1 Pour une synthèse des divers individualismes, voir l’ouvrage de Gisèle Souchon, Les grands courants de l’individualisme, Paris, Armand Colin, 1998, 95 p., dans lequel l’auteure propose de distinguer « trois principaux courants qui rassemblent les différentes théories individualistes : l’individualisme bourgeois qui a donné naissance au libéralisme, l’individualisme anarchiste radical et intransigeant ; et enfin l’individualisme aristocratique » (ibid., p. 7).
2 Louis de Bonald, Théorie du pouvoir politique et religieux, dans la société civile, démontrée par le raisonnement et par l’Histoire (1796), Paris, Union Générale d’Édition, 1965, p. 28 (je souligne).
3 Louis de Bonald, Théorie du pouvoir politique et religieux, op. cit., 1796, p. 61.
4 Joseph de Maistre, « Analogies tirées du pouvoir temporel », in Du Pape (1819), in Œuvres, Lyon, Rusand, 1814-1951, dix volumes (consulté en ligne sur Gallica le 12 avril 2011).
5 Voir en particulier ces propos de Louis de Bonald : « L’amour est esprit et corps, puisqu’il est pensée et action : il ne peut donc être rendu extérieur ou manifesté que par un esprit uni à un corps, par un homme. Il s’éleva dans un homme, et cet homme fut l’amour général de la société, puisqu’il appartint à la fois à sa volonté générale dont il manifesta les ordres, et à la force générale dont il dirigea l’action. Ainsi l’amour, dans la société comme dans l’homme, fut le nœud, l’intermédiaire de la partie intelligente et de la partie matérielle ; et cet homme s’appela monarque, parce qu’il ordonna seul, et roi, parce qu’il dirigea la force publique. Il fut l’amour général ou de conservation, c’est-à-dire l’amour des autres, parce qu’il personnifia la société, ou le prochain en général, à l’égard de chaque homme en particulier. L’amour des hommes est pouvoir conservateur, lorsqu’il agit par la force ou la puissance : cet homme-roi fut donc le pouvoir conservateur lorsqu’il dirigea la force générale ou publique. ». Op. cit., p. 18.
6 Saint-Simon, « Nouveau christianisme. Dialogue entre un conservateur et un novateur (1825) », in Écrits politiques et économiques, Paris, Pocket, 2005, p. 508 (édition établie par Juliette Grange).
7 Pierre Leroux, « De l’individualisme et du socialisme (1834) », in L’Égalité, Paris/Genève, Slatkine, 1996, p. 62.
8 Ibid., p. 61.
9 Ibid., p. 62-63.
10 Id.
11 Voir à ce propos Augustin Bonnetty, « Histoire du Saint-Simonisme », in Annales de philosophie chrétienne, tome XI, n° 35, 1835, Bibliothèque de l’Arsenal, Paris, fonds Enfantin, p. 349.
12 Voir sur cette aventure l’article d’Antoine Picon, « L’utopie-spectacle d’Enfantin. De la retraite de Ménilmontant au procès et à l’“année de la Mère” », in Le Siècle des saint-simoniens, Du Nouveau Christianisme au Canal de Suez, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2006, p. 68-99. Les propositions d’Enfantin oscillent entre revendications émancipatrices et propositions confuses, dont, notamment, celle dénoncée par son opposant Saint-Amand Bazard que le prêtre ou la prêtresse devait susciter une intimité sexuelle « entre lui et ses inférieurs, soit comme moyen de satisfaction pour lui-même, soit dans le but, en déterminant de la part des inférieurs un plus grand attrait pour sa personne, d’exercer une influence plus directe et plus vive sur leurs sentiments, leurs pensées, leurs actes, et par conséquent sur leur progrès ». Saint-Amand Bazard cité par Augustin Bonnetty, « Histoire du Saint-Simonisme », art. cit. p. 331.
13 Charles Fourier, La Fausse industrie, morcelée, répugnante, mensongère et l’antidote. L’industrie naturelle, combinée, attrayante, véridique donnant quadruple produit et perfection extrême en toutes qualités, Paris, Bossange père, 1836, 840 p.
14 Charles Fourier, Traité de l’Association domestique-agricole ou « attraction industrielle », Londres, Martin Bossange et Comp. 1822, vol. 1, p. 3, réédité sous le titre La Théorie de l’unité universelle, Dijon, Les Presses du réel, 2001.
15 « Le lien sociétaire, écrit Fourier, ne peut s’établir que par emploi du procédé nommé “séries contrastées”, associant passion et industrie, intérêts collectifs et individuels, et créant l’Attraction industrielle, amorce au travail productif, métamorphose du travail en plaisir. » in Traité de l’Association domestique-agricole ou « attraction industrielle », op. cit., p. 3.
