De la Flandre au Danemark : formes de l’occupation et de l’activité humaines dans les contrées riveraines de la Mer du Nord (milieu du Xe – milieu du XIe siècle)
p. 253-271
Note de l’éditeur
Première publication dans Hommes et sociétés dans l’Europe de l’an mil, actes du colloque de Conques (2000), éd. Pierre Bonnassie et Pierre Toubert, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2004, p. 113-136.
Texte intégral
1Faut-il parler de l’an mil – c’est-à-dire d’une date et/ou d’un concept historiographique qui n’ont de sens que dans un monde fortement christianisé et encadré par des structures de pouvoir qui étaient alors celles de l’Europe occidentale, singulièrement franque – à propos du versant du continent européen qui borde la mer du Nord ? A priori, rien n’est moins sûr, car, à la fin du premier millénaire, cette vaste région était encore en voie d’intégration dans la chrétienté ; et si certaines de ses composantes étaient passées depuis plusieurs siècles sous la domination franque, d’autres venaient seulement de lui être soumises. Quant aux populations les plus septentrionales – danoises pour l’essentiel –, qui avaient semé aux IXe-Xe siècles le péril dans les contrées de l’Ouest européen, on sait que, si elles étaient alors en train de s’ouvrir à la christianisation, elles ne tombèrent jamais sous le joug franc.
2Il n’empêche que ces régions connurent entre – disons – le milieu du Xe et le milieu du XIe siècle l’amorce de mutations, ou, pour ne choquer personne, d’inflexions, en matière culturelle et sociale autant qu’économique et paysagère, qui méritent qu’on s’y attarde ; et qu’on cherche à les expliquer en se défiant de tous les modèles ou contre-modèles proposés pour l’ensemble de l’Europe occidentale.
3C’est pourquoi, m’inscrivant délibérément (parce que nécessairement) dans la très longue durée, je présenterai d’abord [1] « la nature et les hommes », c’est-à-dire les conditionnements de la vie sociale ; ensuite [2] « les hommes et la terre », c’est-à-dire l’occupation en milieu rural, ses pesanteurs et les quelques éléments de la transformation du paysage qu’on croit pouvoir déceler aux Xe et XIe siècles ; enfin [3] « les places centrales et la structuration de l’espace », c’est-à-dire l’avènement d’un véritable réseau urbain entre la fin du Xe et le début du XIe siècle.
La nature et les hommes : les conditionnements de la vie sociale
4L’oppression de la nature dans ces contrées lointaines avait déjà frappé les Romains de la haute époque – ainsi Tacite, qui écrivit au début du IIe siècle à propos de la mer du Nord : « l’océan est plus violent que les autres mers, et le ciel de la Germanie plus affreux que les autres climats. (…) On n’avait autour de soi que des rivages ennemis, ou une mer si vaste et si profonde qu’on la regarde comme la limite de l’univers, et qu’on ne suppose pas de terres au-delà »1. Mais, quelques dizaines d’années plus tôt, Pline l’Ancien s’était fait plus positif dans son Histoire naturelle2, notant les efforts d’adaptation à ce milieu hostile des populations riveraines, en particulier des Chauques de la côte saxonne.
5En réalité l’espace dont je vais parler ne se limite pas à la plaine maritime stricto sensu : il inclut aussi son proche arrière-pays. Il correspond, au fond, à l’horizon le plus septentrional de la grande plaine nord-européenne, fait d’alluvions récentes, toutes du quaternaire, d’origine tantôt marine, tantôt fluviatile, donnant des sols à dominante ou argileuse ou sableuse, parfois recouverts de matériaux détritiques d’origine glaciaire, parfois éventrés du fait moins de la formation de tourbières que de leur exploitation intensive. Les parties les plus basses de cette plaine sont ou ont été au niveau de la mer, voire sous le niveau des plus hautes marées. Et ses parties les plus hautes n’excèdent presque jamais la dizaine de mètres d’altitude. En effet, les seuls accidents sensibles dans cette topographie presque rigoureusement plane sont les fronts morainiques et les bordures des anciens chenaux subglaciaires, qui orientent la plupart du temps le tracé des rivières littorales ou le cours inférieur des grands fleuves3.
6Parlant des bords de l’Elbe, Tacite, encore lui, a bien caractérisé ce paysage, « plaine étroite et marécageuse, resserrée entre le fleuve et des forêts (…) qui elles-mêmes étaient entourées d’un marais profond… »4. La frange littorale en effet, plaine maritime à proprement parler, se présente, en dehors de la slikke – plage vaseuse quotidiennement immergée –, comme un schorre, immense pré-salé exceptionnellement recouvert par les plus grandes marées et offert en pâture aux troupeaux. Quant aux sables pléistocènes du proche arrière-pays, ils sont bel et bien recouverts de bois. Et c’est souvent entre les deux que croupissent les marais et tourbières dans lesquelles les hommes ont pris l’habitude d’aller chercher des matériaux de construction, de la matière première – sel en particulier –, et du combustible dont la préparation et le conditionnement sous forme de briquettes par les Frisons de la région d’Utrecht a suscité, vers 965, l’étonnement d’Ibrahim b. Ya’qûb5.
7C’est que cette région est occupée depuis longtemps. On a retrouvé dans la zone sableuse d’imposants vestiges préhistoriques, en particulier mégalithiques, comme les Hunebedden de la Drenthe (couloirs funéraires remontant à 5000-4000 av. J.-C.)6. Et les nombreux vestiges protohistoriques retrouvés dans la plaine maritime exposée à la menace des flots montrent que les premières traces d’occupation humaine y remontent au milieu du premier millénaire avant Jésus-Christ et que la vie n’a pu s’y accrocher dans la longue durée que grâce à l’élévation de ces buttes artificielles qu’on appelle communément Wurten, wierden, ou, pour retenir le mot d’origine frisonne qui a fini par s’imposer dans le vocabulaire des spécialistes, terpen7. Depuis, la presque totalité de ces territoires ont été intégrés dans la sphère de la culture germanique de la mer du Nord, qui est restée très prégnante (notamment sur les plans linguistique et matériel) tout au long du premier millénaire après Jésus-Christ, en dépit de différenciations régionales de plus en plus marquées entre Frisons, Saxons et Danois8. Cependant, malgré l’importance d’un peuplement qui a multiplié, pendant la phase migratoire et au-delà, les signes de dynamisme9, cette région est restée longtemps une région en marge, une frontière : elle garde encore aux alentours de l’an mil tous les traits d’un front pionnier, aussi bien contre la menace de l’eau, omniprésente sous sa forme maritime, fluviale ou marécageuse, que contre l’oppression d’un milieu végétal où alternent la lande, la prairie, et surtout la forêt, dominatrice dès qu’on s’aventure plus profondément dans l’arrière-pays.
8Front, d’abord, contre l’eau, en particulier celle de la mer, qui reste menaçante même dans cette longue période qui sépare la deuxième transgression dunkerquienne (milieu du IIIe -début du VIIe siècle après Jésus-Christ) de la troisième, dont le concept même a été récemment remis en cause10, et qu’on limite désormais au seul XIIe siècle. En dehors des phases transgressives en effet, les grandes marées restaient dévastatrices, surtout aux équinoxes, aux solstices, et dans les périodes de pleine lune, comme l’a relevé aux environs de 1020 Alpert de Metz, qui a noté que « la marée de coutume se fait plus forte in plenilunio »11. Plusieurs raz-de-marée catastrophiques ont été évoqués dans les sources, et leur impact a parfois été reconnu par les analyses pédologiques les plus contemporaines : ainsi, suivant les Annales de Xanten et de Saint-Bertin, le raz-de-marée de 838, dont l’épicentre a été identifié en Frise ; ainsi, suivant les Annales de Lobbes, de Gand et de Quedlinburg, celui de 1014, dont l’épicentre a été reconnu en Zélande ; ainsi, suivant les Annales de Gand, celui de 1042, dont l’épicentre se trouvait en Flandre12.
