La description en questions
p. 33-59
Texte intégral
1Cette contribution est à lire comme l’état provisoire d’un programme de recherches en didactique du français portant sur la description en lecture-écriture. Elle s’appuie notamment sur les travaux de l’équipe THEODILE et de chercheurs invités (voir l’ensemble de cet ouvrage et Pratiques 1998), sur diverses recherches menées avec des étudiants de maîtrise ou avec des enseignants dans le cadre d’un programme de l’IUFM du Nord/Pas-de-Calais (Recherche 97-003, 1997-1999).
2A l’origine de ce travail se situe un constat que je résumerai, trop brutalement sans doute, de la manière suivante : envisagée dans une perspective didactique, la description n’a, somme toute, été que peu étudiée. D’un côté, il n’existe encore que peu de recherches sur les productions et les représentations des apprenants ainsi que sur la mise en place et l’évaluation de stratégies d’enseignement et d’amélioration possibles. D’un autre côté, les théories de référence, très formelles, demeurent trop centrées sur la description littéraire, essentiellement dans les récits naturalistes, même si l’on peut sans doute établir une différence entre des travaux fondateurs ou critiques essentiels à mes yeux (Apothéloz 1983 ; Hamon 1972 et 1981 ; Molino 1992) et la vulgate applicationniste dérivée des écrits de Jean-Michel Adam.
3L’objectif principal de cette contribution est de proposer une formalisation de la description, de son organisation textuelle (en prenant en compte lecture et écriture) et de ses représentations, telle qu'elle soit pertinente dans le champ didactique (Reuter 1996 : 57-58, 77-78). C’est-à-dire, pour le résumer ici encore trop succinctement, pertinente pour mieux comprendre productions et représentations des experts et des apprenants et pour mieux fonder les pratiques d’enseignement et de remédiation.
4Dans l’espace dont je dispose ici, je ne traiterai cependant pas de nombre de questions fondamentales dans cette perspective : l’importance sociale et scolaire de la description, les problèmes qu'elle pose dans l’enseignement-apprentissage, les productions et représentations des élèves, les pistes de remédiation envisageables... que j’ai abordées dans un article précédent (Reuter 1998). J’ai effectué ce choix afin de mieux pouvoir développer la formalisation que je propose.
1. Premiers éléments de définition
5Afin de faciliter l’exposition des propositions annoncées, je commencerai par quelques éléments de définition que je préciserai et commenterai tout au long de cet article.
6Philippe Hamon oppose de façon systématique description, comme moment local, et descriptif, comme mouvement global, dominante, effet de texte (Hamon 1981 : 5, 98, 263...). Je reprendrai en la modifiant quelque peu cette idée fondamentale et en n’effectuant pas les mêmes choix terminologiques que lui afin de ne pas « heurter » les usages courants.
7Je parlerai ainsi de description pour désigner l’ensemble des faits que j’étudie et qui subsume au moins deux réalités différentes :
la composante descriptive (le descriptif) de tout texte construisant un effet spécifique et constituée par une constellation de traits textuels ;
des modes de présence textuels, plus ou moins étendus, où la composante descriptive est soit dominante, soit dominée mais où l’effet descriptif est néanmoins actualisé.
8Dans le cas de fragments textuels à composante descriptive dominante, je maintiendrai encore le terme de description, toujours afin de ne pas « heurter » les usages courants.
9Je conserve donc l’idée qui me semble féconde de composante (mouvement et effet) commune à tout texte, en proposant de considérer que l’effet (ou visée centrale) consiste à donner l’impression de voir (cf. infra 3.). Je propose encore de considérer que cette composante descriptive correspond à une intention, plus ou moins consciente, en production et à une construction/reconstruction/reconnaissance plus ou moins nette en réception.
10Les modes de présence (de manifestation) textuels de cette composante sont multiples (cf. infra 2.). Ils peuvent prendre les formes du simple signalement, de notations qualificatives, de fragments brefs ou de séquences plus ou moins expansées.
11La composante descriptive, et son effet spécifique, se construit au travers de la sélection-construction d’un référent (l’objet décrit), doté de quelques caractéristiques centrales (cf. infra 3.) : la visibilité, le jeu avec la catégorisation, le « statisme »1.
12L’objet décrit se constitue aussi textuellement à l’aide de composantes principales (cf. infra 4.) : la désignation de l’objet décrit ; la désignation des parties et des sous-parties ; les spécifications globales ou locales (propriétés ; localisations ; assimilations ; explications ; évaluations).
13Le descriptif s’élabore fondamentalement par l’organisation de ces composantes au sein de différentes formes de parcours descriptifs (cf. infra 5.), régis par les principes suivants : linéariser-organiser, manifester la « descriptibilité » de l’objet, réduire les tensions structurelles, étayer diverses fonctions... La forme essentielle de ces parcours descriptifs est la gestion thématique qui articule le tout, les parties et les spécifications.
14Les fragments descriptifs peuvent être signalés (cf. infra 6.), soit par des annonces, soit par des scénarios introductifs typiques, soit par un effet de contraste avec le reste du texte.
15L’effet principal (ou visée centrale) du descriptif qui est, selon moi, de produire l’impression de voir, se construit et s’articule avec d’autres fonctions de la composante en relation avec le cotexte et le contexte : construction du savoir, évaluation, régulation-transformation, gestion de la lecture et de l’écriture, positionnement (cf. infra 7.).
16J’ajouterai pour conclure ce rapide cadrage que tous ces éléments (composantes, parcours, modes de manifestation, modes de signalement...) sont soumis à des variations, en diachronie ou en synchronie, selon les champs de pratiques et les genres où s’inscrivent les descriptions.
2. Les modes de présence textuels du descriptif
17Les modes de présence textuels du descriptif sont très divers. Je me contenterai ici d’en proposer une approche succincte.
2.1. Présence virtuelle ou actuelle
18La présence peut être, en quelque sorte virtuelle. Dans ce cas, la description fait l’objet d’une ellipse. Le texte se contente de signaler qu'elle a eu lieu sans qu'elle soit rapportée. C’est le cas, par exemple, dans cet extrait de Pas d’orchidées pour Miss Blandish de James Hadley Chase :
« La voix poursuivit, donnant une complète description de Slim ».
19Il reste au lecteur à reconstruire ou non, en fonction de sa mémorisation d’informations précédemment données, l’effet descriptif.
20La présence peut aussi être actualisée. Dans ce cas, cela peut prendre de multiples formes depuis la (les) simple(s) notation(s) qualitative(s) jusqu’au fragment long en passant par le fragment bref (quelques propositions). On passe en quelque sorte de la description sommairisée à la mise en scène descriptive.
21De surcroît, le mode de présence est à analyser aussi en fonction de la place dans le texte, de sa concentration (la description est concentrée en un endroit, disséminée ou alterne les deux modes), de sa fréquence (une occurrence ou plusieurs) et de son mode de répétition (à l’identique, de façon partielle, avec des modifications)...
22Pour le dire autrement, la description me paraît susceptible de recevoir nombre d’analyses définies par Gérard Genette (dans Figures III) à propos des rapports fiction-narration pour le récit2.
23Cette première approche appelle cependant plusieurs remarques quant aux théories « dominantes » et à certains travaux didactiques concernant la description.
