Histoire économique, histoire des campagnes : le renouveau d’un paradigme ?
p. 125-142
Texte intégral
1Pendant longtemps les liens entre l'histoire rurale et l'histoire économique ont paru inextricables. Faire de l'histoire des campagnes, c'était faire de l'histoire économique. À ce moment, dans les années 1960 et 1970, on pouvait affirmer sans exagération que l'histoire rurale dominait le paysage historiographique français. Sur sa lancée, elle restait encore très vivace à la fin des années 1970. Le vent tourna très vite dans les années 1980. À ce moment, elle souffrit d'une désaffection profonde à la mesure de son hégémonie antérieure. Il était devenu courant d'affirmer qu'il n'y avait en fait plus grand-chose à dire en la matière, plus rien à prouver et plus aucune découverte potentielle à envisager. L'histoire des campagnes semblait alors condamnée à n'être plus qu'une phase historiographique désormais bien close.
2Le 22 mai 1993, une poignée de ruralistes qui se croyaient les survivants d'une historiographie révolue s'assemblèrent pour jeter les bases d'une association et d'une revue destinées à promouvoir de nouvelles perspectives1. En quinze ans, la revue a trouvé son public en même temps que les travaux autour du monde rural connaissaient un second souffle, au point que l'on peut parler d'une véritable résurrection de ce domaine historiographique. Dans ce renouveau, le choix en 1998 d'une question d'agrégation totalement tournée vers l'histoire des campagnes fut pour beaucoup2.
3Il serait commode d'affirmer que l'histoire des campagnes est en plein essor et a retrouvé son lustre d'antan et, en même temps, de se satisfaire en disant que la traversée du désert des années 1980-1995 ne fut qu'une parenthèse malencontreuse, sans importance et sans conséquence. On s'en abstiendra. Rien ne serait plus faux, en effet, que de penser que la recherche sur ce champ doit se déployer en suivant les pistes ouvertes dans les années 1960 et il est possible de soutenir que l'histoire économique des campagnes se trouve encore à un tournant critique. On ira plus loin et on argumentera que la crise de l'histoire rurale, loin d'être une calamité, fut non seulement nécessaire mais bénéfique. Loin de prôner un retour à l'identique et un repli sur des positions jalousement conservées, on postulera que cette remise en cause a permis une révision critique des postulats paresseux sur lesquels cette forme d'histoire se reposait. Elle lui donne une occasion d'accomplir de nouveaux progrès si elle accepte de s'en donner les moyens et de tourner la page d'un passé révolu.
I. Retour sur un passé glorieux
4Au cours d'une période qui correspond grosso modo à ce que l'on appelle « les Trente Glorieuses », l'histoire rurale, et tout particulièrement son versant socio-économique, a donc exercé un ascendant certain sur la communauté scientifique et son influence devait atteindre son zénith au cours des Golden Sixties, ces années soixante qui nourrissent encore la nostalgie d'une partie des ruralistes français. Dans le sillage de l'École des Annales fondée par Marc Bloch et Lucien Febvre, elle était parvenue à s'assurer une sorte de leadership parmi les historiens. Elle le devait à l'esprit inventif des plus prestigieux des historiens français du moment (Pierre Goubert, Emmanuel Le Roy Ladurie, Georges Duby pour n'en citer que quelques-uns)3, qui avaient su mettre l'accent sur une histoire d'en bas, destinée à prendre en compte les humbles, les laissés pour compte de l'historiographie traditionnelle et à mettre en avant les processus économiques aussi bien que les hiérarchies sociales et les rapports sociaux. Elle tombait à point dans une société française, secouée par une transformation radicale de ses structures économiques et traumatisée par l'effacement de ses paysans.
5Le point d'orgue de cette success story fut sans doute la publication en quatre volumes d'une Histoire de la France rurale rédigée par les plus grands ruralistes du temps qui étaient en majorité des historiens que l'on pourrait par commodité classer parmi les historiens économistes4. Ces historiens brossaient avec éclat un tableau des connaissances atteintes au prix de tant d'efforts par plusieurs générations de chercheurs et livraient ainsi une synthèse qui allait atteindre un large public.
6Paradoxalement, on serait tenté de dire que cette synthèse sonnait le glas de la recherche en histoire des campagnes. Tout s'est passé alors comme si l'on tenait là une somme définitive sur cette vaste question et comme si dorénavant on ne pourrait que fignoler mais pas innover sur ce champ. De là, cette caricature qui encombre l'imaginaire des étudiants et des enseignants-chercheurs : l'histoire économique radote et figure un peu comme un temple de la « ringardise ».
7Pour bien comprendre ce qui va suivre, il est indispensable de revenir sur les caractéristiques de cette histoire rurale glorieuse.
8En premier lieu, il n'est pas inutile de rappeler que l'École des Annales a profondément imprimé sa marque sur l'historiographie française de la seconde moitié du XXe siècle au point de la dominer largement et que, ce n'est pas une coïncidence, ses fondateurs étaient en grande partie des ruralistes ou des historiens imprégnés d'histoire rurale, tout comme beaucoup de leurs successeurs. Parmi ses pionniers, des médiévistes (Marc Bloch)5, mais ce sont surtout les modernistes qui furent le fer de lance de cette histoire socio-économique des campagnes. À cet égard, les contemporanéistes, sans être absents, furent relativement discrets et ce fait n'est pas sans conséquence dans un système universitaire obsédé par les cloisons chronologiques.
9En second lieu, l'histoire économique des campagnes s'appuyait essentiellement sur trois piliers fondamentaux, si l'on met de côté quelques cas particuliers (notamment Jean Meuvret)6 : le pilier labroussien7 avec des historiens avides de chiffres, de conjoncture, de revenus, de production ; le pilier révolutionnaire, avec des historiens disciples de Georges Lefebvre et Albert Soboul, intrigués par la révolution paysanne ; le pilier goubertien avec des historiens férus d'histoire régionale, partisans d'une histoire totale dans le cadre d'un petit pays, assurés que la vérité sortirait de l'accumulation des monographies. De là cette avalanche de travaux de grande qualité, ce foisonnement des séries économiques, cette profusion de thèses sur des petites ou grandes régions dont la dernière et sans doute la plus aboutie est celle de Jean-Michel Boehler sur l'Alsace parue en 19948. Attention : il ne faudrait surtout pas croire que ces écoles étaient cloisonnées, c'est même tout le contraire, les relations personnelles et scientifiques entre leurs adeptes étaient extrêmement intenses.
