1 J’emprunte ce terme au titre de l’article d’Eva Hahn et Hans Henning Hahn, « Eine zerklüftete Erinnerungslandschaft wird planiert. Vertreibung und die sog. Benes-Dekrete », Transit, n° 16, 2002, p. 103-116.
2 Aleida Assmann, Der lange Schatten der Vergangenheit: Erinnerungskultur und Geschichtspolitik, München, C.H. Beck, 2006, p. 241 (ma traduction).
3 Nous utiliserons cette expression consacrée en Allemagne entre guillemets tout au long de ce texte afin de marquer une distance critique, à la fois en raison de la simplification et de la réduction d’un phénomène historiquement complexe qu’elle opère et de son origine idéologiquement marquée.
4 Stiftung Flucht, Vertreibung, Versöhnung, http://www.sfvv.de/de/stiftung.
5 Selon Jan Assmann, le « floating gap » est ce qui sépare la mémoire culturelle de la mémoire communicationnelle, le point de passage entre ces deux formes de mémoire qu’il situe à environ 80 années, soit 2 à 3 générations, après les faits. Cf. Jan Assmann, Das kulturelle Gedächtnis. Schrift, Erinnerung und politische Identität in früheren Hochkulturen, München, C.H. Beck, 1993, p. 50 sq.
6 Cf. J. Assmann, op. cit., p. 56.
7 Cf. Tim Völkering, « Die Musealisierung der Themen Flucht, Vertreibung und Integration. Analysen zur Debatte um einen neuen musealen Gedenkort und zu historischen Ausstellungen seit 1950 », dans Elisabeth Fendl (dir.), Zur Ästhetik des Verlusts, Bilder von Heimat, Flucht und Vertreibung, Münster, Waxmann, 2011, p. 78. L’idée non pas de tabou, mais d’oubli se retrouve également dans l’« Approche générale pour le travail de la Fondation “Fuite, expulsion, réconciliation” et lignes directrices du projet d’exposition permanente » consultable en ligne : http://www.sfvv.de/de/stiftung/grundlagenpapiere.
8 Völkisch, dans le sens du postulat d’une continuité de la race germanique, d’identités immuables, de l’existence d’un inconscient collectif et de tropismes archaïsants. Pour une critique de cette approche étroitement liée à la Volkskunde (ethnologie allemande), voir Hermann Bausinger, Volkskunde ou l’ethnologie allemande. De la recherche sur l’antiquité à l’analyse culturelle, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1993 (trad. Dominique Lassaigne et Pascale Godemir).
9 Sur l’histoire croisée on peut lire Michael Werner, Bénédicte Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », Annales HSS, janvier-février 2003, n° 1, p. 7-36.
10 Le § 96 de la loi sur les expulsés (Bundesvertriebenengesetz) de 1953, nommé également paragraphe culturel (Kulturparagraph) assigne au Bund et aux Länder en commun la mission de « conserver et entretenir le patrimoine culturel des territoires de l’expulsion dans la conscience des expulsés et réfugiés, de l’ensemble de la nation allemande et de l’étranger ». Un certain nombre d’institutions sont financées à ce titre, dont neuf musées.
11 Le terme de « est-allemand » est fréquemment utilisé pour qualifier ces institutions muséales ou l’action culturelle se rapportant aux anciens territoires du Reich et aux territoires dans lesquels vivaient des populations germanophones, notamment avant 1989. Il convient cependant de le prendre avec précaution, tant l’attribution nationale pose problème, ces territoires n’étant plus allemands et ne l’ayant parfois jamais été.
12 Pour une analyse plus approfondie de ces musées, on peut lire Cornelia Eisler, « Die “verlorene Heimat im Osten” in den Heimatstuben der deutschen Flüchtlinge und Vertriebenen », dans E. Fendl, op. cit., p. 125-139.
13 Cf. Datenbank, Dokumentation der Heimatsammlungen in Deutschland.
http://www.bkge.de/heimatsammlungen. (page consultée le 27 juillet 2014).
14 Tel que le Ostpreußisches Landesmuseum, le Siebenbürgisches Landesmuseum, le Westpreußisches Museum, le Dokumentations- und Informationszentrum für schlesische Landeskunde du Haus Schlesien et le Oberschlesisches Landesmuseum.
15 Philipp Ther, « Erinnern oder Aufklären. Zur Konzeption eines Zentrums gegen Vertreibungen », Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, n° 1, 2003, p. 40.
16 Matthias Beer, Elisabeth Fendl, Henrike Hampe, « Heimatsammlungen von Flüchtlingen und Vertriebenen in Baden-Württemberg », dans Gerettet, gesammelt, gesichert. Heimatsammlungen von Vertriebenen und Flüchtlingen in Baden-Württemberg, Stuttgart, Haus der Heimat, 2012, p. 7.