2.2. Développer les recherches sur les modes de présence textuels du descriptif
24Si l’on admet un tant soit peu les propositions précédentes, on conviendra sans doute que ce que l’on appelle la plupart du temps, théoriquement et scolairement, description, n’est qu’une des manifestations possibles de cette catégorie. Il s’agit de la séquence descriptive : fragment expansé qui produit massivement l’effet descriptif par le traitement d’un référent approprié au travers d’une constellation de faits linguistiques et textuels (cf. infra 3., 4., 5., 6.). Mais l’effet descriptif peut passer de façon moins massive par de multiples phénomènes textuels différents : ellipses, notations qualificatives, descriptions sommairisées, séquences avec d’autres dominantes (narrative, dialogale...). De surcroît, les distinctions entre notations qualificatives, descriptions sommairisées et séquences descriptives ne sont pas véritablement construites théoriquement. Où et sur quels critères classer par exemple les notations de cet extrait du Coup tordu de Bill Pronzini (Gallimard, 1972) :
« Une infirmière surgit – maigre, l’œil triste et le sein plat comme une main-éponge – et je lui dis qu’ayant besoin d’aller aux toilettes je voulais savoir si je pouvais me mettre debout. »
25Il me semble conséquemment qu’on risque d’y perdre beaucoup à n’étudier théoriquement et scolairement que la séquence descriptive en évacuant les autres formes de manifestation textuelle du descriptif, leurs relations3, etc. De ce point de vue, je serais tenté de parler d’effets de méconnaissance liés à la référence dominante aux typologies de textes (qui conduisent à ne sélectionner que des textes « exemplaires ») et à la littérature (notamment au Naturalisme). Cela pose en outre un problème complémentaire. On impose ainsi aux apprenants, par le centrage exclusif sur des séquences extraites de leur contexte, l’idée d’autonomie (relative) de la description comme si les frontières étaient claires et naturelles avec le reste du texte. A ce prix, on occulte par exemple que la fameuse description de la casquette de Charles Bovary est inscrite comme composante de la présentation du « nouveau » ou encore que les frontières de la séquence peuvent être construites différemment selon théoriciens ou manuels comme le montre Yves Maubant (1994) à partir d’un extrait du Lys dans la vallée dans plusieurs manuels de lycée.
3. L’objet décrit
26La description s’articule fondamentalement sur un référent construit pour faire voir, pour procurer l’impression au lecteur qu’il peut se figurer l’objet mis en scène. A ce titre, il possède trois caractéristiques majeures : la visibilité, la possibilité d’être catégorisé et le « statisme ». Ces trois traits me paraissent constitutifs des définitions théoriques, des approches scolaires et des représentations sociales de la description. Ils me semblent en constituer le noyau. Cela explique notamment que plus un objet du monde sera considéré comme porteur de ces traits (lieu, personnage, objet...), plus il sera considéré comme descriptible4.
3.1. La visibilité
27Ce premier trait fait l’objet d’un consensus quasi absolu, diachroniquement et synchroniquement, chez les théoriciens du texte (Adam 1993 : 26, 39 ; Albalat 1934 : 176 ; Molino 1992 : 378...), chez les théoriciens d’autres disciplines (Monge 1799 ; Laplantine 1996 : 110...), chez les méthodologues (Loubet del Bayle 1989 : 24), dans les représentations des sujets. La rhétorique avait d’ailleurs constamment réuni description et hypotypose (exposition de l’objet si « vive » qu’on a l’impression d’une « image »).
28Cela correspond donc à la spécificité de la description qui est, selon moi, de construire des informations qui donnent l’impression de pouvoir visualiser ce dont il est question. De très nombreux procédés, linguistiques ou iconiques, sont d’ailleurs utilisés à cette fin : introduction de la description dans le roman au travers de la vision d’un personnage, fréquence du lexique associé à la vision, figures de style telles comparaisons ou métaphores, appels à l’activité figurative du lecteur (« Figurez-vous... », « Que l’on se représente... »), présentatifs tels c’est ou voici, association fréquente dans divers écrits (scientifiques, techniques, publicités, catalogues, affiches immobilières...) à de l’iconique (images, photographies, plans...) etc. D’une certaine façon, un des sens du verbe « décrire », tracer ou donner forme, dans des expressions telles que « ses mains décrivent une courbe », peut confirmer ces relations description-figuration.
29Cette première caractéristique appelle cependant quelques remarques à propos du « renvoi au réel ». Il est ainsi certain que, par ce trait notamment, la description peut être considérée comme un des piliers de l'illusion réaliste. La représentation alors engendrée (la description est l’image du réel) est ambivalente. D’un côté, elle donne des éléments justes (figurer est bien caractéristique de la description) ; de l’autre, elle induit cependant un danger potentiel : ne plus voir la construction textuelle qui produit cet effet. Cette dérive me paraît d’ailleurs partagée par les apprenants et par certains théoriciens ou méthodologues lorsqu’ils insistent sur le lien entre observation et description en sous-estimant la part de la construction-monstration textuelle.
30D’autre part, la description et l’effet engendré ne sont ni universels, ni intemporels. Ils sont tributaires – entre autres – des codes nécessités par une situation donnée dans une sphère de pratiques déterminée. Cela explique notamment que plus les codes employés sont spécialisés (mathématiques, par exemple), plus l’effet de visibilité sera tributaire de la maîtrise des codes par les récepteurs.
31De surcroît, il me semble qu’il existe ce que je nommerai volontiers un paradoxe descriptif : plus la description gagne en étendue et en précision - au moins dans les discours littéraires et courants –, plus l’effet de visibilité référentielle tend à s’effacer derrière la présence du texte. J’expliquerais ainsi l’ennui de nombre d’élèves face aux descriptions réalistes ou naturalistes, l’ennui de nombre de lecteurs face aux descriptions du Nouveau Roman.
3.2. Le jeu avec les catégorisations
32Ce second trait de l’objet descriptible/décrit est, me semble-t-il, plus discuté. En effet, dans nombre de représentations sociales et pour nombre de théoriciens (Borel 1990 : 65 ; Albalat 1934 : 152 et sq. ; Laplantine 1996 : 10 ; Loubet del Bayle 1989 : 147...), une des caractéristiques fondamentales de la description est de singulariser. La description construirait donc (et choisirait de façon privilégiée) un objet singularisé et non un « type », entendu comme « représentant d’une classe d’individus sélectionné exclusivement sur la base de traits qui le rattachent – et non le distinguent – à sa classe d’appartenance. » (Schnedecker, 1990 : 71).
33Mais en fait, il existe nombre de descriptions qui aboutissent à une catégorisation, à un classement dans un type. C’est fréquemment le cas dans des genres techniques ou scientifiques qui lient fortement description et explication. Mais c’est aussi le cas dans les discours courants ou dans les romans, parfois d’ailleurs pour des raisons d’économie narrative :
« Le dépôt mortuaire Lorenzo existe depuis soixante-cinq ans. Qu’en dire ? Hormis quelques photos de célébrités dédicacées sur ses murs, il ressemble à n’importe quel autre dépôt mortuaire. » (S. Scoppettone : Je te quitterai toujours, Paris, Fleuve Noir, 1996).
34Il me semble donc que le trait véritablement en jeu est la possibilité pour un objet d’être plus ou moins facilement catégorisé. Philippe Hamon (1981) insiste à de nombreuses reprises sur une annonce fréquente en début de description qui tient de la prétérition : « c’était (un spectacle) indescriptible ». L’« indescriptibilité » – qui sera heureusement déjouée – tient de la sortie des types, des normes, des catégories connues, soit par excès, soit par anormalité, soit par mélange. Le travail descriptif – la possibilité de décrire – tient alors, comme pour toute description, à la capacité à restituer la catégorie d’accueil de l’objet, que l’on en reste là ou que l’on singularise l’objet décrit par rapport à cette classe. Cela n’est en réalité pas trop surprenant : on ne perçoit qu’au travers de catégories socialement construites.