10En troisième lieu, cette histoire était imprégnée de marxisme. L'analyse en termes de luttes de classes ou de conflits entre des groupes bien délimités, mais pas toujours bien définis, était la règle. Dans ce contexte, la Révolution était le point focal de ces travaux. D'où la pléthore d'études sur la paysannerie et la Révolution, après la thèse de Georges Lefebvre sur les Paysans du Nord pendant la Révolution française9, dont une longue série de recherches sur la question sensible des biens nationaux.
11En quatrième lieu, cette histoire était résolument franco-française, à quelques exceptions près : la plus notable étant la grande enquête sur les dîmes entreprise par Joseph Goy et Emmanuel Le Roy Ladurie qui mobilisa un bataillon de chercheurs issus de nombreux pays européens10.
12En cinquième lieu, cette histoire était idéologiquement portée par un postulat : la France était un pays de petits paysans. Cette conviction avait de lourdes implications, comme on va le voir, et a orienté une bonne partie des travaux sur les campagnes françaises, les historiens poussant cette vérité jusqu'à ses ultimes conséquences et aboutissant à une perception larmoyante de la société rurale ancienne. De là l'attention portée aux crises et la perception noire de la société paysanne jusqu'à aujourd'hui. En fait, la plupart des historiens communiaient dans une vision misérabiliste de la paysannerie. Non qu'ils aient eu tort, mais il est clair qu'ils abandonnaient le terrain pour d'autres interprétations concurrentes qui ont fleuri par la suite.
II. La désaffection à l'égard d'un type d'histoire
13Tous ces ingrédients expliquent en partie le succès d'un type d'histoire. Ils expliquent aussi son rapide déclin.
L'histoire économique en général a subi une rude concurrence d'autres orientations historiographiques, il faut le dire, profondément méprisées par les initiateurs des Annales. Le regain du politique a affaibli l'histoire des campagnes. Non pas qu'on ne puisse faire une histoire politique des campagnes, mais elle a tout détruit sur son passage. Dorénavant tout est politique. Aller vendre son veau à la foire est devenu un acte éminemment politique. Dans le même temps, les modernistes qui étaient la clé de voûte de cette forme d'histoire ont perdu leur position de pointe et ont cessé de drainer les masses d'étudiants au profit des contemporanéistes dont on connaît la tiédeur à l'égard d'une histoire socio-économique des campagnes.
L'histoire économique des campagnes a pâti de la désaffection à l'égard de tout ce qui est statistique, sans doute par les excès du chiffre. Pourtant on a besoin d'ordre de grandeur. Mais il n'empêche. Ces données abstraites qui parlent de grands agrégats ont lassé au profit de l'acteur individuel. Dans le même temps, l'histoire de la Révolution subissait une éclipse relative, surtout après le Bicentenaire. Enfin, et surtout, l'exploration répétée des sociétés locales, toutes semblables et différentes, ne faisait plus recette, sauf pour des érudits en quête de leurs racines. Chaque nouvelle étude de pays, chaque nouvelle série semblait apporter peu par rapport à la précédente. Les vertus explicatives de l'histoire sérielle et de l'histoire régionale avaient fait long feu.
Le déclin inexorable du marxisme parmi les historiens eut également des conséquences importantes. Ce virage idéologique affecta l'histoire économique des campagnes comme l'histoire économique en général. D'une part, l'économie cessa d'être au centre de tout le système social. D'autre part, on cessa de parler de classes mais aussi de groupes. Et l'on s'interrogea de plus en plus sur les contours et le contenu de ces entités dorénavant privées de toute consistance. Les acteurs revinrent en force comme objet d'analyse et le fulgurant succès de la micro-histoire fit dévier les interrogations portées sur les ruraux, devenus des individus comme les autres.
L'ouverture internationale accrue des recherches conduites par étudiants et chercheurs acheva de marginaliser l'histoire des campagnes françaises alors que la plupart des « ruralistes » s'agrippaient à leurs dépôts d'archives locaux et refusaient dans leur immense majorité toute confrontation internationale. D'où aussi cette image d'une historiographie vieillotte, frileuse, « franchouillarde » pour tout dire, alors qu'à l'étranger de nombreux partenaires apportaient beaucoup à ce segment scientifique, qu'ils bénéficient d'une historiographie ancienne : cas de l'Angleterre, ou plus récente : cas de l'Espagne, ou encore en devenir : pays d'Europe centrale : Hongrie, Pologne, République tchèque.
14Il ne paraît pas raisonnable de se lamenter sur ce déclin mal vécu mais fécond. Il a obligé les historiens passionnés par l'histoire des campagnes à réviser sensiblement leurs jugements et à nuancer considérablement leur connaissance du monde rural. Il les a contraints à changer de méthode d'investigation et à emprunter d'autres pistes que celles qui avaient donné des résultats impressionnants mais conduisaient à des rendements décroissants : la monographie régionale et les séries brutes. De ce fait, les reclassements ont en effet été sévères dans la manière d'envisager l'histoire des sociétés rurales anciennes.
III. Les mutations récentes d'un champ historiographique
1. Changement 1 : Le mythe du petit exploitant
15Pendant longtemps, l'attention a été portée sur le petit exploitant, sur sa vulnérabilité économique, biologique, sa dépendance sociale. D'une certaine manière, ce petit exploitant était bien utile. Il servait de repoussoir devant le grand fermier capitaliste anglais, conquérant, novateur, expérimentateur11. Ce face-à-face franco-anglais est, en effet, depuis les physiocrates au moins, perpétuellement reproduit à l'identique, sans souffrir de contestation, et inonde l'historiographie. Tout le monde faisait comme si les campagnes anglaises n'étaient peuplées que de gros fermiers et de salariés agricoles, et les campagnes françaises uniquement de petits propriétaires autosuffisants. Depuis quelques années la révision a été totale12. On savait naturellement depuis longtemps qu'il existait des laboureurs qui exploitaient des fermes plus grandes et commercialisaient de grandes quantités de blé. Nous savons maintenant combien les fermiers d'Île-de-France furent opulents, à la frontière de la bourgeoisie et de l'aristocratie, et à la pointe du progrès agricole, et combien ils avaient peu à envier à leurs homologues britanniques13. On sait désormais que les familles de fermiers restaient très longtemps en toute quiétude sur la même exploitation, les baux étant renouvelés avec beaucoup de régularité pour les lignages de l'Île-de-France. Leur richesse et leur enracinement leur assuraient la domination sociale et politique sans aucun concurrent, surtout là où le seigneur était peu présent, au point que l'on a pu parler de « fermocratie »14, pour caractériser un système qui devait aisément survivre à la Révolution.
