Entre Manche et Mer du Nord, entre Grande-Bretagne et continent, les relations à travers le détroit dans les premiers siècles médiévaux
p. 205-220
Note de l’éditeur
Publié dans Les champs relationnels en Europe du Nord et du Nord-Ouest des origines à la fin du premier Empire, actes du colloque de Calais, éd. Stéphane Curveiller, Calais, 1994, p. 29-43.
Texte intégral
1Ad Bononiam civitatem maritimam, ubi eadem naves congregatae erant, accessit, farumque ibi ad navigantium cursus dirigendos antiquitus constitutum restauravit et in summitate ejus nocturnum ignem accendit1. Voici comment, à l’année 811, les Annales regni Francorum évoquent la visite que Charlemagne rendit à la cité maritime de Boulogne pour y inspecter sa flotte de guerre, et surtout pour y restaurer l’activité du phare antique. Cela faisait semble-t-il plusieurs siècles qu’aucun feu n’avait été allumé au sommet de cette tour très élevée bâtie sur ordre de Caligula, et que Suétone n’avait pas hésité à comparer au prestigieux Pharos d’Alexandrie2. Sans doute l’abandon, aux environs de 256-275, de la Classis Britannica et de ses installations continentales3 avait-il mis un terme à l’entretien du phare, devenu inutile.
2Je voudrais évoquer dans les pages qui suivent l’histoire maritime du détroit ou « pas » de Calais – entendu lato sensu, puisqu’il nous faudra de toute façon brasser un horizon qui ira du Schleswig-Holstein jusqu’aux rivages de la Manche centrale – dans ces quelques siècles où la lumière a cessé de briller sur son animation. Et pas seulement la lumière du phare de Boulogne, mais aussi celle de la documentation écrite, raréfiée et en tout état de cause difficile à interpréter. Heureusement les extraordinaires progrès récents de l’archéologie permettent de jeter un éclairage nouveau sur ces Dark Ages qui le sont de moins en moins ; et de montrer comment, après des siècles de transition où la piraterie et les mouvements de populations ont perturbé les relations que Rome avait su tisser entre la Gaule du Nord et la province (devenue sous Dioclétien diocèse) de Britannia, un nouveau système de communications trans-Manche vit le jour au tournant du VIe et du VIIe siècle, et imposa finalement – pour près de trois siècles – Quentovic d’une part, et la nouvelle génération des ports du Kent d’autre part, comme principales têtes de pont dans l’organisation des échanges entre le continent et le Sud britannique.
Le détroit aux derniers siècles de l’Empire romain
3La paix et la prospérité romaines avaient en effet permis le développement de relations à dominante méridienne entre la Gaule du Nord et la Bretagne, qui s’identifièrent plus ou moins avec l’histoire de la Classis Britannica, mais qui atteignirent peut-être leur point d’orgue quelques années après son abandon, précisément en 286-293, lorsque Carausius, ce Ménapien que Maximien venait de promouvoir à la tête de la flotte de la Manche, usurpa le titre impérial et gouverna un très éphémère empire incluant la Bretagne et le nord de la Gaule, à cheval par conséquent sur les deux rives du détroit4. Mais depuis quelques années déjà, ces relations avaient été perturbées par une piraterie devenue bientôt endémique, qui avait précisément rendu nécessaire l’armement de la flotte spéciale confiée à Carausius5, et encouragé l’usurpation de son chef que des désaccords tactiques opposaient à Rome. La suite de l’histoire, et surtout le poids historiographique de Gildas, de Bède et de quelques autres, amenèrent la tradition à ne voir que Saxons – en fait ce nom recouvre un conglomérat récent de peuples du Schleswig-Holstein et de l’Allemagne du Nord – derrière ces activités de piraterie, au fond difficilement dissociables des mouvements migratoires qui avaient conduit vers les côtes de la (Grande-) Bretagne et de la Gaule nord-occidentale une bonne partie des populations maritimes de la Germanie libre et de la région des bouches du Rhin. Mais les sources latines contemporaines du premier paroxysme atteint au IVe siècle, Histoires d’Aurelius Victor, d’Eutrope, d’Orose ou encore d’Ammien Marcellin, et Panégyriques des empereurs successifs, vitupèrent autant, sinon plus, contre d’autres pirates, spécialement francs6, au point qu’on peut penser que ce sont toutes les côtes continentales de la mer du Nord, depuis le Jutland jusqu’au delta conjoint de la Meuse et du Rhin, qui lâchèrent en direction de l’Ouest l’agressivité de leurs équipages, dont, en ces temps de brassages, d’éparpillements et de regroupements des populations de la grande plaine maritime, les contours ethniques n’étaient pas clairement définis, surtout aux yeux des observateurs romains7.
4Ces mouvements de piraterie étaient peut-être même si peu saxons que l’historien britannique Ian Wood s’est récemment demandé, contre l’opinion généralement reçue, si le Litus Saxonicum, ce dispositif fortifié évoqué dans la Notitia Dignitatum et installé par les Romains – c’est-à-dire, sans doute, Théodose ou Honorius – le long des côtes, spécialement insulaires, de la mer du Nord et de la Manche8, ne fut pas un rivage défendu par les Saxons plutôt que contre les Saxons9. De très bons arguments viendraient assurément soutenir une semblable hypothèse : sans même soulever le redoutable problème de l’origine de l’immigration germanique en (Grande-) Bretagne, dont on a quelque raison de penser qu’elle a été initiée par l’installation sous l’égide de Rome de fédérés ou autres contingents de troupes auxiliaires venus dans la grande île depuis les contrées littorales de la Germanie libre10, le fait que dans les environs immédiats du fort continental d’Oudenburg, près de Bruges – dont la construction remonte peut-être à la fin du IIIe siècle mais qui fut sûrement intégré à la fin du suivant dans le Litus Saxonicum11 –, on a retrouvé avec une certaine profusion de la céramique proto-mérovingienne à dégraissant végétal caractéristique d’une technique de fabrication traditionnellement saxonne, suggère qu’elle a été produite sur place par les descendants d’immigrants saxons engagés dans la défense côtière de la Gaule du Nord12.