35Cela implique au moins deux conséquences. En premier lieu, considérer que typification et singularisation sont des mouvements communs et constitutifs de toute description. En second lieu, considérer que, selon le « poids » et l’articulation de ces deux mouvements, on aboutira soit à des descriptions typifiantes, soit à des descriptions singularisantes.
36Saisir l’importance de ce trait du descriptif me paraît présenter de nombreux intérêts. Cela permet de mieux comprendre certaines formes de parcours descriptifs (cf. infra 5.). Cela permet de mieux appréhender les procédés textuels utilisés pour typifier ou singulariser (types de nominations, types de déterminants, présence ou absence de localisations temporelles ou spatiales, sélection des caractéristiques communes ou singulières, comparaisons...). Cela permet encore de préciser les formes de tensions à l’œuvre dans certains écrits entre les deux tendances. Ainsi, les catalogues publicitaires ont à concilier la présentation d’un objet générique et la persuasion de clients singuliers : ce qui entraîne des formes linguistiques mimant l’appropriation particulière (cet objet vous convient, il sera le vôtre) et des démonstratifs comme « ce » ou « cet(te) » renvoyant à l’objet, présenté sur une image ou une photo comme unique. Cela permet aussi de mieux comprendre certaines difficultés en écriture (textes d’élèves très « généraux » ou présentant de nombreux stéréotypes) ou en lecture (ennui de certains lecteurs face à des descriptions typifiantes qui leur semblent s’opposer à l’action narrative comme, par exemple, dans La Femme de trente ans de Balzac).
3.3. Le « statisme »
37Ce critère, tout aussi important que les deux précédents, est d’un côté relativement consensuel et récurrent dans les théories et les représentations sociales, mais, de l’autre, très difficile à définir précisément. Philippe Hamon (1981 : 5) l’expose ainsi :
« L’essence du descriptif, s’il devait en avoir une, son effet, serait dans un effort : un effort pour résister à la linéarité contraignante du texte, au post hoc ergo propter hoc des algorithmes narratifs, au dynamisme orienté de tout texte écrit qui, du seul fait qu’il accumule des termes différents, introduit des différences, une vectorisation, des transformations de contenus. »
38Il précise encore dans le même ouvrage (1981 : 43, 44, 104...) cette idée : la description, à la différence du narratif notamment, ne pose pas avec ses premiers termes un horizon de lecture en terme de trajet, de transformation de contenus...
39Je poserai pour ma part que cette caractéristique – qui contribue à distinguer le descriptif non seulement du narratif mais encore de l’explicatif, de l’argumentatif ou du prescriptif – regroupe en fait deux modalités de fonctionnement complémentaires dans nombre de cas mais néanmoins distinctes : l’absence d’ordre causal-chronologique (ou sa suspension) dans l’objet décrit et l’absence de transformation programmée (ou sa suspension). L’objet décrit se présente (ou est présenté) comme non organisé autour d'une succession temporelle et/ou causale et/ou comme n’appelant pas de transformation (d’un état à un autre ; d’une thèse à une autre ; d'une question à une réponse...). La description se présente ainsi, sans référence à un ordre « réel » antérieur, sur le mode de la simultanéité temporelle, de la coexistence, de la juxtaposition.
40Nombre de procédés textuels participent de ce phénomène ou le confirment : certaines redondances, les temps privilégiés (présent, imparfait...), les progressions thématiques à thème éclaté ou thème constant, le sémantisme des verbes (avec l’importance des variations autour de être ou avoir...)...
41Cela explique en partie que, dans le cadre des récits, les descriptions soient appréhendables comme du « second plan » (Combettes 1989 et 1992) et considérées par nombre d’apprenants et de lecteurs comme ennuyeuses (des expansions digressives et statiques ralentissant la progression de l’histoire et se répétant de façon interne).
42Cela peut aussi rendre compte de certaines difficultés en production (« désordre », planification pas-à-pas) dans la mesure où – contrairement au récit par exemple – aucun ordre « référentiel » ne s’impose a priori. Ce qu’exprime à sa façon Annie Ernaux (Journal du dehors, Paris, Gallimard, 1993) :
« Je vis dans la Ville Nouvelle depuis douze ans et je ne sais pas à quoi elle ressemble. Je ne peux pas non plus la décrire, ne sachant pas où elle commence, finit [...] ».
43Cette caractéristique me parait avoir engendré dans la littérature théorique quelques formulations discutables (dans les écrits d’Hamon et surtout d’Adam et de Revaz). Ainsi, la description est posée du côté de l’espace (à la différence du récit situé sur l’axe temporel), alors que les deux types de textes sont susceptibles d’être analysés sur les deux dimensions. Je ne pense pas qu’on y gagne beaucoup, théoriquement et scolairement, à parler principalement de référent spatial dans le cas de la description.
44Cette caractéristique est en tout cas fondamentale pour comprendre le fonctionnement du descriptif :
en ce qu’il doit surmonter une tension structurelle5 entre suspension de l’ordre et du mouvement (cf. supra) dans l’objet décrit et instauration d’un ordre et d’un mouvement en raison de la linéarisation textuelle ;
en ce qu’il peut « jouer » avec cette tension structurelle, soit en suspendant ordre et mouvement dans certains objets pour les rendre descriptibles (cf. une journée, une scène...), soit en réintroduisant ordre et mouvement à l’aide de plans (spatiaux, temporels...).
4. Les composantes de la description
45Les composantes principales de la description sont, selon moi, les suivantes :
la désignation du tout (de l’objet décrit) ;
la désignation des parties et des sous-parties ;
les spécifications globales (du tout) ;
les spécifications locales (des parties).
46Ces spécifications comprennent notamment : des qualifications (ou propriétés), des localisations (spatiales ou temporelles), des mises en relation (par comparaison ou métaphore), des explications, des évaluations.
47En avançant ces propositions, je me contente de rappeler la plupart des procédés relevés par ceux qui ont étudié la description. Je souhaite cependant apporter quelques précisions, manifester quelques différences et mentionner quelques problèmes en suspens.
4.1. Le statut des composantes
48Ces composantes sont virtuelles. Elles sont ou non actualisées. Elles ne témoignent pas d’un ordre référentiel préexistant. Elles ne « constituent » pas non plus une structure « arborescente » (si ce n’est dans le mode de formalisation choisi). L'organisation descriptive, est donc entièrement tributaire des « parcours textuels » réalisés (cf. 5.) et non d’une relation entre ordre référentiel et ordre textuel. Cela explique l’importance que je confère aux parcours.
4.2. La distinction des composantes
49La distinction des composantes est tributaire d’un effort d’abstraction théorique. Dans les textes réalisés, les frontières sont bien souvent brouillées entre les composantes : la sélection de certaines parties ou la désignation du tout sont fréquemment indissociablement liées à l’évaluation. Il en est de même pour les frontières entre parties et propriétés6 qui méritent un examen textuel et sémantique approfondi : dans l’expression « une femme aux cheveux blonds », la notation « aux cheveux blonds » malgré sa forme textuelle (partie + qualification locale) peut être considérée comme une propriété globale. Seule une analyse tenant compte du contexte permet véritablement de trancher.
