Chapitre 3. Magiciens et artifices
p. 77-95
Texte intégral
1Partons de cette supposition : la caméra enregistre la réalité avec une certaine objectivité, puisqu’elle le fait de manière mécanique. Mais, à l’origine, déjà, cette objectivité machinale était relative. Car il fallait la main de l’homme pour tourner la manivelle de l’appareil et enclencher le processus mécanique. L’opération était délicate, à tel point d’ailleurs que les opérateurs devaient s’entraîner, ou s’aider d’appareils rythmiques, pour obtenir un mouvement fluide et uniforme. Mais alors que la main de l’homme s’est voulue la plus neutre possible, la mécanique, un jour, a lâché prise. L’opérateur Méliès filmait la place de l’opéra, à Paris, quand sa caméra s’est bloquée, ce qui l’a obligé à interrompre la prise de vue le temps de la réparation. Lorsqu’il a visionné les images, il a remarqué que l’omnibus qui passait au moment de la panne s’était transformé en corbillard. Avant de s’intéresser au cinématographe, Méliès dirigeait le « théâtre Robert Houdin », où il se livrait à des spectacles de prestidigitation (l’histoire est bien faite, puisque les frères Lumière possédaient, eux, une usine de développement photographique). Cet incident technique l’aurait amené à envisager la possibilité de reproduire ses astuces de magicien au cinéma. « Le truc à métamorphoses était trouvé1 ».
2Le cinéma a donc découvert très tôt la possibilité de truquer les images, de manière à obtenir des métamorphoses fantastiques. Apparitions, disparitions et métamorphoses vont être les premiers effets visibles des trucages, rapprochant le cinéma de la prestidigitation, comme le constate Edgar Morin.
« Si nous nous reportons à Méliès, c’est-à-dire au passage du cinématographe au cinéma, non seulement nous trouvons à l’entreprise de ses films la prestidigitation (trucages) et au résultat la féerie, mais nous découvrons que le premier truc, l’acte opératoire même qui annonce la transformation du cinématographe en cinéma est une métamorphose2. »
3La métamorphose, dont apparitions et disparitions sont des formes extrêmes, est au cœur de l’art magique, ce dont témoigne le personnage mythologique de Circé, qui fut très en vogue à l’époque baroque :
« Circé, c’est la magicienne qui d’un homme fait un animal, et de nouveau un homme ; qui prête et retire à chacun tous les corps, toutes les figures ; plus de visages, mais des masques, elle touche les choses, et les choses ne sont plus ce qu’elles étaient ; elle regarde le paysage et il se transforme. Il semble qu’en sa présence, l’univers perde son unité, le sol sa stabilité, les êtres leur identité ; tout se décompose pour se recomposer, entraîné dans le flux d’une incessante mutation, dans un jeu d’apparences toujours en fuite devant d’autres apparences. Or Circé est constamment présente sur les scènes et dans les fêtes de France et d’Europe, depuis le Ballet de la Royne de 1581 jusqu’aux premiers ballets de Benerade ; Circé ou ses substituts, Alcine, Médée, Calypso, Armide, Urgande, Ismen, Orphée, les magiciennes et les enchanteurs, surgis de toutes parts, démiurges capricieux d’une création instable qu’ils transforment à leur guise3. »
4Le prestidigitateur Méliès fut au cinéma ce que la magicienne Circé fut à l’époque baroque, une figure tutélaire, le maître des métamorphoses.
Le magicien
5Depuis Méliès, les techniques de trucage se sont considérablement développées, que ce soit lors des tournages, ou au moment du montage et de la post-production. Un poste a même été créé spécialement à cet effet, celui de truquiste. L’évolution de ces techniques, avec notamment aujourd’hui l’intégration des images virtuelles dans des scènes réelles, a augmenté la capacité à réaliser des trucages de haute portée. Pour perpétuer la « magie du cinéma » – expression devenue un lieu commun –, la renouveler et continuer à émerveiller les foules, les puissants studios de production américains, comme Industrial Light and Magic de Georges Lucas, engloutissent des sommes énormes. Et pourtant, peu de films nous auront autant émerveillés que ceux de Méliès et nous semblent aussi proches de la prestidigitation. C’est que le trucage au cinéma est utilisé, la plupart du temps, de manière « réaliste ». Il ne doit pas être visible et ne doit pas empêcher l’action d’être perçue comme vraisemblable. Mais alors que, dans ce cas, le cinéaste se sert du trucage pour rendre plausible une action qui ne peut être réalisée réellement au tournage, le prestidigitateur présente un fait extraordinaire – la transformation d’un lapin en colombe sous un chapeau, exemplairement – qui ne prétend pas passer pour réel mais pour une preuve de son habileté à nous tromper. Tandis qu’au cinéma, le trucage est effacé par les codes naturalistes qui l’entourent, dans un spectacle de magie, le trucage invisible est d’autant plus présent à l’esprit du public qu’il est l’enjeu réel du spectacle. Si bien qu’on peut dire qu’alors que l’industrie des effets spéciaux a toujours prospéré, il n’y eut que peu de cinéastes magiciens, peu de cinéastes qui ont insisté sur la parenté entre leur art et celui du prestidigitateur, en assumant l’artificialité de leurs effets.
6Le recours au trucage est une manière d’affirmer, pour les cinéastes baroques, que l’image cinématographique est le produit de la main de l’homme, et de son cerveau, plus que de l’objectivité photographique de la caméra. Mais il faut, pour cela, le présenter comme tel, de la même manière qu’un magicien, lorsqu’il entame un tour, va user d’un artifice pour nous leurrer, et que nous saurons qu’il y a un truc. Méliès inaugure une lignée de cinéastes qui va de Fellini à Ruiz, en passant par Welles ou Lynch, pour lesquels le cinéma est fait d’apparitions et de disparitions, de métamorphoses, d’artifices, de trucages, en un mot de magie. Ainsi, il y a, chez Fellini, tout un art de faire apparaître et disparaître. C’est surtout en cela que ses films affirment leur parenté avec la prestidigitation, plus encore que par la présence de quelques magiciens, vrais ou faux, dans Les Nuits de Cabiria, Huit et demi et Intervista. Fellini est l’auteur qui a le plus renouvelé ces figures cinématographiques inaugurées par Méliès, en se servant des cadrages, de la lumière, du son, du montage, des mouvements, de la scénographie. Citons quelques exemples célèbres : l’apparition de Claudia Cardinale qui offre de l’eau à Guido dans Huit et demi (coupure du son), du taureau dans le brouillard dans Amarcord (lumière et scénographie), ou des esprits dans Juliette des esprits (utilisation des bords du cadre) ; les disparitions des fresques dans le sous-sol de Roma (éléments naturels), de la femme tentatrice devant Snaporaz dans La Cité des femmes (effet de montage).
L’artifice
7Pour les baroques, le cinéma est un art du faux, un art où les lapins se transforment en colombes, ou plutôt les omnibus en corbillards. Le magicien y représente le démiurge moderne, démuni d’une quelconque transcendance ou d’un quelconque pouvoir supérieur. Le magnétiseur du Visage de Bergman n’est qu’un vulgaire comédien, incapable de parvenir à faire croire à ses dons de divination, mais dont le tour de passe-passe morbide a pour effet de discréditer aussi le scientifique, dont le savoir a la prétention de remplacer celui des prêtres. Celui qui use de l’illusion, celui qui se sert d’artifices trompeurs, est une menace pour tous ceux qui prétendent à établir une vérité quelconque. Il risque, en effet, de mettre à jour le côté artificiel de toute vérité.
