Une « fenêtre de tir » unique. L’unification dans son cadre international
p. 263-284
Texte intégral
1À la fin des années 1980, les dirigeants allemands et étrangers étaient unanimes dans leur appréciation de l’évolution de la question allemande sur le proche et moyen terme1. Personne ne croyait connaître de son vivant la chute du Mur de Berlin ni la fin de la division de l’Allemagne. Bien qu’il y ait eu des signes annonciateurs, malgré toutes les indications révélant la crise profonde en RDA, le monde apprit avec stupéfaction la nouvelle de l’ouverture du Mur le 9 novembre 19892. Les députés du Bundestag, informés de l’événement en séance au parlement, se levèrent spontanément et entonnèrent l’hymne national allemand (« Einigkeit und Recht und Freiheit für das deutsche Vaterland ») en versant quelques larmes en ce jour historique. À ce moment-là l’unification de l’Allemagne semblait encore lointaine, mais les événements des semaines suivantes accélérèrent un processus qui mena finalement à l’unité nationale le 3 octobre 1990.
2Pour autant la question allemande n’a pas seulement été une affaire interallemande. Le statut de l’Allemagne, et particulièrement celui de Berlin, ne pouvait être modifiés qu’avec l’accord des quatre Quatre. Or celles-ci pouvaient s’inquiéter de la formation, au centre de l’Europe, d’un État de 80 millions d’habitants dont l’importance politique, économique et financière risquait de rompre l’équilibre et de menacer une stabilité que la division de l’Allemagne avait contribué à établir. Une tâche importante de la politique étrangère ouest-allemande devait alors être d’apaiser les inquiétudes des pays voisins et de leur ôter la crainte d’une Allemagne unifiée surpuissante cherchant à dominer l’Europe. Elle devait également empêcher l’ébranlement de la cohésion de l’Alliance atlantique et la remise en cause de la politique d’ouverture à l’Ouest de Gorbatchev, qui se voyait en même temps menacé par ses adversaires intérieurs.
3Notre contribution vise à mettre en lumière les relations entre l’évolution interne en Allemagne et externe sur la scène internationale pendant cette année 1989/90 qui liquida définitivement l’ordre issu de la Seconde Guerre mondiale et la division de l’Allemagne à la faveur d’une « fenêtre de tir » historique3.
L’auto-affirmation de la RFA à la fin des années 1980
4Helmut Kohl (CDU), élu chancelier de la République fédérale d’Allemagne le 1er octobre 1982, annonça dans sa première déclaration gouvernementale, le 134, la mise en place d’une « collection d’objets sur l’histoire de l’Allemagne après 1945 à Bonn » qui devait se consacrer à « l’histoire de notre État et de la nation divisée ». Ce musée, inauguré en 1994 sous le nom de « Haus der Geschichte der Bundesrepublik Deutschland » et aujourd’hui point de départ du « Chemin de la démocratie »5, s’inscrivait dans la volonté du nouveau gouvernement de réserver une place privilégiée à l’histoire de la RFA en insistant sur le fait qu’elle ne se limitait pas à un « après-Troisième Reich », mais devrait aussi être interprétée hors de l’ombre du national-socialisme. Kohl misait sur une auto-affirmation de la RFA et de son ordre politique, social et économique en s’appuyant sur un travail identitaire qu’il comptait mener lui-même comme par exemple pendant sa visite officielle en Israël en 1984, quand il parla de la « grâce d’une naissance tardive », phrase qui suscita des critiques en Allemagne et à l’étranger. Ce projet d’une affirmation de la RFA se combinait également avec l’idée de donner à Bonn le caractère architectural d’une vraie capitale. Le projet d’une « esplanade des musées » (« Museumsmeile ») fut lancé et la construction d’une nouvelle salle plénière du Bundestag décidée. Celle-ci fut finalement inaugurée en 19926. Par ces différents projets, Helmut Kohl, lui-même historien de formation, voulait donner une historicité à la RFA au moment où approchait son 40e anniversaire. Dans un contexte plus large, ces plans correspondaient à des « adieux au caractère provisoire » de la RFA7, comme le ressentit la grande majorité des Allemands de l’Ouest, ainsi que l’a souligné Andreas Rödder :
« En même temps, la prospérité matérielle pour la grande partie de la société et un consensus social général, un apaisement des conflits sociétaux des années 1970 et 1980 ainsi que la reconnaissance positive de la RFA et de son régime politique étaient à l’origine d’une satisfaction générale avec le ›modèle Allemagne‹, mesurable par la démoscopie »8.
5En 1976, Karl Dietrich Bracher, spécialiste de sciences politiques et de l’histoire du temps présent à l’Université de Bonn9, déclara que la RFA était « une démocratie postnationale parmi les États-nations »10 ; dix ans plus tard, il reprit cette formule dans une contribution au cinquième volume de la « Geschichte der Bundesrepublik Deutschland »11. Certes Bracher, comme d’autres intellectuels allemands de l’époque, n’approuvait pas la division de l’Allemagne, mais son discours montrait que l’idée nationale en tant qu’ordre politique et social avait perdu de sa force en RFA et n’était plus le « point de référence déterminant de l’orientation politique et identitaire »12. Au moment de son 40e anniversaire, en mai 1989, la RFA semblait avoir trouvé son équilibre, la fin de la division n’était même pas envisageable et son dépassement ne figurait pas à l’ordre du jour de l’histoire mondiale. Après avoir exigé de représenter seule l’Allemagne dans son ensemble durant les années 1950 et 1960 (« Alleinvertretungsanspruch »), elle avait accepté le principe de l’égalité de droit (« Gleichberechtigung ») depuis l’Ostpolitik du gouvernement Brandt en essayant de développer des relations normalisées et rassérénées avec la RDA.
6Quand Helmut Kohl arriva au pouvoir en 1982, il continua l’Ostpolitik de ses prédécesseurs en renforçant la distance idéologique entre les deux Allemagnes et en encadrant sa politique allemande par une plus grande activité en matière d’intégration européenne, ce que lui permit d’accroître la capacité de la RFA à coopérer de manière pragmatique avec la RDA (réduction du change obligatoire pour les retraités ouest-allemands qui voulaient se rendre en RDA, démontage du système automatique de tir (« Selbstschussanlagen ») le long de la frontière interallemande, nombre croissant d’autorisations pour les Allemands de l’Est se rendant en RFA et de jumelages interallemands)13. Sans le qualifier ainsi, un « changement par un rapprochement » se dessina à l’horizon des relations interallemandes, mais qui ne semblait pas déstabiliser la RDA, au contraire : l’évolution des rapports entre les deux États allemands paraissait surtout être un succès pour la RDA, mais dès l’été 1989 les événements montrèrent aux dirigeants de Berlin-Est que l’écart entre triomphe et déclin était minime dans les relations interallemandes14. Tandis que la visite d’Erich Honecker à Bonn en 1988 était encore considérée comme l’expression de la normalisation des relations entre les deux Allemagnes15, les Allemands de l’Est mettaient la question allemande à l’ordre du jour de la politique internationale quelques mois plus tard et ils exerçaient une pression croissante sur les hommes et femmes politiques.
L’Union soviétique et la fin de la Guerre froide
7Certes, vingt ans après, en connaissant la fin de l’histoire, il nous est facile de en signaler que l’impression de statu quo persistant était trompeuse en 1989, qu’effectivement bien des choses avaient commencé à bouger dans d’autres régions du monde, surtout au sein du bloc Est, pendant la deuxième moitié des années 1980. En 1982, le secrétaire général du Parti communiste soviétique (PCUS), Léonid Brejnev (1906 – 1982), était décédé à Moscou. Après une période de stagnation pendant les années 1970, sa mort avait ouvert une crise permanente : son successeur, Youri Andropov (1914 – 1984), chef du KGB de 1967 à 1982, mourut 15 mois seulement après sa prise de fonction des suites d’une longue maladie. Lors de l’élection de son successeur Konstantin Tchernenko (1911 – 1985), l’aile conservatrice des apparatchiks pouvait encore s’imposer contre les réformateurs. Mais le nouveau chef du Kremlin, 72 ans au moment de son élection, ne resta que 13 mois à la tête de l’Union soviétique16. Après sa mort, Michael Gorbatchev (*1931) fut élu nouveau chef du PCUS en mai 1985, homme relativement jeune avec ses 54 ans pour prendre les rênes de la deuxième puissance mondiale.
