Entre terre et mer : la mise en valeur des contrées littorales de l’ancienne Frise
p. 183-193
Note de l’éditeur
Publié dans Environnement et développement économique, actes du colloque de Paris (ENS 1995), éd. Élisabeth Crouzet-Pavan, Histoire, économie et société, numéro spécial no 3, Paris, Armand Colin, 1997, p. 361-376.
Texte intégral
1Suivant leurs hagiographes respectifs Alcuin et Eigil, les missionnaires Willibrord et Sturm firent preuve d’un courage exceptionnel quand ils s’aventurèrent dans les loca maritima ou dans les aquosa arva qui caractérisaient la Frise des VIIe-VIIIe siècles. Encore au XIe siècle, l’auteur des Gesta des évêques de Cambrai parlerait des Aquatici Frisones et le chanoine Adam de Brême lâcherait cette définition lapidaire : Fresia regio est maritima. Assurément, peu de régions de l’ancienne Europe avaient pu paraître aussi inaptes à l’occupation humaine et à l’exploitation économique que les parages amphibies des littoraux de l’ancienne Frise1.
2Et pourtant, en certains de leurs secteurs au moins, ces contrées ont pu atteindre aux IXe-Xe siècles une densité de population presque record dans l’Occident de ce temps2 ; l’élevage qui y était pratiqué et les produits de l’élevage qui en étaient tirés ont sollicité l’intérêt de nombreuses puissances de leur arrière-pays, et partant celui des historiens3 ; l’activité commerciale associée à leur système de communications maritimes et fluviales a pu faire du nom de Frison, en tout cas sous certaines plumes des VIIe-Xe siècles, un presque synonyme de marchand au long cours4 ; et nulle contrée d’Occident n’a livré autant de métal précieux, spécialement sous forme de monnaie, que leurs niveaux mérovingien et carolingien5. Parlera-t-on pour autant de « miracle frison » ? Non. Simplement d’une remarquable adaptation de l’homme à un environnement des plus hostiles.
Environnement
3Du Pas-de-Calais jusqu’au Danemark s’étend, parfois jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres à l’intérieur des terres, une plaine littorale dont le contact avec la mer n’a été stabilisé que par l’endiguement et la poldérisation entrepris à partir de la deuxième moitié du Xe siècle. Autant dire que toute installation humaine avant cette date s’est faite au péril des eaux maritimes et fluviales – raz-de-marée d’un côté, crues des basses rivières de l’autre.
4Allongée entre le cordon des dunes littorales au Nord et les affleurements des sables du Pléistocène au Sud, la plaine maritime, qui repose sur une énorme accumulation d’alluvions récentes, consiste en une vaste prairie inondable (frison kwelder, néerlandais schorre, allemand Marsch) où croissent des plantes halophiles. Sa platitude n’est interrompue que par le tracé sinueux des rivières qui s’y jettent, par les bourrelets alluviaux que celles-ci ont laissés le long de leur cours changeant ou qui signalent les anciennes avancées de la mer, ou encore par les tourbières que la stagnation des eaux a multipliées, surtout dans les provinces de Nord et Sud-Hollande, dans la région du grand delta de la Meuse et du Rhin, et en Flandre6.
5Dans les régions littorales de l’ancienne Frise, au nord des Pays-Bas et de la Basse-Saxe allemande, en particulier dans celles de l’actuelle province néerlandaise de Frise qu’on identifie volontiers avec le vieux cœur de la culture et de la puissance frisonnes des temps protohistoriques et médiévaux, le paysage dominant consistait donc en un pré-salé placé sous la menace permanente des eaux7. Cette vulnérabilité était encore plus grande dans les phases de transgression marine. Certes, le concept même de transgression a fait l’objet depuis une vingtaine d’années de sérieuses remises en cause, et plus personne ne croit que la période carolingienne-ottonienne (traditionnellement phases A et B de la troisième transgression dunkerquienne ou transgression subatlantique) a vu une submersion générale et séculaire des plaines bordières de la mer du Nord8. Il semble en revanche que la deuxième transgression ait bel et bien eu lieu, et qu’elle ait duré du milieu du IIIe siècle ap. J.-C. jusqu’à la fin du VIe siècle9, même si quelques îlots de résistance ont été observés ici et là par les pédologues10 et les archéologues11.