16Les recherches récentes ou en cours ont alors mis le doigt sur un autre phénomène important : le dynamisme de certains petits exploitants et même micro-exploitants ou spécialistes de l'élevage15. La Flandre ou l'Alsace décrivent un univers inattendu avec des paysans qui, à force de travail sur de minuscules parcelles, finissent par obtenir une agriculture hyperdéveloppée, hyperspécialisée, avec des assolements complexes et des terroirs en forme de puzzle improbable. La légende noire du métayage et le retard imputé aux régions de l'Ouest a été à son tour récusée. Non, les métayers ne seraient pas tous de pauvres hères au bord du précipice économique, soumis corps et âme à leurs propriétaires16. Certes, le métayage garantit un certain type de rapports sociaux plus ou moins paternalistes, mais il n'est en aucun cas un obstacle au progrès économique et il ne prolétarise pas systématiquement les exploitants. Il est symptomatique d'observer que les métayers figurent parmi les plus riches des paysans dans certaines régions et que le métayage s'accommode en fait très bien du développement de spécialisations très rentables, comme toutes celles qui tournent autour de l'élevage17.
17S'estompe donc peu à peu l'image du paysan souffreteux qui fit les beaux jours de l'historiographie de la période glorieuse, tandis que, parallèlement, les Anglais découvrent progressivement qu'ils avaient sur leur sol de petits paysans qui avaient survécu pendant très longtemps à la concentration agraire entreprise au cours de la révolution agricole. Même si les relations de crédit pèsent sur lui, le petit exploitant n'est plus systématiquement asservi à la dette dont profitent des créanciers à l'affût de son patrimoine, le crédit cesse d'être à tout coup une malédiction, il deviendrait aussi le signe d'un effort d'investissement18. Un autre paysan surgit donc des archives, certes vulnérable, mais pas seulement victime passive des événements. Au point que l'on a oublié les pesanteurs et les crises qui l'accablent rituellement. Certes, ce petit paysan n'a sans doute pas eu une vie facile mais l'évidence prime : il a survécu19. Le groupe des petits paysans s'est maintenu, envers et contre tout, en usant de tous les moyens à sa disposition qui lui permettaient de se maintenir, à commencer par la pluri-activité qui est devenue un thème important dans les travaux qui lui étaient consacrés20.
2. Changement 2 : La légende du paysan hors marché
18Pendant longtemps, et aujourd'hui encore, l'histoire des sociétés anciennes est envahie de poncifs sur l'autosubsistance ou l'autarcie économique des exploitations. Que cette autarcie ait été un idéal dans une économie fragile, sans doute, mais les ruraux étaient-ils allergiques au marché comme on le prétend ? En fait, au moins depuis l'article de Maurice Aymard dans les Annales de 198321, on a bien compris que, même si on met de côté l'effet d'incitation de l'impôt, nul ou quasiment nul ne saurait ignorer le marché. Sur des exploitations étriquées, les paysans, soit se font l'agent d'une spécialisation à outrance et s'engagent à fond sur la fourniture de denrées légumières, fruitières, sur le marché urbain (Paris en particulier), soit, s'ils ne le peuvent, se portent sur le marché du travail. Ainsi les vignerons de la région parisienne, d'Argenteuil et des paroisses voisines, et bien au-delà de la région parisienne, approvisionnent-ils le marché parisien en produisant du vin bon marché sur leurs micro-exploitations22, à l'exemple des négociants champenois, ou encore des producteurs de Sauternes dans la région bordelaise23. Ainsi les marchands d'arbres de Vitry font-ils fortune en livrant les parcs et jardins de l'aristocratie24, ainsi les maraîchers de la ville dès le XVIe siècle25 livrent-ils artichauts et asperges, ou bien encore les producteurs de fraises, de cerises, de pêches à Montreuil-sous-Bois ou dans la vallée de Montmorency26 parviennent-ils à survivre à force de travail et d'ingéniosité. Il est donc clair que de larges fractions de la paysannerie non seulement ne se détournent pas du marché mais sont largement insérées dans les échanges. L'éventail des spécialisations qui évitent aux paysans d'être englués dans l'autosubsistance est vaste.
19En cela les paysans français ne se comportent pas différemment des paysans anglais adeptes de ce que Joan Thirsk appelle les alternative cultures qui sortent ainsi de l'anonymat où les avaient plongées la céréaliculture et, à un degré moindre, la viticulture27. C'est à une véritable réhabilitation de la petite culture aussi bien par les historiens de l'époque moderne que par ceux de la période contemporaine que l'on assiste actuellement. Les petites exploitations peuvent, elles aussi, être novatrices, orientées vers le marché et capables de promouvoir d'habiles spéculations, en profitant des occasions octroyées par les marchés urbains. En fait, les historiens découvrent ou savent enfin mettre en évidence toutes les formes de spécialisation qui intègrent la paysannerie dans des relations d'échanges. Cultures spéculatives, on l'a vu, mais aussi élevage spécialisé dans l'embouche du bœuf normand ou du veau de la région parisienne28 tissent les éléments d'une économie largement tirée par l'appel des marchés urbains, gros consommateurs non seulement de vin mais de viande, de légumes, de fruits…
20On comprend qu'une autre légende, celle d'un monde rural dépourvu de numéraire avant le XIXe siècle, ait fini par « en prendre un coup »29. La monnaie circule, on la trouve en grande quantité au hasard des inventaires, surtout lorsqu'ils se produisent impromptus, elle irrigue l'économie même si l'économie ancienne est évidemment assoiffée de monnaie et ne thésaurise pas tant que cela, contrairement à ce que suggère une autre légende tenace30. En réalité, dans l'historiographie rurale actuelle le marché est omniprésent et cela constitue une réelle coupure avec la vision traditionnelle. L'excès n'a pas tardé à se manifester. À lire certains historiens on a l'impression, et parfois ce n'est pas qu'une impression, que le marché peut tout et qu'il suffit à multiplier la production, sans tenir compte des contraintes économiques, écologiques ou sociales qui peuvent endiguer son rôle bienfaisant.
3. Changement 3 : La fiction d'un monde immobile
21Le monde rural a figuré jusqu'à très récemment comme un univers stable, immobile. Les hommes comme la terre ne bougeaient pas. On se mariait sur place et on conservait jalousement les lopins dont on avait hérité que l'on transmettait pieusement de génération en génération. Cette conception rassurante a volé en éclats. Les migrations que l'on ne percevait que difficilement à travers les fiches de familles de la démographie historique sont au premier plan des travaux actuels. Sur un rythme saisonnier, de manière temporaire ou à titre définitif, de nombreux ruraux quittaient leur village pour un sort meilleur, ou tout simplement parce que la migration faisait partie de leur mode de vie et leur procurait leurs moyens d'existence. Les historiens sont divisés sur la portée de ces mouvements de population très difficiles à saisir et sur leur signification : rupture annoncée avec le milieu d'origine ou simple déplacement pour rester dans le même milieu, notamment pour convoler en justes noces ? On reconnaît là les débats qui opposent les tenants de l'immobilité fondamentale des villages : Jacques Dupâquier et Jean-Pierre Poussou d'une part, Paul-André Rosental et Alain Croix d'autre part31.
