1 « Non seulement donc Épictète et Montaigne peuvent représenter dans son passé le travail de l’esprit humain, mais ils pourraient même, selon Pascal, le représenter dans son avenir ; il semble que toutes les voies possibles dans lesquelles puisse s’engager la pensée métaphysique, convergent nécessairement vers ces deux systèmes. Or, s’il est vrai que ces systèmes se brisent et s’anéantissent l’un l’autre, l’espoir même de la pensée humaine est avec eux anéanti : elle est forcée de s’arrêter ; et s’arrêter, pour la pensée, n’est-ce pas cesser d’être ? », Stoïcisme et christianisme, in Éducation et hérédité, pages 296-297.
2 Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, AK, IV, 7, (A VIII), GF, page 63, trad. Alain Renaut : « Le champ de bataille où se développent ces conflits sans fin s’appelle alors Métaphysique ».
3 « L’Entretien avec de Saci peut être considéré comme un des plus grands efforts qu’on ait jamais tentés pour résumer dans son développement et en même temps pour arrêter l’histoire de la pensée humaine. » Stoïcisme et christianisme, in Éducation et hérédité, page 296.
4 « La morale intuitive, au contraire, est la morale idéaliste, qui admet en elle des éléments supérieurs à toute loi purement physique et à tout fait sensible. », La morale anglaise contemporaine, page 201.
5 Il n’est plus question, par exemple, de l’analycité du bonheur et de la vertu ; quant au destin de l’homme, il est désormais en rupture avec l’ordre cosmologique : le projet d’une vie conforme à la nature est récusé.
6 Pour un lecteur de Platon et d’Aristote, ces questions n’ont rien de nouveau ; peut-être sont-elles aussi anciennes que la philosophie elle-même, et la caractérisent même, en ce qu’elles sont essentielles et problématiques. Mais, à argumentation nouvelle, exploration et traitement inédits d’un problème pourtant classique.
7 Ce point sera critiqué par Nietzsche, comme faisant partie des préjugés de philosophe, en tant que la morale n’a pas été comprise comme problème. On peut donc affirmer, qu’en ce sens, l’investigation nietzschéenne est plus radicale que celle de Guyau – mais ce serait là adopter de manière trop exclusive la perspective nietzschéenne. La question de la confrontation Guyau-Nietzsche est plus complexe.
8 Mais c’est là une notion bien relative pour un auteur qui composa tous ses textes de 18 à 33 ans.
9 Stoïcisme et christianisme, in Éducation et hérédité, page 246.
10 La morale d’Épicure, page 99.
11 Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, page 215.
12 Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, page 94.
13 Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, page 95.
14 La puissance de la vie, Philippe Saltel, page 246.
15 Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, page 49.
16 Guyau cite Kant à cette occasion : « “Il est absolument impossible de comprendre à priori comment une pure idée, qui ne contient elle-même rien de sensible, produit un sentiment de plaisir ou de peine ; […] il nous est absolument impossible, à nous autres hommes, d’expliquer pourquoi et comment l’universalité d’une maxime comme telle, par conséquent la moralité, nous intéresse.” Il y aurait donc bien là mystère ; la projection de la moralité dans le domaine de la sensibilité sous forme de sentiment moral serait sans pourquoi possible, et Kant affirme cependant qu’elle est évidente à priori. », Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, pages 52-53.
17 Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, page 194.
18 La morale d’Épicure, page 99.
19 La morale d’Épicure, page 101.
20 [22] [p. 85] in Esquisse, 2012, page 250.
21 Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, page 56.
22 Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, page 147.
23 Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, Préface, page 9.
24 Alfred Fouillée, La psychologie des idées-forces, Introduction, X.
25 Alfred Fouillée, La psychologie des idées-forces, Introduction, VI.
26 Voir par exemple le livre II de La liberté et le déterminisme d’Alfred Fouillée, où l’idée-force de liberté est pensée comme le complément nécessaire à la fois du naturalisme (livre II, chapitre 1, IV) et de l’idéalisme (livre II, chapitre 1, V).
27 La liberté et le déterminisme, page 221.
28 La morale anglaise contemporaine, pages 379-380.
29 La morale anglaise contemporaine, page 379.
30 Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, note du bas de la page 71. C’est Guyau qui cite Fouillée.
