1 « L’homme éloquent est celui qui est capable de dire les choses terre à terre avec précision, les choses élevées avec force, les choses moyennes d’un ton intermédiaire. – Personne, diras-tu, ne l’a été. – Soit. Mais je parle de ce que je souhaite, non de ce que j’ai vu, et j’en reviens à la forme et à l’“idée” de Platon, dont j’avais parlé, que, même si nous ne la voyons pas, nous pouvons cependant nous représenter par la pensée. Ce n’est pas en effet un homme éloquent que je cherche, ni rien de mortel ou de caduc, mais cela même dont celui qui s’est rendu maître est “l’homme éloquent”. Cela n’est rien d’autre que l’éloquence elle-même, que nous ne pouvons voir avec d’autres yeux que ceux de l’esprit. » (Or., 100-101).
2 Voir L. Golden, « Ars and artifex in the Ars poetica », p. 145.
3 D. Armstrong (« The addressees of the Ars Poetica », p. 187 sqq.) remarque que dans les 250 premiers vers de l’Épître aux Pisons, Horace prête déjà au personnage théorique de l’artifex les figures les plus diverses : ce sont tantôt Virgile et Varius, amis d’Horace, à qui le droit d’introduire de nouveaux mots est injustement refusé (cf. AP, 48-55), tantôt Homère, père du récit épique (cf. AP, 73-74), tantôt son pendant négatif, le « poète cyclique », dont le projet narratif est beaucoup trop ambitieux (cf. AP, 136-139), tantôt Horace lui-même, qui s’imagine auteur de drames satyriques (cf. AP, 234-235).
4 Cf. AP, 1 sqq.
5 Cf. AP, 32-35.
6 « L’ordre aura cette vertu et ce charme, ou je me trompe fort, qu’on dira tout de suite ce qui doit tout de suite être dit, qu’on différera le reste et qu’on le laissera de côté pour le moment. Subtil et prudent dans l’enchaînement des mots aussi, celui qui s’est engagé à composer un poème doit chérir tel élément, dédaigner tel autre. » (AP, 42-46).
7 Cf. Quint., X, 1, 79.
8 K. Büchner (« Bentley, Brink und Horazens Ars Poetica », Hermes, 1980, n° 108, p. 483) note que cette idée d’amour mise en relation avec la composition d’une œuvre réapparaît aux vers 234 et suivants, lorsqu’Horace aborde la question du drame satyrique.
9 « Lisait-on quelque chose à Quintilius ? “Corrige-moi ceci, s’il te plaît, disait-il, et encore ceci” ; si l’on répondait qu’on ne pouvait faire mieux, que deux ou trois fois on avait essayé vainement, il invitait à détruire et à remettre sur l’enclume les vers mal tournés. Si l’on aimait mieux défendre l’endroit faible que d’y rien changer, il ne disait plus mot et ne prenait pas une peine inutile pour empêcher l’auteur de s’aimer seul sans avoir de rivaux. » (AP, 438-444).
10 Cf. en particulier AP, 45.
11 Voir P. Grimal, Essai sur l’Art poétique d’Horace, p. 224-225.
12 Cf. Poet., 1454a.
13 « Comme exemple de méchanceté non nécessaire, on a le Ménélas de l’Oreste ; de caractère déplacé et qui ne convient pas, la lamentation d’Ulysse dans Scylla, et la tirade de Mélanippe ; de caractère inconstant, Iphigénie à Aulis car Iphigénie suppliante ne ressemble en rien à ce qu’elle est par la suite. » (Poet., ibid.)
14 « Suivez, en écrivant, la tradition, ou bien composez des caractères qui se tiennent. S’il vous arrive de remettre au théâtre Achille si souvent célébré, qu’il soit infatigable, irascible, inexorable, ardent, qu’il nie que les lois soient faites pour lui et n’adjuge rien qu’aux armes. Que Médée soit farouche et indomptable, Ino plaintive, Ixion perfide, Io vagabonde, Oreste sombre. » (AP, 119-124).
15 « Un sujet comique ne veut pas être exposé en vers de tragédie ; de même, le festin de Thyeste s’indigne d’être raconté en vers bourgeois et dignes, ou peu s’en faut, du brodequin. Que chaque genre conserve la place qui lui convient et qui lui a été assignée. Quelquefois, pourtant, la comédie hausse la voix, et Chrémès, dans sa colère, enfle la bouche et s’emporte en paroles ; et, souvent, un personnage tragique exprime sa douleur en un langage familier, par exemple Télèphe ou Pélée lorsque, pauvres et exilés, ils rejettent tous deux les termes ampoulés et les mots d’un pied et demi, s’ils se soucient de toucher l’âme du spectateur de leur plainte. » (AP, 89-98).
16 C. O. Brink (Horace on Poetry, 2, p. 481) note dans ce passage l’interaction du « littéral » et du « métaphorique », du « fait » et de « l’abstraction ».