9Mais l’eau faisait planer une autre menace, celle des crues de rivières dont le cours était particulièrement instable dès qu’elles atteignaient le niveau de la mer, c’est-à-dire dès qu’elles pénétraient dans la plaine maritime, parfois très en amont (ce qui est vraiment une façon de parler !) de leur estuaire. Ce fut le cas en 886, où, suivant les Annales de Fulda, les pluies continues qui tombèrent en mai, juin et juillet provoquèrent les crues de toutes les rivières, spécialement du Rhin usque ad introitum maris ; en 904, où, suivant les Annales de Sainte-Marie d’Utrecht, les fleuves débordèrent dans toute la zone des basses rivières néerlandaises ; en 988, 1003, 1014, 1086, 1094-1095 et 1097, où les Annales de Gand et la Chronique de Sigebert de Gembloux notèrent des inondations dans l’ensemble de l’espace belge13. On a donc quelque raison de penser que, en tout cas dans la période qui nous intéresse, les inondations consécutives aux crues des basses rivières ont beaucoup plus scandé la vie des populations que les raz-de-marée et autres ondes de tempête, qui furent finalement peu nombreux, même s’ils furent probablement plus dévastateurs.
10Là où l’eau n’exerçait pas son emprise – qu’elle fût chronique, cyclique ou circonstancielle –, en particulier dès qu’on s’aventurait dans l’arrière-pays le plus immédiat de la plaine maritime, régnait un saltus guère encore pénétré. Adam de Brême l’a bien noté, à propos de la Germanie septentrionale et plus particulièrement du Jutland, qu’il avait abondamment parcourus dans le troisième quart du XIe siècle : « Le sol [du Jutland] est stérile. Hormis dans les lieux proches d’un cours d’eau, le pays presque tout entier présente l’image d’un desertum ; c’est une terre chargée de sel et empreinte de solitude. Sans doute la profondeur de son saltus rend-elle inhospitalière toute la Germanie, mais plus que toute autre région le Jutland inspire l’effroi. On y fuit la terre, qui n’offre pas de quoi subsister, et la mer est infestée de pirates. C’est à peine si l’on trouve ici et là quelques cultures, et presque aucun lieu ne se prête à ce que les hommes y demeurent… »14.
11S’il est plus vraisemblablement ici question de tourbières salifères et de landes que de bois, c’est sans doute celui-ci qui dominait dans le saltus sub-littoral. D’ailleurs la tradition veut qu’on oppose en Flandre française le Houtland – « le pays au bois » –, situé à l’intérieur des terres, au Blootland – mot à mot « le pays nu » – situé dans la zone inondable15. Et c’est par référence à ce même « pays du bois » (en ancien frison Holtland), qui apparaît dans les textes entre la fin du IXe siècle et le cours du Xe pour désigner une petite région située sur le cours inférieur du vieux Rhin16, que les comtes de Frise occidentale, maîtres des territoires situées immédiatement à l’ouest de l’Ijsselmeer ou Zuiderzee, devinrent à la fin du XIe siècle les comtes de Hollande – sans doute au temps de Floris II, qu’on voit s’intituler dans les diplômes à partir des environs de 1100 Florentius comes de Holland17.
12D’ailleurs, les sources narratives évoquent volontiers l’interpénétration de l’eau et du bois dans l’immensité du paysage qui s’étendait de la Flandre au Danemark – ainsi dans la Saga d’Egill Skallagrimsson, où, à propos d’un raid lancé par les Vikings sur la Frise au milieu du Xe siècle, Snorri Sturluson a noté cette dualité avec une précision qui suggère une parfaite connaissance du milieu concerné : « Quand vint l’automne, ils revinrent vers le nord et mouillèrent en Frisland. Une nuit, alors que le temps était calme, ils remontèrent un grand fleuve où il était difficile de trouver un port, tant le reflux était important. Il y avait à terre de grandes plaines et une forêt à peu de distance (…). Ils remontèrent le long de la rivière, entre celle-ci et la forêt. Se présenta bientôt à eux un village, où habitaient quantité de paysans (…) qui s’enfuirent dans la forêt »18.
13Même s’il faut faire dans ces descriptions la part du topos insistant complaisamment sur le caractère inhospitalier de régions considérées a priori comme répulsives, les auteurs évoquent les communautés humaines qui y (sur) vivent, éventuellement dans le cadre paysager de villages, et les terres qu’ils parviennent à arracher à la friche : on est bien ici dans un front pionnier. Or front pionnier suppose initiatives individuelles ou collectives, dont on voudrait bien savoir si elles ont été spontanées, ou impulsées, voire contrôlées, par une autorité seigneuriale ou princière. En fait, dans les régions dont je parle, longtemps encadrées par des structures de type clanique, la géographie et l’organisation des pouvoirs est encore au haut Moyen Âge en cours de construction. Si l’archéologie, plus que les textes, permet d’entrevoir ici ou là l’existence d’une aristocratie de fortune (par exemple du fait de la présence dans tel ou tel établissement d’un ensemble de structures d’habitat plus importantes et plus riches que les autres19), qu’on peut être tenté d’assimiler à une chefferie villageoise, on voit surtout apparaître dans les sources écrites occidentales une très haute aristocratie de principes ou de proceres parmi lesquels se détachent éventuellement (ainsi chez les Frisons des VIIe-VIIIe siècles, ou chez les Danois des IXe-Xe siècles) des chefs de peuples que les mêmes sources qualifient, suivant qu’elles veulent les disqualifier ou les honorer, tantôt de duces, tantôt de reges20.
14Mais la plupart de ces régions vont, les unes après les autres, tomber sous le joug, ou du moins entrer dans l’orbe du pouvoir franc, intégrateur et évangélisateur : c’est, dès son obscure protohistoire (avec, sans doute, un moment décisif au VIIe siècle), le cas de l’espace flamand ; puis, entre la fin du VIIe et le milieu du VIIIe siècle, celui de la Frise ; puis, à la fin du VIIIe et au début du IXe siècle, celui de la basse Saxe21. Au-delà se trouve le pays des Danois qui, après avoir craché pendant deux siècles ses bandes de pillards sur l’Occident, et à défaut d’être tombé sous l’autorité franque, a basculé, au cours de la deuxième moitié du Xe siècle et sous l’influence principale du clergé impérial, dans la chrétienté. Cette intégration à l’ordre franc et/ou chrétien ne manquerait pas d’avoir des répercussions sur les modes de vie et l’organisation de l’espace, en particulier par l’intermédiaire de ces nouvelles structures d’encadrement que furent d’une part les comtés, d’autre part les évêchés, les monastères et les églises rurales – sans oublier les établissements commerciaux éventuellement doublés de postes de douane. Même le phénomène viking, qu’on a longtemps pensé déstructurant, put jouer un rôle décisif dans la structuration de l’espace et des pouvoirs – pas seulement dans le milieu de ses origines, en l’occurrence le Danemark, où il a été corrélatif de la montée en puissance de la royauté de Jelling22, mais aussi dans les contrées qui passent pour avoir été ses victimes, où il a suscité des formes d’organisation défensive et territoriale susceptibles de devenir les points d’ancrage d’un nouveau démarrage, et où l’implantation de cadres et de colons d’origine scandinave a pu générer de nouvelles formes d’occupation du sol et d’activités de production.
Les hommes et la terre : l’occupation du sol en milieu rural
15En attendant, que dire des formes de peuplement et de l’occupation humaine dans l’ensemble des contrées riveraines de la mer du Nord au sortir du haut Moyen Âge ? Partout on trouve un semis d’établissements ruraux qui a été marqué, semble-t-il, par une densité et par un enracinement croissants entre le VIIIe et le XIe siècle.
16En dépit de nuances régionales, c’est le même type d’habitat qui domine – un habitat déterminé par les contraintes du milieu et par le mode d’économie pratiqué. On sait qu’aujourd’hui la longue plaine qui s’étire de la Flandre maritime au Danemark se présente comme le pays de la brique par excellence. Ici, l’homme ne trouve comme matériaux pour aménager son cadre de vie que la terre (argileuse en particulier, ou tourbeuse) ; l’herbe, la paille ou le chaume ; et le bois – un bois que, s’il habite dans la zone inondable, il doit faire venir d’un arrière-pays parfois très éloigné, comme l’ont montré les fouilles de Dorestad, où l’on a constaté que c’est grâce à un bois provenant principalement de la moyenne Rhénanie qu’a pu être édifié le grand établissement situé sur l’une des têtes du delta du Rhin23. En dépit des nuances locales, on trouve donc partout des structures d’habitat faites d’une armature de poteaux de bois, de clayonnages auxquels était accroché un torchis d’argile et de paille, et d’un système de couverture charpentée recouvert le plus souvent de chaume, de mottes de tourbe ou de gazon.
