Partenariat d’affaires en Russie : quelques clés
p. 219-231
Texte intégral
1Alors que l’Année Croisée France-Russie vient souligner la richesse des échanges culturels entre les deux pays, on est à juste titre interpellé par la modeste présence des entreprises françaises sur le marché russe, en dehors des grands groupes comme Total, Gaz de France Suez, Renault ou bien la véritable « success story » en Russie du Groupe Auchan.
2Pourquoi nos PME – PMI, souvent performantes à l’exportation sur de nombreux marchés, boudent-elles le marché russe ?
3Nos concurrents allemands, hollandais et même italiens, n’ont pas les mêmes états d’âme. C’est grâce à une participation significative de leurs entreprises moyennes aux échanges avec la Russie que ces pays se positionnent aujourd’hui devant la France dans les importations russes.
4À mon sens, cette réticence des PME – PMI françaises à aborder le marché russe s’explique par deux raisons principales :
- La confiance
- Le temps
5On aurait également pu intituler cette conférence : « Peut-on travailler en confiance avec les Russes ? »
6La Russie n’a pas bonne image dans les médias français. Cela contribue très certainement aux hésitations des entrepreneurs français face à un pays et un marché réputés chaotiques.
7Sans nier les travers et les difficultés de la société russe, que les Russes eux-mêmes reconnaissent et dénoncent, l’environnement local des affaires n’est pas aussi anarchique qu’on l’imagine. Approcher le marché russe exige de connaître ses règles du jeu comme pour n’importe quel marché à l’international. Connaître les règles du jeu et les mettre en œuvre dès le début de la prospection aide à éviter les erreurs et multiplie les chances de succès.
8Une des règles du jeu en Russie est l’indispensable développement d’une relation personnelle de qualité, pré-condition d’une relation de confiance avec son partenaire russe et, finalement, clé du succès de la relation d’affaires.
9C’est justement la déstructuration de l’environnement économique et sociétal russe des années 90 qui est venu souligner l’incontournable exigence de bâtir avec son partenaire en affaires une relation de binôme très forte reposant sur une confiance absolue entre les deux parties du binôme. Hors de là, point de salut ! À dire vrai, les déficits chroniques de l’économie soviétique alliés à la complexité et à l’inefficacité de la gestion de l’entreprise socialiste avaient déjà largement contribué à développer cette relation de binôme. Celle-ci était souvent basée sur le principe du renvoi d’ascenseur selon lequel les deux parties, convaincues qu’on ne peut aucunement faire confiance au système, sont contraintes d’être parfaitement fiables et loyales l’une vis-à-vis de l’autre sous peine de se déjuger définitivement.
10Le facteur temps est certainement l’autre élément qui explique pourquoi de nombreux entrepreneurs français hésitent à prospecter le marché russe. D’une certaine manière, le facteur temps est déjà inclus dans la précédente réflexion sur la confiance dans les affaires avec les Russes. On aura compris que développer une relation personnelle débouchant sur une relation de confiance avec ses partenaires russes demande du temps. Ce serait brûler dangereusement les étapes que de vouloir aller trop vite et espérer conclure un premier contrat avant que chaque partie ait pu correctement évaluer le capital de confiance réciproque.
11Il faut donc prendre son temps pour développer le marché russe. Souvent, les PME-PMI françaises sont tentées de chercher des débouchés dans des pays à l’accès réputé plus facile avec un retour sur investissement plus rapide pour leur stratégie export.
12Contrairement à une idée reçue, en affaires, les Russes savent se montrer fidèles à leur fournisseur et surtout à leur interlocuteur habituel auprès de ce fournisseur. Il y a donc du sens à faire les efforts indispensables à l’implantation sur ce marché et à y consacrer le temps nécessaire.
13La relation d’affaires avec un partenaire russe, une fois établie, peut tout à fait s’inscrire dans la durée – ma réflexion repose sur une expérience personnelle de plus de 15 ans de travail et de partenariat d’affaires avec la Russie.
