1 Cf. par exemple les vers 183 et suivants de l’Épître à Auguste, qui peignent les déviances que connaît le théâtre romain au moment où l’épître est rédigée.
2 Voir supra p. 60 sqq.
3 A. La Penna, Orazio e l’ideologia del principato, p. 154.
4 Voir G. Aricò, « Per l’interpretazione dell’Ars poetica », p. 228. D’après le chercheur italien, Horace entend proposer dans l’AP un modèle de théâtre qui n’a jamais encore été réalisé.
5 Même si, sous le Principat, les auteurs cultivant le drame classique ne manquent pas – Auguste lui-même a composé un Ajax – et que de nouveaux genres dramatiques, tel le pantomime, investissent la scène, A. La Penna (Orazio e l’ideologia del principato, p. 156) admet que l’époque augustéenne ne connaît que deux véritables succès théâtraux, le Thyeste de Varius et la Médée d’Ovide, que la postérité, du reste, ne relaiera pas. Il soutient d’ailleurs que la poésie dramatique latine est tombée en désuétude peu de temps après les Gracques, soit un siècle environ avant la date de composition de l’AP.
6 Voir S. Commager, The Odes of Horace; A critical study, New Haven, Yale University Press, 1962, p. 2, qui rappelle que les querelles marquant la période augustéenne ont une origine alexandrine et remontent parfois à Aristophane et Pindare, qui ont tous deux pris part à des débats sur la question de la création poétique.
7 « Lui qui a dit hordea, il ne lui reste plus qu’à dire tritica. » (notre traduction). Le grammairien Cledonius attribue cette citation à Cornificius (voir H. Keil et al. (éds), Grammatici Latini, Hildesheim, Georg Olms, vol. V, 1961, p. 43), alors que Servius, dans son commentaire de Géorgiques I, 210, fait de Bavius et de Mévius les auteurs de cette attaque.
8 Au sujet de l’amitié d’Horace et de Virgile, voir Sat. I, 5 et Carm. I, 3.
9 « Si, par hasard, il est nécessaire d’exprimer par de nouveaux signes des idées jusqu’alors inconnues, il nous arrivera de forger des mots que n’ont pas entendus les Céthégus en tablier, et on nous accordera une licence prise avec réserve ; et ces termes nouveaux et récemment créés trouveront crédit s’ils jaillissent d’une source grecque dont on les dérivera avec précaution. Eh quoi ! les Romains accorderont à Cécilius et à Plaute ce qu’ils auront refusé à Virgile et à Varius ? Pourquoi, si je puis faire quelques acquisitions, m’en jalouser le droit, alors que la langue de Caton et celle d’Ennius ont enrichi l’idiome national et mis au jour, pour les idées, des vocables nouveaux ? Il a toujours été permis, il le sera toujours, de mettre en circulation un vocable marqué au coin du moment. » (AP, 48-59).
10 Horace, pourtant, bat en brèche l’archaïsme de Plaute dans l’Épître à Auguste (cf. Epist. II, 1, 170-176), ainsi que dans l’Épître aux Pisons (cf. AP, 270-274).
11 Cf. Quint., I, 5, 65, qui fustige l’imperterritus osé par Virgile en Énéide X, 770. C. O. Brink (Horace on Poetry, 2, p. 478) nuance tout de même, à raison nous semble-t-il, la position d’Horace en matière d’innovation lexicale en soulignant l’importance des adverbes pudenter, placé à la fin du vers 51, et parce, situé au centre du vers 53.
12 « Une poésie est semblable à une peinture : celle-ci captive davantage si l’on se tient près d’elle, celle-là si on la contemple de plus loin ; l’une préfère le demi-jour, l’autre la pleine lumière, car elle ne redoute pas le regard pénétrant du critique ; l’une a plu une fois, l’autre, si l’on y revient dix fois, plaira encore. » (AP, 361-365).
13 P. Grimal, Essai sur l’Art poétique d’Horace, Paris, Sedes, 1968, p. 222.
14 À l’époque hellénistique, la querelle est symbolisée par l’opposition entre la faction des « buveurs de vin » (οἰνοπόται) et celle des « buveurs d’eau » (ὑδροπόται) (voir S. Commager, The Odes of Horace, p. 28). Au sujet de cette dichotomie, cf. Epist. I, 19.
15 « Est-ce la nature qui fait les poèmes dignes d’éloge, est-ce l’art ? On se l’est demandé. » (AP, 408-409).
16 Le concept de totum (v. 34) est étroitement relié à l’unum des vers 23 et 29, mais n’en modifie pas moins l’orientation du discours.
17 « Près de l’école émilienne, le plus humble sculpteur saura représenter les ongles et reproduire dans le bronze la souplesse des cheveux, mauvais artiste à considérer l’ensemble de son œuvre, parce qu’il n’aura pas su camper un tout. » (AP, 32-35).
