Le renouveau de l’Église orthodoxe russe après la chute de l’URSS
p. 69-100
Texte intégral
1À la fin de l’année de l’arrivée de Gorbatchev au pouvoir (1985), le métropolite Alexis Ridiger, chef du service administratif du Patriarcat de Moscou, lui a adressé une lettre ouverte dans laquelle il proposait de revoir la législation en vigueur concernant le statut des organisations religieuses. La réponse du pouvoir, qui contrôlait de près les activités religieuses du pays, n’a pas tardé : Alexis a été limogé de ses fonctions et envoyé à Leningrad. Quelques années plus tard, en 1990, sans l’ingérence de l’État soviétique qui vivait sa dernière année d’existence, il a été élu Patriarche de Moscou et de toutes les Russies. Cette même année a été adoptée la Loi sur la liberté de conscience et les organisations religieuses suivie de la Loi sur les confessions de Russie. La dissolution du Conseil pour les affaires religieuses (1991) a mis fin au contrôle de l’État qui avait duré 74 ans.
2En 1991, sur le territoire de l’URSS, seulement 15 % des paroisses orthodoxes d’avant la Révolution de 1917 subsistaient. Le nombre des serviteurs du culte a été divisé par douze. Pendant les purges soviétiques, au moins 500 000 personnes ont été persécutées pour leur foi (dont plus de 140 000 prêtres), un tiers d’entre eux a été fusillé1. L’Église a été séparée de l’école, ses activités sociales ont été réduites à néant, tout comme la construction de nouveaux lieux de culte. Quant au prosélytisme, il a été poursuivi par la loi.
3La renaissance religieuse touchant de larges pans de la société a pris son essor à mi-parcours de la reconstruction gorbatchévienne. Elle a été spontanée et s’est faite tout d’abord sous l’influence des médias et l’impulsion des individus dont une partie avait su conserver quelques traditions et certains rites religieux et culturels. La célébration en grandes pompes du millénaire du baptême de la Russie (1988), organisée conjointement avec un pouvoir initialement antireligieux, a marqué un tournant dans cette renaissance. À la fin de la perestroïka, l’Église orthodoxe russe (EOR), en dépit de son centralisme structurel et de son « statut » de confession dominante, avait encore des difficultés à se remettre de 70 ans de communisme. Ce renouveau s’est produit dans un environnement politique et social favorable où les anciennes valeurs « soviétiques » avaient été abandonnées ou dévaluées, et où les nouvelles n’étaient pas encore clairement définies et fixées. Dans ce contexte, la religion réapparut en tant que symbole des « valeurs éternelles » susceptible de combler le vide et d’appuyer le processus complexe de formulation et d’enracinement de l’identité nationale.
Les efforts pour la sauvegarde de l’unité de l’EOR
4L’éclatement de l’Union soviétique et les tendances centrifuges ne pouvaient pas être sans conséquences pour l’unité de l’EOR du Patriarcat de Moscou marqué par une stricte centralisation. Toutes les conditions étaient réunies pour qu’elle se désintègre à l’instar de l’URSS. Pour éviter cela, il a fallu qu’elle mobilise toutes ses forces. Malgré quelques pertes, le Patriarcat de Moscou a en partie réussi à garder une représentation dans son ancien territoire canonique. Ainsi, après son émancipation, l’Église a curieusement été contrainte de déployer plus d’efforts pour conserver son intégrité que pendant la pire période de persécution de son histoire sous le régime communiste. Le territoire canonique de l’EOR ne coïncide pas avec les frontières étatiques de la Fédération de Russie. À l’époque soviétique, la majorité absolue des paroisses se trouvait au sein d’un seul État qui s’appelait l’Union soviétique. Aujourd’hui, la majeure partie des orthodoxes qui habitent dans les pays de la Communauté des États indépendants (CEI) et les Pays baltes, se trouvent sous la juridiction spirituelle du Patriarcat de Moscou. L’Église nationale d’antan s’est ainsi transformée, contre son gré, en une institution transfrontalière.
5À l’heure actuelle, plus de la moitié des 30 000 paroisses se trouvent en dehors de la Fédération de Russie, notamment dans les ex-républiques soviétiques. Les paroisses sont unifiées en 161 éparchies (seulement 92 en 1993). Le Patriarcat dispose de 379 monastères et 400 couvents dont : 234 monastères masculins et 244 couvents féminins en Russie, respectivement 142 et 153 dans les pays de la CEI et trois de chaque dans les pays hors de l’espace postsoviétique appelé l’« étranger lointain ». L’Église orthodoxe russe hors-frontières, revenue en 2007 dans l’unité canonique de l’EOR, compte également 16 monastères et 9 couvents. Le clergé de l’EOR est constitué de plus de 30 000 serviteurs du culte2.
6Dans les éparchies des États postsoviétiques, le Patriarcat de Moscou s’efforce de mener une politique équilibrée. En règle générale, les éparchies essayent de déployer leurs activités religieuses, sociales et éducatives en dehors des activités politiques des pays d’accueil. De surcroît, l’orthodoxie dans les territoires des anciennes républiques soviétiques est plus modérée et moins dogmatique compte tenu de l’éloignement géographique du centre spirituel. Pour la sauvegarde de sa juridiction canonique, le Patriarcat de Moscou a attribué différents statuts aux éparchies situées en dehors du territoire de la Fédération de Russie3.
7Cependant, ses efforts n’ont pas été suffisants pour contrecarrer complètement les tendances sécessionnistes. La désintégration partielle de la structure monolithique de l’EOR dans certains territoires est devenue inévitable à l’instar de l’éclatement de l’espace soviétique. La situation politique intérieure des nouveaux États indépendants, le niveau de leur entente politique avec la Russie, leurs orientations en matière de politique étrangère et le rôle joué par l’orthodoxie dans les sociétés en question sont des facteurs qui se sont répercutés sur les dispositions autonomistes des paroisses.
8La majorité des croyants en Ukraine sont adeptes de l’orthodoxie. Avant 1990, les paroisses et éparchies nationales se trouvaient sous la juridiction canonique du Patriarcat de Moscou qui a fini par leur accorder le statut d’église autonome, mais avec son tutorat. L’autonomie concernait les affaires intérieures, l’administration et les finances. Cette concession n’a pas réussi à stopper le mouvement organisé par une partie des évêques et soutenu par les forces nationalistes de l’Ukraine en vue de l’obtention d’une autocéphalie, donc d’une totale indépendance vis-à-vis de l’EOR. Les leaders souhaitaient réduire ainsi au maximum l’influence politique et culturelle de Moscou4. Ces antagonismes ont conduit à la création en 1993 de trois églises orthodoxes sur le territoire de ce pays : l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou, la plus importante (11 233 paroisses en 2007), l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev (3 963 paroisses) et l’Église orthodoxe autocéphale ukrainienne (1 178 paroisses). Il faut cependant noter que ces deux dernières sont des Églises indépendantes non-canoniques.
9Les politiques étrangères de la Moldavie, de l’Estonie et de la Lettonie par rapport à la Russie ont été tendues, ce qui s’est inévitablement répercuté sur le domaine religieux. En 1992, pour ne pas se voir complètement privé de ses paroisses dans ces pays et pour garder une subordination au moins de façade, le Patriarcat a accordé le statut d’autonomie à trois autres églises orthodoxes, celles de Moldavie, de Lettonie et d’Estonie.
10En Lettonie, cette mesure a sauvegardé l’unité, car l’« affaire religieuse » a été traitée hors du contexte de la politique ouvertement antirusse des autorités lettones. Les Églises d’Estonie et de Moldavie ont connu des schismes internes en raison de l’aspiration d’une partie du clergé, notamment national, à rompre définitivement avec le Patriarcat de Moscou. En Estonie, l’aile radicale du clergé orthodoxe a décidé de jouer sur la rivalité des Patriarcats de Moscou et de Constantinople en substituant le premier au deuxième en termes de subordination. Depuis 1995, le conflit n’a toujours pas été résolu. La situation s’est aggravée du fait que les Russes constituaient la majeure partie des fidèles et leur position en la matière différait de celle du clergé. Tout a encore empiré après la décision de la Cour suprême d’Estonie de transférer le droit de propriété sur les biens des églises du territoire national à la nouvelle Église apostolique orthodoxe d’Estonie du Patriarcat de Constantinople. En 1996, à Zurich, un accord a été signé entre les Patriarcats de Moscou et de Constantinople concernant la division des paroisses et la coexistence de deux églises orthodoxes sur le même territoire. De nos jours, l’Église orthodoxe d’Estonie du Patriarcat de Moscou compte 31 paroisses alors que l’Église apostolique orthodoxe autonome d’Estonie du Patriarcat de Constantinople en réunit 59 (2007). Quant à la question de la propriété des églises, elle n’est pas encore définitivement résolue à cause du parti pris des autorités estoniennes.
11La situation en Moldavie est identique quant à la coexistence de deux églises orthodoxes. En 1992, la Métropole de Bessarabie qui, entre 1919 et 1944, faisait partie de l’Église orthodoxe roumaine a été restaurée sur le territoire de ce pays. Cependant, c’est en 2004 qu’elle a été définitivement reconnue par les autorités moldaves. Le détachement d’une partie des paroisses orthodoxes moldaves de la juridiction du Patriarcat de Moscou a envenimé les relations entre ce dernier et le Patriarcat roumain. Elles se sont encore dégradées après la décision de l’Église orthodoxe roumaine de créer trois éparchies sur le territoire moldave et ukrainien en 2008. À l’heure actuelle, l’Église orthodoxe moldave du Patriarcat de Moscou compte environ 1 300 paroisses.
12Le clergé biélorusse n’a pas adopté une ligne menant à la désintégration de l’EOR. Il s’est prononcé pour le maintien de l’unité canonique (tout comme le clergé orthodoxe du Kazakhstan). En 2006, il existait 1 349 paroisses orthodoxes réunies dans dix éparchies qui formaient l’Exarchat biélorusse de l’EOR du Patriarcat de Moscou. Même si son niveau d’autonomie vis-à-vis du Centre canonique est inférieur à celui de l’Église orthodoxe autonome ukrainienne, il n’est pas contesté par l’Église biélorusse. Le Kazakhstan compte encore un nombre important d’orthodoxes. Plus de 26 % de la population (2009) est encore composée de Russes et d’Ukrainiens. L’EOR du Kazakhstan, la plus importante de toute la région centrasiatique, compte trois éparchies, 230 paroisses, 9 monastères dont 5 couvents. La construction de nouvelles églises et la réouverture d’anciennes, les activités théologiques, éducatives et de bienfaisance sont en plein essor.