50Complémentairement, je remarquerai, en accord avec les autres théoriciens de la description, que les spécifications peuvent, elles aussi comme les parties, même si c’est plus rare, être reprises et expansées. C’est le cas de la propriété « rouge » dans l’extrait suivant :
« Le parc s’élevait en terrasses de la gare à une rue de petits pavillons qui se situaient presque sur la crête de la colline. De ses portes dorées jusqu’à ses plus petites boutures de géranium il était flambant neuf, et rouge dans sa majeure partie : la maison du gardien, le kiosque à musique et les autres kiosques, les balustrades, les abris – c’était un rouge uniforme de briques et de tuiles qui assaillait l’œil de tous côtés en réduisant à néant les verts pâles du gazon et des arbres frêles. » (A. Bennett, Anna, malgré tout, Paris, Autrement, 1995, p : 22).
4.3. Quelques intérêts de l’analyse des composantes
51J’ai regroupé dans la désignation des parties ce que l’on distingue parfois entre parties et thématisation (désignant par là la propriété de composantes de la description d’être à leur tour expansées par la décomposition en parties, l’attribution de propriétés, la mise en situation...). Pour moi, la désignation des parties, distinguée de tout ce qui la spécifie, est donc un des mécanismes essentiels de la description par lequel elle contribue à « faire voir » en sélectionnant et en textualisant les parties du référent.
52Cette désignation peut être plus ou moins importante (comprendre un nombre plus ou moins important de parties), plus ou moins profonde (décomposée en un nombre plus ou moins important de niveaux : les parties des parties des parties...) et plus ou moins expansée (recevoir un nombre plus ou moins important de spécifications). L’importance, la profondeur et l’expansion de la désignation sont, à mon sens, des critères marquant l’évolution de la compétence descriptive chez les apprenants.
53Sur un plan plus général, je remarquerai que, dans certains cas, lorsque l’expansion qualificative d’une partie ou d’une sous-partie s’avère particulièrement développée, structurée et signalée, on a l’impression d’une sous-description relativement autonomisable (par exemple, la casquette de Charles Bovary).
54J’insisterai encore sur le fait que la désignation des parties est guidée par la construction d’une image dans un cadre donné. Elle participe de la composition sélective de l’objet qui, pour être pertinente, ne peut ni ne doit être exhaustive, mais doit désyncrétiser en notant essentiellement ce qui est nécessaire pour fixer une image en relation avec le reste de l’économie textuelle et en accord avec les cadres discursifs (genre, discipline, effets visés...). Les ouvrages sur le signalement descriptif en matière policière (cf. par exemple, Sannié et Guérin, 1938), insistent d’ailleurs sur ce point. La désignation des parties a donc autant à voir avec la sélection et l’élimination qu’avec l’addition, ce que Jean-Marie Privat (1987) démontre clairement à propos des petites annonces matrimoniales. Cela signifie à mon sens que les assimilations, souvent effectuées dans les écrits théoriques entre description, liste, addition, exhaustivité, etc. sont peu pertinentes et dangereuses didactiquement en ce qu’elles risquent de renforcer certaines représentations des apprenants : qualité liée à l’accumulation, arbitraire des notations, expansion potentielle infinie, absence de clôture...
55Pour en conclure provisoirement avec ce point, je dirai que le relevé des composantes virtuelles de la description offre trois intérêts principaux :
se doter d’instruments pour analyser plus précisément les descriptions (en général7 ou dans les productions des élèves) ;
fournir une sorte de « pense-bête » pour l’écriture (et la lecture) concernant les matériaux possibles à travailler et à articuler ;
indiquer un des lieux de tension essentiels dans l’organisation de la description (entre sommaire et expansion, unité et éclatement-morcèlement selon que l’on s’en tient à désignation du tout et des parties ou que l’on développe les spécifications ; selon que l’on s’en tient à la désignation du tout ou que l’on multiplie parties et sous-parties...)8.
5. La description comme parcours
56En rester à cette première approche des composantes me paraît peu efficient pour comprendre le fonctionnement du descriptif et surmonter les problèmes qui lui sont liés dans le champ didactique. Je juge plus pertinent l’accent porté par Denis Apothéloz sur la description comme parcours :
« De plus, dans un contexte descriptif, parcourir c’est également s’arrêter, et fixer son regard comme sa pensée sur des aspects de l’objet. Je partirai donc de l’hypothèse que les différents états de la description que constituent ces arrêts ne se suivent pas de façon quelconque, autrement dit que leur succession obéit à une logique interne. En d’autres termes, décrire c’est, en un certain sens, raisonner [...]. Au reste, il s’agit bel et bien ici d’une activité de construction, mais dont les objets sont fondamentalement instables et sans cesse soumis à des réajustements. » (Apothéloz, 1983 : 6).
57Cette idée de parcours descriptif, envisagé aussi bien par rapport au scripteur que par rapport au lecteur, aussi bien par rapport à l’objet à construire que par rapport aux effets à produire, peut éclairer les fonctionnements de la description tendue entre un référent « figé » et non organisé a priori et les mouvements textuels qui le construisent, en cherchant à guider le lecteur et à produire des effets sur lui. Cela me semble rejoindre ce que Philippe Hamon a formalisé ainsi (1981 : 109) :
« Mais, dans un récit, ordonnancement orienté et transformation du sémiotique d’une part, [...] et transformation sémantique d’autre part, vont de pair ; l’effet descriptif viendrait plutôt, lui, de l’association d’une permanence sémantique avec un ordonnancement transformationnel du sémiotique. ».
58La notion de parcours descriptif permet ainsi selon moi de rendre compte des fonctionnements textuels de la description en ce qu'elle doit impérativement se soumettre aux principes complémentaires suivants :
linéariser et organiser les contenus et la lecture ;
rendre descriptible ou manifester la « descriptibilité » de l’objet : visibilité ; possibilité de classement ; « statisme » ;
réduire les tensions internes (résumé vs expansion ; unité vs morcellement ; « statisme » vs mouvement) ;
construire les effets visés (en s’articulant avec le cotexte ou avec le contexte).
5.1. Les types de parcours
59Ces parcours peuvent prendre des formes multiples, susceptibles de s’articuler entre elles, y compris dans le même passage (ce qui peut parfois engendrer l’impression d’absence de plan). Je considère, provisoirement, que ces parcours peuvent s’analyser à partir de trois grandes catégories.
60La première, que j’appellerai gestion thématique (cf. 5.2.) concerne la gestion des rapports entre le tout, les parties et les spécifications. Ce type de parcours, même réalisé sous une forme minimale, me semble structurellement obligatoire et hiérarchiquement dominant par rapport aux autres catégories. Les « opérations » distinguées par Apothéloz et les notions d'ancrage, d’affectation, de reformulation chez Adam peuvent se ranger dans cette catégorie.
61Les plans constituent la seconde catégorie, avec des plans non spécifiques, plus ou moins conventionnels dans une société donnée, plus ou moins déterminés par les objets décrits, et facultatifs et des plans spécifiques, imposés par un cadre disciplinaire donné (voir Lahanier-Reuter 1998 pour la géométrie). Je distingue pour l’instant six types de plans conventionnels9 particulièrement récurrents :
juxtapositif caractérisé par des virgules, des tirets, des alinéas... ;
énumératif avec des marqueurs tels le « premier », le « second »... ; a, b, c... ; 1, 2, 3... ;
spatial : horizontal, vertical ou en profondeur avec, respectivement, des marqueurs tels « à droite », « à gauche » ; « en haut », « en bas »... ; « devant », « derrière »... ;
temporel : avec des marqueurs tels « d’abord », « ensuite »... ;
comparatif : entre deux objets décrits au même moment ou avec un objet décrit à des moments temporels différents ou encore fondé sur une comparaison ou une métaphore ;
argumentatif ou problématique, avec des marqueurs tels « mais » ou « cependant » introduisant divers aspects plus ou moins opposés et de l’hétérogénéité au sein de l’objet.
