1 Publié à Berlin en 1887, ce roman, considéré comme « La Bible du nationalisme philippin », fut rapidement connu sous sa forme abrégée : le Noli, que nous reproduirons le plus souvent par la suite.
2 Mentionnons d’emblée que la plupart des lettres écrites par Blumentritt ont malheureusement été perdues. Mais les lettres de Rizal étaient si régulières et précises qu’elles permettent, croyons-nous, de reconstituer assez justement le contenu et la teneur de celles de son correspondant, et même de déduire qu’il les avait très probablement toujours sous les yeux au moment de lui répondre.
3 Yvan-Georges Paillard, Expansion occidentale et dépendance mondiale (fin du XVIIIe siècle-1914), Paris : Armand Colin, 1999 [1994], p. 179.
4 José Rizal, Heidelberg, 3-07-1886, L. 1, in : The Rizal-Blumentritt Correspondence, vol. I (1886-1889), Manila : National Historical Institute, 1992 [1961] : « Cher Professeur Ferdinand Blumentritt, Cher monsieur. Ayant entendu dire que vous étudiiez notre langue et que vous aviez déjà publié des travaux dans ce domaine, je prends la liberté de vous faire parvenir un livre de qualité, écrit dans cette langue par l’un de mes compatriotes. La version espagnole est médiocre car l’auteur n’est qu’un modeste écrivain, mais la partie en tagalog est bonne et c’est précisément cette langue qui est parlée dans notre province ». Il s’agissait d’un livre d’arithmétique, écrit par Rufino Baltazar Hernández.
5 Rappelons que l’Espagne perdit en même temps ses dernières possessions américaines de la Caraïbe : Cuba et Porto Rico.
6 Ferdinand Blumenttrit était né à Prague en 1853.
7 Cette ville, aujourd’hui située en République Tchèque, est devenue Litomerice.
8 Du mot espagnol qui signifie « cultivé », qui désigne ici un jeune philippin appartenant à l’intelligentsia aisée, engagé dans le mouvement réformiste. Cf. Stanley Karnow, In Our Image. America’s Empire in the Philippines, Random House Inc., 1989, p. 15 ; Floro C. Quibuyen, A Nation Aborted. Rizal, American Hegemony, and Philippine Nationalism, Quezon City : Ateneo de Manila University Press, 1999, p. 12.
9 Située dans la province tagale, Calamba était à l’époque de la naissance de Rizal à dix heures à cheval de Manille.
10 « Ils [les jésuites] nous ont appris à reconnaître le beau et ce qu’il y a de meilleur », J. Rizal, Berlin, 13-IV-1887, in : The Rizal-Blumentritt Correspondence, vol. I, op. cit., L.27, f°2 v. Relevons par ailleurs un commentaire éclairant : « À l’école des partisans de Saint Ignacio de Loyola ni la couleur de la peau ni le nom n’étaient importants. Il n’y avait aucune barrière de distinction humiliante, du point de vue de l’Indio, entre l’Espagnol et le Philippin. Les élèves philippins pouvaient parfaitement dormir dans le même dortoir que les Espagnols, ce qui constitue une raison suffisante pour que ce soit cette école-là que de nombreux élèves philippins aient choisie. », Domingo Madrid Maligson, España y los españoles en las obras del Dr José P. Rizal, Michigan : Colorado University, 1975, p. 25.
11 Il bénéficia du décret de la Réforme Générale de l’Éducation de 1863, dont l’une des mesures fut l’ouverture des institutions de l’enseignement supérieur à tous les étudiants de quelque origine ethnique qu’ils fussent. Cf. Renato Constantino et Letizia R. Constantino., The Philippines, vol. 1 : A Past revisited(Pre-Spanish-1941), Manila : National Book Store Publishers, 1986 [1975], 449 p.
12 Considérée comme la première rébellion de nature à secouer le joug de la souveraineté espagnole dans l’archipel, la mutinerie fut très rudement réprimée et l’histoire garde particulièrement en mémoire la condamnation à la peine de mort par garrot infligée en public à trois prêtres qui appartenaient au clergé philippin : Jacinto Zamora, Mariano Gomez et surtout José Burgos, dont les écrits eurent une large influence sur Rizal. Cf. José A. Burgos, « A Defense of the Secular Clergy », in Teodoro Agoncillo, Filipino Nationalism, Quezon City : R. P. Garcia Publishing, 1974, p. 94-106.
