1 Claude Lévi-Strauss, « The Structural Study of Myth », in Myth, A Symposium. Journal of American Folklore, vol. 78, n° 270, octobre-décembre 1955 ; trad. française « La structure des mythes », in Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958, p. 242.
2 Étienne-Martin, cat. exp., Berne, Kunsthalle, 2 novembre-1er décembre 1963, n. p. Après Berne, l’exposition est accueillie au Stedelijk Museum d’Amsterdam (13 décembre 1963-27 janvier 1964), puis au Stedelijk van Abbe-Museum de Eindhoven (7 février-16 mars 1964). Pour une traduction anglaise de la préface du commissaire d’exposition, voir Szeemann – with by through because towards despite – Catalogue of all Exhibitions 1957-2005, Tobia Bezzola / Roman Kurzmeyer éd., Zurich, Édition Voldemeer ; Wien, New York, Springer, 2007, p. 93-96.
3 Ibid.
4 Ibid.
5 Ibid.
6 Dans le présent article, l’expression notionnelle « mythologie individuelle » (orthographiée sans majuscules et placée entre guillemets) renvoie aux propos et conceptions de Harald Szeemann. L’appellation Mythologies individuelles (précédée d’une majuscule et placée au pluriel) désigne, elle, la section conçue par le commissaire lors de la documenta 5 et, par suite, l’héritage de Kassel. Enfin, lorsqu’il s’agit d’usages courants, le binôme apparaît sans majuscules ni guillemets.
7 Harald Szeemann, in documenta 5, cat. exp., Kassel, 30 juin-8 octobre 1972 ; trad. française dans Écrire les expositions, Bruxelles, La Lettre volée, 1996, p. 28-29. Les guillemets sont de l’auteur.
8 Harald Szeemann, « Étienne-Martin : “cela reste très mystérieux pour moi” », in Étienne-Martin – Les Demeures, cat. exp., Paris, Musée national d’art moderne, Centre Georges-Pompidou, 18 avril-11 juin 1984, p. 12. Les guillemets sont de l’auteur. Les termes « guérite », « coquille » et « amande » sont empruntés au vocabulaire d’Étienne-Martin, qui utilise ces images ainsi que celles du « chas d’une aiguille », d’une « carapace », d’une « noix » et même d’un « endocarpe » dans une lettre datée du 12 mars 1960, adressée à Frances McCann, à l’époque où celle-ci exposait la Demeure 3 dans sa galerie romaine. Significativement, Szeemann a fait reproduire ce document en fac-similé dans les trois versions du catalogue de la rétrospective de 1963. On le retrouve de nouveau, reproduit sur deux colonnes, dans le journal accompagnant l’exposition d’Étienne-Martin, que le commissaire a organisée en 1988, dans la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière (voir p. 6 et 7).
9 Ibid. Les guillemets sont de l’auteur.
10 Ibid.
11 Dans la pensée heideggérienne, l’habiter signale « la manière dont les hommes sont sur terre ». Il désigne une relation au bâti et, plus largement, à l’espace « ménagé », tel qu’il offre « une demeure au séjour des hommes » (voir Martin Heidegger, « Bâtir habiter penser » [1951] ; trad. française dans Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958, p. 175 et 189). La figure de l’habiter, qui hante toute l’œuvre d’Étienne-Martin, trouvera à se préciser dans le cours du texte.
12 Remarque d’Alain Challier à la suite d’une conférence de l’auteur, consacrée au Manteau d’Étienne-Martin (Paris, Centre Georges-Pompidou, le 14 novembre 2010).
13 Propos d’Étienne-Martin cités par Michel Ragon, in « Étienne-Martin, sculpteur abstrait, sculpteur figuratif », Jardin des Arts, n° 168, nov. 1968, p. 22.
14 Les couvertures des catalogues des expositions d’Amsterdam et de Eindhoven reproduisent la Demeure 8 (Soleil), bientôt acquise par le Stedelijk Museum d’Amsterdam. À Berne, en 1963, Le Manteau était installé non loin du plâtre original de la Demeure 2 (1958-1959) et de la Demeure 8, sculptée en 1963 dans la souche massive d’un tulipier.