5Ces mouvements à dominante est-ouest n’eurent donc pas pour seul résultat le démantèlement du système romain de communications sud-nord, en particulier à travers le pas de Calais. Ils aboutirent aussi à déplacer vers l’Ouest, et à installer durablement non seulement sur les côtes de l’est et du sud britanniques, mais aussi, quoique d’une manière plus discontinue, sur celles du continent, un peuplement aussi varié que celui de la terre d’origine des migrants. Il faut rappeler en effet que, depuis le Jutland jusqu’aux bouches du Rhin, les côtes méridionales de la mer du Nord étaient devenues au cours des IIIe -IVe siècles un véritable melting-pot, dans lequel, si la plupart des populations préexistantes avaient été englobées dans les nouvelles confédérations franque (dominante à l’ouest) ou saxonne (dominante à l’est), subsistaient ici et là dans leur singularité les Jutes du nord-Jutland, les Angles du sud-Jutland et du Schleswig-Holstein, les Frisons du bords du lac Flevo (ancêtre de l’Ijsselmeer ou Zuiderzee), sans parler de ces éléments Varnes, Hérules ou Thuringiens dont une lettre de Théodoric suggère l’éventuelle présence sur les bords du bas Rhin à l’aube du VIe siècle13. Or, les mouvements de migration maritime vers la (Grande-) Bretagne ne se sont pas limités au fameux trinôme évoqué par Bède le Vénérable – advenerant de tribus Germaniae populis fortioribus, id est Saxonibus, Anglis, Iutis14. Il est quasiment certain, en effet, si l’on se réfère à une argumentation plus juridique et archéologique qu’historiographique, que des Francs et des Frisons participèrent à l’aventure britannique, les premiers dans le Kent et les régions avoisinantes15, les seconds sur les côtes orientales depuis l’East Anglia jusqu’à la Northumbrie16. Inversement, on sait depuis longtemps déjà que des Saxons s’installèrent sur le continent dans un environnement qui allait devenir majoritairement franc : cela ne concerna pas seulement le Boulonnais, le Bessin ou l’Anjou, où la présence saxonne est connue depuis longtemps grâce aux sources anciennes, spécialement aux Livres d’histoires de Grégoire de Tours, et à l’enquête toponymique, surtout féconde en Basse Normandie et en Boulonnais grâce à l’abondance des noms en -ham ou en -thun17, mais aussi les côtes du Ponthieu et la basse vallée de l’Orne, où les fouilles de cimetières ont révélé un important mobilier saxon18, et où, au moins dans le cas particulier de la nécropole picarde de Vron, l’enquête ostéologique en cours paraît devoir démontrer d’étroites connexions anthropologiques avec le Schleswig-Holstein19.
Un nouvel état des lieux (VIe -VIIe siècles)
6Le fait qu’il y eut désormais à l’est et à l’ouest du détroit, soit sur les rivages de la mer du Nord et sur ceux de la Manche, mais aussi au nord et au sud, soit sur les rivages de ce qui était en train de devenir l’Angleterre et sur ceux d’une Gaule en voie d’intégration dans le royaume franc, des populations d’origine germanique, très proches culturellement et linguistiquement les unes et des autres, ce fait explique que, dès avant le retour à une paix maritime relative –assurément atteinte dans le courant du VIe siècle, après que le Danois Chlochilaichus eut lancé, sans doute vers 523, un ultime raid sur les côtes de la Gaule septentrionale20 –, des liens pacifiques ont été de nouveau tissés à travers la Manche, que les sources du temps qualifiaient tantôt de mare Britannicum, tantôt de mare Gallicum – en attendant qu’apparut, plus tard, mare Anglicum21.
7Pour preuve, justement, les découvertes faites dans les tombes du Ponthieu et de la plaine de Caen. Ici (soit dans les nécropoles de Frénouville Giberville, Hérouvillette, Saint-Martin-de-Fontenay ou, tout récemment fouillée, Sannerville) et là (soit à Waben, Vron et Nouvion-en-Ponthieu), tandis que les premières générations inhumées – le plus souvent au IVe siècle, parfois même dès la fin du IIIe – avaient été accompagnées dans l’autre monde par un matériel provenant souvent de Basse-Saxe ou du Schleswig-Holstein – par exemple des fibules en arbalètes ou ansées – témoins de relations dominantes est-ouest, les tombes de la deuxième moitié du Ve et du VIe siècle ont plutôt livré un matériel suggestif d’échanges avec le sud britannique, par exemple le Kent ou l’île de Wight, comme l’attestent le nombre des fibules rondes (disc brooches) ou des fibules cupelliformes (button brooches), ou encore celui des vases ou urnes de céramique non tournée au décor linéaire qui y ont été découverts22. L’hésitation des archéologues à attribuer la présence de ces dernières poteries, en particulier de celles découvertes à Waben, à un mouvement d’importation ou au contraire à une fabrication sur place par des artisans venus d’outre-mer suggère bien, tout compte fait, l’intimité des contacts noués de part et d’autre du Channel par des populations en voie de stabilisation23.
8Mais les textes du VIe siècle, de même d’ailleurs que les fouilles, ne montrent rien de palpable sur l’éventuelle existence de places de commerce spécifiques ni sur celle d’un corps de marchands professionnels24. D’ailleurs, aucun des peuples nouvellement installés dans les contrées maritimes ne frappait encore monnaie : tous continuaient de vivre dans la dépendance du standard antique imité par les monétaires de l’intérieur de la Gaule – si du moins le besoin de numéraire se faisait sentir pour eux, ce qui n’est pas évident. Car les échanges alors pratiqués entre les deux rives du détroit, et plus généralement entre le nord de la Gaule et le Sud britannique, paraissent avoir procédé de contacts diffus, de troc, et peut-être de la pratique du don et du contre-don qui faisait partie des bons usages diplomatiques, singulièrement dans le milieu des élites, le seul que la documentation écrite du temps éclaire quelque peu. Car celle-ci s’intéressait plus que tout à la première tentative de christianisation de la cour royale du Kent sous influence franque, après le mariage, vers 580, du roi Aethelbert avec la princesse Berthe, fille du roi de Paris Caribert25.
9Témoin privilégié et point d’aboutissement de cette première phase médiévale d’échanges pacifiques de part et d’autre du détroit, la fameuse tombe à navire no 1 de la nécropole royale de Sutton Hoo, près de Woodbridge dans le Suffolk26. Tout le mobilier de cette sépulture datée du deuxième quart du VIIe siècle, qui fut plus vraisemblablement celle du roi d’East Anglia Sigebert que de son père Raedwald27, plaide en effet pour des flux tenant davantage de cadeaux diplomatiques que d’échanges commerciaux, et ce n’est pas seulement le cas des quelques plats, bols et couverts d’argent originaires de l’Orient byzantin placés dans la tombe comme dépôts funéraires, mais aussi celui du trésor de monnaies qui a permis de dater approximativement la sépulture : sous un élégant fermoir de bourse ont en effet été retrouvés deux petits lingots d’or, trois flans non frappés et trente-sept trientes d’or, tous frappés en Gaule entre 575 et 625, mais dans trente-sept ateliers différents28. Ce trésor de trente-sept pièces a donc tout d’une collection artificiellement constituée (cadeau d’origine diplomatique, elle aussi ?), que les trois flans et les deux lingots sont venus délibérément compléter – peut-être, comme l’a proposé Philip Grierson, pour permettre de payer symboliquement, avec quarante pièces au total, les quarante rameurs/passeurs vers l’autre monde, et avec les deux lingots, le pilote et le timonier responsables du dernier voyage du défunt29.
