Les Vikings en Frise. Chronique d’un échec relatif
p. 151-166
Note de l’éditeur
Publié dans Les Fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, actes du colloque de Cerisy (2002), éd. Pierre Bauduin, Caen, Publications du CRAHM, 2005, p. 97-112.
Texte intégral
1Vue du Danemark, la Frise est une voisine presque immédiate. Non seulement il y a la proximité géographique, mais il y a aussi une identité morphologique et paysagère entre les deux contrées, qui ont en commun le même chapelet d’îles littorales, les mêmes cordons de dunes, les mêmes lagunes, la même plaine côtière. Seules les glaciations ont imprimé des différences, laissant au Danemark, qu’elles ont davantage marqué de leur empreinte, ces croupes morainiques qui donnent à l’intérieur du Jutland un paysage sensiblement plus vallonné1. Entre l’une et l’autre région, les voies de communications, terrestres autant que nautiques, sont multiples et faciles : retenons en particulier la possibilité d’une navigation abritée dans la « mer des Wadden », c’est-à-dire entre les îles côtières, qui sont les restes d’un ancien cordon littoral, et la côte même2.
2Il semble de surcroît qu’il y ait eu à l’époque migratoire une véritable familiarité sociale et culturelle entre les Frisons et les Danois, scandée par les unions et les désunions, les fêtes et les combats, et dont la littérature épique vieil-anglaise paraît se faire le lointain écho : le poème Beowulf et les textes qui lui sont associés (Finnesburh Fragment, Widsith) évoquent en effet une époque héroïque marquée par les règlements de compte entre Finn, roi des Frisons et époux de Hildeburh, et le frère de celle-ci, Hnaef, chef du clan danois des Halfdan3. Sans doute le raid conduit vers 525 sur les côtes de Frise par le chef danois Chlochilaichus, qu’on identifie sans problème au Hygelac (chef des Geats alliés des Danois et ennemis des Frisons) du Beowulf, s’inscrit-il dans cette tradition de contacts guerriers entre les deux voisins : son évocation par Grégoire de Tours, au troisième livre de ses Histoires4, donne un réel crédit aux suggestions de la littérature héroïque.
3Tout montre que les contacts entre la Frise et le Danemark se sont multipliés aux VIIe -VIIIe siècles, cette fois à l’initiative des Frisons. L’archéologie et la linguistique suggèrent un important mouvement de colonisation paysanne en direction des îles danoises de la mer du Nord et des terres côtières qui leur font face. Plus visibles sont les débuts d’une expansion marchande partie des ports de Frise, parmi lesquels Dorestad, à la tête du delta du Rhin, paraît acquérir dans le courant du VIIe siècle une véritable suprématie, au point de devenir dans les années 680-720 le principal enjeu des luttes entre l’autorité pippinide, acharnée à faire main basse sur la basse vallée du Rhin, et la royauté frisonne indépendante, longtemps incarnée par Radbod (c. 680-719)5. Un seul texte éclaire cette première connexion entre la Frise et le Danemark, c’est la relation qu’Alcuin a faite du voyage entrepris vers 700 par Willibrord, première évêque des Frisons, jusqu’à la résidence du roi danois Ongendus6 : l’idée et la logistique d’un tel voyage n’ont pu être fournies au missionnaire anglo-saxon que par les marchands/navigateurs qui assuraient alors la navette entre les deux contrées.
4Il est possible que cet Ongendus (peut-être une forme latinisée de l’anthroponyme danois Angantyr) ait été le chef dont les places centrales ont été successivement fouillées sur la frange littorale du Jutland sud-occidental, d’abord à Dankirke, établissement à caractère rural marqué, mais dont la richesse ne s’est jamais démentie depuis l’époque pré-romaine jusqu’au VIIIe siècle, ensuite à Ribe, établissement proto-urbain créé de toutes pièces aux alentours de 704, qui allait bientôt devenir un des principaux emporia des mers du Nord7. Qu’on ait respectivement trouvé à Dankirke et à Ribe dix et près de cent-cinquante pseudo-sceattas d’argent du type dit « Wodan/Monstre » (que selon moi il vaudrait mieux appeler « Roi chevelu/Monstre »), c’est-à-dire d’un type sans doute originaire de Frise où on en a retrouvé une quantité considérable de spécimens, mais qui peut très bien avoir été imité par les premiers monétaires danois, montre l’intimité des contacts, en particulier commerciaux, qui existaient alors entre la Frise et le Danemark.
5On a d’ailleurs de bonnes raisons de penser que, si les Frisons ont été d’emblée présents sur le marché de Ribe, ils ont un peu plus tard (aux alentours de 750) contribué à la fondation, à la base sud-orientale du Jutland, du tout premier établissement de Sliaswich-Haithabu (le Südsiedlung des archéologues, au départ modeste poste de traite, qui révèle, par ses structures tout autant que par son mobilier, de réelles affinités avec la Germanie littorale), ouvrant ainsi la porte de la Baltique et de ses lointains marchés, suédois notamment, aux marchands/navigateurs occidentaux8.
6Sans mésestimer les facteurs propres au milieu scandinave, singulièrement la montée en puissance d’autorités monarchiques9 qui, au Danemark en particulier, ont laissé pour compte et jeté dans l’aventure maritime tant de concurrents et tant de chefs de groupes aristocratiques, je pense que les Occidentaux, surtout Frisons, ont, en ouvrant la route de l’Est à un trafic régulier dans le courant du VIIe et du VIIIe siècle, fortement contribué à l’enclenchement du phénomène viking, en initiant les Scandinaves à l’usage de la voile, en les attirant vers les routes de l’Ouest, en leur révélant leurs itinéraires, leurs escales, leurs ports, les richesses recelées par les uns et les autres, et en les appâtant avec des cargaisons dans lesquelles il y avait des produits rares et prestigieux – véritables « produits d’appel » pour ces populations dont le niveau de culture ne s’était guère élevé au-dessus de celui de l’Âge du Fer –, tels que les armes, le vin et l’argent10.
7C’est précisément sur l’activité prédatrice des Vikings en Frise que je voudrais maintenant attirer l’attention. Après quoi je m’attarderai sur les concessions de terres et les délégations d’autorité que le pouvoir franc y a accordées aux chefs danois. Pour finir, je tenterai de dresser un bilan dans lequel on verra que les implantations scandinaves en Frise, si nombreuses et fréquentes qu’elles aient été, n’ont pas eu, à la différence de ce qui s’est passé en Normandie, en Angleterre, dans les archipels écossais ou en Irlande, un gros impact démographique, politique et culturel – sans doute, et très paradoxalement, parce que la Frise était une voisine trop proche du Danemark.