16 Ibid., p. 1333.
17 En dehors du contexte français, on s’intéressera également à Max Stirner dont l’ouvrage, L’Unique et sa propriété (1845), suscita également un très fort intérêt en France. Voir Max Stirner, L’Unique et sa propriété (1845), Loverval, Éditions Labor, 2006, 505 p.
18 Parmi ces expériences, signalons par exemple celle décrite par Michel Vernus in « Les Fouriéristes et les fruitières comtoises », in Cahiers Charles Fourier, n° 2, décembre 1991.
19 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, I (1835), Paris, Folio/histoire, 2008, p. 37.
20 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, II (1840), Paris, Folio/histoire, 2008, p. 143.
21 « L’égoïsme dessèche le germe de toutes les vertus, l’individualisme ne tarit d’abord que la source des vertus politiques ; mais à la longue, il attaque et détruit toutes les autres et va enfin s’absorber dans l’égoïsme. », Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, II op. cit., p. 144.
22 Ibid., p. 145.
23 En 1848, en préface à la huitième édition de son premier tome, Tocqueville écrit : « Le développement graduel de l’égalité est un fait providentiel. Il en a les principaux caractères : il est universel, il est durable, il échappe chaque jour à la puissance humaine, tous les événements comme tous les hommes ont servi à son développement. Serait-il sage de croire qu’un mouvement social qui vient de si loin puisse être suspendu par une génération ? Pense-t-on qu’après avoir détruit la féodalité et vaincu les rois, la démocratie reculera devant les bourgeois et les riches ? S’arrêtera-t-elle maintenant qu’elle est devenue si forte et ses adversaires si faibles ? », in De la démocratie en Amérique, I, op. cit., p. 34.
24 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, op. cit., II, p. 154-155.
25 Mona Ozouf, Composition française, retour sur une enfance bretonne, Paris, Gallimard, 2009, p. 208.
26 Id.
27 « L’habitant des États-Unis apprend dès sa naissance qu’il faut s’appuyer sur soi-même pour lutter contre les maux et les embarras de la vie : il ne jette sur l’autorité sociale qu’un regard défiant et inquiet, et n’en appelle à son pouvoir que quand il ne peut s’en passer. », Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, op. cit., II, p. 287.
28 Jean-Paul Bouillon, « Sociétés d’artistes et institutions officielles dans la seconde moitié du XIXe siècle », in Romantisme, n° 54, 1986, p. 89-113.
29 Ibid., p. 93.
30 Jean-Paul Bouillon donne les chiffres suivants : 794 œuvres en 1791, 3 182 en 1831, 5 180 en 1848 quand le jury est temporairement supprimé. Ibid., p. 91.
31 Ibid., p. 91.
32 Fondée en 1884, trois ans après l’abandon du Salon par l’État, deux ans après l’autorisation des syndicats, cette association d’artistes revendiquant d’organiser des expositions sans jury préalable ni remise d’aucun prix, est suivie par la création d’autres associations du même type à travers l’Europe – voir par exemple la Libre Esthétique de Bruxelles (1894-1914), le Cercle Pour l’Art d’Anvers (1892), les Sécessions de Munich (1892), de Vienne (1897) et de Berlin (1899).
33 Titre emprunté à Françoise Lucbert, qui nomme ainsi l’un des chapitres de son ouvrage Entre le voir et le dire : la critique d’art des écrivains dans la presse symboliste en France de 1882 à 1906, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 121. Je renvoie le lecteur à cet ouvrage et à ce chapitre, d’où j’extrais certaines des données qui suivent.
34 Jean-Paul Bouillon, art. cit., p. 97.
35 Ibid., p. 90.
36 Id.
37 Ibid., p. 99.
38 Cité par Jean-Paul Bouillon, art. cit., p. 94.
39 Auguste-Louis-Maris Ottin, Organisation des arts du dessin (1870), cité par Jean-Paul Bouillon, art. cit., p. 95.
40 Ibid., p. 105.
41 Ibid., p. 107.
42 Voir à ce propos l’article de Camille Mauclair, « Lettre sur l’individualisme », in Essais d’art libre, T. II, n° 11, décembre 1892, p. 244.
43 Hippolyte Taine, « De la nature de l’œuvre d’art », in Philosophie de l’art, Paris, Fayard, 1985, 560 p.
44 On sait par exemple que Gauguin et Rimbaud portaient un profond mépris à Taine et à ses thèses. Sur ce point, voir Relire Taine, Paris, Musée du Louvre/École nationale supérieure des beaux-arts, 2001 (sous la direction de Matthias Waschek).
45 Vincent Van Gogh, « Lettre à Émile Bernard » (1888), cité par Jean Clay, L’Impressionnisme, Paris, Hachette réalités, 1979, p. 159.
