1 « Das Künstlerische beginnt mit dem Wort anders », Bébuquin ou les dilettantes du miracle, 1912, trad. Liliane Meffre, chap. V, Les presses du réel, 2000.
2 Tasset (1839-1921) a perfectionné le tour à réduire. Ponscarme (1827-1903) est nommé professeur en 1871. En 1875, il jette de nouvelles bases esthétiques, abat le listel. Il est à l’origine de l’école du flou. Ses élèves avaient écrit sur la porte de son atelier : « Ce n’est pas ici le chemin qui mène à Rome ». La médaille en France, catalogue, conservation du Musée de la Monnaie, 1967, p. 107-115.
3 Information apportée par le dossier médical.
4 Cf. Lise Maurer, « Hodinos, le drame de la médaille », Art brut : une avant-garde en moins ?, Études réunies par Savine Faupin et Christophe Boulanger, Paris, Éditions L’improviste, 2011.
5 Marcel Réja (ou Paul Meunier assistant d’Auguste Marie), L’Art chez les fous, 1907, réédité en 1994 par Z’éditions.
6 Jean Vinchon : « Ce schizophrène dessinait, sans relâche, des compositions répétées à des centaines d’exemplaires presque identiques malgré la diversité des titres. Il avait imaginé des projets de médailles pour toutes les actions de la vie, pour tous les objets domestiques, pour les vices et les vertus et les avait réunis dans des petits albums. Ce malade a aussi exécuté de grandes compositions dans lesquelles revient souvent une femme drapée ou nue, aux muscles hypertrophiés, aux larges pieds, aux formes lourdes opposées à l’élégance conventionnelle des figures de la Monnaie, mais plus proche du type féminin qui l’attirait sexuellement. Les mots prétextes à de belles majuscules romaines sont “stéréotypés” et reproduits avec les mêmes titres surajoutés. La fresque des discours : H muet, H aspiré, voyelle, consonne, action, langage mimique, langage parlé, langage écrit, langue vivante, mêle des termes familiers à un homme cultivé qui a réfléchi sur le problème du langage. Sans leur titre, les dessins de ce graveur de monnaies perdraient toute signification. Le sens de la décoration s’est maintenu chez lui en même temps que l’habileté technique, alors que le reste du psychisme se dissociait. », L’Art et la folie, Librairie Stock, 1924, p. 186.
7 Auguste Marie (1865-1934), élève de Charcot, est aussi le traducteur de L’Homme de génie de Cesare Lombroso (1835-1909). Il est intéressant de relire l’intervention d’Auguste Marie (Villejuif) et de Benjamin Pailhas (Albi) à la séance du 18 novembre 1912 à la Société Clinique de Médecine Mentale. Après la présentation de dessins et avoir parlé de « géométromanie » ou de « conisme », de conclure avec l’hérédité, un état d’esprit inné, et de préciser : « par rapport à l’évolution de l’espèce, nous naissons avec une somme d’acquisitions, ou comme le dit Sergi, de stratifications ; que la couche la plus récente et la plus parfaite s’altère, les couches sous-jacentes réapparaissent et l’homme ainsi diminué devient ainsi absolument analogue de son ancêtre, le sauvage, confiant dans son gri-gri protecteur ». Les hypothèses retenues par les deux auteurs sont une « dégénérescence première » suivie d’une « précocité démentielle » avec un « excès de subjectivité », ce qui ne gâte rien.
8 Michel Thévoz publie en 1975, chez Skira L’Art Brut préfacé par Dubuffet, il cite un article d’Auguste Marie et reproduit le superbe dessin Invention d’une galère sous la République Française. En 1978, dans Le Langage de la rupture, une étude « Hodinos ou le passé décomposé » est assortie de trois reproductions dont Christ à l’eau. Et, en 1979, deux extraits l’un du texte biographique et l’autre du texte Passion Slave. Ces deux publications paraissent dans « Perspectives critiques » au PUF. Dans Art brut, psychose et médiumnité, l’article d’Auguste Marie « Le Musée de la folie » (Je sais Tout, 1905) est publié en son entier avec un dessin de médaille très surréaliste de Hodinos Pied, Jambe, Cuisse, Édition de La différence, 1990.
9 Intégré à présent dans le dictionnaire allemand des artistes, Allgemeines Kunstlerlexikon, Berlin, De Gruyter, 2012.
10 Jacques Drillon, Le Livre des regrets, Actes Sud, 1987.
11 Michel Thévoz, Le Langage de la rupture, ibid.
12 Bernard Noël, Dictionnaire de la Commune, Champs Flammarion, 1978.
13 Jacques Lacan, Scilicet 6/7, Le Seuil, 1976, p. 36.
14 Il est ce scripteur que Barthes appelait de ses vœux (Le bruissement de la langue) : « Succédant à l’auteur, le scripteur n’a plus en lui passions, humeurs, sentiments, impressions, mais cet immense dictionnaire où il puise une écriture qui ne peut connaître aucun arrêt », fasc., p. 137.