8C’est pourquoi, pour en rester au domaine des images, l’artificialité est sujette à des jugements de valeur dépréciatifs, ce dont le baroque évidemment pâtit. C’est aussi que le caractère artificiel des images a été considéré comme suspect, et dénoncé pour son pouvoir illusoire, aussi longtemps qu’une certaine interprétation de la philosophie platonicienne a donné au jugement sur l’art ses cadres et valeurs, en prenant comme référence deux textes importants du philosophe grec. Dans Le Sophiste, la réflexion sur les images sert de métaphore pour faire comprendre la véritable nature de la sophistique qui est d’apprendre à persuader, et à tromper, sans connaître la vraie nature des choses. Platon prend l’exemple des peintres, et distingue deux façons d’imiter : l’une est satisfaisante parce qu’elle « reproduit l’original en ses proportions de longueur, de largeur et de profondeur, et qui, en outre, donne à chaque partie les couleurs appropriées4 ». Elle respecte donc les dimensions du modèle, de la nature. Mais tous les artistes ne procèdent pas ainsi :
« Pas ceux qui modèlent ou peignent des œuvres de grande envergure. Car s’ils reproduisaient les proportions réelles des belles formes, tu sais que les parties supérieures paraîtraient trop petites et les parties inférieures trop grandes, parce que nous voyons les unes de loin et les autres de près5. »
9Ces artistes « ne s’inquiètent pas de la vérité et ne reproduisent point dans leurs figures les proportions réelles, mais celles qui paraîtront belles ». Platon nomme simulacre :
« Ce qui paraît, parce qu’on le voit d’une position défavorable, ressembler au beau, mais qui, si l’on est à même de voir exactement ces grandes figures, ne ressemble même pas à l’original, auquel il prétend ressembler6. »
10Le simulacre se distingue de la copie en ce qu’il ne fait que paraître ressembler au modèle, en ce qu’il n’offre qu’une illusion de ressemblance, cachant, en fait, une dissemblance fondamentale, dans l’intention non pas de respecter la nature, la vérité, mais de plaire, d’impressionner, de persuader. L’illusion est donc le fait de certains artistes, ceux dont la pratique démesurée doit faire appel à des artefacts techniques pour construire des œuvres dénaturées. Derrière eux, ce sont les sophistes qui sont visés, dont la pratique du langage n’a pas pour objet de chercher à exprimer une vérité sur le monde, mais de tromper. Le sophiste représente, pour Platon, l’incarnation philosophique du simulacre : « Le sophiste n’est point de ceux qui savent mais de ceux qui imitent7 ». L’idée est ensuite reprise dans La République sous un autre angle :
« Les mêmes objets paraissent brisés ou droits selon qu’on les regarde dans l’eau ou hors de l’eau, concaves ou convexes, suivant une autre illusion visuelle produite par les couleurs, et il est évident que tout cela jette le trouble dans notre âme. C’est à cette infirmité de notre nature que la peinture ombrée, l’art du charlatan et autres interventions du même genre s’adressent et s’appliquent tous les prestiges de la magie8. »
11L’illusion des peintres de simulacre et des sophistes ne peut réussir que parce que notre nature infirme s’y prête, puisque même au contact des choses, nous pouvons être leurrés par nos sens, ce dont les charlatans et les magiciens profitent également.
12L’artifice, selon le point de vue platonicien, est donc l’action humaine qui ne respecte pas les lois naturelles. Mais c’est mal comprendre l’artifice que de le juger en fonction de l’idée de nature. Car justement, ce qu’il remet en cause, c’est cette idée même. Si l’on veut rendre justice à l’artifice, il faut se passer de l’idée de nature, ne plus penser que les choses existent selon des principes établis qui leur confèrent ordre et nécessité. Ce qui les remplace alors, ce sont le désordre et le hasard, ainsi que l’idée, justement, que les choses n’adviennent à l’existence que parce qu’elles sont produites artificiellement. Pour la pensée artificialiste, tout est artificiel. Il n’y a donc plus lieu de distinguer entre nature et artifice, puisque la nature n’existe pas. Du point de vue artificialiste qu’esquisse Clément Rosset :
« Toute philosophie est de tendance invinciblement naturaliste, dans la mesure où elle se veut système, recherche de principes. (…) La « philosophie artificialiste » n’a pu se produire qu’à la faveur des carences de la philosophie proprement dite : il faut une crise de la philosophie (impliquant que toutes les représentations de principe d’être, de cause, de nécessité sont provisoirement écartées) pour que devienne possible une pensée artificialiste, assumant ses représentations de l’existence à partir de la seule idée de hasard9. »
13Cette crise eut lieu deux fois, au cours de l’histoire de la philosophie occidentale : lorsque la représentation animiste et mythique des Grecs se dissipa aux vie et ve siècles avant J.C., donnant naissance aux sophistes, jusqu’à ce que Platon, puis Aristote, rétablissent une conception naturaliste du monde ; puis après que la conception aristotélicienne du monde fut remise en question, c’est-à-dire à l’époque baroque. Celle-ci apparaît donc comme une contre-évaluation significative, liée à la constatation que tous les systèmes cosmologiques et philosophiques adoptés jusqu’alors depuis l’Antiquité (systèmes aristotélicien et ptoléméen), qui prétendaient rendre compte de la vérité naturelle, se sont écroulés face aux découvertes scientifiques de Galilée, puis de Kepler. L’âge baroque, avant Nietzsche, Darwin et Freud, renverse le platonisme, du moins sur le plan des images, et préfère à la nature et à la copie, l’artifice et le simulacre. Le simulacre, la tromperie consciente et assumée, ne sont plus bannis mais pratiqués dans un esprit ludique qui cache une réflexion sérieuse, voire angoissée. Alors que les jeux d’ombres et de reflets remplissent les cabinets de curiosités, les murs des églises que l’on bâtit à Rome, en Espagne ou en Europe centrale se couvrent de trompe-l’œil. Ce que l’on prend pour un tableau est une partie de mur, telle corniche n’est en fait qu’un relief factice, le pan de ciel qui apparaît au-dessus de nos têtes n’est autre que le plafond, les mouches qui constellent les toiles ne sont rien d’autre que des taches. La vérité naturelle n’est plus à l’ordre du jour, c’est l’émerveillement devant la réussite des effets trompeurs de l’artifice qui prédomine.