17L’unité d’habitation ou d’exploitation était généralement faite d’une (parfois plusieurs) maison(s) longue(s), de cabanes excavées, et éventuellement de silos perchés au sommet de poteaux de bois. Les premières, dont les plus grandes étaient de véritables Hallenhäuser à une ou trois nefs, parfois dotées de porches latéraux, ou encore d’un portique de bois périphérique, aux flancs droits (comme dans le Tuinster Wierde de Leens, aux Pays-Bas ; ou à Feddersen Wierde en Allemagne24) ou légèrement incurvés (comme souvent au Danemark, à Vorbasse et à Saedding par exemple25, où on parle volontiers d’habitat « en forme de bateau »), servaient à l’habitation humaine, repérable grâce à la présence de foyers, et parfois aussi, couplée sous le même toit, à la stabulation du bétail ; les secondes, longtemps qualifiées du terme inapproprié de « fonds de cabanes », en fait sunken huts ou Grubenhäuser, abritaient peut-être la population servile, et plus sûrement les travaux artisanaux, en particulier textiles et métallurgiques26.
18L’ensemble de chaque unité était délimité par une clôture. Celle-ci est moins connue par l’archéologie (faite de matériaux fragiles – barrières de bois par exemple – plus que de talus ou de fossés, elle a laissé peu de traces) que par les textes, en particulier par les lois, qui en font grand cas et qui montrent aussi bien l’affirmation de la propriété privée que les contraintes induites par la promiscuité et le voisinage – sans oublier, bien sûr, les nécessités de l’élevage domestique. Il est possible qu’on doive faire remonter aux siècles du haut Moyen Âge, pour le moins à l’époque viking où il apparaît dans de nombreux toponymes, cet enclos rural qu’on appelle toft dans le droit scandinave médiéval et qui se définit par de multiples fonctions : paysagère et économique bien sûr (il constitue le jardin de case sur lequel est bâti l’habitat), sociale (il délimite l’unité d’habitation familiale), agraire (il est la clef de voûte du système de distribution des terres), fiscale (il constitue l’élément de base de l’assiette de l’impôt), et même militaire (il apparaît comme la référence essentielle du système de conscription maritime)27.
19Le dispositif spatial des villages est variable, et le défaut d’organisation topographique n’est le plus souvent qu’apparent, car partout des chemins, des croisements, des espaces publics structurent l’espace28. Bien sûr il faut établir une distinction entre la plaine inondable et son immédiat arrière-pays. Dans la plaine inondable, les contraintes du milieu et les risques d’inondation ont, en dépit de l’origine et des premiers développements, souvent empiriques, des Flachsiedlungen, établissements primitifs installés au niveau du sol, déterminé une stabilisation et une structuration précoces de l’habitat sur des buttes artificielles – parfois dès les derniers siècles avant Jésus-Christ et dès les premiers siècles de notre ère, comme il ressort des fouilles pionnières de Ezinge (aux Pays-Bas) et de Feddersen Wierde (en Allemagne). Dès que, se substituant aux premières initiatives individuelles, les communautés eurent pris en charge l’élévation des terpen, ceux-ci acquirent une forme arrondie dans laquelle les lots étaient découpés de façon radiale à partir du sommet. Celui-ci, resté indivis, accueillerait le jour venu, c’est-à-dire entre la fin du VIIIe et le courant du XIe siècle, l’église paroissiale et son cimetière. Dans chaque parcelle, dûment circonscrite par une clôture de claies et livrée à une exploitation agricole intensive, on trouve, au milieu de diverses cabanes excavées et d’éventuels silos, une maison longue orientée du sommet vers la base du terp, dans laquelle la partie haute accueillait l’habitat, et la partie basse, sensiblement plus longue que la précédente, abritait le cheptel. Rien de plus rationnel que l’organisation de cette étable, partagée, de part et d’autre d’un passage central muni de rigoles d’évacuation, en stalles ou boxes, séparés les uns des autres par des cloisons transversales29.
20À l’intérieur des terres en revanche, l’habitat rural est resté longuement marqué par une certaine mobilité : mobilité des structures bâties à l’intérieur de chaque parcelle, comme dans le cas bien étudié de Kootwijk, dans la Veluwe néerlandaise, en particulier dans le site de Kootwijk 2, des VIIIe-Xe siècles30, et surtout mobilité de l’ensemble de la communauté dans son finage, comme à Kootwijk de nouveau, ou comme dans l’exemple, véritable cas d’école, de Vorbasse au Danemark, où ont été détectées sept phases successives marquées par de légers déplacements spatiaux entre le Ier et le XIe siècle31. Il n’empêche qu’aux abords de l’an mil cet habitat tendit à se stabiliser et à se structurer. Témoin remarquable, l’établissement danois de Saedding fouillé dans les années 1974-1976, et qui, pendant toute la durée – certes brève – de son existence aux Xe et XIe siècles, a montré une remarquable permanence de ses structures, réparties en fonction d’une place centrale d’environ 120 m sur 25, qui, restée inaltérée tout au long de ces deux siècles, doit pouvoir être considérée comme un espace communautaire, voire « public »32.
21En dépit de l’exemple de Saedding, dont la fouille, très localisée, n’a pas permis de savoir d’où venaient les habitants et où ils sont allés ensuite, on constate partout, aussi bien dans la plaine inondable que dans son proche hinterland, une tendance à l’enracinement définitif de l’habitat dans une période qui a pu aller du Xe au XIe siècle : c’est le moment où les derniers villages sur buttes ont été élevés dans la plaine maritime avant les premières campagnes d’endiguement, avec, autour de l’église et de son cimetière qui occupèrent d’emblée la position sommitale, un parcellaire radio-concentrique rigoureux dont témoignent encore les plans cadastraux du XIXe siècle et les photographies aériennes les plus contemporaines, commes ceux et celles de Spijk, de Biessum ou de Weiwerd, dans les marais de la province de Groningen jusqu’alors délaissés et désormais offerts à la colonisation33. Et c’est à la fin du XIe siècle ou au début du suivant que des villages comme Kootwijk, dans la Veluwe néerlandaise34, ou comme Vorbasse, dans le Jutland danois, ont trouvé leur emplacement définitif35.
22S’il est dans bien des cas vraisemblable que cette stabilisation de l’habitat ait été liée à l’élévation des églises rurales, qui, un peu sur le modèle connu de longue date en Grande-Bretagne36, ont pu attirer et fixer le village dans leur immédiate proximité, il est partout avéré qu’elle est allée de pair avec une meilleure domestication de l’espace naturel environnant, grâce à des campagnes désormais systématiques de défrichement à l’intérieur des terres et de drainage le long de la côte37. Il est vraisemblable que l’extension des terroirs cultivés a d’abord concerné, dès les VIIIe-IXe siècles, les régions sableuses du proche arrière-pays et leur couverture de lande ou de forêts : ces défrichements ne sont guère visibles dans les sources écrites avant le XIe siècle, tant qu’ils n’ont consisté que dans l’élargissement des noyaux arables des établissements existants – ceux-là même qu’on reconnaît, par exemple, derrière les nombreux toponymes en akker (de agrum, accrum, accra, accara) qui émaillent le Liber Traditionum de l’abbaye Saint-Pierre de Gand38. Mais nul doute que le mouvement prit de l’ampleur dans le courant du XIe siècle, parfois désormais à l’initiative des princes – si l’on en croit l’exemple du comte Baudouin V de Flandre dit de Lille (1035-1067), dont l’entreprise de colonisation des terres situées entre le littoral et les vallées intérieures de la Lys et de l’Escaut a été célébré par l’archevêque Gervais de Reims : « Que dirai-je d’une terre qui n’était, il y a peu de temps, guère propre à la culture, mais que ton esprit inventif et ton activité ont rendue fertile au point de surpasser à cet égard des terres naturellement plus aptes à la production ? »39. Un siècle plus tard, nombre de Flamands, mais aussi de Hollandais et de Frisons, allaient être sollicités par Adolphe II de Schauenburg pour collaborer à la colonisation du Holstein : c’était le début de la participation, qui allait devenir massive, des populations de régions littorales désormais surpeuplées au Drang nach Osten40.