15 Navigateurs, Fascicule n° 18, ibid., p. 138.
16 De la collection du LaM depuis 1999, ayant appartenu à la collection de L’Aracine via Sam Farber, et anciennement à la collection Sérieux. Bonneterie pour dames est reproduite dans la première édition de Vinchon.
17 Soit dans la seconde partie des petits albums où les encadrements ont disparu.
18 « La médaille se débarrasse de ses travestis pour adopter le vêtement moderne », La Médaille en France, ibid., p. X.
19 Lise Maurer, Hodinos, Fascicule n° 18, Collection de l’Art Brut, Lausanne, 1994. fig. 61, p. 121.
20 André Wolf, « Hodinos, Collection du Dr Marie » L’Art brut, Fascicule n° 9, Paris, 1973, avec la définition du savant, p. 84.
21 Nommenclature et Almanach de 1897 sont les intitulés de listes énumératives des productions réalisées ; elles concluent la première série des grands albums. Reproduit dans le Fascicule n° 18, p. 73. Un dessin représentant une femme à l’arrosoir – sans vêture allégorique – est reproduit fig. 70, p. 67. Cette autre facture du dessin interroge : est-ce un essai préparatoire ? Est-ce l’indice d’un autre album ?
22 Fascicule n° 18, ibid., p. 100.
23 Cf. Pour Roland Barthes ce fut une voiture : la Déesse 19 (DS 19), Mythologies, 1957, Points Essais, 1970.
24 Marandon de Montyel (1851-1908) prône un traitement moral différent de celui de Pinel. À l’hygiène de l’enfermement, il oppose celui de la liberté. Les tranquilles et les inoffensifs vont aux champs « pour devenir un malade libre en villégiature, les plus agités écrivent et dessinent ». En 1896, Marandon publie La nouvelle méthode d’hospitalisation des aliénés par la méthode de liberté. Cf. « Le drame de la médaille », ibid.
25 Interdit de jugement.
26 Vs n’allez pas me payer mes rentes tas de cruches. Vs n’allez pas me payer mes rentes tas de cons. Déchiffré par M. Bouvet, dessin Le mur murant, coll. abcd, Paris.
27 Voir la construction de l’Ancêtre. Fascicule n° 18, p. 42-51.
28 De la façon suivante : « Émile Hodinos Josome. Connétable. Volontaire d’un an. Communard. Sabre de 1848. Émile Jean Charles Hodinos, son Père. Généralissime des armées de la République. Boulanger. Patron, trois boutiques, laissa en mourant à son fils E. Josome Hodinos la somme de 25 000 francs venu ou provenant de la vente de fonds de commerce Boulangerie. »
29 Était inscrit : « Émile Hodinos Josome Fils d’Émile Jean-Charles Hodinos, Sabre de 1848, Lance de 1859, Fusil de 1873-1874. Enfermer à la Ville-Évrard sans raison. »
30 Christ à l’eau est dessiné au verso d’une planche de médailles intitulée Télégraphe, médailles reliées entre elles par le monogramme MT initiales du père et du patron. Fascicule n° 18, p. 86-90.
31 Selon l’expression de G. Didi-Huberman dans Devant le temps, Éditions de Minuit, 2000, p. 16. Cette croyance partagée par la communauté tend à lui offrir une efficacité symbolique. Toute référence ou identification au Christ n’a pas, cependant, cet effet !
32 Le 15 mars 1871, au Vauxhall, 1 325 délégués représentant 215 bataillons de la Garde nationale votent les statuts du Comité central de la Garde nationale. À la suite du soulèvement du 18 mars, le Comité central s’installe à l’Hôtel de Ville.
33 La persécution par les Jésuites est retrouvée fréquemment dans les délires à la fin du XIXe siècle. Hodinos écrira un texte où le père généralissime est assassiné par un mouchard bonapartiste : « Les jésuites ont fait leurs bêtises à droite à gauche m’ont emmerdé toute la vie… » Texte retranscrit entièrement dans le Fascicule n° 18, p. 98-99.
34 Laure Murat, dans son chapitre « La raison insurgée », donne à connaître à un large public ce qui autrefois demandait de longues lectures des Annales. Ainsi Benedict-Augustin Morel, bien connu pour ses thèses sur la dégénérescence, écrivait : « La dégénérescence du peuple français, son caractère pathologique, ses symptômes et ses causes. Contribution de médecine mentale à l’histoire médicale des peuples », in Annales médico-psychologiques, 5e série, t. IV, 1871, p. 291. L’homme qui se prenait pour Napoléon. Pour une histoire politique de la folie, Gallimard, 2011, p. 295-331.
35 Cf. Maxime Vuillaume, Mes cahiers rouges (souvenirs de la Commune), La Découverte, 2011.
36 Ovide, Les Métamorphoses, trad. G. Lafaye, p. 110-114.
37 Fascicule n° 18, fig. 6, p. 20, ibid.
38 Comme le soulignait Aristote, « elle porte ce nom de nomisma car elle n’est pas un produit de la nature mais de la loi ». Aristote, Éthique à Nicomaque, V, 5. Le livre de poche, p. 210.