Les boîtes magiques du cinéma
14Fellini, à tout autre lieu, préférait s’enfermer à Cinecittà, dans le studio 5, pour tourner ses films : « Un beau paysage, un coucher de soleil, la grandeur primordiale des montagnes, le silence dans lequel tombe la neige ne me touchent que si je parviens à les reproduire à Cinecittà, au studio, en me débrouillant avec de la soie et de la gélatine10 », déclara-t-il, ajoutant que « l’artificiel convient mieux au problème de l’expression ». Il n’est pas innocent, de même, que Méliès restât dans son studio de Montreuil quand les opérateurs des frères Lumière arpentaient le monde pour en rapporter des images de la réalité. Les baroques tournent le dos au réel, ils s’enferment dans des studios, des chambres noires, qui sont déjà des salles obscures où ils projettent leur imaginaire. Le studio est un lieu magique où ils sont maîtres de tous les éléments avec lesquels ils vont composer le film. Comme pour les trucages, il ne s’agit pas de le faire oublier, de parvenir à rendre vraisemblable, réaliste, l’espace dont ils disposent. Il faut au contraire montrer en quoi le film se déroule dans un monde clos, hors de toute relation avec la réalité, parfaitement artificiel. Il y a ainsi de nombreux films qui mettent en valeur cet espace pour lui-même, comme si le monde était restreint à cette chambre noire d’où s’extraient les figures que la lumière révèle : ceux de Kenneth Anger (Inauguration of the Pleasure Dome, Invocation of my Demon Brother), lents cérémonials magiques et démoniaques qui se passent dans des intérieurs obscurs, de Carmelo Bene (Salomé, Don Giovanni) où il ne reste plus que des corps sans décor et un texte théâtral mutilé, ou de Guy Maddin (Arkangel, The Saddest Music in the World) qui se déroulent dans des villes glacées et factices évoquant le cinéma expressionniste. C’est aussi le cas de certains films de Greenaway (Le Cuisinier, le mari, sa femme et son amant, Prospero’s Books, The Baby of Macon) ou de Syberberg, comme Parsifal ou Hitler, un film d’Allemagne, dont le principe peut être résumé ainsi :
« Inventer des mondes à partir d’un plateau nu ou d’un studio vide par la seule déclamation d’un texte associé à des mouvements de comédiens, une disposition réfléchie d’objets et une lumière pleinement maîtrisée11. »
15Il y a là comme un espace proprement baroque, qui rappelle la définition que Leibniz donne de la monade : « Les monades n’ont point de fenêtres, par lesquelles quelque chose y puisse entrer ou sortir12. » Le studio est une image tout à fait valable de cette chambre obscure qu’est la monade, de même que l’architecture baroque en son temps :
« Depuis longtemps il y a des lieux où ce qui est à voir est au-dedans : cellule, sacristie, crypte, église, théâtre, cabinet de lecture ou d’estampes. Ce sont ces lieux que le Baroque investit pour en dégager la puissance et la gloire. D’abord, la chambre obscure n’a qu’une petite ouverture en haut par laquelle passe la lumière qui, par l’intermédiaire de deux miroirs, va projeter sur la feuille les objets à dessiner qu’on ne voit pas, le second miroir devant être incliné suivant la position de la feuille. Et puis les décors à transformation, les ciels peints, tous les genres de trompe-l’œil qui garnissent les murs : la monade n’a de meubles et d’objets qu’en trompe-l’œil13. »
16Avec la lumière artificielle dont nous avons déjà parlé, qui vient de l’intérieur, les décors sont le second élément artificiel que le studio permet aux cinéastes de reconstituer. Dans les films baroques, ils affichent leur artificialité. Chez Fellini, pour qui « plus on s’approche mimétiquement de la réalité, plus on déchoit dans l’imitation14 », les mers sont faites de bâches en plastique, dans Le Casanova de Fellini ou Amarcord. Les murs de la chambre habitée par Mateo Strano bougent dans Trois Vies et une seule mort de Raoul Ruiz, tandis que les meubles se déplacent autour de Marcel Proust dans Le Temps retrouvé. Les paysages sont des toiles peintes dans Francisca de Manoel de Oliveira, Querelle de Fassbinder, ou des photographies projetées dans Hitler, un film d’Allemagne de Syberberg. Caligula de Tinto Brass propose l’image d’un monde décadent, hermétique et artificiel en l’inscrivant en studio. Il arrive aussi que les décors s’écroulent, révélant leur facticité, comme dans Le Jour des idiots de Werner Schroeter, ou, d’une autre manière, avec ce projecteur qui tombe du ciel et manque d’assommer le héros, dans The Truman Show de Peter Weir, où le monde est devenu un gigantesque studio de télévision. Enfin, la caméra peut se détourner, et montrer l’envers du décor, le studio où se tourne le film, comme dans Et Vogue le navire de Fellini ou dans Benilde ou la Vierge mère de Oliveira, huis clos encadré par deux travellings entre les câbles et les palissades du studio à l’intérieur duquel a été reconstituée la maison de campagne où se déroule l’action.
17Le studio rappelle d’autres lieux clos. En premier lieu, la caméra elle-même, avec la chambre obscure qui la constitue. C’est comme si la caméra ne filmait rien d’autre que ce qu’il y a à l’intérieur d’elle-même. Toute ontologie cinématographique repose sur l’idée que quelque chose émanant de l’extérieur, de la réalité, s’imprime à l’intérieur de la caméra, et est restituée lors de la projection. La caméra est le médium, prétendument objectif, qui prend à la réalité une quelconque substance et la redonne. La caméra des frères Lumière était, à cet égard, exemplaire puisqu’elle était en même temps appareil d’enregistrement, puis, avec l’ajout d’une lanterne, projecteur. Les films n’étant pas montés, on pouvait effectivement croire à la non-intervention de l’homme lors de ce processus. Au contraire, c’est un ensemble d’événements parallèles à la réalité, sans contact avec elle, que le studio de Méliès et de ses successeurs, enclenche : de l’enregistrement au développement, en passant par le montage, la distribution des bobines dans leur boîte métallique, puis la projection, le film ne voit le jour qu’en demeurant dans la nuit.
18En second lieu, le studio évoque la boîte crânienne, où se nichent nos rêves et nos fantasmes, notre imaginaire. La caméra n’enregistre pas le réel, elle enregistre ce que la subjectivité humaine en retient. Fellini insiste souvent sur ce fait qu’un film exprime la subjectivité de son auteur, que celle-ci est le filtre inévitable qui nous donne accès au monde :
« On se figure que le cinéma est une simple caméra remplie de pellicule et que la réalité, dehors, se trouve toute prête à être photographiée, alors que face à l’objectif, c’est tout simplement soi-même que l’on expose15. »
19Il ne s’agit pas cependant d’une introspection, mais plutôt de la projection du monde intérieur, ce qu’indique la voix off qui présente le film de Syberberg Hitler, un film d’Allemagne (1978) : « Protubérance du moi dans le cosmos du montage, fragment d’une projection intérieure, souvenir d’un monde ancien dans le studio noir de notre imagination ». C’est le rappel d’un vieux débat, celui du degré de présence de la réalité dans notre rapport au monde. Il s’agit de savoir si, dans ce que nous percevons, subsiste quelque chose du réel, si nous avons, grâce à nos perceptions, un contact direct avec le réel, ou si, au contraire, nous ne pouvons que le reconstruire subjectivement pour en obtenir une image, sans pouvoir l’appréhender directement. Les baroques insistent sur la part subjective de notre appréhension du monde : c’est elle qu’il faut interroger, non seulement parce qu’il serait illusoire d’imaginer que l’on puisse connaître objectivement le réel, mais aussi parce que ce subjectivisme fait partie de notre être-au-monde. Comme l’écrit Schopenhauer, « la conscience est une lanterne magique qui colore l’univers de ses feux changeants16 ».