8Le socialisme était de moins en moins en mesure d’offrir les conditions économiques garantissant la stabilité sociale dont une dictature communiste avait besoin pour se maintenir au pouvoir, et Gorbatchev décida de sortir son pays de la crise en imposant des réformes économiques. Par sa politique de « perestroïka » (« changement ») il avait l’intention d’injecter des éléments d’économie de marché (desserrer l’étau de la planification centrale ; autoriser la propriété privée dans une mesure limitée) pour accroître l’efficacité de l’économie soviétique et non pour abandonner le système socialiste. De surcroît, ces transformations économiques devaient être accompagnées d’une démocratisation certes dosée de la société soviétique sans toucher dans un premier temps au rôle dominant du Parti communiste. Mais ces réformes devaient donner plus de transparence (« Glasnost ») aux prises de décisions politiques et aux conditions de la vie sociale. Gorbatchev introduisit la liberté de parole et de presse, voulut moderniser l’appareil du pouvoir et libéraliser la culture. En se montrant à la population de son pays, il chercha à changer les réalités du quotidien soviétique en abandonnant la langue de bois de ses prédécesseurs.
9Cette nouvelle culture de dialogue fut également l’une des caractéristiques de sa politique étrangère. Rapidement, après sa prise de pouvoir, Gorbatchev envoya les premiers signes aux occidentaux en vue de mettre fin à la Guerre froide, au moins à la spirale infernale de l’armement nucléaire. Il avait très vite compris que ses dépenses militaires exorbitantes menaient l’Union soviétique au bord du gouffre, c’est pourquoi il mit également fin à la guerre en Afghanistan en février 1989. Le chef du Kremlin voulait intégrer l’URSS dans une « maison européenne » et signa, lors de sa première visite officielle en RFA, avec Kohl, le 13 juin 1989, une déclaration affirmant leurs relations et leur volonté de « contribuer à surmonter la division de l’Europe ». Cette visite, accompagnée d’un plaidoyer pour les valeurs occidentales de démocratie, liberté et autodétermination, fut une nouvelle mise en garde pour Berlin-Est qui n’osa pas publier les propos du secrétaire général du PCUS, si choquants pour la vieille garde du SED. De surcroît, le chef du Kremlin avait trouvé des points communs avec Bonn et avait l’intention d’insérer davantage son pays dans l’économie mondiale, parce qu’il avait saisi que l’Empire soviétique avait dépassé ses capacités politiques et économiques et que la volonté de contrôle absolu du bloc entraînait de lourdes pertes. Ces réformes n’étaient pas une fin en soi, elles étaient vitales pour la survie du pays. Une Europe de l’Est réformée devait être ce pont vers l’Ouest dont Gorbatchev avait besoin pour moderniser sa propre économie17.
10Pour cela il fallait d’abord changer le mode de fonctionnement du bloc soviétique. Dès sa prise de pouvoir, le secrétaire général du PCUS songea à modifier les relations que son pays entretenait avec les autres membres du Pacte de Varsovie. Depuis le « Printemps de Prague », en 1968, l’Union soviétique avait imposé le droit d’intervention à ses satellites (« souveraineté limitée ») pour garantir la cohésion de son alliance militaire (« doctrine Brejnev »), mais un recours à de telles méthodes n’était pas concevable pour Gorbatchev parce qu’elles avaient suscité l’indignation internationale et la haine des peuples ainsi écrasés. De surcroît, Gorbatchev avait une aversion pour la violence. Il savait par ailleurs qu’une intervention militaire signifierait la fin de la perestroïka et l’effondrement de la confiance que le monde commençait à avoir en lui. Il était également persuadé que cela n’empêcherait pas la désintégration politique et socio-économique dans ces pays, mais pourrait provoquer des manifestations de masses et des affrontements armés18.
11Cette « désidéologisation des relations interétatiques »19 était une vraie révolution dans l’histoire de la Guerre froide, parce qu’elle partait du principe du libre choix et donnait de nouvelles marges de manœuvre aux anciens pays satellites de l’URSS. Dorénavant l’Armée rouge ne devait plus intervenir pour opprimer des mouvements d’opposition à l’intérieur des « pays-frères ». Gorbatchev et son entourage pensaient au début que cette décision pourrait stabiliser sa position, mais il dut très vite se rendre compte que la révocation de la « doctrine Brejnev » mettait fin à la domination de l’URSS en Europe de l’Est et provoquait par conséquent la fin d’un Pacte de Varsovie fondé sur une solidarité forcée depuis sa création en 1955. Elle réduisait surtout la barrière mentale des populations qu’elle empêchait de passer à des actes d’opposition.
12D’où venait alors cette politique de laisser-faire qui permettait aux leaders des « pays frères » d’agir à leur guise sans que l’Union soviétique ne s’en mêle ? Premièrement, il faudrait évoquer un changement de perception chez Gorbatchev par rapport à ses prédécesseurs. Il estimait que, depuis la mise en place des missiles intercontinentaux, le glacis est-européen avait perdu de son importance dans le conflit Est-Ouest. Ses discussions avec Ronald Reagan sur la réduction des arsenaux nucléaires l’avaient même amené à exclure l’éventualité d’une guerre avec les États-Unis. Deuxièmement, le chef du Kremlin avait compris que le soutien financier aux démocraties populaires était pour l’Union soviétique un fardeau économique que sa propre situation économique, désastreuse, ne lui permettait plus de supporter. Il laissa alors à l’Occident le soin de sauver l’Europe de l’Est de la faillite. Et finalement il fut lui-même complètement absorbé par l’évolution interne de l’Union soviétique. Pendant que des pays comme la Hongrie, la Pologne et d’autres encore retrouvaient leur liberté, Moscou s’occupait des dangers qui hantaient l’Empire soviétique : les événements en Arménie et Géorgie, les mouvements indépendantistes en Ukraine et dans les Pays baltes annonçaient déjà la sécession et finalement l’ébranlement de l’Union soviétique. Par rapport au cataclysme qui menaçait l’URSS, la chute du Mur de Berlin n’était qu’un détail…20
13Tandis qu’un certain nombre de pays de l’Est saisissaient cette occasion pour s’émanciper, les dirigeants est-allemands, alertés, tirèrent la sonnette d’alarme parce que le régime de la RDA reposait essentiellement sur la garantie militaire de l’Armée rouge. Les tensions entre l’URSS et la RDA reflètent également une prise de distance grandissante entre Moscou et Berlin-Est21. Comme le régime est-allemand ne disposa jamais ni de légitimité ni de légitimation, l’existence de la RDA dépendait d’une entente politique et idéologique entre Berlin et Moscou, ce que Brejnev avait fait comprendre à Erich Honecker dès 1970 de manière franche et directe pour qu’il ne l’oublie jamais : « La RDA ne peut pas exister sans nous, sans la puissance et la force de l’Union soviétique »22.
14Jeter un regard vers les « pays frères », à la fin des années 1980, permet de comprendre le risque que courait le SED23. En Pologne, une table ronde composée de représentants du parti communiste et de l’opposition prit au printemps 1989 une série de mesures pour démocratiser le pays, parmi lesquelles des élections semi libres, qui devaient porter Tadeusz Mazowiecki, issu du mouvement syndicaliste « Solidarnosc », au poste de Premier ministre. Il constitua un « gouvernement de concentration nationale » ne comportant que quatre ministres communistes. La Pologne fut ainsi le premier pays du bloc soviétique à réussir la transition vers un système postcommuniste, ce qui fit d’elle le « précurseur d’une révolution de type nouveau, de la ›révolution pacifique‹ de 1989 »24.