22De la même manière, il a longtemps été de bon ton d'admettre que la terre ne circulait pas ou que, si elle circulait, c'était pour des raisons de commodité, il n'y avait pas de marché avant le XIXe siècle, et encore, les ventes de biens nationaux représentant une parenthèse aussi inattendue que spectaculaire. S'il existait un marché, il était de taille réduite et uniquement activé par la dette, et l'on a longtemps glosé sur l'expropriation incessante de la paysannerie au profit de la bourgeoisie avide au point que l'on se demande comment, au bout de tant de reculs fonciers, les ruraux pouvaient encore posséder tant de terres. Personne ne croit plus à ce conte. C'est par centaines que les ventes se découvrent dans les minutiers, et très haut dès le Moyen Âge32. Probablement 400 000 ventes par an en France dès le XVIIIe siècle. La position de repli consiste à dire que ce marché n'en est pas un, qu'il est phagocyté par les opérations intrafamiliales et que le prix n'est finalement qu'un prix de convenance, absolument pas un prix de marché. Là-dessus la discussion est ouverte, quand bien même les exemples commencent à abonder pour démontrer que le marché est beaucoup plus ouvert qu'on ne le croit. À cet égard, les travaux sur la Beauce sont corroborés par la récente thèse de Fabrice Boudjaaba autour de Vernon33, et il semble bien avéré que le prix, même entre parents, est sans doute un prix de marché, ni sous-évalué, ni surévalué34. Quant à la dépossession paysanne, si elle est tangible dans certaines conjonctures douloureuses, on a pu établir qu'en fait, dans les périodes plus calmes la paysannerie avait tendance à récupérer et au-delà le terrain perdu35. L'expropriation n'est pas un fait structurel.
4. Changement 4 : Le retour des acteurs
23Pour résumer de manière abrupte la transformation radicale qui est intervenue sur la place des individus, on dira que les contraintes de la structure, qui gouvernaient les individus contre leur gré, ont cédé la place aux stratégies individuelles et familiales. Les agents économiques se sont effacés devant les acteurs sociaux. L'image classique du paysan accablé par une conjoncture néfaste et incontrôlable, jouet des événements, a vécu. Dorénavant, les historiens se penchent sur les méthodes employées par les acteurs pour renflouer leurs trésoreries, gérer leur exploitation, se procurer leurs revenus, assurer la transmission de leurs biens, garantir leurs vieux jours, nouer des alliances matrimoniales, établir leurs enfants exclus de l'héritage, etc. L'étude des cycles de vie, des modes de reproduction familiale suscite l'intérêt36. À titre d'exemple, les pratiques d'héritage, les questions associées aux alliances, le thème de la parenté, font partie des thèmes privilégiés par les historiens, qui dorénavant concernent très directement les sociétés paysannes au même titre que les autres groupes sociaux. Ce qui fait partie des orientations de recherche des historiens médiévistes ou modernistes qui consacrent leurs travaux aux relations de parenté au sein des groupes dirigeants, des seigneurs de l'époque médiévale ou de la noblesse à l'époque moderne, s'étend largement aux couches paysannes dès que la documentation se prête à ce type d'exercice dans la continuité des travaux conduits par Joseph Goy et son équipe37. Il s'agit de comprendre les logiques qui poussent les familles à privilégier tel ou tel mode de transmission et à adopter telle ou telle stratégie.
24Dans un autre ordre d'idées, les rythmes et les processus d'accumulation, les parcours des individus au long de leur existence commencent à attirer les chercheurs38. Ce fut le cas pour la Beauce il y a quelques années. Cela a été le cas, tout récemment, dans la thèse de Fabrice Boudjaaba sur la circulation des biens-fonds dans la région de Vernon et dans celle de Laurent Herment sur les petits exploitants de Seine-et-Oise39. La prise en compte de la littérature anglo-saxonne, friande de ce genre d'expérimentation, explique largement sans doute cette nouvelle fascination pour les phénomènes de cycles de vie ou de cours de la vie, et plus encore la diffusion tardive des théories de Chayanov, largement ignorées en France pendant près de trois quarts de siècle, qui discernent des phases d'accumulation et de dépossession consécutives liées aux différentes phases du cycle familial, sans qu'il y ait pour cela de transferts fonciers massifs au détriment des exploitants. Mais, plus profondément, on peut voir dans cette orientation l'influence de l'anthropologie qui examine depuis longtemps dans d'autres sociétés les mécanismes de la parenté. Plus encore, la micro-histoire semble avoir joué un rôle déterminant en replaçant l'individu au centre de ses investigations, cherchant à retrouver par un changement d'échelle la réalité des comportements sociaux à travers les parcours individuels40. De ce fait, l'individu retrouve une large marge de liberté, peut-être excessive, dans la mesure où la démarche tend à minimiser (non à ignorer cependant), les impératifs extérieurs autres que ceux du milieu proche et à survaloriser le degré de liberté des acteurs41.
5. Changement 5 : Rapports de classes, lien social
25Les rapports de classes ont structuré la réflexion des historiens pendant de nombreuses années. Il n'en va plus ainsi. Ils raisonnent de moins en moins en ces termes tant leur conception de la société a varié. Désormais, le corps social est envisagé autrement, et les comportements individuels mis davantage en valeur. L'accent n'est plus mis sur les conflits entre les groupes sociaux, mais sur les solidarités familiales, ou sur les actes de la vie en société qui sont fondés à « tisser le lien social », selon l'expression consacrée. Ce n'est pas que les traditionnels affrontements de classes soient totalement oubliés mais ils passent désormais au second plan, loin derrière les conflits individuels ou les logiques de situation. Ce n'est pas que les conflits soient passés sous silence, c'est même le contraire, les archives judiciaires n'ont jamais été tant prospectées. Mais les conflits ont moins de racines proprement économiques.
26On sait que l'opposition entre serfs et seigneurs, l'oppression féodale issue du Moyen Âge et qui s'est perpétuée jusqu'à la Révolution, structurait en partie les relations sociales au sein du village, en même temps que la communauté rurale était quotidiennement en lutte avec son ou ses seigneurs. Dans de telles conditions, la question du prélèvement féodal, de son poids et de son caractère pénalisant pour les exploitations paysannes, occupait une place centrale jusqu'à la veille de la Révolution42.