Emboîtements : L’Illusionniste de Jos Stelling (1983)
20L’Illusionniste, de Jos Stelling, est fait de boîtes, qui s’encastrent les unes dans les autres, de sorte que l’extérieur d’une boîte n’est jamais que l’intérieur d’une autre, comme avec les poupées russes. La première de ces boîtes apparaît dès le début du film. C’est la salle de spectacle, lieu clos et sans décoration, aux murs noirs. L’illusionniste rate son tour. Chassé par les cris du public et par la honte, il s’engouffre dans une caisse à double fond, à partir de laquelle il se retrouve dans un monde labyrinthique fait de souvenirs et de fantasmes : un univers mental, d’où il ne ressort qu’à la fin du film, par cette même caisse à double fond, comme s’il ne l’avait jamais quittée. L’univers mental de l’illusionniste comporte deux autres boîtes : une camera obscura confectionnée artisanalement où l’on découvre une saynète étrange, anticipant sur les événements futurs, qui renvoie au cinéma et à l’imaginaire ; la boîte magique où l’assistante, dont l’illusionniste est amoureux, engouffre sa tête, qui renvoie à la prestidigitation, et au cerveau. Les quatre termes sont liés dans la perspective baroque du cinéma. Le cerveau, et son amas labyrinthique de neurones, se trouve à l’intérieur d’une autre boîte, la boîte crânienne. L’illusionniste l’étudie d’ailleurs, dans un traité d’anatomie, comme s’il voulait en déchiffrer les secrets. Mais une mouche vient se poser sur le dessin, pour rappeler que cette étude est illusoire, comme toute prétention scientifique à la vérité. La mouche encadre le film de Jos Stelling. Il y en a deux qui sont dessinées sur le titre, lors du générique d’ouverture. Et le plan final montre une mouche qui se pose sur une photo de famille, qu’un coup de marteau écrase, en brisant la vitre qui la protège. La mouche possède un sens iconographique précis. Elle est un signe qui dénonce le caractère illusoire de la représentation picturale. Son apparition remonte à la peinture antique, mais c’est avec la période baroque, notamment dans les pays du nord de l’Europe, que son utilisation a été le plus remarquée. A la fin de L’Illusionniste, le marteau écrase la mouche, et fait voler la vitre en éclats : l’illusion est brisée.
21L’illusion est au centre du film, comme le titre l’indique. Le récit, malgré son apparente incohérence, possède une structure et une intention évidente : c’est un récit d’initiation. Le personnage principal, qui deviendra illusionniste, découvre que la vie n’est faite que d’illusions. La première est celle qui fera naître sa vocation : le désir qu’il éprouve pour l’assistante du magicien. On comprend vite que son envie de devenir prestidigitateur n’est que le travestissement de son désir pour la jeune femme. Toutefois, il lui permet de posséder les secrets du monde illusoire de la magie et du spectacle, d’en faire son métier et plus encore, sa façon de vivre. C’est ainsi qu’ayant appris les pouvoirs de l’illusion du fait d’un désir illusoire, il s’en sert pour raccommoder ce désir, une fois celui-ci brisé : son frère déchiquète la photographie de l’assistante, par jalousie, mais l’illusionniste la fait réapparaître, intacte. Pourtant, ce désir ne sera jamais assouvi, même lorsque l’illusionniste, devenu adulte, s’enfuit de chez lui pour aller retrouver la jeune femme dans sa loge. Il révèle au contraire sa facticité, quand, tandis qu’un reflet dans un miroir nous montre l’illusionniste caressant une main féminine, un mouvement de caméra nous fait découvrir, en même temps que le personnage, que cette main est en caoutchouc.
22La famille est l’autre grande illusion que le film dénonce. La séquence la plus symptomatique à cet égard, parce que les mouches y sont omniprésentes, est le repas de famille. D’ordinaire, le procédé pictural de la mouche peinte à même la toile doit être discret, pour être efficace. Ici, le procédé est exagéré de manière comique, mais n’en demeure pas moins significatif. La famille se réunit autour d’un repas qu’il convient d’honorer par des prières. La mère se montre dévote à l’extrême, toute en psalmodies, mais autour d’elle, les autres font semblant. Le grand-père est même surpris à compter ses billets. Quant à l’illusionniste, ce sont les mouches envahissantes qui le préoccupent. Elles désorganisent complètement la cérémonie, en se posant sur les tables, ou sur les personnages, ou encore sur le papier tue-mouche dans lequel l’illusionniste s’emmêle. L’unité familiale est une fiction, une illusion. La mère dévote se révélera être une mère possessive, voire incestueuse ; le père est un lâche, au caractère effacé, qui finira par se suicider ; enfin, les deux frères, dont la relation ambiguë est un des axes dramatiques, reproduisent les figures bibliques de Caïn et Abel. L’illusionniste protège son frère, lui témoigne tendresse et affection, voire dévouement. Ce dernier, pourtant, ne cesse de lui jouer de mauvais tours, à commencer par la première scène où il débranche son micro alors qu’il entre en scène. Le frère est un être jaloux, un être du ressentiment, au sens que Nietzsche donne à ce terme. Stelling utilise pour exprimer cette idée un objet symbolique : l’harmonica. Les êtres affectés de ressentiment tentent en vain de jouer de l’harmonica, comme s’ils recherchaient une certaine harmonie. Ce n’est d’ailleurs pas seulement le cas du frère de l’illusionniste, c’est par exemple aussi celui de la veuve qu’il rencontre dans l’autobus, qui a perdu sa moitié. L’harmonica témoigne du manque d’harmonie du monde.
23Le chaos semble donc être la loi du monde, ou plutôt du cerveau. Le film touche à un autre aspect de la fragile et peut-être illusoire relation de l’homme au monde : la folie. Si la famille a pour fonction de créer une unité illusoire entre les êtres, l’hôpital psychiatrique est, au sein de la société, le lieu où l’on enferme les aliénés, ceux dont le cerveau témoigne trop ouvertement de son chaos intérieur. Mais encore faut-il que cet autre espace clos ne soit pas une illusion. Or, déjà, son jardin présente un caractère anamorphique, donc sujet à l’illusion, car il faut s’y reprendre à deux fois pour l’apercevoir dans sa globalité. L’illusionniste le traverse une première fois, privé de ses lunettes, et n’aperçoit qu’une partie de ce qu’il s’y passe : des boulets qui tombent des arbres, des bruits de balle de tennis, une grosse souris en peluche qui le poursuit. On pense au sourire sans chat de Lewis Carroll. Lors de sa seconde traversée, on s’apercevra que ce sont les internés qui sont responsables de ces événements. Les procédés anamorphiques ne concernèrent pas seulement la peinture. Par exemple, Kircher, dans Ars Magna Lucis et Umbrae, entend les appliquer aux jardins, qui, comme l’explique Baltrusaïtis, « peuvent être arrangés de manière que, vus d’un certain point, les arbres et les plantes forment des animaux paraissant comme peints dans un tableau17 ». L’anamorphose au jardin de Stelling indique que ce qui gouverne le monde, derrière ce que l’on en perçoit de manière partielle, c’est peut-être la folie. Les médecins, d’ailleurs, sont plus fous que les malades : eux-mêmes sont lobotomisés, comme le portrait de Sigmund Freud, sur lequel un pansement a été rajouté. Toutefois, même la folie est traitée ici sur le mode de l’illusion. Elle aussi n’est peut-être que feinte. A la fin du film, l’illusionniste et son frère se retrouvent ensemble dans la loge, comme au début. La jalousie du frère atteint son apogée et la patience de l’illusionniste sa limite. Le frère colle un pansement sur le front blessé de l’illusionniste et lui donne ses lunettes, avant d’enlever la cicatrice factice que l’on pensait résulter de sa lobotomie, de sorte qu’ils échangent leur place. C’en est trop pour l’illusionniste qui étrangle son frère, comme Caïn tue Abel.
