1 L’intervention de Baptiste Brun lors du séminaire s’intitulait : Le Musée imaginaire de Jean Dubuffet ? Réflexions sur la documentation photographique dans les archives de la Collection de l’Art Brut, communication accessible dans Les Cahiers de l’École du Louvre, n° 1, 2012. Pour la publication des actes du séminaire, il a proposé le présent texte qui poursuit sa réflexion sur l’histoire de la collection d’art brut de Jean Dubuffet. [NDE]
2 José Pierre, « D’une autre prise de la Bastille », L’archibras, n° 2, « Le surréalisme en octobre 1967 », octobre 1967, p. 18. C’est l’incipit de l’article.
3 Voir par exemple à propos de cette thématique rapportée à deux monstres sacrés du XXe siècle : Michaël Androula et Laurence Bertrand-Dorléac (dir.), Picasso, l’objet du mythe, Paris, Ensba, 2005, ou encore Jean-Philippe Antoine, La traversée du XXe siècle : Joseph Beuys, l’image et le souvenir, Genève, Mamco, Dijon, Les presses du réel, 2011.
4 « Art Brut » avec majuscules désigne l’entreprise de Jean Dubuffet entre 1945 et sa mort, projet pensé comme partie intégrante de son œuvre. L’« art brut » avec minuscules désigne les multiples discursivités qui se sont développées à la suite du travail du peintre. Je me permets ici de renvoyer le lecteur à mon travail de thèse : Baptiste Brun, De l’homme du commun à l’Art Brut : « mise au pire » du primitivisme. Jean Dubuffet et le paradigme primitiviste (1944-1951), thèse en histoire de l’art soutenue sous la direction de T. Dufrêne, Paris, Université Paris-Ouest Nanterre, 2013, p. 17.
5 Voir par exemple le très récent texte de Didier Semin, « Qu’est-ce que l’art brut ? », ArtPress2, Les mondes de l’art brut, n° 30, août-septembre-octobre 2013, p. 10-11. L’auteur parle du « rapt » opéré par Dubuffet face au legs du surréalisme et de la psychiatrie de la première moitié du XXe siècle.
6 Voir à ce propos Lucienne Peiry, L’Art Brut, Paris, Flammarion, 1997, p. 39-51 ; Julien Dieudonné, Marianne Jakobi, Dubuffet, Paris, Perrin, 2007, p. 145-166.
7 L. Peiry (1997), op. cit., p. 39 et p. 42.
8 Bruno Montpied, « Quelques notes sur les origines de l’art brut », S.U.RR…, n° 3, été 1999, cité dans Jean-Louis Lanoux, « Suisse ou France », abcd une collection d’art brut, Paris, Actes Sud, 2001, p. 356-357. Voir aussi Bruno Montpied, « D’où vient l’art brut ? Esquisses pour une généalogie de l’art brut », LIGEIA, Devenir de l’art brut, XVIIe année, n° 53-54-55-56, juillet-décembre 2004, op. cit., p. 155-164.
9 J. Dieudonné et M. Jakobi, op. cit., p. 145. Rappelons que la donation est réalisée en 1971, son ouverture au public en 1976. L’installation des collections eut lieu en 1975, et non en 1974. Voir L. Peiry, op. cit., p. 174.
10 J. Dieudonné et M. Jakobi, op. cit., p. 150. B. Montpied concluait plus sobrement à une occultation du legs surréaliste dans son article pour LIGEIA trois ans auparavant.
11 Voir Céline Delavaux, L’art brut, un fantasme de peintre, Paris, Palette, 2010.
12 Jean Dubuffet, L’Art Brut préféré aux arts culturels (1949), repris dans Jean Dubuffet, Prospectus et tous écrits suivants, Paris, Gallimard, t. I, p. 201.
13 Lettre de Jean Dubuffet à André Breton, datée du 23 septembre 1951, ibid., t. I, note 28, p. 495 : « C’est au début de l’année 1945 que j’ai entrepris, en Suisse, mon premier voyage de prospection méthodique […]. »
14 « Les collections de l’Art Brut et les recherches s’y rapportant ont été commencées en 1945 par Jean Dubuffet », ibid., t. I, p. 167.