L’activité prédatrice des Vikings en Frise
8Pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées, en particulier le voisinage géographique, l’identité morphologique et la commodité des communications entre le Danemark et la Frise, on n’est pas surpris que celle-ci ait été la première et principale victime de la piraterie sinon scandinave, du moins danoise : la première et la dernière référence à des raids danois dans toute l’histoire de l’Europe carolingienne puis postcarolingienne concernent en effet toutes deux la Frise11 :
la première nous est donnée à l’année 810 des Annales Regni Francorum : « Tandis que l’empereur qui se trouvait à Aix était en train de préparer une expédition contre le roi [des Danois] Godfrid, il apprit qu’une flotte de deux cents navires venue de Nordmannia avait abordé en Frise, et que toutes les îles du littoral frison avaient été dévastées ; que leur armée avait même débarqué sur le continent et y avait livré trois combats contre les Frisons ; que les Danois, vainqueurs, avaient imposé un tribut à leurs vaincus, et que déjà les Frisons leur avaient versé cent livres d’argent »12. Si l’Annaliste paraît mettre implicitement en cause Godfrid, Eginhard dit dans sa Vita Karoli que le roi danois considérait la Frise et la Saxe comme ses propres « provincias »13, et, bien plus tard, Saxo Grammaticus rejetterait toute la responsabilité de l’expédition sur Godfrid, acharné à disputer à Charlemagne le contrôle des régions frontalières de leurs royaumes respectifs14, – régions où ne se rencontraient pas seulement ces Germains de la mer qu’étaient les Frisons, les Saxons et les Danois, mais aussi les Slaves Abodrites (traditionnels alliés des Francs) et Wilzes (alors soutenus par Godfried)15.
C’est Alpert de Metzqui nous donne dans le De diversitate temporum les dernières références à des raids danois dans le monde franc. Au chapitre 8 – intitulé De adventu Nordmannorum – de son premier livre, il parle de ces « pirates qui, venus [en 1006] des îles de l’océan avec une multitude de navires, ont surgi dans le fleuve Merwede [un des bras du delta de la Meuse] avec une multitude de navires, et l’ont remonté jusqu’au portus de Tiel, dont la population, qui habitait sur les bords du Waal, ne trouva son salut que dans la fuite, abandonnant aux ennemis presque tout, sauf son argent, car il s’agissait de marchands [preter pecuniam, quia mercatores erant] » ; et au chapitre 9 – intitulé De secundo adventu Nordmannorum –, il évoque la remontée, en l’an 1007, du Lek [un des bras du delta du Rhin] et du Rhin lui-même par les pirates cum nonaginta longis navibus, ajoutant qu’alors les habitants d’Utrecht, prévenus de leur arrivée imminente, ont eux-mêmes mis le feu à leur portus16.
9Entre les deux, toutes les formes de prédation telles qu’elles ont été caractérisées par Lucien Musset17 ont été pratiquées, si du moins l’on en croit les litanies transmises par les sources annalistiques (en particulier les Annales Regni Francorum, les Annales dites de Saint-Bertin, les Annales Fuldenses et les Annales dites de Xanten), et les chroniques (en particulier celles de Réginon de Prüm et d’Alpert de Metz)18 : raids éclairs (en particulier au détriment de Dorestad, la cible privilégiée, qui fut touchée en 834, 835, 836, 837, 847, 857, enfin en 863, année où l’emporium fut définitivement abandonné par ses habitants) ; dévastations en rase campagne ; mise à tribut ; installation dans le pays, quelquefois sanctionnée, voire encouragée par le pouvoir carolingien… Ce dernier phénomène fouetta un véritable cercle vicieux, dans la mesure où ces concessions de terres étaient faites en faveur de princes danois engagés dans les querelles de succession dynastique, et que du même coup elles attirèrent sur les régions concernées la vindicte des concurrents.
10Certes, l’autorité franque ne resta pas inactive. Charlemagne d’abord prit des mesures après le raid de 810 : il fit construire des flottes de guerre à Boulogne et à Gand, qu’il inspecta lui-même en 811, et restaura le farum romain de Boulogne19 ; et Louis le Pieux fit à son tour construire des navires contra Nordmannos20, et mettre en défense les côtes de Frise21. Si l’on s’interroge sur la nature des maritima custodia ainsi mis en place suivant les Annales de Saint-Bertin, on trouvera une explication plausible dans la Vie de l’Empereur Louis le Pieux de Thegan, qui écrit que vers 837 Louis statuit sediciones in nonnullis locis contra Danaos, et que les Danois s’emparèrent d’une de ces sediciones, sans doute sur l’île de Walcheren22 : il est probable que le mot sedicio, ici détourné de son sens habituel (par un scribe distrait ?) doive être rapproché des mots moyen-latins sedita ou presidium, qui signifient « garnison »23, et il est possible qu’il renvoie aux fortifications connues dans l’archipel zélandais sous le nom de burchten, ou encore ringwalburgen24, dont il n’est pas exclu que, si la plupart paraissent dater de la fin du IXe siècle, certaines ont pu recevoir leurs premières fondations dès les années 83025.
11Ces mesures militaires alternèrent avec des mesures plus pacifiques, d’une portée certes générale mais qui, presque toujours, impliquèrent la Frise. En effet, pour régulariser ses relations avec le pouvoir danois, l’autorité franque ne négligea pas les relations diplomatiques, avec envois d’ambassadeurs, échanges de cadeaux et échanges d’otages. Ainsi en 811, un an tout juste après l’attaque danoise sur la Frise, Charlemagne et Hemming, successeur de Godfrid assassiné en 810, convinrent de faire la paix : douze nobiles de chaque camp, c’est-à-dire Francs et Danois, se rencontrèrent sur les bords de l’Eider, rivière frontalière à la base du Jutland, et « échangèrent des serments suivant la coutume de leurs peuples ». Et les Annales Regni Francorum, qui relatent l’événement, de citer le nom de chacun des plénipotentiaires, parmi lesquels on distinguera d’un côté Wala, cousin germain de Charlemagne et futur abbé de Corbie, et le fameux comte Unroch, bientôt marquis de Frioul, et de l’autre les propres frères du roi Hemming, Hankwin et Angandeo26. Quelques mois plus tard, Hemming envoya à Aix-la-Chapelle deux membres de la précédente ambassade, Aowin et Hebbi, avec des cadeaux et de nouveaux engagements de paix27.
12Quant à Louis le Pieux, on sait qu’il tenta de jouer la carte missionnaire pour neutraliser l’agressivité danoise : l’archevêque Ebbon de Reims en 823 et le moine de Corbie puis de Corvey Ansgar à partir de 826 en furent les principaux protagonistes28. La Frise, et singulièrement l’emporium de Dorestad, leur servirent de base logistique, comme le montre de façon récurrente la Vita Anskarii écrite entre 865 et 876 par Rimbert, successeur d’Ansgar sur les sièges épiscopaux de Brême/Hambourg29.
