1 Günter Grass, En crabe, traduit de l’allemand par Claude Porcell, Paris, Éditions du Seuil, 2002, p. 9.
2 Les événements regroupés ici sous le syntagme « fuite et expulsion » sont pluriels, dans le temps entre 1944 et 1950 et dans l’espace. Néanmoins, l’ensemble de ces mouvements de population forcés fonde un discours mémoriel, un lieu de mémoire allemand propre. De fait, et sans vouloir nier les connotations politiques fortes de ces termes, il sera question d’« expulsés » (Vertriebene) pour désigner le groupe de migrants concernés et de « fuite et expulsion » (Flucht und Vertreibung) pour désigner l’objet mémoriel étudié parce que ce sont les termes les plus fréquemment utilisés.
3 Thèse intitulée « Discours mémoriel de la fuite et expulsion dans la sphère privée et publique. Enjeux mémoriaux, identitaires et politiques », soutenue le 1.2.2012. Pour ce travail, une microétude qualitative a été menée auprès de familles d’expulsés, et quatre organes de presse nationale (SZ, FAZ, Zeit et Spiegel) ont fait l’objet d’une étude discursive systématique entre 1989 et 2005-06. D’autres sources (autres organes de presse, archives politiques, interviews d’expert) ont également été utilisées ponctuellement.
4 Pierre Nora, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1984-86.
5 Étienne François, Hagen Schulze (dir.), Deutsche Erinnerungsorte, München, C.H.Beck, 2001.
6 Hans-Henning Hahn, Robert Traba (dir.), Deutsch-polnische Erinnerungsorte, Paderborn, Ferdinand Schöningh Verlag, 2011 (vol. 3), 2014 (vol. 1).
7 Voir notamment Pim den Boer, Heinz Durchhardt, Georg Kreis, Wolfgang Schmale (dir.), Europäische Erinnerungsorte, München, Oldenbourg, 2011 (vol. 1, 2), 2012 (vol. 3) ; Étienne François, Thomas Serrier, « Lieux de mémoire européens », La documentation française, dossier n° 8087, Paris, 2012.
8 On pense notamment aux discussions ayant duré dix ans avant l’érection du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe. Cf. Claus Leggewie, Erik Meyer, Ein Ort, an den man gerne geht. Das Holocaust-Mahnmal und die deutsche Geschichtspolitik nach 1989, München, Hanser, 2005.
9 Voir Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969 et du même auteur : L’ordre du discours, Paris, Gallimard, 1971. Sur l’opérationnalisation du concept foucaldien de discours dans le cadre d’une analyse historique, voir Hannelore Bublitz, Andrea Bührmann et al. (dir.), Das Wuchern der Diskurse: Perspektiven der Diskursanalyse Foucaults, Frankfurt/Main, Campus, 1999 ; Reiner Keller, Andreas Hirseland et al. (dir.), Handbuch sozialwissenschaftliche Diskursanalyse, Opladen, Leske+Budrich, 2001 (vol. 1 : Theorien und Methoden), 2003 (vol. 2 : Forschungspraxis) et Franz X. Eder (dir.), Historische Diskursanalysen. Genealogie, Theorie, Anwendungen, Wiesbaden, Verlag für Sozialwissenschaften, 2006.
10 Cf. M. Foucault, L’archéologie du savoir, op. cit., p. 182.
11 Cf. Eva et Hans Henning Hahn, « Flucht und Vertreibung », dans Étienne François, Hagen Schulze (dir.), Deutsche Erinnerungsorte. Eine Auswahl, München, C.H.Beck, 2005, p. 332-51, ici p. 332.
12 Jan Assmann, « Kollektives Gedächtnis und kulturelle Identität », dans Jan Assmann, Tonio Hölscher (dir.), Kultur und Gedächtnis, Frankfurt/Main, Suhrkamp, 1988, p. 9-19.
13 Ces résultats se fondent sur une microétude qualitative menée entre 2005 et 2008 auprès de six familles, originaires de régions à l’Est de la ligne Oder-Neiße, majoritairement de Silésie, et installées pour moitié à Berlin Est et pour moitié Berlin Ouest après la fuite et expulsion. De fait, cette étude ne prétend pas satisfaire au critère de représentativité et la situation est différente dans les familles où les enfants d’expulsés ont aussi choisi de s’engager au sein du BdV, mais ces familles sont numériquement largement minoritaires.
14 Si la presse parle de « bataille », de « conflits », de « querelle » mémoriels, le terme de « guerre de mémoire », emprunté à Pascal Blanchard et Isabelle Veyrat-Masson, permet de pointer l’intensité des débats mémoriels, et la violence symbolique des échanges ponctués de menaces et d’ultimatums. Faire référence à cet objet d’étude délimité par Blanchard et Veyrat-Masson comme étant situé « au carrefour de l’histoire et des processus de médiatisation » permet en outre de souligner la pluridimensionalité de tels conflits mémoriaux, qui soulèvent des enjeux politiques, historiques et médiatiques, au sens large du terme. Voir Pascal Blanchard, Isabelle Veyrat-Masson (dir.), Les Guerres de mémoires. La France et son histoire. Enjeux politiques, controverses historiques, stratégies médiatiques, Paris, La Découverte, 2008, p. 15.