14Cela tient tout d’abord à la façon dont les entrepreneurs russes développent entre eux, en Russie, des relations de partenariat. La fiabilité d’une contrepartie en affaires entre Russes est à la fois un élément rare et tout à fait critique en termes de développement et de résultat économique pour chacune des parties prenantes aux transactions contractuelles. Contrairement à ce que l’on connaît de la relation client / fournisseur en France, où l’on se situe déjà au stade de l’optimisation avec une prépondérance des gains économiques liés à la négociation et à la performance de l’exécution des contrats, l’entrepreneur russe privilégie toujours le partenaire qui ne lui a pas fait défaut, qui n’a pas occasionné de ruptures de livraison et donc d’arrêts de production même si ce partenaire n’est pas le plus compétitif ou le plus qualitatif.
15En conséquence, revisiter un portefeuille fournisseurs qui est chose courante et même une obligation de l’acheteur dans le contexte de l’entreprise occidentale, n’apparaît pas comme une priorité de l’entrepreneur russe.
16Si l’on étend cette approche à la relation entre une entreprise russe et un partenaire étranger, d’autres facteurs de « fidélisation » vont intervenir.
17Contrairement à une idée reçue, la Russie est un marché où le formalisme contractuel à une très grande importance. Un des intervenants de cette conférence* vous présentera l’évolution récente du droit russe dans les affaires. Sans empiéter sur le thème de son intervention, je dirai à ce stade que travailler en Russie sur la base de contrats convenablement rédigés, validés et signés par chacune des parties ne garantit pas forcément l’absence de litiges. Cependant, négliger les aspects juridiques et sous-estimer le contenu des contrats constituent un risque majeur de problèmes et de difficultés futures.
18Ce que je viens d’énoncer s’applique aux relations contractuelles entre Russes mais s’étend, à fortiori, aux relations d’affaires avec des partenaires étrangers sur lesquelles viennent se greffer un ensemble de contraintes administratives fortes. Pour faire simple, le dédouanement de marchandises importées ou leur paiement en devises par transfert bancaire au vendeur étranger sont des étapes exigeant un grand formalisme contractuel eu égard aux demandes très spécifiques de l’administration russe, notamment la Douane, ou des banques (banques commerciale et banque centrale).
19Il découle de ce qui précède qu’une fois accompli le lourd travail de fixer les conditions contractuelles d’une relation avec un partenaire étranger – y compris la certification de ses produits en vue de leur commercialisation sur le marché russe – l’entrepreneur russe se montrera particulièrement réticent à changer de fournisseur avec les innombrables complications que cela va occasionner au plan administratif.
20C’est là un facteur de durée de la relation d’affaires avec des contreparties russes que de nombreuses PME – PMI françaises, d’abord découragées par la lenteur et la complexité du processus contractuel, sous-estiment lorsqu’elles approchent le marché russe. Une fois établi, un partenariat avec un client russe a de réelles chances de durer et ne sera pas remis en cause pour quelques points de compétitivité.
21Un autre élément de fidélisation à son fournisseur étranger tient au mode de gestion même des entreprises russes et à la façon dont les entrepreneurs russes conçoivent et expriment leurs besoins.
22Un entrepreneur russe déléguera très rarement la gestion de la relation avec un fournisseur étranger à un subordonné, même à un directeur expérimenté ayant des responsabilités au sein de l’entreprise.
23L’entreprise russe fonctionne selon un principe hiérarchique très fort et le commerce international reste une prérogative du chef d’entreprise.
24En même temps, ce chef d’entreprise est occupé à plus de 60 % de son temps de travail par la solution d’innombrables problèmes posés par les différentes administrations russes, administration fiscale en tête mais sans oublier la caserne de pompiers voisine. Chercher un nouveau fournisseur étranger alternatif à son partenaire traditionnel (si celui-ci ne lui a jamais posé de problèmes de non livraison) n’est pas une priorité car cela exige du temps, beaucoup de temps dont ne dispose pas le chef d’entreprise russe.
25L’autre facteur de fidélisation se rattache plutôt à l’approche générale des besoins de l’entreprise en Russie. Un gestionnaire russe sera excellent quand il s’agit de résoudre dans un contexte séquentiel de nombreux problèmes administratifs ou techniques qui décourageraient plus d’un entrepreneur français.
26Toutefois, il aura plus de mal à prendre de la hauteur, à avoir une vision plus prospective du développement de sa propre entreprise et surtout l’approche non cartésienne des problématiques d’entreprise fait qu’il est extrêmement difficile pour un gestionnaire russe d’exprimer ses besoins, de les synthétiser et de bâtir un cahier des charges que tout fournisseur occidental attend de son client potentiel.