6En dehors des phases transgressives, le danger avait beau être moins lancinant, il n’en était pas moins réel, aggravé même par le caractère inattendu des inondations – que celles-ci vinssent du débordement des rivières (ainsi autour d’Utrecht dans les environs de 900-90412) ou d’un raz-de-marée. L’un d’eux, survenu le 26 décembre 838, a fait grand bruit dans les sources du temps ; il a été relaté entre autres par Prudence, familier du palais carolingien et futur évêque de Troyes, dans les Annales dites de Saint-Bertin : « Le septième jour des calendes de janvier, c’est-à-dire le jour de la passion du bienheureux martyr Stéphane, la Frise presque entière fut touchée, contre l’usage des marées, par une inondation telle que le pays fut presque nivelé par d’énormes quantités de sable : elle détruisit tout ce qu’elle atteignit, tant les hommes que les animaux et que les maisons ; le nombre des victimes fut rapidement évalué à 2437 ( !) »13.
Peuplement
7Ainsi, dans le premier tiers du IXe siècle, cette plaine était-elle fortement peuplée (on a d’ailleurs le droit d’admirer la précision du très pointilleux annaliste), livrée à l’élevage, et parsemée d’habitats. Elle l’était en réalité depuis fort longtemps. C’est en effet vers le milieu du premier millénaire avant Jésus-Christ que les premiers occupants arrivèrent de la Drenthe toute proche, et développèrent une culture que les archéologues conviennent d’appeler la culture proto-frisonne. Sous quelle pression prirent-ils le risque de s’aventurer dans ce milieu amphibie où les grandes marées, spécialement d’équinoxe et de solstice, pouvaient prendre un tour catastrophique, et où les pluies de l’arrière-pays pouvaient provoquer à tout moment le débordement des basses rivières ? On ne sait trop. Au moins entrevoit-on l’attrait d’un isolement sécurisant et de pâturages infinis.
8Les premiers habitats paraissent avoir été créés à même le sol (les archéologues allemands parlent de Flachsiedlungen), mais pas n’importe où, puisque les colons choisissaient de préférence les secteurs les plus élevés de la topographie, en particulier les bourrelets alluviaux laissés par la mer et les fleuves. Ce n’est que dans un deuxième temps, une fois assimilée l’expérience des premières inondations, que les habitats ont été surélevés sur une butte artificielle, d’abord individuelle (une sous chaque structure d’habitat), ensuite collective (regroupement des structures sur une butte commune). Comme l’a observé Pline l’Ancien vers 77 ap. J.-C. : « Là, par un immense mouvement, deux fois en vingt-quatre heures, l’océan se répand et s’étale à l’infini, recouvrant le théâtre de l’éternelle question posée par la nature (aeternam rerum naturae controversiam), région qu’on ne sait attribuer à la terre ou à la mer. [Les hommes] occupent des tertres élevés (tumuli alti) ou des tribunes (tribunalia) dressées de leurs mains d’après leur expérience de la plus haute marée (ad experimenta altissimi aestus) ; ils y installent leurs cases (casas), et, semblables à des navigateurs quand les eaux recouvrent les alentours, à des naufragés quand elles se sont retirées, ils poursuivent autour des huttes (tuguria) les poissons qui s’enfuient avec la mer. »14 Ces buttes artificielles sont appelées en allemand Wurten et en frison terpen (sg. terp). C’est ce dernier mot (dont l’étymologie et le sens originel sont les mêmes que ceux de l’allemand Dorf et du néerlandais dorp, qui signifient agglomération rurale, village) qui s’est imposé dans le vocabulaire international des spécialistes pour désigner les villages sur butte artificielle des plaines littorales des mers du Nord. L’observation topographique ne suffit pas à les identifier : ils ne sont jamais très élevés (le plus haut, celui d’Hoogebeintum, en Frise, n’excède pas 7 mètres en son centre), et beaucoup ont disparu après les endiguements et la poldérisation. Aussi a-t-il fallu recourir à d’autres techniques (en particulier l’étude des anciens cadastres et l’enquête toponymique) pour pouvoir les recenser et les cartographier. L’archéologue néerlandais Herre Halbertsma en a ainsi comptabilisé 1 190 dans les seules provinces néerlandaises de Frise et de Groningen15. Si, d’après la fouille, les plus anciens peuvent remonter à plusieurs siècles av. J.-C., les plus récents ont été élevés au Xe siècle de notre ère.