15 Jean Dubuffet, « Place à l’incivisme » (1967), repris dans ibid., t. I, p. 454.
16 Catalogue de la Collection de l’Art Brut (1971), Paris, Publications de la Compagnie de l’Art Brut, p. 1.
17 Lucienne Peiry intitule le chapitre de son livre consacré à la donation des collections à la ville de Lausanne : « La donation à la Suisse : le retour aux sources », non sans reconduire le mythe fondateur. Voir L. Peiry, op. cit., p. 172-175.
18 « Art Brut chez Jean Dubuffet », in J. Dubuffet, op. cit., t. IV, p. 40-58.
19 Voir Michel Thévoz, L’Art Brut, Genève, Skira, 1975, p. 53 ; Jean-Hubert Martin, « Dubuffet fonde l’art sans le savoir », cat. exp. Dubuffet et l’Art Brut, Düsseldorf, Museum Kunst Palace, Lausanne, Collection de l’Art Brut, Milan, 5 Continents, 2005, p. 18.
20 L’expression est de J. Dieudonné et M. Jakobi, op. cit., p. 154. Voir aussi Laurent Danchin, Dubuffet, Paris, Terrail, p. 115. L’auteur situe avec raison les premières prospections au début de la production des hautes-pâtes. On rendra justice à Michel Thévoz de nuancer cette origine fantasmée des collectes dès 1993, lors de la rétrospective de l’œuvre de Dubuffet à la Fondation Gianadda à Martigny, en Suisse justement : « Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l’Office national suisse du tourisme prend l’initiative d’inviter des personnalités françaises dans le but de renouer des contacts culturels entre les deux nations. Paul Budry, mandaté pour cette opération, s’adresse aussitôt à Jean Dubuffet. C’est l’époque où celui-ci s’intéresse aux productions marginales des malades mentaux, des prisonniers, des spirites, bref, de ce qui deviendra l’Art Brut. Pressentant des découvertes dans ce domaine, Dubuffet accepte d’autant plus volontiers cette invitation qu’il peut compter sur Paul Budry pour lui préparer un itinéraire non conventionnel. » C’est la véritable reconnaissance d’une continuité où le voyage en Suisse est replacé à sa juste valeur comme précipitant un intérêt et des démarches initiés en amont, in Michel Thévoz, « La Suisse de Jean Dubuffet », cat. exp. Dubuffet, Martigny, Fondation Gianadda, 1993, p. 19.
21 Roland Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1957, p. 230.
22 Henri Meschonnic, Modernité Modernité, Paris, Verdier, 1988, p. 67-78.
23 Christian Delacampagne, « Reconnaissance de dette (Breton / Dubuffet) », abcd une collection d’art brut, op. cit., p. 345.
24 Au sein d’une littérature abondante ces dernières années, seul un article de Georges Durozoi nuance à juste titre cette « dette ». Voir Georges Durozoi, « Le différend Breton-Dubuffet fait-il conflit entre deux avant-gardes ? », in Christophe Boulanger et Savine Faupin (dir.), Art brut : une avant-garde en moins, Paris, L’Improviste, 2011, p. 39-55.
25 Lettre de Jean Dubuffet à Breton, vendredi 28 mai [1948], in J. Dubuffet, op. cit., t. II, p. 265.
26 Marianne Jakobi, « Collectionner, classer, éditer : l’art brut et la question de la bibliothèque », Françoise Levaillant, Dario Gamboni, Jean-Roch Bouiller (dir.), Bibliothèques d’artistes : (XXe-XXIe siècles), Paris, Presses universitaires Paris-Sorbonne, 2010, p. 138. Voir aussi J. Dieudonné et M. Jakobi, op. cit., p. 266-269.
27 Didier Semin, « Le prix de la légèreté », cat. exp. Gaston Chaissac : poète rustique et peintre moderne, Musée de Grenoble, Arles, Actes Sud, p. 20.
28 Du moins d’après ce qu’affirme le peintre lors de l’exposition de 1949 à la Galerie René Drouin. Voir J. Dubuffet, op. cit., t. I, p. 202 : « Nombre des objets (près de la moitié) que contient notre exposition sont l’ouvrage de clients d’hôpitaux psychiatriques. » 117 numéros sur les 200 qui figurent au catalogue sont des ouvrages issus du monde asilaire, voir L’Art Brut préféré aux arts culturels, Paris, Galerie René Drouin, 1949. Un recensement systématique reste à faire.