27En conséquence, c’est paradoxalement le fournisseur qui doit souvent faire le travail de son client russe et l’aider à formuler ses besoins. On comprend bien l’avantage d’une telle situation. II s’agit de démontrer l’adéquation entre les besoins formulés avec l’assistance d’un fournisseur et les produits ou services proposés par ce même fournisseur. Typiquement, aucun concurrent ne pourra proposer de solutions de substitution puisque le cahier des charges a été construit strictement pour les produits que l’on va proposer à son partenaire russe.
28C’est là un facteur de fidélisation majeur que l’on ne doit surtout pas négliger.
29Tout ce que je viens d’exposer vient souligner le besoin de prendre le temps nécessaire à la mise en place de cette relation certes complexe avec ses partenaires russes mais cependant appelée à perdurer. C’est un avantage dans les affaires. La fréquente remise en cause d’une relation client – fournisseur dans l’environnement occidental des affaires vient rappeler que la « fidélité » dans le temps d’un client russe n’est pas un élément négligeable.
30Malheureusement, une des erreurs les plus courantes des exportateurs français en Russie est souvent de se décourager au terme d’un parcours complexe de plusieurs mois voire parfois années de prospection, juste au moment où les résultats vont enfin se concrétiser. On fait alors clairement le travail d’un concurrent européen plus persévérant.
31En préambule à cette présentation, il est donc important de souligner et de bien garder à l’esprit ces deux aspects de la relation d’affaires avec la Russie : confiance et temps.
Des opportunités nombreuses et diversifiées malgré la crise
32L’économie russe est très dépendante de la rente énergétique. Le ralentissement de l’activité économique mondiale et donc de la demande de pétrole et de gaz naturel a un impact immédiat sur la croissance de l’économie russe. Dans ce sens, la Russie a fortement subi, fin 2008, le choc de la crise économique. Le Gouvernement Russe avait constitué des réserves financières à partir des revenus passés de l’exportation du pétrole et du gaz naturel. Il a investi ces réserves dans une ébauche de matelas social (retraites, allocations chômage…) et des actions de soutien à l’économie (prime à la casse calquée sur les pays occidentaux pour soutenir l’industrie automobile locale) totalement absentes de la crise de 1998. Cela a facilité un redémarrage relativement rapide de la consommation russe et par conséquent de l’économie en général. On estime raisonnablement qu’au printemps 2010, l’économie russe aura retrouvé ses niveaux d’avant novembre 2008.
33La crise de 2008 a ralenti la consommation de la classe moyenne émergente, notamment dans les régions mais elle a eu un moindre impact sur la classe moyenne supérieure et les « nouveaux russes ».
34Puisqu’on évoque ici les « nouveaux russes », il me semble utile d’aller au-delà du mythe du « Nouveau Russe » flambeur et dépensant n’importe comment pour acheter n’importe quoi. Cette remarque est importante pour le secteur de la distribution haut de gamme, de la décoration intérieure ou de l’industrie du luxe. Avant la crise, les consommateurs russes avec un niveau de revenu supérieur se montraient déjà des acheteurs exigeants, très demandeurs d’explications détaillées sur les produits et les services proposés. Après la crise, ces consommateurs sont certainement devenus plus attentifs à leur budget, sachant mesurer le rapport « value for money ». Il ne faut surtout pas s’imaginer leur survendre un niveau de prestation ou une qualité de produit ou bien de service qui ne seraient pas pleinement justifiés.
35La faiblesse de l’investissement industriel et de la diversification sectorielle est une autre raison de la relative fragilité de l’économie russe face aux crises et en période de ralentissement de la croissance mondiale. En même temps, et c’est là un élément encourageant pour les exportateurs français de biens d’équipement, à chaque fois qu’une baisse des cours des matières premières énergétiques entraîne une dépréciation du rouble, cela représente une opportunité de développement pour l’industrie russe. Cette opportunité se vérifie surtout pour les équipements destinés à la production de biens de consommation. Un rouble plus faible par rapport au dollar ou à l’euro, freine les importations de biens de consommation.
36En temps de crise, la baisse du revenu des consommateurs se traduit par la réorientation de leurs achats vers des produits locaux réputés moins chers. D’autre part, les investissements nécessaires à la production de biens de consommation sont moins lourds à financer, rapides à mettre en œuvre et, surtout, peuvent être rentabilisés en seulement quelques années.