9C’est l’archéologie qui a permis d’apprécier le processus d’élaboration des terpen, c’est elle qui permet d’apprécier l’adaptation de leurs structures d’habitat et de leurs modes de production économique à la topographie et à l’environnement. Fouilles pionnières d’A. E. Van Giffen à Ezinge (Groningen), dans les années trente de ce siècle ; ou fouilles dotées des meilleurs perfectionnements techniques de W. Haarnagel à Feddersen Wierde (Allemagne) dans les années soixante, de W. A. Van Es à Paddepoel (Groningen) et Den Helder (Nord-Hollande) dans les années soixante-soixante-dix, ou de J.-C. Besteman, J.-M. Bos et H. A. Heidinga à Wijnaldum (Frise) dans les années quatre-vingt-dix16.
10Dès que, au deuxième ou troisième niveau d’occupation décelable, la collectivité eut pris en charge l’élévation du terp, celui-ci acquit une forme arrondie, dans laquelle les lots étaient découpés de façon radiale à partir du sommet (quoique celui-ci fût, sur un rayon de quelques mètres, reste indivis, et accueillerait le jour venu – c’est-à-dire dès les VIIIe -IXe siècles dans la province de Frise – l’église paroissiale). Dans chaque lot, dûment circonscrit par une clôture de claies, les structures d’habitat et d’exploitation (casae et autres tuguria évoquées par Pline) étaient bâties en bois, mottes de terre, clayonnage et torchis : outre quelques Grubenhäuser ou cabanes excavées livrées aux métiers de l’artisanat, se singularisait une Hallenhaus (elle aussi orientée de façon radiale), dans laquelle la partie haute, organisée autour d’un foyer, accueillait l’habitat, et la partie basse, sensiblement plus longue et dirigée vers la base du terp, éventuellement partagée en stalles et creusée de rigoles d’évacuation17, abritait le cheptel.
11L’enclos tout entier était planté : c’était un véritable jardin de case, quotidiennement enrichi par les engrais domestiques. Le recours à la palynologie ou à la carpologie a permis d’y reconnaître la présence d’arbres fruitiers (ces arbres étaient naturellement les seuls au milieu de la plaine nue), de légumineuses, mais aussi de céréales (surtout d’orge, mieux adaptée que les autres à un milieu humide et salin). Non seulement en effet on a découvert en relative profusion des faucilles, des coutres et des socs18, mais des traces de sillons dissymétriques ont été identifiées sur les terpen de Firdgum (Frise) et de Feddersen Wierde, qui prouvent l’utilisation (dans ce dernier cas dès le Ier siècle av. J.-C.) d’authentiques charrues. Autant dire qu’aucune surface n’était perdue, et qu’une production aussi intensive de cultures vivrières apportait une contribution sans nul doute substantielle à l’alimentation et à la survie des populations19. Mais cela suffit-il à leur donner la prospérité dont les traces abondent dans les sources ?
Développement
12Tout suggère que la Frise des temps protohistoriques et des premiers siècles médiévaux fut, en dépit de la difficulté des conditions naturelles, soumise à la pression de sa démographie : permanence de l’occupation et multiplication des sites habités dès que la mer le permettait20 ; participation assurée des Frisons aux mouvements migratoires réputés surtout « anglo-saxons » en direction de la Grande-Bretagne ; glissement de population en direction de l’Ouest (Ve-VIe siècles), vers le grand delta et les îles zélandaises – ce que Bède le Vénérable appellerait la Fresia citerior ou cisrhénane ; expansion vers l’Est et le Nord-Est (VIe-VIIIe siècles), en direction des littoraux saxons et danois en partie désertés par leurs propres populations21. La Frise, et en particulier son vieux noyau de peuplement, furent donc, à leur manière, une véritable matrice de peuples aux grands moments de la Völkerwanderung. L’expansion ne s’est d’ailleurs jamais démentie aux époques mérovingienne et, surtout, carolingienne, quand, en Frise même, des zones tourbeuses jusqu’alors répulsives furent à leur tour colonisées22. D’après les calculs – certes un peu hasardeux – de Slicher van Bath, le Westergo et l’Oostergo, seuls pagi littoraux de la province de Frise, auraient, malgré l’emprise omniprésente de l’eau, atteint vers 900 une population de 24 000 habitants et une densité de 20 ha/km2, qu’on n’entrevoit dans l’Europe du Nord-Ouest à la même époque que dans les régions, autrement plus riches et favorisées par les éléments, du bassin de Paris, de l’Audomarois, du bassin de Cologne et de la Meuse moyenne23.