24L’illusion est le propre du cinéma, comme de la magie, du cerveau et du monde. Le cinéaste est un illusionniste, il fabrique un univers fictif et factice, qui possède ses lois propres (comme, dans ce film, l’absence de parole, qui rappelle les films de Tati), et surtout qui se dénonce comme tel en ne tentant pas de « naturaliser » ses effets (la fausse souris, par exemple). La mise en abîme permet aussi d’inscrire la conscience que l’on a de l’illusion, en laquelle consiste un film, au sein même de l’œuvre. Il y en a deux exemples. Dans le plus apparent, l’illusionniste parcourt le couloir de l’asile en ouvrant une à une les portes des chambres, dans une scène emblématique du cinéma que l’on retrouve aussi dans Le Sang d’un poète de Cocteau ou encore Alphaville de Godard, jusqu’à ce qu’il entre dans une salle où est projeté… L’Illusionniste ! Cela rappelle aussi la structure en poupées russes du film. La seconde occurrence est plus discrète et plus complexe. Elle a lieu lors du voyage en car qui mène l’illusionniste vers la ville. Le car passe devant un accident de voiture qui semble meurtrier, devant lequel se trouve déjà une équipe de cinéma – on aperçoit un réflecteur – et une Hollandaise en costume traditionnel. Plus loin, une affiche reproduit la même scène, avec une inscription : « God is ! ». Croire en la capacité de la représentation à être fidèle à un événement aussi réel que la mort, c’est croire naïvement aussi bien à la véracité des images d’Epinal qu’en l’existence de Dieu. On devine que Stelling ne partage pas cette croyance.
Le montage
25Le cinéaste-magicien possède, outre le studio, un autre espace clos où se retirer et préparer ses effets de manche : la salle de montage. Un grand nombre de trucages sont en effet réalisés au montage ou en post-production. Mais même ceux qui sont réalisés au tournage ne se passent pas d’une intervention au montage. Ils nécessitent le moins d’ingérences extérieures possibles, c’est pourquoi Méliès les a réduits au minimum en s’enfermant dans un studio. Il avait toutefois besoin du montage pour réaliser ses trucages avec le plus d’exactitude possible, car on ne pouvait, à l’époque, interrompre le déroulement de la pellicule lors de la prise de vue sans que quelques images indésirables soient enregistrées, images qu’il devait couper au montage. Cette pratique du montage au sein d’un même plan, ou pour construire un récit, par tableaux pour les grands films de Méliès comme Le Voyage dans la lune, est une différence supplémentaire et essentielle entre les frères Lumière et Méliès.
26On peut distinguer trois moments dans la réalisation d’un film : l’écriture du scénario, le tournage et la post-production (montage, étalonnage et mixage). Sans que cela soit une règle, il apparaît, pour certaines raisons, que chacune de ces étapes est valorisée plus que les autres selon la conception que l’on a du cinéma. En schématisant quelque peu, on peut considérer que le cinéma classique repose sur la narration, l’art de la dramaturgie, qui emprunte ses règles à la littérature. L’écriture du scénario, accompagnée éventuellement d’un story-board, est la base fondamentale de tout film classique. « Un bon film, c’est d’abord une bonne histoire » pourrait être la devise de ce cinéma, à laquelle un auteur classique, comme Hitchcock, adhère sans problème. Le cinéma réaliste trouve tout son sens au moment du tournage, de la captation par la caméra d’un morceau de réalité, d’où le recours au plan-séquence ou au « montage interdit » de Bazin. Quant aux cinéastes baroques, c’est souvent au moment du montage qu’ils estiment réaliser vraiment leur film, car alors, ils contrôlent tout, sans contrainte extérieure. Les déclarations de Welles vont en ce sens, comme celles de Ruiz, expliquant à propos de L’Eveillé du pont de l’Alma (1984) que c’est à partir des images qu’il a construit son histoire et non l’inverse, le scénario n’étant pratiquement pas écrit au moment du tournage. Le montage permet de raccorder des lieux éloignés pour qu’ils paraissent proches comme Welles l’explique, avec malice, dans Filming Othello (1978), à propos d’une gifle donnée par un comédien dans une ville et reçue par son partenaire dans une autre. Il permet aussi de jouer sur les rapports entre image et son, de plaquer par exemple une voix sur un corps auquel elle n’appartient pas, comme chez Fellini qui faisait dire à ses acteurs des suites de chiffres pour les doubler avec d’autres voix, plus appropriées selon lui à leur aspect physique. Il permet enfin de créer un sens qui n’existe pas, de régler les surimpressions etc. Il offre tout un arsenal de trucages, visibles ou invisibles, qui, pour ces cinéastes, sont comme les jeux de cartes truqués, les chaînes aux maillons détachables ou les boîtes à double fonds des prestidigitateurs.
Le magicien-monteur : F. for Fake d’Orson Welles (1975)
27Avec F for Fake, sous-titré en français Vérités et mensonges, Welles tend aux spectateurs son piège le plus redoutable et le plus édifiant. Dès le début du film, il identifie le réalisateur avec le magicien, et le cinéma avec la prestidigitation. Il se présente lui-même comme un magicien, ce qu’il a effectivement été entre autres activités, un « charlatan ». En costume de scène, il s’amuse de quelques tours de passe-passe avec des enfants, dans une gare où le cinéma est né alors qu’un train arrivait. Un tour de magie constitue le genre de séquence pour laquelle le montage est interdit : tout son effet réside dans le fait qu’une métamorphose se déroule lors d’une action continue, dont on croit voir tous les moments. Présenter un tour en plusieurs plans annule donc cet effet, puisqu’on peut, dès lors, supposer que la métamorphose s’est opérée à l’insu du spectateur, entre les prises. C’est justement l’intention de Welles, qui n’a d’ailleurs pas à prouver ses capacités de prestidigitateur. F for Fake est un film-essai sur le cinéma considéré comme art illusionniste, dont le « truc » réside au montage. C’est pourquoi on retrouve Welles dans une salle de montage, d’où il présente son projet de film sur l’un des plus grands faussaires du siècle, Elmyr. C’est un documentaire, qui commence par un préambule en forme de caméra cachée où l’on surprend les regards intéressés des passants qui croisent la minijupe d’Oja Kodar. La caméra cachée est une forme extrême de cinéma-vérité, qui emporte aisément notre croyance en la véracité de ce qui est montré. Elle propose des images mal cadrées, floues, instables, annonçant le style documentaire que le film adopte tout du long. Comment ne pas y croire, d’autant plus que ces images s’accompagnent d’informations de toutes sortes, témoignages du faussaire et du journaliste qui a publié un ouvrage sur lui, photographies, articles, écoutes téléphoniques, tableaux de peintres célèbres copiés par Elmyr, enquête policière etc. ? Pourtant, le film s’achève sur un aveu de Welles : contrairement à ce qu’il avait annoncé au début, il n’a fait que mentir. Tel est son travail de cinéaste : faire croire par tous les moyens, dont le principal est le montage, à ce mensonge qu’est le film. C’est ainsi qu’il confronte les témoignages, feint d’en faire une discussion en champs contrechamps, alors qu’ils n’ont pas été enregistrés dans le même endroit ni au même moment, selon une technique à laquelle il avait dû recourir, par manque de moyens, lors d’Othello. « L’art est un mensonge qui montre ce qu’est la vérité » conclut-il en citant Picasso.