13Mais les Carolingiens eurent aussi recours à un expédient classique, naguère pratiqué par l’Empire romain en faveur de ses fédérés et désormais remis au goût du jour, qui consista à confier des terres littorales à certains Vikings, que l’on faisait baptiser et dont on attendait qu’ils jouassent désormais les garde-frontières contre les autres. C’est sur ce point que je voudrais maintenant attirer l’attention, en tentant de démêler un écheveau événementiel particulièrement complexe.
Concessions de terres et délégations d’autorité accordées dans l’espace frison par le pouvoir franc à des chefs danois
14Si les choses sont aussi compliquées, c’est que les événements qui vont suivre ont impliqué plusieurs générations de prétendants à la royauté danoise sur lesquels les sources annalistiques franques donnent des informations généalogiques souvent contradictoires30, et parmi lesquels on rencontre de surcroît de nombreux homonymes (Hemming, Godfred/Godfrid, Harald/Harold/Heriold, Herek/Horic/Roric…), ce qui ne simplifie pas l’intelligence des faits. On peut du moins distinguer au long du IXe siècle trois phases principales de concessions de terres et de délégations d’autorité accordées par le pouvoir franc à des chefs danois dans l’espace frison : en 826, vers 840-850, et dans les années 880.
1er temps : Harald Klak en Rüstringen et Hemming à Walcheren (826)
15Après l’assassinat du roi danois Godfrid en 810, puis la mort de son neveu (en l’occurrence fils de son frère) Hemming en 81231, l’autorité royale danoise fut disputée par deux clans rivaux32 : les fils et neveux de Godfrid d’une part, et un groupe de prétendants se réclamant eux aussi d’une ascendance royale (remontant à un dénommé Harald, probable prédécesseur de Godfrid), dont Harald Haraldsson, dit Harald Klak, son frère Reginfrid, et leur parent Hemming, qui serait présenté plus tard, dans les Annales de Fulda, comme « le fils de Halfdane »33. Ceux-ci l’emportèrent d’abord, promouvant à la royauté Harald et Reginfrid34. Mais leur autorité allait être à plusieurs reprises contestée par les héritiers de Godfrid, jusqu’à ce que, Reginfrid étant mort au combat dès 81435, Harald et son parent Hemming fussent définitivement chassés du Danemark en 826 : et c’est dans l’Empire franc, auprès de Louis le Pieux qui les avait déjà soutenus par le passé36, qu’ils allèrent chercher refuge37.
16Le séjour de Harald chez les Francs, et sa rencontre avec Louis le Pieux à Ingelheim, sont particulièrement bien documentés, puisqu’à la relation qu’en font les Annales Regni Francorum, s’ajoutent les récits d’Ermold le Noir dans son Poème sur Louis le Pieux, de Thegan dans sa Vie du même empereur, et de Rimbert dans la Vita Anskarii38. Harald reçut le baptême à Mayence, avec l’empereur pour parrain. Pour l’aider à rentrer au Danemark, celui-ci lui donna une escorte, à laquelle fut associé Ansgar de Corbie, chargé d’y fonder une première église, et surtout lui concéda in qua provincia [= en Frise] unus comitatus qui Hriustri vocatur, ut in eum se cum rebus suis, si necessitas exigeret, recipere potuisset – « un comté du nom de Rüstringen, pour que, si la nécessité l’exigeait, il pût s’y retirer avec ses biens »39.
17Quant à Hemming, qui fut lui aussi baptisé, il reçut assurément de Louis le Pieux un commandement militaire, puisqu’on sait qu’en 837 les Danois massacrèrent in Walchram insulam [sur l’île de Walcheren] « une quantité innombrable de chrétiens », parmi lesquels tombèrent de nombreux optimates de l’empereur, en particulier le duc Eggihard, ejusdem loci comitem, et celui que l’Annaliste de Fulda appelle Hemmingum Halpdani filium, et dont Thegan, qui orthographie son nom Hemminch, précise qu’il était ex stirpe Danorum, et dux christianissimus40.
2e temps : Harald à Walcheren et Rorik à Dorestad (vers 840)
18À partir des environs des années 840-850, il est beaucoup question dans les sources franques de deux personnages qu’on a du mal à situer par rapport aux autres protagonistes41 :
un dénommé Harald (dont à vrai dire on ne sait s’il est le même que le Harald Klak de Rüstringen ou un de ses parents)42 ;
et un dénommé Rorik, tantôt présenté comme le frater du précédent, tantôt comme son nepos43.
19Ils apparaissent en tout cas dans le contexte des luttes entre les fils de Louis le Pieux, jouant de l’un contre l’autre, ou plutôt utilisés par l’un ou l’autre contre le troisième, et se faisant la main en piratant les côtes de Frise. Ce fut d’abord le cas de Harald, « qui, pendant des années, infligea de grands malheurs à la Frise et aux autres contrées maritimes appartenant aux chrétiens ». Alors, en 841, « Lothaire, pour s’en obtenir le concours, lui donna in beneficium Walcheren et d’autres lieux du voisinage [Gualacras aliaque vicina loca] ». C’est du moins ce qu’écrit dans les Annales de Saint-Bertin44 Prudence de Troyes, qui, très hostile à Lothaire, déplore cette concession45.
20Quant à Rorich nepos Herioldi, voici que, suivant la même source à l’année 850, « il dévasta avec une multitude de navires Fresiam et Batavum insulam aliaque vicina loca per Renum et Vahalem [le long du Rhin et du Waal]. C’est pourquoi Lothaire, qui ne pouvait l’arrêter, in fidem recepit, et il lui donna Dorestadum et alios comitatus »46. Les Annales Fuldenses, qui sont beaucoup plus précises, font remonter la concession au temps de Louis le Pieux : Rorik natione Nordmannus, qui temporibus Hludowici imperatoris cum fratre Herioldo vicum Dorestadum jure beneficii tenuit … ; mais elles ajoutent qu’après la mort de Louis, Rorik fut capturé sur ordre de Lothaire, et que, étant parvenu à s’échapper, il reprit son activité prédatrice au détriment des terres littorales du royaume de celui-ci. Alors Lothaire, à bout de ressources et après avoir pris l’avis de ses conseillers, accepta de recevoir Rorik in fidem, mais à la condition que tributis ceterisque negotiis ad regis aerarium pertinentibus fideliter inserviret et piraticis Danorum incursionibus obviando resisteret (« qu’il perçoive fidèlement les tonlieux et autres taxes qui [levées à Dorestad] appartiennent au trésor royal, et qu’il s’oppose aux incursions des pirates danois »)47.
