1 Alain Lottin (dir.), Histoire de Boulogne-sur-Mer, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1983. Cette histoire a été republiée par les éditions Le Téméraire en 1998. Le texte relatif à la culture et aux sciences au XIXe siècle signé par Yves-Marie Hilaire apporte à peine davantage qu’une galerie de portraits, p. 289-303. Aussi, du point de vue local, c’est sans doute la première raison qui justifie la publication des actes du colloque sur et autour de la figure d’Ernest Hamy.
2 J’ai dépouillé les bulletins de la société académique de l’arrondissement boulonnais de 1863 à 1908. Sauf indications contraires, les informations données proviennent de ces documents.
3 Dictionnaire historique et archéologique du département du Pas-de-Calais, Commission départementale des monuments historiques, 1978 (1re éd. en 1880 à Arras), t. I, p. 372-381 ; Pierre Héliot, Histoire de Boulogne et du Boulonnais, Lille, Émile Raoust, 1937.
4 Georges Oustric, « Un siècle de croissance économique » dans Alain Lottin (dir.), Histoire de Boulogne-sur-Mer, 1998, p. 212-3.
5 Ibid., p. 224.
6 Il serait intéressant de connaître l’appartenance politique et religieuse de ces membres. Dans les années 1870, tous ne faisaient pas partie de la mouvance républicaine. Ainsi l’abbé Haigneré fut évincé des archives municipales par le maire Auguste Huguet, tandis que les deux personnages étaient pourtant co-fondateurs de la société académique. Il conviendrait de voir comment élites anciennes et nouvelles cohabitèrent à l’intérieur de la ville et de ses institutions.
7 Sur ces institutions, Jean-Pierre Chaline, Sociabilité et érudition. Les sociétés savantes en France, Paris, Éditions du CTHS, 1998. Au début des années 1860, à l’époque où celle de Boulogne fut créée, il en existait 390 en France, p. 49.
8 Les liens entre les uns et les autres s’illustrent dans le fait que les savants du muséum d’histoire naturelle de Paris créent une école de « voyageurs naturalistes » qui recrute ses élèves sur concours, leur dispense un enseignement et les munit d’un manuel d’instruction intitulé « Instructions pour les voyageurs et pour les employés dans les colonies sur la manière de recueillir, de conserver et d’envoyer des objets d’histoire naturelle ». Dans l’édition de 1860, apparaît un chapitre consacré à l’anatomie comparée et un chapitre consacré à l’anthropologie, Anne-Gaëlle Weber, À beau mentir qui vient de loin. Savants, voyageurs et romanciers au XIXe siècle, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 107-108.
9 Le rôle de Boulogne en tant que port corsaire et militaire fut à ce titre important. Le projet de Napoléon d’envahir l’Angleterre permit l’existence d’une flotte à Boulogne-sur-Mer entre 1803 et 1805. Des militaires de Boulogne ou formés à Boulogne figurent parmi les donateurs du musée de Boulogne. Ducampe de Rosamel, père, vice-amiral, avait donné des pièces archéologiques égyptiennes en 1834. Il était originaire de Frencq, près de Boulogne-sur-Mer, ville où avaient vécu ses aïeux. Au sujet d’autres de ses dons, voir le travail de G. Etesse publié dans ce volume. Autre donateur de renom, Abel Aubert Du Petit Thouars (1793-1864) commença sa carrière comme mousse dans la flotte de Boulogne. Bien qu’originaire de la Loire, ce capitaine de frégate plus tard vice-amiral, n’oublia pas le port de ses débuts et effectua des dons d’objets de collection au musée en 1840. Hamy écrivit un article sur ces pièces. Ces découvertes profitèrent également des expéditions militaires françaises, particulièrement celle organisée au Mexique (1864-1867). Mais ces voyages au long cours ne furent pas seulement animés par des militaires informés des intérêts de la science. L’exploration du savant entendait également approprier le monde par la science, sur ce thème, Anne-Gaëlle Weber, op. cit., p. 106 et suiv.
10 En témoigne le fait que grâce à la générosité des Boulonnais, aux trouvailles faites lors de fouilles archéologiques boulonnaises entreprises par la société d’agriculture en 1823, les collections passèrent de 2 600 pièces environ à son ouverture en 1825 à près de 17 000 trois ans plus tard, Association GRHAAL-Département d’Histoire de l’Université du Littoral-Côte d’Opale, « Du séminaire à l’université. Mémoire d’un lieu », Boulogne-sur-Mer, 2009, p. 9.