13Dans les autres ex-républiques soviétiques (Lituanie, Arménie, Azerbaïdjan, pays d’Asie moyenne), qui comptent en tout 105 paroisses orthodoxes, le statu quo a été respecté en ce qui concerne l’intégrité du territoire canonique du Patriarcat de Moscou. Dans ces États, l’influence sociale de l’église orthodoxe dans les sociétés civiles n’est pas importante. Les éparchies de l’EOR y ont les mêmes statuts et droits que celles de la Fédération de Russie.
14Depuis 2003, un processus de rapprochement a été lancé entre l’EOR et l’Église orthodoxe russe hors-frontières (plus de 300 paroisses dispersées dans le monde entier) dans lequel V. Poutine a joué un rôle important. Le schisme a été créé pour des raisons politiques après la Révolution d’Octobre de 1917 suivie par une Guerre civile sanglante. En mai 2007, a eu lieu la réunification de ces deux Églises. Une partie de l’Église hors-frontières est néanmoins restée méfiante par rapport à cette réunification, considérant que l’EOR reste encore soumise à l’autorité de l’État et ne s’est pas repentie de sa collaboration avec le régime soviétique.
L’orthodoxie en Fédération de Russie est-elle homogène dans toutes les régions ?
15Vu l’étendue du territoire et les périodes différentes de l’intégration de vastes régions à l’Empire russe, on peut s’interroger sur l’uniformité de l’interprétation et de l’assimilation des traditions et des dogmes orthodoxes. En règle générale, la religiosité orthodoxe en Russie est perçue comme monolithique, unie voire homogène et ceci malgré une certaine décentralisation institutionnelle récente de l’EOR. L’idéologie politique de la Russie postsoviétique, prônant l’unicité de la nation et de l’État russes, consolidés, entre autres, par la foi orthodoxe, contribue pour beaucoup à cette perception. Cependant, en réalité, la religiosité et l’organisation de la vie religieuse ont des colorations différentes chez les populations russes dispersées sur le vaste territoire de la Fédération de Russie. La religion se présente comme une excellente interprète des différences régionales en termes de mentalité et de conception du monde. Le bref aperçu ci-dessous ne peut pas être généralisé. Il ne fera que fixer de grandes lignes. Les différences sont beaucoup plus nuancées et varient souvent d’une région et d’une République ethnique à l’autre. Notons aussi, qu’officiellement l’EOR se prononce pour l’unité de l’orthodoxie et contre les tentatives de création de différents courants en son sein.
L’orthodoxie à Moscou et dans le District fédéral du Centre (DFC)
16Les dogmes de l’orthodoxie s’affaiblissent quand ils s’éloignent du centre européen de la Russie vers le nord, l’est et le sud. L’intolérance religieuse et les pratiques orthodoxes les plus conservatrices sont typiques de Moscou et des régions centrales de la Fédération de Russie qui se distinguent par un poids prépondérant de l’ethnie russe. Siège du Patriarcat de Moscou et berceau de la doctrine « Moscou – troisième et dernière Rome » de la Moscovie, premier État russe centralisé, ces régions correspondent au territoire de la Sainte Russie, à partir de laquelle l’Empire russe s’est étendu.
17Le DFC a connu un nombre important de restrictions législatives et de mesures administratives discriminatoires à l’encontre des minorités religieuses. Les liens de l’EOR avec les administrations locales et les milieux oligarchiques, qui participent activement à son financement sous différentes formes, sont très solides. L’aide des pouvoirs locaux se matérialise sous divers aspects : transfert des édifices du culte au Patriarcat, restauration des églises et monastères, subventions, exonération d’impôts pour les sociétés appartenant à l’EOR, etc.
18La politique religieuse dans le DFC est pilotée par Gueorgui Poltavtchenko, le représentant plénipotentiaire du Président russe depuis 20005. Son implication dans les affaires religieuses et son dévouement à l’orthodoxie lui ont valu le « titre » de « tchékiste orthodoxe » (agent du KGB orthodoxe) attribué par les médias russes. En dépit de son parcours professionnel antérieur, il déclare publiquement être chrétien orthodoxe et prône le retour aux valeurs et aux racines traditionnelles, donc à l’orthodoxie, dont la place est singulière dans l’histoire de la Russie. Il avoue qu’étant étudiant, avant de passer ses examens, il fréquentait toujours l’église et, devenu agent du KGB, il n’a jamais renoncé à sa foi en son for intérieur6. Dans son district, il essaye de renforcer le rôle des confessions traditionnelles de la Russie – l’orthodoxie, l’islam, le bouddhisme et le judaïsme – en favorisant, néanmoins, l’orthodoxie comme « pierre angulaire ». Quant aux autres religions, il propose de ne pas « créer artificiellement des conditions favorables à l’installation des protestants, catholiques, moonistes, etc. »7. Il a également soutenu et encouragé l’introduction dans les écoles secondaires du DFC des « Principes de la culture orthodoxe ».
19L’ancien maire de Moscou Youri Loujkov, limogé par D. Medvedev en septembre 2010 après vingt ans de service à ce poste, a entretenu de très bonnes relations avec l’EOR, notamment dans les années 1990. Sa contribution à la renaissance de la vie religieuse à Moscou et à la restauration et la reconstruction à l’identique des églises orthodoxes (cathédrale du Christ-Sauveur, église de la Vierge de Kazan sur la Place Rouge, etc.) est inestimable. Pendant la période postsoviétique, dans la seule Moscou, le nombre d’églises en activité a été multiplié par quinze, passant de 40 à 590. Au lieu d’un monastère, la capitale en dispose aujourd’hui de huit. Deux écoles supérieures orthodoxes et trois séminaires ont également ouvert leurs portes8. Cependant, pour une ville dont la population dépasse les dix millions d’habitants, cette augmentation fulgurante reste insuffisante tout comme le nombre de serviteurs de l’église. Le soutien matériel et financier considérable de la municipalité de Moscou, incarnée par son maire, aux paroisses et institutions religieuses orthodoxes a été accompagné par la quête de moyens financiers en dehors du budget public, comme, par exemple, l’incitation officieuse aux structures commerciales d’accorder de l’argent pour la restauration des églises de leur voisinage9. Ces démarches avaient-elles des motivations plus politiques que religieuses ? Difficile d’insister sur la religiosité de Y. Loujkov car, à la différence de G. Poltavtchenko, il n’a pas fait publiquement de déclarations sur son dévouement extrême à la foi orthodoxe. En acceptant la place singulière de l’orthodoxie, il ne s’est jamais prononcé pour lui donner un statut de religion d’État. L’opacité de certaines transactions et concessions de droits de propriété à l’EOR laisse supposer que l’ancien maire de la capitale avait également des intérêts personnels dans ces questions.
20Après l’arrivée au pouvoir de V. Poutine, les relations entre le patriarcat de Moscou et Y. Loujkov sont devenues moins complices. Le patriarche n’a pas bien pris l’intégration dans le bloc La Patrie – Toute la Russie (créé par Y. Loujkov et E. Primakov) d’Ekaterina Lakhova, présidente de l’Association russe du planning familial, farouchement critiquée par l’EOR. Le rapprochement du patriarche avec V. Poutine a rafraîchi davantage les relations. Depuis 2000, le comité de l’éducation de la municipalité de Moscou s’est prononcé à plusieurs reprises contre l’introduction des « Principes de la culture orthodoxe » dans les écoles de la capitale, tout comme les autres initiatives de l’Église dans cette sphère. Hormis ces cas restés isolés, dans l’ensemble, la coopération entre l’EOR et la mairie de Moscou est intense et sans graves complications.
21Une autre preuve de l’engagement du pouvoir aussi bien fédéral que moscovite aux côtés de l’EOR a été apportée par le soutien matériel et financier à la création de L’Encyclopédie orthodoxe qui a mobilisé un nombre important de scientifiques et de théologiens. B. Eltsine et Y. Loujkov, lui-même Président du Conseil de patronage de l’édition, ont débloqué de leurs budgets respectifs d’importantes sommes pour la réalisation de ce projet. Le premier volume, sur la trentaine prévue, a vu le jour en 2000 sous la direction du Métropolite de Moscou d’alors, Alexis II. La municipalité de Moscou, les Ministères de l’Éducation et de la Culture ont assuré l’achat de dizaines de milliers de tomes de cette Encyclopédie pour approvisionner chaque bibliothèque de Moscou et de l’ensemble de la Fédération de Russie.
L’orthodoxie dans la « Sainte Russie pomorienne »
22Le nord-ouest de la Russie est également une des plus anciennes aires de diffusion et d’ancrage de l’orthodoxie. Mais la situation religieuse y est différente de celle des régions centrales. La différence majeure réside dans les rapports particuliers entre les institutions laïques et l’Église qui remontent à l’histoire lointaine. Historiquement, dans cette région, l’orthodoxie était tolérante à l’égard des autres courants religieux. À la différence du Patriarcat de Moscou, les contacts avec l’Europe, notamment avec les pays scandinaves, l’ont rendue ouverte à l’Occident. La renaissance religieuse de la période postsoviétique a révélé que les vieilles traditions de la principauté de Novgorod10 n’ont pas définitivement disparu après son annexion par la Moscovie en 1478 qui a causé son déclin pour les siècles suivants.
23Le contexte religieux dominant est similaire à celui du DFC. L’orthodoxie est ouvertement reconnue et soutenue par le pouvoir laïc comme une religion ayant une place particulière et unique dans l’histoire russe. Cependant, à la différence du DFC, cette religion dominante a cultivé une cohabitation exemplaire avec d’autres confessions et courants religieux présents dans la région, et sa « côte de popularité » élevée n’est pas seulement issue de cette stratégie de rapprochement. On peut recenser très peu de cas de violations des droits des minorités religieuses. La position de l’EOR reste, néanmoins, prudente, parfois hostile à l’encontre des manifestations excessives des courants chrétiens présents dans la région. Comme dans le passé lointain, les représentants du pouvoir séculier s’impliquent activement dans les affaires religieuses. De la même manière, l’Église est fort présente dans les débats publics et dans les projets sociaux et éducatifs conçus par le pouvoir laïque, tout en reconnaissant ses limites.