15En Hongrie, qui avait déjà libéralisé son économie depuis un certain temps, les discussions entre le gouvernement communiste et l’opposition sur l’introduction d’un système multipartite conduisirent en juin 1989 à la réhabilitation politique d’Imre Nagy, ce communiste réformé qui avait été exécuté après l’écrasement de l’insurrection populaire de 1956. Les cérémonies de 1989 en son honneur comme celles pour d’autres victimes de 1956 manifestaient la volonté du peuple hongrois de retrouver sa liberté. La défaite des communistes aux élections partielles de juillet refléta cette même volonté. Déjà, le 2 mai 1989, la Hongrie avait commencé à démonter des barbelés sur les 350 km de la ligne de frontière avec l’Autriche, qui devait devenir le talon d’Achille de la RDA en provoquant les premières fissures dans le rideau de fer. En été, beaucoup d’Allemands de l’Est se rendirent en Hongrie dans l’espoir de partir à l’Ouest. Fin août 1989, le gouvernement hongrois prit la décision d’admettre officiellement leur passage en Autriche malgré les protestations de Berlin-Est. À partir du 11 septembre, les citoyens est-allemands pouvaient légalement quitter la Hongrie pour des pays tiers. Environ 15 000 d’entre eux en profitèrent dans les jours suivants, avant que le régime est-allemand n’interdise les voyages en Hongrie. Mais cette décision ne pouvait plus masquer le fait que la RDA se trouvait alors « dans la première phase de sa crise finale »25. Les médias ouest-allemands transmettaient les images des Allemands de l’Est qui arrivaient en RFA, en larmes et dans une joie immense. Ces scènes de bonheur parvenaient par les ondes jusque dans les salons à Dresde, Leipzig, Rostock ou Berlin-Est et mettaient en cause les informations des médias est-allemands qui accusaient la RFA d’entreprendre un commerce de vies humaines26. Depuis longtemps déjà, la grande majorité des Allemands de l’Est n’avait plus confiance en leurs propres médias. Ces derniers renforcèrent par leur version des choses le mécontentement de la population.
16Pendant que les uns essayaient de se rendre en RFA par la Hongrie, d’autres optaient pour les ambassades ouest-allemandes à Varsovie et Prague. Elles se remplirent dès le mois d’août. La fermeture de celle de Prague ne pouvait pas empêcher les réfugiés d’y accéder par le jardin. Le 26 septembre on y comptait 1 046 Allemands de l’Est, quatre jours plus tard ils étaient environ 4 000. Comment la RDA allait-elle réagir ? Une action commune des « pays frères » n’était plus envisageable, mais le SED ne pourrait-il pas recourir à la force d’une manière unilatérale à l’intérieur de son territoire à l’exemple du gouvernement chinois qui avait ordonné à son armée d’écraser les manifestations sur la Place Tiananmen le 4 juin 1989 ? L’approbation de ce massacre par la Chambre du peuple de RDA, louant la « restitution de l’ordre et de la sécurité »27, fut un nouvel avertissement pour les opposants est-allemands.
17Mais dans la perspective du 40e anniversaire de la République qui devait être célébré quelques jours plus tard le SED ne voulait pas recourir à la « solution chinoise » et se montra plus flexible parce qu’il ne voulait pas que les images des réfugiés dans les ambassades ternissent les festivités du 7 octobre. Le 30 septembre, Berlin-Est proposa que les réfugiés puissent prendre des trains spéciaux pour arriver en RFA en passant par le territoire de la RDA. Le jour même, le premier train quitta la capitale de la Tchécoslovaquie et, en chemin vers la RFA, fut salué par des centaines de personnes le long de la ligne. À Plauen, une banderole accueillit « le train de la liberté », mais les passagers n’étaient pas encore tranquilles, parce qu’ils craignaient que les autorités est-allemandes ne puissent arrêter le convoi avant qu’il n’arrive sur le territoire de la RFA. Berlin-Est avait exigé cette clause pour donner l’impression d’avoir gardé sa souveraineté, mais celle-ci se retournait finalement contre elle, car le passage des trains montra au peuple « la capitulation du régime »28. En pensant que cet « acte humanitaire », comme le SED avait qualifié ce geste, pourrait résoudre le problème, il se trompa une nouvelle fois, car, peu après, 6 000 réfugiés se retrouvèrent encore à l’ambassade ouest-allemande à Prague, contraignant le bureau politique à accepter une solution similaire. Le 4 octobre, des trains spéciaux passèrent à nouveau par le territoire de la RDA, provoquant cette fois-ci des tumultes en gare de Dresde, où un certain nombre d’Allemands de l’Est essayèrent de monter pour partir à l’Ouest29. Cette migration fut une forme d’opposition massive et concrète, un « vote avec les pieds », qui fut encouragée par la non-reconnaissance de la citoyenneté de RDA par la RFA. Comme l’a souligné Andreas Wirsching : « Le dilemme inéluctable de la RDA, c’était qu’on pouvait la quitter, même s’enfuir, en restant tout de même en Allemagne »30.
18Les réactions du SED traduisaient son impuissance. Dans un article publié dans « Neues Deutschland » le 2 octobre, Erich Honecker reprocha aux réfugiés « d’avoir maltraité les valeurs morales par leur comportement, en s’excluant eux-mêmes de la société. C’est pourquoi ils ne méritaient pas une larme ». Cette intransigeance provoqua la colère des Allemands de l’Est, si bien que le calcul du SED, qui pensait avoir soulevé la soupape pour réduire la pression intérieure, s’avéra erroné. La crise des réfugiés se transforma en une crise du régime.
19Les autorités soviétiques avaient compris que le flux des Allemands de l’Est vers l’Ouest était bien la conséquence d’une crise profonde résultant de l’obstination de Honecker et des autres dirigeants du parti qui refusaient la Perestroïka. En interdisant la revue soviétique « Sputnik » en RDA en novembre 1988 le SED avait pris position par rapport à la politique de Gorbatchev : « Elle ne constitue aucunement une contribution à la consolidation de l’amitié germano-soviétique, mais contient des articles déformant l’histoire »31. 190 000 abonnés et davantage encore d’acheteurs se trouvaient du jour au lendemain privés de leur revue, ce qui provoqua une protestation massive des lecteurs qui s’adressèrent au parti et au gouvernement pour exprimer leur mécontentement. Les Soviétiques répliquèrent d’une manière subtile : Le 1er avril 1989, ils arrêtèrent les abonnements d’un certain nombre de quotidiens, hebdomadaires et mensuels est-allemands, correspondant au nombre exact d’exemplaires du « Sputnik » jusqu’alors exportés en RDA32. Au même moment, le ministère de la Culture retira une série de films soviétiques des salles de cinéma en RDA pour démontrer que le SED poursuivait dorénavant un « socialisme aux couleurs de la RDA », ainsi que l’avait proclamé Erich Honecker le 29 décembre 1988 à l’occasion du 70e anniversaire de la fondation de la KPD33. Cette prise de distance grandissante entre Moscou et Berlin-Est s’exprima également dans la fameuse question que Kurt Hager, membre du bureau politique du SED, posa dans une interview au journaliste du magazine ouest-allemand « Stern » en avril 1987 : « Quand votre voisin retapisse son appartement, vous sentez-vous également obligé de retapisser le vôtre ? ». Le slogan légendaire « Apprendre de l’Union soviétique, c’est vaincre » disparaissait des cérémonies officielles. Il était désormais utilisé par les opposants pour réclamer pour la RDA les réformes que Gorbatchev avait engagées en URSS34.
20Gorbatchev hésita à désavouer ouvertement le chef du SED, mais il lui signala que le renouvellement devait venir de l’intérieur du parti s’il voulait survivre. C’est pourquoi il accepta – malgré des discussions controversées au sein du Politburo à Moscou – l’invitation à venir à Berlin-Est à l’occasion du 40e anniversaire de la RDA les 6 et 7 octobre 1989. Pendant sa visite, il ne critiqua qu’indirectement l’entêtement de Honecker : « Celui qui arrive trop tard, sera puni par la vie »35. Mais ni les manifestations hostiles au régime ni les réactions violentes de la police et de la Stasi ne lui avaient échappé. À son retour à Moscou il était persuadé que les jours du secrétaire général du SED étaient comptés. Auprès de son entourage, il exprima sa conviction que l’Union soviétique devait se préparer à l’unification allemande36.
La chute du Mur et l’accélération de l’histoire
21Après la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 198937, tous les acteurs se trouvaient face à une accélération des relations internationales et du processus historique qu’il faut saisir si l’on veut comprendre l’histoire de l’unification allemande. En quelques semaines, voire en quelques jours, la pensée et l’action des protagonistes face à la question allemande pouvaient changer parce que la situation en Allemagne et dans les pays concernés s’était transformée. En un laps de temps très court des évolutions, qui étaient encore complètement exclues quelques jours auparavant, devenaient envisageables. Ces avatars donnaient des arguments forts au chancelier Kohl dans sa politique intérieure et extérieure visant à conduire les citoyens de RDA au-delà de leur volonté de gagner des libertés démocratiques pour ne pas perdre de vue l’objectif majeur, celui de l’unité allemande. Mais cette question de l’unité nationale ne concernait pas uniquement les Allemands, elle était aussi un défi à la communauté internationale qui – pendant presque 40 ans – avait pu dissimuler derrière un discours vague et parfois hypocrite sa crainte d’une Allemagne unifiée. La chute du Mur changea la donne, parce que chaque déclaration officielle relative à la question allemande risquait d’être prise au mot par les Allemands.