29 Voir parmi d’autres, J. Dieudonné et M. Jakobi, op. cit., p. 259-271 ; D. Semin, op. cit. ; Maurice Fréchuret, « L’art psychopathologique et l’art brut », cat. exp. L’Art médecine (1999), Antibes, Musée Picasso, Paris, Réunion des musées nationaux, 1999, p. 82.
30 Voir Baptiste Brun, op. cit., p. 357-397. Voir à ce propos les lettres de Jean Dubuffet à André Breton, datées du vendredi 30 juillet [1948] et du 26 août [1948], Villeneuve d’Ascq, LaM, Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, Bibliothèque Dominique Bozo, Fonds Breton.
31 Les propos sur la folie tenus dans le Manifeste du surréalisme ne concernent en rien la production plastique des aliénés. Ni même la « Lettre aux médecins-chefs des asiles de fous », La Révolution surréaliste, n° 3, avril 1925, p. 29. Il faut bien attendre « L’art des fous, la clé des champs », initialement écrit pour le projet d’Almanach de l’Art Brut à l’été 1948 et publié pour la première fois dans les Cahiers de la Pléiade à l’hiver 1949, pour que Breton se prononce sur celle-ci.
32 Sur ce point, voir Werner Spies, « L’art brut avant 1967 », Revue de l’Art, 1-2, 1968, p. 123-126 ; Thomas Röske, « Max Ernst’s Encounter with Artistry of the Mentally Ill », cat. exp. Surrealismus und Wahnsinn / Surrealism and Madness (2009), op. cit., p. 54-64 ; Roger Cardinal, « Surrealism and the Paradigm of the Creative Subject », in cat. exp. Parallel Visions: Modern Artists and Outsider Art, Los Angeles County Museum of Art, Princeton University Press, 1992, p. 94-117 ; Sarah Wilson, « From the Asylum to the Museum: Marginal Art in Paris and New York, 1938-1968 », ibid., p. 120-143.
33 Didier Semin, op. cit., p. 19.
34 Voir John MacGregor, The Discovery of the Art of the Insane, New Jersey, Princeton University Press, 1989 ; voir aussi la récente mise au point d’Ingrid von Beyme, « The Surrealist Reception of Mad Art », cat. exp. Surrealismus und Wahnsinn / Surrealism and Madness, Heidelberg, Sammlung Prinzhorn, Wunderhorn, 2009, p. 154-164.
35 Les correspondances avec Jakob Wyrsch, Charles Ladame ou Max Müller en Suisse, tout autant que celles entretenues avec Jean Oury ou Paul Bernard en France le montrent bien. Voir ces correspondances passionnantes conservées dans les dossiers « Heinrich Anton Müller », « Charles Ladame », « Auguste Forestier » ou encore « Gaston Dufour », Lausanne, Archives de la Collection de l’Art Brut.
36 Florence Husson, « Surréalisme à l’hôpital Sainte-Anne. La Salle de garde dans tous ses états », Psychologie clinique, n° 34, 2012, p. 133-154.
37 G. Ferdière prête des « poupées de [ses] malades » lors de l’Exposition internationale du surréalisme de 1938 à Paris. Voir Gaston Ferdière, Les Mauvaises Fréquentations, Paris, Jean-Claude Simoën, 1978, p. 136-137.
38 Voir à ce propos Frédéric Delanglade, « La peinture. Les sculpteurs et les peintres », Variété. Revue indépendante des arts et des lettres, n° 2, 1946, p. 53.
39 Voir la lettre de Jean Paulhan à Gaston Gallimard, [23 octobre 1946], dans laquelle l’écrivain demande à l’éditeur d’accélérer la publication du premier Cahier de l’Art Brut : « Ah, vous seriez gentil de presser l’impression de l’Art brut. C’est très important et je songe (pour la littérature) à une collection analogue. Mais il ne faut pas nous laisser distancer par Desclée et l’équipe Fretet-Ferdière. » Gaston Gallimard et Jean Paulhan, Correspondance, 1919-1968, édition présentée, établie et annotée par Laurence Brisset, Paris, Gallimard, nrf, 2011, p. 356-357. Dubuffet était en contact avec ces deux psychiatres depuis au moins la fin de l’été 1945, voir dossier « Aux origines de l’Art Brut », Lausanne, Archives de la Collection de l’Art Brut.