37Un exemple de secteur ayant bien résisté à la crise parce qu’associé aux classes moyennes supérieures et aux hauts revenus moscovites : l’exposition « Art de la table, décoration et savoir-vivre à la française ». Ce dernier point est très important. La France peut réellement capitaliser en Russie sur une image culturelle très forte et sur la qualité de produits d’exception déjà renommés en Russie du temps des Tsars. En novembre 2009, 60 spécialistes français ont exposé leurs produits très haut de gamme dans une mise en scène tout à fait théâtrale sous les lambris de l’ambassade de France. Devant le succès de l’événement, l’édition 2010 occupera la vaste et prestigieuse salle d’exposition du Manège à deux pas du Kremlin.
Produire localement
38En dehors du secteur du luxe, le marché russe offre aussi un vaste champ d’opportunités pour des produits beaucoup plus basiques. À titre d’exemple, on peut citer : les armoires métalliques de bureau.
39En ce qui concerne ces produits dits « basiques » – quasiment interchangeables – pour lesquels coûts de la matière première transformée et de la main d’œuvre jouent un rôle clé ainsi que les dépenses logistiques (transport depuis l’UE ou bien l’Asie, frais administratifs liés à la certification des produits, coût du dédouanement…), on peut s’interroger sur l’opportunité de fabriquer localement plutôt que d’importer les produits finis.
40Au-delà des questions spécifiques relatives au choix d’un partenaire pour une production locale sous licence, étape de coopération allant déjà bien au-delà du choix d’un agent chargé de la commercialisation de ses produits fabriqués en France, on doit réfléchir aux raisons et motivations d’aller produire en Russie.
Quels sont les objectifs et les contraintes de la production locale ?
41À quoi doit réfléchir l’entrepreneur français intéressé par un projet conjoint avec un partenaire russe de fabrication locale pour des produits simples comme des armoires métalliques de bureau :
- Économiser sur les matières premières (acier), l’énergie
- Augmenter la productivité
- Trouver localement les composants nécessaires = portes plastiques coulissantes, serrures
- Améliorer la qualité du produit fini = trouver la bonne qualité de peinture
Quelques secteurs porteurs de promesses de développement
42Lorsqu’elles souhaitent aborder un nouveau marché à l’étranger, la question récurrente et parfaitement logique des PME françaises est : « quelles sont les opportunités existantes sur ce marché pour les produits ou les services de mon entreprise ».
43Aborder le marché russe débutera donc par une étude de marché classique au même titre que n’importe quel marché export et l’on va recourir à la même panoplie d’outils et d’organismes d’informations sur les marchés et d’assistance export que dans d’autres parties du monde : missions économiques, conseillers du commerce extérieur, UBIFRANCE.
44On imagine bien que sur un marché aussi vaste que la Russie, on trouvera très certainement des opportunités de développement à l’export quel que soit son secteur d’activités.
45Néanmoins, les participants à cette conférence resteraient « sur leur faim » si l’on ne parlait pas de quelques secteurs économiques russes offrant aujourd’hui des perspectives de débouchés pour les exportateurs français.
L’agro-industrie
46L’organisation de l’agriculture russe est encore très loin de pouvoir répondre aux exigences des cahiers des charges de la grande distribution moderne. On ne compte, par exemple, qu’un seul conditionneur moderne de type occidental pour les pommes de terre dans toute la région de Moscou (15 millions d’habitants)
Les industries alimentaires
47L’augmentation du niveau de vie dans les grands centres urbains russes et notamment Moscou associé à des consommatrices russes travaillant et passant aussi beaucoup de temps dans les transports font qu’à l’image de ce que nous avons connu dans les pays occidentaux au cours des 20 dernières années.
48Le marché russe va donc connaître une incontournable évolution depuis les produits surgelés traditionnels vers des plats préparés plus élaborés.
L’industrie du bois
49C’est paradoxalement dans un pays d’immenses forêts, un secteur encore sous-équipé et par conséquent un potentiel de partenariats sous-exploité par les entreprises françaises de la filière bois de l’amont vers l’aval. Par exemple, la construction de maisons en bois vendues en kit (opportunité de fournisseur à bas coût) ou bien la production de parquets.