15 Harald Szeemann, Écrire les expositions, op. cit., p. 50 (texte daté de 1974-1979). Les italiques sont de l’auteur.
16 Ibid.
17 Harald Szeemann, « L’extérieur décide de la mesure, l’intérieur détermine la forme », in Étienne-Martin, Paris, Adam Biro, 1991, p. 7-15. Dans son texte, le commissaire cite longuement un article intitulé « Individuelle Mythologien », qu’il avait publié en marge de la documenta 5 (in Kunstnachrichten, IX/3, Lucerne, Freudenstadt, Vienne, novembre 1972 ; trad. française dans Écrire les expositions, op. cit., p. 29-33).
18 Harald Szeemann, « Noces d’argent », in Étienne-Martin, cat. exp. (journal), Paris, Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, Festival d’Automne, CNAP, 7 octobre-15 novembre 1988, p. 2.
19 Harald Szeemann, « L’extérieur décide de la mesure, l’intérieur détermine la forme », art. cit., p. 15. Les guillemets sont de l’auteur.
20 Voir Étienne-Martin – Une donation (Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 2008), Étienne-Martin – Collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne (23 juin-13 septembre 2010) et L’atelier d’Étienne-Martin (Musée des Beaux-Arts de Lyon, 22 octobre 2011-23 janvier 2012).
21 Je me permets de renvoyer le lecteur à mon livre Étienne-Martin, Mario Merz : des Demeures et des Igloos (Paris, L’Harmattan, 2000) ainsi qu’aux articles suivants : « La structure absolue » (in Étienne-Martin, Erik Dietman, cat. exp., Centre d’art de Tanlay, 2001, p. 8-18) et « “… ce creux habité dans le passé”. Le mythe d’origine des Demeures » (in Étienne-Martin – Collection du Centre Pompidou – Musée national d’art moderne, op. cit., p. 16-23).
22 Nathalie Heinich aborde sans concession cet aspect dans Harald Szeemann, un cas singulier – Entretien (Paris, L’Échoppe, 1995).
23 Harald Szeemann, Écrire les expositions, op. cit., p. 37.
24 Claude Lévi-Strauss, « L’efficacité symbolique », in Revue de l’Histoire des religions, t. 135, n° 1, 1949, p. 5-27 ; repris dans Anthropologie structurale, op. cit., p. 205-226 (voir p. 219, 220 et 225).
25 Jacques Lacan, Le Mythe individuel du névrosé ou Poésie et vérité dans la névrose (1952, 1955), Paris, Seuil, 2007.
26 Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, op. cit., p. 227-255 (voir p. 253).
27 Jacques Lacan, « Intervention après un exposé de Claude Lévi-Strauss à la Société française de philosophie, “Sur les rapports entre la mythologie et le rituel”, avec une réponse de celui-ci », repris dans Le Mythe individuel du névrosé, op. cit., p. 104, 105.
28 À ce propos, voir L’Anthropologie de Lévi-Strauss et la psychanalyse – D’une structure l’autre, sous la dir. de Marcel Drach et Bernard Toboul, Paris, La Découverte, 2008 (en particulier les contributions contrastées de Marc Strauss et de Markos Zafiropoulos, réunies dans la première partie de l’ouvrage).
29 Jacques Lacan, « Radiophonie » (1970) ; repris dans Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 412.
30 Georges Charbonnier, Entretiens avec Claude Lévi-Strauss, Paris, Julliard et Plon, 1961, p. 130.
31 Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 33.
32 Harald Szeemann, Écrire les expositions, op. cit., p. 37.
33 Harald Szeemann, « L’extérieur décide de la mesure, l’intérieur détermine la forme », op. cit., p. 10.
34 Entretien de Harald Szeemann avec François Mairesse, juillet 1996 ; passage reproduit dans « La quadrature de la boîte », Pratiques – Réflexions sur l’art, n° 2, Presses Universitaires de Rennes, automne 1996, p. 111, n. 16. Peu après, à l’occasion d’une conversation avec Jean-François Chougnet, Thierry Prat et Thierry Raspail, Harald Szeemann a dit d’Étienne-Martin qu’il avait « accentué [son] penchant à vouloir briser les styles à la documenta. Auparavant, il y avait toujours deux frères jumeaux inégaux, expressionnisme abstrait et géométrie, Minimal et Pop […]. Et je me suis dit alors qu’il ne fallait pas retomber dans cette polarité qui a marqué le siècle […] », in À propos de la Biennale d’art contemporain de Lyon, 1997. Entretien avec Harald Szeemann, Lyon, La Conscience du vilebrequin, 1997 ; repris dans Harald Szeemann – Méthodologie individuelle, sous la dir. de Florence Derieux, Zurich, JPR Ringier et Grenoble, Le Magasin, 2007, p. 183.