46 Vincent Van Gogh, « Lettre à Théo, 29 mai 1888 », in Lettres à son frère Théo, Paris, Grasset, Les Cahiers rouges, 1990, p. 175-176.
47 Id.
48 Vincent Van Gogh, « Lettre à Théo, 6 juin 1888 », ibid., p. 181.
49 Rappelons ici, sans en faire autre chose qu’un simple écho, que Gauguin est le petit-fils de Flora Tristan, elle-même auteure d’ouvrages dont L’Union ouvrière (1843), qui propose, à la suite de Saint-Simon, Owen et Fourier, une nouvelle forme d’organisation sociale fondée sur « l’union universelle des ouvriers et des ouvrières » dont le site est un « Palais de l’union ouvrière » d’inspiration fouriériste. Voir Flora Tristan, L’Union ouvrière (édition de 1844), Paris, CNRS/Éditions des femmes, 1986, 365 p. Gauguin écrit d’elle dans ses « Souvenirs de jeunesse » : « Ma grand-mère était une drôle de bonne femme. Elle se nommait Flora Tristan. Proudhon disait qu’elle avait du génie. N’en sachant rien, je me fie à Proudhon. / Elle inventa un tas d’histoires socialistes, entre autres l’Union ouvrière. Les ouvriers reconnaissants lui firent dans le cimetière de Bordeaux un monument. / Il est probable qu’elle ne sut pas faire la cuisine. Un bas-bleu socialiste, anarchiste. On lui attribue d’accord avec le père Enfantin le Compagnonnage, la fondation d’une certaine religion, la religion de Mapa dont Enfantin aurait été le dieu Ma et elle, la déesse Pa. / Entre la vérité et la fable je ne saurai rien démêler et je vous donne cela pour ce que cela vaut. Elle mourut en 1844 : beaucoup de délégations suivirent son cercueil. » Paul Gauguin, in Oviri, op. cit., p. 270.
50 Thomas Carlyle, Cathédrales d’autrefois et usines d’aujourd’hui, Passé et Présent (1843), Paris, Éditions de la revue blanche, 1901, p. 1 (traduction par Camille Bos).
51 Ibid., p. 32.
52 Ibid., p. 35. En 1840, Flora Tristan, déjà, comparait le sort réservé aux ouvriers des usines de coke, qui, passant de l’extrême chaleur au froid, devenaient rapidement poitrinaires, à celui, bien plus heureux, des chevaux : « En Angleterre, lorsque les chevaux arrivent à la poste, on s’empresse de leur jeter une housse sur les reins, d’essuyer leur sueur, de leur laver les pieds ; puis on les fait entrer dans une écurie bien close, garnie de litière bien sèche. » in Promenades dans Londres (1842), Paris, Indigo & côté Femmes éditions, 2001, p. 68.
53 Thomas Carlyle, Cathédrales d’autrefois et usines d’aujourd’hui, Passé et Présent (1843), op. cit., p. 38.
54 Ibid., p. 56. Carlyle développe notamment sa notion de héros à partir de la correspondance suivie qu’il effectue avec Goethe, qu’il traduit très tôt.
55 Id.
56 Voir l’ouvrage de Sir Herbert Grierson, Carlyle and Hitler, Folcroft library, 1973, 40 p.
57 Thomas Carlyle, Cathédrales d’autrefois et usines d’aujourd’hui, Passé et Présent (1843), op. cit., p. 70.
58 Ibid., p. 247.
59 Ibid., p. 242.
60 Ibid., p. 247.
61 Id.
62 Karl Marx, « Notes de lecture », in Économie et philosophie (1844), in Œuvres, Paris, Gallimard, La Pléiade, tome II, 1979, p. 22, cité par Dominique Méda dans son ouvrage Le Travail, une valeur en voie de disparition, Paris, Aubier, 1995, p. 103.
63 Dominique Méda, Le Travail, une valeur en voie de disparition, op. cit., p. 103.
64 C’est Frédéric Harrison, qui consacre au début du XXe siècle une étude à Ruskin, qui définit ainsi la Société de Saint-Georges : « La Société de Saint-Georges n’est pas une Utopie sociale telle que l’auraient imaginée Platon, Dante, Sir Thomas More ou J. J. Rousseau ; c’était bien réellement un corps constitué de réformateurs pratiques auxquels un homme de génie avait consacré sa fortune, son énergie, sa réputation, son existence entière (…). Elle était animée d’une grande ferveur religieuse, sans autre dogme consistant qu’un théisme à demi biblique, à demi artistique. » in John Ruskin, 1819-1900, Paris, Mercure de France, 1909, p. 258. Harrison poursuit ainsi : « C’était du socialisme, puisqu’il s’agissait de détourner toutes productions de l’usage individuel pour les réserver à l’usage public (…). » (id.)