Filières sectorielles, réponses aux besoins locaux et approche mutualisée
50En Russie, lorsque l’on parle d’opportunités commerciales, il faut avoir une vision très large et une grande ouverture d’esprit. Un besoin exprimé par un client potentiel en génère souvent d’autres plus inattendus. En d’autres termes, il faut se montrer prêt à toujours « embrayer » sur des produits ou des services qui ne sont pas forcément dans son catalogue ou qui ne sont pas son cœur de métier. En même temps, si les réponses apportées aux besoins « collatéraux » de son partenaire russe permettent de faire du chiffre, de la marge et qu’elles fidélisent celui-ci, pourquoi ne pas exploiter cette spécificité du marché russe qu’on n’imaginerait pas dans un environnement plus rationnel de relations client/fournisseur. En France, cela ne vient pas à l’esprit de demander à un fournisseur de vous aider à trouver des produits n’ayant aucun rapport avec son activité. En Russie, cette requête est dans le champ du possible et le partenaire russe se montrera déçu par un manque de réactivité et d’assistance.
51Par exemple, un spécialiste français de la Vente à Distance aux entreprises sur catalogue généraliste livre à un client industriel russe des rayonnages pour ses ateliers et magasins. Après un dramatique incendie dans une boîte de nuit à Perm, l’administration russe et les pompiers ont lancé une action systématique de contrôle des équipements de lutte contre l’incendie dans tous les lieux publics, y compris les entreprises. Le client industriel demande alors à son partenaire français dont il est très content, de lui préparer des offres de systèmes de détection d’incendie même s’il ne s’agit pas du tout du cœur de métier de ce fournisseur.
52Le bon partenaire étranger est celui qui va apporter des solutions aux nombreuses problématiques de son client russe. C’est un principe bien compris depuis longtemps par les Allemands et les Hollandais.
L’union fait la force ou savoir aller au-delà du sacro-saint ‘individualisme’ à la française
53En règle générale, les entreprises françaises, contrairement à leurs concurrents européens, ne savent pas capitaliser sur la présence française existante en Russie.
54Cette attitude les oblige souvent à réinventer la roue, à perdre du temps et surtout à s’épuiser inutilement en répétant les mêmes erreurs à chaque nouvelle prospection ou implantation sur le marché russe.
55Selon le principe décrit plus haut, un entrepreneur français déjà implanté sur le marché russe va conforter son partenariat avec ses clients russes chaque fois qu’il leur apporte une réponse satisfaisante et, en particulier, un interlocuteur français fiable et de qualité pour solutionner des besoins connexes à son propre secteur d’activités.
56Par exemple, un constructeur de bâtiments d’élevage modulaires aura tout intérêt à s’associer avec un spécialiste des compléments pour l’alimentation animale ou des poulets reproducteurs.
Opportunités de marchés ou opportunités de partenariats ?
57Le marché russe, par son étendue géographique, permet finalement de toujours trouver un débouché pour ses produits ou ses services si l’on sait bien s’informer et y faire quelques recherches préalables. Par contre, il est beaucoup plus difficile de trouver le bon partenaire russe pour développer le marché que l’on a identifié.
Une recommandation fondamentale
58Il ne faut jamais chercher à aller seul sur le marché russe. C’est la meilleure façon de s’épuiser dans les méandres administratifs et de contracter avec des contreparties peu fiables. Se pose alors la question du choix d’un agent commercial. L’agent commercial russe est en règle générale un partenaire gâté et courtisé.
59Si vous décidez aujourd’hui d’aborder pour la première fois le marché russe, il y a des risques que votre entreprise ait déjà 15 ans de retard, sauf concept tout à fait innovant de produit ou de service. Cela signifie également que vous ne serez qu’une ligne de plus au catalogue d’un agent où figurent déjà probablement vos concurrents allemands, hollandais ou italiens.
60À ce stade, il convient de mentionner une stratégie fréquemment retenue par l’agent commercial russe pour implanter vos produits sur le marché : une place de marché s’acquiert souvent pour l’agent commercial russe à grands coups de « dumping ». D’où l’approche suivante :
61Offre agressive et soutenue par l’agent à des prix de dumping pour étouffer la concurrence
62Marge maximisée de l’agent commercial une fois le marché local verrouillé
Question à se poser pour un exportateur français
« Que reste-t-il de ma valeur ajoutée et de mes avantages compétitifs au terme de cette stratégie de l’agent commercial russe ? Est-ce vraiment ma stratégie d’approche pour un nouveau marché ? »
63L’agent russe va d’abord effectuer une vérification superficielle de la demande du marché pour vos produits et vos services. S’il considère que le potentiel du marché est insuffisant pour générer un montant minimum de commissions, il n’ira pas forcément plus loin même si le marché est prometteur et justifierait pleinement ses investissements en temps et en efforts commerciaux pour soutenir vos produits.