Le détroit dans son plus vaste environnement

10L’une de ces trente-sept pièces doit maintenant retenir notre attention. Elle annonce une seconde phase dans l’histoire médiévale des relations à travers le détroit, marquée par les premiers développements d’une économie à proprement parler commerciale, dont les prodromes peuvent être repérés au tournant du VIe et du VIIe siècle. Il s’agit d’un triens d’or du meilleur aloi (96,5 %), frappé vers 590-600 avec la légende QVANTIA, donc sur les bords de la Canche, en un lieu qui n’était peut-être pas encore Quentovic, mais qui indubitablement signalait son prochain développement30. Cette époque fut aussi celle qui vit, juste après les premières frappes de trientes frisons, la première diffusion des thrymsas anglo-saxons, d’abord frappés à Canterbury et à Londres, les uns comme les autres copies des tiers de sous issus des ateliers du nord de la Gaule31. De toute évidence, les tout-débuts du VIIe siècle ont vu le passage, quasi simultané sur les deux rives du détroit, d’une économie d’échanges peu structurée à une économie d’échanges véritablement commerciaux – qui exigea non seulement un recours systématique au numéraire, mais bientôt aussi le développement de structures portuaires.
11Celui-ci put être favorable à de vieilles cités, désormais revitalisées, comme Nantes, Rouen, Amiens, York, ou surtout, plus proche du détroit, Londres, qui, suivant le commentaire – certes postérieur d’un siècle – de Bède le Vénérable, était déjà un emporium fréquenté par de multi populi terra marique venientes quand l’évêque Mellitus y débarqua en 60432. Mais ce nouveau développement fut surtout favorable à des sites neufs, simples postes de traite au départ, mais auxquels leur premier essor donna bientôt une envergure internationale. Les premiers qu’on entrevoit dès les environs de 600, en fait grâce à la seule archéologie, furent Ipswich (originellement Gipeswic), dans le Suffolk, et Walcheren, sur l’île zélandaise du même nom (à l’emplacement de l’actuelle bourgade de Domburg) : comme on a trouvé dans le premier une importante quantité de céramiques importées des Pays-Bas et dans le second de nombreuses monnaies en provenance de l’Angleterre du sud-est33, on peut penser qu’ils étaient en contact l’un avec l’autre, et qu’ils commandaient une même ligne de navigation, située sensiblement à l’est du détroit. En tout cas, l’apparition conjointe de ces deux ports au tournant du VIe et VIIe siècle donne le signal d’une véritable prolifération de ports apparus dans des sites absolument neufs (comme Ipswich) ou presque neufs (comme Walcheren, où, à la fin du IIIe siècle après J. C., un raz-de-marée avait mis un terme à l’existence d’un important sanctuaire). De Hamwich (à l’emplacement de la future Southampton) jusqu’à Sliaswich (un peu au sud de la future Schleswig), en passant par le plus important, Dorestad (aujourd’hui Wijk-bij-Duurstede), situé à la tête du delta du Rhin, ils surgirent au VIIe et au VIIIe siècle34, indifféremment qualifiés par les sources contemporaines d’emporium, de portus, et surtout de vicus, et souvent désignés par ces toponymes en -wic, -wich, -wih, -wijk, -wig, par lesquels, sans doute, les populations maritimes ont germanisé le latin vicus, en l’appliquant de préférence à des sites portuaires de bords de mer, de fonds d’estuaires ou de têtes de deltas35.
Quentovic et les ports du détroit
12Mais concentrons-nous sur la région du détroit, où précisément sont apparus dans le courant du VIIe siècle plusieurs ports nouveaux, qu’on appellera, comme la plupart des spécialistes aujourd’hui en conviennent, des wiks. Du côté britannique, c’est sur la côte orientale du Kent, plus précisément sur les bords du Wantsum Stour, chenal qui séparait alors – en cette ultime phase de la deuxième transgression dunkerquienne – l’île de Thanet de la péninsule du Kent, qu’apparurent dans les sources des VIIe et VIIIe siècles les noms de Sandwic (Sandwich), de Fordewicum (Fordwich) et de Serras (Sarre). Le premier, vicus des sables, est cité comme le « port du salut » dans l’excellente Vita Wilfridi écrite par Stéphane de Ripon : c’est là en particulier que Wilfrid, au retour du continent, débarqua en 664 après avoir été consacré évêque de Northumbrie. Le second, vicus du gué, tout proche de Canterbury, est cité dans une charte du roi Hlothere de Kent datée de 675. Dans le troisième, Sarre, un grand cimetière a été fouillé, où on a retrouvé entre autres des tombes de marchands recelant des balances36. Curieusement, même si on n’était jamais très loin de Douvres (l’ancienne Dubris), ni surtout du fort de Richborough (Rutupiae), voisin de Sandwich, les structures portuaires antiques ont alors été quasiment abandonnées : tout montre que les hommes de ce temps accordèrent leur préférence à des emplacements nouveaux, privilégiés par les avantages de leur site ou de leur situation – un gué ici, une plage de sable là, dans tous les cas situés à l’abri des agressions de la pleine mer, et encombrés de hauts fonds que ne redoutaient pas les bateaux de ces peuples marins, que leur fond plat ou vaguement arrondi (davantage connu par les monnaies au « type du navire » que par l’archéologie) permettait d’échouer sur n’importe quelle rive sableuse37. Si le premier développement de ces ports fut sans doute empirique, les rois du Kent s’intéressèrent bientôt à eux, pour des raisons autant fiscales que politiques : c’est en effet du règne de Hlothere que date un code de loi mentionnant l’existence dans le royaume d’un wic-gerefa (ou wic-reeve), c’est-à-dire d’un prévôt chargé de la police du wic et sans doute de la perception des tonlieux que donnent à connaître les chartes38.
Les ports du Kent (VIIe -VIIIe siecles)

13La première histoire de ces ports ressemble étrangement à celle de Quentovic, le wik de la Canche, qui apparaît dans la documentation comme leur correspondant de l’autre côté du Channel39. La basse vallée de la Canche avait connu une certaine activité à l’époque romaine, qu’attestent les vestiges antiques découverts ici et là, en particulier à Étaples40. La frappe de monnaies à la légende QVANTIA semblables à celle qui a été découverte dans le trésor de Sutton Hoo suggère que, vers 600, le trafic y était suffisamment important pour justifier l’active présence sur place d’un monétaire. Mais c’est seulement dans les décennies suivantes que l’activité monétaire, donc sans doute le trafic auquel elle était associée, se sont concentrés dans un site particulier – un wik, donc – de la rive gauche de la Canche (qui, notons-le, constituait la limite septentrionale du Ponthieu), puisque c’est alors qu’une nouvelle génération de trientes fut frappée à WIC IN PONTIO, comme on le lit sur l’une des pièces enfouies aux environs de 640 avec le trésor de Crondall, dans le Hampshire41. Les sondages archéologiques récemment effectués dans la commune de la Calotterie, en particulier dans ces lieuxdits – Visemarest, Monthuis – dont les formes anciennes – Wis-es-Maretz, Mont-a-Wis – évoquent le souvenir du Wi(cu)s, confirment que c’est sur la rive gauche de la rivière qu’était situé le port42, apud sanctum Jodocum, tout près du monastère de Saint-Josse donc, comme le grand Alcuin nous en avait averti depuis longtemps dans une de ses lettres43.