13Un tel dynamisme démographique ne se peut expliquer que parce que les Frisons tirèrent le meilleur parti des ressources naturelles dont leur pays était prodigue. Ainsi le sel, que le défaut d’ensoleillement contraignait d’extraire par combustion artificielle, grâce par exemple à ces culinas ad sal faciendam dont parle un texte de 77624. Ainsi le poisson, qu’évoquait Pline, et qui attirerait, en particulier le long des eaux du grand delta si l’on se réfère aux sources des IXe-Xe siècles, nombre de piscationes qu’on imagine dotées d’équipements spécialisés25. Ainsi surtout les prairies naturelles, dans lesquelles les hommes trouvèrent leur principale richesse, et le fondement même de leur prospérité. Le pré-salé, resté indivis, offrait en effet aux communautés d’immenses terres de pâture, spécialement livrées à l’élevage ovin, tandis que les terres rapprochées, appropriées dans le prolongement de chaque lot du terp et de la Hallenhaus qui servait d’étable, pouvaient, enrichies par la fumure, produire du foin ou servir à l’embouche du gros cheptel26.
14Ainsi, quand la christianisation eut promu un vaste mouvement de transfert de propriétés en faveur des églises de l’arrière-pays les plus engagées dans l’effort missionnaire, les terres données par les Frisons étaient, suivant ce qu’on lit dans les archives de Fulda, des prata ad XL carradas feni (des prés à quarante charruées de foin – ainsi à Wieringen vers 802-817), des pascua XIIII pecodum (des prés à quatorze moutons – ainsi à Gotolfeim et Texalmore vers 802-817), ou encore des terrae X boum (des terres à dix bœufs – ainsi à Firdgum en 817)27. Apparemment, dans la Frise des environs de 800, la puissance des individus était appréciée à l’aune de leur fortune herbagère et pastorale – vaccipotens praesul (prélat puissant en vaches !), c’est ainsi que le grand Alcuin, qui connaissait le pays pour l’avoir traversé, s’adressait, dans la rhétorique qu’il affectionnait, à l’évêque Albéric d’Utrecht (780-784)28.
15L’élevage assurait la matière première de tout un artisanat que donnent à connaître la fouille et les textes, et qui se pratiquait dans les Grubenhäuser creusées sur les pentes des terpen : travail du cuir, travail de l’os, surtout travail de la laine. Vues l’importance du troupeau ovin et les traces multiples des métiers du textile (nulle fouille qui n’ait fourni son lot de fusaïoles, de pesons, d’aiguilles taillées dans l’os, voire de forces métalliques29), on ne peut mettre en doute que la Frise protomédiévale ait été une grande productrice de draps. Pourquoi des générations d’historiens ont-ils voulu que les pallia frisonica, les draps frisons dont abondent les sources des VIIIe-Xe siècles, aient été produits non en Frise, mais en Flandre ou en Angleterre ? Ici encore, les donations faites aux églises – aux monastères de Fulda, de Werden, d’Echternach, ou à la toute proche cathédrale d’Utrecht –, sont particulièrement éloquentes : sans doute du fait du caractère limité de la propriété privée des terres, les oblations ont souvent consisté en rentes exprimées en une quantité donnée de pallia : or il a été calculé, d’après l’inventaire dressé par l’abbé Raban Maur vers 830, que la seule abbaye de Fulda recevait de Frise à cette époque au moins 855 pallia par an30.