21On entre désormais dans une histoire extrêmement chaotique, dans laquelle les chefs vikings s’impliquèrent dans les luttes internes entre les fils et petits-fils de Louis le Pieux, multiplièrent les raids sur les côtes et dans les vallées fluviales – celle du Rhin en particulier – repartant éventuellement au Danemark pour y revendiquer la royauté. À Harald, tué en 845, succéda son fils Rudolf, nouveau maître de Walcheren et des bouches de l’Escaut. Ce Rudolf multiplia les agressions contre les littoraux frisons : l’une d’elles, téléguidée par Charles le Chauve contre son frère Louis, prit en 873 la direction de l’Oostergo, c’est-à-dire du pagus qui constituait avec le Westergo le vieux cœur de la Frise, immédiatement à l’est de l’Almere, ancêtre des actuels Ijsselmeer ou Zuiderzee, alors au pouvoir de Louis le Germanique ; mais les Frisons résistèrent et le mirent à mort – et cum eo octingenti viri, rien de moins48 !
22Quant à Rorik, désormais accompagné de son parent Godfrid, fils d’Harald Klak49, il repartit au Danemark en 855 pour y reconquérir le pouvoir, mais il échoua et revint à Dorestad50. En 857, il fit une deuxième tentative de retour au Danemark, cum consensu domini sui Hlotharii regis, et cette fois le roi Horik lui concéda des territoires proches de l’Eider, à la base sud-occidentale du Jutland51. Sur le devenir de sa fortune au Danemark on ne sait rien, mais ce qui est sûr c’est que, dans les années suivantes, on le revit en compagnie de Godfrid en Frise, où ni l’un ni l’autre ne purent, ou ne voulurent, faire quoi que ce fût contre les attaques sur Dorestad, définitivement détruite en 86352.
3e temps : Godfrid maître de toute la Frise (882) ?
23Tandis que Rorik disparaissait peu à peu des sources (ce qui paraît chose faite en 870), Godfrid créa le fameux camp d’Ascloha sur la Meuse, qu’on identifie plus volontiers avec Asselt près de Roermond qu’avec Elsloo près de Maastricht53, d’où il multiplia les attaques contre les bassins de la Meuse et du Rhin54. Suivant les Annales de Saint-Bertin, l’empereur Charles le Gros se dirigea en 882 contre cette forteresse (firmitas) avec une grande armée, mais il perdit courage (concidit cor ejus) et convint de négocier (placitamento) : il obtint que Godfrid acceptât le baptême, en échange de quoi il lui donnerait Frisiam aliosque honores quos Roricus habuerat55. Les Annales de Fulda et surtout la Chronique de Réginon de Prüm (qui devient désormais notre principale source d’information) permettent de préciser le contenu des tractations : les premières ajoutent en effet que l’empereur fut le parrain de baptême de Godfrid et qu’il lui donna comitatus et beneficia quae Rorich Nordmannus Francorum regibus fidelis in Kinnin [Kennemerland] tenuerat56 ; et la seconde, si elle reste vague quant aux délimitations de la région concédée (Fresia provincia), et si par ailleurs elle confirme que l’empereur releva Godfrid des fonts baptismaux, elle ajoute que Charles lui donna en mariage Gisla filia Lotharii – Gisèle, fille de son cousin germain Lothaire II57.
Les Vikings en Europe occidentale et en Frise

24Voici donc que Godfrid fut intégré dans le réseau de parenté des Carolingiens. Son pouvoir alors paraît immense : car si on peut croire avec l’annaliste de Fulda que son autorité était centrée sur le Kennemerland, région de Frise occidentale située à l’ouest de l’Almere qui allait devenir le noyau du futur comté de Hollande, on est en droit de considérer que lui fut également déléguée une autorité – d’un ordre qu’en dépit du manque de précision des sources on peut assimiler à un ducatus – sur l’ensemble de la provincia de Frise (incluant Dorestadum et alios comitatus, qui avaient été naguère attribués à Rorik), car on apprend un peu plus tard qu’il avait sous ses ordres deux comites Fresonum, Gardulf et Gerulf, dont il était en mesure de faire ses légats auprès de Cesar – l’empereur Charles58.
25Mais Godfrid ne respecta pas ses engagements : d’abord, il permit (adsentiente Godefrido) à une flottille de Normands de remonter le Rhin jusqu’à Duisburg, où ils édifièrent un retranchement (munitio) dans lequel ils passèrent l’hiver 884-88559. Puis, en 885, il fit un chantage auprès de Charles le Gros, dans le but probable de justifier une rébellion préméditée avec d’autres adversaires de l’empereur : « s’il voulait qu’il persévérât dans cette fidélité (fidelitas) qu’il lui avait promise, et qu’il défendît contre les incursions de sa propre gens (ab incursione propriae gentis) les frontières du royaume qui lui avaient été confiées, il fallait maintenant qu’il lui concédât en plus [les fiscs rhénans de] Coblence, Andernach, Sinzig et plusieurs autres fiscs (et nonnullos alios fiscos) qui produisaient le vin en abondance, parce qu’on n’en trouvait pas dans les terres que la munificentia principis lui avaient accordées »60.
26Mais Godfrid fut assassiné par des Frisons révoltés, et un soulèvement général aboutit à l’expulsion des derniers contingents scandinaves de Frise61 : comme dit Else Roesdahl, « this was the last time a Viking chieftain was entrusted with Frisia »62. Il n’est pas exclu qu’en l’occurrence il y ait eu complot, peut-être téléguidé par le pouvoir carolingien, en tout cas ourdi sur place par le comte Gerulf, car celui-ci fut l’indiscutable bénéficiaire de l’opération. Arnulf en effet, neveu et successeur de Charles le Gros comme roi de Germanie en 888 (avant d’accéder à l’Empire en 896), lui donna le Kennemerland en fief en 889, dès les lendemains de son arrivée au pouvoir. Comte de ce qu’on appelle tout aussi bien Frise occidentale et père de Dirk (ou Thierry) Ier, Gerulf est le fondateur de la dynastie des comtes qu’on désignera à partir du XIIe siècle sous le nom de comtes de Hollande63.
Un bilan ?
