1 Une version plus longue de cette contribution, en langue allemande, vient de paraître dans le recueil de Carme Bescansa, Inge Nagelschmidt (dir.), Heimat als Chance und Herausforderung. Repräsentationen der verlorenen Heimat, Berlin, Frank & Timme, 2014. Je remercie les éditrices ainsi que la maison d’édition d’avoir donné leur accord pour la publication de cet article en français.
2 Cette récupération nationaliste de la notion de Heimat par les associations d’expulsés dans l’après-guerre a été critiquée par Siegfried Lenz dans son roman Heimatmuseum publié en 1978.
3 Selon la définition ou la paraphrase de la notion Heimat par Gunther Gebhard, Oliver Geisler, Steffen Schröter (dir.), Das Prinzip „Osten“. Geschichte und Gegenwart eines symbolischen Raums, Bielefeld, transcript, 2010, p. 10.
4 Les études suivantes sur le thème de la Heimat portent un regard critique sur les dimensions conservatrices et parfois régressives de cette notion, sans toutefois réduire celle-ci à une rhétorique anti-moderne : Elizabeth Boa, Rachel Palfreyman, Heimat. A German Dream: Regional Loyalities and National Identity in German Culture 1890-1990, Oxford, Oxford University Press, 2000 ; Peter Blickle, Heimat: A Critical Theory of the German Idea of Homeland, Rochester, Camden House, 2002 ; Johannes von Moltke, No Place Like Home: Locations of Heimat in German Cinema, Berkeley, University of California Press, 2005.
5 Henri Lefebvre, La production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974.
6 Dagmar Bachmann-Medick, Cultural Turns. Neurorientierungen in den Kulturwissenschaften, Reinbek, Rowohlt, 2006, p. 284-348. Dans les paragraphes suivants, les indications de pages renvoient à cet ouvrage.
7 Les réflexions qui suivent proviennent de F. Eigler, « “Die Heimat der anderen”: Grenzräume in der deutsch-polnischen Gegenwartsliteratur », dans Carsten Gansel, Pawel Zimniak (dir.), Störungen im Raum – Raum der Störungen, Heidelberg, Winter, 2012, p. 351-370, ici p. 352-354.
8 Wolfgang Hallet, Birgit Neumann, « Raum und Bewegung in der Literatur: zur Einführung », dans Id. (dir.), Raum und Bewegung in der Literatur. Die Literaturwissenschaften und der Spatial Turn, Bielefeld, transcript, 2009, p. 11-32,
9 Ibid., p. 15.
10 Ibid., p. 21.
11 Voir notamment le recueil de W. Hallet et B. Neumann, ainsi que Hartmut Böhme (dir.), Topographien der Literatur. Deutsche Literatur im transnationalen Kontext, Stuttgart/Weimar, Metzler, 2005.
12 À titre d’exemple, voir l’étude de Katrin Dennerlein, Narratologie des Raumes, Berlin/New York, de Gruyter, 2009. Avec la conception statique de l’espace sur laquelle se base cette étude, il est impossible d’appréhender le potentiel performatif des textes littéraires.
13 Voir à ce sujet les contributions d’Ansgar Nünning (« Formen und Funktionen literarischer Raumdarstellung. Grundlagen, Ansätze, narratologische Kategorien und neue Perspektiven », p. 33-52) et de Michael C. Frank (« Die Literaturwissenschaften und der Spatial Turn. Ansätze bei Jurij Lotman und Michail Bachtin », p. 53-80) dans W. Hallet, B. Neumann (dir.), op. cit. – Lotman a développé cette conception statique de l’espace dans ses premiers travaux narratologiques (La structure du texte artistique, 1973). Dans ses études plus tardives sur la « sémiosphère », il se détache d’une conception structuraliste de l’espace. Cf. J. M. Lotman, Universe of the Mind: A Semiotic Theory of Culture, traduit du russe par Ann Shukman, Bloomington, Indiana University Press, 1990.
14 Björn Schaal, Jenseits von Oder und Lethe: Flucht, Vertreibung und Heimatverlust in Erzähltexten nach 1945 (Günter Grass, Siegfried Lenz, Christa Wolf), Trier, Wissenschaftlicher Verlag Trier, 2006, p. 37. Par la suite, les indications de pages dans le texte renvoient à cet ouvrage.
15 Voir aussi les contributions dans Christian Moraru (dir.), Postcommunism, Postmodernism, and the Global Imagination, New York, Columbia University Press, 2009.
16 Magdalena Marszałek, Sylvia Sasse, « Geopoetiken », dans Id. (dir.), Geopoetiken. Geographische Entwürfe in den mittel- und osteuropäischen Literaturen, Berlin, Kadmos, 2010, p. 7-18, ici p. 7.
17 Susi Frank, « Geokulturologie – Geopoetik. Definitions- und Abgrenzungsvorschläge », dans M. Marszałek, S. Sasse (dir.), op. cit, p. 19-42, ici p. 19. S. Frank fait remarquer que le terme « géopoétique » a été forgé par Kenneth White à la fin des années 1980 et qu’il a été repris dans les années 1990 par un groupe d’auteurs moscovites. Dans son article, elle plaide toutefois pour une utilisation plus large de ce terme en renvoyant à la pertinence de certains aspects de la théorie de l’espace. Ibid., p. 20.
18 Ibid., p. 28.
19 En référence à l’Odyssée, à Tasso, Verne et Conrad, Westphal montre dans quelle mesure la littérature anticipe ou modélise de façon décisive des représentations géographiques. Bertrand Westphal, La Géocritique. Réel, Fiction, Espace, Paris, Éditions de Minuit, 2007, p. 132-140.