13 Cf. Syed Hussein Alatas, The Myth of the Lazy Native, London : Frank Cass and Co., 1977, 267 p.
14 J. Rizal, « Sobre la indolencia de los filipinos », 15-VII-1890/15-IX-1890, in Escritos políticos e históricos, Manila : Publicaciones de la Comisión Nacional del Centenario de José Rizal, Tomo VII, 1961, p. 227-261.
15 Francisco Foradada, La soberanía de España en Filipinas, Barcelona: Heindrich, 1897, p. 191-201 ; p. 241-242.
16 Ferdinand Blumentritt, Biography of José Rizal, Distinguished and Talented Philippine Scholar and Patriot, infamously shot in Manila on December 30 [traduit de l’allemand par Howard W. Bray], Singapore, Kelly and Walsh, 1898 [1896], 17 p. + épilogue, p. 18-30. [Supplément Spécial pour les Archives Internationales d’Ethnologie, vol. 10, 1897, p. 88-92].
17 Cf. Hélène Goujat, « Le premier séjour du Philippin José Rizal en Espagne (mai 1882 - juillet 1885) : l’éclosion d’un discours politique », Actes du colloque ALMOREAL : Europe/Amérique Latine. L’Amérique Latine en Europe aux XIXe et XXe siècles (oralité, histoire et littérature), Orléans, Université d’Orléans, 1994, p. 391-397.
18 Citons parmi les éléments les plus représentatifs de ce mouvement : Marcelo Hilario del Pilar, Mariano Ponce et Graciano López Jaena.
19 L’Association fut inaugurée à Barcelone le 31 décembre 1888 ; la revue parut du 15 février 1889 jusqu’au mois de novembre 1895.
20 Ces écrits comportent plusieurs compositions en langue française, dont un court « Essai sur Pierre Corneille », in : Escritos de José Rizal, t. III, Obras literarias, Prosa, Manila : Edición del Centenario Publicaciones de la Comisión Nacional del Centenario de José Rizal, 1961, p. 192-239 ; p. 333-339.
21 César Adib Majul, Apolinario Mabini Revolutionary, Manila : Publications of the National Heroes Commission, 1970, p. 27 : « Les réformistes ne demandaient pratiquement aucune réforme qui n’ait été réclamée avant eux par les Espagnols eux-mêmes, avec plus ou moins de résultats… ».
22 Mentionnons ici Francisco Pi y Margall, fréquemment désigné comme l’homme politique espagnol qui marqua le plus profondément Rizal de son empreinte. Un critique de l’œuvre littéraire de Rizal n’hésite pas à déclarer que l’influence qu’exerça Pi y Margall, tant en termes humains qu’intellectuels, sur la vie et la pensée de Rizal, fut à tel point décisive, que ce dernier resterait une énigme sans l’éclairage apporté par le célèbre Catalan. Cf. Cayetano Sánchez Fuertes, « Literary Sources of Noli me tangere », in : Understanding the Noli. Its Historical Context and Literary Influences, Quezon City : Phoenix et Ateneo de Manila University Press, 1988, p. 57-112, p. 101.
23 Ce passage est issu de la version française de Noli me tangere : N’y touchez pas !, traduit de l’espagnol par Jovita Ventura Castro, préface d’Étiemble, Paris : Gallimard, Connaissances de l’Orient, collection UNESCO d’œuvres représentatives, 50, 1980, p. 43.
24 Publié à Gand en 1891, ce roman fut traduit en français sous le titre suivant : Révolution aux Philippines, traduit de l’espagnol par Jovita Ventura Castro, préface de Daniel-Henri Pageaux, Paris : Gallimard, Connaissances de l’Orient, collection UNESCO d’œuvres représentatives, 55, 1984, 344 p.
25 Cette recherche fit l’objet d’un livre : Sucesos de las Islas Filipinas por el Doctor Antonio de Morga, Obra publicada en Méjico el año de 1609 nuevamente sacada a luz y anotada por José Rizal y precedida por un prólogo del profesor Fernando Blumentritt, Manila : Comisión Nacional del Centenario de José Rizal, t. VI, 1961 [1e éd., Paris : Garnier-frères, 1890], 374 p.