22Le gouvernement de Bonn se trouvait devant une tâche délicate. D’un côté il fallait éviter la désagrégation de la RDA en coopérant avec Hans Modrow sans lui donner une vraie légitimité pour l’avenir. Pour cette raison Kohl n’accueillit pas favorablement sa proposition de coopérer plus étroitement sur la base d’une « communauté contractuelle germano-allemande » (« deutsch-deutsche Vertragsgemeinschaft ») qui aurait certainement trouvé un écho favorable dans les capitales européennes. Au contraire, le chancelier réagit aussitôt en soumettant au Bundestag le 28 novembre 1989 – sans avoir consulté la classe politique ouest-allemande ni les Alliés – un plan en dix points qui n’acceptait la proposition de Modrow que pour une période transitoire qui devait mener à l’unification. La RFA apporterait une aide dans tous les domaines à la RDA à condition que celle-ci évolue vers la démocratie pluraliste et engage la libéralisation des structures économiques. La première étape serait donc la réalisation d’une union confédérale. La coopération avec le nouveau chef de gouvernement ne devait pas excéder un temps limité et devait apaiser la situation en RDA en attendant une solution internationale ouvrant des négociations sur l’unification. En même temps, le chancelier affirma que l’unité allemande se ferait dans le cadre de l’Europe communautaire38.
23D’un autre côté, il fallait agir sur l’opinion publique en RDA pour que les représentants d’une « troisième voie » ne trouvent pas trop d’écho au sein de la population. Le chancelier commença alors une série de discours publics bien relayés par les médias, de nature à provoquer un changement d’opinion à l’Est par une critique dosée de l’idée de « troisième voie ». De surcroît, il fallait faire en sorte que les voisins de l’Allemagne n’aient pas l’impression qu’on pouvait stabiliser la situation en Europe centrale sans unifier l’Allemagne.
24Les États-Unis furent à nouveau un soutien précieux pour le chancelier39. Contrairement à Gorbatchev qui critiqua violemment le plan en dix points en le qualifiant de « revanchard », le président américain George Bush et son ministre des Affaires étrangères James Baker saluèrent l’initiative et firent comprendre au chef du Kremlin lors du sommet de Malte les 2 et 3 décembre 1989 qu’ils seraient prêts à soutenir le droit des Allemands à l’autodétermination, mais en même temps Bush promit à Gorbatchev une aide massive s’il acceptait l’intégration de l’ex-RDA dans l’OTAN. Finalement, le besoin impératif d’aide économique et financière de son pays conduisit Gorbatchev à assouplir sa position. Le concours venant de l’une des quatre puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale fut d’autant plus précieux qu’il rendait plus difficile l’opposition potentielle des trois autres. Il n’est alors pas surprenant que les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’OTAN se rallièrent à la position américaine le 4 décembre à Bruxelles. Cette décision eut des conséquences sur le sommet européen qui se tint quelques jours plus tard à Strasbourg (8 et 9 décembre). Après des discussions controversées et une sorte d’« interrogatoire » auquel fut soumis le chancelier40, le Conseil européen approuva lui aussi le droit des Allemands à l’autodétermination pour retrouver leur unité, à condition que celle-ci s’opère de façon démocratique, « dans le respect des accords et traités et des accords d’Helsinki, dans un contexte de dialogue et de coopération Est-Ouest et dans la perspective de l’intégration européenne »41.
25Malgré une situation générale toujours plus favorable, Kohl devait influer davantage encore sur l’opinion publique allemande et étrangère. Dans son discours de Dresde du 19 décembre 1989 devant la « Frauenkirche », soigneusement préparé par son équipe42, Kohl parvint à concilier ces objectifs en proposant des négociations sur une coopération approfondie à Modrow et en mettant en scène une intention à vocation nationale (« mon objectif reste l’unité de notre nation »)43. Markus Driftmann insiste particulièrement sur la polysémie de ce discours : « Bâtir un pont vers le public, prononcer des phrases marquantes que les médias puissent citer et, last but not least, faire comprendre à Moscou et Washington, Paris et Londres, la position de Bonn à propos de la redéfinition des relations interallemandes sans provoquer d’éclat »44. Les images diffusées à la télévision et retransmises dans le monde entier – on voyait le chancelier accueilli par une foule joyeuse et innombrable agitant le drapeau noir – rouge – or et scandant les paroles « Deutschland, Deutschland », « Helmut, Helmut » et « Wir sind ein Volk » – furent généralement interprétés comme l’expression d’une vox populi. C’est ce qu’ont souligné les deux conseillers du président américain, Philip Zelikow et Condoleezza Rice : « La participation enthousiaste de la population a montré au monde entier la volonté des Allemands de l’Est »45. De surcroît, cette « union entre le chancelier et le peuple » légitima les dix points de Kohl46 et la force des circonstances à laquelle le chancelier faisait allusion dans ses entretiens sur la scène internationale. La force des images faisait de la volonté d’unité des Allemands de l’Est un fait incontournable, de Kohl le « chancelier de tous les Allemands » et de Modrow l’administrateur par intérim d’une RDA moribonde. Il faut certainement parler d’un coup de génie politique de Kohl qui parvint à définir une réalité jusqu’alors aux contours indécis. La journée de Dresde ne fut donc pas l’événement clé qui aurait permis au chancelier, face à cette foule euphorique, de se rendre compte qu’un changement de politique s’imposait47. Elle lui aura plutôt donné l’occasion de se profiler comme le « chancelier de l’unité », contraint encore de coopérer avec Modrow pendant un certain temps, mal nécessaire pour éviter la déstabilisation de l’Europe au cœur du conflit Est-Ouest, en vue de la réalisation prochaine de l’objectif majeur, celui de l’unité allemande voulu par la « volonté générale ». Par la suite, « Dresde » donna à Kohl la possibilité de s’impliquer dans la campagne électorale pour les législatives est-allemandes du 18 mars 1990. Entretemps, à Bonn, la chancellerie avait abandonné les idées de confédération ou de structures confédératives, encore proposées par Kohl dans ses dix points en novembre, et même celle d’une union contractuelle (avec ou sans Modrow) ; elle récupéra l’initiative du SPD pour une union monétaire qui devait permettre la réalisation rapide de l’unité. Dans la campagne électorale, ce fut un argument clé de la CDU parce qu’elle limitait l’exode en marquant un pas irréversible vers l’unité.
Les voisins de l’Allemagne face à la « force des circonstances »
26Pour ne pas froisser les voisins par ce processus accéléré, Kohl chercha d’abord le contact avec François Mitterrand, dont le voyage en RDA en décembre 1989 avait irrité Bonn et les Allemands de l’Ouest. Le 4 janvier 1990, le président français l’accueillit à Latché dans sa résidence privée, dans les Landes, où les deux hommes d’État discutèrent de la situation en RDA et dans les autres pays de l’Est, de la question de la frontière occidentale de la Pologne et de leurs conséquences pour les relations internationales. Mitterrand fit comprendre qu’il souhaitait voir insérer l’unification de l’Allemagne dans le processus d’intégration européenne. Kohl partageait ce point de vue et répondit que l’unité allemande et l’unité européenne étaient pour lui les deux faces d’une même médaille. Les deux hommes tombèrent d’accord pour que le couple franco-allemand donnât l’impulsion à une union politique de l’Europe, afin de remettre sur les rails les relations franco-allemandes après quelques tensions au cours des semaines précédentes48.
27Les entretiens avec l’Union soviétique se présentaient de façon plus délicate. Jusqu’alors, Moscou avait toujours dit « niet » à une unification de l’Allemagne. Mais la crise intérieure, politique et surtout économique, donnait l’espoir à Kohl que la réponse négative ne serait peut-être pas définitive. Une nouvelle occasion se présenta quand l’ambassadeur soviétique à Bonn demanda en janvier 1990 si la proposition d’aide du mois de juin 1989 était encore d’actualité. Le chancelier accepta une livraison exceptionnelle d’aliments à « prix d’ami »49. Certes, ce geste n’était pas lié à une réponse positive de Moscou sur l’unification, mais il devait susciter la confiance des dirigeants soviétiques. Effectivement, le Kremlin commença à bouger et ne fit plus obstacle à l’unification. Mais il refusa toujours une Allemagne unifiée membre de l’OTAN. Le 10 février 1990, Kohl et Genscher se rendirent à Moscou. Au cours des entretiens le chancelier réagit aux reproches soviétiques de précipiter les choses et de déstabiliser la situation en Europe. Il justifia son action par la pression montante en RDA. Il évoqua le droit à l’autodétermination des Allemands de l’est, qui revendiquaient l’unité allemande. Pour ne pas déstabiliser davantage la situation, il avait proposé l’unité monétaire et économique. À plusieurs reprises, Kohl insista sur l’accélération des événements qui l’obligeait à réagir sans toujours avoir le temps de laisser mûrir ses réflexions50. Lors de cet entretien, Gorbatchev donna le feu vert pour le règlement des aspects intérieurs de l’unité allemande, mais il insista sur la neutralité de l’Allemagne unifiée, point que Kohl n’était pas prêt à accepter : pour lui comme pour les partenaires occidentaux, c’était la question clé.