11 Marc Desti, « Une vie entre l’Égypte et la France » dans Des dieux, des tombeaux, un savant, Paris, Somogy Édition d’art, 2004, p. 19.
12 Article de Virginie Caron et de Jean-Louis Podvin dans ce volume.
13 D’ailleurs, tous ces personnages de renom y étaient rattachés à un titre ou à un autre.
14 De façon durable et bien au-delà du milieu boulonnais si l’on en juge par les propos de Henry Bordeaux, de l’Académie française, qui fit plusieurs voyages en Égypte au début des années 1920 et au début des années 1930. À Sakkarah, il déjeuna dans la maison de Mariette et affirma lors de son départ : « si je cherche à résumer dans une vision mon court voyage, c’est la maison de Mariette que je revois au bord du désert, – de Mariette, l’explorateur de la mort… », Henry Bordeaux, Le sphinx sans visage, Marseille, Éditeur F. Detaille, 1946, p. 56.
15 En 1871, Théodore Hamy, le père d’Ernest, est élu trésorier de la société. Par ailleurs, Jacques-François Hamy est notaire à Boulogne de 1786 à 1818, Charles-François Hamy, de 1818 à 1820, François Hamy de 1820 à 1829 et Guéry-Hamy à partir de 1870, Bulletin de la société académique de l’arrondissement boulonnais, session du 8/1/1873.
16 Il meurt en 1875 et la société décerne une médaille d’honneur à ce pharmacien de première classe, au dévouement incessant lors des épidémies de choléra.
17 Les différentes générations d’intellectuels sont d’abord le produit de l’évolution des systèmes d’enseignement, Christophe Charle, Les intellectuels en Europe au XIXe siècle, Paris, Éd. du Seuil, 1996, p. 367.
18 Cette double activité prépare sans doute Hamy à jouer un rôle d’intermédiaire entre une communauté plus ou moins définie de voyageurs, érudits, vendeurs, collectionneurs d’un côté, et de l’autre la communauté scientifique et entre les institutions parisiennes et boulonnaises (aussi bien pour l’exposition des pièces que pour la circulation de l’information).
19 En 8e il obtient sept prix, dont celui d’excellence.
20 Sur l’attractivité des universités parisiennes et la croissance du rôle culturel de la capitale à la fin du XIXe siècle, notamment grâce au contrôle de la production imprimée et à la centralisation du marché de l’art, voir C. Charle, Paris, fin de siècle. Culture et politique, Paris, Éd. du Seuil, 1998, p. 29-48.
21 L’existence de ce groupe et la création de cette société renvoient à un problème de la définition de cette élite intellectuelle. Est-ce un groupe à part, avec des valeurs propres différentes de celles des autres groupes ? L’étude sociale des intellectuels prend place par ailleurs dans l’évolution sociale du XIXe siècle que l’on schématise en la réduisant au passage d’une société d’ordres, dominés par des valeurs aristocratiques à une société plus fluide, régie par des valeurs bourgeoises, Christophe Charle, Les intellectuels…, p. 22. La présence dans la société qui nous intéresse d’ecclésiastiques ne laisse pas d’être intéressante, puisque les intellectuels entendaient combattre depuis les Lumières l’Église et les hiérarchies d’Ancien Régime. Haigneré perdit son poste d’archiviste municipal, bien qu’il fît partie de la société académique et en fût un des principaux fondateurs. Il reste toutefois secrétaire perpétuel de la société académique. On voit donc ici l’intérêt d’entreprendre une étude sociale approfondie de tous les membres de la société, de leurs rapports entre eux, ainsi que vis-à-vis des idées politiques et religieuses de leur temps pour pouvoir définir les contours du groupe et sa capacité d’autonomie.