27Ce discours n'a pas disparu, mais la seigneurie, structure d'oppression, et seulement d'oppression dans l'historiographie traditionnelle, subit un retour en grâce inattendu dans les travaux d'Annie Antoine par exemple43. Elle devient, parallèlement ou contradictoirement, une structure prestataire de services au bénéfice de la société rurale. Il n'est même plus admis comme une vérité intangible que la justice qu'elle rendait fût en quoi que ce soit si différente de celle que rendaient les tribunaux royaux. Dans un tel contexte, la fameuse réaction féodale de l'avant-Révolution qui fit couler tellement d'encre n'est plus acceptée telle quelle. On parlera plutôt de remise en ordre de la seigneurie et de meilleure gestion avec des plans-terriers, mais en se situant délibérément dans le prolongement des rapports sociaux antérieurs.
28La corvée même à l'époque médiévale n'est plus tellement un rapport économique chez Julien Demade, elle est un instrument de pouvoir44. Elle sert à marquer la domination politique de celui qui en bénéficie. De la même façon, le prélèvement en tant que tel devient secondaire. Il n'est pas le but ultime de la seigneurie. Il sert surtout à assécher les trésoreries paysannes et à gonfler les stocks de grains des seigneurs à des fins spéculatives, en jouant sur les calendriers et sur les stocks. La seigneurie n'est plus qu'un instrument de manipulation du marché.
6. Changement 6 : La crise des catégories et le triomphe des réseaux
29C'est avec confiance que les historiens des campagnes avaient adopté les taxinomies en usage dans les documents qu'ils consultaient et en avaient fait des outils d'analyse du social. Ils sont devenus maladivement méfiants à l'égard des catégories45. Pourquoi cette remise en cause ? Pour plusieurs raisons. La première, c'est que le découpage de la société en strates préfigure dès le départ les conclusions que l'on va tirer de l'analyse. On retrouvera à la sortie ce que l'on a entré au début : une société découpée en strates. La seconde, c'est que les catégories sont poreuses, incertaines, floues et que leur valeur explicative est par conséquent faible. Enfin, et surtout, elles enferment les individus dans des cases comme s'ils n'étaient portés que par leur position sur l'échelle sociale et n'agissaient qu'en conséquence, en faisant abstraction des relations qu'ils peuvent entretenir avec le reste du corps social. Les hommes ne sont pas comme des billes dans une boîte, disait drôlement Bernard Lepetit46. Ce sont donc les liens entre des individus et les réseaux qui sont mis en avant.
30Les analyses sophistiquées abondent pour repérer les flux qui peuvent unir les personnages, quitte à sacrifier sans doute ce qui sépare à ce qui unit. La plupart des relations sociales sont examinées à cette aune. Relations matrimoniales, foncières, monétaires aussi bien que politiques. Cette approche a permis de mettre au jour les relations complexes entre les sociétés de montagnes et les sociétés urbaines (ou rurales) à travers les réseaux de colportage grâce aux travaux de Laurence Fontaine47.
31Prenons l'exemple de la relation de crédit. Le crédit a été considéré comme un instrument d'oppression ou de spoliation de la paysannerie. Les études sont légion qui exprimaient la descente aux enfers de débiteurs insolvables, guettés par des créanciers (« de bourgeoises mains ») avides de s'emparer de leurs biens. Aujourd'hui, le changement est net : le crédit est un instrument qui crée du lien social et qui empêche les ruraux de sombrer ou qui leur fournit les moyens de surmonter des besoins récurrents en numéraire48. Il n'a plus fondamentalement pour fonction d'assécher les trésoreries paysannes mais de les renflouer. Par un étonnant retour de balancier, il est devenu nécessaire pour assurer l'investissement et pour structurer le social.
32Bien mieux, les créanciers ne cherchent pas forcément à mettre la main sur les maigres lopins peu appétissants de leurs débiteurs, nous dit Laurence Fontaine, mais ils leur prêtent au-delà de la valeur du gage, pour des raisons de clientélisme, priant tous les saints de ne pas les acculer à procéder à la saisie de biens sans grand intérêt économique. Pourtant, si la dette cesse d'être le levier de l'expropriation des pauvres et de l'accumulation des terres par les riches, elle ne cesse pas pour autant d'avoir une fonction économique précise dans le système social. Elle garantit aux entrepreneurs, éleveurs ou commerçants, la disponibilité et la soumission d'une main-d'œuvre, contrainte d'accomplir les tâches que requièrent leurs activités économiques. Elle est, elle redevient un instrument d'assujettissement social et politique.
7. Changement 7 : L'ouverture européenne
33L'enfermement hexagonal de la recherche française engagée dans les études rurales fut en partie bénéfique et favorisa certainement la progression de l'historiographie bien calée sur son pré-carré. Il est clair que, aujourd'hui, cet isolement est préjudiciable car il freine les comparaisons et masque les correspondances. C'est tout le sens du projet qui a été développé au cours des dernières années et qui a rassemblé quasiment tous les pays européens, en mobilisant quelques Français intrépides. Il a permis de réunir en 12 occasions (12 workshops) plus de 200 chercheurs issus de 22 pays49. C'est le sens des opérations qui ont pu être lancées grâce au soutien d'un GDR du CNRS50 et qui ont pu remettre sur le chantier et dépasser la traditionnelle comparaison franco-britannique51.
34Certes, on l'a dit, de telles mises en perspective existaient déjà auparavant : on a cité le cas de l'enquête sur les dîmes, on rappellera tout aussi bien les multiples croisements qui ont pu être tentés pour mieux comprendre les systèmes d'héritage ou les modalités du service domestique, en liens avec les travaux de l'équipe de Joseph Goy52 ou autour d'Antoinette Fauve-Chamoux53. Certes, de l'Espagne à la Grèce, du Portugal à l'Allemagne, les enquêtes ont livré non seulement une géographie des modes de dévolution du patrimoine mais aussi une analyse fine de la complexité des choix familiaux, de la sélection des priorités familiales et des stratégies de parenté qui les guidaient. Mais il est manifeste que la dimension européenne, sinon transnationale, doit s'intensifier. Des événements aussi cruciaux que les ventes de biens nationaux, des enjeux aussi lourds que la question des communaux et des concepts aussi forts que les droits de propriété ou des phénomènes aussi graves que les crises ne sauraient être explorés efficacement qu'à l'échelle internationale.