28Le magicien, le cinéaste et le faussaire ont un point commun qui les rapproche : celui de tromper. La tromperie du faussaire, sujet du faux documentaire, met en perspective celle de l’art en général. En effet, si l’artiste est le maître du faux, celui qui le contrefait est un maître à la puissance deux. Mais surtout, en réussissant son tour de passe-passe qui consiste à faire passer sa copie pour un original, il en arrive à brouiller ces deux notions, de sorte qu’il n’y a plus de modèle et de copie, mais seulement « de bonnes et de mauvaises copies ». Une fois qu’un faussaire se glisse parmi les créateurs, plus rien n’est pareil : les peintres mêmes deviennent faussaires, comme Picasso déclarant qu’il sait aussi peindre des faux Picasso, comme si le faussaire révélait définitivement que l’art est tromperie, et que tous les peintres sont en quelque sorte des faussaires. Deleuze remarque que « le faussaire n’existe que dans une série de faussaires qui en sont les métamorphoses18 », comparant le film de Welles au roman de Melville Le Grand Escroc19.
29Dans F for Fake, Welles se présente comme un faussaire, rappelant comment depuis son émission de radio La Guerre des mondes, il a acquis l’habitude de tromper. Il réalise un faux documentaire sur un faussaire rendu célèbre par un livre intitulé « Fake », écrit par un journaliste qui déclare aussi avoir été en contact avec un milliardaire qui se cache sous de multiples apparences etc. Où se trouve la vérité ? Peut-être dans le consentement de tous, dans le fait qu’un tableau soit accepté dans un musée. Selon Thierry de Duve, l’art ne se définit plus au xxe siècle par le processus créatoriel, mais par son nom : est art ce qui est nommé art et reconnu en tant que tel20. Le nom est l’aboutissement de la réflexion de Welles. Elmyr assure qu’il ne signe jamais ses copies, c’est ce qui le sauve de la prison. On est en droit de reproduire les œuvres d’un peintre, mais non de les signer à sa place. La signature de l’auteur, pendant longtemps, a été l’emblème de l’acte artistique, tant qu’on concevait l’art comme la production d’un créateur. Welles, au milieu du film, raconte une parabole de Kipling, où le serpent devant la première esquisse réalisée par Adam, se demande : « Est-ce de l’art ? ». Peut-être que cela l’aurait été, si Adam l’avait signée. Plus tard, à la fin du film, Welles imagine une intrigue complexe : un faussaire organise l’exposition de vingt deux toiles où Picasso a mis tout son génie. L’exposition est un succès, on se réjouit que l’artiste ait encore une fois révolutionné la peinture. Le peintre pourtant ne reconnaît pas ses toiles, et lorsqu’il rencontre le faussaire, celui-ci lui explique, sur son lit de mort, qu’il les a lui-même réalisées et que son seul désir est que la supercherie ne soit pas dévoilée, de sorte qu’il soit, lui le faussaire, l’inventeur de la dernière période de Picasso. Là réside le désarroi du faussaire, qui, empruntant le nom des autres, n’a lui-même aucun nom, si bien que ses propres créations ne peuvent être acceptées que sous le nom d’un peintre célèbre. Mais là réside aussi notre manque d’assurance à nous qui avons besoin d’un nom pour accepter les formes artistiques alors que s’il devait rester une œuvre créée par l’homme, ce serait peut-être la cathédrale de Chartres, bâtie par des mains anonymes, non pour l’orgueil d’un créateur ou les besoins du marché de l’art, mais dans un sens sacré qui liait les hommes à Dieu. Pourtant, plus personne ne songe à cette cathédrale qui plonge dans la nuit, presque inutile désormais, sauf à nous rappeler ce que nous avons oublié : son caractère sacré. Seul Welles se tient devant elle, aussi monumental, Welles en qui, F for Fake le montre, le goût du trucage et du mensonge témoigne aussi d’une nostalgie devant la vérité perdue.
L’Alchimiste : Inauguration of the Pleasure Dome de Kenneth Anger (1966)21
30Le magicien est un avatar désacralisé d’un autre personnage, plus inquiétant car la magie qu’il pratiquait était noire : l’alchimiste. Selon Edgar Morin, en effet :
« Magiques et fantastiques, ces trucs comme ces spectacles sont de la même famille que la sorcellerie ou l’occultisme. La prestidigitation comme la sorcellerie, réussit apparitions, disparitions et métamorphoses. Mais, le sorcier est cru sorcier alors que le prestidigitateur est su truqueur. Les spectacles de prestidigitation, comme les trucs de Méliès, sont des rejetons décadents et forains où le fantastique a cessé d’être pris à la lettre. Le fantastique constitue toutefois la sève de ces spectacles. Et c’est, quoique esthétisée et dévaluée, la vision magique du monde qui se perpétue à travers eux22. »
31Personnage obscur, retiré dans la solitude de son laboratoire, à la recherche de métamorphoses autant chimiques (la transmutation du plomb en or), que spirituelles (le Grand Œuvre), l’alchimiste apparaît dans quelques films, affublé de pouvoirs qui en font également une figure démiurgique. C’est ainsi qu’il est représenté dans Prospero’s Books, de Greenaway. Un autre cinéaste, qui navigue entre « underground » et cinéma « professionnel », avoue ouvertement son ésotérisme : Jodorowsky, qui dissémine dans tous ses films, qui sont autant de quêtes initiatrices, des symboles alchimiques, comme les cartes du tarot, principalement dans La Montagne Sacrée où il incarne lui-même un alchimiste et El Topo. L’occultisme, ce n’est certainement pas un hasard, a d’ailleurs souvent trouvé refuge dans le « cinéma underground » ; cela convient parfaitement à sa nature obscure, secrète et contestataire. Harry Smith ou Kenneth Anger ont reconnu être fascinés par la magie noire. Les titres des films de ce dernier, comme Scorpio Rising ou Invocation of my Demon Brother, en témoignent. Mais c’est surtout avec Inauguration of the Pleasure Dome, inspiré par les cérémonies organisées, dans les années 1920, par le magicien anglais Aleister Crowley, qu’Anger a mis en image sa passion.
32Ainsi, si les spectacles de prestidigitation, tels que nous les connaissons, viennent, en lointaine lignée, de la magie noire, c’est bien le contraire, pour le cinéma. A l’origine fut Méliès, l’illusionniste, et parmi sa descendance Kenneth Anger, le cinéaste ésotérique. Méliès est le seul cinéaste qu’Anger cite parmi ses héros favoris, en compagnie de Guy l’Eclair, Lautréamont, et bien sûr Aleister Crowley23. Son influence est indéniable dans ce film sur un plan stylistique, notamment. Anger reprend de son maître les fonds noirs et les décors peints, les techniques de surimpressions, fondus enchaînés et les métamorphoses magiques, l’artificialité des maquillages et des postures, en les exagérant. De plus, le film est sans parole, accompagné seulement par l’opéra de Janacek Messe Glagolithique, « dont les parties d’orgue ou de chant renforcent le caractère de cérémonial sacré du film24 ». Ecrit en dialecte slave, le glagolithe, il possède une dimension hérétique qui convient à une messe noire.