23Mais le dynamisme de ces populations ne s’est pas seulement manifesté dans le défrichement. Dès avant l’an mil en effet, elles avaient commencé d’assécher la plaine maritime, et plus précisément les régions marécageuses et tourbeuses comme celles de la région située immédiatement au nord d’Amsterdam, dont le début de la systematic fenland reclamation remonte au Xe siècle41. Sans doute le premier travail consista-t-il, ici comme ailleurs, dans le creusement de fossés pour évacuer l’eau des marais, ainsi que cela a été constaté en 1018 le long de la basse vallée de la Meuse (plus précisément dans la région qu’on appelle Merwede) par Alpert de Metz, pour qui c’était déjà une pratique courante des autochtones frisons [una res erat illis magno usui : campum omnem fossis prefoderant42]. Snorri Sturlusson, encore lui, en a gardé le souvenir dans la Saga d’Egill Skallagrimsson, en particulier dans la relation qu’il fait d’événements remontant au milieu du Xe siècle : « Le sol était uni, et il y avait de grandes étendues plates. On avait creusé des fossés un peu partout et ils étaient pleins d’eau. Ils entouraient les champs et les prés, et, à certains endroits, on avait placé de grands piquets au-dessus des fossés, aux endroits où il fallait passer… »43.
24Le creusement des fossés fut bientôt doublé des premiers endiguements, qu’on perçoit dès la deuxième moitié du Xe siècle en Flandre, en Hollande et en Frise, où, de modestes entreprises individuelles et collectives limitées à des défenses très localisées contre la mer ou les fleuves, on est passé dans le courant du XIe siècle à des initiatives de plus grande envergure, parfois programmées par des institutions religieuses, comme la cathédrale d’Utrecht et l’abbaye d’Egmond, ou par le pouvoir comtal – ici celui des comtes de Frise occidentale devenue Hollande, là celui des comtes de Flandre44. Nul doute que quand on voit, par exemple dans l’Oudendijk de la province néerlandaise de Groningen, un vaste complexe d’endiguement assurer la connexion systématique entre les petites digues déjà levées de façon à opposer à la mer un front cohérent, on a un témoignage du passage de l’entreprise individuelle à une véritable planification régionale voulue par une autorité supérieure45. Il est bien connu que, plus encore qu’en matière de grands défrichements, le savoir-faire des Frisons et des Flamands en matière de poldérisation a été sollicité par les puissances des contrées littorales situées plus à l’est : ainsi l’évêque Frédéric Ier de Hambourg qui, vers 1106-1113, réquisitionna « des gens d’en deçà du Rhin qu’on appelle Hollandais » pour qu’ils missent en culture « une terre sise dans notre évêché jusqu’alors inculte et marécageuse, et inutile aux habitants du pays »46. Cette terre inculte, on hésite à la situer entre le Gau de Hollerland (ancien Hollandria), à l’est de Brême, et l’Altes Land des bords de l’Elbe, où des colons hollandais sont signalés dans les années 114047.
25Quoi qu’il en soit, la conquête des espaces naturels situés entre mer et forêt gagna de proche en proche toutes les régions littorales en mettant en œuvre des moyens techniques et financiers de plus en plus considérables. Le résultat fut que, partout dans ces régions, on passa d’un élevage extensif à une agriculture dominée dans laquelle la céréaliculture prenait une place de plus en plus grande. Dès l’an mil d’ailleurs, les diagrammes polliniques établis dans le Sud scandinave révèlent « un remarquable changement, qui fait passer d’une agriculture fondée sur le bétail à une agriculture fondée sur les céréales »48. Une telle mutation n’a été possible que parce que les pouvoirs – royaux, comtaux, épiscopaux, abbatiaux –, maîtres de l’immensité du saltus, ont relayé l’initiative d’individus et de communautés dont ils ont pu ainsi encadrer et contrôler les perspectives d’expansion. S’il est vraisemblable que l’enracinement et l’encellulement des villages procèdent de cette volonté seigneuriale ou princière d’un plus ferme encadrement des communautés, la promotion dans ce monde sans villes de places centrales, et par conséquent l’amorce d’une véritable urbanisation, expriment la volonté politique d’une structuration de l’espace et de l’ouverture des campagnes littorales sur un marché en pleine croissance.
Places centrales et structuration de l’espace : l’avènement d’un véritable réseau urbain
26L’ensemble de ces régions sortit en effet du très haut Moyen Âge sans véritable réseau urbain : au mieux pourrait-on parler de proto-urbanisation. Ainsi le seul chef-lieu de cité gallo-romain qui fût au contact de la plaine maritime, Cassel (Castellum Menapiorum), perdit-il au détriment de Tournai son rôle central à l’occasion de la réorganisation administrative de l’Empire tardif ; et le seul équipement pseudo-urbain que celui-ci légua aux franges septentrionales des royaumes francs était le chapelet de forts du limes bas-rhénan (comme Noviomagus, future Nimègue, Traiectum ad Rhenum, future Utrecht, ou Levefanum, à proximité de la future Dorestad) ou du litus saxonicum (comme Oudenburg, au toponyme transparent, non loin de la future ville de Bruges, et peut-être comme Gesoriacum/Bononia [Boulogne-sur-Mer], qui, ancienne base de la Classis britannica, reprit quelque service sous le Bas Empire)49. Même si certains allaient devenir, plus tard, les points d’ancrage d’un nouveau développement urbain, sans doute n’étaient-ils plus au VIe siècle que ruines ou, pour le moins, que murailles décrépies.
27Même il était arrivé, dès l’époque migratoire et le plus haut Moyen Âge, que se développent au-delà de la frontière du Rhin, donc en milieu germanique, des « places centrales » qu’on peut penser (du fait de la masse de mobilier et de métaux précieux qui y ont été retrouvés) associées à des lieux de pouvoir, et qui furent en tout cas ouvertes aux pratiques de l’artisanat et de l’échange, parfois avec des partenaires lointains, surtout occidentaux : c’est le cas de Gudme et de son port de Lundeborg, sur l’île de Fionie, dans la partie baltique du Danemark, dont l’activité ne se démentit pas d’environ 300 à environ 70050 ; ou du terp de Wijnaldum, en Frise, occupé du VIe au VIIIe siècle par une population de haut standard social dont on a pu se demander si elle n’était pas de rang royal, et riche de très nombreux ateliers et objets importés51.
28Mais c’est au cours du VIIe siècle que s’enclencha le long des côtes de la mer du Nord un véritable phénomène de proto-urbanisation, grâce à une nouvelle génération de ce que les sources appellent emporia, portus, ou, plus souvent encore vici, à l’origine toujours modeste, le plus souvent empirique, mais dont le développement fut stimulé à partir de la fin du même siècle par l’initiative ou par la mainmise de la plus haute aristocratie franque (je veux parler des Arnulfo-Pippinides) et des royautés du Nord germanique, ainsi que par le coup de fouet que la croissance des arrière-pays donna désormais aux échanges maritimes. C’est Quentovic, à l’origine poste de traite créé par les Anglo-Saxons sur les bords de la Canche et appelé à devenir le principal port de la Neustrie ; Walcheren/Domburg, dans l’archipel zélandais, ultime tête de pont du grand delta en direction du Sud-Est britannique ; Dorestad, développée à l’ombre de Levefanum, ancienne forteresse du limes rhénan, et devenue à la fin du VIIIe et au début du IXe siècle la principale plaque-tournante des échanges entre la Rhénanie, l’Angleterre et la Scandinavie ; Ribe, créée de toutes pièces sur la côte ouest du Danemark, sans doute par une royauté locale ; Schliaswich/Haithabu, à l’origine fenêtre ouverte par les marchands occidentaux au fond d’un fjord de la côte est du Jutland et refondée vers 808 par le roi danois Godfrid52 – sans oublier les Handelsterpen ou Langwurten de la plaine maritime, structurellement et morphologiquement différents des terpen à vocation rurale, puisque, voués aux activités de transformation et de commercialisation, ils avaient une forme plutôt allongée, étirée de part et d’autre d’une rue axiale53.