24Dans le contexte de la renaissance religieuse, pour se démarquer de la « Moscovie », un retour aux origines, à la période novgorodienne, paraissait indispensable. L’identité nordiste a trouvé son expression dans la mise en circulation de l’idée pomorienne dont le centre « idéologique » est la ville d’Arkhanguelsk, perçue comme le cœur historique du Pomorié11. Elle s’inscrit dans le processus inévitable de régionalisation et va à l’encontre de la politique de centralisation et d’unification adoptée par le pouvoir fédéral de la Fédération de Russie depuis l’an 2000. Ses concepteurs sont les leaders politiques et l’élite intellectuelle de la région d’Arkhangelsk en quête d’une identité culturelle et économique régionale et d’une place singulière dans le grand État multiethnique et multiconfessionnel que représente la Fédération de Russie. Cette nouvelle identité en construction/reconstruction a un rapport direct avec la foi orthodoxe car celle-ci représente un de ses piliers. L’idéologue le plus marqué de l’idée pomorienne est Alexandre Ivanov, l’ancien maire d’Arkhanguelsk, homme d’affaires et économiste. Dans les années 1990, il a été un des initiateurs de la création du mouvement régional La renaissance démocratique du Nord. A. Ivanov définit ainsi les thèses principales de l’idée pomorienne : « Les Pomors ont une conception particulière de leur dignité et une passion pour la liberté. La raison en réside dans le fait que le Nord n’a pas connu le servage et que la forme principale d’organisation de la vie économique a été l’artel [association volontaire de travailleurs] et non pas la communauté. Le sentiment d’avoir des ennemis est absent chez les Pomors, parce que les ressources naturelles étaient suffisantes pour tous. Ils ont perçu les étrangers non pas comme des concurrents, mais comme des partenaires commerciaux. Les contacts avec l’Europe qui ont commencé il y a très longtemps […] ont permis de développer dans les esprits une orientation occidentale, une absence de xénophobie et le respect des institutions démocratiques. Historiquement, les Pomors éprouvent du mépris envers le pouvoir moscovite, aussi bien tsariste que soviétique et postsoviétique, pour sa fausseté, sa cruauté et pour son arbitraire. Les Pomors n’aspirent pas à travailler pour l’État, ils veulent être le moins dépendants possible de lui. […] Tôt ou tard, l’Église correspondra à nos représentations. Elle jouira du soutien du peuple et non du pouvoir. L’éligibilité des prêtres et des évêques par les croyants est nécessaire et urgente »12.
25La renaissance des traditions orthodoxes dans le Nord occupe les esprits non seulement des cléricaux, mais également de l’ensemble de la société, notamment de son élite intellectuelle, artistique, politique et économique. En 2006, a été présenté le livre de l’ex-gouverneur du district autonome des Nénetses Alexis Barinov L’orthodoxie dans la terre nordique. Pétrolier de profession, il formule les principes spirituels de l’activité économique et décrypte la notion d’« économie orthodoxe » qui inclut une orientation sociale de l’économie, un comportement respectueux envers la terre ainsi qu’une préservation et un soutien inconditionnel de l’héritage historique des peuples du Nord. Le consultant et rapporteur du livre est Nicolas Terebikhine, professeur à l’Université pomorienne, le principal idéologue de la « Sainte Russie pomorienne » dans sa forme mystique, poétique et messianique.
26Enfin, les traditions religieuses de Novgorod la Grande, notamment la tolérance envers d’autres croyances, ont été développées, d’une manière indépendante, à Saint-Pétersbourg dès sa fondation en 1703. Notons néanmoins que cette tolérance et la liberté des différents cultes n’ont pas été conditionnées par un « altruisme religieux » mais par un pragmatisme politique afin d’attirer les spécialistes et travailleurs étrangers vers la nouvelle capitale russe. La Saint-Pétersbourg postsoviétique, capitale et la plus grande ville du District fédéral du Nord-Ouest, est restée fidèle à son image d’antan, ce qui s’inscrit parfaitement dans la tradition nordiste, antérieure à sa création.
L’« orthodoxie héroïque » du Caucase du Nord
27Enfin, il existe une autre « variante locale » de l’orthodoxie, celle du Nord-Caucase, influencée sensiblement par la cosaquerie. Comme dans la vieille Novgorod, la vie religieuse dans ces terres a été marquée par des pratiques démocratiques rares. À l’instar du nord-ouest de la Russie, jusqu’au milieu du 19e siècle, les prêtres et autres serviteurs de l’Église étaient élus par les paroissiens. Le particularisme consistait en ce que les élus pouvaient être choisis aussi bien parmi le clergé que la cosaquerie. Avec la perestroïka, les anciennes traditions cosaques marquées par des éléments d’anarchisme, mais aussi par une loyauté vis-à-vis de l’État et de ses institutions, ont commencé à se reconstituer, y compris dans le domaine de la foi religieuse. En cultivant ses relations avec l’EOR, la cosaquerie apporte aujourd’hui sa propre vision de l’orthodoxie : plus anarchique et démocratique, mais aussi plus nationaliste et xénophobe13. Elle entretient des relations très étroites avec l’Église. Les leaders cosaques sont notamment devenus les porte-paroles de cette dernière dans différentes instances étatiques dans lesquelles ils ont acquis un rôle officiellement reconnu. Le dirigeant de la cosaquerie du Kouban le professeur Vladimir Gromov est également député de l’organe législatif du territoire de Krasnodar. Vu son attachement à l’orthodoxie, dans le parlement local, il est devenu une sorte de représentant de l’EOR en pratiquant la défense de ses intérêts par le lobbying.
28Les intérêts de la cosaquerie et de l’EOR coïncident en ce qui concerne l’intolérance vis-à-vis des sectes et d’autres communautés religieuses. La violation des droits de certains groupes protestants, notamment des évangélistes, « est en effet devenue l’objet principal de la fierté aussi bien des nationalistes orthodoxes du Kouban que des représentants « patriotiques » du pouvoir laïque »14. Les Cosaques ont des relations tendues avec les Turcs meskhis, les Arméniens, les ressortissants du Caucase et d’Asie centrale avec qui les heurts sont devenus habituels. Ils ont le soutien du pouvoir local qui a en partie délégué le maintien de l’ordre public à la cosaquerie. Le gouverneur actuel du territoire de Krasnodar Alexandre Tkatchev (depuis 2000) est un fervent partisan de la hausse de la notoriété de l’EOR et de la cosaquerie dans sa région. Il a même proposé d’introduire la Loi Divine dans les écoles en tant que matière obligatoire15. Les représentants de l’Église sont souvent invités à participer aux manifestations laïques. Cependant, comme dans le passé, l’implication réelle des Cosaques dans la vie et la pratique religieuses reste minime. Les nouveaux idéologues orthodoxes essayent d’inverser cette situation en donnant une nouvelle lecture aux traditions cosaques (« spiritualité cosaque »). Le but poursuivi est, d’une part, d’intégrer les Cosaques au sein de l’Église et, de l’autre, de les impliquer efficacement dans les rapports entre l’État et l’Église.
29C’est dans ce contexte qu’au Nord-Caucase, au sens le plus large du terme, est né une sorte de courant de pensée sous le nom d’« orthodoxie héroïque » mise en circulation par le prêtre et leader spirituel de l’armée cosaque du Kouban Sergueï Ovtchinnikov, jadis activiste des jeunes communistes à l’Université de Krasnodar. Les grands principes de la « foi orthodoxe héroïque » ont été formulés dans son livre L’hymne de l’armée de la cosaquerie du Kouban comme monument de la confession publique de l’âme populaire. Selon l’auteur, l’orthodoxie a toujours été encline à l’humilité, à l’ascétisme et au mysticisme. La survie de cette foi mystique nécessite d’être complétée par une « confession héroïque » qui suppose la défense de la patrie orthodoxe. Par ailleurs, c’est l’entretien du sentiment patriotique qui a maintenu l’Église à travers la période soviétique16. Cette « confession héroïque » est perçue comme un service chrétien rendu à la foi susceptible d’assurer la voie vers le paradis. À la différence des Russes des régions centrales et du nord, la Sainte Russie ne représente pas pour les Cosaques du Nord-Caucase un idéal mystique. Ils ont leur propre passé et leur propre référence historique, le Sietch de Zaporogue17, transplanté au Kouban où les Cosaques ont recréé leur monde libre mythifié qui fait néanmoins partie de l’Empire russe.
30Selon S. Ovtchinnikov, la mentalité de la cosaquerie est étroitement liée à l’une des formes de l’abnégation chrétienne, à l’exemple de la chevalerie, avec son code d’honneur spécifique. La tradition cosaque interdit le port des alliances (les prêtres tiennent également à cette coutume), car leur vie n’appartient pas à la famille, mais à la patrie terrestre ou céleste. D’une manière inconditionnelle, la renaissance spirituelle de la cosaquerie est directement liée à l’orthodoxie. Être cosaque suppose d’être orthodoxe en l’absence même de religiosité. Dans un des Statuts des communautés cosaques on peut lire le paragraphe suivant : « Croire ou non en Dieu est l’affaire personnelle de chacun. Cependant, compte tenu du fait que toutes les coutumes cosaques sont liées à l’orthodoxie, le membre de la communauté cosaque est obligé de les exercer avec ses frères. Personne n’est en droit de reprocher à un Cosaque son athéisme ainsi que sa religiosité »18. C’est une manière originale de justifier la faible religiosité des Cosaques. Le fait de ne pas être croyant ne doit pas empêcher leur implication active dans l’organisation de la vie paroissiale et dans des actions de bienfaisance et de charité. Dans les milieux cosaques, il est couramment accepté que sans l’orthodoxie les Cosaques resteraient des bandits ordinaires, les pirates des steppes. Les Cosaques revendiquent d’être des Russes « particuliers », voire un groupe ethnique russe, défenseurs de la patrie et de l’orthodoxie. C’est de là que découle le refus par S. Ovtchinnikov de reconnaître l’existence dans l’histoire de la Russie de Cosaques musulmans, bouddhistes ou d’autres appartenances confessionnelles.
31La guerre en Tchétchénie et la situation politique tendue dans le Nord-Caucase ont également contribué au développement de l’idéologie de l’« orthodoxie héroïque ». Les frontières administratives des sujets méridionaux « russes » (territoires de Krasnodar et de Stavropol) ont été perçues par les Cosaques comme de nouvelles lignes frontalières nécessitant une protection. Ils étaient les mieux placés pour s’en charger, comme auparavant.