26 Anne-Marie Thiesse, in : Nicolas Journet (coord.), La culture. De l’universel au particulier, Paris : Éditions Sciences humaines, 2002, p. 221-228, p. 223.
27 La ville de Manille fut fondée en 1571 par Miguel de Legazpi.
28 Edmond Plauchut, « L’archipel des Philippines », Revue des Deux-Mondes, I. Le climat et les races, t. XX, mars-avril 1877, p. 447-464 ; II. Les moeurs, l’instruction, t. XX, mars-avril 1877, p. 896-913 ; III. L’industrie, le commerce, la situation politique, t. XXI, mai-juin 1877, p. 885-923.
29 J. Rizal, Marseille, 2-VII-1887, in : The Rizal-Blumentritt Correspondence, vol. I, op. cit., L. 43, f°1, r.
30 Escritos de José RIZAL, t. II, Correspondancia epistolar, Cartas entre Rizal y los miembros de la familia, Primera Parte (1876-1887), Manila : Edición del Centenario, Publicaciones de la Comisión Nacional del Centenario de José Rizal, 1961, L. 84 « A su Hermana Trinidad », p. 235.
31 J. Rizal, cité par Eugene A. Hessel, in The Religious Thought of José Rizal, Quezon City : New Day Publishers, 1983, p. 276.
32 J. Rizal, Berlin, 13 -04-1887, in : The Rizal-Blumentritt Correspondence, vol. I, op. cit., L. 27, f°1 r.
33 Pedro Ortiz ArmengoL, « Rizal. Breve esquema biográfico », Revista Española del Pacífico, n° 6, Madrid, AEEP (Association Espagnole des Études du Pacifique), 1996, p. 33-45, p. 40.
34 Rizal fut exilé à Dapitan, sur la côte nord de l’île de Mindanao, juste après avoir fondé La Liga Filipina, en 1892. En 1896 il fut conduit à Manille, puis au fort de Montjuich à Barcelone et enfin une nouvelle fois ramené à Manille pour y être exécuté.
35 Pablo Pastells était le « Supérieur des jésuites des Philippines en 1892 », in : Wenceslao Emilio Retana, Vida y Escritos del Dr. José Rizal, [prologue de Javier Gómez de la Serna et épilogue de Miguel de Unamuno, Madrid : Librería General de Victoriano Suárez, 1907, p. 105, note 114.
36 J. Rizal, Dapitan, le 11-XI-1892, in : Raul J. Bonoan, SJ, Rizal-Pastells Correspondence. The Hitherto Unpublished Letters of José Rizal and Portions of Fr. Pablo Pastells’ Fourth letter and translation with a Historical Background and Theological Critique, « The Second Letter of Rizal », p. 89-99, p. 92.
37 J. Rizal, Genève, 6-VI-1887, in : The Rizal-BlumentrittCorrespondence, vol. I, op. cit., L. 37, f°1 r.
38 Cf. Leon Maria Guerrero, The First Filipino. A Biography of José Rizal, Manila : National Historical Institute, 1977 [1963], p. 158.
39 J. Rizal, Berlin, 28-XI-1886, in : The Rizal-Blumentritt Correspondence, vol. I, op. cit, L. 9, f°1, v.
40 J. Rizal, Genève, 10-VI-1887, Idem, L. 38, f°1, v et f°2, r.
41 « La majorité des moines n’a jamais étudié la grammaire [du tagalog] et parle seulement avec des Philippins incultes. Par conséquent ces auteurs en savent aussi long en tagalog que j’en savais moi-même en allemand après avoir passé six mois en Allemagne, et je n’oserais pas écrire de poésie ni prononcer de sermons en allemand. » J. Rizal, Leipzig, 16-08-1886, Ibid, L.2, f°2 r- v.