18 F. Villeneuve (éd.), Horace. Épîtres, Paris, Les Belles Lettres, 1934, p. 204.
19 « Les poètes veulent être utiles ou charmer, ou encore dire tout ensemble des choses qui puissent à la fois avoir de l’agrément et servir à la vie. Pour tout précepte que tu donnes, sois bref, afin qu’une formule concise trouve des esprits qui la saisissent docilement et la gardent avec fidélité ; tout ce qui est superflu s’échappe d’un esprit trop plein. Que les fictions créées pour plaire soient toutes proches de la vérité : que la fable ne demande pas à être crue en tout ce qu’elle voudra, qu’elle ne tire pas vivant, du ventre d’une Lamie, l’enfant dont celle-ci a fait son déjeuner. Les centuries d’anciens rejettent les œuvres qui n’apportent aucun profit, les Ramnes passent avec une hauteur dédaigneuse devant les poèmes sérieux ; mais il remporte tous les suffrages celui qui mêle l’utile à l’agréable, sachant à la fois charmer le lecteur et l’instruire. Son livre rapporte de l’argent aux Sosies, son livre passe la mer et fait vivre pour une longue durée le renom de l’écrivain. » (AP, 333-346).
20 Voir supra p. 125.
21 « Les enfants romains apprennent à diviser par de longs calculs un as en cent parties : “Au fils d’Albinus de répondre : si, de cinq onces, on en retranche une, que reste-t-il ? Tu pourrais avoir déjà répondu.” – “Un tiers d’as.” – “Très bien. Tu sauras conserver ton patrimoine. On ajoute une once, qu’a-t-on ?” – “Un demi as.” Eh quoi ! quand une fois cette rouille, ce souci de l’épargne ont infecté l’esprit, nous espérons qu’il sera capable de modeler des vers dignes d’être parfumés avec l’huile de cèdre et conservés sous du bois de cyprès bien poli ? » (AP, 325-332).
22 Si l’on en croit C. O. Brink (Horace on Poetry, 2, p. 356-357), les deux formules, bien qu’elles connotent un certain archaïsme et semblent être liées à l’adoption d’un ton plaisant, renvoient bel et bien à des ordres civiques contemporains.
23 Cf. aussi Epist. I, 20, 1-2.
24 Cf. AP, 372-373.
25 Voir F. Hauthal, Acronis et Porphyrionis commentarii in Q. Horatium Flaccum, vol. II, p. 649 ; au sujet de ce personnage, cf. aussi Tac., Ann., VI, 10.
26 Suet., Tib., 42.
27 On voit bien qu’une datation de l’épître entre 24 et 20 avant J.-C. invalide l’identification de Pison père avec Pontifex, dans la mesure où ce dernier a alors de vingt-quatre à vingt-huit ans et ne saurait donc avoir des enfants âgés de plus de cinq à dix ans.
28 B. Frischer (Shifting paradigms, p. 55) explique que l’identification de Pison père avec Caesoninus a été abandonnée par la plupart des philologues, car on a, au regard de l’absence de toute mention du personnage dans les sources littéraires à partir de 43 après J.-C., suggéré la mort de ce dernier peu après la bataille de Mutina. Bien qu’il ne s’agisse que d’un argument ex silentio, il eut assez de poids pour dissuader les commentateurs de procéder, par la suite, à une telle identification.
29 « Mais toi, tu ne diras rien, tu ne feras rien en dépit de Minerve : ton goût, ta raison m’en répondent. Cependant, tout ce que tu pourras, quelque jour, écrire, soumets-le aux oreilles du critique Mécius, à celles de ton père, aux miennes, et garde-le huit ans chez toi, tenant enfermées les feuilles de parchemin ; tu pourras toujours détruire ce que tu n’auras pas publié, mais le mot lâché ne saurait revenir. » (AP, 385-390).
30 Cf. Cic., Pis., 30, où Caesoninus est présenté comme un critique littéraire sévère.
31 D. Armstrong (« The addressees of the Ars Poetica », p. 199-203) situe l’écriture de l’épître en 10 avant J.-C., peu de temps après le retour triomphal de Pontifex de la campagne thrace commencée en 12 avant J.-C.
32 Voir A. Kiessling et R. Heinze (éds), Q. Horatius Flaccus. Briefe, p. 284.
33 Cf. Tac., Ann., II, 43.
34 La lecture du poète et traducteur allemand du XVIIIe siècle est relayée par G. A. Seeck (« Eine satirische AP für Piso », p. 154 sqq.), qui, tout en marquant son accord sur certains points, ne manque pas de prendre de la distance avec elle.
35 Tout comme il le fait dans l’Épître II, 2, adressée à un certain Florus, qui s’est manifestement plaint de la « paresse » (cf. v. 20) du poète, peu enclin à s’engager dans une correspondance régulière et à envoyer des vers lyriques pourtant promis ; voir, à ce propos, R. Glinatsis, « Conflit d’intérêts et stratégies rhétoriques dans l’Épître II, 2 d’Horace », dans E. Gavoille et F. Guillaumont (éds), Conflits et polémiques dans l’épistolaire, Tours, Presses Universitaires François-Rabelais, 2015, p. 447-465.