L’orthodoxie « pragmatique » du reste du territoire russe
32Au fur et à mesure de l’éloignement du Centre européen, l’orthodoxie perd son attrait alors que le protestantisme progresse. Comme déjà évoqué, l’éloignement du centre spirituel (Moscou) rend moins radicale l’orthodoxie avec ses dogmes. La propagation de l’orthodoxie dans les régions de la Volga, de l’Oural, de la Sibérie et de l’Extrême-Orient s’est produite parallèlement à leur l’intégration à l’Empire russe dès la seconde moitié du 16e siècle. Autrement dit, l’histoire de la christianisation de ces territoires est relativement récente et l’orthodoxie ne représente pas une religion « endogène » pour les populations. Avant son annexion et le peuplement russe, la région volgienne (moyenne et basse) était musulmane avec une forte présence tatare. C’est à Kazan (1552), la capitale du khanat portant le même nom, que pour la première fois dans son histoire l’État russe s’est largement laissé tenter par une conversion forcée des musulmans à l’orthodoxie. Cette politique a aussitôt été remplacée par un prosélytisme classique plus réfléchi via l’éducation et la bienfaisance. L’afflux massif des colons, y compris étrangers (allemands, arméniens, etc.), a contribué à la constitution parallèle de communautés religieuses autres qu’orthodoxes : catholiques, protestantes, apostoliques. Depuis la fin du 17e siècle, les communautés spirituelles des chrétiens russes (Doukhobors, Molokanes) sont également apparues sur ces terres, ce qui les a rendues davantage multiconfessionnelles. L’environnement du peuplement cosmopolite a créé des conditions favorables pour une entente et une tolérance religieuses contrairement à celles de la Moscovie. Tout cela a amené l’orthodoxie dans la Basse et Moyenne Volga et dans l’Oural à être plus « pragmatique » à travers une attitude plus « sociale » envers l’Église et un haut niveau de tolérance ethno-confessionnelle19.
33Ces traditions historiques ont été reprises avec le renouveau religieux intervenu après la dislocation de l’URSS. Dans plusieurs entités des régions en question, ont été créés des organes consultatifs auprès des gouverneurs pour les affaires confessionnelles, avec la participation des organisations religieuses concernées. Ainsi, plusieurs programmes sociaux communs ont vu le jour. Comme le remarque l’historien russe S. Filatov, les « fonctionnaires régionaux qui travaillent dans les conseils découvrent avec stupéfaction que du point de vue de l’« utilité sociale » les marginaux du monde religieux russe tels que les pentecôtistes, les méthodistes et les catholiques, méritent souvent des appréciations plus hautes que les « chers » orthodoxes »20. Dans ce contexte, l’expérience de 2010 d’introduction de la nouvelle matière Les principes des cultures religieuses et de l’éthique laïque dans les programmes des écoles des 19 sujets de la Fédération de Russie a été révélatrice : parmi plus de 330 000 élèves participant, 125 000 ont choisi Les principes de l’éthique laïque, 60 000 ceux de la culture orthodoxe, 60 000 ceux des religions mondiales, 40 000 ceux de la culture islamique, 40 000 ceux de la culture bouddhique et 12 000 ceux de la culture judaïque. Certains sujets « russes » se sont montrés moins « orthodoxes » que les autonomies nationales. La région de Penza n’a commandé aucun manuel alors qu’en Tchétchénie 0,4 % d’élèves ont choisi Les principes de la culture orthodoxe. Dans certaines villes de l’Oural, l’expérience a même échoué, comme à Kamensk Ouralski où la municipalité a refusé d’introduire la nouvelle matière dans le programme scolaire à cause d’un nombre trop faible de volontaires. Quant à la région de Sverdlovsk, 70 % d’élèves ont choisi l’éthique laïque contre seulement 23 % qui ont opté pour la culture orthodoxe21.
34L’orthodoxie est arrivée très tardivement en Extrême-Orient qui n’a été intégré à l’Empire russe qu’à partir de 1858. Elle n’était pas encore très enracinée lorsque la Révolution bolchevique (1917) l’a déracinée en sécularisant l’ensemble du territoire. Cette périphérie de l’Empire russe représentait jadis une terre de refuge et d’exil pour les sectateurs, les schismatiques, les vieux-croyants, les représentants des religions non tolérées dans le Centre et les opposants au régime. Aujourd’hui, l’Extrême-Orient s’éloigne davantage de l’orthodoxie et s’ouvre largement au protestantisme. En 2010, le territoire Maritime avait 178 communautés protestantes (pentecôtistes, presbytériens, luthériens, évangélistes, adventistes, mormons, etc.) enregistrées contre seulement 89 communautés orthodoxes, 6 mosquées, 7 synagogues et 4 pagodes bouddhiques. La situation dans le territoire de Khabarovsk est similaire : 96 des 163 organisations religieuses sont protestantes et 48 orthodoxes22. On observe même des cas de fermeture des églises orthodoxes à cause du manque de fréquentation et de problèmes financiers. Le territoire de Krasnoïarsk et les régions d’Irkoutsk et de Sverdlovsk ont également enregistré un nombre important de communautés protestantes. Ainsi, l’EOR n’a pas su s’organiser pour se rendre plus attrayante pour les croyants et répondre à leurs attentes. Le vide spirituel a été vite rempli par d’autres courants religieux existants ainsi qu’étrangers, récemment implantés et dirigés souvent par des prêtres américains ou nord-coréens qui jouent beaucoup sur la proximité géographique.
35Néanmoins, il faut tenir compte du fait que les effectifs des communautés protestantes ne sont pas nombreux, c’est pourquoi le nombre total des adeptes du protestantisme sur ces territoires est encore largement inférieur à celui de l’orthodoxie. En revanche, la part des vrais pratiquants est largement supérieure à celle des pratiquants orthodoxes. L’EOR essaye de contenir cette expansion protestante dans les terres « orthodoxes » en ouvrant de nouvelles paroisses et bénéficie pour cela de l’appui des pouvoirs locaux. Mais ce soutien n’est pas inconditionnel et a ses limites car, à la différence des provinces centrales, la société civile et les pouvoirs périphériques, dans leur ensemble, sont moins religieux et plus tolérants. Tout cela n’exclut bien évidemment pas les cas isolés de prise de décisions discriminatoires par les pouvoirs locaux à l’égard des minorités religieuses sous la pression ou sous l’influence de l’EOR. Ces actes restent impopulaires et sont loin d’être approuvés par l’essentiel de l’opinion publique.
L’identification culturelle et nationale à travers l’identification religieuse
36En parlant du renouveau de l’orthodoxie en Russie, on s’interroge sur le niveau de l’ancrage de la foi religieuse dans la société, sur la question de la référence à l’orthodoxie et sur la nature de cette croyance si l’on se déclare croyant. Les sondages sont susceptibles de répondre en partie à ces questions compte tenu du fait que l’établissement de statistiques officielles est difficilement réalisable.
37La particularité du contexte religieux de la Russie postsoviétique réside dans le fait qu’« être orthodoxe » ne signifie pas automatiquement « être croyant ». La conscience religieuse des Russes qui acceptent « d’office » les idées et dogmes religieux ne coïncide pas forcément avec un comportement religieux stricto sensu. Pour certains, le rattachement à l’Église se limite et ne se manifeste que par une participation, souvent passive, aux « rites de passage » : aux messes de Noël et de Pâques, à la bénédiction des koulitchs23, etc. Les autres sont plus impliqués dans la vie religieuse, fréquentent plus ou moins régulièrement l’église et, tout en restant observateurs, essayent de suivre certaines de ses prescriptions. Enfin, il existe de vrais pratiquants qui vont au-delà du « minimum obligatoire », participent activement à la vie paroissiale et pour qui la religion, en principe, fait partie de la vie quotidienne.
38Selon le sondage du Centre russe d’étude de l’opinion publique (WCIOM), réalisé en 2010, 75 % de la population russe se déclare orthodoxe24. Pour comprendre cette statistique, il faut se poser la question de ce que l’on entend par orthodoxe. Il convient de préciser que parmi les sociologues il n’existe pas de consensus sur cette question. L’auto-identification de l’individu à l’orthodoxie ne se résume pas explicitement à sa religiosité. Elle est déterminée par des traditions culturelles, nationales et familiales. En l’absence de foi, certains athées peuvent également se déclarer orthodoxes et participer activement à la célébration des fêtes religieuses. Surtout qu’être athée renvoie à une mauvaise image de l’histoire russe (soviétique) récente. La raison du choix de se déclarer orthodoxe peut être aussi culturelle et traditionnelle. L’impact de l’opinion publique sur ce type de comportement et l’aspiration à suivre la « mode » ne sont pas non plus anodins. Dans ce contexte, la religiosité affichée des hauts fonctionnaires d’État, présidents compris, et de l’ancienne nomenklatura communiste s’est indéniablement répercutée sur la hausse du nombre d’orthodoxes déclarés. Ainsi, l’identification nationale (« Je suis russe, donc orthodoxe ») et l’appartenance religieuse ne sont pas convergentes et il ne faut pas non plus chercher toujours une religiosité dans l’exécution des actes rituels. Entre les personnes qui sont baptisées et celles qui se déclarent orthodoxes, il existe un écart de 50 %25. Si on prend le critère de participation à au moins deux messes par an, selon le même sondage, le nombre d’« orthodoxes » chuterait à 18-20 %. Mais là aussi, le lien n’est pas direct entre la participation aux rites religieux et la vraie religiosité. Enfin, la méthodologie des sondages est mal élaborée, les questions formulées sont souvent ambiguës et ne sont pas explicites. Le choix du nombre des sondés pour certaines études pose également problème. Ainsi, dans son ensemble, l’Église russe d’aujourd’hui est une « Église de néophytes »26.