33Nous avons vu comment le studio favorisait l’expression d’un monde subjectif. C’est tout à fait le cas dans ce film, qui est empreint d’un hermétisme tenant aussi bien à des références culturelles – l’alchimie, mais aussi les mythologies hindoue, grecque et chinoise – qu’idiosyncrasiques. Les commentaires d’Anger sont, à ce propos, indispensables pour qui voudrait décrypter les symboles qui émaillent le film. Or, dans ce film, tout est symbole. La nature n’a pas lieu d’être, ni en tant que telle (même les raisins sont faux) ni dans sa représentation. Ainsi, le montage n’a rien de transparent : par exemple, lorsque Crowley se penche devant la glace, les changements d’axe font qu’on le voit se pencher deux fois. De plus, il n’y a aucune continuité spatiale, ni linéarité temporelle, sauf dans la chronologie d’ensemble de la cérémonie. Et, alors qu’aucun mot n’est prononcé, les images deviennent langage, signes. Tout se déroule dans un monde clos, artificiel, codé, ce qui est le propre des cérémonies.
34Cette messe noire se déroule en trois temps. On assiste d’abord à l’éveil du maître de cérémonie, que l’on imagine être Aleister Crowley. D’après les explications données par Anger, Crowley joue le rôle de Lord Shiva – le sous-titre de la dernière version était « Le rêve du Dieu Shiva » –. Shiva est le troisième Dieu de la trinité hindouiste, avec Brahmâ, le créateur, et Vishnou, le conservateur. Il est le destructeur, non pas en un sens négatif, mais parce qu’il détruit l’illusion de la multiplicité des formes de l’univers pour opérer un retour à la conscience de l’unité. Il est donc aussi créateur, en fait il permet la métamorphose de la multiplicité en unité, appelée aussi Nirvâna. C’est pourquoi on l’identifie avec le temps (kâla) qui lui aussi construit et détruit sans cesse. Une image de lui en fait un danseur, ou un être en équilibre, représentant la matière multiple qui s’évanouit quand il rompt l’équilibre ou cesse de danser. Il possède parfois un chignon (jatâ), de forme phallique, ce qu’Anger a retenu. Le thème de la métamorphose et de la destruction de la multiplicité pour un retour à l’unité structure le film, au niveau visuel notamment, ce qui explique le recours symbolique à cette divinité et son association avec le magicien.
35La seconde partie commence par une présentation des personnages dans des scènes qui montrent toutes le même geste, celui de l’offrande. D’abord, Lord Shiva aperçoit la femme écarlate, prostituée céleste selon Anger, au maquillage outrancier. Elle apparaît comme la maîtresse des lieux, qui dès lors peut passer pour un bordel. Le rituel est en effet aussi érotique que magique, d’un érotisme trouble, dévoyé. L’homosexualité y a une grande place, en tant, notamment, que réunion des principes masculin et féminin dans la même personne. La prostituée tend une figurine que l’on devine être un satyre par les cornes qu’elle porte au front, qui va ensuite être transformé en flammes (métamorphose magique) avec laquelle la prostituée s’allume un joint. On pense au mythe du phénix qui renaît de ses cendres, mythe fondateur de l’alchimie car la renaissance spirituelle est le but de la quête occulte. Avec l’homosexualité, la drogue est la seconde revendication contestataire majeure d’Anger. Le film aurait eu également pour sous-titre « Sacred Mushroom Edition », ce qui n’étonne pas ceux que son délire visuel fait penser aux expériences de drogues hallucinogènes. Le joint ne fait d’ailleurs qu’anticiper la boisson, les grappes de raisin, et la poudre du champignon sacré, le Yage, que l’on consommait parfois dans l’underground new-yorkais de l’époque25. Avec la drogue, les premières visions apparaissent, comme les premiers personnages, dans un espace abstrait, sur fond noir. On ne peut jamais savoir alors si ce que l’on voit est prétendument réel ou hallucinatoire, du fait de l’absence de repères spatiaux, au niveau scénographique, ou du montage puisque les plans s’enchaînent sans vraiment de raccords, à part quelques regards. « Les baroques savent bien que ce n’est pas l’hallucination qui feint la présence, c’est la présence qui est hallucinatoire » écrit Deleuze, dans Le Pli26. La difficulté augmente encore car certains acteurs jouent plusieurs personnages.
36La troisième partie est l’orgie proprement dite. Elle n’est faite, presque exclusivement, que d’images surimpressionnées deux ou plusieurs fois. Anger a mêlé, à cette occasion, des plans d’une de ses œuvres, Puce Moment (les morceaux d’étoffes) et d’un film d’Harry Lachman, L’Enfer de Dante, qui lui permet d’utiliser des images spectaculaires d’hommes consumés dans les flammes de l’enfer qu’il n’aurait pu tourner lui-même, faute de moyens. Le rythme du montage, comme celui des mouvements des personnages jusqu’alors très lents, et de la musique (l’orgue remplace le chant) s’accélère subitement, comme sous l’effet d’une drogue. En raison des surimpressions et de la brièveté des plans, les images ne sont pas toutes lisibles, au contraire : on assiste à un délire visuel, à dominante rouge, comme l’enfer. Ce délire visuel se présente comme un labyrinthe d’images qui se démultiplient et sans cesse se métamorphosent les unes dans les autres. Une image, parfois deux, sert en général de fond sur lequel une ou plusieurs surimpressions se succèdent, jusqu’à ce que l’une d’entre elles demeure, et devienne un fond pour d’autres séries de surimpressions, pouvant d’ailleurs comprendre un des fonds précédents. Les êtres n’ont plus alors de consistance réelle mais ne sont, littéralement, que des surimpressions qui apparaissent puis disparaissent, vont et viennent, glissent d’un endroit à l’autre du cadre, se dédoublent puis se fondent ensemble, jusqu’au moment où l’unité est restaurée lors du dernier plan, qui n’est exposé qu’une fois. La cérémonie est alors achevée.
Le paon
37Chez les baroques, rien n’est certain de demeurer en vertu d’une quelconque immuabilité de la nature ; au contraire, tout est susceptible d’apparaître et de disparaître à tout instant, par l’effet des trucages et des illusions qu’ils créent. En dissolvant la matière, ou en l’escamotant, en présentant des reflets trompeurs ou des ombres inconsistantes, ils proposent un monde en perpétuelle métamorphose, où l’être n’est jamais que ce qui paraît. Et dans ce monde où tout est réduit à l’apparence, l’homme n’échappe pas à la règle :
« Protée ne pouvait manquer d’accompagner Circée ; elle trouve en lui son complémentaire ; Protée opère sur lui-même ce que Circée opère autour d’elle ; il est sa propre Circée, comme Circée fait du monde un immense Protée. Le magicien de soi-même et la magicienne d’autrui étaient destinés à s’associer pour donner figure à l’un des mythes de l’époque : l’homme multiforme dans un monde en métamorphose27. »
38Comment, en effet, pourrait se comporter l’homme, au sein de ce monde instable, mouvant, autrement qu’en jouant lui-même de son apparence ? N’est-ce-pas d’ailleurs ce qui le caractérise ?