42 J. Rizal, Leipzig, 22-08-1886, Ibid, L.3, f°1 r-v.
43 Ibid, L.4, f°1 r-v.
44 J. Rizal, Marseille, 2-VII-1887, Ibid, L. 43, f°1 r.
45 J. Rizal, Londres, 23-06-1888, Ibid L. 68, f° 1 v., C’est Rizal qui souligne.
46 H. Sichrovsky, « The Role of Ferdinand Blumentritt…», op. cit., p. 227.
47 J. Rizal, Leipzig, 22-VIII-1886, inThe Rizal-Blumentritt Correspondence, vol. I, op. cit., L. 3, f° 2 v ; f° 3 r-v.
48 J. Rizal, Genève, 19-VI-1887, Idem, L. 41, f°1 r.
49 Le conflit avait eu pour cause principale la hausse constante du loyer par les dominicains propriétaires de la Hacienda ; il se termina par l’éviction des fermiers, l’arrestation et la déportation de la plupart des concernés. Cf. Floro. C. Quibuyen, A Nation Aborted. Rizal…, op. cit., p. 21 et passim.
50 J. Rizal, Berlin, 21-03-1887, in : The Rizal-Blumentritt Correspondence, vol. I, op. cit., L 23, f°2, r-v.
51 Ferdinand Blumentritt, Leitmeritz, 27-03-1887, Idem, L.24, p. 63.
52 J. Rizal, Berlin, 29-03-1887, Ibid, L 26, f°3, r. C’est Rizal qui souligne.
53 J. Rizal, Berlin, 21-03-1887, Ibid, L 23, f°2, v.
54 Enrique de Alcocer et R. de Vaamonde, « Al Consejo de Guerra », Manila, 21-XII-1896, in : The Trial of José Rizal. Wenceslao Emilio Retana’s Transcription of the Official Spanish Document, traduit et annoté par Horacio de la Costa (ed.), Manila, Ateneo de Manila University Press, 1961, p. 35.
55 El Noli me tangere de Rizal juzgado por el profesor Ferdinand Blumentritt, Barcelona: Imprenta Ibérica de Francisco Fossas, 1889, p. 17.
56 Cf. H. Sichrovsky, « The Role of Ferdinand Blumentritt… », op. cit., p. 234 et passim.
57 O.D. Corpuz, The Roots of the Filipino Nation, Quezon City : Aklahi Foundation, 1996 [1989], vol 2, p. 172.
58 J. Rizal, Paris, 4-06-1889, in The Rizal-Blumentritt Correspondence, vol. I, op. cit., L. 101, f° 2 v ; f° 3 r.
59 Si l’on ajoute au souvenir du conflit qui avait éclaté en 1885 entre l’Allemagne et l’Espagne à propos de la souveraineté des Îles Carolines, le fait que la publication du Noli eût lieu à Berlin et que Blumentritt se fût proposé de le traduire en allemand, ce qui revenait à mettre ainsi le roman à la portée d’une population en majorité protestante, luthérienne - même si Blumentritt était personnellement catholique -, la coupe était pleine pour beaucoup d’Espagnols qui détectaient là une belle preuve de la traîtrise de Rizal et du fait qu’une conspiration menée depuis l’Allemagne s’ourdissait, cf. H. Sichrovsky, « The Role of Ferdinand Blumentritt… », op. cit, p. 238. A propos des Iles Carolines, voir l’ouvrage de María Dolores Elizalde Pérez-Grueso, España en el Pacífico. La colonia de las islas Carolinas, 1885-1889, Madrid: Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Agencia Esapñola de Cooperación Internacional, Biblioteca de Historia 14, p. 13-61.
60 Mouvement révolutionnaire créé le 7 juillet 1892 par Andrés Bonifacio sur les cendres de La Liga Filipina, qui avait été fondée le 3 juillet 1892 par José Rizal, juste avant qu’il ne fût exilé à Dapitan. Le mot Katipunan signifie « association » en tagalog.
61 Du nom d’une petite localité proche de Manille où elle fut fiévreusement rédigée par un groupe de juristes présidé par Apolinario Mabini, l’un des proches d’Emilio Aguinaldo.
62 Ambeth Ocampo, « Blumentritt’s role in the Propaganda War », in : Rizal without the overcoat, Quezon City : Anvil, 1996 [1990], p. 39.
63 Idem.
64 Paul A. Kramer, The Blood Government. Race, Empire, the United States & the Philippines, USA, University of North Carolina Press, 2006, p. 107.