29Mais, mis à part certains Handelsterpen, qui, comme Emden, ont connu par la suite un véritable développement urbain, ou Ribe, dont le vicus, précocement doublé d’une église, a été le noyau de l’agglomération médiévale, la plupart de ces établissements disparurent entre la deuxième moitié du IXe siècle et le courant du Xe. On a beaucoup incriminé, en tout cas à l’Ouest, l’effet désastreux des raids vikings, qui par exemple visèrent Dorestad une dizaine de fois jusqu’à l’agression, réputée fatale, de 863. Mais les raisons profondes de cette disparition sont à chercher ailleurs. D’abord ces établissements étaient structurellement fragiles, tout de bois, sans guère d’enracinement dans le pays54 ; et ils n’ont pas résisté aux modifications que les caprices de l’hydrologie et de l’alluvionnement ont infligés à leur environnement : non seulement les mouvements du delta du Rhin ont affecté le site même de Dorestad, mais ils ont fait perdre au vicus nominatissimus les avantages de sa situation. Ensuite, le relais de ces ports a été assuré par des établissements généralement situés à relative proximité de leurs prédécesseurs : dès la fin du IXe siècle, l’activité (et avec elle la douane) de Dorestad s’est déplacée d’une part à Deventer, sur l’Ijssel, pour les communications à destination de la Scandinavie, d’autre part à Tiel, sur le Waal, pour les communications à destination de l’Angleterre55 ; dès la fin du Xe siècle, l’activité de Quentovic s’est déplacée quelques kilomètres en amont, à Montreuil-sur-Mer56 ; et un siècle plus tard, celle de Sliaswich-Haithabu s’est déplacée dans un site voisin qui n’a pas seulement hérité de ses fonctions, mais aussi du nom que les Occidentaux avaient donné à sa devancière, Schleswig57.
30Par rapport aux ports de la génération précédente, ceux-ci apparaissent plus abrités, mieux protégés, mais aussi plus modestes, même si l’activité des Ponteienses, les marchands du Ponthieu (assurément ceux de Montreuilsur-Mer), est signalée dans le tarif de tonlieu de Londres des environs de l’an mil, et si Alpert de Metzévoque au début du XIe siècle les liens des mercatores Tielenses avec le marché britannique. Cette modeste reconquête de relations séculaires n’est rien à côté de l’expansion commerciale qui va bientôt (à partir de la fin du XIe siècle et surtout du XIIe) caractériser les villes flamandes, mosanes et hanséatiques : de toute évidence l’instabilité de l’époque viking a entamé l’activité des pôles anciens, perturbé la sécurité des vieilles routes, et fouetté le dynamisme des nouvelles nations et cités marchandes, qui se sont engouffrées dans un espace maritime désormais libéré des anciens monopoles, et dilaté du fait de l’intégration des mondes du grand Nord dans l’orbe de la chrétienté occidentale.
31En revanche, en attendant l’émergence d’une géographie marchande articulée autour des places de Bruges, Cologne ou Lübeck – sans parler de leurs lointains partenaires outre-mer que furent Londres, Bergen ou Visby –, c’est une nouvelle génération de places centrales qui a commencé de se développer à partir de structures héritées du haut Moyen Âge (monastères en particulier) ou de structures nouvellement apparues (comme des châteaux, des ports, des marchés, des églises collégiales, ou, dans les régions en marge, les évêchés de la deuxième génération), avec d’autant plus de chance de réussite que ces établissements cumulaient plusieurs de ces fonctions58 :
On peut évoquer pour commencer le cas, curieusement parallèle, de deux cités bipolaires situées aux deux extrémités de la plaine maritime flamande, qui se sont développées en tant qu’organismes véritablement urbains aux Xe-XIe siècles, grâce au dynamisme de marchés nés de la croissance de deux établissements religieux jumeaux remontant l’un et l’autre au VIIe siècle : Saint-Omer d’une part, à l’origine de laquelle on trouve le monastère de Sithiu/Saint-Bertin et la collégiale, structurellement associée au précédent, de Saint-Omer/Notre-Dame ; Gand d’autre part, dont le port au confluent de la Lys et de l’Escaut a été fouetté par le dynamisme des abbayes voisines naguère fondées par saint Amand et ses disciples : Saint-Bavon et Saint-Pierre-au-Mont-Blandin59.
On peut citer aussi les villes nées de ces vastes forteresses circulaires, d’un diamètre moyen de deux cents mètres, que les autorités de Flandre (ainsi à Furnes, Bourbourg, Bergues) ou de Zélande (ainsi à Domburg, Middelburg, Souburg) élevèrent aux IXe-Xe siècles contre les Vikings, et qui devinrent, un peu à la manière des burhs anglais élevés par le roi Alfred, des pôles de fixation de l’habitat60.
Il y eut aussi, en Flandre toujours, ces ports doublés d’un marché, auxquels un castrum comtal fondé à la fin du IXe ou au Xe siècle assura à la fois protection et stimulation économique, et auxquels une collégiale de chanoines donna l’encadrement religieux nécessaire – ainsi à Bruges, au fond du golfe du Zwin ; ou à Ypres, Lille et Douai, sur la frange méridionale de la plaine. À ce modèle peut être rattaché Anvers, dont le vicus carolingien fut équipé à la fin du Xe siècle d’une forteresse impériale, au pied (extérieur) de laquelle se développa, tout au long du XIe siècle, un nouveau quartier marchand61.
Il y eut enfin ces sièges épiscopaux à vocation délibérément missionnaire, qui, au rythme de la conquête franque de la Frise, puis de la Saxe, ont été créés en frontière à l’ombre d’une forteresse préexistante ou tout récemment élevée, et qui, malmenés par la prédation viking, virent leur développement urbain redémarrer une fois la paix de la mer revenue à l’aube du XIe siècle. Ce fut le cas d’Utrecht, de Brême, et de Hambourg, dont les églises épiscopales respectives remontaient à 695, 781 et 831. Hambourg, précisément, mise à mal par les Vikings en 845 en dépit de sa puissante forteresse du Hammaburg, et un temps privée de son évêque dont le siège fut pendant de longues années confondu avec celui de Brême, redémarrerait au début du XIe siècle grâce au développement d’un port et d’un quartier marchand qui avaient continué de vivoter envers et contre tout, et dont l’activité se tournerait résolument, comme au temps des origines de la ville et de son évêché missionnaire, vers le Nord, en particulier le Danemark62.
32Même celui-ci connut, aussi bien dans la péninsule jutlandaise que dans son archipel baltique, un début de structuration urbaine au tournant de l’an mil. Ce fut le fruit à la fois de ses contacts prolongés, quoique spasmodiques, avec l’Occident ; de l’apaisement de la frénésie viking ; de la suprématie acquise par les rois de la dynastie de Jelling ; et, pour finir, de leur christianisation (amorcée par les campagnes missionnaires des archevêques de Hambourg, justement, en particulier de Unni qui réussit à convertir le roi Harald à la Dent Bleue [v. 960-966]). Cette structuration ne profita pas au lieu de séjour privilégié des rois, Jelling, qui, par sa morphologie, appartenait plutôt à la vieille génération des établissements proto-urbains, même si Harald prit soin, dès sa conversion, d’élever une église et une pierre mémoriale dans le champ funéraire où avaient été enterrés ses parents ; elle ne profita pas non plus, au contraire de ce qui s’est passé en Zélande ou en Flandre d’où en était venu le modèle, à ces énormes forteresses circulaires – Trelleborg, Aggersborg, Nonnebakken et autres Fyrkat – où Sven à la Barbe Fourchue (v. 985-1014) et Cnut le Grand, fils et petit-fils d’Harald à la Dent Bleue, préparèrent au début du XIe siècle la conquête de l’Angleterre. Bien au contraire, la structuration urbaine profita à des petits centres régionaux – Viborg au Nord, Aarhus au Nord-Est, Schleswig au Sud, Odense et Roskilde, dans les îles baltiques de Fyn et de Sjaelland –, marchés contrôlés par le roi auxquels étaient attachés des ateliers monétaires, et qui ont été dotés d’églises dont certaines devinrent, dès la fin du Xe siècle, sièges épiscopaux63. Signe précurseur de leur durable enracinement dans le pays ? Ces églises furent les premiers édifices du Danemark à utiliser la pierre dans leur construction, bien avant qu’elle fît son apparition dans des bâtiments laïques – en l’occurrence dans la résidence royale de Dalby, en Scanie, à la fin du XIe siècle64.
33L’émergence de ce réseau urbain et sa coïncidence avec la fondation ou la stabilisation définitive de nombreux villages – sans oublier la présence de tombes aristocratiques encore (mais pour peu de temps) dotées d’un riche mobilier guerrier –, autant de signes, dans le Danemark de la fin du Xe siècle en voie d’acculturation au christianisme, d’une nouvelle croissance encadrée par une aristocratie désormais détournée de l’activité prédatrice, prête à investir dans le pays, et bien tenue par le roi65.