22 Division que Jean-Pierre Chaline reprend dans son livre en opposant sociétés de province et sociétés parisiennes.
23 Pierre Héliot, op. cit., p. 239.
24 Même si j’insiste beaucoup sur les circonstances locales entourant l’essor des savants boulonnais, le contexte national et européen importait aussi beaucoup. L’histoire intellectuelle du XIXe siècle est marquée par la disciplinarisation et la professionnalisation de la connaissance. À partir de 1850, s’opère une division entre les sciences sociales reflet de la diversification intellectuelle. À l’instar de l’histoire, les nouvelles disciplines émergentes dans la seconde moitié du XIXe siècle insistent sur la rigueur de la recherche et sur le besoin de savoir ce qui s’était passé en réalité. Au lendemain de la défaite contre les Allemands en 1870-1871, interprétée comme un défaut d’organisation des institutions militaires, civiles et intellectuelles françaises, la France va copier le modèle allemand dans le domaine scientifique et envoyer plusieurs jeunes historiens français compléter leur formation dans des centres de recherche et d’enseignement d’outre-Rhin qui vivent une période de renouvellement historiographique. En France, à cette époque s’impose une école dite méthodique qui entend valoriser une recherche scientifique écartant toute spéculation philosophique et visant l’objectivité absolue dans le domaine de l’histoire grâce à la description des faits. Grâce aux revues, aux établissements spécialisés, comme l’École pratique des hautes études, et aux sociétés savantes, érudits et professeurs se rapprochent, ce qui donne naissance à une communauté d’historiens qui partagent les mêmes valeurs, C. Charle, Paris…, p. 128 et suiv. On peut trouver un écho de ces changements au niveau local. Influencé par des médecins et des pharmaciens, des historiens aussi, la société académique du Boulonnais insiste souvent sur le travail en archives et sur la nécessité de l’évidence empirique à l’exemple de ce que prônent les méthodistes. Et en tant qu’institution, on voit l’effort fourni pour collecter, réunir, stocker des documents écrits et pour conserver et restaurer pièces et monuments anciens dans la ville. Cela fournit la matière première nécessaire à l’apprentissage des savants en devenir. Au-delà des descriptions de ces différents matériaux, les savants boulonnais, notamment par le biais de la comparaison, vont également développer le goût de l’interprétation dans les études historiques, archéologiques comme ethnologiques et anthropologiques. Lorsqu’il écrit un article ou une notice historique, Hamy analyse des documents d’archives, utilise des inventaires et formule des raisonnements comparatifs et déductifs. Cela explique en partie que de nombreux médecins pratiquent des recherches historiques y appliquant les méthodes nouvelles plus proches de leur activité de praticien fondée sur l’observation des malades, de recherche des traitements nécessaires.
25 Une autre activité de la société consistait à restaurer les tombes ou les édifices des hommes de science célèbres de Boulogne.
26 En 1879, Hamy et Pinart reçurent une médaille vermeil suite à l’Exposition universelle de Paris, pour leur concours dans la section de l’enseignement supérieur (sciences et lettres).
27 Depuis 1873, c’est lui en tant que maire et non plus le préfet qui établit la commission qui dirige le musée, Dictionnaire…, p. 373.
28 Yves-Marie Hilaire, « De la monarchie à la République » dans Alain Lottin (dir.), Histoire de Boulogne-sur-Mer, p. 280-1.
29 Comparaison avec les chiffres que donne J.-P. Chaline, op. cit., p. 141-3.
30 Pour donner une idée de l’influence des membres de la société : membres honoraires, Ernest Desjardins, de Douai, académicien, parmi les donateurs de livres, notamment un travail sur les missions de Mariette, également membre honoraire de la société, Hamy et Pinart, membres correspondants de la société, Edmont Dupont, chevalier de la légion d’honneur, chef de section aux archives, nommé officier d’académie en 1877, membre correspondant de la société. Autre membre honoraire, l’ancien président de la société géologique de France et président de celle du Nord, Gosselet, premier titulaire de la chaire de géologie de la Faculté des sciences de Lille en 1864 et fondateur de la Société géologique du Nord en 1870.
31 Pour recueillir tous les documents relatifs à la ville, Hamy fonde la commission du vieux Boulogne.
32 Allocution de Sauvage dans les pages du bulletin.
33 À partir de 1886, il fut secrétaire de la section de géographie historique. En 1888, la société de géographie l’appelle à la présidence de la commission centrale, et, en 1896, à la présidence de la société. Merci à Jean-Louis Podvin d’avoir attiré mon attention sur ce dernier fait.
34 Sur ces deux personnages, Jean Estèbe, Les ministres de la République, 1871-1914, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1982.
35 Il faudrait conduire une longue enquête sur les affinités politiques et religieuses de ces personnages afin de vérifier si des convergences existaient entre eux dans d’autres domaines que celui de la science.