62La troisième catégorie est constituée de procédés spécifiques liés aux scénarios introductifs de certaines descriptions par le « dire », le « voir » ou le « faire » d’un personnage (voir Hamon 1981). Ils allient des personnages particuliers, des termes associés au sens en cause, des formes organisationnelles singulières (dialogue, suite d’actions techniques, cheminement, promenade...), des plans souvent associés (spatial, temporel...). Je reviendrai sur ces scénarios introductifs dans la suite de cet article (infra 6.). Ces procédés sont, eux aussi, comme les plans, facultatifs. Ils posent de surcroît la question des frontières entre séquence descriptive, autre séquence à effet descriptif (narrative, par exemple) ou séquence « mixte ».
63Construisant de cette manière la notion de parcours, je différencie sur trois points au moins mon approche de la description d’autres travaux existants. En premier lieu, j’élargis la notion de plans par rapport à ce qui me semble être des réductions dues à un centrage excessif sur les textes narratifs, littéraires, réalistes ou naturalistes. En second lieu, je regroupe ce qui est séparé par d’autres (ancrage, affectation, reformulation... et plans) en raison de leurs dimensions fonctionnelles communes. Ce qui m’amène à poser mon point de divergence essentiel. Pour moi, les parcours et leurs modalités sont en fait l’instance organisatrice fondamentale de la description, gérant la mise en texte en fonction de la construction cognitive qu’effectue l’émetteur, en fonction aussi des effets à produire sur les récepteurs.
5.2. La gestion thématique
64J’insisterai encore sur la gestion des rapports entre tout, parties et spécifications que j’ai appelée gestion thématique pour marquer les relations entre désignation globale et désignation des parties et spécifications. Je remodèle donc ici ce que, dans une autre optique, Denis Apothéloz appelle « opérations » et qui a été repris et transformé par Jean-Michel Adam (par exemple, 1993 : 102-116) sous les noms d’« ancrage », d’ »affectation », de « reformulation ».
65Il me semble que, dans ce domaine, plusieurs problèmes sont parfois confondus (malgré les analyses d’hamon 1981, notamment : 51). J’en distinguerai au moins cinq :
la désignation de l’objet décrit, avec des formes plus ou moins explicites, précises et évaluatives ;
l'indication du rapport du narrateur ou d’un acteur à l’objet décrit (souvent mêlée aux marques de la désignation), avec des formes plus ou moins explicites, précises et évaluatives ;
la place de ces désignations : au début du fragment, en son sein, à la fin, en dehors (la solution d’une devinette à une autre page que son énoncé) ;
les formes de reprise de ces désignations : fréquence, précision, variations évaluatives avec progression, clarification, modification ou non ;
les fonctions internes et externes de ces désignations ainsi que de leurs formes de reprise.
66La manière dont le parcours descriptif, via la gestion thématique, traite ces problèmes, permet d’assumer les quatre fonctions décrites précédemment selon des modalités très diverses.
67Ainsi la désignation initiale et précise du référent permet de guider la lecture en activant des contenus en mémoire liés à ce référent et en posant un cadre solide pour accueillir la désignation des parties et les spécifications. De son côté, la désignation « médiane » ou « finale » du référent, plus précise que celle posée au début (ou différente), permet de récapituler-recomposer les informations fournies (parties, spécifications) en laissant plus de jeu aux manipulations sémantiques. Il s’agit donc souvent de reformulations correspondant à des déplacements sémantiques plus ou moins importants.
68Dans la gestion thématique, le parcours s’organise donc autour de deux pôles : l’absence de changement (la description possède une désignation initiale précise et, la répétant ou non, ne la modifie pas) et le changement, lié à trois grands types de manipulations possibles :
la précision-clarification, par la construction progressive de l’objet décrit ;
les modifications plus ou moins importantes de l’objet décrit subordonnées souvent à un travail argumentatif ou à des changements de perspective ;
les ruptures ou surprises, modifiant radicalement la désignation initiale, explicite, inférée ou encore très floue (devinettes, textes ambigus, topoï du faux inconnu...).
69Ces manipulations s’articulent avec nombre de phénomènes précédemment décrits (typification/singularisation...) ou sur lesquels nous reviendrons dans les fonctions de la description (cf. infra 7.).
70Pour tenter d’illustrer les mécanismes évoqués, je me contenterai de commenter brièvement cinq exemples.
« Gloria gisait dans une flaque de sang, décapitée. La robe du soir en satin ivoire de Gloria, les bras ronds, les longues mains manucurées de Gloria, la montre Cartier, les diamants à l’annulaire gauche, les jambes bronzées, les escarpins assortis à la robe : aucun doute, c’était bien Gloria, rien n’y manquait, sauf la tête. » (J. Kristeva, Possessions, Paris, Fayard, 1996 : 11).
71Dans ce premier exemple, la gestion thématique associe une désignation initiale précise et explicite (« Gloria ») qui cadre l’énumération des parties et des spécifications rassemblées et confirmées par la désignation finale identique. Le parcours est caractérisé par une absence de changement qui confirme un savoir antérieur.
« Au bout d’un moment, elle vit arriver un homme, grand, massif, un peu courbé, abondamment moustachu, le crâne dégarni, avec des yeux de vieux chien, vêtu d’une robe de chambre usée. C’était Flaubert. » (R. Jean, Mademoiselle Bovary, 1991, Arles, Actes Sud, 1991 : 12).
72Dans ce cas, la désignation initiale « un homme » est typifiante. Le parcours se fait sur le mode de la précision-clarification par la désignation des parties et les spécifications jusqu’à la désignation finale marquée par le reformulatif « C’était ». La gestion thématique procède ici de la singularisation.
« Imaginez plusieurs milliers de mini-ordinateurs, à fonctions multiples, reliés les uns aux autres par des milliers de lignes, chaque ensemble pouvant être comprimé dans l’espace de 1 mm3. Ajoutez à cela un élégant système de conduits, apportant des matières premières et emportant des déchets, une patrouille de sécurité et une énorme industrie chimique capable de synthétiser ou de détruire des milliers de substances en une seconde. Assemblez cette masse d’environ 1400 grammes dans la moitié supérieure du crâne humain. Cette description est, en fait, un modèle bien pâle et terriblement simplifié du cerveau. » (L’Illustré, 3.2., 1982 : 32, cité par Apothéloz 1983 : 15).
73Dans ce troisième exemple, la gestion thématique fait l’économie (dans les frontières de ce passage) de la désignation initiale. Les désignations des parties et les spécifications sont alors recomposées par les désignations ultérieures (« masse », « modèle [...] du cerveau »). Le parcours soumet ainsi le mode de la précision-clarification à celui de la surprise puisque les catégories auxquelles le cerveau est assimilé retardent le moment de la reconnaissance.
« 1992, année des devinettes.
C’est incolore, inodore, ça se met dans des bouteilles et ça porte de jolies étiquettes orange avec une tête de mort. Qu’est-ce que c’est ? Du cyanure, dont 20 litres, volés par des cambrioleurs malchanceux, ont été retrouvés près de Vire, par un promeneur. Il n’a rien bu. » (Libération, 04.05 - 01 - 1992).