28Deux jours plus tard à Ottawa, en février 1990, les ministres des Affaires étrangères de l’OTAN et du Pacte de Varsovie tombèrent d’accord sur le processus 2 + 4 qui devait régler les aspects extérieurs de l’unification allemande. Ce forum, réunissant les quatre puissances garantes du statut quadripartite de 1945 et les représentants des deux Allemagnes, qui s’ouvrit à Bonn le 5 mai 1990, n’était pas l’instance ultime où les décisions clés de l’unification allemande devaient être prises, mais il permettait d’inclure l’Union soviétique dans les négociations internationales et aboutit finalement au « traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne » signé à Moscou le 12 septembre51. Mais les décisions importantes menant à ce traité furent prises au sein du triangle Washington – Moscou – Bonn, dans lequel le chancelier pouvait compter sur le soutien des États-Unis.
29Les rencontres de Camp David des 24 et 25 février 1990 durant lesquelles les parties en présence s’entretinrent – dans une ambiance volontairement décontractée – de la répartition des rôles dans les semaines suivantes, témoignèrent des liens très étroits entre Washington et Bonn. Les deux voulaient une Allemagne unifiée, membre intégrale de l’OTAN sans statut particulier, mais aussi sans élargissement des troupes de l’OTAN sur le territoire de la future ex-RDA. Dans ce partage des tâches, Bonn devait s’occuper de l’administration de l’unification sur le plan intérieur et assurer l’aide financière aux Soviétiques, tandis que Washington voulait conduire les négations internationales, surtout en matière de politique de sécurité. L’unification n’était pas encore acquise à ce moment-là, mais les circonstances étaient de plus en plus favorables. À Moscou régnait un chaos politique et économique combiné avec un manque de perspectives qui empêchait aussi les adversaires potentiels d’une unification – Paris et Londres – de se coordonner. De surcroît, Mitterrand – en proposant une intégration européenne de l’Allemagne unifiée – disposait d’une alternative qui trouvait aussi le soutien des États-Unis. La méfiance persistante à l’égard de l’Allemagne du Premier ministre Margaret Thatcher, qui aurait préféré le maintien de la division au moins pour un certain temps en attendant la démocratisation de la RDA et des pays voisins, ne désarma pas. L’intégration dans une fédération européenne ne lui paraissait pas une solution, car elle craignait une Allemagne réunifiée dominant ses partenaires en Europe52. Mais, face à la pression américaine, son idée de contrepoids constitué par la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis n’avait pas de chance de se réaliser.
30Finalement, l’évolution politique, administrative et économique en RDA s’aggrava de jour en jour, les cris de la rue exigeant une unité rapide résonnaient toujours plus fort dans les rues de Leipzig, Berlin-Est et Rostock, si bien que Kohl eut nombre d’arguments en main pour mener une « politique à marche forcée »53 vers l’unification. Les élections du 18 mars 1990 le confirmèrent dans cette voie.
Les élections du 18 mars 1990
31La campagne électorale fut déjà dominée par les partis politiques de RFA qui s’engagèrent d’un point de vue personnel et matériel. Le 5 février 1990, la CDU est-allemande, le « Demokratischer Aufbruch » (DA) et la « Deutsche Soziale Union » formèrent une « Allianz für Deutschland », revendiquant tous les trois l’économie sociale de marché et l’unification rapide. L’intégration de ces deux derniers partis dans l’alliance fut un coup de maître pour la CDU (ouest-allemande), car ces nouveaux partis issus de l’opposition permettaient de s’adresser à un électorat plutôt conservateur (« bürgerlich ») et chrétien jusqu’alors réservé face à la CDU est-allemande, en raison du passé de cette dernière au sein du front commun de gouvernement, ce qui avait permis au SED de maintenir une apparence de multipartisme pendant les 40 ans de la RDA. La campagne électorale de l’Alliance fut personnalisée à l’extrême et focalisée sur le chancelier Kohl qui jeta toute son autorité politique dans la balance54. Dans ses discours lors de ses voyages en RDA, qui lui permirent d’atteindre directement 10 % de l’électorat est-allemand, il promit l’accomplissement rapide de l’unité allemande, meilleur moyen selon lui pour parvenir à une prospérité économique que les Allemands de l’Est attendaient avec impatience après des années de pauvreté et de carence. En annonçant son intention d’introduire le Mark le plus rapidement possible en RDA début février, Kohl atteignit l’électorat au-delà des trois partis de l’alliance et il parvint peu à peu à rattraper son retard par rapport au SPD, que les instituts de sondage avaient encore placé en tête quelques jours avant les élections. Certes, le plan d’une unité économique et monétaire avant l’unité politique répondait à des intensions électoralistes, mais il était aussi pour Kohl un moyen d’endiguer le flux des Allemands de l’Est partant vers l’Ouest et de stopper l’hémorragie des forces vives qui menaçait la productivité de l’économie est-allemande et présentait aussi un grand défi pour l’économie ouest-allemande qui ne se voyait pas en mesure d’absorber ce flux. Mais ce passage sans transition d’une économie planifiée à une économie de marché avait aussi un objectif politique, parce qu’il visait l’unification en intégrant la RDA dans les structures du modèle ouest-allemand. Kohl avait pris les commandes de ce processus.
32Le SPD partait grand favori dans cette campagne55. Sa longue tradition et le fait de ne pas être contaminé par une collaboration avec le SED, la bonne réputation des anciens chanceliers Willy Brandt et Helmut Schmidt et le soutien d’un certain nombre d’intellectuels lui donnaient une avance importante dans les sondages et laissaient présager une grande victoire de la social-démocratie allemande. Mais dans la dernière ligne droite de la campagne, le manque d’infrastructure, d’organisation et de matériel (bureaux, téléphones, photocopieuses etc.) combiné à un flou programmatique (« économie de marché sociale et écologique ») provoqua déjà quelques doutes sur la victoire triomphale. De surcroît, le désaccord au sein du SPD ouest-allemand sur la voie à prendre, personnifié par Willy Brandt (« Jetzt wächst zusammen, was zusammen gehört ») et Oskar Lafontaine qui ne se rendit que trois fois en RDA pendant la campagne électorale et marqua ses distances par rapport au SPD est-allemand (il mettait en avant le coût de l’unification qu’il ne souhaitait, en aucun cas, trop rapide), ne fit qu’accroître les problèmes des sociaux-démocrates56.
33Fort de son organisation intacte et de ses ressources matérielles, le SED-PDS put lui aussi mener une campagne active. Il se distança de son passé stalinien pour regagner en crédibilité et en légitimité et se fit passer pour le meilleur avocat des intérêts est-allemands. Tandis qu’il parvint à dégager une certaine dynamique juvénile autour de son nouveau président Gregor Gysi (« Don’t worry, take Gysi »), les mouvements d’opposition perdaient en vitesse et en influence politique. Cette évolution fut le résultat de leur réticence par rapport à l’unification. En effet, ils réclamaient la transformation de la RDA, c’est-à-dire une « autre » RDA qui ne correspondait plus aux attentes de la grande majorité des Allemands de l’Est. Dans une campagne électorale qui tournait essentiellement autour de la question de l’unité allemande, les mouvements d’opposition et les Verts, qui se prononçaient également pour le maintien de deux États allemands, ne parvinrent pas à se positionner57.
34Face aux sondages à la veille des élections, qui donnaient encore le SPD largement vainqueur, le pari de Kohl semblait raté, mais le résultat des urnes contredit radicalement les instituts de sondage.