15 La loi actant la fondation de cette fondation, datée du 21 décembre 2008, est rendue publique le 29 décembre 2008. Cf. « Gesetz zur Errichtung einer Stiftung “Deutsches Historisches Museum”, 2. Abschnitt : Unselbständige Stiftung “Stiftung Flucht, Vertreibung, Integration” », BGBl. I Nr. 64, p. 2891.
16 C’est avant tout la politisation du discours de la fuite et expulsion qui apparaît, avant 1989, comme structurante dans les deux Allemagnes. Ce poids du politique se traduisit, avant 1989, par une claire opposition des discours publics est- et ouest-allemands sur la fuite et expulsion, en tant qu’événement, et sur les territoires perdus. Voir notamment Manfred Kittel, Vertreibung der Vertriebenen? Der historische deutsche Osten in der Erinnerungskultur der Bundesrepublik (1961-1982), München, Oldenbourg, 2007 et Christian Lotz, Die Deutung des Verlusts. Erinnerungspolitische Kontroversen im geteilten Deutschland um Flucht, Vertreibung und die Ostgebiete (1948-1972), Köln, Böhlau, 2007.
17 Les expulsés encore affiliés politiquement au PDS après l’unification font souvent partie de ces expulsés qui saisirent les opportunités de carrière offertes par le SED aux Umsiedler (personnes déplacées) pour mieux les intégrer. De fait, certains défendent aujourd’hui encore une vision de la fuite et expulsion dans la lignée du discours du SED, mais cette spécificité est-allemande reste le fait d’un groupe minoritaire.
18 Martin Sabrow, « Erinnerungskultur und Geschichtswissenschaft in der DDR », dans Christoph Cornelißen, Roman Holec, Jiři Pesek (dir.), Diktatur – Krieg – Vertreibung. Erinnerungskulturen in Tschechien, der Slowakei und Deutschland seit 1945, Essen, Klartext, 2005, p. 83-100.
19 Bernhard Fisch, „Wir brauchen einen langen Atem“. Die deutschen Vertriebenen 1990-1999. Eine Innenansicht, Leipzig, Verlag Neue Literatur, 2001.
20 Annette Leo, « Die DDR-Erinnerungskultur und die Frage, was von ihr nach 1989/90 geblieben ist », dans Bernd Faulenbach, Franz-Joseph Jelich (dir.), „Transformationen“ der Erinnerungskulturen in Europa nach 1989, Essen, Klartext, 2006, p. 399-409.
21 La lettre de 1965 des évêques polonais aux évêques allemands est ainsi très souvent citée. Dans cette lettre, les hommes d’Église accordaient leur pardon et demandaient, dans le même temps, pardon pour les exactions polonaises lors de l’expulsion (« Nous pardonnons et vous prions de bien vouloir nous pardonner », « Wir vergeben und bitten um Vergebung »).
22 Cf. Berthold Kohler, « Versöhnung verlangt Weitsicht », FAZ, 22.10.1993.
23 « Die Flucht. Spiegel-Serie über die Vertreibung der Deutschen aus dem Osten », Der Spiegel, 13-16/2002. Pour le film d’ARD, voir K. Erik Franzen, Hans Lemberg, Die Vertriebenen: Hitlers letzte Opfer, München, Ullstein, 2002. Pour le film diffusé sur ZDF, voir Guido Knopp, Die große Flucht. Das Schicksal der Vertriebenen, München, Ullstein, 2003 (1re publication 2001).
24 Il est ainsi repris dans le titre allemand d’un ouvrage paru en Pologne et en Allemagne en 2000 et consacré à cette mémoire partagée : Hans-Jürgen Bömelburg, Renate Stößinger, Robert Traba (dir.), Vertreibung aus dem Osten: Deutsche und Polen erinnern sich, Olsztyn, Borussia, 2000.
25 Cf. Adam Krzeminski, Adam Michnik, « Wo Geschichte europäisch wird. Das “Zentrum gegen Vertreibungen” gehört nach Breslau », Die Zeit, 26/2002.
26 Agnieszka Łada, Debata publiczna na temat powstania Centrum przeciw Wypędzeniom w prasie polskiej i niemieckiej, Wrocław, Oficyna Wydawnicza Atut – Wrocławskie Towarzystwo Oświatowe, 2006.
27 Władysław Bartoszewski, « Wider das selektive Erinnern », FAZ, 06.08.2003, p. 9.
28 Michael Ludwig, « Kwaśniewski verteidigt Debatte über Vertreibung und lehnt Zentrum ab. Polens Staatspräsident für europäisches Gedenkkonzept », FAZ, 16.09.2003.
29 Thomas Schmid, « Das dünne Eis der Gemeinsamkeiten. Der Streit um das ZgV zeigt, dass die Fronten des Kalten Krieges in Ost wie West noch nicht überwunden sind », FAZ, 12.10.2003, p. 15.
30 Cf. Drucksache 14/9033.
31 Voir Stefan Troebst, Vertreibungsdiskurs und europäische Erinnerungskultur: deutsch-polnische Initiativen zur Institutionalisierung. Eine Dokumentation, Osnabrück, Fibre, 2006.
32 Conférence de Christophe Cornelißen à l’Institut Historique Allemand à Paris, le 15.05.2014.
33 Claus Leggewie, Der Kampf um die europäische Erinnerung. Ein Schlachtfeld wird besichtigt, München, C.H.Beck, 2011.