rethématisation liée à un changement de thème-aspect : elles correspondent donc à un quasi paragraphe mais sans alinéa. De ce point de vue, la série MdM se distingue significativement des deux autres séries Rc et LdP qui, elles, ne sont pas statistiquement distinctes alors qu’elles le sont quant au nombre de paragraphes.
43Tout se passe comme si les rédacteurs experts de ces fiches avaient globalement suivi la loi de marquage dans sa dimension linguistique « stricte » (nom plein vs anaphore) lors de la mise en œuvre des opérations d’aspectualisation, mais non, dans un certain nombre de cas du moins, dans sa dimension linguistique « large » ou typographique. Pourquoi tel rédacteur a-t-il choisi de ne pas signaler par un alinéa un changement de thème-aspect pourtant marqué par une rethématisation ? Pourquoi a-t-il renoncé à utiliser pleinement les possibilités spécifiques de l’écrit moderne en n’introduisant pas un alinéa là où il pouvait le faire ? On peut penser que des contraintes d’espace disponible ont joué : le format matérielle de la fiche est imposée ainsi que la police de caractères, ce qui limite a priori le nombre de lignes et donc d’alinéas possibles. Il se peut aussi que l’application de la loi de marquage dans toutes ses dimensions se heurte à une représentation de la taille minimale de l’alinéa-paragraphe « bien formé » : la multiplication d’alinéas, pourtant textuellement fonctionnels, pourrait conduire à ce que certains paragraphes n’atteignent pas cette taille critique et provoquent un déséquilibre « visuel » dans l’espace graphique de la fiche, d’où leur fusion typographique avec le paragraphe qui précède ou qui suit. La présente investigation ne permet pas de répondre à cette question ni de trancher entre les supputations explicatives. Elle appelle donc à des recherches complémentaires, en particulier à des observations on-line de rédacteurs et à des entretiens cliniques ou d’explicitation.
2.2. Effet de l’opposition « nom plein vs anaphore » sur le traitement de textes descriptifs épistémiques
44Après avoir mis en évidence les traces de la loi de marquage « nom plein vs anaphore » dans un corpus de textes descriptifs épistémiques, nous cherchons à mettre en évidence son impact sur une activité « mixte » de lecture-écriture proposée à des sujets adultes compétents.
452.2.1. Deux textes ont été sélectionnés dans le corpus analysé précédemment : « La chèvre des Montagnes Rocheuses » (CdMR) et « Le Koala » (K). Ces deux textes portent les traces de la loi que nous postulons, à deux nuances près. CdMR, dans sa version originale, ne respecte pas la loi de marquage au paragraphe 2 qui commence par une anaphore pronominale et non, comme attendu, par une rethématisation. Nous avons « corrigé » cette « malformation » dans nos versions expérimentales. K présente quant à lui une rethématisation interne au paragraphe 1. Dans la mesure où cette rethématisation est fonctionnelle, puisqu’elle marque un changement de thème-aspect, nous avons considéré que des segmentations en 4 paragraphes (celle du texte-source) ou en 5 paragraphes (par division du paragraphe 1 en deux paragraphes introduits chacun par une rethématisation) étaient également acceptables.
LE KOALA
Si le koala éprouve le vertige, il ne le montre guère. Libre comme l’acrobate sur son trapèze volant, il ne descend au sol que pour passer d’un arbre à l’autre, et il ne s’agit pas de n’importe quel arbre. Les koalas ne vivent que dans les arbres d’eucalyptus et se nourrissent uniquement de leurs feuilles. Toute autre nourriture leur donne une indigestion mortelle.
Le koala s’accroche sans problème aux troncs lisses de ces arbres, grâce à l’excellente adaptation de ses mains : deux doigts sont opposés aux trois autres et armés de puissantes griffes. Ainsi, le grimpeur tient la branche ou le tronc aussi solidement qu’une mâchoire retient sa proie.
Le koala n’est pas un ours, mais un cousin du kangourou. Vers six mois, le petit koala sort de la poche ventrale de sa mère pour s’accrocher à son dos. Il aime se sentir toujours contre elle.
Le koala est aujourd’hui protégé, il ne peut ni être chassé, ni exporté. Il est d’ailleurs impossible de le garder en captivité comme un chien ou un chat
46A partir de ces textes, 3 versions de bases ont été élaborées. Dans les versions V0, les oppositions nom plein vs anaphore ont été conservées, comme dans les versions originales (authentique pour K, « corrigée » pour CdMR). Dans les versions V1 et V2, cette opposition a été effacée, soit par généralisation du nom plein en V1, soit par généralisation de l’anaphore pronominale en V2.