39 Ici, je pourrais citer Lacan dans Télévision : « Même si les souvenirs de la répression familiale n’étaient pas vrais, il faudrait les inventer, et on n’y manque pas. Le mythe, c’est ça, et la tentative de donner forme épique à ce qui s’opère de la structure. L’impasse sexuelle sécrète les fictions qui rationalisent l’impossible dont elle provient. Je ne dis pas imaginées, j’y lis comme Freud l’invitation au réel qui en répond. L’ordre familial ne fait que traduire que le Père n’est pas le géniteur, et que la Mère reste contaminer la femme pour le petit d’homme ; le reste s’ensuit. » Lacan, Télévision, Seuil, 1974, p. 51. Aphorisme de Lacan à propos du mythe : « la vérité ne se supporte que d’un mi-dire ». Il renvoie au chapitre onze « La structure des mythes » de L’Anthropologie structurale de Lévi-Strauss. L’Envers de la psychanalyse, Seuil, 1991, p. 126. Voir également le chapitre « L’ordre symbolique » in La Parole ou la mort. Essai sur la division du sujet, Moustapha Safouan, Seuil, 2010.
40 Dans sa postface, Laure Murat rappelle le souhait d’Esquirol et souligne qu’il « reste tout aussi envisageable qu’il y a deux siècles », ibid., p. 338.
41 Parler d’autofiction tend à confondre énoncé et énonciation. Dans l’écrit biographique, l’écrivain – celui qui écrit – présente le personnage Hodinos, il éprouve un moment le besoin de dire c’est moi qui écris ! Ce qui met en évidence l’écart entre le je d’écriture et le je de l’individu. Voir ce texte et son étude, Fascicule n° 18, p. 76-82.
42 Jacques Lacan, Le Mythe individuel du névrosé, (1952), Seuil, 2007.
43 Sigmund Freud : « Les souvenirs d’enfance des hommes ne sont fixés qu’à un âge avancé (le plus souvent à l’époque de la puberté), et qu’ils subissent alors un processus de remaniement compliqué, tout à fait analogue à celui de la formation des légendes d’un peuple sur ses origines. » Cinq psychanalyses, PUF, 1970, p. 233.
44 Freud : « Or le hasard, qui peut contribuer à la formation d’un symptôme, comme les termes mêmes d’une phrase à la formation d’un mot d’esprit… », ibid., p. 236.
45 Claude Lévi-Strauss, « L’efficacité symbolique », Les Structures élémentaires de la parenté, PUF, 1949.
46 L’ouvrage L’Anthropologie de Lévi-Strauss et la psychanalyse, d’une structure l’autre, assemble différents points de vue qui donnent un riche aperçu des questions soulevées entre les deux œuvres. Recherches, La découverte, 2008.
47 Harald Szeemann écrivait, en 1972, dans la préface au catalogue de la documenta 5 : « Les mythologies individuelles en tant que champs de la création subjective des mythes, soutenant une revendication de validité générale par la formulation picturale ». Ce terme a été utilisé en 1963, en relation avec les plans « internes » au moyen desquels Étienne-Martin expliquait et définissait les grandes sculptures de son monde empirique comme « mythologies personnelles ». Harald Szeemann, Méthodologie individuelle, JPR/Ringier, 2007, p. 109.
48 Reprenant ici la question de Lacan : « En quoi l’art, l’artisanat déjoue-t-il ce qu’il en est du symptôme ? », 1976. On pourrait dire pour garder l’humour de Hodinos : chez Hodinos, la métaphore paternelle prend l’eau !
49 Voir la question du « rebroussement » dans « L’aclé des chants », Écritures en délire, Collection de l’Art Brut, Lausanne, 2004. Dans « Cahier de blanche étendue », Habiter poétiquement le monde, LaM, 2010, je différencie le chemin emprunté par Jeanne Tripier et celui de Michaux quant aux taches d’encre.
Voir aussi la postface de Jean Oury à Création et schizophrénie : « Corrélation entre sublimation et subliminaire, là où le vide “s’aesthésise”, se courbe dans une juste mesure. Cet espace est celui de “l’artiste”, rare, qui l’atteint par sa disposition particulière, et par son travail incessant, en deçà de toute intentionnalité. Dimension pré-représentative, pré-égoïque. Ce “pré” où se manifeste aussi, par une autre nécessité, la reconstruction vicariante du schizophrène après l’éclatement… C’est le même espace… », Galilée, 1989.
50 Georges Didi-Huberman cite Carl Einstein, Documents, 1929, n° 1, p. 32 (repris dans Ethnologie de l’art moderne, L. Meffre, Marseille, André Dimanche, 1993, p. 17), ibid., p. 166, dans « L’image-combat », chap. 3, Devant le temps, Les Éditions de Minuit, 2000, p. 159-232.