17 « On ignorait encore, dit la tradition, le genre de la Camène tragique quand Thespis le découvrit et promena sur des chariots ses poèmes que chantaient et jouaient des acteurs au visage barbouillé de lie. Ensuite Eschyle, inventeur du masque et de la robe d’apparat, dressa une estrade sur de petits étais, enseigna à parler d’une voix puissante et à monter sur le cothurne. »
18 « Quoi qu’il en soit, elle est née, au début, de l’improvisation (la tragédie elle-même et tout aussi bien la comédie : l’une vient de ceux qui conduisaient le dithyrambe, l’autre de ceux qui conduisaient les chants phalliques qui sont encore en usage aujourd’hui dans nombre de cités) ; puis la tragédie s’épanouit peu à peu, les auteurs développant tout ce qui se faisait jour en elle ; enfin, après de multiples transformations, elle se fixa lorsqu’elle eut atteint sa pleine nature. » (Poet., 1449a).
19 Cf. AP, 1-5.
20 Cf. AP, 32-35.
21 Cf. AP, 453-476.
22 Cf. AP, 438-444.
23 Voir T. P. Wiseman, « Satyrs in Rome? The background to Horace’s Ars poetica », The journal of Roman studies, 1988, n° 78, p. 1, qui fait part de l’hypothèse selon laquelle le drame satyrique aurait été presque uniquement représenté par des troupes d’acteurs venues de Grande Grèce.
24 Voir F. Hauthal, Acronis et Porphyrionis commentarii in Q. Horatium Flaccum, vol. II, p. 658 ; au sujet de l’identité, incertaine, de ce Pomponius, voir T. P. Wiseman, « Satyrs in Rome? », p. 2-3.
25 Diomède reconnaît bien des similitudes entre les deux genres, notamment dans leur emploi commun d’argumenta dictaque iocularia, c’est-à-dire « de sujets et de propos plaisants », mais insiste plutôt sur leurs différences (voir H. Keil et al. (éds), Grammatici Latini, vol. I, p. 490).
26 F. Cupaiuolo (L’epistola di Orazio ai Pisoni, p. 106) suggère qu’Horace s’est préoccupé du drame satyrique parce qu’il a perçu une correspondance entre cette forme grecque classique et les formes « bâtardes » telles que l’atellane, le mime ou le pantomime, qui investissaient volontiers les scènes des théâtres romains au Ier siècle avant J.-C. Le drame satyrique aurait donc pour fonction de représenter en les englobant ces genres théâtraux mineurs. Nous ne sommes guère convaincu par cette interprétation.
27 Voir A. Rostagni, Arte poetica di Orazio, p. 55, qui signale que la triade constituée de la tragédie, du drame satyrique et de la comédie se trouve en parfaite correspondance avec les trois genres de style – élevé, moyen et bas – que la théorie rhétorique a distingués.
28 Cet attachement est particulièrement visible dans le Carmen II, 10, qui énonce le fameux principe de l’aurea mediocritas.
29 « Celui qui concourut avec un poème tragique pour un bouc de peu de prix ne tarda pas à montrer aussi les agrestes Satyres nus sur scène et, avec rudesse, mais sans abdiquer sa gravité, il se risqua à la plaisanterie : il fallait en effet des séductions et une agréable nouveauté pour retenir un spectateur revenant des sacrifices, plein de vin et ne connaissant plus de loi. Mais la règle à suivre pour faire bien accueillir les Satyres rieurs, les Satyres insolents et pour passer du sérieux au plaisant, c’est que le dieu ou le héros mis en scène, quel qu’il soit, vu naguère dans l’éclat de la pourpre et de l’or, ne s’abaisse pas par un langage terre à terre jusqu’au niveau des boutiques obscures, et non plus, en évitant de ramper, ne coure après les nuages et le vide. Se répandre en vers badins n’est pas digne de la Tragédie, et, pareille à la matrone contrainte de danser les jours de fête, elle ne se mêlera pas sans quelque honte aux Satyres effrontés. Moi, Pisons, je ne me bornerai pas, s’il m’arrive d’écrire des drames satyriques, à employer l’expression simple et le mot propre ; et je ne m’efforcerai pas de m’écarter du ton de la tragédie au point de ne mettre aucune différence entre le langage de Dave et de l’audacieuse Pythias, enrichie du talent qu’elle vient de faire cracher à Simon, et celui de Silène, gardien et serviteur du dieu qu’il a élevé. » (AP, 220-239).
30 Le nom de Pythias ne renvoie pas, d’après le Pseudo-Acron, au personnage de Térence, mais « à la servante qui, telle que la met en scène le poète comique Caecilius, reçoit de l’argent de son maître par la ruse. » (voir F. Hauthal, Acronis et Porphyrionis commentarii in Q. Horatium Flaccum, vol. II, p. 617).