35Il est paradoxal que tant d'énergie ait été dépensée pour chiffrer la part des biens nationaux dans le capital foncier national et la part des gains paysans, en portant si peu d'attention à tous les phénomènes similaires qui se produisent avant et après la Révolution, hors de France, aux Pays-Bas autrichiens et ailleurs. Or, aujourd'hui, on sait, grâce à la synthèse de Bernard Bodinier et Éric Teyssier54. Les biens du clergé, en France, c'est 6 % du territoire national. La comparaison avec la desamortización espagnole ou avec les desamortizaciones latino-américaines s'est avérée riche de sens, quand bien même d'autres mises en perspective restent licites55 ; elle a permis de démontrer que nulle part ailleurs qu'en France les confiscations de biens ecclésiastiques ne furent aussi faibles et que nulle part on en avait tant parlé. Elle a permis de mettre en évidence que l'idée d'une telle expropriation était déjà bien ancrée hors de France bien avant la Révolution, sous la pression des ilustrados espagnols notamment.
36La question des communaux semblait se résumer à une lutte entre seigneurs et communautés rurales pour activer le progrès agricole ou sauver la vache du pauvre dans le cas français. On sait maintenant que la question était beaucoup plus complexe56, tandis qu'à l'étranger, le dilemme semblait se poser plus ou moins dans les mêmes termes mais ne débouchait pas forcément sur les mêmes décisions57. Plus largement, ce problème de la coexistence de droits multiples sur la terre requiert un examen à l'échelle internationale pour démêler l'écheveau des modes de dévolution de ces droits et mesurer l'incidence de la définition d'un droit de propriété absolu sur le progrès économique. Les économistes n'argumentent-ils pas que la prise en compte d'une propriété parfaite est une condition nécessaire à l'éclosion d'une économie capitaliste ? On comprend que ce problème ait suscité un engouement particulier lors des rencontres organisées sur cette thématique58.
37Enfin, les crises si abondamment scrutées dans leurs implications économiques, sociales et démographiques, ne rencontrent que récemment l'attention des collègues étrangers, au point que pendant longtemps on s'est demandé si elles n'étaient pas une spécificité française. Or, on retrouve des crises un peu partout en Europe mais avec des calendriers différents, des effets distincts et des parades particulières59. Cette question suscite l'intérêt de nos collègues qui proposent des modèles originaux, et par là enrichissent notre compréhension de ces questions que l'on croyait dépassées.
IV. Conclusion
38Actuellement se dessine un regain d’intérêt pour l’histoire économique des campagnes. Mais dans un esprit différent. Il ne s’agit plus de retrouver un monde ancien avec ses handicaps, ses tares et un archaïsme de bon aloi. Ce n’est plus au nom de l’exotisme et de la contemplation d’un passé révolu que les études sont entreprises. Il s’agit bien de chercher les clés de compréhension d’une société et de ses fonctionnements. On comprend que dans ces conditions, le monde rural ne figure plus comme un univers étrange mais comme une population qu’il est aussi légitime d’étudier qu’une autre. À la limite, la distinction rural/urbain perd de sa pertinence sauf à dire que, malgré leurs liens nombreux, les membres de chaque entité sont soumis à des contextes particuliers et adaptent leur comportement, leurs stratégies en conséquence.
39La question qui se pose maintenant c'est celle de la crédibilité de ce type d'histoire. Le vocable « ruraliste » est encore connoté négativement dans l'imaginaire de certains historiens. Les étudiants ont progressivement, mais rapidement et inéluctablement, perdu le contact avec les réalités de la campagne. Il n'est pas étonnant qu'il y ait si peu de cours affichés « histoire des campagnes » dans les universités, en dehors des trois séminaires qui se tiennent régulièrement à Caen, Lyon et Paris.
40Et pourtant le défi est important pour nos sociétés contemporaines. Non seulement la PAC a été et reste un élément fondamental de la construction de l'Europe, non seulement le malaise des producteurs nous rappelle périodiquement que le problème agricole reste lancinant, mais, au-delà, les mutations que connaissent actuellement ou que connaîtront très prochainement les campagnes de l'Est de l'Europe soulignent l'importance d'une perspective historique pour comprendre le monde d'aujourd'hui. Au-delà encore, les inquiétudes alimentaires, les problèmes agraires, les questions environnementales sont là pour rappeler l'acuité des enjeux ruraux dans les sociétés contemporaines. Or, paradoxalement, ce champ est particulièrement déserté en histoire contemporaine. Que savons-nous vraiment de l'évolution du monde rural au XXe siècle, sans parler du XXIe, alors que les questions sur le statut de la terre et son appropriation, les migrations et l'exode rural, les tensions alimentaires, les opérations de bonification, la Révolution verte ou les agro-carburants envahissent le paysage audiovisuel ? Sur tous ces sujets, les historiens ne devraient-ils pas avoir quelque chose à dire ? Ne détiennent-ils pas certaines des clés de compréhension qui risquent de nous faire défaut ?
Notes de bas de page
1 Histoire et Sociétés Rurales, dont le premier numéro est sorti en 1994 et dont le succès ne se dément pas.
2 La liste des « manuels » parus en cette occasion se trouve p. 303-304 de Béaur G., Histoire agraire de la France au XVIIIe siècle. Inerties et changements dans les campagnes françaises à la fin de l’époque moderne (jusqu’en 1815), Paris, SEDES, 2000.
3 Goubert P., Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730. Contribution à l’histoire sociale de la France du XVIIe siècle, Paris, EPHESS, 1960, 2 vol. (réimpr. Paris, Éditions de l’EHESS, 1982) ; Le Roy Ladurie E., Les Paysans de Languedoc, Paris/La Haye, SEVPEN, 1966, 2 vol. [réimpr., Paris, Éditions de l’EHESS, 1985] ; Duby G., L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval, Paris, Éditions Aubier-Montaigne, 1962, 2 vol.
4 Duby G., et Wallon A. (éds), Histoire de la France rurale, Paris, Le Seuil, 1975-1976, 4 vol.
5 Que l’on songe à l’impact des Caractères originaux. Bloch M., Les Caractères originaux de l’histoire rurale française, Oslo, H. Aschehoug, 1931.
6 Meuvret J., Le problème des subsistances à l’époque Louis XIV, Paris/La Haye, Éditions de l’EHESS/Mouton, 1977, 1987, 1988, 3 t. en 6 vol.
7 Labrousse E., Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au XVIIIe siècle, Paris, Librairie Dalloz, 1933 [rééd. Paris/Montreux, Gordon and Breach Science Publishers, 1984].
8 Boehler J.-M., Une société rurale en milieu rhénan : la paysannerie de la plaine d’Alsace (1648-1789), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1994.
9 Lefebvre G., Les Paysans du Nord pendant la Révolution française, Lille, O. Marquant, 1924 [réimpr., Paris, Armand Colin, 1972].
10 Goy J., Le Roy Ladurie E. (éds), Les fluctuations du produit de la dîme. Conjoncture décimale et domaniale de la fin du Moyen Âge au XVIIIe siècle, Paris/La Haye, Mouton, 1972, et Prestations paysannes, dîmes, rente foncière et mouvement de la production agricole à l’époque moderne, Paris/La Haye/New York, Mouton, 1982, 2 vol.