74Dans la première partie de ce fait divers sous forme de devinette, les spécifications, cadrées de façon minimale par la désignation « ça », se trouvent réunies par la désignation finale « cyanure » sur le mode de la clarification-surprise.
« J’aurais voulu voir mourir le chevreuil. [...] C’était une bête dans la force de l’âge, la robe rousse de l’été, les andouillers en dagues. « Un trophée magnifique », ai-je pensé avec détresse [...] ». (C. Lamarche, Le Jour du chien, Paris, Minuit, 1996 : 96).
75Dans ce dernier exemple, le parcours se fait sur le mode de la modification. La gestion thématique se construit avec une désignation initiale, précise mais relativement neutre « chevreuil », cadrant les parties et spécifications, qui seront rassemblées et reformulées en relation avec un changement de perspective dans la désignation finale où transparaît le rapport du narrateur à l’objet décrit et à ce qui va lui arriver.
76L’analyse des modalités du parcours et notamment de la gestion thématique me paraît fondamentale didactiquement. Non seulement parce qu’elle me semble plus pertinente théoriquement, non seulement parce qu’elle permet de « travailler » des représentations fortes chez les apprenants (caractère statique et figé de la description, ordre aléatoire, accumulation-juxtaposition non construite...), non seulement parce qu’elle permet, en production, de diversifier leurs stratégies (voir, par exemple, l’absolue domination du marquage initial de l’objet décrit), mais aussi parce qu'elle permet de mieux comprendre ce que je considère comme la tension structurelle fondamentale de la description à laquelle sont confrontés les scripteurs quel que soit leur niveau de compétence.
77En effet, les mécanismes de désignation du tout, des parties et des sous-parties, et des spécifications sont sans doute des canaux complémentaires, s’articulant pour donner à voir. Apothéloz, Hamon (1981 : 76, 40...) ou Adam ont ainsi noté ce qui leur paraissait être le mécanisme de base de la description : la mise en équivalence du tout et de ses parties. Mais ils ont aussi noté, et c’est pour moi le problème crucial, les tensions entre ces composantes :
« [...] une tendance centripète (la description comme « tableau », ou « morceau choisi », comme unité à forte autonomie) et une tendance centrifuge (le morcellement, l’éparpillement des « détails inutiles », la dérive métonymique, l’éclatement). » (Hamon, 1981 : 50).
78Ces tensions se construisent de deux façons au moins : entre le tout et ses parties ; entre le tout et ses parties et leur expansion. La description s’élabore donc dans un équilibre fragile et au risque de nombreuses dérives. Les frontières sont parfois minimes entre la « richesse » d’une description jugée réussie et la « pauvreté » ou l’impression de morcellement d’une description jugée ratée. En d’autres termes, ces tensions me paraissent très puissamment explicatives de nombre de difficultés ou de stratégies récurrentes relevées dans les productions des élèves : description sommairisée et/ou « pavée » pour tenter de pallier au risque d’éclatement, morcellement (énumération et/ou passage à la ligne à chaque phrase) comme volonté de réussir l’expansion descriptive, recours au thème constant présent à l’initiale de chaque phrase, censé protéger contre les risques de l’explosion thématique.
79Complémentairement, la gestion thématique permet de rendre compte de l’importance des marqueurs reformulatifs (bref, en somme, c’est-à-dire, en d’autres termes, enfin, somme toute, c’est, c’était...) dans la description. Ces marqueurs, étudiés par de nombreux théoriciens (Adam 1990 ; Adam et Revaz 1989 ; Charolles et Coltier 1986 ; Rossari 1990 ; Roulet 1987...) sont fondamentaux pour souligner les mouvements du parcours : ils peuvent condenser, compléter, clarifier, rectifier, marquer un changement de perspective, donner des signaux interprétatifs...
6. Les signaux démarcatifs du descriptif
80La question des signaux démarcatifs de la description a beaucoup intéressé les théoriciens, notamment en ce qu'elle révèle une véritable compétence pratique, chez ceux qui la « sautent », celle de pouvoir reconnaître ses frontières (Hamon 1981 : 65, 72, 180...). Son mode de traitement dominant me semble en revanche soulever au moins trois problèmes :
il confirme tendanciellement la réduction du descriptif à la séquence descriptive, essentiellement concernée par ce problème, envisagée principalement au sein du narratif littéraire ;
il n’articule pas suffisamment organisation interne, signaux et fonctions comme si ces problèmes étaient indépendants ;
il mène à confondre tendanciellement le signalement du fragment descriptif avec son autonomie et son effacement possible.
81En essayant de tenir compte de ces dérives possibles, je proposerais – en l’état actuel de mes recherches – de considérer trois grandes catégories de signaux démarcatifs.
82La première comprend des annonces explicites à caractère métatextuel, désignant indissociablement la « nature » du fragment considéré et le mode de traitement à lui appliquer (« Décrivez-moi... », « C’était un spectacle... »...). L’exemple suivant, extrait de La Tulipe Noire d’Alexandre Dumas, est particulièrement net :
« Débarqué au milieu du tumulte ordinaire de la ville, Craecke se dirigea aussitôt vers la maison dont nous allons offrir à nos lecteurs une indispensable description. »
83Ces annonces prennent souvent, comme l’a fait remarquer Philippe Hamon (1981 : 127-130), la forme d’une prétérition : « C’était un spectacle indescriptible... ». Elles peuvent se situer en début ou en fin de fragment. Elles peuvent aussi prendre les formes de titres de rubriques (« Portrait », « Annonces immobilières »...). La frontière est proche, en raison de la tradition culturelle, entre ces annonces explicites et des formes linguistiques qui sont décodées en tant que telles en fonction de leur récurrence dans ce rôle de signal : « C’était... », « Soit... ».
84La seconde catégorie de signaux démarcatifs, intégrant parfois ceux de la catégorie précédente, surtout présents dans les romans, me semble comprendre des scénarios typiques d’ouverture (fournissant des éléments pour la clôture du fragment) bien formalisés par Hamon (1972, 1981...). Sur le mode du dire, du voir ou du faire d’un personnage, ils se présentent sous la forme prototypique suivante :
85Je noterai seulement, de façon complémentaire, qu’ils s’articulent, via des plans privilégiés avec l’organisation interne du fragment (par exemple, le voir avec des plans spatiaux), qu’ils participent de la fonctionnalisation du descriptif (par la mise en relation avec les personnages), et qu’ils constituent aussi un des moyens de résoudre la tension du descriptif entre absence d’ordre référentiel et de transformativité, et organisation d’un effet de lecture au travers d’un parcours.
86La troisième catégorie que je prendrais actuellement en compte n’est pas constituée par des marques linguistiques initiales ou finales mais par un effet de contraste entre le fragment qui sur-accumule en quelque sorte les marques du descriptif et l’environnement textuel. Marie-Jeanne Borel (1990 : 171-172) explicite notamment ce phénomène à propos de la description dans les écrits anthropologiques lorsqu’un fragment présente un débrayage énonciatif, une dénarrativisation, des marques morphologico-verbales spécifiques (aspects itératif, duratif ; imparfait, présent général...), un lexique plus technique, une tendance à la parataxe...
7. Pourquoi décrire ? Les fonctions de la description
87Les réflexions sur les fonctions de la description me paraissent encore limitées, notamment en raison d’une mise en relation quasi exclusive avec la narration. De façon schématique, on pourrait résumer la majeure partie des écrits existants sur ce point, autour de deux thèses : la description n’a pas de fonction spécifique et elle se comporte en « servante » (particulièrement du narratif) ; la description a deux ou trois fonctions (mimésique, mathésique, sémiosique...).