20 Horst Bienek, Beschreibung einer Provinz. Aufzeichnungen, München, Hanser, 1986, p. 9.
21 Michel de Certeau, « Pratiques d’espace », dans Id., L’invention du quotidien. 1. arts de faire, Paris, Gallimard/folio, 1990, p. 137-191, ici p. 179. Pour de Certeau, les récits se distinguent par leur capacité à traverser et à organiser des espaces, et, en ce sens, à produire des espaces par la langue. Au lieu de contrôler les espaces, les histoires nous permettent de parcourir ou d’habiter des espaces imaginaires. Ibid., p. 170-191, notamment p. 176, 181 sq.
22 La tétralogie est parue en français sous la titre La tétralogie de Gleiwitz chez Actes Sud, dans la traduction de Bernard Kreiss. Tome 1 : Première polka (1989), tome 2 : Lumière de septembre (1990), tome 3 : Les cloches muettes (1990), tome 4 : La terre et le feu (1991). N.d.T.
23 La tétralogie se termine par le monologue d’un adolescent de quinze ans, Kotik Ossadnik, resté à Gleiwitz avec sa mère à la fin de la guerre, mais qui souhaite maintenant quitter la région volontairement, et l’explique par son indignation face à la passivité et la religiosité particulière des habitants de Haute-Silésie. Cf. Horst Bienek, Gleiwitz. Eine oberschlesische Chronik in vier Romanen, München, Hanser, 2000, p. 1451 sq.
24 Ainsi, la tétralogie présente de nombreuses références à Eichendorff, à ses poèmes ainsi qu’à des extraits de sa nouvelle Aus dem Leben eines Taugenichts (Scènes de la vie d’un propre à rien). Hauptmann joue un rôle central dans le quatrième roman où il devient un personnage allégorique représentant les idées passéistes de l’Allemagne et de la culture allemande.
25 La représentation de cette région par Bienek correspond à un « régionalisme ouvert », terme utilisé par l’historien polonais Robert Traba en référence à la redécouverte des régions frontalières multiethniques après la fin de la guerre froide. Cf. R. Traba, « Das “deutsche Kulturerbe” und die Frage nach dem historischen Regionalbewusstsein. Das Beispiel der Kulturgemeinschaft “Borussia” », dans Hans Jürgen Karp (dir.), Deutsche Geschichte und Kultur im heutigen Polen. Fragen der Gegenstandsbestimmung und Methodologie, Marburg, Verlag Herder-Institut, 1997, p. 67-72, ici p. 68.
26 Cela ne vaut pas seulement pour Bienek, mais pour presque tous les auteurs de renom de la génération des témoins. Cela n’exclut toutefois pas le recours à cette notion en tant qu’élément d’analyse, car les romans sont tous marqués par le champ sémantique qui y est associé : enfance, langue, paysage, particularités régionales.
27 Voir par exemple les romans Der Verlorene (Le disparu) de Hans-Ulrich Treichel (1998), Die Unvollendeten (Les inachevés) de Reinhard Jirgl (2003) et Landnahme (Prise de territoire) de Christoph Hein (2004).
28 Jörg Bernig, Niemandsland. Roman, München, Deutsche Verlags-Anstalt, 2002, p. 254.
29 Olaf Müller, Schlesisches Wetter. Roman, Berlin, Berlin Verlag, 2003, p. 182.
30 Ibid., p. 12.
31 Ibid., p. 234.
32 Suite au Traité de Versailles, certaines parties de la Silésie ont déjà été attribuées à l’État polonais récemment fondé après la Première Guerre mondiale.
33 Sabrina Janesch, Katzenberge. Roman, Berlin, Aufbau, 2010, p. 29. Voir à ce sujet Claudia Winkler, « A Third-Generation Perspective on German-Polish Flight and Expulsion: Discursive and Spatial Practices in Sabrina Janesch’s Novel Katzenberge (2010) », dans Friederike Eigler, Astrid Weigert (dir.), German Politics and Society. Special issue on « German-Polish Border Regions in Contemporary Literature and Film: Between Regionalism and Transnationalism », 31.4 (Winter 2013).
34 S. Janesch, op. cit., p. 16.
35 Dans la littérature polonaise, cet intérêt pour les régions frontalières a commencé plus tôt. Voir à ce sujet Dagmar Wienröder-Skinner, « Attempts at (Re)Conciliation: Polish-German Relations in Literary Texts by Stefan Chwin, Pawel Huelle, and Olga Tokarczuk », dans Id./Laurel Cohen-Pfiester (dir.), Victims and Perpetrators: 1933-1945 (Re)Presenting the Past in Post-Unification Culture, Berlin, de Gruyter, 2006, p. 262-282, et Irene Sywenky, « Representations of German-Polish Border Regions in Contemporary Polish Fiction: Space, Memory, Identity », dans F. Eigler, A. Weigert (dir.), op. cit. Des exemples pour des œuvres équivalentes dans la littérature polonaise des années 1990 sont le roman Hanemann de Stefan Chwin (1995 ; paru en français sous le même titre en 2012) et le roman Dom dzienny, dom nocny (1998 ; Maison de jour, Maison de nuit, 2001) d’Olga Tokcarzuk.
36 Les réflexions et analyses présentées ici sont traitées de façon plus exhaustive dans une monographie en anglais qui vient de paraître : Friederike Eigler, Heimat, Space, Narrative: Towards a Transnational Approach to Flight and Expulsion, Rochester, Camden House, 2014.