39Selon les sondages du Centre Levada27, réalisés en 2007, l’orthodoxie est la religion de 66 % (47 % en 1998) des Russes. Cependant, 39 % (55 % en 1998) des sondés ne fréquentent pas d’église dont seulement 23 % d’athées (38 % en 1998). 16 % de personnes se disant croyantes ne fréquentent donc pas d’église. Encore 18 % vont à l’église rarement, 34 % quelques fois par an et 8 % de une à quelques fois par mois. Seulement 5 % des Russes se considèrent comme très religieux et 32 % croient, d’une manière inconditionnelle, en l’existence de Dieu. La majorité absolue des sondés (78 %) ne communient pas, 34 % ne prient jamais contre 7 % qui prient quelques fois par jour. La prière est quotidienne pour 9 % alors que 7 % disent prier quelques fois par semaine. Enfin, il existe des personnes qui croient en Dieu (11 %), mais renoncent à toute appartenance à une religion précise.
40Il convient également de nuancer les motivations individuelles du rituel de la prière qui, inconsciemment ou pas, est souvent conditionné par l’adresse aux forces métaphysiques pour réaliser des désirs personnels. Dans ce contexte, la prière dans une église représente, entre autres, un des moyens de voir ses désirs exaucés. En 2007, pour 24 % des Russes, la religion ne joue aucun rôle (contre 32 % en 2002) ou un rôle minime pour 41 % (contre 36 % en 2002) dans leur vie. Ainsi, les données des sondages, aussi imparfaites soient-elles, révèlent le bas niveau de la religiosité des Russes. On est loin d’une vraie religiosité qui sous-entend la croyance en des dogmes religieux considérés comme les fondements de la conception religieuse du monde. L’orthodoxie est revendiquée par la société russe en tant que repère d’une identification culturelle et nationale. C’est en partie à cause de cela qu’en dépit du faible taux de religiosité, le nombre de monastères et d’églises augmente sans cesse et que l’Église tente de s’impliquer davantage dans la vie sociétale, notamment dans la sphère sociale, un terrain propice pour le prosélytisme.
Les tentatives d’intégration de l’orthodoxie dans la structure de l’idéologie d’État
41Au lendemain de la révolution d’Octobre, la religion a été séparée de l’État. Après la chute de l’URSS, cette séparation n’a pas été revisitée, la Fédération de Russie multiethnique et multiconfessionnelle restant un État laïque. Le renouveau de l’orthodoxie a coïncidé avec les cataclysmes politiques de la fin de la perestroïka et du début des années 1990 : le putsch avorté de 1991, la disparition de l’URSS, l’opposition politique entre le président Eltsine et la Douma d’État de 1993, qui s’est soldée par l’assaut du Parlement russe. Une fois émancipée et désormais sollicitée, l’Église ne pouvait pas rester indifférente à ces événements. Son implication dans la politique devenant ainsi inévitable, se posait la question de sa marge de manœuvre compte tenu de la nouvelle situation dans le pays. De surcroît, le degré de cette intervention devait être acceptable aussi bien par l’Église que par l’État. En 1994, le Concile synodal a interdit aux ecclésiastiques d’adhérer aux partis politiques et de participer aux législatives non seulement en Russie mais également dans les pays de la CEI. Il a été déclaré que l’Église s’abstiendrait de soutenir telle ou telle force politique, ce qui a peu correspondu à la réalité28.
42Dans leurs discours les doctrinaires de l’Église expliquaient que la séparation de l’Église et de l’État ne signifiait pas la dissociation de l’Église de la société. C’est, à les croire, ce qui a poussé le Patriarcat à jouer un rôle de médiateur entre l’exécutif et le législatif en octobre 1993. Pendant la deuxième guerre de Tchétchénie, l’EOR s’est ouvertement rangée aux côtés du pouvoir, voire a poussé ce dernier à agir d’une manière plus décisive contre les actes terroristes, notamment après l’enlèvement de deux prêtres orthodoxes en mars 1999. Le Patriarche a lancé un appel à la communauté internationale dans lequel il a en particulier souligné qu’il devenait de plus en plus difficile de retenir la colère de ses ouailles face à la criminalité et aux actes terroristes qui se produisaient sur le territoire tchétchène. L’EOR a ainsi soutenu les mesures entreprises par le pouvoir pour rétablir l’ordre dans cette république. Dans sa politique étrangère aussi, l’État russe a toujours pu compter sur le soutien de l’Église. Cela a été le cas lors du bombardement de la Serbie par l’OTAN en 1999. Le Patriarche Alexis II l’a farouchement critiqué et, sous les bombes, s’est personnellement rendu à Belgrade pour montrer son soutien aux « frères orthodoxes » et tenter de jouer un rôle de médiateur entre Serbes et Albanais. Ainsi, une certaine politisation de l’Église a été inévitable. Elle était tolérée par les autorités dans la mesure où elle était à l’unisson de la ligne directrice du pouvoir. Le niveau de cette implication devait permettre à l’État russe d’imposer sa politique intérieure et extérieure via, entre autres, cette institution influente.
43Une partie de l’élite politique russe se retourne régulièrement vers l’orthodoxie afin de trouver un appui et un contenu susceptibles de combler le vide idéologique consécutif à la chute de l’URSS. Autrement dit, l’orthodoxie, la confession majoritaire, a été perçue par certains comme un nouveau point de départ pour la définition moderne de l’identité russe. Les débats à ce sujet sont pour l’instant théoriques, ils tentent vainement d’en définir les principes.
44Ces dernières années, dans le tumulte de la vie sociétale russe, on a pu observer une tendance de certains cercles de l’élite politique russe à tenter d’intégrer l’orthodoxie dans la structure de l’idéologie d’État. En 2006, sous le patronage du Patriarche russe, a été convoquée la 10e Assemblée mondiale du peuple réunissant clercs, fidèles et laïques. Elle a adopté la Déclaration des droits et de la dignité de l’homme marquée par une opposition des valeurs religieuses orthodoxes aux droits et libertés universels29. Selon ce document, ces derniers ne doivent pas aller à l’encontre de valeurs qui sont placées au même rang que les droits de l’Homme, telles que la foi, la moralité, le sacré et la Patrie. L’EOR dénonce l’imposition par l’Occident de sa vision libérale de l’individualisme comme une ingérence dans les affaires intérieures de la Russie. Sans équivoque, la religion orthodoxe appuie ainsi la ligne politique russe tout en servant « d’ancrage dans le passé pour une opposition à l’Occident »30.
45L’année suivante, la 11e Assemblée a organisé des débats autour de la Doctrine russe (« Transfiguration de la Russie »)31 avec pour ambition d’en faire une sorte de plateforme idéologique des forces patriotiques. D’après ses auteurs, on ne peut pas considérer la Russie comme un pays multiconfessionnel compte tenu du fait que les minorités non slaves ne constituent que 15 % de la population. Il en découle que les dirigeants suprêmes doivent appartenir à la religion principale, donc à l’orthodoxie, à l’instar de la Grande-Bretagne où la reine ne peut être issue que de la tradition anglicane. La Doctrine voit le futur de l’État russe dans l’unité de la démocratie, de l’aristocratie et de l’autocratie. Néanmoins, elle interprète à sa manière la démocratie qui ne doit en aucun cas être une survaleur dans l’aménagement politique de la Russie. Le principe de la séparation des pouvoirs, la prééminence des droits de l’Homme ne sont pas obligatoires et sont discutables. L’État russe serait amené à réintégrer son ancien espace amputé suite à la disparition de l’URSS, car un Empire ne doit pas mourir, il doit se transmettre. La Doctrine préconise aussi le retour du catéchisme orthodoxe dans les programmes scolaires tout comme l’enseignement séparé des filles et des garçons. Pour résumer, l’avenir de la Russie, sa prospérité et sa renaissance résideraient selon cette doctrine dans l’union de l’État et de l’Église, d’une part, et dans celle de l’Église et de la société, de l’autre. Il conviendrait donc de prévoir un passage doux d’un État laïc à un régime d’État confessionnel : « L’État est voué à entrer dans l’océan spirituel de l’orthodoxie ».
46L’appel à la création d’un État théocratique orthodoxe ne pouvait laisser indifférentes les autres confessions traditionnelles de la Fédération de Russie, notamment l’islam. Pour exprimer leur indignation, les représentants de ce dernier ont lancé un texte intitulé Le cléricalisme menace la sécurité nationale de la Russie32. Force est de constater que les initiatives de l’EOR n’ont pas eu un écho favorable de la part de la société russe qui, dans son ensemble, reste encore largement marquée par l’athéisme ou par une religiosité de façade.
47Il reste toujours difficile, voire inimaginable, de parler de la suprématie d’une seule religion dans une Fédération que la Russie représente. Néanmoins, des tentatives surgissent en permanence. La dernière en date a été de présenter l’orthodoxie comme une base idéologique pour la modernisation. En février 2010, un des centres intellectuels du parti au pouvoir Russie unie a élaboré une conception intitulée Les fondements moraux de la modernisation dans laquelle l’orthodoxie est traitée comme le substrat, i. e. le socle idéologique33, de la Russie « moderne », en dépit du fait que la Constitution de la Fédération de Russie précise qu’aucune idéologie ne peut prétendre se voir élevée au niveau d’idéologie d’État. Le patriotisme, quant à lui, est censé devenir la religion civile de la société moderne. Plusieurs analystes ont vu le danger de cette proposition compte tenu du fait que Russie Unie est le parti politique majoritaire de la Douma d’État qui élabore les lois, sphère religieuse comprise34. Selon les concepteurs du texte de Russie unie, en l’absence de « mythologie politique », le peuple ne peut pas se sentir dans un confort psychologique dans son propre pays. La pierre angulaire de cette mythologie est l’orthodoxie avec son éthique, ce qui a été « révélé » dans le message du Président russe à l’Assemblée fédérale. D. Medvedev a notamment souligné que l’orthodoxie se trouve à la base des valeurs solides de la société. Elle exalte le patriotisme, la conciliarité (sobornost’) et le service pour le bien commun. Beaucoup n’ont pas pris au sérieux ces initiatives, d’autres ont exprimé leurs craintes et souligné le danger qui résulte de la mise en circulation de pareilles idées.
48L’orthodoxie se trouve également au cœur des débats concernant la « sécurité spirituelle » de la Russie. Ces dernières années, un nombre important de conférences et de publications à ce sujet ont vu le jour. La « sécurité spirituelle » est également abordée dans les discours publics de hauts fonctionnaires de l’État, de responsables de l’EOR et de beaucoup d’hommes politiques.