27Voici résumée à grands traits, mais étayée par les sources les plus explicites, l’histoire des concessions faites par les Carolingiens en Frise en faveur des Danois. Dressons en un bref bilan :
d’abord en ce qui concerne la nature des accords. On a vu que bien souvent les concessions faites par l’autorité franque aux chefs vikings venaient en contrepartie d’un baptême, et qu’elles étaient éventuellement assorties d’un mariage avec une princesse franque. Dans tous les cas, elles étaient faites in beneficium (comme il est dit du second Harald, et des « bénéfices » que Godfrid hérita de Rorik), in fidem (comme il est dit de Rorik), ou contre l’engagement de fidelitas (comme il est dit, une fois de plus, de Rorik, « fidèle des rois des Francs », et de Godfrid) ;
puis en ce qui concerne l’objet territorial des accords : ce qui fut concédé à Harald Klak fut le comitatus qui Hriustri vocatur, à savoir le Rüstringen ; au second Harald Gualacras aliaque vicina loca, c’est-à-dire principalement Walcheren, le Domburg des archéologues, qui était l’un des principaux emporia de la Frise occidentale64 ; à Rorik Dorestadum et alios comitatus – Dorestad donc, le vicus famosus ou vicus nominatissimus des sources65 ; à Godfrid Frisiam aliosque honores quos Roricus habuerat, c’est-à-dire (interprétation large) la Fresia provincia ou (interprétation étroite) le seul Kennemerland, Frise occidentale ou noyau de la future Hollande ;
enfin en ce qui concerne la nature de l’autorité concédée. À Rorik, ce furent des honores, c’est-à-dire des pouvoirs en même temps que les moyens matériels de les exercer ; plus précisément il s’agissait, pour lui comme pour Harald Klak ou comme pour Godfrid, d’un comitatus, soit de l’ensemble des prérogatives comtales qui, toutes, impliquaient une délégation d’autorité du souverain. Certaines de ces fonctions font l’objet de mentions spéciales dans notre documentation : la fonction fiscale (tributis ceterisque negotiis ad regis aerarium pertinentibus), en particulier à Dorestad, dont on sait que, depuis 779 au plus tard, elle abritait l’une des plus importantes douanes de l’État franc66, mais aussi la fonction militaire, qu’embrasse le ducatus confié à Hemming, et qui prenait plus concrètement la forme de la défense territoriale contre les piraticis Danorum incursionibus ou contre l’incursio propriae gentis, comme il était attendu respectivement de Rorik à Dorestad et de Godfrid en Frise.
28Avec l’assassinat de ce dernier et l’expulsion de ses troupes, ce fut donc la fin des concessions territoriales faites par les Francs en faveur des Danois en Frise, mais pas la fin des raids : il y en eut encore de nombreux – jusqu’au début du XIe siècle, on l’a vu –, surgis d’un Danemark qui achevait sa métamorphose monarchique67. À la différence de ce qui s’est passé dans le Danelaw plus qu’en Normandie, l’histoire de ces concessions fut relativement éphémère (826-885), et l’empreinte qu’elles laissèrent en Frise resta peu marquée – ce qui peut paraître paradoxal compte tenu de la proximité géographique et culturelle qui existait entre Frisons et Danois68. En effet, comme cela a été bien montré par Dirk Blok69, la présence viking en Frise ne laissa pas beaucoup de traces : ni dans la langue, ni dans la toponymie (malgré des noms comme Osemundsburg70), ni dans les institutions (où le seul legs possible des Vikings fut le heervaart, l’organisation du pays en districts destinés à assurer la conscription de rameurs71), ni même dans la culture matérielle72 : pour ne donner qu’un exemple, les forteresses circulaires de Zélande, qu’on avait cru naguère pouvoir imputer aux Vikings par référence au modèle de Trelleborg et autres forteresses danoises, ont été, on l’a vu, élevées contre les Normands.
29On a trouvé cependant quelques vestiges archéologiques susceptibles d’être associés à la présence viking :
peut-être un secteur (totalement discordant par rapport à l’ensemble) du cimetière du Heul, à Dorestad73 ;
un habitat et un cimetière situés à l’est de la plage de Domburg, site de l’ancienne Walcheren : les sépultures, contenues dans des cercueils de chêne, recelaient un matériel abondant (rare dans l’Occident du IXe siècle) comprenant un torque d’argent de coupe carrée et décoré au poinçon, des aiguilles de bronze décorées de triangles poinçonnés, des appliques de bronze ornées de masques d’animaux – tous objets dont les plus sûrs équivalents ont été retrouvés dans les sites vikings de Scandinavie et d’Europe occidentale, auxquels on peut ajouter une belle garniture de toilette en argent découverte en 198974 ;
des sépultures isolées, comme celle de Velsen, dans le Kennemerland, tombe assurément scandinave du début du Xe siècle, ou comme celle qui a été fouillée sur le terp d’Antum (près de Groningen) où on a retrouvé la tombe d’un homme – peut-être un Viking – enterré avec son cheval, ses étriers, son épée, trois fers de lance et les restes probables d’un bouclier75 ;
des trésors, comme celui qui a été découvert en 1991 dans le terp de Tzummarum (Frise) avec 2800 deniers de Louis le Pieux et Lothaire, et qui a été interprété ou comme un trésor de Viking ou comme celui d’un Frison ayant mis sa fortune à l’abri76 ; ou comme celui qui a été trouvé en 1995 à Wieringen (Hollande du Nord), avec des torques, des bracelets, des lingots, des monnaies, et qui peut bien avoir été le butin d’un chef viking77.
30Il n’empêche que ces traces de présence viking – dont certaines, à dire vrai, ne sont attribuées aux Scandinaves qu’à titre d’hypothèse – sont peu nombreuses, comme fut réduite la durée de leur installation en Frise.
31Cela mérite une explication. Pour commencer, il ne paraît pas inutile de rappeler que la Frise a été une part essentielle de la Lotharingie, dont on sait qu’elle a été âprement disputée par les Carolingiens, surtout après la mort sans héritier mâle de Lothaire II en 859. Il y eut de fréquents, et parfois inattendus, changements de souverains : cela n’encouragea pas le respect des fidélités, de ces fidélités auxquelles les principaux protagonistes s’étaient engagés à l’égard des rois et empereurs francs.
32D’autre part, la Frise, qui était située au carrefour de la mer du Nord et des grands fleuves (surtout du Rhin), a été tout au long des siècles du très haut Moyen Âge un enjeu stratégique et économique essentiel, avec l’emporium de Dorestad au centre de son dispositif hydrographique et commercial : les Vikings, en s’y installant avec l’aval de l’autorité franque, s’exposaient à la résistance des populations autochtones, trop intéressées à la prospérité de leur port. En dépit de leur proximité géographique et culturelle avec les Danois, les Frisons en effet ne se sont pas volontiers prêtés à la collaboration avec les Vikings, même s’il leur est arrivé de rechigner à les combattre (ainsi en 83778), voire de s’engager à leurs côtés dans les expéditions outre Manche (ainsi en 855 vers l’île de Sheppey, et en 868 vers la Northumbrie79). S’impose plutôt, quand on lit les Annales au fil des pages, l’impression d’une résistance larvée contre la pression viking, qui a pu prendre un tour explosif, comme au moment de la mise à mort de Rudolf en 873 et de Godfrid en 885.