35 Il convient de distinguer ce « moment anthropologique », contemporain de la réception de la pensée lévi-straussienne, d’un « moment ethnologique », qu’incarnent les textes de Carl Einstein pour la revue Documents (1929-1930). Einstein est l’auteur d’une « étude ethnologique » de la peinture d’André Masson, dans laquelle il constate « le retour de la création mythologique », retour qu’il associe à celui « d’un archaïsme magique ou psychologique », capable d’engendrer les « formes hallucinatoires » du surréalisme, distinctes des « formes tectoniques » du cubisme. L’intérêt de Carl Einstein pour une iconographie des métamorphoses hallucinatoires ainsi que ses références au totémisme – interprété comme un processus fusionnel anthropo-zoomorphe – témoignent d’une pensée de l’art extraordinairement inventive, qui repose fatalement sur des conceptions antérieures à la révolution qu’incarne l’anthropologie structurale (voir Carl Einstein, Ethnologie de l’art moderne, Marseille, André Dimanche éd., 1993). D’autre part, on rencontre l’expression « mythologie individuelle » dans un texte de Piero Manzoni intitulé « Pour la découverte d’une zone d’images II » (Per la scoperta di una zona di immagini II). Dans ce document d’inspiration jungienne, Manzoni associe sa propre conception des mythologies individuelles aux « mythes universels préconscients », conçus comme des gisements d’images auxquels certains artistes parviendraient à accéder. Prisonniers d’une croyance révolue aux archétypes, les propos de Manzoni rappellent parfois trompeusement des déclarations de Szeemann : « […] plus nous nous immergeons en nous-mêmes, plus nous nous ouvrons, écrit par exemple l’artiste italien, parce que plus nous approchons le germe de notre totalité, plus nous approchons le germe de la totalité de tous les hommes. Nous pouvons donc dire que l’invention subjective est le seul moyen de découverte des réalités objectives, le seul qui donne aux hommes la possibilité de communiquer entre eux. Mythologie individuelle et mythologie universelle finissent par s’identifier ». Imprimé sur une feuille simple, le court texte de Manzoni, qui date probablement de 1957, n’a pas fait l’objet, à l’époque, d’une diffusion éditoriale. Voir Piero Manzoni, Contre rien, Paris, Éditions Allia, 2002, p. 7-12.
36 « Entretien d’Étienne-Martin avec Emmanuelle Chevrière », in Étienne-Martin, cat. exp., Musée des Sables-d’Olonne, Cahiers de l’Abbaye Sainte-Croix, n° 70, 29 juin-30 septembre 1991, p. 21.
37 Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, op. cit., p. 223 et 225 (où l’anthropologue écrit : « tout mythe est une recherche du temps perdu »).
38 « Entretien d’Étienne-Martin avec Jean-Pierre Rehm », in Étienne-Martin, cat. exp., Musée de Valence, 26 mai-6 septembre 1992, p. 12.
39 Propos du sculpteur cités par Michel Ragon, in Étienne-Martin, Bruxelles, La Connaissance, 1970, p. 20.
40 « Entretien d’Étienne-Martin avec Jean-Pierre Rehm », art. cit., p. 12.
41 Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, op. cit., p. 231 ; La Pensée sauvage, op. cit., p. 38.
42 « Entretien d’Étienne-Martin avec Chrystèle Burgard », in Étienne-Martin, Valence, op. cit., p. 104.
43 Voir Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, op. cit., p. 254 ; La Pensée sauvage, op. cit., p. 313.
44 Propos cités par Irmeline Lebeer, in « Le grand jeu d’Étienne-Martin », Chroniques de l’art vivant, n° 48, avril 1974, p. 6. C’est moi qui souligne.
45 Voir en particulier « “… ce creux habité dans le passé”. Le mythe d’origine des Demeures », art. cit., p. 20-22.
46 Propos cités par Dominique Le Buhan, in Les demeures-mémoires d’Étienne-Martin, Paris, Herscher, 1982, p. 34.
47 Ibid.
48 Dans une note manuscrite (Archives Étienne-Martin, m-36), le sculpteur écrit pudiquement : « La Chambre des Fleurs, qui est la lointaine et mystérieuse époque de la petite enfance de ce petit garçon aux cheveux trop longs, et que j’hésite à nommer “moi”. Dans la maison, il y a des présences intangibles – “le Lieutenant”, premier mari de ma mère, dont tout le monde parle à mi-voix. Il y a telle et telle photo de lui, et puis mon père, de lui on parle à haute voix, mais il n’est pas là, mais au “front”, lieu vague. Ils ont un point commun : nous prions pour eux. » Les guillemets sont de l’auteur.