49La spiritualité est avant tout liée aux traditions religieuses. Dans ce contexte, l’orthodoxie relègue au second plan les autres confessions traditionnelles vu sa place singulière dans l’histoire de l’État russe. Les motivations et aspirations de l’Église sont facilement compréhensibles contrairement à la position de certains représentants haut placés du pouvoir séculier. En principe, c’est l’État, incarné par le pouvoir laïque, qui se charge de l’élévation spirituelle de sa population. Pour la réalisation de cet objectif, il est amené à mettre l’Église à contribution. Cela rappelle la période pétrovienne de l’histoire russe lorsque l’Église avait été placée au service de l’État. À long terme, la symbiose de ces deux institutions n’a fait que renforcer l’autocratie russe et a soutenu le chauvinisme grand-russe. De nos jours, la xénophobie est devenue un vrai fléau pour la Russie. Elle se nourrit, entre autres, de l’élaboration de conceptions de ce type. C’est également dans ce cadre qu’il faut traiter la question de l’introduction de la culture orthodoxe dans les programmes scolaires. Ainsi, la collaboration rapprochée entre l’Église et l’État témoigne de l’« attractivité de l’offre ecclésiale »35.
L’implication de l’EOR dans la sphère sociale et le secteur public
50Officieusement, aux côtés de l’État, une place importante est également réservée à l’Église dans les sphères sociales (bienfaisance, aide aux plus démunis, parrainage des orphelins et des enfants protégés, prévention de transgression de la loi, lutte contre la toxicomanie et l’alcoolisme, accompagnement des condamnés dans les prisons, etc.) et dans la résolution des problèmes de la famille et de la jeunesse. Elle s’investit également dans la formation parmi la population du sentiment patriotique avec rejet des idéaux et standards occidentaux, notamment l’individualisme et la moralité de la réussite. Cependant, l’histoire postsoviétique de la Russie est clairement marquée par un penchant de la société russe pour ces comportements « occidentaux », ce qui génère des prédispositions anti-orthodoxes en son sein. Le conflit entre l’EOR, ses valeurs et traditions séculaires d’une part, et les partisans de la voie occidentale de développement pour la Russie de l’autre, devient ainsi inévitable.
51Les Fondements de la doctrine sociale de l’Église orthodoxe russe, adoptés en été 2000, évoquent que la « culture laïque [littérature, musique, peinture, poésie] est susceptible d’être porteuse de l’Évangile. […] Pour le sermon du Christ, tous les styles artistiques sont bons si les intentions de l’artiste sont sincèrement pieuses et s’il garde un dévouement envers le Seigneur »36. On voit se profiler clairement l’intention d’associer avec opportunisme la mission religieuse à la culture laïque traditionnelle en pleine crise. Autrement dit, il s’agit de réorienter cette dernière vers des « valeurs orthodoxes » afin de créer une sorte d’hybride des deux dont chacune a toujours eu sa propre place dans la culture russe vieille de plus de mille ans. D’une façon ou d’une autre, l’État s’est engagé à impliquer les organisations religieuses dans certains des programmes élaborés comme « Les enfants de la Russie », « Les jeunes de la Russie », « La Russie électronique », « La langue russe ».
52Le service social permet à l’Église de propager doucement ses idées non seulement parmi les fidèles, mais également parmi les non croyants. Dans tous les cas, les groupes sociaux sont préalablement ciblés et, la plupart du temps, il s’agit de ceux qui sont en difficulté notamment matérielle. Parmi les groupes « aisés », les activités sociales sont déployées chez les militaires et la jeunesse avec pour principal objectif l’éducation patriotique. On est donc loin d’un altruisme pur, la « promotion » auprès de l’État et de la société civile dans son ensemble étant fort présente. C’est une sorte de mariage des « motivations humanistes et égoïstes » de la bienfaisance russe déjà remarqué par Thorstein Veblen37. De nos jours, dans le cadre de leur partenariat, la politique sociale de l’État russe est en partie renforcée par les activités de bienfaisance de l’Église qui a une riche expérience dans ce domaine. Récemment ont été adoptés des amendements au projet de loi prévoyant un soutien aux organisations non lucratives. Désormais, les organisations religieuses pourront bénéficier de l’aide de l’État sous réserve que leurs activités se limitent au domaine de la bienfaisance et que le prosélytisme en soit exclu38. C’est l’EOR qui est la plus intéressée par ces amendements, car elle en serait la plus grande bénéficiaire compte tenu du poids prépondérant de l’orthodoxie dans le paysage confessionnel de la Russie.
53L’Église a déjà fait sa place dans les forces armées russes en apportant sa contribution à la formation du sentiment patriotique. Un département de coopération avec l’armée et la milice a été spécialement créé pour coordonner le travail dans cette direction. Certains symboles religieux (icônes, croix, etc.) et salles de prière font désormais partie des établissements et bâtiments militaires. Les religieux accompagnent souvent les manifestations et les événements militaires d’importance. À diverses occasions, la bénédiction des troupes et du matériel de combat est devenue une affaire courante. Plus de 240 serviteurs du culte sont envoyés dans les unités en tant que prêtres militaires. On n’est pas loin du jour où les confesseurs feront également leur apparition dans l’armée et sur le compte du budget de l’État39. De même, l’EOR s’implique activement dans l’éducation patriotique et morale des jeunes recrues dont les baptêmes de masse sont devenus fréquents dans les points de conscription. Cependant, la marge de manœuvre des représentants de l’Église dans les casernes reste tributaire de la volonté des responsables militaires dont une partie non négligeable a été formée sous le régime soviétique40. Quant à la coopération avec la police, en 2008, l’Église a proposé de créer des « droujines orthodoxes » qui patrouilleraient dans les rues afin d’apporter leur aide aux forces de l’ordre41. Il convient également de mentionner la construction et l’ouverture de centaines d’églises et de salles de prière dans les prisons. Par ailleurs, la première église pénitentiaire a été inaugurée en 1990 par le défunt patriarche Alexis II.
54En été 2007, dix académiciens de l’Académie des sciences de la Fédération de Russie, dont deux lauréats du prix Nobel, ont publié une lettre ouverte adressée au président V. Poutine42. Ils ont exprimé leur inquiétude à propos de la pénétration de l’EOR dans les institutions et structures d’État. Les scientifiques russes ont perçu certaines décisions du 11e Concile synodal (2007) comme un défi lancé à la société et au monde scientifique. Ils visaient en particulier la résolution « Sur le développement du système national de l’éducation religieuse et de la science »43 en dénonçant les tentatives du Patriarcat d’introduire dans les écoles les dogmes de l’orthodoxie sous la matière intitulée « Les principes de la culture orthodoxe ». Selon eux, insister sur la réalisation d’une pareille initiative dans un pays multiethnique et multiconfessionnel serait susceptible d’engendrer beaucoup d’interrogations. Certaines organisations religieuses ont même vainement porté plainte contre les académiciens en les accusant d’« attiser les sentiments hostiles à la religion ». La Douma d’État a, de son côté, refusé de condamner les auteurs de la lettre ouverte, tout comme le Ministre russe de l’Éducation et les défenseurs des droits de l’Homme.
55L’Église s’est également adressée à la Commission suprême de classement (équivalent du CNU en France) pour inclure la théologie dans la liste des spécialités scientifiques afin de la conserver en tant que discipline scientifique autonome. À ce propos, le Concile a déclaré : « Un dialogue entre le pouvoir et la société est nécessaire pour que le monopole de la vision matérialiste du monde, établi à l’époque soviétique, prenne enfin fin dans le système russe de l’éducation »44. Un travail scrupuleux est également mené pour l’accréditation d’État des établissements scolaires et universitaires religieux. En effet, pendant les 70 ans de la période soviétique, un profond fossé s’est creusé entre les traditions laïques et religieuses de la culture, enseignement compris. Dans cette dernière sphère, elles ont été perçues comme antagonistes, contrairement à la tradition européenne dans laquelle il existe une certaine compatibilité.
56L’EOR a formalisé ses relations avec toutes les instances fédérales par le biais de la signature d’accords. Le Patriarche défunt Alexis II s’en occupait personnellement de très près. C’est sous la pression de l’EOR qu’en 1997 le Ministère de l’Éducation a arrêté la réalisation du programme « Éducation sexuelle des élèves » proposé par l’Association russe de planification familiale. Selon le Patriarche, l’« éducation sexuelle » est une dépravation consciente des élèves. Derrière l’euphémisme « planification de la famille » pourrait tranquillement se cacher l’anéantissement méthodique programmé du peuple »45.
57En juillet 2009, Dimitri Medvedev a réuni les leaders des quatre confessions traditionnelles pour leur faire part de sa décision de lancer, dans le cadre d’une expérience, l’enseignement d’une nouvelle matière concernant l’éducation spirituelle et morale des élèves du secondaire. L’expérience, qui ne concernait que les élèves de sixième, a commencé le 1er avril 2010 et a concerné les écoles de 19 régions russes. Elle doit durer trois ans avant l’introduction de la nouvelle matière comme discipline obligatoire dans les programmes scolaires. Les parents ont le choix entre trois options : « Les principes de la culture orthodoxe/musulmane/judaïque/bouddhique », « Les principes des cultures religieuses du monde » et « L’éthique laïque ».
58Dans certaines régions de Russie centrale (Koursk, Smolensk, Belgorod) les « Principes de la culture orthodoxe » sont déjà enseignés depuis plusieurs années. Même si le choix de suivre ces cours devait revenir aux parents d’élèves, plusieurs cas de suivi « forcé » ont été recensés allant jusqu’à des requêtes des parents auprès des procureurs des régions concernées. L’enseignement officieusement obligatoire a provoqué l’indignation notamment des parents de confessions musulmane et judaïque. Selon les représentants de l’Église, contester la nécessité des cours de « Culture orthodoxe » équivaut à contester les cours de langue russe, ce qui sous-entend que chaque élève de la Fédération de Russie doit connaître les principes de l’orthodoxie. L’objectif des efforts de l’EOR et de certains pouvoirs locaux est d’intégrer cette matière, d’une façon générale, dans toutes les écoles secondaires du pays. Néanmoins, c’est une tâche difficilement réalisable compte tenu des différences substantielles entre les régions de Russie, et de l’opposition d’une partie de la population et des fonctionnaires de tous les niveaux. Dans la république des Komis, par exemple, le Ministère de l’Éducation et les directeurs des écoles ont rompu leurs relations avec l’éparchie. Dans les territoires multiconfessionnels et majoritairement non orthodoxes, cette innovation a d’emblée été rejetée.