« Agent commercial ou client prescripteur ? »
64Face à cette problématique du choix d’un agent commercial russe pour vous aider à développer le marché, on peut finalement se demander si l’on a réellement besoin d’un tel agent – sachant que des prestataires de services spécialisés en logistique et douanes peuvent vous assister dans les tâches administratives – et s’il ne vaut pas mieux se concentrer sur l’acquisition de son premier client avec qui vous traverserez certes une phase d’apprentissage mais qui se révèlera aussi dans l’avenir votre meilleur prescripteur sur le marché russe.
65N’oublions pas ce qui a été dit précédemment au sujet des nombreuses problématiques que doit résoudre votre client potentiel russe au sein de son entreprise. Au-delà du statut de fournisseur, je lui apporte une solution en tant que partenaire.
Premier contrat = l’apprentissage des spécificités locales
66Mon client va m’assister au long de ce processus complexe. Je vais acquérir l’expérience utile aux futures transactions.
Premier client = mon premier prescripteur
67Mon client a certainement une meilleure connaissance opérationnelle des produits ou des services proposés et de leur marché qu’un agent commercial à profil généraliste.
68Il va me recommander sur le marché dans le cadre d’une approche « Win Win » = opportunité de bénéfices pour mon client.
Conclusion
69En relisant ces lignes six mois après la fin de l’Année Croisée France - Russie, j’aboutis à un premier constat. Le commerce extérieur français se porte mal et les PME industrielles françaises n’en finissent pas de se débattre avec les difficultés nées de la crise économique et financière européenne. En parallèle, nos concurrents allemands continuent à décrocher des contrats à l’export en Russie, fruits de leur travail de promotion, de leur savoir-faire technologique, mais surtout d’une approche cohérente et structurée du marché.
70Quelles sont les opportunités de marché en Russie pour les entreprises françaises ? Où trouver une synergie institutionnelle permettant de valoriser l’offre de nos PME en Russie et d’accroître leur attractivité par rapport à nos concurrents européens ?
71Je citerai deux axes, d’ailleurs tous deux liés à la même volonté politique des autorités russes. Il s’agit de :
- la modernisation de l’économie russe, programme lancé en 2009 par le Président Medvedev ;
- la politique des « Clusters » ou pôles d’excellence comme moteur de développement économique pour les régions russes.
72En effet, les 5 champs d’action du programme de modernisation de l’économie russe sont de bons indicateurs des secteurs où l’on doit être aujourd’hui présent en Russie. L’autre avantage de ce programme est qu’il insiste sur la priorité au partenariat avec des entreprises et des investisseurs étrangers :
- Utilisation rationnelle de l’énergie
- Énergie nucléaire
- Technologies de l’information
- Équipement médical et industrie pharmaceutique
- Espace et télécommunications
73La volonté du gouvernement russe de développer ces secteurs d’activité dans les régions en s’appuyant sur des « Clusters » est un double avantage pour nos PME :
74La France a une vraie compétence reconnue dans l’organisation et la gestion de pôles d’excellence et de compétitivité, décentralisés dans les régions. Nos concurrents européens n’ont pas cette expertise. Nous pouvons appuyer l’action de nos PME sur les pôles d’excellence ou de compétitivité qui sont proches d’elles et sont représentatifs de leurs secteurs d’activité respectifs pour bâtir une synergie régionale dans l’approche du marché russe. Les régions russes sont très demandeuses de partenariats institutionnels avec des régions françaises. Sachons répondre à cet intérêt.
– Les « Clusters » russes proposent, notamment à travers l’existence d’un « guichet unique » auprès de l’administration régionale et locale, une facilité exceptionnelle en Russie d’accès et de relations administratives. C’est un vrai atout pour les PME françaises. On n’a plus forcément besoin d’être un grand groupe disposant d’un département juridique étoffé pour être présent en Russie.
75Donc, aux entrepreneurs français de jouer leur bon atout en Russie…
Auteur
Consultant indépendant accompagnement marché russe, pays CEI
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