14Or, au même titre que c’est en Angleterre qu’ont été découvertes les premières monnaies de Quentovic, c’est dans des sources insulaires du début du VIIIe siècle, donc bien antérieures à la littérature épistolaire léguée par Alcuin, qu’on trouve les premières occurrences écrites du nom du nouveau wicus : d’une part dans l’Histoire ecclésiastique de Bède le Vénérable, où Qvaentavic est évoqué à propos du voyage qui, en 668, amena depuis Rome jusqu’à son siège de Canterbury l’évêque Théodore de Tarse, d’autre part dans la Vita Wilfridi de Stéphane de Ripon, où il est dit que si Wilfrid d’York, en route pour Rome en 678, débarqua finalement en Frise, la via rectissima eût impliqué qu’il passât par Qvvoentawic44.
15Voici donc bien le site qui, plus que le tout proche Wissant, plus – surtout – que Boulogne dont on a évoqué plus haut la destinée, apparaissait aux Anglo-Saxons des VIIe -VIIIe siècles comme la tête de pont quasi obligée dans leurs relations avec le continent. Cela peut paraître paradoxal quand on regarde une carte. Mais pas quand on se rappelle l’importance vraisemblable du peuplement saxon dans les nécropoles du bas-Ponthieu : d’ailleurs le polyptyque de Saint-Bertin, daté du milieu du IXe siècle, enregistre encore parmi les occupants du village de Tubersent, tout proche de la basse vallée de la Canche, un dénommé Saxger et un autre Alfvvardus ille Saxo45. Quand on réalise que le nom de presque tous les monétaires – DAGULFUS, DUTTA, ANGLUS, DONNA, ELA – enregistrés sur les premiers trientes frappés à Wic au cours du VIIe siècle appartiennent à une anthroponymie plus certainement anglo-saxonne que franque46, on a toutes les raisons de penser que Quentovic a été fondé par des Anglo-Saxons, et que c’est à eux que ce site de fond d’estuaire, parsemé de hauts fonds comparables à ceux du Wantsum Stour, dut le premier développement d’une activité à proprement parler marchande.
16Mais ce qui, indubitablement, fouetta le trafic du port au point d’en faire le principal débouché maritime de la Neustrie des VIIIe -IXe siècles et sa principale tête de pont en direction de l’Angleterre, ce fut l’intérêt que, comme dans le Kent, lui vouèrent les autorités de l’arrière-pays, spécialement les rois et les maires du palais de Neustrie, et par voie de conséquence son intégration dans un vaste hinterland gagné par la croissance des premiers temps carolingiens, et pour qui s’imposait la nécessité de contacts – au demeurant autant spirituels qu’économiques – avec l’outre-mer. L’intérêt des autorités s’exprima d’une part dans la mainmise royale sur l’atelier monétaire, où furent désormais frappés des deniers d’argent, et qui s’imposerait au cours du IXe siècle comme le plus important de l’ensemble de la Francie occidentale après celui du Palais47 ; d’autre part dans l’institution à Quentovic d’une douane attestée au plus tard en 779, et dont le procurator responsable avait dès 787 acquis une supériorité administrative sur les autres douanes de Neustrie48. Quant au rayonnement sur l’arrière-pays, il suffit de dire qu’aux VIIIe -IXe siècles nombre de grandes institutions ecclésiastiques de Neustrie, souvent proches (comme Saint-Bertin, Saint-Vaast, ou Saint-Riquier), mais aussi parfois éloignées (comme Ferrières-en-Gâtinais, ou Fontenelle) cherchèrent à acquérir du bien ou dans le wicus même ou dans ses parages immédiats49 ; et que telle d’entre elles qui, comme Saint-Germain-des-Près, n’y acquit pas de bien, mais s’y était fait exempter du paiement de tout tonlieu, exigea de certains de ses tenanciers briards ou beaucerons des charrois annuels jusqu’à Quentovic50.
17L’estuaire de la Canche était alors devenu une clef si essentielle – on a presque envie de dire si exclusive – des relations entre le pouvoir franc et les royautés insulaires que c’est le procurator [royal] in Quentawic Geroald et le prefectus emporii Quentovici Grippo qui, respectivement en 787 et en 858-868, furent envoyés comme ambassadeurs en Angleterre pour régler aussi bien les projets de mariage princiers que les contentieux diplomatiques ou commerciaux qui opposaient les royautés des deux côtés de la Manche51. Qu’il y eût de semblables contentieux, et surtout qu’on cherchât à les régler montrera mieux que n’importe quel discours l’intimité retrouvée des contacts de tous ordres entre les deux rives du détroit. Les Anglo-Saxons de Grande-Bretagne, auxquels dès l’origine s’étaient mêlés des Francs et des Frisons, et les Francs de Gaule, qui avaient dû ménager une place importante, surtout le long du littoral, au peuplement saxon, avaient su, dès le VIIe siècle, donner une nouvelle ampleur, et surtout des structures d’encadrement, aux échanges confus qui s’étaient noués entre la Grande-Bretagne et le continent dès que les peuples marins, culturellement très proches les uns des autres, se furent stabilisés de part et d’autre du Channel.
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18Mais cette intimité retrouvée, où le missionnaire utilisait le bateau du marchand, et où les livres pieux et les métaux précieux donnaient un fret de retour à des navires délestés de leur cargaison de vin, allait être bientôt menacée, l’était même déjà en ce tout début du IXe siècle, quand les premières voiles scandinaves eurent fait leur apparition à l’horizon des côtes de la Gaule du nord et de l’Angleterre du sud-est. En effet, si Charlemagne vint, en 811, redonner vie – une vie toute militaire – au port de Boulogne et rallumer son phare, c’est qu’un an plus tôt les Vikings danois avaient dévasté les côtes de Frise, et que la menace exigeait des mesures de défense. Les mouvements agressifs des bateaux venus de l’est allaientils déstructurer aussi durablement et aussi profondément les contacts méridiens noués entre la Grande-Bretagne et le continent que ne l’avaient fait naguère ceux des Francs et des Saxons qui s’étaient engouffrés à travers le détroit ? C’est une tout autre histoire.
Notes de bas de page
1 Annales regni Francorum, a° 811, éd. Reinhold Rau, Quellen zur karolingischen Reichsgeschichte, vol. 1, Berlin 1960, p. 98.