Tableau 1 : Résultat des élections du 18 mars 1990
% | Sièges | |
CDU | 40,8 | 163 |
DSU | 6,3 | 25 |
DA | 0,9 | 4 |
SPD | 21,9 | 88 |
PDS | 16,4 | 66 |
Bündnis freier Demokraten | 5,3 | 21 |
Bündnis 90 | 2,9 | 12 |
Autres | 5,0 | 21 |
Participation | 93,4 |
35À la surprise de tous, l’« Allianz für Deutschland » remporta largement ces élections et aurait même pu former une coalition avec les libéraux sur le modèle de Bonn, mais elle lui préféra finalement une grande coalition avec le SPD pour donner une base parlementaire plus large au processus en cours. Ce résultat fut d’abord le triomphe de Helmut Kohl comme titra le magazine de Hambourg « Der Spiegel ». Ce fut aussi la défaite des mouvements de contestation (« Bürgerbewegungen ») qui avaient pourtant – avec le deuxième perdant, le SPD – dominé les « tables rondes », mais qui furent marginalisés par les électeurs est-allemands qui donnèrent une mission nette au chancelier : en finir avec la RDA et réaliser le plus rapidement possible l’unité allemande. En effet, les élections donnaient le feu vert à une unification accélérée sous la houlette de l’exécutif ouest-allemand, qui eut le champ libre compte tenu du fait que le gouvernement est-allemand ne fut formé que le 12 avril. Pour les observateurs internationaux, les élections confirmaient également le droit des Allemands de l’Est à l’autodétermination et justifiaient le rattachement de la RDA à la RFA selon l’article 23 de la Loi fondamentale. Les commentateurs allemands et étrangers s’entendirent sur le fait que les résultats étaient un plébiscite pour une unification rapide et accéléraient encore le processus engagé58.
Unification de l’Allemagne et unité européenne
36Les partenaires européens tinrent rapidement compte de la nouvelle situation et s’employèrent, en la personne de Jacques Delors, président de la Commission européenne, à lier le processus d’unification allemande à l’approfondissement de l’intégration européenne. Le Conseil européen de Dublin (28 avril 1990) décida que l’intégration du territoire de la RDA dans la Communauté serait effective dès que l’unification serait juridiquement établie, sous réserve de mesures transitoires concernant notamment les échanges extérieurs, l’agriculture, les politiques structurelles et l’environnement. L’unification allemande se traduisit alors par un élargissement vers l’Est de la Communauté européenne. Mais il ne s’agissait pas de l’adhésion d’un nouveau membre, avec négociation et traité. C’était la simple extension de la République fédérale. Déjà, dans la Communauté économique européenne, les échanges entre l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest étaient considérés comme commerce interallemand sans être soumis au tarif extérieur commun de la CEE. Pour accélérer le processus d’une union politique de l’Europe, Paris et Bonn proposèrent également à Dublin d’organiser en même temps que la prochaine conférence sur l’union monétaire et économique une conférence sur l’union politique en 1990. Engagé par une initiative franco-allemande, ce processus conduisit deux ans plus tard à la signature du traité de Maastricht qui stipula l’Union économique et monétaire en introduisant la monnaie commune, l’euro59.
Le chemin de l’unification
37Après les élections du 18 mars le processus d’unification s’accéléra d’autant plus que les délégations des deux Allemagnes ne furent plus séparées par des divergences idéologiques. Dès le 18 mai, Helmut Kohl et Lothar de Maizière (CDU), nouveau chef de l’exécutif de la RDA, signèrent le traité interallemand d’union monétaire, économique et sociale qui entra en vigueur le 1er juillet. Le solide deutsche mark fut introduit en RDA et remplaça le faible mark est-allemand. En dépit de l’opposition de la Bundesbank, qui estima l’option irréaliste et génératrice d’inflation, ce fut sur la base de la parité que se fit l’échange de monnaies. Kohl l’imposa, car il estimait que c’était le seul moyen d’inciter les Allemands de l’Est à rester. Jamais auparavant deux systèmes monétaires avaient été unifiés dans un si court laps de temps, mais l’union économique et monétaire fut en même temps un choc pour l’économie est-allemande, dévastée par 40 ans de gestion socialiste. Les conséquences furent souvent dramatiques : ne pouvant concurrencer l’économie ouest-allemande, beaucoup d’entreprises est-allemandes, jusqu’alors gérées par l’État, durent fermer, ce qui mena rapidement à une augmentation importante du chômage. Certains avancent aujourd’hui l’argument que la transition aurait dût se passer plus lentement, mais les partisans de ce raisonnement oublient que même un passage plus lent aurait provoqué des difficultés pour les entreprises. De surcroît, contrairement aux dirigeants est-allemands, beaucoup d’acteurs ouest-allemands impliqués dans les négociations ne connaissaient pas encore la vraie misère de l’économie de la RDA60.
38Après l’entrée en vigueur de l’unité monétaire, le 1er juillet 1990, l’unification se réalisa rapidement à l’intérieur. Elle se fit par simple extension de la RFA au territoire de l’ancienne RDA, en application de l’article 23 de la Loi fondamentale, prévoyant l’adhésion de nouveaux Länder, déjà utilisé en 1957 pour le rattachement de la Sarre. Cette procédure évitait de créer un nouvel État allemand impliquant l’élaboration d’une nouvelle constitution. Dès le 31 août 1990, le Traité d’unification fut signé à Berlin et le régime politique et administratif de la RFA étendu aux cinq Länder de la RDA (Mecklembourg-Poméranie occidentale, Brandebourg, Saxe, Saxe-Anhalt, Thuringe) – Berlin étant la capitale.
39Au plan international, les choses se présentaient de manière plus complexe. La question de la future frontière germano-polonaise provoquait des échauffements entre Polonais et Allemands. La Pologne demanda la reconnaissance définitive de la ligne Oder-Neiße, revendication que la France soutenait et dont elle faisait une condition sine qua non. Certes, la RFA avait reconnu l’inviolabilité de cette frontière par les traités de Moscou et de Varsovie en 1970, mais en 1990 se posa la question de savoir si cette reconnaissance était aussi valable pour une Allemagne unifiée. Pour des raisons de politique intérieure, Kohl ne se montrait pas toujours clair dans cette affaire. Il ne voulait pas froisser les associations d’anciens réfugiés de l’Est juste avant les élections fédérales de la fin 1990, or elles constituaient une partie importante de son électorat traditionnel. Son attitude suscita des malentendus non seulement entre Allemands et Polonais, mais aussi entre la RFA et ses voisins occidentaux. Finalement, le 17 juillet, la conférence 2 + 4 à Paris adopta une « déclaration sur le caractère définitif des frontières de l’Allemagne », dans laquelle l’Allemagne et la Pologne s’engagèrent à signer un traité reconnaissant leur frontière commune, ce qui fut fait le 14 novembre 1990.
40Le dernier obstacle fut levé les 15 et 16 juillet 1990 lors des négociations entre Helmut Kohl et Mikhaïl Gorbatchev dans le Caucase61. Ils parvinrent à un accord sur les modalités de l’unification. En contrepartie de promesses financières Gorbatchev accepta que la future Allemagne décide librement à quelle alliance militaire elle appartiendrait. Les accords 2 + 4, signés le 12 septembre à Moscou, portant sur le règlement définitif de la question allemande, prirent acte du fait que « le peuple allemand, exerçant librement son droit à l’autodétermination, a affirmé sa volonté d’établir l’unité étatique de l’Allemagne en tant que membre égal en droit et souverain d’une Europe unie ». Par rapport à l’Allemagne cet accord remplit la fonction d’un traité de paix et confirma le caractère définitif des frontières. L’Allemagne unie était libre d’adhérer à l’alliance de son choix, en l’occurrence l’Alliance atlantique. Les structures de l’OTAN ne pourraient être étendues au territoire de l’ex-RDA qu’après le départ des troupes soviétiques, accéléré par la promesse de l’Allemagne de verser 15 milliards de Mark à l’URSS. Par la suite, les forces de l’OTAN pourraient y stationner, mais sans armes nucléaires. Les effectifs militaires de l’Allemagne réunifiée ne devaient pas dépasser 370 000 hommes, soit la moitié du total des troupes de la RFA et de la RDA. L’Allemagne devait renoncer à la fabrication et à la possession d’armes atomiques, biologiques et chimiques (engagement déjà pris par la RFA en 1955) et adhérer au traité de non-prolifération nucléaire. Les quatre puissances renonçaient au statut quadripartite et rendaient à l’Allemagne sa souveraineté intérieure et extérieure. Les troupes russes devaient évacuer l’Allemagne de l’Est jusqu’en août 1994. Les troupes occidentales quittèrent Berlin le 8 septembre 1994, mais restaient en Allemagne en nombre réduit au titre de l’Alliance atlantique.