33Surtout, pour les Danois qui y ont été installés par l’autorité franque, la Frise n’a été qu’une base pour réaliser des ambitions dont les enjeux étaient ailleurs : éventuellement à l’intérieur du monde franc (en particulier pour Godfrid, le seul dont on sait qu’il a été marié à une princesse franque – de surcroît fille de Lothaire II et héritière des intérêts paternels en Lotharingie80 –, et dont on a vu que les ambitions étaient explicitement tournées vers le bassin rhénan), peut-être aussi en direction de l’Angleterre (la Frise ayant parfois été utilisée comme un marche-pied vers le Danelaw), mais surtout à destination de leur patrie, dans laquelle réside la véritable raison de leur défaut d’enracinement en Frise : pour les chefs vikings, qui appartenaient tous au même groupe de familles engagées dans la lutte pour un pouvoir monarchique unitaire, la Frise n’a jamais été qu’une base arrière destinée à faciliter la réalisation de leurs ambitions dynastiques au Danemark.
34On ne saurait oublier cependant que, si l’installation des Danois en Frise pendant une soixantaine d’années a abouti à un échec, la perturbation jetée pendant deux siècles sur les itinéraires de navigation et sur l’activité portuaire, celle de Dorestad en particulier, qui fut définitivement abandonnée après le dernier raid de 863, a complètement désorganisé le système du « grand commerce frison » qui, depuis le VIIe siècle, avait fait la fortune de la Fresia provincia81.
Notes de bas de page
1 Parmi une littérature extrêmement abondante, on trouvera une excellente approche de la Frise du très haut Moyen Âge dans la brève et jolie synthèse de H. A. Heidinga, Frisia in the First Millenium. An Outline, Utrecht 1997. Pour une bonne approche du paysage, du peuplement et des activités humaines dans les contrées littorales, voir Egge Knol, Noordnederlandse Kustlanden in de Vroege Middeleeuwen, Groningen 1993. Et pour mieux apprécier la familiarité entre la Frise et le Danemark, on pourra recourir à deux catalogues d’exposition : Friezen, Saksen en Denen. Culturen aan de Nordzee, 400 tot 1000 n. Chr., Leeuwarden (Fries Museum)/Franeker 1996 ; et Kings of the North Sea, AD 250-850, Leeuwarden (Fries Museum) 2000.
2 Stéphane Lebecq, Marchands et navigateurs frisons du haut Moyen Âge, deux volumes, Lille 1983. Pour limiter l’apparat critique infrapaginal, je renverrai souvent dans les notes qui suivent au deuxième volume de l’ouvrage, qui en constitue le Corpus des sources écrites.
3 Bruce Mitchell et Fred C. Robinson éd., Beowulf. An Edition, Oxford 1998. Voir en particulier les vers 2354-2366 et 2503-2506, p. 131-137.
4 Grégoire de Tours, Decem Libri Historiarum, III 3. Éd. Rudolf Buchner, dans les Ausgewählte Quellen zur deutschen Geschichte des Mittelalters, vol. 1, Berlin 1967, p. 143.
5 Sur Dorestad, voir désormais W. A. Van Es et W. A. M. Hessing éd., Romeinen, Friezen en Franken in het hart van Nederland (van Traiectum tot Dorestad 50 v. C. -900 n. C.), Amersfoort/Den Haag 1994. Sur le trafic à partir de Dorestad, Stéphane Lebecq, « Long Distance Merchants and the Forms of their Ventures at the Time of the Dorestad Heyday », in H. Sarfatij, W. J. H. Verwers et P. J. Woltering éd., In Discussion with the Past. Archaeological Studies presented to W. A. Van Es, Amersfoort 1999, p. 233-238.
6 Vita Willibrordi par Alcuin, c. 9-10. Stéphane Lebecq, Corpus cité note 2, p. 63-64.
7 Voir, pour aller vite, Steen Hvass et Birger Storgaard, Digging into the Past. 25 Years of Archaeology in Denmark, Aarhus 1993, p. 198-199 ; et Stig Jensen, The Vikings of Ribe, Ribe 1991. En l’occurrence d’après les travaux de Jarl Hansen, Mogens Bencard, Stig Jensen et quelques autres.
8 Stéphane Lebecq, Marchands et navigateurs frisons, vol. 1, en part. p. 85-88 ; et id., « Frisons et Vikings. Remarques sur les relations entre Frisons et Scandinaves aux VIIe-IXe siècles », dans Les Mondes Normands (VIIIe-XIIe siècles), actes du Congrès d’Archéologie médiévale (Caen 1987), Caen 1989, p. 45-60. Essentiellement d’après les travaux de Heiko Steuer, Die Südsiedlung von Haithabu. Studien zur frühmittelalterlichen Keramik im Nordseeküstenbereich und in Schleswig-Holstein, Neumünster 1974 ; et de Herbert Jankuhn, Haithabu. Ein Handelsplatzder Wikingerzeit, 8e éd., Neumünster 1986, en part. p. 17-22.
9 Sur la question de l’origine des monarchies scandinaves, voir Lotte Hedeager, Iron-Age Societies : from Tribe to State in Northern Europe (500 BC – AD 700), Oxford 1992.
10 Stéphane Lebecq, « Aux Origines du phénomène viking. Quelques réflexions sur la part de responsabilité des Occidentaux (VIIIe-début IXe siècle) », dans La Progression des Vikings, des raids à la colonisation, éd. Anne-Marie Flambard-Héricher, Rouen 2000, p. 15-25.
11 Je récapitule une fois pour toutes les sources principales de l’activité viking en Frise, en renvoyant à l’édition à laquelle j’ai eu recours pour chacune d’entre elles, même si dans les notes suivantes les renvois seront le plus souvent faits par commodité au Corpus des sources écrites cité ci-dessus note 2 :
– parmi les Annales : Annales Regni Francorum (ARF, éd. Reinhold Rau, dans les Ausgewählte Quellen…, vol. 5, Berlin 1960), Annales de Saint-Bertin (ASB, éd. F. Grat, J. Vielliard, S. Clémencet, Paris 1964), Annales de Fulda (AF, éd. Reinhold Rau, dans les Ausgewählte Quellen…, vol. 7, Berlin 1960), Annales Xantenses (AX, éd. Reinhold Rau, dans les Ausgewählte Quellen…, vol. 6, Berlin 1960), Annales Lindisfarnenses et Dunelmenses (ALD, éd. par Wilhelm Levison, Deutsches Archiv, 17, 1961, p. 447-506) ;
– parmi les autres sources narratives ou littéraires : Vita Karoli d’Eginhard (VK, éd. Louis Halphen, Paris 1938), Poème sur Louis le Pieux d’Ermold le Noir (PLP, éd. Edmond Faral, Paris 1932), Vie de l’empereur Louis le Pieux de Thegan (VEL, éd. Reinhold Rau, dans les Ausgewählte Quellen…, vol. 5, Berlin 1960), Vita Anskarii de Rimbert (VA, éd. Werner Trillmich, dans les Ausgewählte Quellen…, vol. 11, Darmstadt 1961), Chronique de Réginon de Prüm (CRP, éd. Reinhold Rau, dans les Ausgewählte Quellen…, vol. 7, Berlin 1960), De Diversitate temporum d’Alpert de Metz(DDT, éd. Hans Van Rij, Amsterdam 1980), Gesta Danorum de Saxo Grammaticus (GD, présentation et trad. française par François-Xavier Dillmann et Jean-Pierre Troadec, Paris 1995).