2 Suétone, Caligula, ch. 46 ; cité par Claude Seillier dans le chapitre 1 de l’Histoire de Boulogne-sur-mer, dir. Alain Lottin, Lille 1983, p. 17. On verra à la p. 16 de cet ouvrage une reproduction figurée, d’après un original de 1611, du phare romain de Boulogne dit Tour d’Odre.
3 Claude Seillier, ibid., p. 21 ; ou encore, du même, « Boulogne, base navale romaine », dans Les hommes et la mer dans l’Europe du nord-Ouest de l’Antiquité à nos jours, actes du colloque de Boulogne-sur-Mer (1984), éd. Alain Lottin, Jean-Claude Hocquet, Stéphane Lebecq, no hors série de la Revue du Nord, Villeneuve d’Ascq 1986, p. 163-178.
4 Voyez Peter Hunter Blair, Roman Britain and early England (55 BC – AD 871), 2e éd., Londres 1975, p. 96-98 ; ou Peter H. Sawyer, From Roman Britain to Norman England, Londres 1978, p. 64-65.
5 Propulsandis Germanis maria infestantibus, telle fut, d’après le Livre des Césars (XXXIX, 20) d’Aurelius Victor, la mission confiée à Carausius ; cité par Ian Wood, « The Channel from the 4th to the 7th centuries AD », article cité à la note suivante, p. 93.
6 Pour tout cela, je renvoie à Ian Wood, « The Channel from the 4th to the 7th centuries AD », dans Sean McGrail, Maritime Celts, Frisians and Saxons, actes du colloque d’Oxford (1988), Council for British Archaeology, Research Report no 71, Londres 1990, p. 93-97 ; et à John Haywood, Dark Age Naval Power. A reassessment of Frankish and Anglo-Saxon seafaring activity, Londres-New York 1991, en part. le chapitre 2, « The third-and fourth-century raids of the Franks and Saxons », p. 23-50. Bien que je ne sois pas toujours d’accord avec eux, je dois énormément à ces deux travaux.
7 Sur cette question, longtemps débattue et aujourd’hui dominée par les ouvrages de Walter Lammers éd., Entstehung und Verfassung des Sachsenstammes, Darmstadt 1967, et de Reinhardt Wenskus, Stammesbildung und Verfassung. Das werden der frühmittelalterlichen Gentes, Cologne-Graz 1961, il faut désormais ajouter la thèse malheureusement inédite de Frantz Pellaton, Pouvoir et société chez les Saxons d’Auguste à Charlemagne, 2 vol. dactylographiés, Université de Paris X-Nanterre, 1994.
8 La Notitia Dignitatum évoque en effet le comes litori Saxonici per Britanniam (cité par Ian Wood, article cité note 6, p. 94). Il existe une littérature importante, spécialement archéologique, sur la question ; il suffit de renvoyer à Stephen Johnson, The Roman forts of the Saxon Shore, Londres 1976 ; et à D. E. Johnston éd., The Saxon Shore, Council for British Archaeology, Research Report no 18, Londres 1977.
9 Ian Wood, article cité note 6, p. 93-95.
10 D’une littérature particulièrement abondante, je retiens Peter H. Sawyer, From Roman Britain to Norman England, op. cit. ci-dessus note 4, p. 84-85 ; ou J. N. L. Myres, The English Settlements, paperback edition, Oxford 1989, p. 13-14.
11 Voyez Hugo Thoen, De Belgische kustvlakte in de Romeinse tijd. Bijdrage tot de studie van de landelijke bewoningsgeschiedenis, Bruxelles 1978, p. 128-133 ; Josef Mertens, « Oudenburg and the northern sector of the continental Litus Saxonicum », dans The Saxon Shore, éd. D. E. Johnston (cité ci-dessus note 8), p. 51-62 ; ou John Haywood, Dark Age Naval Power, op. cit. ci-dessus note 6, p. 13 et 146 (n. 56).
12 Yann Hollevoet, « Céramiques d’habitats mérovingiens et carolingiens dans la région d’Oudenburg (Flandre occidentale, Belgique) », dans Daniel Piton éd., La céramique du Ve au Xe siècle dans l’Europe du Nord-Ouest, actes du colloque d’Outreau (1992), Travaux du groupe de recherches et d’études sur la céramique dans le Nord-Pas-de-Calais, no hors série de Nord-Ouest Archéologie, Arras 1993, p. 195-203, en particulier p. 203.
13 Aux ouvrages de Walter Lammers, Reinhardt Wenskus et Frantz Pellaton cités ci-dessus note 7, on ajoutera Claus Ahrens éd., Sachsen und Angelsachsen, catalogue d’exposition, Hambourg 1978 (une véritable mine d’informations, avec de très nombreuses contributions par les meilleurs spécialistes, spécialement Albert Genrich, « Ursprung und Ausbreitung der Altsachsen bis zum 5 Jahrhundert », p. 43-50) ; Lucien Musset, Les Invasions. Les vagues germaniques, Paris 1969, spécialement p. 149-164 ; Émilienne Demougeot, La formation de l’Europe et les invasions barbares, en particulier le t. 2 (en 2 vol.), De l’avènement de Dioclétien au début du VIIe siècle, Paris 1979, spécialement vol. 1, p. 240-246 ; ou encore les brillants essais de Ian Wood, The Merovingian North Sea, Alingsås 1983, spécialement p. 7-8, et de Jean-Pierre Poly, « La vengeance barbare et la détresse des Nibelungs », dans R. Verdier éd., La Vengeance III (Vengeance, pouvoirs et idéologies dans quelques civilisations de l’Antiquité), Paris 1984, p. 101-148.
14 Bede’s Ecclesiastical History of the English People, éd Bertram Colgrave et R. A. B. Mynors, Oxford 1969, livre 1, ch. 15, p. 50.
15 Voyez Vera Evison, The Fifth century Invasions South of the Thames, Londres 1965, ou son résumé « Les Francs en Angleterre au Ve siècle », dans Patrick Périn éd., Les Francs sontils nos ancêtres ?, Dossier Histoire et Archéologie, no 56, Dijon 1981, p. 70-77 ; Ian Wood, The Merovingien North Sea, op. cit. ci-dessus note 13, p. 13, ou id., « The Channel », article cité ci-dessus note 6, p. 95-96 ; et Edward James, The Franks, Oxford 1988, p. 103 et surtout p. 116-117.
16 Stéphane Lebecq, Marchands et navigateurs frisons du haut Moyen Âge, 2 vol., Lille 1983, vol. 1, p. 108-109, et vol. 2, p. 226 (où on trouvera le passage de l’Histoire des guerres de Procope de Césarée – milieu du VIe siècle – où il est dit que l’île de Brittia est peuplée d’Angles, de Frisons et de Bretons).