17 Manfred Pranghofer, « Das Böhmerwaldmuseum Passau. Tradition und Wandel », conférence prononcée à Salzweg, le 7 septembre 2011. Voir aussi Manuela Schütze, « Zur Musealen Aneignung verlorener Heimat in ostdeutschen Heimatstuben », dans Kurt Dröge (dir.), Alltagskulturen zwischen Erinnerung und Geschichte, München, Oldenbourg, 1995, p. 95-111.
18 Selon Konrad Köstlin l’ensemble de la production esthétique liée à « la fuite et l’expulsion » avait cette fonction de démonstration et servait à s’assurer de la reconnaissance par l’environnement de la perte en tant que perte. Cf. K. Köstlin, « Eine Ästhetik des Verlusts », dans E. Fendl, op. cit., p. 14 sq.
19 P. Ther, op. cit., p. 40.
20 Markus Bauer, « Flucht und Vertreibung in den Regionalmuseen zu den früheren deutschen Reichs- und Siedlungsgebieten », dans Deutsches Historisches Museum (dir.) Flucht, Vertreibung, Ethnische Säuberung. Eine Herausforderung für Museen und Ausstellungsarbeit Weltweit, International Association of Museums History (IAMH), Berlin, 2012, p. 44.
21 Ibid.
22 E. Fendl, qui elle-même renvoie à l’image évoquée par K. Schlögel de « continent en mouvement » après la guerre. E. Fendl, op. cit. p. 48.
23 Le Ostpreußisches Landesmuseum – premier de la sorte – a longtemps été considéré comme le modèle des musées § 96.
24 E. Fendl, op. cit., p. 48.
25 M. Schütze, op. cit., p. 106 et 107.
26 Cf. Sophie Wahnich, « Les musées d’histoire du XXe siècle en Europe », Études, 2005, n° 7, p. 30.
27 Konzeption : « Sichtbares Zeichen gegen Flucht und Vertreibung ». Ausstellungs- Dokumentations- und Informationszentrum in Berlin. Beauftragter der Bundesregierung für Kultur und Medien, 19.03.2008, p. 2.
28 Comme le font remarquer E.Hahn et H. H. Hahn, l’usage même du terme Vertreibung renvoie à une origine biblique liée à l’expulsion du paradis d’Adam et Ève dans « Mythos Vertreibung », dans Heidi Hein-Kircher, Hans Henning Hahn (dir.), Politische Mythen im 19. und 20. Jahrhundert in Mittel- und Osteuropa, Marburg, Verlag Herder Institut, 2006, p. 177.
29 H. Bausinger, op. cit.
30 Comme ce fut le cas entre autres au Böhmerwaldmuseum entre 2002 et 2007, au Siebenbürgisches Museum en 1996/97, au Ostpreußisches Landesmuseum en 1987.
31 K. Köstlin, op. cit., p. 19.
32 Cf. Deutscher Bundestag, Drucksache 14/4586 du 26.10.2000, Konzeption zur Erforschung und Präsentation deutscher Kultur und Geschichte im östlichen Europa, p. 5.
33 Comme cela était pratiqué dans les Heimatmuseen et les premiers musées § 96, tels que le Ostpreußisches, le Westpreußisches, le Oberschlesisches Landesmuseum et le Siebenbürgisches Museum.
34 Telle était l’attitude du gouvernement allemand dans les années 1950. Cf. Axel Frohn, « Adenauer und die deutschen Ostgebiete in den fünfziger Jahren », Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, n° 4, octobre 1996, p. 485-526.
35 Cf. Deutscher Bundestag, op. cit., p. 4.
36 Ibid., p. 3.
37 M. Bauer, op. cit. p. 44.
38 Christina Weiss, déléguée du gouvernement fédéral à la Culture et aux Médias, Discours d’ouverture du Symposium « Gemeinsames Kulturerbe als Chance. Die Deutschen und ihre Nachbarn im östlichen Europa », Kronprinzenpalais, Berlin, 20 septembre 2004.
39 www.dzm-museum.de.
40 www.pommersches-landsmuseum.de.
41 www.schlesisches-museum.de.
42 Cf. Rosemarie Beier-de-Haan, Erinnerte Geschichte – Inszenierte Geschichte. Ausstellungen und Museen in der zweiten Moderne, Frankfurt/Main, Suhrkamp, 2005.
