L’ethnographie : naissance d’une science de terrain en Allemagne à l’aube du XXe siècle
p. 49-64
Résumés
L’ethnographie est une méthode d’enquête constitutive de la discipline ethnologique dès son introduction dans les universités et les musées. Si pendant longtemps, les termes d’« ethnologie » et d’« ethnographie » furent utilisés indistinctement pour désigner l’étude des « sociétés primitives », l’ethnographie désigne sans ambiguïté l’ensemble des méthodes empiriques permettant de collecter des données depuis les écrits de Claude Lévi-Strauss. Tandis que l’ethnographie permet de saisir le terrain, l’ethnologie est d’après lui consacrée à l’étude d’une société particulière, devant mener à l’anthropologie, soit l’étude comparée des sociétés et des cultures. Outre-Rhin, l’ethnologie a cependant pour spécificité de différencier deux types de terrain, la Volkskunde se consacrant à l’étude du peuple allemand, tandis que la Völkerkunde se tournait vers les autres peuples. C’est à la Völkerkunde que nous nous intéresserons ici.
En Allemagne, cette science de terrain apparaît de façon précoce avec l’organisation d’expéditions ethnographiques conséquentes par les directeurs de musées et instituts d’ethnologie, fondés au tournant du XIXe et du XXe siècle. Au début du XXe siècle, l’explorateur s’est alors transformé en ethnographe, élaborant les méthodes d’une illusoire « observation participante » : le terrain devint le « laboratoire » de l’ethnologue travaillant en « cabinet » et nul ethnologue ne put désormais se passer de cette expérience « initiatique ».
À cet égard, il semble bien que les scientifiques d’origine allemande furent parmi les premiers ethnologues européens à « faire du terrain », que l’on pense à Franz Boas se rendant dès 1886 sur l’île de Vancouver puis sur la côte du Nord-Ouest, à Leo Frobenius étudiant dès 1905 les sociétés africaines du Congo belge puis du Soudan français, ou encore à Elisabeth et Augustin Krämer effectuant plusieurs séjours de longue durée dans les Mers du Sud à partir de 1906. Cependant, c’est au début du XXe siècle que l’ethnographie obtient progressivement le statut de science grâce à l’élaboration de « textes canoniques », tandis que se constituait en Allemagne le champ des sciences de la culture. Dans un contexte de cristallisation du paradigme disciplinaire, l’ethnologie allemande instituait alors les prémices de l’enquête de terrain.
Die Ethnografie: Die Entstehung einer Wissenschaft der Feldforschung in Deutschland zu Beginn des 20. Jahrhunderts
Seit der Einführung der Ethnografie an den Universitäten und in den Museen ist sie als Untersuchungsmethode Bestandteil der ethnologischen Wissenschaft. Auch wenn die Begriffe „Ethnologie“ und „Ethnografie“ lange unterschiedslos zur Bezeichnung der Erforschung von „primitiven Gesellschaften“ verwendet wurden, bezeichnet die Ethnografie doch ganz eindeutig die Gesamtheit der empirischen Methoden, mit denen seit den Arbeiten Claude Lévi-Strauss’ Daten gesammelt werden können. Während die Ethnografie die Erfassung des Feldes ermögliche, widme sich die Ethnologie ihm zufolge dem Studium einer besonderen Gesellschaft, die zur Anthropologie, d.h. zur vergleichenden Untersuchung von Gesellschaften und Kulturen führe. In Deutschland besteht in der Ethnologie die Besonderheit, dass man zwischen zwei Arten von Terrain unterscheidet: Die Volkskunde widmet sich dem Studium des deutschen Volkes, die Völkerkunde dagegen beschäftigt sich mit den anderen Völkern. Wir interessieren uns hier für die Völkerkunde.
In Deutschland trat diese Wissenschaft der Feldforschung zu einem sehr frühen Zeitpunkt in Erscheinung, als die Direktoren der Ende des XIX. Anfang des XX. Jahrhunderts gegründeten Museen und ethnologischen Institute umfangreiche ethnografische Expeditionen zu organisieren begannen. Zu Beginn des XX. Jahrhunderts wurde aus dem Reisenden also ein Ethnograf, der die Methoden einer illusorischen „teilnehmenden Beobachtung“ entwickelte: Die Feldforschung wurde zum Laboratorium des Lehnstuhlethnologen, und kein Ethnologe konnte sich nunmehr dieser Initiationserfahrung entziehen.
In dieser Hinsicht scheinen die aus Deutschland stammenden Wissenschaftler zu den ersten Ethnologen Europas zu gehören, die „Feldforschung betrieben“. Man denke nur an Franz Boas, der sich schon 1886 auf Vancouver Island begab und anschließend an die Nord-West-Küste fuhr, oder an Leo Frobenius, der ab 1905 die afrikanischen Gesellschaften in Belgisch Kongo und später im Französisch-Sudan untersuchte, oder auch an Elisabeth und Augustin Krämer, die ab 1906 mehrere lange Reisen in der Südsee unternahmen. Doch erst zu Beginn des XX. Jahrhunderts erhielt die Ethnografie dank der Erarbeitung der „kanonischen Texte“ nach und nach den Status einer Wissenschaft, während sich in Deutschland der Bereich der Kulturwissenschaften herausbildete. Im Zuge der Herausbildung des Paradigmas dieses Fachbereichs schuf die deutsche Ethnologie damals die Voraussetzungen der Feldforschung.
Extrait
« Je hais les voyages et les explorateurs »
Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques
1Par cette assertion sans appel, Claude Lévi-Strauss déniait toute autorité scientifique aux explorateurs sur le « terrain » de leurs voyages. Si les termes d’« ethnologie » et d’« ethnographie » furent longtemps utilisés indistinctement, l’ethnographie désigne sans ambiguïté depuis ses écrits l’ensemble des méthodes empiriques permettant de collecter des données. Tandis que l’ethnographie permet de saisir le terrain, l’ethnologie est, d’après lui, consacrée à l’étude d’une société particulière, devant mener à l’anthropologie, à savoir l’étude comparée des sociétés et des cultures1. Cette définition moderne de l’ethnographie et l’intégration de l’ethnologie dans le champ de l’anthropologie sociale et culturelle trouvent en partie leurs origines dans l’institutionnalisation de la discipline dans les musées et universités : l’ethnographie est devenue une méthode d’enquête constitutive de la discipli
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