41Le Traité d’unification entre la RFA et la RDA, signé à Berlin-Est le 31 août, entra en vigueur le 3 octobre 1990. Les nouveaux Länder élurent leurs assemblées le 14 octobre. Les élections au Bundestag pour l’ensemble de l’Allemagne qui se tinrent le 2 décembre virent le succès de la coalition au pouvoir – démocrates-chrétiens et libéraux – et ratifièrent ainsi l’unification qui n’avait pas seulement changé l’Allemagne, mais aussi le visage de l’Europe.
Conclusion
42Vingt ans après la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, la rapidité avec laquelle l’unité de l’Allemagne se réalisa durant les mois suivants peut étonner encore de nos jours. Elle fut possible parce que les Allemands de l’Est avaient rapidement abandonné l’idée d’une « troisième voie » (« Wir sind das Volk ») pour réclamer l’unification (« Wir sind ein Volk »). Cette dynamique puissante, qui priva le gouvernement Modrow (SED) de toute légitimité et fit du gouvernement de Lothar de Maizière (CDU) un simple liquidateur du régime passé, donna au chancelier Kohl l’opportunité de s’appuyer sur un « mouvement national » dans les négociations interallemandes et internationales. Il trouva rapidement le soutien inconditionnel des États-Unis62 en profitant dans ce moment clé de l’histoire allemande d’une politique étrangère qui avait respecté et accepté l’hégémonie américaine depuis la fondation de la RFA en 194963. Washington partait du principe qu’une Allemagne unifiée ne mettrait pas en cause son hégémonie et que l’Europe ne serait pas une rivale sur la scène internationale. La politique américaine se caractérisait par une grande continuité depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, prônant l’hégémonie par l’intégration. Ce fut bien la pression américaine qui amena Londres et Paris à se rallier à une position occidentale commune. La France, craignant une perte d’influence en Europe au lendemain d’une unification allemande, avait d’abord essayé de freiner le processus, mais la « force des circonstances » la conduisit aussi à accepter la politique de Washington et de Bonn en renforçant l’intégration européenne. Elle devait permettre une intégration plus forte de la « grande Allemagne » et créer – c’était la continuité de la politique étrangère française depuis 1945 et une différence par rapport à la RFA – une sorte de contrepoids européen pour échapper à l’hégémonie américaine. Le soutien des États-Unis avait aussi ses conséquences sur la politique soviétique, qui aurait pu user de son droit de véto, mais accepta finalement une Allemagne unifiée membre de l’OTAN, ce qui constitue peut-être l’aspect le plus étonnant de cette période. Mais, comme les archives nous le montrent aujourd’hui, il n’y avait pas de véritable politique allemande du Kremlin en ces moments cruciaux de la fin de la Guerre froide. Face à une crise profonde interne et à la menace de l’ébranlement de l’Empire soviétique, Moscou courrait après les événements et n’avait ni le poids ni la force pour résister à l’évolution dans les rues de RDA et à la pression américaine. Au contraire, face à la situation catastrophique de son économie, Gorbatchev était contraint de rechercher l’aide financière de l’Ouest. En contrepartie, il fut obligé de céder la RDA et d’accepter l’unité allemande aux conditions des Occidentaux.
Notes de bas de page
1 Cf. Pierre Guillen, La question allemande, 1945 – 1995, Paris, 1996.
2 Cf. Hans-Hermann Hertle, Kathrin Elsner (éd.), Der Tag, an dem die Mauer fiel. Die wichtigsten Zeitzeugen berichten vom 9. November 1989, Berlin, 2009.
3 Cf. Alexander von Plato, Die Vereinigung Deutschlands. Ein weltpolitisches Machtspiel. Bush, Kohl, Gorbatschow und die geheimen Moskauer Protokolle, Bonn, 22003 ; Anne Saint Sauveurhenn, Gérad Schneillin (éd.), La mise en œuvre de l’unification allemande 1989 – 1990, Paris, 1998.
4 Cf. Klaus Stüwe, Die Rede des Kanzlers. Regierungserklärungen von Adenauer bis Schröder, Wiesbaden, 2005, pp. 82ss.
5 Le « Chemin de la démocratie » à Bonn (« Weg der Demokratie ») est un parcours fléché en plusieurs stations dans l’ancien quartier gouvernemental indiquant des lieux historiques de la « République de Bonn » ( http://www.wegderdemokratie.de/)
6 Cf. Rupert Seuthe, ›Geistig-moralische Wende‹? Der politische Umgang mit der NS-Vergangenheit in der Ära Kohl, am Beispiel von Gedenktagen, Museums-und Denkmalprojekten, Francfort/M., 2001.
7 Cf. Andreas Wirsching, Abschied vom Provisorium 1982 – 1990, Munich, 2006.
8 Andreas Rödder, Die Bundesrepublik Deutschland 1969 – 1990, Munich, 2004, p. 94.
9 Cf. Ulrike Quadbeck, Karl Dietrich Bracher und die Anfänge der Bonner Politikwissenschaft, Baden-Baden, 2008 ; Ludger Kühnhardt, « Erinnerungen als Fundament. Karl Dietrich Bracher – der öffentliche Gelehrte der deutschen Demokratie », in : Tilmann Mayer (éd.), Streitbar für die Demokratie. ›Bonner Perspektiven‹ der Politischen Wissenschaft und Zeitgeschichte 1959 – 2009, Bonn, 2009, pp. 35 – 57.
10 Karl Dietrich Bracher, Die deutsche Diktatur. Entstehung, Struktur, Folgen des Nationalsozialismus, Cologne, 61979, p. 544 (postface pour la 5e édition).
11 Karl Dietrich Bracher, « Politik und Zeitgeist. Tendenzen der siebziger Jahre », in : Id. et al., Republik im Wandel 1969 – 1974. Die Ära Brandt (Geschichte der Bundesrepublik, vol. 5.1), Stuttgart, Mannheim 1986, pp. 283 – 406, ici p. 406.
12 Eckart Conze, Die Suche nach Sicherheit. Eine Geschichte der Bundesrepublik Deutschland von 1949 bis in die Gegenwart, Munich, 2009, p. 622.
13 Cf. Peter Graf Kielmansegg, Nach der Katastrophe. Eine Geschichte des geteilten Deutschland, Berlin, 2000, pp. 239ss.
14 Rödder (note 8), p. 84.
15 Cf. Dierk Hoffmann, « Honecker in Bonn. Deutsch-deutsche Spitzentreffen 1947 – 1990 », in : Udo Wengst, Hermann Wentker (éd.), Das doppelte Deutschland. 40 Jahre Systemkonkurrenz, Berlin, 2008, pp. 333 – 356.
16 Cf. Vladislav Zubok, A Failed Empire. The Soviet Union in the Cold War from Stalin to Gorbachev, Chapel Hill, 2007.
17 Cf. Vladislav M. Zubok, « New Evidence on the Soviet Factor in the Peaceful Revolutions of 1989 », in : Cold War International History Project Bulletin, 12/13 (2001), pp. 5 – 23 ; Marie-Pierre Rey, « Gorbachev’s New Thinking and Europe, 1985 – 1989 », in : Frédéric Bozo, Marie-Pierre Rey, N. Piers Ludlow et Leopoldo Nuti (éd.), Europe and the end of the Cold War, a reappraisal, Londres, New York, 2008, pp. 23 – 35.
18 Cf. Jacques Lévesque, « Soviet Approaches to Eastern Europe at the Beginning of 1989 », in : Cold War International History Project Bulletin, 12/13 (2001), pp. 49 – 72 ; Svetlana Savranskaya, « In the name of Europe : Soviet withdrawal from Eastern Europe », in : Bozo, Rey, Ludlow et Nuti (note 17), pp. 36 – 47.
19 Michael Gorbatschow, « Rede vor der Vollversammlung der Vereinten Nationen, 7 décembre 1988 », in : Europa-Archiv, 44 (1989), D 27.
20 Cf. Rafael Biermann, Zwischen Kreml und Kanzleramt. Wie Moskau mit der deutschen Einheit rang, Paderborn, 1997; Frank Umbach, Das rote Bündnis. Entwicklung und Zerfall des Warschauer Paktes 1955 bis 1991, Berlin, 2005; Torsten Diedrich et al. (éd.), Der Warschauer Pakt. Von der Gründung bis zum Zusammenbruch 1955 bis 1991, Berlin, 2009.