40 Lettre adressée par André Breton aux membres du conseil d’administration de la Compagnie de l’Art Brut, 20 septembre 1951, in J. Dubuffet, op. cit., t. I, note 28, p. 494.
41 André Breton et Benjamin Péret (dir.), « Almanach surréaliste du demi-siècle », La Nef, n° 63-64, mars-avril 1950, p. 207-223.
42 Georges I. Gurdjieff, « Voici l’essentiel », citation tirée de P.-D. Oupensky, Fragment d’un enseignement inconnu, 1950, cité dans A. Breton et B. Péret, op. cit., p. 206.
43 Fabrice Flahutez, Nouveau monde, nouveau mythe : mutations du surréalisme, de l’exil américain à « l’écart absolu », 1941-1965, Dijon, Les presses du réel, coll. « Œuvres en société », 2007, p. 420.
44 Lettre de José Pierre à André Breton, 28 août 1959 : « Je suis décidément optimiste en ce qui concerne cette exposition, contre dubuffets et bellmers [sic] », localisation inconnue, reproduite sur le site internet http://www.andrebreton.fr, réf. 807000.
45 Voir par exemple J. Pierre, op. cit., p. 18-19. Voir aussi en amont les propos du même dans le catalogue de l’exposition-hommage à Breton qui ouvre ses portes quelques semaines auparavant au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, La Fureur poétique, Paris, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 1967, n. p.
46 W. Spies, op. cit., p. 123.
47 Ibid., p. 124.
48 Ibid., p. 125-126. C’est à cette occasion que l’auteur raconte l’anecdote du don fait par Max Ernst à Paul Éluard de l’ouvrage de Hans Prinzhorn, en 1922, reprise depuis dans toutes les études relatives à la difficile évaluation de sa diffusion au sein des avant-gardes dans les années 1920.
49 Ibid., p. 126.
50 Voir B. Brun, op. cit., p. 441-463.
51 La mise en œuvre de l’ouvrage de Prinzhorn procède à un choix iconographique précis. L’incidence que ses liens avec le milieu expressionniste avaient eue sur l’élaboration de Bildnerei der Geisteskranken a été maintes fois soulignée. Voir Marielène Weber, « Prinzhorn. L’homme, la collection, le livre », in Hans Prinzhorn, Expressions de la folie – Dessins, peintures, sculptures d’asile, Paris, Gallimard, coll. « Connaissance de l’inconscient », p. 18-21. Voir aussi ce qui n’apparaissait pas dans cet ouvrage mais que l’hôpital de Heidelberg conservait alors. Voir notamment cat. exp. La Beauté insensée – Collection Prinzhorn – Université de Heidelberg, Charleroi, Palais des Beaux-Arts, Éditions de la Chambre, 1995.
52 Anne Boissière, « La naissance de l’art brut 1945-1952 : une part américaine ? », in C. Boulanger et S. Faupin, op. cit., p. 66-70.
53 Jean Dubuffet, « Note sur l’exposition de l’Art Brut » (janvier 1968), repris dans J. Dubuffet, op. cit., t. III, p. 300.
54 Werner Spies, « Cabinets de curiosité et châteaux-refuges. L’œuvre de Jean Dubuffet » [1991], repris dans Werner Spies, Un inventaire du regard. Écrits sur l’art et la littérature, Paris, Gallimard, 2011, vol. 8, p. 160-167.
55 Hubert Damisch, « Art brut », Encyclopaedia Universalis (1974 (1968)), vol. II, p. 508-509 ; Gilbert Lascault, « Malades mentaux (art des) », ibid., vol. X, p. 358-360 ; José Pierre, « Naïf (art) », ibid., p. 544-547. Les articles ont été consultés dans la publication du corpus de l’Encyclopédie Universalis, datée de 1974.