11 Cf. Béaur G., L’homme et la terre (France-Grande-Bretagne XVIIe-XVIIIe siècles), choix et présentation d’articles, Paris, Hachete, 1998.
12 Cf. les communications dans Vivier N. (éd.), Ruralité française et britannique, XIIIe-XXe siècles. Approches comparées, Rennes, PUR. 2005.
13 Moriceau J.-M., Les Fermiers de l’Île-de-France. Ascension d’un patronat agricole (XVe-XVIIIe siècles), Paris, Fayard, 1994.
14 Jessenne J.-P., Pouvoir au village et Révolution. Artois, 1760-1848, Lille, Presses universitaires de Lille, 1987.
15 Moriceau J.-M., Histoire et géographie de l’élevage français : XVe-XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 2005.
16 Antoine A., « Les bovins de la Mayenne (1720-1820). Un modèle économique pour les campagnes de l’Ouest ? », Histoire et Sociétés Rurales, no 4, 1995, p. 105-136, et « La sélection des bovins de l’Ouest au début du XIXe siècle. Évolution des pratiques et des représentations », in Antoine A. (éd.), Des animaux et des hommes. Économie et sociétés rurales en France (XIe- XIXe siècles), numéro spécial de la revue Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 106, no 1, 1999, p. 63-85 ; Delhoume J.-P., Les campagnes limousines au XVIIIe siècle. Une spécialisation bovine en pays de petite culture, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2009.
17 Antoine A., Fiefs et villages du Bas-Maine au XVIIIe siècle, Mayenne, Éditions régionales de l’Ouest, 1994.
18 Postel-Vinay G., La Terre et l’argent. L’agriculture et le crédit en France du XVIIIe au début du XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998.
19 Herment L., Survivants ou conquérants : reproduction sociale et accumulation patrimoniale chez les petits exploitants agricoles de Seine-et-Oise durant le premier XIXe siècle (1789-1860), Thèse de doctorat, EHESS, 2009.
20 Garrier G. et Hubscher R. (éds), Entre faucilles et marteaux, Paris, Presses universitaires de Lyon et éditions de la MSH, 1988 ; Mayaud J.-L., La petite exploitation rurale triomphante. France XIXe siècle, Paris, Belin, 1999.
21 Aymard M., « Autoconsommation et marché : Chayanov, Labrousse ou Le Roy Ladurie ? », Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, no 6, 1983, p. 1392-1409.
22 Lachiver M., Vin, Vigne et vignerons en Région parisienne du XVIIe au XIXe siècles, Pontoise, Société historique et archéologique de Pontoise, du Val d’Oise et du Vexin, 1982.
23 Musset B., Vignobles de Champagne et vins mousseux. Histoire d’un mariage de raison (1650-1830), Paris, Fayard, 2008 ; Lachaud S., Vin, vigne et vignerons en Sauternais des années 1650 à la fin de l’Ancien Régime, Thèse de doctorat, université de Bordeaux III, 2010.
24 Traversat M., Étude sur les jardins français et sur les jardiniers et les pépiniéristes, Thèse de doctorat, EHESS, 2001.
25 Gurvil C., Les paysans de Paris du milieu du XVe siècle au début du XVIIe siècle, Thèse de doctorat, EHESS, 2006.
26 Abad R., Le grand marché. L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 2002 ; Bennezon H., Montreuil sous le règne de Louis XIV, Paris, Éditions Indes Savantes, 2009 ; Merot F., L’homme et son milieu en vallée de Montmorency sous l’Ancien Régime. Un paysage original aux portes de Paris (vers 1640-vers 1800), Thèse de doctorat, université Paris 13.
27 Thirsk J., Alternative Culture. A History from the Black Death to the Present Day, Oxford, Oxford University Press, 1997 ; Poussou J.-P., « ‘L’agriculture alternative ?’. À propos d’un livre de Joan Thirsk », Histoire et Sociétés rurales, no 12, 1999, p. 131-147 ; Béaur G., « Alternative agriculture or agricultural specialization in early modern France », Agricultural History Review, suppl. « England-France. A common agricultural heritage », ch. 9, 2009, p. 121-137.
28 Garnier B., « Des bœufs pour Paris, Commercialisation et élevage en Basse-Normandie (1700-1900) », in Antoine A. (éd.), Des animaux et des hommes. Économie et sociétés rurales en France (XIe-XIXe siècles), numéro spécial de la revue Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 106, no 1, 1999, p. 101-120 ; Reynaud F., Les bêtes à cornes dans la littérature agronomique de 1700 à 1850, Thèse de doctorat, université de Caen, 2009 ; Fanica O., « La production de veau blanc pour Paris. Deux siècles de fluctuations (XVIIe-XXe siècle) », Histoire et Sociétés Rurales, vol. 15, 2001, p. 105-130.
29 Béaur G., « Familles, argent et marchés dans la France d’Ancien Régime », in Dessureault C., Dickinson J. A., Goy J.(éds), Famille et marché, XVIe-XXe siècles, Sillery (Québec), Septentrion, 2003, p. 19-32.
30 Jambu J., Production et circulation monétaires en Normandie occidentale à l’époque moderne (milieu du XVe-fin du XVIIIe siècle), Thèse de doctorat, université de Caen, 2008.
31 Croix A., « L’ouverture des villages sur l’extérieur fut un fait éclatant dans l’ancienne France », Histoire et Sociétés rurales, no 11, 1999, p. 109-146 ; Dupâquier J., « Sédentarité et mobilité dans l’ancienne société rurale. Enracinement et ouverture : faut-il vraiment choisir ? », Histoire et Sociétés rurales, no 18, 2002, p. 131-145 ; Poussou J.-P., « L’enracinement est le caractère dominant de la société rurale française d’autrefois », Histoire, Économie et Société, no 21/1, 2002, p. 97-108 ; Rosental P.-A., Les sentiers invisibles : espaces, familles et migrations dans la France du XIXe siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1999.
32 Feller L. et Wickham C. (éds), Le marché de la terre au Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2005.
33 Boudjaaba F., Des paysans attachés à la terre ? Familles, marchés et patrimoines dans la région de Vernon (1750-1830), Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2008.