49 Donald Woods Winnicott, Jeu et réalité. L’espace potentiel (1971), Paris, Gallimard, 1975, p. 131. Les italiques sont de l’auteur.
50 Daniel Payot, « L’événement de demeurer », in Étienne-Martin, Valence, op. cit., p. 66.
51 Propos cités par Irmeline Lebeer, art. cit., p. 7.
52 « Le Manteau, c’est la même chose que la Demeure 10 ou que l’Abécédaire : il résume tout le reste. Sur cette épaule-ci, vous avez la figuration de la Demeure 3 et sur l’autre, celle de la Nuit ouvrante. Derrière, c’est la figuration du Lanleff [Demeure 4]. […] Il porte la mémoire de tout le reste ! », in Irmeline Lebeer, art. cit., p. 9.
53 Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, op. cit., p. 254. Les italiques sont de l’auteur.
54 Ibid., p. 248.
55 Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, op. cit., p. 287. Le fragment que je cite clôt le premier paragraphe du chapitre VIII, intitulé « Le temps retrouvé ».
56 Ibid., p. 219.
57 Ibid.
58 Ibid., p. 220. On rencontre la notion de système symbolique singulier à propos du statut sémiotique non linguistique de l’œuvre d’art chez Nelson Goodman dans Manières de faire des mondes (Arles, Jacqueline Chambon [1978], 1984, p. 66). D’autre part, c’est délibérément que j’ignore la symbolique ésotérique que l’on repère çà et là dans l’œuvre d’Étienne-Martin. Selon les œuvres et les périodes, cet aspect existe à des degrés divers, témoignant de la culture et des convictions d’un lecteur précoce des mystiques et de René Guénon, qui fit même un temps partie du groupe rassemblé autour de Gurdjieff. Cela dit, le sculpteur n’a cessé de relativiser l’importance, pour autrui, de ces références allusives. Lorsqu’on l’interrogeait à propos d’ésotérisme, il se montrait d’ailleurs prudent, confiant tout au plus : « c’est un truc à moi », puis, se référant elliptiquement à « des situations qui [lui] semblaient pouvoir être mises en œuvre », il ajoutait immédiatement : « Mais ça n’allait pas chercher plus loin » (« Tentatives d’approches – Propos recueillis par Geneviève Breerette », in Étienne-Martin, Paris, Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, op. cit., p. 2). Il est intéressant de remarquer ici que Lévi-Strauss rapproche la pensée sauvage, « rompue à tous les exercices de la spéculation », de celle « des hermétiques de l’Antiquité et du Moyen Âge » (in La Pensée sauvage, op. cit., p. 57). Récemment, deux auteurs ont abordé la question du symbolisme ésotérique chez le sculpteur : voir Jean-Paul Ameline, « Étienne-Martin dans le champ élargi de la sculpture », in Étienne-Martin – Collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, op. cit., p. 8-15, et Jacques Beauffet, « Aux origines de l’œuvre, la Tradition », in L’atelier d’Étienne-Martin, op. cit., p. 21-27.
59 Propos cités par Marie-Thérèse Maugis, in « Entretiens sur l'art actuel. Étienne-Martin », Les Lettres françaises, 1er octobre 1964.
60 Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, op. cit., p. 225-226.
61 Harald Szeemann, Écrire les expositions, op. cit., p. 13 (texte daté de 1980). Les guillemets sont de l’auteur ; c’est moi qui souligne.
62 « Je ne m’intéresse qu’à la conscience divergente, parce que c’est là seulement que se trouvent les énergies utopiques », déclare, par exemple, Szeemann (propos cités par Michel Baudson dans sa préface à Écrire les expositions, op. cit., p. 10).
63 Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, op. cit., p. 291.
64 Michel Ragon, « Étienne-Martin, sculpteur abstrait, sculpteur figuratif », art. cit., p. 18.
65 Ibid., p. 22.
66 Christophe Boulanger, « Capital d’absence », in Habiter poétiquement le monde, cat. exp., Lille Métropole, Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut (LaM), 25 septembre 2010-30 janvier 2011, p. 136-137.
67 « […] et surtout cela n’a rien de nouveau ni d’original, chose à laquelle je tiens beaucoup », écrit Étienne-Martin dès 1960, dans une lettre adressée à Frances McCann (voir la note 8).