47Tous les alinéas ont par ailleurs été supprimés et chaque version a été présentée selon deux modalités : texte « pavé » d’un seul et unique paragraphe (Vp), texte « éclaté » comportant autant d’alinéas qu’il y a de phrases (Vé). Au total, 12 textes expérimentaux ont été fabriqués (2 thèmes * 3 versions * 2 présentations).
48Soixante-quatre sujets ont été testés (étudiants de licence de Sciences de l’Éducation, essentiellement des jeunes femmes). Nous leur avons demandé de segmenter en paragraphes ces versions expérimentales en indiquant par un trait1 les endroits où ils introduiraient un alinéa. Chaque sujet a eu à traiter successivement deux textes de thèmes différents (1 CdMR, 1K), d’abord une version V1 ou V2 présentée selon l’une des deux modalités « pavé » ou « éclatée », puis une version V0 présentée selon l’autre modalité. Selon les cas, c’est d’abord CdMR ou K qui a été proposé en premier lieu.
49Si la loi de marquage a une plausibilité psychologique, nous nous attendons à ce que les versions V0 soient mieux traitées que les versions V1 et V2, à ce que les sujets y retrouvent plus facilement les segmentations originales grâce aux rethématisations vs anaphorisations.
502.2.2. Le tableau 5 rassemble les fréquences de segmentations conformes au texte-source (avec la variante 4 ou 5 paragraphes pour K), selon la version. Conformément à nos attentes, les versions V0 sont significativement mieux segmentées que l’ensemble des versions V1V2. Elles sont également mieux segmentées que chaque version V1 ou V2. Il n’y a en revanche pas de différences significatives entre les versions V1 et V2.
Tableau 5. Fréquence de segmentations conformes au texte-source selon les versions (V0, V1, V2)
VO | V1V2 | V1 | V2 | |
CdMR-K4 | 78,52 | 67,97* | 63,71* | 71,97 |
CdMR-K5 | 83,68 | 70,24* | 70,50 | 70,00* |
51Le mode de présentation (« pavé » vs « éclatée ») n’est pas sans effet sur ces résultats, mais il ne joue qu’en interaction avec la version. Avec la présentation « éclatée » (tableau 6), les versions V0 sont nettement mieux segmentées que les versions V1 et V2 confondues. La présentation « éclatée », plus proche d’une mise en page moderne que la présentation « pavé », tend à faciliter le repérage du marquage « nom plein vs anaphore » en V0, du moins dans les conditions de passation qui ont été retenues.
Tableau 6. Fréquence de segmentations des présentations éclatées (é), conformes au texte-source selon les versions (V0, V1, V2)
V0é | V1V2é | V1é | V2é | |
CdMR-K4é | 80,47 | 66,41* | 65,00* | 67,65 |
CdMR-K5é | 86,81 | 73,10* | 74,63 | 71,79 |
52La plausibilité psychologique de la loi de marquage textuel « nom plein vs anaphore » est donc confortée par les résultats que nous avons enregistrés. Les versions V0, qui maintiennent l’opposition « rethématisation vs anaphore » sont mieux segmentées que les versions V1 et V2, qui ne maintiennent pas cette opposition. Dans les conditions de passation qui ont été les nôtres, une présentation éclatée facilite le repérage de cette opposition de marques, sans doute parce qu'elle se rapproche des habitudes de perception liées à la mise en page moderne. Une passation assistée par ordinateur devrait permettre de vérifier cet effet du mode de présentation tout en autorisant un enregistrement on line des segmentations.
Conclusion
53Nous nous sommes référé initialement au paradigme cognitiviste classique. Ce paradigme est aujourd’hui l’objet de critiques de la part de chercheurs qui se réclament d’un néo-connexionnisme. Nos données peuvent, d’une certaine façon, contribuer au débat en cours. Si la description n’est pas un cas particulier mais un révélateur voire un « analyseur » d’une situation générale, si la loi de marquage que nous postulons a bien la puissance que nous lui prêtons, alors il n’est pas nécessaire de modéliser le système humain de traitement de l’information à grand renfort d’outils cognitifs sophistiqués et spécialisés, en l’occurrence de schémas textuels prototypiques. Le traitement des textes ne reposerait pas sur la mobilisation anticipée de tels schémas textuels. La structuration textuelle émergerait progressivement, de proche en proche, grâce, entre autres, au repérage somme toute rustique de certains signaux linguistiques. Il est clair cependant qu’une telle interprétation doit encore être étayée par des observations portant sur le traitement d’autres objets textuels que ceux que nous avons retenus ici.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Adam, J.-M., Petitjean, A., (1982), « Introduction au type descriptif », Pratiques, no 39, 77-91.