34 Béaur G., « Prezzo della terra, congiuntura e società alla ine del XVIII secolo : l’esempio di un mercato della Beauce », Quaderni Storici, vol. 65, no 2, août 1987, p. 523-548 et « Marchés fonciers et rapports familiaux dans l’Europe du XVIIIe siècle », in Cavaciocchi S. (éd.), Il mercato della terra, Acti delle 35 « Setimane di Studi » e altri Convegni, Istituto Internazionale di Storia Economica « F. Datini », Prato, Le Monnier, 2004, p. 985-1001 ; Viret J. L., Valeurs et pouvoir : la reproduction familiale et sociale en Ile-de-France, Ecouen et Villers-le-Bel, 1560-1685, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2004 ; Feller L., Gramain A., Weber F., La fortune de Karol. Marché de la terre et liens personnels dans les Abruzzes au haut Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2005.
35 Béaur G., Le marché foncier à la veille de la Révolution. Les mouvements de propriété beaucerons dans les régions de Maintenon et de Janville de 1761 à 1790, Paris, Éditions de l’EHESS, 1984.
36 Impossible de citer ici tous les travaux qui abordent ces questions.
37 Notamment Bouchard G. et Goy J. (éds), Famille, économie et société rurale en contexte d’urbanisation (XVIIe-XXe siècles), Chicoutimi/Paris, SOREP/EHESS, 1991 ; Bonnain R., Bouchard G. et Goy J. (éds), Transmettre, hériter, succéder. La reproduction familiale en milieu rural France-Québec XVIIIe-XXe siècles, Lyon/Paris/Villeurbanne, EHESS/Presses universitaires de Lyon/Programme pluriannuel en sciences humaines Rhône-Alpes, 1992 ; Bouchard G., Goy J., Head-König A.-L. (éds), Nécessités économiques et pratiques juridiques. Problèmes de la transmission des exploitations agricoles (XVIIIe-XXe siècles), Rome/Paris, École française de Rome/De Boccard, 1998 ; Bouchard G., Dickinson J. A., Goy J. (éds), Les exclus de la terre en France et au Québec XVIIe-XXe siècles. La reproduction sociale dans la différence, Sillery (Québec), Septentrion, 1998.
38 Béaur G., « Land Accumulation, Life-course, and Inequalities among Generations in Eighteenth-century France : The Winegrowers from the Chartres Region », The History of the Family, vol. 3, no 3, 1998, p. 285-302.
39 Boudjaaba F., Des paysans attachés à la terre ?..., op. cit. (n. 33) ; Herment L., Survivants ou conquérants..., thèse citée (n. 19).
40 Levi G., Le Pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle, Paris, Gallimard, 1989. Cf. l’introduction fondamentale de Jacques Revel, « L’histoire au ras du sol », p. I-XXXIII.
41 Béaur G., « Trop de stratégie ? Transmission, démographie et migration dans la Normandie rurale du début du XIXe siècle (Bayeux, Domfront, Douvres, Livarot) », in Poussou J.-P. et Robin-Romero I. (éds), Histoire des familles, de la démographie et des comportements, en hommage à Jean-Pierre Bardet, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2007, p. 37-53.
42 Soboul A. (éd.), Contributions à l’histoire paysanne de la révolution française, Paris, Éditions sociales, 1977, et « Le prélèvement féodal au XVIIIe siècle », in L’abolition de la féodalité dans le monde occidental, Colloque de Toulouse 1968, Paris, CNRS, 1971, p. 115-127.
43 Antoine A., « La seigneurie en France à la fin de l’Ancien Régime. État des connaissances et nouvelles perspectives de recherches », in Béaur G., Duhamelle C., Prass R. et Schlumbohm J. (éds), Les sociétés rurales en Allemagne et en France (XVIIIe-XIXe siècles), Rennes, AHSR, Bibliothèque d’Histoire rurale, no 8, p. 47-64.
44 Demade J., Ponction féodale et société rurale en Allemagne du Sud (XIe-XVIe siècles). Essai sur la fonction des transactions monétaires dans les économies non capitalistes, Thèse de doctorat, université Marc Bloch-Strasbourg II, 2004.
45 Béaur G., « Les catégories sociales à la campagne : repenser un instrument d’analyse », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, no 1, 1999, p. 159-176.
46 Lepetit B., « Histoire des pratiques, pratique de l’histoire », in Lepetit B. (éd.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, p. 9-22.
47 Fontaine L., Histoire du colportage en Europe (XVe-XIXe siècle), Paris, Albin Michel, 1993.
48 Fontaine L., « Espaces, usages et dynamiques de la dette dans les hautes vallées dauphinoises (XVIIe-XVIIIe siècles) », Annales HSS, no 6, 1994, p. 1375-1392.
49 Action COST Progressore (Programme de Recherches et d’Études scientifiques sur les Sociétés rurales européennes), 2005-2009.
50 GDR 2912 du CNRS « Sociétés rurales européennes » (2005-2008) puis « Histoire des Campagnes européennes » (2009).
51 Cf. Agricultural History Review, suppl. « England-France. A common agricultural heritage », 2009.
52 Cf. un choix de publications, n. 37.
53 Fauve-Chamoux A. et Ochiai E. (eds), House and the stem-family in Eurasian perspective/Maison et famille-souche : perspectives eurasiennes, Kyoto, Nichibunken, 1998 ; Fauve-Chamoux A. (ed.), Domestic Service and the formation of European Identity, Bern, Peter Lang, 2004.
54 Bodinier B. et Teyssier E., L’Événement le plus important de la Révolution française : la vente des biens nationaux (1769-1867) en France et dans les territoires annexés, Paris, CTHS, 2000.
55 Bodinier B., Congost R. et Luna P.F., De la Iglesia al Estado. Las desamortizaciónes de bienes eclesiásticos en Francia, España y America Latina, Zaragoza, Prensas universitarias de Zaragoza, 2010.
56 Vivier N., Propriété collective et identité communale : les Biens communaux en France (1750-1914), Paris, Presses de la Sorbonne, 1998.
57 Demelas M.-D. et Vivier N. (éds), Les propriétés collectives face aux attaques libérales (1750-1914). Europe occidentale et Amérique latine, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003.
58 Congost R., Lana J. M. (éds), Campos cerrados, debates abiertos : análisis histórico y propiedad de la tierra en Europa (siglos XVI-XIX), Pamplona, Universidad Pública de Navarra, 2007 ; Congost R., Tierras, leyes, historia : estudios sobre « la gran obra de la propiedad », Barcelona, Crítica, 2007 ; Béaur G., Schoield P., Chevet J.-M., Perez-Picazo M.-T. (eds), Property rights, land market and economic growth in Europe (12th-19th centuries), à paraître chez Brepols.
59 Béaur G., Chevet J.-M., O’Grada C., Perez-Picazo M.-T., A Critical Re-examination of Demographic and Economic Crises in Western Europe from the Middle Ages to the Early Twentieth Century, Colloque de Treviso et session du WEHC d’Utrecht, 2009.
Auteur
Directeur de recherche au CNRS, directeur d'études à l'EHESS, CRH
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