12 ARF, a° 810, éd. R. Rau, p. 94 ; S. Lebecq, Corpus LXI 8, p. 304.
13 VK, c. 14, éd. L. Halphen, p. 43 ; S. Lebecq, Corpus LIV 2, p. 262.
14 GD, VIII 16, éd. Dillmann-Troadec p. 384-385.
15 ARF, a° 808, 809, 810, éd. R. Rau, p. 86-94.
16 DDT, I 8-10, éd. H. Van Rij, p. 18-23 ; S. Lebecq, Corpus LIX 1-3, p. 281-283.
17 Lucien Musset, Les Invasions. II. Le Second assaut contre l’Europe chrétienne (VIIe-XIe siècles), 2e éd., Paris 1971, passim.
18 Sur la question de l’impact des raids vikings en Frise et spécialement sur Dorestad, voir Stéphane Lebecq, Marchands et navigateurs, vol. 1, p. 272-275 ; et W. A. Van Es, « Friezen, Franken en Vikingen », in W. A. Van Es et W. A. M. Hessing, Romeinen, Friezen en Franken, op. cit., p. 82-119.
19 ARF, a°811, éd. R. Rau, p. 98 ; S. Lebecq, Corpus LXI 9, p. 304-305.
20 AF, a°838, éd. R. Rau, p. 22 ; S. Lebecq, Corpus LXIII 10, p. 319.
21 ASB, a°837, éd. F. Grat, p. 21 ; S. Lebecq, Corpus LXII 5, p. 308.
22 Thegan, VEL, éd. R. Rau, p. 252 ; S. Lebecq, Corpus LV 2, p. 269-270.
23 P. A. Henderikx, « Walcheren van de 6e tot de 12e eeuw. Nederzettingsgeschiedenis in fragmenten », in Archief van het Koninklijk Zeeuwsch Genootschap der Wetenschappen, 1993, p. 113-156, en part. p. 127-128.
24 Voir D. P. Blok, De Franken in Nederland, 3e éd., Bussum 1979, p. 131.
25 R. M. Van Heeringen, P. A. Henderikx et A. Mars éd., Vroeg-Middeleeuwse ringwalburgen in Zeeland, Goes 1995.
26 ARF, a°811, éd. R. Rau, p. 96-98.
27 ARF, a°811, éd. R. Rau, p. 98.
28 En dépit d’une littérature abondante et souvent renouvelée sur la question, je ne crois pas inutile de renvoyer à l’article, qui reste excellent, de Lucien Musset, « La pénétration chrétienne dans l’Europe du Nord et son influence sur la civilisation scandinave », naguère donné dans les Settimane di studio de Spolète (vol. XIV, 1967), reproduit dans id., Nordica et Normannica. Recueil d’études sur la Scandinavie ancienne et médiévale, les expéditions des Vikings et la fondation de la Normandie, Paris 1997, p. 3-50, en particulier p. 6-12 (« La mission carolingienne »). Pour une discussion des étapes et des enjeux de la christianisation de la Scandinavie, voir Birgit Sawyer, Peter Sawyer et Ian Wood éd., The Christianization of Scandinavia, Alingsas 1987.
29 S. Lebecq, Corpus XXIV, p. 126-137.
30 Pour trouver « a good discussion of the conflicting information we have on Danish royal genealogy in the ninth century », Timothy Reuter (dans son édition/traduction anglaise de The Annals of Fulda, Manchester 1992, p. 30, note 2) recommande toujours le vieil ouvrage de Walther Vogel, Die Normannen und das fränkische Reich bis zur Gründung der Normandie (799-911), Heidelberg 1906.
31 ARF, a°810 et 812, éd. R. Rau, p. 94-96 et 98-100.
32 ARF, a°812, éd. R. Rau, p. 98-100.
33 AF, a°837, éd. R. Rau, p. 22.
34 ARF, a°812, éd. R. Rau, p. 100.
35 ARF, a°814, éd. R. Rau, p. 106.
36 ARF, a°812, 814 et 819, éd. R. Rau, p. 100, 106 et 120.
37 Dans l’abondante littérature relative à la Scandinavie viking, c’est sans doute à Gwyn Jones, A History of the Vikings, 1e éd., Oxford 1968, p. 102-106, qu’on doit le récit le plus clair de ces événements.
38 ARF, a°826, éd. R. Rau, p. 144 ; Ermold le Noir, PLP, vers 2168-2243, éd. E. Faral, p. 170-171 ; Thegan, VEL, c. 33, éd. R. Rau, p. 234-235 ; Rimbert, VA, c. 7, éd. T. Trillmich, p. 36. Respectivement dans S. Lebecq, Corpus, LXI 10, p. 305 ; III 1, p. 25-26 ; LV 1, p. 269 ; et XXIV 1, p. 128.
39 ARF, a°826, éd. R. Rau, p. 144.
40 D’après Thegan, VEL, éd. R. Rau, p. 252-253 ; et les AF, a° 837, éd. R. Rau, p. 22. Respectivement dans S. Lebecq, Corpus LV 2, p. 269-270 ; et LXIII 9, p. 318-319.
41 « The rather condensed account given here of Roric’s past history is difficult to verify, as the references to Roric and Harald/Heriold in the different sets of Frankish annals do not match up… » Tel est le commentaire que fait Timothy Reuter de l’année 850 des AF, dans The Annals of Fulda, Manchester 1992, p. 30 note 2.
42 Else Roesdahl penche pour l’identité des deux (The Vikings, Harmondsworth 1992, p. 197 et 200) ; Timothy Reuter la juge improbable (The Annals of Fulda, op. cit. supra, p. 30, note 2).
43 Frater suivant les AF, a° 850, éd. R. Rau, p. 38 ; nepos suivant les ASB, a° 850, éd. F. Grat, p. 59. Respectivement dans S. Lebecq, Corpus LXIII 13, p. 319-320 ; et LXII 16, p. 311.