21 Voir pour les relations complexes entre la RDA et l’URSS : Hans-Hermann Hertle, Konrad H. Jarausch (éd.). Risse im Bruderbund. Die Gespräche Honecker-Breshnew, 1974 bis 1982, Berlin, 2006.
22 Peter Przybylski, Tatort Politbüro. Die Akte Honecker, Berlin, 1991 p. 281.
23 Cf. Georges-Henri Soutou, La guerre de cinquante ans. Le conflit Est – Ouest, 1943 – 1990, Paris, 2001, pp. 699ss.
24 Heinrich-August Winkler, Der lange Weg nach Westen, vol. II : Deutsche Geschichte vom » Dritten Reich« bis zur Wiedervereinigung, Munich, 2000, p. 482. Voir aussi : Françoise Thom, Les fins du communisme, Paris, 1994.
25 Rödder (note 8), p. 57.
26 Cf. Karsten Timmer, Vom Aufbruch zum Umbruch. Die Bürgerbewegung in der DDR 1989, Göttingen, 2000, pp. 111ss.
27 Cf. Frankfurter Allgemeine Zeitung, 9 juin 1989.
28 Rödder (note 8), p. 78.
29 Cf. Walter Süss, Staatssicherheit am Ende. Warum es den Mächtigen nicht gelang, 1989 eine Revolution zu verhindern, Berlin, 1999, pp. 252 – 264 ; Ehrhart Neubert, Unsere Revolution. Die Geschichte der Jahre 1989/90, Munich, 2008, pp. 111ss.
30 Andreas Wirsching, « Die Mauer fällt. Das Ende des doppelten Deutschland », in : Udo Wengst, Hermann Wentker (éd.), Das doppelte Deutschland. 40 Jahre Systemkonkurrenz, Berlin, 2008, pp. 357 – 374, ici p. 369.
31 Neues Deutschland, 19/20 novembre 1988.
32 Cf. Ilko-Sascha Kowalczuk, Endspiel. Die Revolution von 1989 in der DDR, Munich, 2009, pp. 74ss.
33 Cf. Kowalczuk (note 32), p. 84.
34 Cf. Edgar Wolfrum, Die Mauer. Geschichte einer Teilung, Munich, 2009, pp. 119ss.
35 Pendant sa visite, Gorbatchev utilisa cette formule dans huit variantes différentes ; voir pour les entretiens entre Honecker et Gorbatchev : Daníel Küchenmeister, Gerd-Rüdiger Stephan (éd.), Honecker – Gorbatchev. Vieraugengespräche, Berlin, 1993, pp. 240 – 266.
36 Cf. Valery Boldin, Ten Years That Shook the World : The Gorbachev Era as Witnessed by His Chief of Staff, New York, 1994, p. 143.
37 Cf. Hans-Hermann Hertle, Konrad H. Jarausch et Christoph Klessmann (éd.), Mauerbau und Mauerfall. Ursachen, Verlauf, Auswirkungen, Berlin, 2002.
38 Cf. Andreas Rödder, Deutschland einig Vaterland. Die Geschichte der Wiedervereinigung, Munich, 2009, pp. 127ss.
39 Cf. Robert L. Hutchings, American diplomacy and the end of the Cold War. An insider’s account of U. S. policy in Europe, 1989 – 1992, Washington/D. C., 1997.
40 Helmut Kohl, Erinnerungen, vol. 2 (1982 – 1990), Munich, 2005, p. 1012.
41 Cf. Werner Weidenfeld, Außenpolitik für die deutsche Einheit. Die Entscheidungsjahre 1989/90, Stuttgart, 1998, p. 148.
42 Cf. Horst Teltschik, 329 Tage. Innenansichten der Einigung, Berlin, 1991, pp. 85s. Voir aussi : Id., « Der deutsche Vereinigungsprozess im internationalen Kräftefeld », in : Werner Süss (éd.), Deutschland in den neunziger Jahren. Politik und Gesellschaft zwischen Wiedervereinigung und Globalisierung, Opladen, 2002, pp. 15 – 27.
43 Cf. « Rede des Bundeskanzlers », in : Bulletin des Presse-und Informationsamtes der Bundesregierung, 22.12.1989, no 150, pp. 1261s.
44 Markus Driftmann, « Mythos Dresden », in : Aus Politik und Zeitgeschichte, 21 – 22 (2009), pp. 33 – 39, ici p. 35.
45 Philip Zelikow, Condoleezza RICE, Sternstunden der Diplomatie. Die deutsche Einheit und das Ende der Spaltung Europas, Berlin, 1997, p. 214.
46 Werner Weidenfeld parle d’un « soutien impressionnant » pour l’offensive politique que Kohl avait entreprise depuis la fin novembre 1989 ; ID. (note 41), p. 205.
47 Cette thèse est entre autre défendue par Karl-Rudolf Korte, Die Chance genutzt ?, Francfort/M., 1994, p. 94.
48 Voir l’article de Frédéric Bozo dans cet ouvrage.
49 Cf. Teltschik (note 42), pp. 100ss.
50 « Gespräch zwischen Kohl und Gorbatschow », in : Dokumente zur Deutschlandpolitik. Deutsche Einheit, Sonderedition aus den Akten des Bundeskanzleramtes 1989/90, édité par Hanns Jürgen Küsters et Daniel Hofmann, Munich, 1998, Dok. 174, pp. 795ss.
51 Cf. Elke Bruck, Peter M. Wagner (éd.), Wege zum ›2 +4‹-Vertrag. Die äußeren Aspekte der deutschen Einheit, Munich, 1996.
52 Cf. Patrick Salmon, The United Kingdom and German unification, in : Bozo, Rey, Ludlow et Nuti (note 17), pp. 177 – 190.
53 Cf. Rödder (note 8), p. 100.
54 Pour une perspective très personnelle des événements : Helmut Kohl, Ich wollte Deutschlands Einheit. Dargestellt von Kai Diekmann und Ralf-Georg Reuth, Munich, 2004 ; Id., Vom Mauerfall zur Wiedervereinigung. Meine Erinnerungen, Munich, 2009.
55 Voir aussi la contribution de Jean-Paul Cahn dans cet ouvrage
56 Cf. Daniel Friedrich Sturm, Uneinig in die Einheit. Die Sozialdemokratie und die Vereinigung Deutschlands 1989/90, Bonn, 2006.
57 Kowalczuk (note 32), pp. 520ss. ; Neubert (note 29), pp. 327ss.
58 Cf. Konrad H. Jarausch, Die unverhoffte Einheit 1989 – 1990, Francfort/M., 1995, p. 197.
59 Cf, Curt Gasteyger, Europa von der Spaltung zur Einigung, Bonn, 2001, pp. 403ss. ; Marie-Thérèse Bitsch, Histoire de la construction européenne, Bruxelles, 1999, pp. 245ss.
60 Cf. Karl Rudolf Korte, « Die deutsche Wiedervereinigung », in : Hans-Peter Schwarz (éd.), Die Bundesrepublik Deutschland. Eine Bilanz nach 60 Jahren, Munich, 2008, pp. 181 – 203, ici p. 200.
61 Cf. Wilfried Loth, « Die Sowjetunion und das Ende der DDR », in : Konrad H. Jarausch, Martin Sabrow (éd.), Weg in den Untergang. Der innere Zerfall der DDR, Göttingen, 1999, pp. 119 – 152 ; Id., « Die sowjetische Führung, Michael Gorbatschow und das Ende des Kalten Krieges », in : Corinna Hauswedell (éd.), Deeskalation von Gewaltkonflikten seit 1945, Essen, 2006, pp. 129 – 146 ; Andreas Rödder, « ›Durchbruch im Kaukasus‹ ? Die deutsche Wiedervereinigung und die Zeitgeschichtsschreibung », in : Jahrbuch des Historischen Kollegs, 2002 (2003), pp. 113 – 140.
62 Cf. Detlef Junker (éd.), Die USA und Deutschland im Zeitalter des Kalten Krieges. Ein Handbuch, vol. 1 : 1945 – 1968 ; vol. 2 : 1968 – 1990, Stuttgart, Munich, 2001.
63 Cf. Helga Haftendorn, Deutsche Außenpolitik zwischen Selbstbeschränkung und Selbstbehauptung, Stuttgart, 2001 ; Ulrich Lappenküper, Die Außenpolitik der Bundesrepublik Deutschland 1949 bis 1990, Munich, 2008.
Auteur
Né en 1966 ; Professeur d’études germaniques à l’Université Jean Monnet, Saint-Étienne
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