1 Je prends ici le terme de logique non pas dans le sens formel de Lorenz et Lorenzen (Logique dialogique), mais dans le sens large d’une discipline du langage qui comporte et parfois articule la sémantique, la syntaxe et la pragmatique.
2 Jürgen Habermas (1993) La pensée post-métaphysique, Armand Colin, Paris.
3 Stéphane Haber (2001) Jürgen Habermas, Presses Pocket, Paris, pp. 15-16.
4 Pour une perspective très éclairante, on peut se reporter à la contribution de Grégory Corroyer Le dialogisme avant le dialogue (cf infra).
5 « L’essentialisation du dialogisme rend le monologisme impensable. Si le dialogisme est « constitutif »…, alors tout énoncé, monologal ou dialogal, est dialogique, et la thèse dialogiste est infalsifiable : la catégorie du monologique disparaît purement et simplement. Or, le fait que tout énoncé soit produit par une subjectivité en relation avec d’autres subjectivités et le fait que tout énoncé porte des marques dialogiques constituent deux phénomènes différents. Il n’est pas question ici de contester que l’activité langagière est située dans une interaction, quelle que soit sa forme ; mais on ne contestera pas non plus qu’il existe des discours monologiques qui mettent en défaut les postulats de la norme dialogique, discours où, dans la matérialité langagière, le locuteur ne rencontre pas les discours antérieurs, ne s’adresse pas à un interlocuteur dans le cadre d’une compréhension responsive et n’est pas son propre interlocuteur (je reprends là les principes courants de la norme dialogique). Ces discours ne constituent pas le pendant symétrique des discours dialogiques : la « norme » dialogique est bel et bien dominante ; mais il existe ce que j’appellerai des « zones » monologiques, soit dans les pratiques verbales, soit comme moments énonciatifs dans les discours », in M.A. Paveau, « La norme dialogique. Propositions critiques en philosophie du discours », Semen, no 29.
6 Jürgen Habermas (1981) Théorie de l’agir communicationnel, Fayard, Paris, pp. 26-27.
7 Elle peut être résumée en deux principes : 1) Principe D (Discussion) : « Seules peuvent prétendre à la validité les normes qui pourraient trouver l’accord de tous les concernés en tant qu’ils participent à une discussion pratique ». 2) Principe U (Universalisation) : « Dans le cas de normes valides, les conséquences et les effets secondaires qui d’une manière prévisible découlent d’une observation universelle de la norme dans l’intention de satisfaire les intérêts de tout un chacun doivent pouvoir être acceptées sans contrainte par tous », in Jürgen Habermas, De l’éthique de la discussion.
8 Francis Jacques (1979) Dialogiques, PUF, Paris.
9 Francis Jacques, Dialogiques II. L’espace logique de l’interlocution, p. 181.
10 Idem. « Ainsi, l’interlocution ne se confond pas avec le dialogue, car elle en est le transcendantal, l’ensemble des conditions nécessaires a priori. Il s’ensuit que l’ego ne peut plus « accaparer le lieu transcendantal », lequel se trouve désormais dans « l’espace logique de l’interlocution ». L’accord sur les concepts fondateurs se fait au terme d’un processus de discussion mené dans la langue ordinaire. L’ambition dernière d’un telle entreprise est de rejoindre « les conditions catégoriales de la signification et de la vérité », ce qui l’assimile à une l’appellation de « critique de la raison délibérative», in Archambault, Misrahi, rubrique « Dialogue », Encyclopedia Universalis.
11 Cf. supra Grégory Corroyer « Le dialogisme avant le dialogue ».
12 Habermas avec la notion d’espace public vise à donner à l’origine un aperçu des transformations historiques qu’a connu la publicité. Il s’agit de décrire le processus au cours duquel le public constitué d’individus faisant usage de leur raison s’approprie la sphère publique contrôlée par l’autorité et la transforme en une sphère où la critique s’exerce contre le pouvoir de l’État. « Le médium de cette opposition entre la sphère publique et le pouvoir est original et sans précédent dans l’histoire : c’est l’usage public du raisonnement », Jürgen Habermas, L’espace public, p. 38.
13 Idem, pp. 386-387. L’espace public est assurément un concept particulier qui échappe aux concepts traditionnels de l’ordre social, tels que ceux d’action, d’acteur, de groupe ou de collectivité. On peut identifier plusieurs dimensions de l’espace public dans la dernière version qu’en donne Habermas : l’espace public comme (a) espace social de la communication, (b) espace de formation de l’opinion publique, (c) espace d’influence de l’opinion publique, (d) espace d’interprétation de la vie des personnes, (e) espace d’interface des citoyens entre privé et public, (f) espace d’expression de la société civile, (g) espace de médiation complexe entre la société et l’État.