31 On pourrait reprocher à Guyau de proposer une interprétation parfois anachronique de l’épicurisme, et qui en forcerait un peu la compréhension – en lui injectant, notamment, des problématiques modernes qui lui seraient originairement étrangères. Tel est le cas de l’amitié chez Épicure, par exemple, que Guyau analyse comme si son auteur était un contemporain (sur ce point voir J.-F. Balaudé, Le vocabulaire d’Épicure, in Le vocabulaire des philosophes, Tome I, page 176). Sans doute, Guyau interprète les philosophies antiques par le prisme des philosophies modernes ; et il n’hésite pas à comprendre Épicure comme un précurseur des doctrines utilitaristes, ce qui, en l’état, est contestable. Victor Brochard, par exemple, s’il estime que Guyau est le seul à avoir compris la doctrine épicurienne du plaisir (Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne, page 252), contestera en revanche l’idée qu’Épicure serait le précurseur des moralistes anglais contemporains (page 287). C’est dire que la tradition utilitaire qu’il entend exposer constitue une reconstruction à tout le moins audacieuse de l’histoire de la philosophie. Mais il nous semble que cette audace a du sens : celui d’un philosophe qui nourrit les philosophes du passé de son sang, qui cherche à vivre les doctrines, et non seulement à les penser. L’historien, sans doute, y perd ; mais le philosophe ne peut-il pas y gagner ? N’y a-t-il pas des illusions voire des erreurs plus fécondes que des vérités par trop stériles ?
32 La morale d’Épicure, page 17.
33 « Une meilleure critique des doctrines pessimistes peut se tirer du fond même du système épicurien : selon Épicure, la vie, toutes les fois qu’elle ne rencontre pas au dehors d’obstacles et de trouble, est, par elle-même, jouissance : le plaisir est ainsi conçu comme formant le fond même et la trame de l’existence. […] La vie est une source profonde d’où jaillit perpétuellement le plaisir : vivre, c’est au fond être heureux, et ces deux choses n’en font plus qu’une pour l’épicurien », La morale d’Épicure, page 118.
34 La morale d’Épicure, page 42.
35 La morale d’Épicure, page 59.
36 La morale d’Épicure, page 101.
37 « Au point de vue logique, [l]a doctrine [d’Épicure] nous paraît parfaitement justifiable ; elle est plus conséquente que celle de beaucoup de nos modernes. Est-elle pour cela la vérité ? l’indéterminisme représente-t-il plus exactement pour nous le fond des choses que le déterminisme ? c’est une tout autre question. Nous ne voulons pas tenter ici de résoudre le problème, nous avons voulu seulement l’élargir. », La morale d’Épicure, page 100.
38 La morale d’Épicure, page 125.
39 L’irréligion de l’avenir, page 462.
40 « Que chacun, en tant qu’“âme immortelle”, soit à égalité avec chacun, que, dans l’ensemble de tous les êtres, le “salut” de chaque individu puisse prétendre à une importance pour l’éternité, que de petits cagots et des détraqués aux trois quarts puissent s’imaginer que les lois de la nature soient constamment violées pour leurs beaux yeux, – on ne saurait stigmatiser avec assez de mépris un tel excès des égoïsmes de tout acabit poussés jusqu’à l’infini, jusqu’à l’impudence. Et pourtant, c’est à cette pitoyable flagornerie de la vanité personnelle que le christianisme doit sa victoire, – c’est avec cela qu’il a gagné à sa cause justement tout ce qui est raté, tout ce qui est porté à la sédition, tout ce qui est déshérité, toute la lie et le rebut de l’humanité. Le “salut de l’âme” – traduction allemande : “le monde tourne autour de moi”… Le poison de la doctrine : “égalité de droits pour tous” – c’est le christianisme qui l’a semé au premier chef par principe ; le christianisme a livré une guerre à outrance, issue des recoins les plus secrets des mauvais instincts, à tout sentiment de respect et de distance d’homme à homme, c’est-à-dire à la condition de l’élévation et de la croissance de la culture – il s’est servi du ressentiment des masses pour forger son arme principale contre nous, contre tout ce qui est noble, gai, généreux… L’“immortalité” accordée à Pierre et à Paul a été jusqu’à ici le plus grand, le plus astucieux attentat contre la noblesse de l’humain. », Nietzsche, L’Antéchrist, §43, page 96.