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34Au final je dois dire qu’en dépit du scepticisme que j’affichais au départ, pas mal de choses ont changé dans les pays bordiers de la mer du Nord à la fin de premier millénaire. Si on a pu les repérer, c’est moins grâce aux données textuelles, finalement peu nombreuses et laconiques, que grâce aux données d’une archéologie d’autant plus fiable que, mettant le plus souvent au jour des structures d’un bois bien conservé par l’humidité, elle a pu bénéficier des datations de la dendrochronologie.
35Or, qu’a-t-on vu ? D’une part des changements dans la très longue durée, comme le processus lent de fixation et de stricte organisation parcellaire des habitats ruraux, étalé du VIIIe au XIIe siècle ; d’autre part la précipitation de certains phénomènes entre le milieu du Xe et le milieu du XIe siècle, comme les premières initiatives d’extension systématique des terroirs cultivés, voire des finages ; comme les premiers creusements de fossés et les premières élévations de digues ; comme l’apparition d’une nouvelle génération de places centrales qui, à la différence de celles des temps « barbares » ou protocarolingiens, étaient vouées à un réel avenir. Tous ces changements furent complémentaires : l’extension des terroirs cultivés et les progrès de la production agricole fouettèrent le renouveau commercial, qui ne fut possible que grâce à l’intermédiaire de ces nouvelles places centrales, marchés et emporia de la nouvelle génération, qui non seulement jouaient un rôle dans la transformation et la redistribution de la production, mais aussi constituaient un important marché de consommation par la présence des élites – marchandes certes, mais aussi ecclésiastiques, aristocratiques et princières – qui avaient choisi d’y vivre.
36Si les choses ont ainsi changé, en particulier dans les formes d’occupation, ce fut le fait d’initiatives individuelles (qu’on pense aux premières conquêtes foncières), communautaires (qu’on pense à la fixation des villages, ou aux nouveaux terpen de la province de Groningen), seigneuriales (qu’on pense aux défrichements ou à la création des premiers polders), princières, voire royales (qu’on pense aux grandes entreprises de poldérisation, ou à la création de ces équipements – fortifications, marchés, ateliers monétaires, églises – sans lesquels le nouveau développement urbain des XIe-XIIe siècles n’eût point été possible).
37Si l’on veut maintenant expliquer l’évolution et la morphologie de l’occupation des plaines bordières de la mer du Nord dans leur dimension historique, il est clair qu’on doit invoquer le jeu antagoniste et paradoxal 1) de l’expansion franque vers l’Est/Nord-Est, qui a imposé dans les pays soumis ses formes d’encadrement social ; 2) de l’expansion viking vers l’Ouest (les formes qu’elle a revêtues, les réactions qu’elle a suscitées, les effets qu’elle a engendrés en Scandinavie même) ; et 3) de l’essoufflement et de la stabilisation de l’une et de l’autre. Mais si l’on veut regarder les choses plus en profondeur, on ne manquera pas d’invoquer 4) le rôle fondamental du climat et de l’hydrologie, préalables à tous les changements ; et 5) l’impact culturel de la christianisation, couronnement de tous les changements.
Notes de bas de page
1 Tacite, Annales, II 24, trad. H. Bornecque, Paris 1965, p. 98.
2 Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, XVI 1, éd. et trad. J. André, Paris 1962, p. 22-23.
3 Voir par exemple, pour les espaces néerlandais et flamands, Audrey M. Lambert, The Making of the Dutch Landscape. An historical Geography of the Netherlands, Londres-New York 1971 ; et Adriaan Verhulst, « De Kustsvlakte langs de Nordzee », dans Landschap en Landbouw in Middeleeuws Vlaanderen, Bruxelles 1995, p. 10-63.
4 Tacite, Annales, II 19, trad. H. Bornecque, Paris 1965, p. 95-96.
5 Voir André Miquel, « L’Europe occidentale dans la relation arabe d’Ibrahim b. Ya’qûb (Xe siècle) », dans Annales. Economies. Sociétés. Civilisations, 21, 1966, p. 1048-1064, en part. p. 1058-1059.
6 Voir Audrey M. Lambert, The Making of the Dutch Landscape, op. cit., p. 22-30.
7 Voir Herre Halbertsma, Terpen tussen Vlie en Eems, 2 vol., Groningen 1963 ; W. A. Van Es, Terpen, Kampen 1970 ; ou, pour aller vite, Stéphane Lebecq, « De la protohistoire au haut Moyen Âge : le paysage des terpen le long des côtes de la mer du Nord, spécialement dans l’ancienne Frise », dans Le paysage rural : réalités et représentations, actes du 10e Congrès des Historiens médiévistes français, Revue du Nord, 52, 1980, p. 125-154.
8 Voir en particulier, dans une littérature abondante, Malcolm Todd, The Northern Barbarians (100 BC – AD 300), Londres 1975 ; et Friezen, Saksen en Denen. Culturen aan de Nordzee (400 tot 1000 n. Chr.), éd. néerlandaise du catalogue de l’exposition de Leeuwarden, Oldenburg et Ribe, Franeker 1996.
9 Voir, notamment pour ce qui concerne la Frise, B. H. Slicher van Bath, « The economic and social conditions in the Frisian districts from 900 to 1500 », dans Afdeling Agrarische Geschiedenis Bijdragen, 13, 1965, p. 97-133 ; Egge Knol, De Noordnederlandse Kustlanden in de vroege Middeleeuwen, Groningen 1993 ; Stéphane Lebecq, « Entre terre et mer : la mise en valeur des contrées littorales de l’ancienne Frise », dans Elisabeth Crouzet-Pavan éd., Environnement et développement économique, actes du colloque de Paris, Histoire, économie et société, 3, 1997, p. 361-376 ; et H. A. Heidinga, Frisia in the First Millenium, Utrecht 1997.
10 Voir M. K. E. Gottschalk, Stormvloeden en rivieroverstromingen in Nederland, vol. 1, De periode voor 1400, Assen 1971, en particulier son introduction p. VII-VIII.
11 Alpert de Metz, De diversitate temporum, II 21, éd. Hans Van Rij, Alpertus van Metz. Gebeurtenissen van deze tijd en Een fragment over bisshop Diederich 1 van Metz, Amsterdam 1980, p. 82-83.
12 Voir M. K. E. Gottschalk, Stormvloeden en rivieroverstromingen in Nederland, vol. 1, op. cit. ci-dessus ; Adriaan Verhulst et M. K. E. Gottschalk éd., Transgressies en occupatiegeschiedenis in de Kustgebieden van Nederland en België, actes du colloque de Gand, Gand 1980 ; Stéphane Lebecq, « L’homme au péril de l’eau dans les plaines littorales des anciens Pays-Bas au Début du Moyen Âge », dans Bartolomé Bennassar éd., Les catastrophes naturelles dans l’Europe médiévale et moderne, actes des 15e Journées internationales de Flaran, Toulouse 1996, p. 27-42 ; Adriaan Verhulst, Landschap en Landbouw in Middeleeuws Vlaanderen, Bruxelles 1995, en particulier « De kustvlakte langs de Noordzee », p. 10-63.
13 Mêmes références qu’à la note précédente.
14 Gesta Hammaburgensis ecclesiae pontificum, IV 1, éd. Werner Trillmich, Quellen des 9. und 11. Jahrhunderts zur Geschichte der Hamburgischen Kirche und des Reiches, Darmstadt 1961, p. 434. Voir la traduction française (que je n’ai pas suivie à la lettre), la présentation et les annotations de Jean-Baptiste Brunet-Jailly, Histoire des archevêques de Hambourg, avec une Description des îles du Nord, par Adam de Brême, L’Aube des peuples, Paris 1998, p. 194.
15 On ne peut que renvoyer à l’excellent ouvrage, jamais démodé, d’un maître de la géographie doublé d’un véritable historien : Raoul Blanchard, La Flandre. Étude géographique de la plaine flamande en France, Belgique et Hollande, Lille 1906, réédité en 1970.