14 Cf. le texte de Habermas « Trois modèles normatifs de démocratie », in L’intégration républicaine, où il fait la différence entre la conception libérale, la conception républicaine et la conception discursive de la démocratie.
15 L’articulation de la discussion et de la décision relève de la conception classique de la délibération, mais elle est moins évidente dans certaines conceptions contemporaines de la démocratie, qui ne font pas systématiquement le lien. Sur ce point, cf. Sylvain Lavelle (2014) « La délibération », Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation.
16 Jürgen Habermas, Droit et démocratie, pp. 390-391.
17 « Il ne faut pas se contenter d’attendre que les controverses se déclarent. Il faut les aider à émerger, à se structurer, à s’organiser. Elles doivent être l’objet constant de nos inquiétudes. Faciliter l’identification, par eux-mêmes et par leurs partenaires, des groupes concernés; organiser la recherche collaborative et la co-production des connaissances qu’elle rend possible: telles sont les préoccupations constantes de la démocratie technique. La démocratie dialogique n’est pas une concession, un pis-aller. Elle nourrit la démocratie représentative et permet à la démocratie délégative, une fois les incertitudes réduites et les risques identifiés, d’exprimer toute son efficacité…Les procédures dialogiques ne sont pas destinées à éliminer les experts. Elles sont destinées à organiser une recherche coopérative entre spécialistes et profanes : cette coopération sera d’autant plus féconde que les experts impliqués maîtrisent des compétences diversifiées. Les procédures dialogiques ne sont pas là pour éliminer la représentation : … sans représentation, il n’y a pas de démocratie, et aucune conception n’est plus fausse que celle qui entretient l’illusion d’un transfert pur et simple du représenté vers son représentant », Michel Callon, Pierre Lascoumes, Yannick Barthe (2001) Agir dans un monde incertain, Seuil, Paris, p. 424.
18 Bruno Latour (1999) Politiques de la nature, La Découverte, Paris.
19 Jürgen Habermas reconnaît que la valeur épistémique d’une proposition cognitive peut être indépendante d’une communication et peut ainsi opérer de façon monologique jusqu’à ce qu’une prétention de validité émise à l’égard d’autrui impose à l’acteur de recourir à une interaction dialogique : « On comprend une proposition affirmative employée dans un sens épistémique, lorsqu’on connaît ses conditions de vérité et donc lorsqu’on sait quand elle est vraie ; dans ce cas particulier la thèse de la sémantique de la vérité est pertinente. C’est dans ce cas aussi qu’il est indiqué d’employer l’expression, courante en logique, de la « valeur de vérité » accordée à une phrase, car la force assertorique des actes d’affirmation ne s’associe pas par nature à de telles propositions employées de façon monologique. Lorsque la représentation pure est notre but, nous faisons abstraction de l’enchâssement de la proposition affirmative dans un acte de langage ; en d’autres termes, nous faisons abstraction d’une possible situation de communication dans laquelle un locuteur affirmerait l’énoncé « p » afin de trouver l’assentiment d’un destinataire. Une proposition affirmative employée de façon épistémique sert à représenter un état de chose ou un fait. Pour une telle représentation, il suffit que l’auteur donne à entendre (à qui que ce soit) qu’il considère « p » comme envisageable ou comme vraie. En revanche, en affirmant un fait, un locuteur ne donnerait pas simplement à entendre qu’il considère lui-même « p » comme vraie ; il poursuivrait au contraire sa fin illocutoire : faire qu’autrui reconnaisse « p » comme vraie », in J. Habermas (2001) Vérité et justification, Gallimard, Paris, pp. 54-55.
20 Je me permets sur ce point de renvoyer à mon article « La délibération » dans le Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation.
21 Pour un développement plus approfondi de ce qu’est un système de médiation, je me permets de renvoyer au chapitre L’Acteur, le Réseau et le Cadre dans le présent ouvrage.
22 M. Meyer (2008) Principia Rhetorica, pp. 227-242.
23 L’influence des acteurs de la société civile peut se traduire par une transformation des cadres des acteurs et, par suite, des cadrages qu’ils effectuent :
- Le cadre thématique : le mode d’ancrage ordinaire des thèmes légitimes.
- Le cadre problématique : le mode d’identification et de définition des problèmes.
- Le cadre heuristique : le mode d’apprentissage et d’expérimentation.
- Le cadre stratégique : le mode d’action efficace dans le monde social.
- Le cadre logistique : le mode d’organisation d’un réseau.
- Le cadre herméneutique : le mode d’interprétation du monde et de la vie.