« De toutes les créatures, c’est lui qui possède le jeu de physionomie le plus riche ; et aussi la vie la plus riche en métamorphoses. Tout ce qui passe sur un visage d’homme au cours d’une seule heure est inimaginable28. »
39Avec Circé, le paon est la seconde figure emblématique en laquelle Jean Rousset voit s’incarner l’état d’esprit de l’époque baroque. Le paon symbolise l’ostentation, l’attention portée à l’apparence. Rousset cite en exergue, au chapitre qu’il consacre au déguisement et au trompe-l’œil, plusieurs aphorismes de différents auteurs, révélateurs de cet état d’esprit : « Voici un siècle d’apparence, on y va masqué toute l’année. » (Guarini) ; « Tout le monde est masqué, rien ne paroist à nu. » (Guérin de Bouscal) ; « Je parais en effet ce que je ne suis pas. » (D’Ouville). A l’époque baroque, l’ostentation est, plus qu’une stratégie, un art de vivre. On peut lire, par exemple, chez Graciàn :
« L’homme d’ostentation : ce talent donne du lustre à tous les autres. Chaque chose a son temps, et il faut épier ce temps, car chaque jour n’est pas un jour de triomphe. Il y a des gens d’un caractère particulier, en qui le peu paraît beaucoup, et que le beaucoup fait admirer. Lorsque l’excellence est jointe avec l’étalage, elle passe pour un prodige. Il y a des nations ostentatives, et l’Espagnole l’est au suprême degré. La montre tient lieu de beaucoup, et donne un second être à tout, et particulièrement quand la réalité la cautionne. Le Ciel, qui donne la perfection, y joint aussi l’ostentation, car sans elle, toute perfection serait dans un état violent. A l’ostentation, il faut de l’art29. »
40L’ostentation est comme le trompe-l’œil, elle fausse les dimensions, permettant par exemple au peu de paraître beaucoup et d’être admiré. Ce qui compte, évidemment, c’est le fait de paraître :
« Les choses ne passent point pour ce qu’elles sont, mais pour ce dont elles ont l’apparence. Il n’y a guère de gens qui voient jusqu’au-dedans, presque tout le monde se contente des apparences. Il ne suffit pas d’avoir bonne intention, si l’action a mauvaise apparence30. »
41C’est pourquoi, l’art d’apprêter son apparence est primordial et donne lieu à toute une réflexion sur la manière d’être.
« Ce n’est pas assez que la substance, il y faut aussi la circonstance. Une mauvaise manière gâte tout, elle défigure même la justice et la raison. Au contraire, une belle manière supplée à tout, elle dore le refus, elle adoucit ce qu’il y a d’aigre dans la vérité ; elle ôte les rides à la vieillesse. Le comment fait beaucoup en toutes choses. Une manière dégagée enchante les esprits, et fait tout l’ornement de la vie31. »
42Comme l’écrit Jankélévitch : « Avoir l’air, tout est là ! Graciàn, Castiglione et La Bruyère observent la cour, ce milieu irréel, fantasmatique et inconsistant entre tous, comme on observe les images d’une lanterne magique32. »
Notes de bas de page
1 Cité par Edgar Morin dans Le Cinéma ou l’homme imaginaire, op. cit., p. 62.
2 Ibid., p. 61.
3 Jean Rousset, La Littérature de l’âge baroque en France, op. cit., p. 16.
4 Platon, Le Sophiste, Paris, Garnier Frères, 1969, p. 77.
5 Ibid., p. 78.
6 Ibid., p. 78.
7 Platon, Le Sophiste, op. cit., p. 143.
8 Platon, La République, Paris, Flammarion, 2002, p. 493.
9 Clément Rosset, L’Anti-nature, Paris, P.U.F., 1973, p. 127.
10 Fellini par Fellini, entretien avec Giovanni Grazzini, Paris, Flammarion, Champs contrechamps, 1987, p. 118.
11 Christian Longchamp, Syberberg/Paris/ Nossendorf, Paris, Editions centre Georges Pompidou/Yellow now, 2003, p. 22.
12 Gottfried Wilhelm Leibniz, La Monadologie, Paris, Delagrave, 1880, p. 144.
13 Gilles Deleuze, Le Pli, op. cit., p. 39.
14 Entretien avec Giovanni Grazzini, Fellini par Fellini, op. cit., p. 126.
15 Entretien avec Giovanni Grazzini, Fellini par Fellini, op. cit., p. 98. Proust fait aussi le reproche au cinéma naissant de s’en tenir aux apparences, et de ne pas prendre en compte le filtre de la subjectivité, qui seule garantit une dimension artistique à une œuvre. : « Quelques-uns voulaient que le roman fût une sorte de défilé cinématographique des choses. Cette conception était absurde. Rien ne s’éloigne plus de ce que nous avons perçu en réalité qu’une telle vue cinématographique » (Le temps retrouvé, Paris, Gallimard, Pléiade III, 1954, p. 883). En revanche, tout au long de la Recherche du temps perdu, les projections de lanterne magique sont louées pour ce qu’elles apportent à l’imagination, ce dont s’est souvenu Ruiz, dans son adaptation du Temps retrouvé.
16 Arthur Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, Paris, P.U.F, 1966, p. 826.
17 Jurgis Baltrusaitis, Anamorphoses, Paris, Flammarion, 1996, p. 112.
18 Gilles Deleuze, L’Image-temps, Paris, Editions de minuit, 1985, p. 189.
19 Dans Le Grand Escroc, Melville présente une galerie de portraits, au cours d’un voyage, qui rappelle surtout celle proposée par Sternberg dans Shanghaï Express (1932), où tous les passagers se dissimulent, telle la femme qui cache son chien et porte de faux bijoux, le révolutionnaire qui passe pour un brave homme, le faux infirme trafiquant d’opium, le militaire en uniforme qui est à la retraite, et Madeleine, la femme passionnée qui se fait appeler Lily Shanghai.
20 Thierry de Duve, Au nom de l’art, Paris, Les Editions de Minuit, 1989.
21 Il y a eu quatre versions de ce film qu’Anger a commencé à réaliser en 1954.
22 Edgar Morin, Le Cinéma ou l’homme imaginaire, op. cit., p. 60.
23 Dominique Noguez, Une Renaissance du cinéma, le cinéma « underground » américain, Paris, Klincksieck, 1985, p. 292.
24 Ibid., p. 94-95.
25 William S. Burroughs a, par exemple, rapporté son expérience de cette substance à Allen Ginsberg dans les Lettres du Yage (Paris, Editions des mille et une nuits, 1997).
26 Gilles Deleuze, Le Pli, op. cit., p. 170.
27 Jean Rousset, La Littérature de l’âge baroque en France, op. cit., p. 22.
28 Elias Canetti, Masse et puissance, Paris, Gallimard, 1966, p. 397.
29 Balthasar Gracian, L’Homme de cour, Paris, Editions Mille et une nuits, 1997, p. 176.
30 Balthasar Gracian, L’Homme de cour, op. cit., p. 65.
31 Ibid., p. 14.
32 Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, Paris, Editions du Seuil, 1980, pp. 18-19.
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