88Je distinguerai pour ma part, comme je l’ai déjà signalé au début de cet article (1.), un effet de base ou visée centrale, faire voir, spécifique du descriptif et plusieurs autres fonctions s’y articulant en relation avec le cotexte et le contexte. J’en propose ici une première approche provisoire.
89Je soulignerai cependant que la question de la reconnaissance de la fonctionnalité de la description et de la multiplicité des fonctions me paraît fondamentale en matière didactique, en raison notamment des représentations concernant sa « gratuité » et son caractère prétendument secondaire dans les textes.
90Cet effet de base, comme les autres fonctions, peut s’élaborer selon deux orientations : vers soi (comme construction cognitive-heuristique), vers les autres (les effets à produire), l’une ou l’autre de ces orientations pouvant être dominante.
91Complémentairement, cette visée centrale et les autres fonctions sont appréhendables dans trois cadres d’analyse :
celui de la production scripturale ;
celui du texte (du cotexte) ;
celui de la réception.
92A partir de ces trop rapides préliminaires, je vais présenter les six fonctions, non exclusives, que je distingue à l’heure actuelle.
7.1. La construction du savoir
93Cette fonction peut se réaliser selon deux modalités, très proches, qui témoignent sans doute de la proximité très forte entre descriptif et explicatif (Hamon 1981 : 51 ; Brassart 1990 et 1993).
94Avec la modalité informative, on pourrait parler en quelque sorte d’une fonction « basique » si l’on considère que la description informe sous une forme figurée. La dimension explicative est ici implicite : il s’agit de donner forme aux objets de discours (Borel 1990), de construire un cadre, réaliste ou non, de dire-rappeler comment quelque chose ou quelqu’un « est ». Cette fonction permet d’incarner, d’objectiver, localement ou globalement, des objets de discours. A valeur mimésique, elle permet à la narration, à l’explication, à l’argumentation de se développer et de se concrétiser. Elle facilite ainsi la compréhension et la crédibilisation. Ces facteurs expliquent sans doute sa place fréquente, dans la tradition romanesque, en début de texte pour poser le monde. Ces facteurs expliquent sans doute encore que les frontières soient parfois socialement ténues entre descriptif et liste informative comme en attestent l’expression « profil de poste » ou le terme « Descriptif » accolés à telle ou telle liste de caractéristiques.
95Avec la modalité explicative, la dimension explicative de la description est ici explicitement posée : il s’agit de comprendre, de faire comprendre, de construire, de donner du savoir. La description « répond » à une question ; elle s’initie souvent avec le présentatif « c’est ». Accompagne cette fonction « l’inscription massive des discours du monde » (Hamon), les marques du classement et de la typification.
96Avec cette fonction à valeur heuristique et/ou mathésique, du savoir se trouve textuellement explicitement distribué. La description peut conséquemment souvent apparaître comme étape dans la genèse d’un écrit (sous forme de fiches) ou comme exemple ou illustration dans le texte.
97Dans La petite amie imaginaire (Seuil, 1996 : 163-166), John Irving commence la description de sa salle de lutte par cette phrase :
« Que je vous explique : « ma » salle de lutte est à moins de dix mètres de mon bureau, dans la maison du Vermont. »
98Il la conclut de la manière suivante :
« Si je prends la peine de vous décrire ma salle de lutte par le menu, et de vous dire combien elle est proche de mon bureau, c’est que je voudrais que vous compreniez que, dans ma vie, il n’y a pas jamais bien loin de la lutte à l’écriture [...] ».
99Cette fonction de construction du savoir participe centralement de la dimension identificatrice de la description à l’œuvre dans les textes et dans de nombreux usages sociaux.
100Cette dimension est privilégiée dans de nombreux romans policiers, dans les pratiques policières (enquêtes, portrait-robot, signalement...), dans les petites annonces etc. Elle sert souvent dans les romans à hiérarchiser les personnages. Elle a aussi une valeur considérable, de preuve éventuelle, devant la justice. Ainsi, dans le procès pour harcèlement sexuel qui oppose Paula Jones à Bill Clinton, un des atouts (?) de la jeune femme selon ses avocats est de pouvoir « décrire des caractéristiques inhabituelles de l’appareil génital du Président » (Libération, 13-01-1997).
7.2. La fonction évaluative
101La description a encore, de façon plus ou moins développée, une fonction évaluative (ou argumentative ou axiologisante). Elle donne à voir d’une certaine façon. Classant et catégorisant, elle n’est jamais neutre, elle témoigne toujours d’un certain point de vue, elle inscrit des valeurs, elle décrit le mode de vision du descripteur (ne serait-ce que par la sélection de ce qui est digne d’être décrit).
102Omniprésente elle est marquée dans tous les lieux de la description : sélection de l’objet, des parties, des spécifications, choix des catégories et des termes plus ou moins stéréotypés, subjectivèmes, quantificateurs (un peu, trop...) etc. Elle participe de la crédibilisation, de l’argumentation, voire de la preuve. Elle introduit à l’action, au faire faire (petites annonces ou descriptions de postes de travail, cf. Pene 1994 : 54-55). Utilisée en matière publicitaire, elle impose des modèles et peut faire rêver.
103Tenue à distance dans nombre d’écrits scientifiques, ou utilisée dans les normes argumentatives du débat de la collectivité concernée, elle est en prise avec des dimensions émotionnelles : décrire dans un procès l’état de la victime peut engendrer une émotion forte susceptible d’entraîner la condamnation chez des jurés. A l’inverse, mais toujours sur ce même axe, la description peut servir à contenir l’émotion (cf. G. Perec, Ellis Island, 1980, rééd. P.O.L. 1995).
7.3. La fonction régulative-transformationnelle
104Cette fonction désigne les multiples façons dont la description participe de la gestion, du contrôle, de la régulation des transformations, des objets et des contenus du discours. Elle fait jouer les fonctions précédentes dans le cotexte. On peut ainsi distinguer10 :
la modalité rétroactive : la description est posée comme la cristallisation d’une histoire passée qu'elle permet, plus ou moins facilement, de reconstruire (voir les autopsies) ;
la modalité proactive : la description programme, plus ou moins explicitement, l’apparition d’autres objets (dans le cas classique de la métonymie, le lieu annonce le personnage) d’actions ou de transformations (tel portrait dont les caractéristiques organisent la prévisibilité des actions de la personne ou du personnage concerné ; tel lieu – un château sinistre - qui signale des événements angoissants à venir...) ;
la modalité distinctive : la description constitue un repère pour évaluer les modifications ou l’absence de modification de l’objet décrit (ce qui détermine, par exemple, les mouvements de comparaison avec un état antérieur et les mouvements de reconnaissance ou non) et un repère pour organiser les jeux de l’être et du paraître, du caché et du montré (voir les déguisements, les fausses identités, les quiproquos...) ;
la modalité dramatisante : la description joue sur le rythme et la dramatisation en ralentissant une action cruciale, en soulignant un état, en dévoilant progressivement la nature et l’ampleur du danger (voir la pieuvre dans Les Travailleurs de la mer).