41 La morale d’Épicure, page 138
42 La morale d’Épicure, page 133
43 « Tout homme si humble qu’il soit, se propose dans la vie un but ; et ce but est lui-même plus ou moins humble, mais il est suffisant pour susciter en lui une énergie courageuse qui le porte au-dessus des obstacles de l’existence. […] Chaque vie humaine s’attache d’ordinaire à une œuvre, qu’elle cherche à accomplir, à parfaire, et c’est pour cette œuvre qu’elle redoute surtout la mort. […] Les gens qui travaillent pour une idée sont plus fréquents qu’on ne pense ; on en trouve partout, dans toutes les classes ; ce qui est rare, c’est que l’idée soit juste. Néanmoins cette idée, quelle qu’elle soit, explique toute l’existence de celui qui l’a conçue. », La morale d’Épicure, pages 123-124.
44 Guyau, en une centaine de pages, analyse les thèses de Gassendi, Hobbes, La Rochefoucauld, Spinoza et Helvétius, dans leurs rapports avec les idées maîtresses d’Epicure. Ces lectures, nécessairement synthétiques, témoignent d’une lecture de première main.
45 La morale anglaise contemporaine, page 373.
46 « M. Bain fait plus [que Mill] : la conscience, étant une série d’instincts ou d’habitudes héréditaires, rentre dans les lois qui président à la formation des instincts ; cette lutte qui s’engage entre les êtres au sujet des conditions physiques de la vie a dû aussi s’engager entre les hommes au sujet des conditions morales de la vie ; il s’est fait, ici comme partout, une sorte de triage ; les plus forts, c’est-à-dire les plus moraux, ont seuls vaincu et ont seuls survécu. Là est le secret du perfectionnement moral de l’humanité. », La morale anglaise contemporaine, page 152.
47 La morale anglaise contemporaine, page 208.
48 La morale anglaise contemporaine, page 211.
49 « Le critérium de la quantité est peut-être, en dernière analyse, le seul dont puissent user les partisans du système égoïste : pour faire du bonheur personnel une fin, il faut en faire un compte, une somme. L’utilitarisme arithmétique apparaît ainsi, dans l’histoire de la morale égoïste, comme le seul qui se montre logique et conséquent d’un bout à l’autre. », La morale anglaise contemporaine, page 215.
50 « Le critérium de la quantité n’est autre chose qu’un postulat. Il suppose en effet deux propositions qui ne sont ni évidentes ni démontrées, l’une relative à la nature du plaisir, l’autre à sa valeur finale : 1° La quantité régit tous les éléments du plaisir. 2° La quantité fait toute la valeur du plaisir. »
51 « Le système de Bentham est une utopie pythagoricienne ; les nombres que Bentham croit ici des expressions exactes, sont des métaphores. Sans doute il y a de la quantité partout, mais la quantité n’est pas tout ; avec des cadres de toutes les dimensions, on ne fait pas un tableau », La morale anglaise contemporaine, page 225.
52 La morale anglaise contemporaine, pages 251-252.
53 La morale anglaise contemporaine, page 254.
54 La morale anglaise contemporaine, page 257.
55 « Imposer à la conscience de l’individu les théories générales d’un corps de savants, représenter le problème moral comme un problème de mécanique, puis refuser toute solution de ce problème différente de celle qu’on a donnée soi-même, n’est-ce pas restreindre la sphère de l’individualité ? », La morale anglaise contemporaine, pages 273-274.
56 « Les moralistes de l’Angleterre ne le remarquent pas assez, la dépendance des intérêts ne prouve nullement leur identité », La morale anglaise contemporaine, page 279.
57 « Ils sont associés sans doute ; mais, tant qu’un lien plus fort que l’intérêt ne les a pas unis, ils restent toujours rivaux. […] Il y a sans doute une harmonie entre votre intérêt et le mien, entre votre richesse et la mienne ; mais cette harmonie est bien plus évidente, à mon point de vue du moins, lorsque je possède votre richesse. », La morale anglaise contemporaine, page 280.