16Si les draps frisons étaient écoulés sur les marchés extérieurs, ce n’était pas seulement au titre de la rente seigneuriale, ce pouvait l’être aussi par le canal de l’échange commercial. Car l’effet le plus spectaculaire de la prospérité frisonne fut sans doute le développement considérable, entre le VIIe et le IXe siècle, de ce qu’on convient d’appeler le grand commerce frison31. Dès les temps romains, les terpen étaient en relations avec les mondes extérieurs, et certaines de leurs plus riches exploitations ont livré un matériel importé de valeur. Sans doute est-ce la nécessité du ravitaillement en blé (malgré une production intensive, mais très limitée dans l’espace), en vin, et en bois (matériau indispensable, on l’a entrevu, mais absent du paysage naturel), qui a amené les Frisons, ou du moins les plus entreprenants d’entre eux, à se lancer dans l’échange commercial d’abord à partir de leur propre exploitation, puis à partir de terpen spécialisés au plan étiré le long d’une unique rue (qu’on appelle aux Pays-Bas Handelsterpen et en Allemagne Langwurten), ou de ces emporia qu’on voit se multiplier au VIIe siècle, spécialement dans la région du grand delta (à Walcheren, Medemblik, et surtout Dorestad).
17Disposant pour monnaie d’échange des produits de leur élevage, et peut-être, à un moindre degré, de ceux de leurs sauneries et de leurs pêcheries, maîtres expérimentés de l’instrument de communication qu’était le bateau, et prêts à s’expatrier pour fonder ici et là des colonies marchandes, ils nouèrent des liens entre l’Angleterre, la Scandinavie et leur hinterland continental, s’imposant de la fin du VIIe au début du IXe siècle comme les intermédiaires indispensables pour toute vie de relations entre l’Europe du Nord et le monde franc, et diffusant dans toute leur sphère d’influence la nouvelle monnaie d’argent qui, à terme, supplanterait le monnayage d’or hérité de l’échange antique.
18Sans doute est-ce le succès de cette économie marchande qui amena dans l’ensemble de la grande Frise la masse monétaire considérable qui y a été retrouvée aussi bien sous forme de trouvailles isolées que de trésors32. Sans doute est-ce lui aussi qui attira les prédateurs scandinaves que les Frisons avaient initiés aux routes et aux prestiges de l’Ouest, et qui firent de la Frise, tout au long des IXe-Xe siècles, la principale victime de leur acharnement. À vrai dire, il est impossible de dire si le dernier grand trésor qui y a été découvert (en 1991, dans le terp de Tzummarum, tout proche de celui de Wijnaldum où vient d’être trouvée une superbe fibule en or filigrané du début du VIIe siècle33), et qui contient 2 800 deniers de Louis le Pieux et Lothaire, a été enfoui par un riche Frison (un marchand ?) voulant mettre sa fortune à l’abri des Vikings, ou par un Viking qui venait de rançonner les Frisons.
19De l’environnement le plus hostile à la réussite économique la plus éclatante, avant que les Vikings vinssent la mettre en péril – telle fut si l’on veut, résumée à grands traits, l’histoire de la Frise protohistorique et protomédiévale. Il aura fallu, pour cela, des siècles d’acharnement contre la menace permanente des eaux ; la conception d’un habitat original garantissant une protection minimale aux hommes et aux animaux ; l’exploitation ici extensive, là intensive d’une immense prairie naturelle ; le dynamisme démographique et l’ouverture aux mondes extérieurs ; la maîtrise de la navigation et l’exploitation de routes commerciales gagnées par le renouveau des échanges.
20Plus que les coups portés par les Vikings, c’est l’ouverture du grand chantier de la poldérisation qui rompit à partir de la deuxième moitié du Xe siècle le remarquable équilibre que les anciens Frisons avaient su inventer entre les eaux, les pâturages, et les nécessités de leur vie économique et sociale.
Plans de Biessum et Spijk

Plan d’une ferme frisonne de Feddersen Wierde

Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Pour les références citées, voir Lebecq 1983, vol. 2, p. 65 (Vita Willibrordi par Alcuin), 94 (Vita Sturmi par Eigil), 187 (Gesta episcoporum Cameracensium), 193 (Gesta Hammaburgensis ecclesiae pontificum d’Adam de Brême).