59Dans certaines provinces centrales, le choix des parents d’élèves a surpris beaucoup de monde. Dans la région de Penza, 62 % des écoliers se sont inscrits au cours d’« éthique laïque » et 38 % au cours sur « Les principes des cultures religieuses du monde ». Dans la région de Vologda, réputée être fermement attachée aux traditions orthodoxes, les chiffres étaient respectivement de 58 % et 17 %, tout comme en Oudmourtie (53 % et 27 %). L’Oural et la Sibérie n’ont pas fait exception non plus : 54 % et 23 % pour la région de Sverdlovsk, et 58 % et 21 % pour le territoire de Krasnoïarsk. Tout cela donne une « représentation plus juste de la soi-disant religiosité profonde du peuple russe, de sa piété et de son observance des canons et commandements »46. Les résultats sont révélateurs de la religiosité superficielle des parents qui, tout en se déclarant orthodoxes, choisissent pour leurs enfants l’« Éthique laïque » dans le cadre des cours de religion.
60En corollaire, ajoutons que les activités éditoriales de l’EOR ont connu une hausse spectaculaire. Tous les moyens modernes sont mobilisés : maisons d’édition (religieuses et laïques), Internet, presse. Les éditions de la Bible, de l’Évangile, d’autres textes religieux, des dictionnaires et des encyclopédies, de la littérature philosophique et historique qui traite des questions religieuses sont tirées à des millions d’exemplaires.
L’EOR concurrencée dans un espace religieux en développement
61L’orthodoxie n’a pas été la seule confession qui a connu un renouveau après 70 ans de léthargie. D’autres confessions, reconnues plus tard comme traditionnelles par le pouvoir, ont émergé aussi : l’islam, le bouddhisme et le judaïsme. En dépit des obstacles créés par les autorités locales et l’EOR, une prolifération d’autres courants religieux, notamment du protestantisme et du catholicisme, s’est produite.
62Dans l’ensemble du pays, les pouvoirs locaux essayent de contrôler les activités des protestants et de léser dans leurs droits les différentes minorités religieuses. Ces dernières se heurtent souvent à des problèmes liés à l’enregistrement de leurs communautés, notamment lorsqu’elles sont d’origine étrangère, et à la location des lieux de cultes. Avant la réunification de 2007, l’Église orthodoxe russe hors-frontière et l’Église orthodoxe russe autonome avaient aussi du mal à faire enregistrer leurs paroisses. Dans la Conception de la sécurité nationale (2000), l’État russe doit notamment faire face à l’influence négative des communautés religieuses et des missionnaires étrangers47. Il en découle que les organisations religieuses étrangères représentent une menace pour la sécurité nationale de la Fédération de Russie au même titre que le terrorisme ou la criminalité internationale. Dans la lutte contre les sectes, l’Église est censée être la main droite de l’État.
63La position de l’EOR par rapport aux autres confessions est formulée dans Les fondements de l’attitude de l’Église orthodoxe russe à l’égard des non-Orthodoxes adoptés en 2000. L’article 2.1 du document résume qu’« en reconnaissant la nécessité de la restauration de l’unité chrétienne rompue, l’Église orthodoxe confirme que la vraie unité n’est possible qu’au sein de l’Église catholique et apostolique unie. Tout autre « modèle » d’unité n’est pas acceptable »48. Depuis 1980, des rencontres régulières ont eu lieu entre les représentants de l’EOR et de l’Église catholique. Mais on est toujours loin d’un rapprochement réel même si on a pu constater un certain réchauffement dans les relations bilatérales depuis 2010. En 2002, le Vatican a décidé d’élever le statut de ses administrations apostoliques sur le territoire de la Fédération de Russie en diocèses, ce qui a provoqué un tollé du Patriarcat de Moscou. L’EOR juge toujours inacceptable la création de diocèses catholiques ordinaires sur son territoire canonique. Manifestement, la prolifération des paroisses protestantes en Russie inquiète moins le Patriarcat que celle des paroisses catholiques. La raison réside dans le fait que les orthodoxes partagent avec les catholiques la même tradition canonique de l’ancienne Église indivise, ce qui n’est pas le cas avec les protestants.
64La place dominante de l’orthodoxie dans la société russe paraît justifiée en raison du nombre de ses adeptes. L’acceptation de ce « statut » ne se fait pas d’un point de vue strictement religieux, mais également culturel et, plus largement, identitaire. Le tableau ci-dessous montre la préférence des Russes envers les confessions. Le niveau de l’intolérance religieuse est révélateur des « rapports de force » dans le domaine religieux. Paradoxalement, le catholicisme est mieux coté que le judaïsme ou le bouddhisme, deux des quatre confessions traditionnelles « reconnues » en Russie. Les rapports avec les sectes sont traditionnellement mauvais, à l’unisson des préventions de l’État et de l’EOR.
Fig. 1. Le rapport envers les religions

Source : Kaariajnen K., Furman D, « Religioznost’ v Rossii na rubeže XX-XXI stoletij » [« La religiosité en Russie à la charnière des XXe-XXIe siècles »], Obščestvennye nauki i sovremennost’, no 1, 2007, p. 103-119.
65En 2005, 55 % des Russes estimaient qu’il ne fallait pas permettre aux religions non traditionnelles d’acheter ou de construire des édifices pour leurs besoins religieux. De 60 à 68 % étaient contre le prêche dans les lieux publics, contre la diffusion de la littérature et l’ouverture d’écoles religieuses49. En revanche, quand il s’agit de l’orthodoxie, les sondés se prononcent pour l’élargissement des sphères de son influence. En 2008, selon la Fondation de l’opinion publique, la cote de popularité de l’EOR (59 %), la confiance qui lui est accordée, devançait largement celle de la police routière (23 %), de la milice (27 %), des mass media (49 %), du président (51 %)50.
66Les propos critiques de l’EOR envers les activités des protestants, très engagés dans la sphère sociale, ont pour but de discréditer les différents courants de cette branche du christianisme. Selon le Patriarcat, la bienfaisance protestante ou catholique est motivée par le prosélytisme, ce qui, par ailleurs, ne lui est pas étranger non plus. La concurrence avec les courants protestants est ainsi difficilement soutenable pour l’Église. À court, voire à moyen terme, elle est susceptible d’envenimer davantage les relations tendues entre l’EOR et les organisations protestantes.
67Officiellement, l’EOR entretient des rapports stables avec les communautés religieuses juives dont les représentants participent régulièrement aux manifestations organisées par le Patriarcat. Le dialogue judéo-orthodoxe se fait sous le slogan « Vos prophètes sont nos prophètes » lancé par Alexis II en 1991. Il a également été formalisé dans un document adopté en avril 2007 intitulé « Reconnaître le Christ dans Son peuple »51. En revanche, l’aile conservatrice de l’EOR, représentée par le métropolite défunt de Saint-Pétersbourg Ioan, considère que le judaïsme est une religion d’« élection » (izbrannitchestva), celle du peuple élu, ce qui l’éloigne spirituellement de l’orthodoxie. Leurs interprétations des différences et du rôle joué par l’orthodoxie et le judaïsme dans l’histoire mondiale les conduisent souvent à l’antisémitisme52.
68L’EOR n’intervient pas dans les affaires intérieures des musulmans de Russie, du moins de manière ouverte. Comme dans le passé, elle garde une certaine prudence par rapport à l’Islam. À ce propos, l’orientaliste et islamologue russe A. Malachenko remarque que le « dialogue entre l’EOR et les musulmans ne peut pas être considéré comme un dialogue « pur ». Une troisième partie prenante, l’État, de manière manifeste ou dissimulée, est toujours présent »53. Les organisations des musulmans russes qui, par ailleurs, ont décidé en 2009 de s’unir en une seule structure, sont des partenaires du Patriarcat dans la lutte commune contre les sectes et l’extrémisme religieux auxquels les deux confessions s’efforcent de faire face.
69Les critiques à l’adresse de l’EOR sont nombreuses de la part de ses opposants aussi bien religieux (protestants, catholiques, vieux-croyants, sectes) que laïques (libéraux, journalistes, défenseurs des droits de l’homme). Il lui est reproché sa pression sur les pouvoirs locaux quand ils s’opposent à l’enregistrement de certaines communautés religieuses, et son interventionnisme dans les structures d’État, dans le système de l’enseignement et dans l’armée.
Conclusion
70Après 70 ans de pouvoir soviétique, le penchant de la société russe pour l’orthodoxie s’explique tout d’abord par la quête d’une identité culturelle et nationale. Vingt ans après la disparition de l’URSS, dans la pratique courante l’attribution aux religions de statuts différents a perdu son sens. Les habitants de la Fédération de Russie choisissent eux-mêmes leur religion préférée même si elle est « importée ». La ligne directrice de centralisation de la vie politique et économique, adoptée et mise en œuvre par V. Poutine, s’est également répercutée sur la sphère religieuse qui se distinguait traditionnellement par une organisation pyramidale.
71L’Église essaye d’influencer l’État dans la prise de décisions d’importance nationale. Quant au pouvoir, il est plutôt enclin à utiliser le rôle et l’influence de l’Église dans la réalisation de ses nombreux programmes. On est loin du contexte où les hommes politiques se laissent guider par leurs convictions religieuses. Parler d’une conception claire des relations entre l’État et l’Église reste toujours prématuré.
72Le service social rendu par l’Église est apprécié par la société, notamment dans les sphères de la bienfaisance, de la charité, de l’éducation morale et patriotique, de l’aide et de l’assistance aux démunis.
73L’orthodoxie peut-elle jouer un rôle important dans la formation de la nouvelle idéologie nationale de l’État russe ? Quelle est sa place exacte et existe-t-il une place particulière de l’Église auprès du pouvoir et dans le pouvoir ? Dans quelle mesure le facteur confessionnel est susceptible d’être pris en compte par le pouvoir ? Les prochaines années seront essentielles pour répondre à ces questions et trancher le positionnement de l’État par rapport à l’Église orthodoxe et aux questions religieuses.
Notes de bas de page
1 Michail Chkarovskiy, Russkaâ pravoslavnaâ cerkov’ v XX veke [L’Église orthodoxe russe au 20e siècle], Moscou, Vetche/Lepta, 2010, p. 60, 127, 410.