58 La morale anglaise contemporaine, page 282.
59 « Ceux qui sont les instruments de cette contrainte, comme ceux qui en sont les objets, se déroberont sans cesse à la main qui voudra s’en servir et se retourneront contre elle. En d’autres termes, toute force physique est nécessairement impuissante, tyrannique, à double fin et à double effet. », La morale anglaise contemporaine, page 285.
60 La morale anglaise contemporaine, page 286.
61 « Il est des cas, fort nombreux, où la sanction sympathique ferait totalement défaut, où même elle tournerait au profit du coupable : c’est lorsque le délit commis reste ignoré », La morale anglaise contemporaine, page 288.
62 La morale anglaise contemporaine, page 291.
On remarquera que Guyau révisera sa position dans l’Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, où il montrera que la solidarité est présente dès le niveau élémentaire de la sensibilité. La sphère sensible présentée et critiquée ici est donc celle de l’égoïsme étroit des utilitaires, non de la sensibilité généreuse telle que Guyau la révélera plus tard dans son œuvre.
63 La morale anglaise contemporaine, page 295.
64 « Que l’association des idées soit toute subjective, qu’elle ne corresponde pas absolument à la réalité, il y a du moins, d’après Stuart Mill, une chose très réelle : c’est le plaisir et surtout la douleur qui s’y attache », La morale anglaise contemporaine, page 298.
65 « Le remords, dites-vous, est une douleur résultant, en somme, d’une illusion. », La morale anglaise contemporaine, page 298.
66 La morale anglaise contemporaine, page 298.
67 « Ce système, par une singulière conséquence de ses principes, m’oblige en quelque sorte à l’immoralité. […] Stuart Mill, après s’être efforcé de parvenir jusqu’à l’“altruisme” en s’appuyant sur le mécanisme de l’association, retombe donc soudain, une fois ce point d’appui enlevé, jusqu’à l’égoïsme le plus absolu. », La morale anglaise contemporaine, pages 302-303.
68 La morale anglaise contemporaine, page 303.
69 La morale anglaise contemporaine, page 309.
70 La morale anglaise contemporaine, page 311.
71 « Il n’y a pas de si grande inégalité qui blesse les regards lorsque toutes les conditions sont inégales tandis que la plus petite dissemblance paraît choquante au sein de l’uniformité générale la vue en devient plus insupportable à mesure que l’uniformité est plus complète. Il est donc naturel que l’amour de l’égalité croisse sans cesse avec l’égalité elle-même en le satisfaisant, on le développe. », Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Tome II, quatrième partie, chapitre 3.
72 « [Aux yeux des utilitaires] l’éducation, au lieu d’avoir son but dans l’être même, a son but en dehors de lui ; il s’agit pour eux de faire servir l’être à l’utilité générale et, selon l’expression d’Owen, de l’employer. », La morale anglaise contemporaine, page 317.
73 La morale anglaise contemporaine, page 318.
74 La morale anglaise contemporaine, page 319.
75 La morale anglaise contemporaine, page 334.
76 « [Les] coupables intelligents, qui savent ce qu’ils font, qui ont reçu une certaine instruction, qui sont capables de réflexion […] ne sont autre chose que des sceptiques qui pratiquent. La moralité est pour eux une chimère, le bien et le mal un préjugé ; chacun suit son intérêt, et eux ils le cherchent où ils le trouvent ; tous les hommes sont égoïstes, autrement qu’eux, mais non moins qu’eux : ainsi pourrait-on formuler la pensée générale qui se dégage de leurs actes et de leurs paroles, et cette pensée, en dernière analyse, constitue le fond primitif et essentiel de toute doctrine exclusivement utilitaire. », La morale anglaise contemporaine, page 342.
77 La morale anglaise contemporaine, page 329.
78 « [L’hérédité] se manifeste rarement par des tendances très déterminées. Un fiévreux a l’instinct de boire, instinct bien net et déterminé, tandis qu’un homme plein de santé n’a pas l’instinct de dépenser sa force en soulevant tel ou tel fardeau plutôt qu’un autre. », La morale anglaise contemporaine, page 329.
79 La morale anglaise contemporaine, page 331.
80 La morale anglaise contemporaine, page 343.