36 « Est-ce la nature qui fait les poèmes dignes d’éloge, est-ce l’art ? On se l’est demandé. Pour moi, je ne vois pas ce que pourrait l’effort sans une fertile veine, ni le génie sans culture, tant ils ont besoin l’un de l’autre, tant ils s’entendent et collaborent. Celui qui s’efforce d’atteindre, à la course, la borne souhaitée a beaucoup enduré, a fait beaucoup depuis l’enfance : il a sué, il a eu froid, il s’est tenu à l’écart de Vénus et du vin ; le joueur de flûte qui chante au concours pythique a commencé par apprendre et par trembler sous un maître. Et il ne suffit pas de dire : “Moi, je fais des poèmes admirables, que la gale prenne le dernier ; ce serait pour moi une honte de me laisser dépasser et d’avouer que j’ignore complètement ce que je n’ai pas appris.” » (AP, 408-418).
37 Cf. AP, 419-438. À propos de la possible implication de Pison dans ce passage, voir D. Armstrong, « The addressees of the Ars Poetica », p. 215. D’ailleurs, dans les vers 379 à 385, qui évoquent les jeux du Champ de Mars et décrient la pratique dilettante de la poésie dans les milieux aisés, D. Armstrong voyait déjà un ensemble d’allusions claires à l’aîné des fils Pison.
38 Voir M. Citroni, « Gli interlocutori del sermo oraziano », p. 100, qui rend compte de cette ambiguïté dans les épîtres horatiennes.
39 « Passons : je ne tiens pas à développer tout mon propos comme un homme qui s’amuserait à aligner les railleries (toutefois, rien empêche-t-il de dire la vérité en plaisantant ?). Ainsi, les maîtres donnent parfois des friandises aux enfants pour qu’ils consentent à apprendre l’alphabet. Mais enfin, trêve d’amusement, parlons sérieusement. » (Sat. I, 1, 23-27 ; notre traduction).
40 G. A. Seeck, « Eine satirische AP für Piso », p. 157.
41 Voir supra p. 88-90.
42 P. Grimal, « Les vingt-trois premiers vers de l’Art poétique d’Horace », Vita Latina, 1986, n° 104, p. 4.
43 Cette supposition est étayée par l’affirmation du Pseudo-Acron selon laquelle Pison est effectivement l’auteur de tragédies. Même si, on l’a dit, la tendance n’est pas majoritaire, R. S. Kilpatrick (The poetry of criticism. Horace, Epistles II and Ars poetica, University of Alberta Press, 1990, p. 53) insiste, d’ailleurs, sur l’apparence d’un regain d’intérêt pour le théâtre sous l’ère augustéenne, reflété dans les deux épîtres constitutives du livre II ; le fils aîné de Pison, poursuit-il, semble s’être laissé gagner par cet engouement pour l’écriture dramaturgique et a sans doute voulu sonder l’un des poètes les plus aguerris et les plus reconnus de son temps pour savoir s’il lui reconnaîtrait un véritable talent en ce domaine.
44 « Nous autres poètes, mon cher Pison et vous, ses dignes fils, nous sommes, pour la plupart, abusés par l’apparence du bien. » (AP, 24-25).
45 « Bref, écris ce que tu voudras ; que du moins ton sujet ait simplicité et unité. »
46 La majorité des éditeurs modernes marque en effet d’un alinéa le passage du vers 23 au vers 24.
47 « On veut éviter une faute, on tombe dans un mal, si l’on manque d’art. »
48 La première adresse ad hominem dépourvue de toute ambiguïté ne survient qu’au vers 366.
49 « Moi, Pisons, je ne me bornerai pas, s’il m’arrive d’écrire des drames satyriques, à employer l’expression simple et le mot propre ; et je ne m’efforcerai pas de m’écarter du ton de la tragédie au point de ne mettre aucune différence entre le langage de Dave et de l’audacieuse Pythias, enrichie du talent qu’elle vient de faire cracher à Simon, et celui de Silène, gardien et serviteur du dieu qu’il a élevé. » (AP, 234-239).
50 E. Fraenkel (Horace, Oxford, University Press, 1957, p. 206) voit plutôt dans les apostrophes nominales ponctuant l’épître des signaux qui, dénués de toute valeur adressative, ont pour fonction d’indiquer au lecteur la prééminence de certains mots, de certains concepts au sein de la démonstration horatienne.
51 D’un point de vue historique, cette supposition demeure néanmoins douteuse, dans la mesure où nous ne possédons aucun témoignage attestant l’écriture de pièces de ce genre par Pison fils et que, à plus forte raison, il n’apparaît pas que le drame satyrique, forme théâtrale typiquement grecque au demeurant, se soit particulièrement développé au temps de la Rome d’Auguste. Mais, bien qu’elle relève de la plus pure conjecture, la proposition de lecture que nous avançons ici n’en reste pas moins envisageable et sert les intérêts de notre démonstration.
52 « Ô vous, sang de Pompilius, blâmez le poème que de longs jours, que de multiples ratures n’ont pas élagué et n’ont pas poli à dix reprises, jusqu’à défier l’ongle le mieux coupé. » (AP, 291-294).