10.3406/prati.1982.1237 :Adam, J.-M., Petitjean, A., (1989), Le texte descriptif, Paris, Nathan.
Adam, J.-M., (1984), Le récit, Paris, PUF (QSJ).
10.3917/puf.adam.1996.01 :Adam, J.-M., (1985a), « Quels types de textes ? », Le Français dans le Monde, no 192, 39-43.
Adam, J.-M., (1985b), « Réflexion linguistique sur les types de textes et de compétences en lecture », L’Orientation Scolaire et Professionnelle, no 14, 4, 293-304.
Adam, J.-M., (1985C), Le texte narratif, Paris, Nathan.
Adam, J.-M., (1986), « Prolégomènes à une définition linguistique de la description », Travaux du Centre de Recherches Sémiologiques, no 52, 147-188.
Adam, J.-M., (1987a), « Textualité et séquentialité. L’exemple de la description », Langue Française, no 74, 51-72.
10.3406/lfr.1987.6435 :Adam, J.-M., (1987b), « Approche linguistique de la séquence descriptive », Pratiques, no 55, 3-27.
10.3406/prati.1987.1447 :Adam, J.-M., (1987c), « Types de séquences textuelles élémentaires », Pratiques, no 56, 54-79.
Adam, J.-M., (1989), « Pour une linguistique pragmatique et textuelle », in : Cl. Reichler (dir.), L’interprétation des textes (183-222), Paris, Minuit.
Adam, J.-M., (1990), Éléments de linguistique textuelle, Liège, Mardaga.
Adam, J.-M., (1992), Les textes : types et prototypes, Paris, Nathan.
Adam, J.-M., (1993), La description, Paris, PUF (QSJ).
Adam, J.-M., (1994), Le texte narratif, Paris, Nathan (2nde édition revue).
Apothéloz, D., (1983), « Éléments pour une logique de la description et du raisonnement spatial », Degrés, no 35-36, 1-19 (repris dans ce volume).
10.4000/books.septentrion.47381 :Borel, M.J., (1981), « L’explication dans l’argumentation : approches sémiologiques », Langue Française, no 50, 20-38.
10.3406/lfr.1981.5089 :Borel, M.J., (1989), « Textes et construction d’objets de connaissance », in : Cl. Reichler (dir.), L’interprétation des textes, 115-156, Paris, Minuit.
Borel, M.J., (1990), « Le discours descriptif, le savoir et ses signes » et « La schématisation descriptive : Evans-Pritchard et la magie », in : Adam J.-M., Borel M.J., Calame C. et Kilani M. Le discours anthropologique, 21-69 et 169-226, Paris, Méridiens Klincksieck.
Brassart, D.G., (1990), « Explicatif argumentatif descriptif narratif et quelques autres. Notes de travail », Recherches, no 13, 21-59.
Coirier, P., Gaonac’h, D., Passereault, J.-M., (1996), Psycholinguistique textuelle. Approche cognitive de la compréhension et de la production des textes, Paris, Colin.
Cossais, B., Gaonac’h, D., Adam, J.-M., (1993), « Mode de structuration des informations et des marqueurs organisationnels du texte descriptif : repérage et fonctionnement cognitif », Congrès annuel de la Société Française de Psychologie, Poitiers 13-15 mai 1993.
Ηαμον, Ph., (1981), Introduction à l’analyse du descriptif, Paris, Hachette.
Ricardou, J., (1973), Le nouveau roman, Paris, Seuil.
Notes de bas de page
1 Cette technique rustique est légère et commode pour une passation collective, mais elle oblige les sujets à se représenter mentalement l’effet typographique de ses segmentations. Elle accentue le caractère métalinguistique de la tâche.
Auteur
Université Charles de Gaulle - Lille III
Equipe THEODILE (E.A. 1764)
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Questions de temporalité
Les méthodes de recherche en didactiques (2)
Dominique Lahanier-Reuter et Éric Roditi (dir.)
2007
Les apprentissages lexicaux
Lexique et production verbale
Francis Grossmann et Sylvie Plane (dir.)
2008
Didactique du français, le socioculturel en question
Bertrand Daunay, Isabelle Delcambre et Yves Reuter (dir.)
2009
Questionner l'implicite
Les méthodes de recherche en didactiques (3)
Cora Cohen-Azria et Nathalie Sayac (dir.)
2009
Repenser l'enseignement des langues
Comment identifier et exploiter les compétences ?
Jean-Paul Bronckart, Ecaterina Bulea et Michèle Pouliot (dir.)
2005
L’école primaire et les technologies informatisées
Des enseignants face aux TICE
François Villemonteix, Georges-Louis Baron et Jacques Béziat (dir.)
2016