36 L’étude exhaustive de sa correspondance devrait permettre d’éclairer cet aspect.
37 Comme autres co-fondateurs apparaissent Brasseur de Bourbourg, Rosny et Alfred Maury, Daniel Schávelzon, « La arqueología del imperialismo : la invasión francesa a México (1864-1867) », Mesoamérica, numéro 28, 15e année, 1994, p. 321-335.
38 Depuis les désastres de 1870-71, le ministre de l’instruction publique dit que les sociétés savantes de provinces ont un rôle accru.
39 Eugène Hermant, qui a servi d’intermédiaire, est élu à l’unanimité des suffrages, membre correspondant de la société.
40 Il faudrait explorer les relations scientifiques entre Boulogne et Lille, et au-delà avec les ports et les villes d’Angleterre et d’Allemagne, au premier chef, pour enrichir notre connaissance de ces dynamiques.
41 En 1851, les collections comptent déjà 33 422 pièces ; elles en compteront plus de 55 000 en 1898. Mariette avait fait de même en faisant bénéficier le musée de près de 150 pièces (chiffres figurant au musée de la ville). Le gros des collections d’archéologie locale était issu de dons d’Hamy, Sauvage et Haigneré, Association GRHAAL-Département d’Histoire de l’Université du Littoral-Côte d’Opale, « Du séminaire à l’université. Mémoire d’un lieu », Boulogne-sur-Mer, 2009, p. 11.
42 Pour plus de détails, voir le texte de Gaëlle Etesse dans ce volume.
43 Pour cette année 1884, Ernest Hamy avait d’ailleurs passé toutes ses vacances à Boulogne et avait consacré beaucoup de son temps à la fouille archéologique.
44 Sur la relation entre les deux personnages, voir le texte d’Anne-Laure Gerbert compris dans ce volume.
45 Ibid.
46 Ibid.
47 Dans les années 1870, quelques explorateurs fréquentent le muséum pour y acquérir des connaissances qui devaient leur permettre de faire en voyage des observations profitables à la science. Hamy les recevait et les écoutait au laboratoire d’anthropologie qui devint le lieu de rendez-vous de ceux qui préparaient des expéditions lointaines. Hamy leur donnait des conseils, R. Verneau, « Le professeur E.T. Hamy dans son laboratoire », Journal de la société des Américanistes, 1908, vol. 5, p. 142-145. Émile Sauvage se fait aussi l’écho des liaisons épistolaires d’Hamy avec les voyageurs et les explorateurs. Quand il s’occupait d’une mission, il ne la lâchait pas, Bulletin de la société académique de l’arrondissement boulonnais, 1908-1909.
48 Voir le texte de Pascal Riviale contenu dans ce volume sur les relations entre Boban et Hamy.
49 Douglass North, Institutions, Institutional Changes and Economic Performance, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
50 À l’heure où des conflits, à la fois scientifiques et de valeurs politiques, opposaient les partisans de l’ethnographie aux tenants de l’anthropologie, Hamy a eu à la fois l’intelligence et le sens tactique de dépasser ces querelles disciplinaires, parvenant à imposer un nouveau champ de connaissance, l’américanisme, réunissant divers champs d’investigation, voir le travail de Nélia Dias dans ce volume.
51 En tout cas, dans la première moitié du XIXe siècle, C. Charles, op. cit., p. 45.
52 À Boulogne, lors de l’enterrement d’Hamy, le docteur Sauvage, conservateur des musées communaux, conduisait le deuil accompagnant M. Dubard-Hamy, maître de conférences à la Sorbonne, venait ensuite Maurice Hamy, membre de l’Institut, astronome titulaire de l’observatoire de Paris, Georges, Émile et Victor Hamy, Danquin, de Calais, et Guéry, notaire. Auguste Huguet, sénateur, membre titulaire de la société, y était, ainsi que la fille d’Hamy, Mme Dubard-Hamy.
53 Merci à Jérémie Dubois d’avoir attiré mon attention sur cet aspect.
54 De même, à l’inverse d’un Homais anticlérical, Hamy a su tirer profit de l’enseignement de ses premiers maîtres religieux, et a commencé son itinéraire d’intellectuel sous leur autorité. Ici encore il nous paraît utile d’éviter de considérer d’emblée l’opposition entre républicains et catholiques, laïcité et religion.