16 D’après l’inventaire des biens et revenus de l’église Saint-Martin d’Utrecht compilé vers 930, édité par S. Muller et A. C. Bouman, Oorkondenboek van het Sticht Utrecht tot 1301, vol. 1, Utrecht 1920, no 49, p. 42-47, en part. p. 44 (ligne 1). Voir également Audrey M. Lambert, The Making of the Dutch Landscape, op. cit., p. 100 ; et William H. Tebrake, Medieval Frontier. Culture and Ecology in Rijnland, Texas University Press, College Station, 1985, p. 56, 187, 223 et 247-248.
17 A. C. F. Koch éd., Oorkondenboek van Holland en Zeeland tot 1299, vol. 1, La Haye 1970, no 92. Voir également Dirk P. Blok, « Holland und Westfriesland », Frühmittelalterliche Studien, 3, 1969, p. 347-361 ; et William H. Tebrake, op. cit. ci-dessus, p. 223.
18 Saga d’Egill, fils de Grimr le Chauve, traduction française, présentation et annotations par Régis Boyer, Sagas Islandaises, Bibliothèque de la Pléiade, Paris 1987, p. 149.
19 Ainsi à Feddersen Wierde, site remarquablement fouillé par Werner Haarnagel. Voir la contribution de celui-ci et de Peter Schmid (« Siedlungen ») à l’ouvrage de Georg Kossack, Karl-Ernst Behre et Peter Schmid éd., Archäologische und naturwissenschaftliche Untersuchungen an ländlichen und frühstädtischen Siedlungen im deutschen Küstengebiet vom 5. Jahrhundert v. Chr. bis zum 11. Jahrhundert n. Chr., vol. 1, Ländliche Siedlungen, Weinheim 1984, en part. p. 194-215.
20 Pour les Frisons, voir les travaux de Egge Knol, De Noordnederlandse Kustlanden in de vroege Middeleeuwen, Groningen 1993 (en part. « De sociale verhoudingen in de Noordnederlandse kustlanden », p. 209-241), et de H. A. Heidinga, Frisia in the First Millenium. An outline, Utrecht 1997 ; pour les Saxons, voir Georg Kossack, Karl-Erst Behre et Peter Schmid éd., Archäologische und naturwissenschaftliche Untersuchungen…, op. cit., et Frantz Pellaton, Pouvoir et société chez les Saxons d’Auguste à Charlemagne (thèse inédite, Nanterre 1994) ; pour les Danois, voir Klavs Randsborg, The Viking Age in Denmark, Londres 1980 ; et Else Roesdahl, Viking Age Denmark, Londres 1982.
21 Sur l’expansion franque vers l’est, on trouvera les mises au point les plus récentes dans Die Franken, Wegbereiter Europas, catalogue d’exposition, deux volumes, Mayence 1996, en part. les contributions de Friedrich Laux (« Die Sachsen – Nachbarn und Gegenspieler der Franken ») et de Stéphane Lebecq (« Franken und Friesen »), p. 331-341 ; pour l’espace néerlandais et la Frise, voir l’ouvrage toujours essentiel de Dirk P. Blok, De Franken in Nederland, 3e éd., Bussum 1979.
22 Voir Klavs Randsborg, The Viking Age in Denmark, op. cit. ; et surtout Else Roesdahl, Viking Age Denmark, op. cit.
23 Voir W. A. Casparie et J. E. J. Swarts, « Hout », dans Dorestad, no spécial du Spiegel Historiael, t. 13 (no 4), 1978, p. 267-281 ; et, des mêmes, « Wood from Dorestad, Hoogstraat I », dans W. A. Van Es et W. J. H. Verwers éd., Excavations at Dorestad 1. The Harbour : Hoogstraat I, Amersfoort 1980, vol. 1, p. 262-285.
24 Voir les travaux de Herre Halbertsma, W. A. Van Es, Stéphane Lebecq, Werner Haarnagel et Peter Schmid cités ci-dessus, notes 7 et 19.
25 Voir Else Roesdahl, Viking Age Denmark, op. cit., p. 57-61, d’après les travaux respectifs de I. Stouman et S. Hvass sur Saedding et Vorbasse.
26 Voir Georg Kossack, Karl-Ernst Behre et Peter Schmid éd., Archäologische und naturwissenschaftliche Untersuchungen, op. cit., en part. « Siedlungen : Hausbau », p. 167-193, par Werner Haarnagel et Peter Schmid ; Else Roesdahl, Viking Age Denmark, op. cit., p. 51-67 ; Egge Knol, De Noordnederlandse Kustlanden in de vroege Middeleeuwen, Groningen 1993, en part. « De Nederzetingen : Karakter en Systeem », p. 119-150 ; W. A. Van Es et W. A. M. Hessing dir., Romeinen, Friezen en Franken in het hart van Nederland. Van Traiectum tot Dorestad (50 v. C. – 900 n. C.), Amersfoort 1994, en part. « De Huizen van Dorestad : van Plattegrond tot Borderij », par W. A. Van Es et W. J. H. Verwers, p. 189-194.
27 En attendant la publication, qui se fait malheureusement attendre, de la remarquable thèse d’Anne Nissen Jaubert, Peuplement et structures d’habitat au Danemark durant les IIIe -XIIe siècles dans leur contexte nord-ouest européen (EHESS, Paris, 1996), on peut lire, du même auteur, « L’habitat rural au Danemark vers 200-1200. État des recherches », dans L’Habitat rural du haut Moyen Âge (France, Pays-Bas, Danemark et Grande-Bretagne), actes des 14e Journées d’archéologie mérovingienne, éd. par Claude Lorren et Patrick Périn, Rouen 1995, p. 213-222, en part. p. 215 ; et « Systèmes agraires dans le sud de la Scandinavie entre 200 et 1200 », dans Michel Colardelle éd., L’homme et la nature au Moyen Âge. Actes du congrès de Grenoble, Paris 1996, p. 76-86, plus particulièrement les p. 78-80 (« Les clôtures dans les textes législatifs » et « Les clôtures archéologiques et l’espace rural »).
28 Voir Anne Nissen Jaubert, thèse inédite citée ci-dessus, passim.
29 Voir les travaux de Herre Halbertsma, W. A. Van Es, Stéphane Lebecq, Werner Haarnagel et Peter Schmid cités ci-dessus, aux notes 7 et 19.
30 Voir H. A. Heidinga, Medieval Settlement and Economy North of the Lower Rhine. Archeology and history of Kootwijk and the Veluwe (the Netherlands), Assen-Maastricht 1987.
31 Voir Klavs Randsborg, The First Millenium A. D. in Europe and the Mediterranean. An Archaeological Essay, Cambridge 1991, p. 75-79, d’après les fouilles de S. Hvass. Voir en particulier la carte de la page 75 (fig. 43).
32 Comme dit, d’après les fouilles de I. Stoumann, Else Roesdahl, Viking Age Denmark, op. cit., p. 58 ; ou Anne Nissen Jaubert, Peuplement et structures d’habitat, op. cit.
33 Voir les travaux sur les terpen et autres Wurten de Herre Halbertsma, W. A. Van Es, Stéphane Lebecq, Werner Haarnagel et Peter Schmid cités plus haut.
34 H. A. Heidinga, Medieval Settlement, op. cit., p. 56.
35 Voir, d’après les fouilles de S. Hvass, les commentaires de Klavs Randsborg, Else Roesdahl, Anne Nissen Jaubert dans leurs travaux cités plus haut.
36 Voir Richard Morris, The Church in British Archaeology, Council for British Archaeology Research Report 47, Londres 1987, en part. p. 63-76 (« Churches, Settlement, and the beginnings of the parrochial system c.800-1100 ») ; ou Helena Hamerow, « Settlement mobility and the Middle Saxon Shift : rural settlements and settlement patterns in Anglo-Saxon England », dans Anglo-Saxon England, 20, 1991, p. 1-17.
37 Voir Adriaan Verhulst, Landschap en Landbouw in Middeleeuws Vlaanderen, Bruxelles 1995 ; Audrey M. Lambert, The Making of the Dutch Landscape, op. cit. ; Georg Kossack, Karl-Ernst Behre et Peter Schmid éd., Archäologische und naturwissenschaftliche Untersuchungen…, op. cit.
38 Adiaan Verhulst, « Le paysage rural en Flandre intérieure : son évolution entre le IXe et le XIIIe siècle », dans Le paysage rural : réalités et représentations, actes du 10e Congrès des Historiens médiévistes français, Revue du Nord, 52, 1980, p. 11-30.