43 Museum in Europa. Zum zehnjährigen Bestehen des Donauschwäbischen Zentralmuseums in Ulm, DZM, Ulm, 2010, p. 10.
44 Cette conception et ses concepteurs étant eux-mêmes proches des Landsmannschaften et du Bund der Vertriebenen.
45 Schulze-Wessel, Franzen, Kraft, Schüler Springorum, Völkering, Zimmermann, Zückert, « Konzeptionelle Überlegungen für die Ausstellungen der “Stiftung Flucht, Vertreibung, Versöhnung” », septembre 2010, p. 9. www.hsozkult.de/daten/2010/Konzeptpapier_Vertreibungen_ausstellen_Aber_wie.pdf (page consultée le 10 octobre 2014).
46 Cf. E. Hahn et H.H. Hahn, « Mythos Vertreibung », op. cit., p. 168, et E. Hahn et H.H. Hahn, « Flucht und Vertreibung », dans Étienne François, Hagen Schulze (dir.), Deutsche Erinnerungsorte, Eine Auswahl, München, C. H. Beck, 2005, p. 332-351.
47 Cf. le catalogue Räume, Zeiten, Menschen, op. cit., p. 6 (ma traduction).
48 Là, au sommet d’une volée de marches le visiteur se voit confronté sans autre forme de contextualisation à la reconstitution grandeur nature d’une scène de fuite de Prusse orientale telle qu’elle a pu avoir lieu au moment de l’offensive soviétique en janvier 1945. Une colonne, constituée d’adultes et d’enfants, de dos, plongés dans la pénombre, emmitouflés dans de longs manteaux et affublés de sacs à dos, semble péniblement progresser dans la neige aux côtés d’une charrette lourdement chargée où s’entassent pèle mêle des valises recouvertes d’une bâche sombre. Sur le mur du fond vers lequel se dirigent les personnages, des photos de colonnes de réfugiés de Prusse orientale sont projetées dans lesquelles la scène paraît s’insérer. Sur le mur gauche, à l’entrée, de petits écriteaux indiquent la provenance de chacune des pièces que les personnages ont sur eux. Chaque manteau, chaque paire de chaussures, chaque valise (y compris la charrette) a été réellement porté pendant la fuite de Prusse orientale.
49 M. Bauer, op. cit., p. 44.
50 Cf. Joachim Baur, « Museum – Bühne – Arena. Geschichtspolitik und Musealisierung im Zeichen von Globalisierung und gesellschaftlicher Pluralisierung », dans E. François et al., Geschichtspolitik in Europa seit 1989, Göttingen, Wallstein, 2013, p. 455, ou R. Beier-de-Haan, op. cit., p. 53-110.
51 À propos de la constitution des costumes traditionnels en objet d’identification et porteur de mémoire, voir Henrike Hampe « “Das schönste Sinnbild unserer Heimat sind die Trachten”. Die Kleidung donauschwäbischer Flüchtlinge und Vertriebener als Erinnerungsträger », dans E. Fendl, op. cit., p. 141-164.
52 Cf. Herbert Hupka, « Grußwort zur Eröffnung des Schlesischen Museums zu Görlitz », dans Schlesisches Museum zu Görlitz, op. cit., p. 15.
53 Cf. Schlesisches Museum zu Görlitz, op. cit.
54 Les guerres de Silésie sont présentées de la manière suivante : « Les guerres de Silésie – une épopée héroïque ? Jusqu’à nos jours, la signification historique des guerres de Silésie est controversée. L’historiographie pro prussienne souligne la modernisation et l’essor économique que la Silésie a connu dans leur sillage. Dans certaines représentations populaires, l’énergie et le courage du roi de Prusse furent idéalisés, à l’image des films sur Frédéric (Friedrich-Filme) de la République de Weimar et de la période du national-socialisme. Les critiques pointent le fait qu’avec l’agression de la Silésie, une tradition militaire néfaste pour l’histoire prussienne-allemande a connu ses débuts » (ma traduction).
55 Ici un panneau donne l’explication suivante : « Plus tard (après le XIVe siècle) ils (les Piastres) jouèrent encore un rôle important dans l’histoire de Silésie. En 1675 le dernier des Piastres silésiens est décédé. Aujourd’hui les Piastres représentent pour de nombreux Polonais une première Silésie anciennement polonaise » (ma traduction).
56 Karl Schlögel, Die Mitte liegt ostwärts. Europa im Übergang, München, Carl Hanser, 2002, p. 239 sq.
57 Entretien le 15.11.2012.
58 E. Hahn et H.H. Hahn, « Mythos Vertreibung », op. cit, p. 167 ainsi que E. Hahn et H. H. Hahn, Die Vertreibung im deutschen Erinnern, Legenden, Mythos, Geschichte, Paderborn, Ferdinand Schöhning, 2010.
59 P. Ther, op. cit.
60 Gesetz zur Errichtung einer Stiftung « Deutsches Historisches Museum » (DHMG) de décembre 2008, deuxième partie, § 16 (1).