17 Voyez Ferdinand Lot, « Les migrations saxonnes en Gaule et en Grande-Bretagne », Revue Historique, t. 119, 1915, p. 1-40. Sur la toponymie boulonnaise, Maurits Gysseling, Toponymisch woordenboek van Belgie, Nederland, Noord-Frankrijk en West-Duitsland (voor 1226), 2 vol., Tongres 1960. Sur les Saxons en Anjou et sur les Saxones Baiocassini, voir Grégoire de Tours, Decem libri historiae. livre II, ch. 18-19 (Anjou) et livre X, ch. 9 (Bessin) ; trad. Robert Latouche, Grégoire de Tours. Histoire des Francs, 2 vol., Paris 1965, respectivement vol. 1, p. 106-107, et vol. 2, p. 271.
18 Pour la basse vallée de l’Orne, voir, dans une bibliographie multipliée par les fouilles de nécropoles récentes (voir ci-dessous note 22), Christian Pilet, « Un nouveau témoin de la présence anglo-saxonne en Basse-Normandie à l’époque mérovingienne : la fibule cupelliforme de Vierville (Manche) », dans Archéologie médiévale, t. 7, 1977, p. 83-93 ; id., « Le mobilier anglo-saxon de la nécropole de Frénouville », dans Centenaire de l’abbé Cochet, actes du colloque de Rouen (1975), Rouen 1978, p. 441-463 ; id., « Quelques témoignages de la présence anglo-saxonne dans le Calvados, Basse-Normandie (France) », dans Frühmittelalterliche Studien, t. 13, 1979, p. 357-381 ; ou encore Claude Lorren, « Des Saxons en Basse Normandie au VIe siècle ? À propos de quelques découvertes archéologiques funéraires faites récemment dans la basse vallée de l’Orne », dans Studien zur Sachsenforschung, t. 2, 1980, p. 232-259. Pour le Ponthieu, voir les monographies de Daniel Piton, La nécropole de Nouvion-en-Ponthieu, Berck-sur-mer 1985 ; Claude Seillier, « Développement topographique et caractères généraux de la nécropole de Vron (Somme) », dans Archéologie médiévale, t. 16, 1986, p. 7-32 ; id., « Les tombes de transition du cimetière germanique de Vron (Somme) », dans Jahrbuch des Römisch-Germanischen Zentralmuseums Mainz, t. 36, 1989, p. 599-634 ; et id., « Céramique de type anglo-saxon du cimetière de Waben (Pas-de-Calais) », dans Antiquités Nationales, t. 21, 1989, p. 83-89.
19 Voir, en attendant sa publication qu’on espère prochaine, la thèse dactylographiée de Joël Blondiaux, Essai d’anthropologie physique et de paléopathologie des populations du nord de la Gaule au haut Moyen Âge, Université de Lille III, 1989.
20 Cf. Grégoire de Tours, Decem libri historiae, livre III, ch. 3 ; trad. Robert Latouche citée ci-dessus note 17, vol. 1, p. 143. L’épopée du Beowulf se souviendrait de ce roi qu’elle appelle Hygelac.
21 La Manche est appelée « mer Britannique » par le premier auteur (début du IXe siècle) des Gesta des abbés de Fontenelle, « mer Gauloise » par le pseudo-Jonas, auteur (vers 800) de la Vie de saint Vulfran, et « mer anglaise » par Nicolas, auteur (au XIIe siècle) de la Vie de saint Lambert. Voir mes Marchands et navigateurs frisons cités ci-dessus note 16, vol. 2, Corpus des sources écrites, respectivement p. 182, p. 68 et p. 55.
22 Aux nombreuses publications évoquées note 18, on ajoutera Joseph Decaens, « Un nouveau cimetière du haut Moyen Âge en Normandie : Hérouvillette », dans Archéologie médiévale, t. 1, 1971, p. 1-125 ; Christian Pilet, La nécropole de Frénouville, British Archaeological Reports, International Series, no 83, 3 vol., Oxford 1980 ; id., À ciel ouvert, treize siècles de vie (VIe siècle av. J. C. – VIIe siècle ap. J. C.). La nécropole de Saint-Martin-de-Fontenay (Calvados), Paris 1987 ; id. et al., « Les nécropoles de Giberville (Calvados), fin Ve -fin VIIe siècles ap. J. C. », dans Archéologie médiévale, t. 20, 1990, p. 3-140 ; id. et al., « Le village de Sannerville, ‘Lirose’, de la fin de la période gauloise au VIIe siècle ap. J. C », dans Archéologie médiévale, t. 22, 1992, p. 1-190.
23 Voir Claude Seillier, « Céramique de type anglo-saxon du cimetière de Waben », article cité ci-dessus note 18, p. 88.
24 Je ne suis pas sûr en effet que Christian Pilet ait raison de parler d’activité commerciale à Giberville ou à Sannerville, ou encore d’un comptoir commercial à Bénouville (« Les nécropoles de Giberville », article cité ci-dessus note 22, p. 33-35 ; « Le village de Sannerville », article cité ci-dessus note 22, p. 37 et 39-40). Une forte concentration d’objets importés ne suffit pas à faire une place de commerce.
25 D’après l’Histoire ecclésiastique de Bède le Vénérable, livre I, ch. 25 (éd. Colgrave et Mynors citée ci-dessus note 14, p. 72-76). Voir Henry Mayr-Harting, The Coming of Christianity to Anglo-Saxon England, Londres 1972, p. 60-65 ; ou Ian Wood, The Merovingian North Sea, op. cit. ci-dessus note 13, p. 15-16, où est discutée la date du mariage d’Aethelbert et de Berthe.
26 Sur Sutton Hoo, voir la publication fondamentale : Rupert Bruce-Mitford éd., The Sutton Hoo Ship Burial, 3 vol., Londres 1975, 1978 et 1983 ; l’article de Martin Carver, « Sutton Hoo in context », dans Angli e Sassoni al di qua e al di la mare, 32e Settimana di studio de Spolète, 2 vol., Spolète 1986, vol. 1, p. 77-117 ; ou les petits manuels de Rupert Bruce-Mitford, The Sutton Hoo Ship Burial. A handbook, 2e éd., Londres 1972 ; d’Angela Care Evans, The Sutton Hoo Ship Burial, Londres 1986 ; ou de Charles Green, Sutton Hoo. The excavation of a royal ship-burial, Londres 1988.
27 Contre l’opinion généralement admise depuis Rupert Bruce-Mitford, c’est Ian Wood qui suggère avec de très bons arguments que la tombe peut être celle de Sigebert, dans « The Franks and Sutton Hoo », People and Places in Northern Europe 500-1600, Woodbridge 1991, p. 1-14. [Note additionnelle (2010) : je dois exprimer ici un repentir, car je suis maintenant convaincu que le mort de la tombe no 1 de Sutton Hoo est bel et bien le roi Raedwald – une identification qui permet de donner une solution à tous les paradoxes soulevés par le matériel découvert dans la tombe, notamment la présence de regalia ou de cuillers liturgiques chrétiennes].