65 Par ailleurs, dans les statuts de sa Société, Ruskin édicta de nombreuses lois, dont celle-ci, qu’il est difficile de ne pas citer : l’usage du vin était autorisé mais seulement s’il avait dix ans d’âge.
66 John Ruskin, seconde conférence de La Couronne d’Olivier sauvage, cité par Frédéric Harrison, op. cit., p. 96.
67 Thomas Carlyle, Cathédrales d’autrefois et usines d’aujourd’hui, Passé et Présent (1843), op. cit., p. 247.
68 John Ruskin cité par Frédéric Harrison, John Ruskin, 1819-1900, op. cit., p. 97.
69 William Morris, Nouvelles de nulle part (News from nowhere, 1890), Paris, Aubier, 1957, p. 225 (traduction V. Dupont).
70 William Morris, Nouvelles de nulle part (News from nowhere), op. cit., p. 161. Les cités-jardins de William Morris ne sont évidemment pas sans rappeler la description par Thomas More des villes d’Utopie : « Derrière et entre les maisons se trouvent de vastes jardins. Chaque maison a une porte sur la rue et une porte sur le jardin. Ces deux portes s’ouvrent aisément d’un léger coup de main, et laissent entrer le premier venu. / (…) Les habitants des villes soignent leurs jardins avec passion ; ils y cultivent la vigne, les fruits, les fleurs et toutes sortes de plantes. Ils mettent à cette culture tant de science et de goût, que je n’ai jamais vu ailleurs plus de fertilité et d’abondance réunies à un coup d’œil plus gracieux. Le plaisir n’est pas le seul mobile qui les excite au jardinage ; il y a émulation entre les différents quartiers de la ville, qui luttent à l’envi à qui aura le jardin le mieux cultivé. Vraiment, l’on ne peut rien concevoir de plus agréable ni de plus utile aux citoyens que cette occupation. Le fondateur de l’empire l’avait bien compris, car il appliqua tous ses efforts à tourner les esprits vers cette direction. » in Thomas More, L’Utopie (1516), Paris, Éditions sociales, 1996, p. 43 (traduction Victor Stouvenel).
71 William Morris, Nouvelles de nulle part (News from nowhere), op. cit., p. 275. Il ne faudrait pas penser pour autant qu’il s’agit d’un plaidoyer pour le seul travail à la main contre la machine. Morris poursuit en effet ainsi : « Tout ouvrage qu’il serait fastidieux de faire à la main est exécuté par des machines extrêmement perfectionnées ; et pour tout ouvrage qu’il est agréable de faire à la main, on se passe des machines. »
72 Ibid., p. 283.
73 William Morris, « Les Arts Mineurs (1877) », in Contre l’art d’élite, Paris, Hermann, 1985, p. 10.
74 Ibid., p. 11.
75 Ibid., p. 32.
76 Voir à ce propos le livret de David Saxby, William Morris at Merton, Londres, Museum of London Archeology Service, 1996, 26 p.
77 Nous reprendrons ce point dans le chapitre consacré au Bauhaus.
78 Voir Charles Harvey et Jon Press, William Morris: design art and enterprise in Victoria England, New York/Manchester, Manchester University Press, 1991, 257 p.
79 Charles Gide, cité par André Gueslin, L’Invention de l’économie sociale, Le XIXe siècle français, Paris, Economica, 1987, p. 5.
80 Robert Owen a détaillé ses projets dans quatre essais rédigés en 1816 et réunis et traduits sous le titre Nouvelle vision de la société, Lyon, Atelier de création libertaire, 2012, 125 p. (traduction française par Nathalie Rosset).
81 Texte cité par André Gueslin, L’Invention de l’économie sociale, op. cit., p. 28.
82 Sur « l’idéal de communauté » de William Morris, voir Ana Vaninskaya, William Morris and the Idea of Community, Romance, History and Propaganda, 1880-1914, Edinburgh, Edinburg University Press, 2010, 232 p.
83 William Morris, « Comment je suis devenu socialiste », in Justice, 16 juin 1894, cité par Robert Camoin, Art, littérature, socialisme et utopie chez William Morris, Arles, éditions Sulliver, 2001, p. 41.
84 W. Morris et B. Bax, Manifest of the Socialist League, cité par Robert Camoin, Art, littérature, socialisme et utopie chez William Morris, op. cit., p. 45. La Socialist League connaîtra des luttes internes entre collectivistes, parlementaristes souhaitant faire chuter la monarchie, et anarchistes, ces derniers l’emportant finalement à la fin de la décennie 1890.