44 ASB, a°841, éd. F. Grat, p. 39 ; et S. Lebecq, Corpus LXII 12, p. 310.
45 Je renvoie à Janet Nelson, édition/traduction anglaise de The Annals of Saint-Bertin, Manchester 1991, p. 51 et note 9.
46 ASB, a°850, éd. F. Grat, p. 59 ; et S. Lebecq, Corpus LXII 16, p. 311-312.
47 AF, a°850, éd. R. Rau, p. 38 ; et S. Lebecq, Corpus LXIII 13, p. 319-320.
48 AF, a°873, éd. R. Rau, p. 90-92 ; et AX, a°873, éd. R. Rau, p. 368-370. Voir S. Lebecq, Corpus LXIII 16, p. 320-322 ; et LXV 18, p. 338-339.
49 ASB, a°852, éd. F. Grat, p. 65 ; et S. Lebecq, Corpus LXII 19, p. 312.
50 ASB, a°855, éd. F. Grat, p. 70-71 ; et S. Lebecq, Corpus LXII 21 et 22, p. 313.
51 AF, a°857, éd. R. Rau, p. 50 ; et S. Lebecq, Corpus LXIII 15, p. 320.
52 Ce sont les Annales de Saint-Bertin, a°863, qui donnent le récit le plus circonstancié de la destruction et de la désertion de Dorestad : voir F. Grat, p. 95 ; et S. Lebecq, Corpus LXII 25, p. 313-314.
53 AF, a°882, éd. R. Rau, p. 116. Pour l’identification du site, voir Albert D’Haenens, Les Invasions normandes en Belgique au IXe siècle, Louvain 1969, p. 312-315 ; ou Tomothy Reuter éd. et trad., The Annals of Fulda, p. 92, note 7.
54 Voir la Chronique de Réginon de Prüm, a°881, éd. R. Rau, p. 260 ; et S. Lebecq, Corpus LVIII 2, p. 277.
55 ASB, a°882, voir F. Grat, p. 247-248 ; et S. Lebecq, Corpus LXII 27, p. 314.
56 AF, a°882, éd. R. Rau, p. 118.
57 CRP, a°882, éd. R. Rau, p. 264.
58 CRP, a°885, éd. R. Rau, p. 268 ; et S. Lebecq, Corpus LVIII 6, p. 279.
59 CRP, a°884, éd. R. Rau, p. 266-268 ; et S. Lebecq, Corpus LVIII 4, p. 278.
60 CRP, a° 885, éd. R. Rau, p. 268 ; et S. Lebecq, Corpus LVIII 6, p. 279.
61 CRP, a° 885, éd. R. Rau, p. 270.
62 Else Roesdahl, The Vikings, Harmondsworth 1992, p. 202.
63 Voir l’édition de l’acte par A. C. F. Koch, Oorkondenboek van Holland en Zeeland tot 1299, vol. 1, Eind van de 7e eeuw tot 1222, La Haye 1970, no 21, p. 34-36. Cf. par exemple William H. Tebrake, Medieval Frontier. Culture and Ecology in Rijnland, College Station (Texas) 1985, p. 113 et note 19, avec extraits de l’acte.
64 Voir à ce propos Stéphane Lebecq, « L’emporium proto-médiéval de Walcheren/Domburg : une mise en perspective », in Jean-Marie Duvosquel et Erik Thoen éd., Peasants and Townsmen in Medieval Europe. Studia in honorem Adriaan Verhulst, Gand 1995, p. 73-90.
65 Sur Dorestad dans les sources littéraires, voir Stéphane Lebecq, Marchands et navigateurs, op. cit., vol. 1, p. 149-160.
66 D’après un diplôme du jeune Charlemagne en faveur de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés : cf. S. Lebecq, Corpus LXXXI 1, p. 418-419. Voir le commentaire de cet acte, qu’éclaire la comparaison avec le dossier documentaire de Quentovic, dans S. Lebecq, « Pour une histoire parallèle de Quentovic et Dorestad », in Jean-Marie Duvosquel et Alain Dierkens éd., Villes et campagnes au Moyen Âge. Mélanges Georges Despy, Liège 1991, p. 415-428, en part. p. 423.
67 Voir ci-dessus note 16 : Alpert de Metz, DDT, I 8-10, éd. H. Van Rij, p. 18-23 ; S. Lebecq, Corpus LIX 1-3, p. 281-283.
68 Je renvoie une fois de plus aux catalogues d’exposition : Friezen, Saksen en Denen. Culturen aan de Nordzee, 400 tot 1000 n. Chr., Leeuwarden (Fries Museum)/Franeker 1996 ; et Kings of the North Sea, AD 250-850, Leeuwarden (Fries Museum) 2000.
69 Dirk P. Blok, « De Wikingen in Friesland », in Naamkunde, no 10, 1978, p. 25-47.
70 Dirk P. Blok, ibid., p. 41-42.
71 Dirk P. Blok, ibid., p. 47
72 Dirk P. Blok, ibid., passim ; ou, pour aller vite, H. A. Heidinga, Frisia in the First Millenium. An Outline, Utrecht 1997, p. 24.
73 S. Lebecq, Marchands et navigateurs frisons, op. cit., vol. 1, p. 154.
74 Voir S. Lebecq, « L’emporium proto-médiéval de Walcheren-Domburg », article cité, en part. p. 75.
75 Herre Halbertsma, « The Frisian Kingdom », in Berichten van de Rijksdienst voor het Oudheidkundig Bodemonderzoek, no 15-16, 1965-1966, p. 69-108, en part. p. 90-91 et 103.
76 Jurjen M. Bos, Archaeologie van Friesland, Utrecht 1995, p. 141 ; S. Lebecq, « Entre terre et mer : la mise en valeur des contrées littorales de l’ancienne Frise », in Histoire, Economie et Société, no 16, 1997, p. 361-376, en part. p. 368.
77 J. C. Besteman, Vikingen in Noord-Holland ? De zilverschat van Wieringen in het licht van de Noormanneninvallen, Haarlem 1996 ; ou, pour aller vite, H. A. Heidinga, Frisia in the First Millenium. An Outline, op. cit., p. 26 (avec photographie de la découverte) et 55 (note 19).
78 ASB, a° 837, éd. F. Grat, p. 22 ; et S. Lebecq, Corpus LXII 7, p. 309.
79 D’après les Annales Lindisfarnenses et Dunelmenses : ALD, a°855 et 868, éd. W. Levison, p. 484 ; et S. Lebecq, Corpus LXVI 6 et 7, p. 343.
80 Voir la contribution d’Alain Dierkens au présent colloque.
81 S. Lebecq, Marchands et navigateurs frisons, op. cit., vol. 1, p. 272-275.
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