28 Voir J. P. C. Kent, « The coins and the date of the burial », dans Rupert Bruce-Mitford, The Sutton Hoo Ship Burial, op. cit. ci-dessus note 26, vol. 1, p. 578-682.
29 Philip Grierson, « The purpose of the Sutton Hoo coins », dans Antiquity, t. 44, 1970, p. 14-18, ou Angela Care Evans. The Sutton Hoo Ship Burial, op. cit. ci-dessus note 26, p. 89.
30 Pièce no 25 : voir J. P. C. Kent, article cité ci-dessus note 28, p. 632.
31 Sur les premiers trientes frisons, dits du type de Dronrijp, voir, pour aller vite, mes Marchands et navigateurs frisons cités ci-dessus note 16, vol. 1, p. 50-54 ; pour les premiers thrymsas, voir le bon résumé de D. M. Metcalf, « Anglo-Saxon coins I : Seventh to Ninth Centuries », dans James Campbell éd., The Anglo-Saxons, Oxford 1982, p. 62-63. Pour approfondir ces questions, voir Philip Grierson et Mark Blackburn, Medieval European Coinage, vol. 1, The Early Middle Ages (5th to 10th centuries), Cambridge 1986, p. 135 et suiv. (premières frappes frisonnes) et 159 et suiv. (premières frappes anglo-saxonnes).
32 Histoire ecclésiastique de Bède, livre II, ch. 3 : éd. Colgrave et Mynors citée note 14, p. 142. Notons que c’est à la même époque que Colomban trouva à Nantes un navire de marchands en partance pour l’Irlande (Vita Columbani par Jonas de Bobbio, livre I, ch. 23 ; voir Adalbert de Vogüe éd., Vie de saint Colomban et de ses disciples, Abbaye de Bellefontaine, p. 152-153).
33 Pour Ipswich, voir Keith Wade, « Ipswich », dans Richard Hodges et Brian Hobley éd., The Rebirth of Towns in the West (AD 700-1050), Council for British Archaeology, Research Report no 68, Londres 1988, p. 93-100. Pour l’emporium de Walcheren, ainsi désigné par les textes du IXe siècle, mais généralement qualifié de Domburg dans la littérature archéologique, voir Marie De Man, « De munten op het strand bij Domburg », dans Archief van het Zeewsch Genootschap der Wetenschappen, 1936, p. 1-3 ; et Anne Roes, « Les trouvailles de Domburg (Zélande) », dans Berichten van de Rijksdienst voor het Oudheidkundig Bodemonderzoek, t. 5, 1954, p. 65-69 et t. 6, 1956, p. 79-85.
34 Sur ces ports nouveaux, voir Richard Hodges, Dark Age Economics. The origins of towns and trade (AD 600-1000), Londres 1982 (en particulier ses chapitres 3 et 4, « The emporia » et « A gazetteer of emporia : in Ottar’s footsteps », p. 47-86) ; Stéphane Lebecq, Marchands et navigateurs frisons, op. cit. ci-dessus note 16, vol. 1, p. 139-163 et p. 231-235 ; ou encore les pages que j’ai écrites sur « The Northern Seas », pour le 1er volume de la New Cambridge Medieval History, à paraître sous la direction de Paul Fouracre [Note additionnelle (2010) : paru depuis, à Cambridge en 2005].
35 Je remercie Monsieur Jean-Marc Gachelin, professeur de philologie anglaise à l’Université du Littoral, qui m’a donné d’utiles précisions sur l’origine et le sens du mot vieil-anglais wic, dont j’avais fait imprudemment le produit d’un croisement entre le latin vicus (qui, dans la langue classique, sert à désigner pratiquement tout habitat aggloméré en dehors des cités) et le germanique (en fait vieux-scandinave) vik (= baie).
36 Pour Sandwich considéré comme le port du salut, voir la Vita Wilfridi de Stéphane de Ripon, ch. 13 (in portum Sandwicae salutis pervenerunt) : Bertram Colgrave éd., The Life of Bishop Wilfrid by Eddius Stephanus, 1st paperback édition, Cambridge 1985, p. 28. Plus généralement pour les origines des ports du Kent, voir Peter H. Sawyer, From Roman Britain to Norman England, op. cit. ci-dessus note 10, p. 87-88 ; Tim Tatton-Brown, « The Towns of Kent », dans Jeremy Haslam éd., Anglo-Saxon Towns in Southern England, Chichester 1984, p. 1-36, spécialement p. 16-22 ; id., « The Anglo-Saxons Towns of Kent », dans Delia Hooke éd., Anglo-Saxon Settlements, Oxford 1988, p. 213-232 ; et Richard Hodges, The Anglo-Saxon Achievement, Londres 1989, p. 55 et 92-94. Sur les balances découvertes à Sarre et plus généralement dans les ports du Kent du VIIe siècle, voir C. J. Arnold, An Archaeology of the early Anglo-Saxon Kingdoms, Londres 1988, p. 59-61, surtout p. 61 et carte de répartition p. 60. Sur le devenir de Douvres, on pourra consulter Vera Evison, Dover : the Buckland Anglo-Saxon Cemetery, Londres 1987, et son compte-rendu par Martin Welch, dans Medieval Archaeology, 33, 1989, p. 243-245.
37 Sur la batellerie des Germains de la mer, on se reportera à Detlev Ellmers, Frühmittelalterliche Handelsschiffahrt in Mittel- und Nordeuropa, Neumünster 1972 ; Éric Rieth, Les bateaux à fonds plats de l’Europe du Nord-Ouest des origines au XIXe siècle. Essai d’analyse archéologique d’une architecture navale, thèse dactylographiée, 2 vol., Paris 1978 ; et Stéphane Lebecq, Marchands et navigateurs frisons, op. cit. ci-dessus note 16, vol. 1, p. 165-183. Ces trois ouvrages accordent une grande attention à l’épave d’Utrecht, alors attribuée aux environs de 800 et considérée comme le véritable prototype du bateau frison du haut Moyen Âge. Mais l’analyse dendrochronologique qui en a été faite plus récemment oblige à en reporter jusqu’aux environs de 1100 la date de construction : voir Robert Vlek, The Medieval Utrecht Boat. The history and evaluation of one of the first nautical archaeological excavations and reconstructions in the Low Countries, British Archaeological Reports, International Series, no 382, Oxford 1987. Dans ces circonstances, seules les épaves de Nydam et (pour ce qu’il en reste, c’est-à-dire essentiellement son empreinte sur le sol !) de Sutton Hoo donnent une idée des bateaux de tradition anglo-scandinave de haute époque. Le profil, tout à fait comparable, du bateau rond représenté sur les deniers ou pennies d’argent frappés à la fin du VIIIe et dans le premier tiers du IXe aussi bien à Quentovic et Dorestad qu’en East Anglia (cf. les no 360.980 et 423.978 de l’inventaire du musée de Norwich) reste notre plus sûr indice.