2 Slicher van Bath 1965.
3 En particulier tous ceux, Henri Pirenne en tête, qui se sont intéressés aux pallia frisonica (draps frisons). Voir le point historiographique dans Lebecq 1983, vol. 1, p. 131-134.
4 Lebecq 1983, vol. 1, et Lebecq 1990.
5 Voir les inventaires mis à jour dans Knol 1993, p. 223-234.
6 Voir, sur les tourbières hollandaises, Tebrake 1985, Borger 1992, Henderikx 1994 ; et sur les tourbières de Flandre maritime, Verhulst 1995.
7 Voir Lebecq 1996a, p. 29-31.
8 Voir Verhulst et Gottschalk 1980, et plus précisément Gottschalk 1980.
9 Voir par exemple Schoorl 1980, p. 123.
10 Ainsi dans la région de Paddepoel (province de Groningen), où la végétation a continué de croître jusque vers 450 ap. J.-C. : voir Streurman et Taayke 1989.
11 Voir les cartes publiées par Heidinga 1987, p. 176-177, qui montrent les « zones nucléaires » des Pays-Bas dans lesquelles ont été faites des trouvailles d’époque mérovingienne, et qui ont été les points de départ de la reconquête après le recul des eaux. Suivant cet auteur, p. 177, et suivant Knol 1993, p. 118, celles de ces zones situées dans les contrées littorales depuis la Frise néerlandaise jusqu’à l’estuaire de l’Ems, correspondent aux pagi (néerl. gouwen ; alld. Gauen) connus à l’époque carolingienne sous les noms respectifs (d’Ouest en Est) de Westergo, Oostergo, Humsterland, Hunzego, Fivelgo, Emsgo.
12 D’après une note de l’évêque d’Utrecht (à l’authenticité contestée dans Gottschlak 1971, p. 36-37) et d’après les Annales sanctae Mariae Ultraiectenses : textes dans Lebecq 1983, vol. 2, p. 345 et 379.
13 Texte latin dans Lebecq 1983, vol. 2, p. 309. Traduction française dans Lebecq 1996a, p. 34.
14 Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, livre XVI (1). Éd. et trad. J. André, Paris 1962, p. 22-23. Pline évoque ici les Chauques, voisins immédiats des Frisons dans la plaine littorale allemande.
15 Halbertsma 1963, vol. 1, p. 8.
16 La bibliographie est considérable. Je me contente de renvoyer aux travaux généraux de Halbertsma 1963, Van Es 1971, Lebecq 1980, Bierma et al. 1988, ou aux pages écrites par W. Haarnagel et P. Schmid dans Kossack et col. 1984, p. 194-216. Pour les fouilles toutes récentes du terp Tjitsma à Wijnaldum, voir Knol 1993, p. 119-120 ; Bos 1995, p. 55 ; et Friezen 1996, p. 19 et 84-85.
17 Lebecq 1980, p. 144.
18 Voir par exemple Friezen 1996, p. 72-73.
19 Voir pour les régions aujourd’hui allemandes, Kossack et col. 1984, p. 246-275.
20 Voir Knol 1993, en particulier p. 107-111.
21 Sur la dilatation du peuplement frison, voir Lebecq 1983, p. 107-110.
22 Knol 1993, p. 242.
23 Slicher van Bath 1965, p. 99-103 et 131-133.
24 Relatif aux possessions de l’abbaye de Lorsch sur l’île zélandaise de Schouwen. Voir Besteman 1974.
25 Lebecq 1983, vol. 1, p. 129.
26 Lebecq 1980, p. 144-145.
27 Voir Koch 1970, no 11, 12 et 10, p. 21-24.
28 Lebecq 1983, vol. 2, p. 21.
29 Bos 1995, p. 147-150 ; Friezen 1996, p. 74-75.
30 Niermeyer 1964, p. 34. Exemples de ces rentes dans Lebecq 1983, vol. 2, p. 383.
31 Voir Lebecq 1983, vol. 1, avec, p. 12-15, un rappel historiographique. Mise à jour dans Lebecq 1996 b, spécialement p. 69-70 (« Zum historiographischen Problem »).
32 Voir ci-dessus note 5.
33 Voir Bos 1995, p. 141 (trésor de Tzummarum) et p. 153 (fibule « royale » de Wijnaldum).
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