7.4. La fonction de textualisation
105La description a encore une grande importance dans la textualisation par sa participation aux mécanismes de cohérence. Elle fournit ainsi des matériaux pour les substitutions, les anaphores, la coréférence. Elle construit encore la cohérence du texte au travers des figures employées (voir la métaphore filée, par exemple) permettant de multiples effets comme dans l’article suivant : « Elle faisait chanter ses amants mariés » (Le Parisien, 17-03-1997), dont je ne donne que le premier paragraphe :
« Les hanches serrées dans un tailleur moulant, Marie-Thérèse n’a pas pu donner d’explication à son geste, devant le tribunal correctionnel d’Avignon. A peine a-t-elle murmuré qu'elle reconnaissait avoir tenté de faire chanter des hommes. Pour le reste, cette jolie rousse, qui ne paraît pas ses cinquante ans, s’est contentée de baisser la tête. Pourtant cette commerçante qui tient un magasin de lingerie fine dans un village du Vaucluse n’a pas fait dans la dentelle avec les trois hommes qu'elle avait recruté par petites annonces. »
7.5. La fonction positionnelle
106Cette fonction, plus ou moins explicite, consiste en ceci que la description situe toujours le texte, son scripteur, ses lecteurs, dans un champ de pratiques et à un certain niveau de compétence.
107Cela signifie notamment que toute description est située dans un espace de positions appartenant à un champ donné (scientifique, esthétique...) et porte les marques de ce positionnement et de la volonté d’être lue de manière valorisée dans ce champ. Ainsi, dans le champ scientifique, la description s’accompagne généralement d’un appareillage commentatif métadescriptif (visant à expliciter les catégories employées, les fonctions assignées etc.) et de positions plus ou moins marquées quant à l’objectivité recherchée ou à la subjectivité revendiquée.
108Cela explique aussi les choix descriptifs opposés (et leurs commentaires) chez les écrivains romantiques, réalistes, naturalistes, surréalistes, du Nouveau Roman...
7.6. La fonction de gestion de l’écriture et de la lecture
109Toutes les fonctions vues précédemment s’articulent entre elles pour participer, de diverses façons, à la gestion de l’écriture et de la lecture : en essayant de contrôler la compréhension (en incarnant, distinguant, hiérarchisant les objets posés, en facilitant la mémorisation, en organisant la prévisibilité...) et de guider l’intérêt (en accélérant ou en ralentissant le rythme, en dramatisant, en ménageant des effets de surprise, en masquant et en démasquant des éléments, en informant et en expliquant...). Cette gestion de la lecture peut sans doute aller jusqu'à organiser les éléments textuels pour faciliter plusieurs types de lecture comme dans le cas des petites annonces (Privat 1987), d’abord rapide et sélective puis, éventuellement, précise et exhaustive.
110Il reste en tout cas à étudier – en relation avec les recherches sur la cognition – comment l’écriture de descriptions peut solliciter de manière plus accentuée ou de façon plus spécifique certains types d’opérations (la figuration de l'objet, par exemple) ou comment les descriptions peuvent s’intégrer dans certaines phases du travail (via des fiches en relation avec des photos ou des schémas). Et, toujours dans ce cadre, comment la lecture de descriptions est traitée et comment elle peut éventuellement activer ou faciliter certains modes de saisie du texte11.
7.7. Quelques remarques conclusives et provisoires sur les fonctions du descriptif
111Il est évident que les diverses fonctions que j’ai tenté théoriquement de distinguer sont complémentaires et se « chevauchent » incessamment. Elles constituent, indissociablement, la justification du descriptif : produire de linédit (Laplantine 1996 : 35). Il y a de la description, s’il existe du nouveau, du non évident, du non connu, quelque chose digne d’être décrit.
112Il est aussi clair dans mon esprit que ces fonctions et leur articulation varient selon les genres et les champs d’activités et peuvent servir à de multiples usages sociaux : faire acheter, faire écrire, prouver...
113Il me paraît enfin que si ces fonctions sont constitutives du descriptif, elles lui font aussi courir le risque de dérives si elles sont trop accentuées12. Ainsi, par exemple, si la dimension évaluative est trop marquée, l’image tend à disparaître et on ne « voit » plus, comme c’est le cas dans cet extrait de la nouvelle « Le portrait » de Nicolas Gogol :
« Tchartkov prit immédiatement la mine importante du connaisseur et s’approcha du tableau. Mais, Seigneur ! Qu’est-ce qu’il vit !
Pure, immaculée, belle comme une fiancée, l’œuvre du peintre se dressait devant lui. Modeste, simple, innocente, divine, elle planait au-dessus de tout. [...]. Et l’abîme incommensurable qui sépare la création de l’artiste d’une copie de la nature apparut clairement même aux profanes. »
114Je ne voudrais pas conclure cet article en omettant un rappel et deux questions.
115Le rappel est le suivant. La forme (trop) assertive de cet article ne doit pas conduire à oublier qu’il s’agit d’un état provisoire de recherches en cours dont la forme condensée efface les doutes, les débats, les modalités de construction et de nombreux exemples qui l’accompagnent. La pertinence théorique de ces propositions reste à établir et passe notamment par l’analyse des représentations, productions, problèmes des apprenants et des experts dans les activités de lecture et d’écriture du descriptif. Elle passe encore par l’évaluation des possibilités de stratégies d’enseignement plus diversifiées et mieux adaptées à partir de cette construction.
116Les deux questions (parmi bien d’autres) en suspens pour moi sont les suivantes. Jusqu’où, si l’on considère le fonctionnement d’autres composantes textuelles (narrative, argumentative...), les propositions avancées sont-elles spécifiques de la composante descriptive ? Comment concevoir les rapports entre ces propositions et les opérations décrites par les modèles « généraux » de la lecture et de l’écriture ? Les réponses ne sont pas simples et sont susceptibles d’interroger, à mon sens, aussi bien l’état des formalisations « globales » existantes que mes propositions...
Bibliographie
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10.3406/prati.1988.1473 :Notes de bas de page
1 Je considère ces termes comme provisoires et les emploie, faute de mieux.
2 Mais ces relations sont construites sans rapport avec un ordre qui serait préétabli dans et par l’objet, comme dans le cas du récit.
3 D’un point de vue didactique, on risque aussi de méconnaître absolument les compétences descriptives des élèves à ne vouloir les évaluer qu’à cette aune.
4 Si ce n’est pas le cas (un fragment de temps, une séquence d’actions...), il sera en quelque sorte textuellement reconstruit pour produire l’effet descriptif.
5 Voir aussi 5.2., ce qui concerne la gestion thématique.
6 On peut dire, en première approche, que les parties sont plutôt référées à l'avoir et les spécifications à l'être.
7 La sélection des parties et des spécifications, leur mode de désignation, leur nombre, leur pondération permettent de distinguer des fonctionnements génériques.
8 Voir aussi 5.2., ce qui concerne la gestion thématique.
9 Ces plans ne concernent véritablement que les fragments descriptifs expansés. Plusieurs d’entre eux peuvent être présents dans le même fragment. Et ils peuvent être développés ou non.
10 . Ces distinctions sont purement théoriques : les modalités se combinent sans cesse dans les textes réalisés.
11 Je pense ici aux « modèles mentaux » ou « de situation ». Pour une première approche, voir Coirier, Gaonac’h et Passerault 1996 : 117-127.
12 C’est sans doute une des explications possibles du peu d’expansion ou du caractère problématique de nombre de descriptions d’élèves.
Auteur
Professeur en Sciences de l’Éducation à l'Université Charles-de-Gaulle/Lille 3. Il est responsable de l’équipe de recherche Théodile (Théories-Didactique de la Lecture-Écriture).
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