38 Pour le wic-gerefa, voir Tim Tatton-Brown, « The towns of Kent », article cité ci-dessus note 36, p. 17 ; pour les tonlieux de Fordwich et de Sarre, dûment attestés par des exemptions de 747 et 761 en faveur des monastères de Reculver et de Minster, et pour l’interprétation du cimetière de Sarre en fonction de l’existence du wic et de son prévôt, voir Sonia C. Hawkes, « Early Anglo-Saxon Kent », dans The Archaeological Journal, t. 126, 1969, p. 186-192 ; Peter H. Sawyer, From Roman Britain to Norman England, op. cit. ci-dessus note 10, p. 87-88 ; et Martin Biddle, « Towns », dans David Wilson éd., The Archaeology of Anglo-Saxon England, 1st paperback edition, Cambridge 1981, p. 99-150, en particulier p. 115.
39 Voir Jan Dhondt, « Les problèmes de Quentovic », dans Studi in onore di Amintore Fanfani, vol. 1. Milan 1962, p. 181-248 ; et Michel Rouche, « Les Saxons et les origines de Quentovic », dans Revue du Nord, t. 59, 1977, p. 457-478. Ces deux études m’ont beaucoup aidé à préciser mon opinion sur l’origine de Quentovic, successivement dans : Stéphane Lebecq, « La Neustrie et la mer », dans La Neustrie. Les pays au nord de la Loire de 650 à 850, actes du colloque de Rouen, éd. Hartmut Atsma, 2 vol., Sigmaringen 1989, vol. 1, p. 405-440 ; id., « Pour une histoire parallèle de Quentovic et Dorestad », dans Villes et Campagnes au Moyen Âge. Mélanges Georges Despy, éd. Jean-Marie Duvosquel et Alain Dierkens, Liège 1991, p. 415-428 ; et id., « Quentovic : un état de la question », dans Studien zur Sachsenforschung, t. 8, 1993, p. 73-82.
40 Voir Hubert Le Bourdellès, « Les ports de la Canche à l’époque gallo-romaine et dans le haut Moyen Âge », dans Les hommes et la mer, op. cit. ci-dessus note 3, p. 179-188.
41 Voyez Volker Zedelius, « Zur Münzprägung von Quentowic », dans Studien zur Sachsenforschung, t. 7, 1991, p. 367-377.
42 Voyez Pierre Leman et J.-L. Cousin, « Contribution à la recherche de Quentovic : découverte de tessons du haut Moyen Âge dans la Canche », dans Revue du Nord, t. 59, 1977, p. 489-500 ; Pierre Leman, « Contribution à la localisation de Quentovic ou la relance d’un vieux débat », dans Revue du Nord, t. 63, 1981, p. 935-945 ; id, « À la recherche de Quentovic », dans Archeologia, no 218, nov. 1986, p. 36-43 ; Keith Maude, « Quentovic, Dark Age Europort », dans Popular Archaeology, août 1986, p. 10-16 ; David Hill, Keith Maude, Julia Warburton, Margaret Worthington, « Quentovic defined », dans Antiquity, t. 64, 1990, p. 51-58 ; Margaret Worthington, « Quentovic, local and imported wares », dans Daniel Piton éd., La céramique du Ve et Xe siècle dans l’Europe du Nord-Ouest, op. cit. ci-dessus note 12, p. 377-383.
43 Voir les Alcuini Epistolae, no 25, MGH, Epistolae, IV, éd. Ernst Dümmler, Berlin 1895, p. 66-67.
44 Voir l’Histoire ecclésiastique de Bède le Vénérable, livre IV, ch. 1, éd. Colgrave et Mynors citée ci-dessus note 14, p. 332 ; et la Vita Wilfridi de Stéphane de Ripon, ch. 25, éd. Bertram Colgrave, The Life of Bishop Wilfrid, op. cit. ci-dessus note 36, p. 50.
45 François L. Ganshof, Françoise Godding-Ganshof et Antoine De Smet, Le Polyptyque de l’abbaye de Saint-Bertin (844-859). Édition critique et commentaire, Paris 1975, p. 23 (Bref de Tubersent) et p. 123 (commentaire).
46 Voyez l’article de Volker Zedelius cité ci-dessus note 41.
47 Voyez Volker Zedelius, ibid. Pour montrer l’importance acquise au cours du IXe siècle par l’atelier de Quentovic il suffit de rappeler que, dans l’édit de Pîtres de 864 qui voulut limiter à dix le nombre des ateliers du royaume de Charles le Chauve, celui de Quentovic venait aussitôt sur la liste après celui du Palais, et précédait celui de Rouen, dont il était précisé que ad Quantovicum ex antiquo consuetudine pertinet. Cf. MGH, Capitularia regum Francorum, t. 2, éd. A. Boretius et V. Krause, Hanovre 1897, p. 315, § 12.
48 Pour 779, voir un diplôme de Charlemagne exemptant les negociantes de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés de tout tonlieu à Quentovic, Rouen, Amiens, Maastricht et Dorestad, dans Hartmut Atsma et Jean Vezin éd, Chartae Latinae Antiquiores, t. XVI, France IV, Dietikon-Zurich 1986, no 625, p. 38-41. Pour 787, voir les Gesta des abbés de Fontenelle, livre XII, ch. 2, où il est question de Geroald, procurator… per diverses portus ac civitates exigens tributa atque vectigalia, maxime in Quentawic, dans F. Lohier et J. Laporte éd., Gesta sanctorum patrum Fontanellensis coenobii, Paris-Rouen 1936, p. 86. Le fait que dans le précepte des Marchands de 828 il ne soit plus question dans le Nord que des tonlieux de Quentovic et de Dorestad, permet de penser que les douanes de Rouen et d’Amiens ont été définitivement absorbées par celle de Quentovic (voir mes Marchands et navigateurs frisons, op. cit. ci-dessus note 16, vol. 2 p. 435-437).
49 Pour tout cela, voir Stéphane Lebecq, « La Neustrie et la mer », article cité ci-dessus note 39, p. 420-428 ; ou id., « Quentovic : un état de la question », article cité ci-dessus note 39, p. 76 et 80-81.
50 Stéphane Lebecq. ibid. Ou, plus précisément, Jean-Pierre Devroey, « Un monastère dans l’économie d’échanges : les services de transport à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés au IXe siècle », dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, t. 39, 1984, p. 570-589, en particulier p. 573-577.
51 Pour Geroald, voir les Gesta des abbés de Fontenelle, livre XII, ch. 2, op. cit. ci-dessus note 48, p. 86-87. Pour Grippo, voir les Miracula sancti Wandregisili, ch. 15, éd. O. Holder-Egger, MGH, Scriptores, t. XV, vol. 1, Hanovre 1887, p. 408-409.
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