39 Cité par Adriaan Verhulst, Histoire du paysage rural en Flandre de l’époque romaine au XVIIIe siècle, Bruxelles 1966, p. 102.
40 Voir Charles Higounet, Les Allemands en Europe centrale et orientale au Moyen Âge, Paris 1989, p. 99 et p. 101-104.
41 G. J. Borger, « Draining – digging – dredging : the creation of a new landscape in the peat areas of the Low countries », dans J. T. A. Verhoeven éd., Fens and Bogs in the Netherlands : Vegetation, History, Nutrient Dynamics and Conservation, Deventer 1992, p. 131-171, en part. p. 140-141.
42 Alpert de Metz, De diversitate temporum, livre 2, c. 21, éd. Hans Van Rij, Alpertus van Metz…, op. cit., p. 83.
43 Saga d’Egill, c. 69 ; trad. R. Boyer citée supra note 18, p. 150.
44 Voir Audrey M. Lambert, The Making of the Dutch Landscape, op. cit. ; William H. Tebrake, Medieval Frontier, op. cit. ; Adriaan Verhulst, Landschap en Landbouw in Middeleeuws Vlaanderen, Bruxelles 1995, en particulier « De kustvlakte langs de Noordzee », p. 10-63 ; G. J. Borger, « Draining – digging – dredging : the creation of a new landscape in the peat areas of the Low countries », article cité ci-dessus.
45 Audrey M. Lambert, The Making of the Dutch Landscape, op. cit., p. 84-85.
46 Cité et traduit par Georges Duby, L’Économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval, vol. 1, Paris 1962, p. 318-319.
47 Voir Charles Higounet, Les Allemands en Europe centrale et orientale, op. cit., p. 101.
48 Klavs Randsborg, The First Millenium in Europe and the Mediterraean. An archaeological essay, Cambridge 1991, p. 179.
49 Pour Utrecht, voir W. A. Van Es W. A. M. Hessing dir., Romeinen, Friezen en Franken in het hart van Nederland. Van Traiectum tot Dorestad (50 v. C. – 900 n. C.), Amersfoort 1994 ; pour Oudenburg, voir Josef Mertens, « Oudenburg and the northern section of the continental Litus saxonicum », dans D. E. Johnston éd., The Saxon Shore, Council for British Archaeology Research Report 18, Londres 1977, p. 51-62.
50 Henrik Thrane, « Das Gudme-Problem und die Gudme-Untersuchung », dans Frühmittelalterliche Studien, 21, 1987, p. 1-48 ; et id. éd., Gudme-Rapport, Skrifter fra Historisk Institut Odense Universitet 33, Odense 1990.
51 J. C. Besteman, J. M. Bos et H. A. Heidinga, Graven naar Friese Koningen, de opgravingen in Wijnaldum, Franeker 1992 ; Friezen, Saksen en Denen. Culturen aan de Nordzee (400 tot 1000 n. Chr.), op. cit. ; et H. A. Heidinga, Frisia in the First Millenium, Utrecht 1997. Il faudra désormais consulter J. C. Besteman, J. M. Bos, D. A. Gerrets et H. A. Heidinga, The Excavation near Wijnaldum, 1, Reports on Friesland in Roman and Medieval Times, annoncé comme à paraître à Rotterdam.
52 Sur tout cela, on consultera Richard Hodges, Dark Age Economics. The Origins of towns and trade (AD 600-1000), Londres 1982 (en part. « The Emporia », p. 47-86) ; id., Towns and Trade in the Age of Charlemagne, Londres 2000 ; Helen Clarke et Bjorn Ambriosiani, Towns in the Viking Age, 2e éd., Leicester/Londres 1995 ; et Stéphane Lebecq, « The Northern Seas, 5th-8th centuries », à paraître dans Paul Fouracre dir., New Cambridge Medieval History of Europe, vol. 1. D’après les travaux de Jan Dhondt et Stéphane Lebecq (pour Quentovic – voir références infra notes 53 et 55), Stéphane Lebecq (pour Walcheren/Domburg), W. A. Van Es et W. J. H. Verwers (pour Dorestad), Mogens Bencard et Stig Jensen (pour Ribe), Herbert Jankuhn, Heiko Steuer et Kurt Schietzel (pour Sliaswich-Haithabu – voir quelques références infra note 56).
53 Klaus Brandt, « Langwurten, ihre Topographie une ihre Funktion », dans Herbert Jankuhn, Kurt Schietzel et Hans Reichstein éd., Archäologische und naturwissenschaftliche Untersuchungen an ländlichen und frühstädtischen Siedlungen im deutschen Küstengebiet vom 5. Jahrhundert v. Chr. bis zum 11. Jahrhundert n. Chr., vol. 2, Handelsplätze des frühen und hohen Mittelalters, Weinheim 1984, p. 100-112.
54 Ce sont les « villes-champignons » dont parle Jan Dhondt, dans « Les problèmes de Quentovic », in Studi in onore di Amintore Fanfani, vol. 1, Milan 1962, p. 181-248.
55 Stéphane Lebecq, Marchands et navigateurs frisons du haut Moyen Âge, 2 vol., Lille 1983.
56 Stéphane Lebecq, « Quentovic : un état de la question », dans Studien zur Sachsenforschung, 8, 1992, p. 73-82.
57 Herbert Jankuhn, Kurt Schietzel et Hans Reichstein éd., Archäologische und naturwissenschaftliche Untersuchungen…, op. cit., vol. 2 ; Herbert Jankuhn, Haithabu. Ein Handelsplatzder Wikingerzeit, 8e éd., Neumünster 1986 ; et Volker Vogel, « Archäologische Untersuchungen in der Altstadt von Schleswig », dans Herbert Jankuhn, Walter Schlesinger et Heiko Steuer éd., Vor-und Frühformen der europäischen Stadt im Mittelalter, 2e éd., Göttingen 1975, vol. 2, p. 101-112.
58 Pour une vue synthétique et stimulante du phénomène d’urbanisation aux Xe-XIe siècles, on lira Adriaan Verhulst, The Rise of Cities in North-West Europe, Cambridge 1999, en part. son chapitre 4, « The urbanization of the High Middle Ages (tenth-eleventh centuries) », p. 68-118.
59 Pour Saint-Omer, voir Alain Derville, Saint-Omer des origines au début du XIVe siècle, Lille 1995 ; et pour Gand, voir Adriaan Verhulst, « Die Frühgeschichte der Stadt Gent », dans W. Besch éd., Die Stadt in der europäischen Geschichte. Festschrift Edith Ennen, Bonn 1972, p. 108-137 ; et id. « Saint Bavon et les origines de Gand », dans Revue du Nord, 68, 1986, p. 455-467. Ces deux articles ont été reproduits dans Adriaan Verhulst éd., Anfänge des Städtewesens an Schelde, Maas und Rhein bis zum Jahre 1000, Cologne 1996, respectivement p. 241-270 et 271-282.
60 Adriaan Verhulst, The Rise of Cities in North-West Europe, op. cit., p. 63.
61 Adriaan Verhulst, ibid., p. 88-92 (Bruges), 95-98 (Douai), 98-102 (Anvers), 103-110 (Lille et Ypres).
62 Herbert Jankuhn, « Die frühmittelalterlichen Seehandelsplätze im Nord-und Ostseeraum », dans Studien zu den Anfängen des europäischen Stadtewesens. Reichenau Vorträge 1955-1956, Lindau-Constance 1958, p. 451-498 ; id., « Frühe Städte im Nord-und Ostseeraum (700-1100 n. Chr.) », dans Topografia urbana e vita cittadina nell’alto Medioevo in Occidente, 21e Settimana di studio, Spolète 1974, vol. 1, p. 153-201 ; ou, pour des survols rapides, Edith Ennen, Die europäische Stadt des Mittelalters, Göttingen 1975, p. 57-58 ; U. Lobbedey, « Northern Germany », dans M. W. Barley éd., European Towns : their archaeology and history, Londres 1977, p. 127-157.
63 Voir Klavs Randsborg, The First Millenium in Europe and the Mediterraean. An archaeological essay, Cambridge 1991, p. 181-183.
64 Anne Nissen Jaubert, « Sites centraux et résidences princières au Danemark avant 1250 », dans Annie Renoux éd., Palais royaux et princiers au Moyen Âge, Le Mans 1996, p. 197-216, en part. p. 207.
65 Klavs Randsborg, The First Millenium in Europe, op. cit., p. 182.
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