2 Le site officiel de l’Église orthodoxe russe : http://www.patriarchia.ru, consulté le 23 octobre 2010.
3 Sur les églises orthodoxes dans l’espace postsoviétique voir : Christine Chaillot (Eds), L’Église orthodoxe en Europe orientale au XXe siècle, CERF, Paris, 2009.
4 À propos des Églises ukrainiennes voir : Natalka Boyko et Kathy Rousselet, « Les Églises ukrainiennes. Entre Rome, Moscou et Constantinople », Le Courrier des pays de l’Est, no 1045, 2004/5, p. 39-50.
5 Gueorgui Poltavtchenko est un ancien agent du KGB, proche de V. Poutine. En poste depuis 2000, il est le seul des représentants plénipotentiaires du Président russe dans les districts fédéraux à avoir une telle longévité politique. En 2005, avec le cinéaste Nikita Mikhalkov, il a parrainé l’action du transfert des dépouilles du général blanc Anton Denikine et du philosophe Ivan Iline en Russie. Il a également lancé l’idée de déplacer le corps de Lénine et d’autres « initiateurs des troubles » en estimant injustifiée leur place au cœur de l’État, à proximité immédiate de l’enceinte du Kremlin. Il a effectué un pèlerinage à Aphone (Grèce) et accompagne toujours V. Poutine lors des messes de Pâques à la cathédrale du Christ-Sauveur.
6 « Samyj čelovečnyi iz polpredov » [« Le plus humain des représentants plénipotentiaires »], Nezavissimaïa gazeta, le 2 octobre 2006.
7 Ibid.
8 Vladimir Vigilyansky, « The Russian Orthodox Church : Results of Twenty Years of Religious Freedom », dans Twenty Years of Religious Freedom (edited by Alexei Malashenko, Sergei Filatov), Carnegie Endowment, Moscow, 2009, p. 41-69.
9 Roman Lunkin, « Federal’nye okruga i religiâ : meždu pragmatizmom i « ohotoj na ved’m », [« Les districts fédéraux et la religion : entre pragmatisme et « chasse aux sorcières »], Frontier, Keston Institute, 2004, no 5, p. 37-44.
10 Le centre historique de cette région a été la ville de Novgorod la Grande, plus ancienne que Moscou, connue pour ses traditions démocratiques de gouvernance, y compris dans la sphère religieuse. Les prêtres, notamment, étaient élus par les paroissiens, une tradition qui a persisté jusqu’au 19e siècle. Devenue une « république autonome » au 12e siècle, Novgorod était gouvernée par le vetché (assemblée des citadins libres). Le chef de l’Église, officieusement également chef de la principauté, était élu par le vetché et non pas nommé par le métropolite de Kiev et plus tard de Moscou.
11 Pomorié est le nom historique donné aux terres russes septentrionales aux bords des mers Blanche et de Barents.
12 Sergei Filatov, Roman Lunkin, « Traditions of Lay Orthodoxy in the Russian North », Religion, State and Society, Volume 28, Issue 1, 2000, p. 23-35.
13 Sergei Filatov, « The vibrant Blossoming of the Enchanting Garden of Russian Spirituality : Twenty Years of Growth of Religious Diversity in Post-Soviet Russia », Twenty Years of Religious Freedom (edited by Alexey Malashenko, Sergei Filatov), Moscow, Carnegie Endowment, 2009, p. 8-40.
14 Lunkin Roman, « Kuban’ : kazačij ideal pravoslavnogo kraâ », [« Le Kouban : l’idéal cosaque du territoire orthodoxe »], [En ligne], Russki archipelag, [s.d.]. Disponible sur : URL <http://www.archipelag.ru/authors/lunkin/?library=1771>.
15 Ibid.
16 Kathy Rousselet, « L’Église orthodoxe russe entre patriotisme et individualisme », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 66, 2000, p. 13-24.
17 Une formation étatique des Cosaques sur le territoire actuel de l’Ukraine. En 1775, elle a été dissoute par Catherine II et suivie par une déportation des Cosaques sur la presqu’île de Taman, puis au Kouban.
18 « Ideologiâ kazačestva – Prava i obâzannosti kazaka [« L’idéologie des Cosaques – Droits et obligations des cosaques »] [En ligne]. kazak-szao.ru, [s.d.]. Disponible sur : URL <http://www.kazak-szao.ru/node/7>.
19 Sergei Filatov, « Religioznaâ žizn’ Povolž’â. Pragmatičnoe hristianstvo [« La vie religieuse de la région volgienne. Christianisme pragmatique »] [En ligne]. Archipelag, [s.d.]. Disponible sur : URL <http://www.archipelag.ru/authors/filatov/?library=1824>.
20 Ibid.
21 « Klass Božij » [« Classe de Dieu »], Vremja novostej, le 1er septembre 2010.
22 « Dal’nij Vostok ušël ot provoslaviâ » [« L’Extrême-Orient s’est éloigné de l’orthodoxie »], Svobodnaja pressa, le 9 décembre 2010.
23 Gâteaux de Pâques en Russie.
24 Centre russe d’étude de l’opinion publique (WCIOM) : http://wciom.ru/index.php?id=269&uid=13381
25 Nikolaj Popov, « Naskol’ko my nabožny » [« À quel point sommes-nous croyants »], Mir Izmereniï, no 5, 2008, p. 54-61.
26 Georges Nivat, Vivre en Russie, L’Âge d’Homme, 2007, Lausanne, p. 143.
27 Le Centre analytique de Youri Levada : http://levada.ru/religion.html.
28 Voir à ce propos : Irène Semenoff-Tian-Chansky-Baïdine, « Les positions officielles de l’Église orthodoxe russe sur la société depuis 2000 », Nouveaux Cahiers du CETh, no 5, 2008, p. 117-128.
29 « Deklaraciâ o pravah i dostoinstve čeloveka » [« Déclaration des droits et de la dignité de l’homme »] [En ligne]. Patriachia, 4 avril 2006. Disponible sur : URL <http://www.patriarchia.ru/db/text/103235.html>.
30 Kathy Rousselet, « L’Église orthodoxe russe… », op. cit., p. 13-24.
31 « Russkaâ doktrina » [« La Doctrine russe »] [En ligne]. Rusdoctrina, [s.d.]. Disponible sur : URL <http://www.rusdoctrina.ru/page95507.html>.
32 http://www.islam.ru/pressclub/tema/klerzav, consulté le 28 octobre 2010.
33 « Nravstvennaâ osnova modernizacii » [« Les fondements moraux de la modernisation »] [En ligne], 2010. Disponible sur : URL <http://www.mk.ru/include/docs/rostovsk001.pdf>.
34 Boris Filatov, « Râsa dlâ modernizacii » [« Soutane pour la modernisation »] [En ligne]. Gazeta, 25 février 2010. Disponible sur : URL <http://www.gazeta.ru/comments/2010/02/25_a_3329298.shtml>.
35 Agnieszka Moniak-Azzopardi, « Pouvoir religieux et pouvoir politique », Pouvoirs, no 112, janvier 2005, p. 93-109.
36 Les Fondements de la doctrine sociale de l’Église orthodoxe russe : http://www.patriarchia.ru.
37 Cité par Ol’ga Antonova, Natal’ja Kostina, « Rol’ religioznyh obŝnostej v realizacii social’noj politiki » [« Le rôle des communautés religieuses dans la réalisation de la politique sociale »], Socis, no 9, 2009, p. 89-96.
38 De toute apparence, cette idée a été reprise des Américains. Sous la présidence de Georges Bush a été élaboré un programme d’État intitulé Les initiatives basées sur la foi, qui faisait partie de la doctrine du « conservatisme compassionnel ». À l’instar des organisations publiques, l’État octroie de l’argent aux organisations religieuses, sans distinction, pour des activités philanthropiques et de bienfaisance, le prosélytisme étant exclu. Dans leur ensemble, ces Initiatives ont été soutenues par les Américains bien qu’une minorité les ait dénoncées en les qualifiant d’atteinte au principe fondamental de la laïcité prônant une séparation de l’État et de l’Église.
39 Komsomol’skaja pravda, le 8 décembre 2009.
40 Kathy Rousselet, « Les figures de la laïcité postsoviétique en Russie », Critique internationale, no 44, 2009/3, p. 51-64.
41 Kommersant, le 21 novembre 2008.
42 « Politika RPC : konsolidacija ili razval strany » [« La politique de l’EOR : consolidation ou débâcle du pays ? »], Novaja gazeta, le 23 juillet 2007, annexe Centaure, no 3.
43 C’est encore en 2002 que le patriarche Alexis II a appelé l’État à intégrer dans le programme scolaire « Les principes de la culture orthodoxe », provoquant ainsi une vague d’indignation parmi les partis politiques (communistes, libéraux) et dans la société en général.
44 Le site officiel de l’Église orthodoxe russe : http://www.patriarchia.ru, consulté le 15 octobre 2010.
45 « Document final des 6e lectures instructives internationales de Noël » : http://dl.biblion.realin.ru.
46 Komsomolskaïa pravda, le 12 février 2010.
47 « La Conception de la sécurité nationale de la Fédération de Russie », Nezavissimaïa gazeta, le 14 janvier 2000.
48 « Basic Principles of Attitude to the Non-Orthodox » : http://www.mospat.ru.
49 Kimmo Kaariajnen, Dmitri Furman, « Religioznost’ v Rossii na rubeže XX-XXI stoletij » [« La religiosité en Russie à la charnière des XXe-XXIe siècles »], Obščestvennye nauki i sovremennost’, no 1, 2007, p. 103-119.
50 Maasamisi Sasaki, Vladimir Davydenko, Garif Romashkin, Natalia Latova, « Problems and Paradoxes of Institutional Trust as an Element of Social Capital in Modern Russia Analysis », Journal of Institutional Studies, Tom 1, 2009, p. 20-35.
51 « To Recognize Christ in His People : Declaration by a Round Table of Eastern Orthodox Priests and Cultural Representatives » [En ligne]. Jewish-Christian Relations, 1 juin 2007. Disponible sur : URL <http://www.jcrelations.net/en/?item=2840>.
52 Voir, par exemple : Métropolite Ioan, « Ne nado boât’sâ nazyvat’ veŝi svoimi imenami » [« Il ne faut pas avoir peur de nommer les choses par leurs noms »], http://www.rusprav.org/biblioteka.
53 Alexandre Malašenko, Islam dlja Rossii [L’Islam pour la Russie], Moscou, ROSSPEN, 2007, p. 126.
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