1 « L’emploi chez les anciens du terme chanter au lieu de parler avec art en est une preuve supplémentaire : la source et l’origine du style orné et de la rhétorique est bien la poésie. » (Strab., I, 2, 6 ; nous soulignons). Voir M. A. Grant et G. C. Fiske, « Cicero’s « Orator » and Horace’s « Ars poetica » », Harvard studies in classical philology, 1924, n° 35, p. 53, qui affirment par ailleurs que la formule recte scribendi transcrit le terme grec ὀρθογραφία. Les deux commentateurs soulignent du reste la haute résonance technique du mot ἀρχή, répercutée dans le principium horatien, et précisent que le terme πηγή, ici rendu par fons, a partie liée avec le concept d’αἴτιον, lui aussi prégnant dans la sphère de la théorie, comme l’atteste par exemple le prologue de la Physique d’Aristote (cf. Ph., 184a).

2 Cf. AP, 45-48.

3 M. Ruch (« Horace et les fondements de la iunctura dans l’ordre de la création poétique », Revue des études latines, 1963, n° 41, p. 254 sqq.) affirme que le terme iunctura apparaît de toute évidence comme une originalité horatienne dans un tel contexte. Il cherche néanmoins à en légitimer l’emploi en invoquant des raisons d’ordre métrique et rappelle que le terme attendu pour désigner l’opération de combinaison des mots est celui de coniunctio, équivalent latin du grec σύνθεσις.

4 Cf., par exemple, AP, 99-100 et 179.

5 « Toi, écoute ce que nous réclamons, le peuple et moi. »

6 Voir C. J. Classen, « Orazio critico », Bollettino di studi latini, 1971, n° 1, p. 417, qui prend l’exemple des vers 38 à 40.

7 M. Fuhrmann (Das systematische Lehrbuch. Beitrag zur Geschichte der Wissenschaften in der Antike, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1960, p. 78) souligne la prétention à l’exhaustivité des rédacteurs de traités à travers l’exemple de l’ouvrage que Vitruve consacre à l’architecture ; dans la préface du livre I, l’auteur annonce en effet qu’il y exposera « tous les principes de l’art » étudié (omnes disciplinae rationes).

8 « En quel rythme les exploits des rois et des chefs et les sombres guerres pouvaient être écrits, Homère l’a montré. Furent enfermées dans la réunion de vers inégaux d’abord la plainte, ensuite la satisfaction d’un vœu réalisé. Pourtant, qui délivra le premier de brefs vers élégiaques ? Les grammairiens en discutent et le procès est encore pendant. La rage arma Archiloque de l’iambe, qui est sa création ; les brodequins et les hauts cothurnes adoptèrent ce pied approprié au dialogue, dominant les bruits de la foule et né pour l’action. La Muse donna à la lyre la mission de chanter les dieux et les enfants des dieux, le pugiliste vainqueur, le cheval premier à la course, les soucis amoureux des jeunes gens et les libertés du vin. » (AP, 73-85).

9 Horace évoque ici quatre sous-genres majeurs de la poésie lyrique : les ἐγκώμια, qui chantent la gloire d’un personnage, les ἐπινίκια, qui célèbrent une victoire, les ἐρωτικά, qui traitent bien entendu d’amour et les σκόλια, qui correspondent à des chansons de table.

10 Au sujet de la mise à l’écart de la poésie lyrique dans la Poétique, voir H. Laizé, Aristote. Poétique, p. 29.

11 Voir A. Thill, Alter ab illo. Recherches sur l’imitation dans la poésie personnelle à l’époque augustéenne, Paris, Les Belles Lettres, 1979, p. 426.

12 G. M. A. Grube (The Greek and Roman critics, Londres, Methuen, 1965, p. 238) émet une autre hypothèse, que nous examinerons également en détail dans la partie suivante, pour justifier l’absence de la poésie lyrique dans l’AP : soulignant le caractère épistolaire de l’œuvre, il rappelle que celle-ci est destinée aux Pisons, sans doute bien plus attachés à la tragédie et à l’épopée, voire au drame satyrique, les trois genres les plus abondamment traités, qu’à la poésie lyrique.

13 K. Barwick (« Die Gliederung », p. 46 sqq.) laisse entrevoir une alternative de cette sorte lorsqu’il oppose son point de vue, tourné vers la reprise horatienne d’un modèle externe, à celui de J. Vahlen, qui se déclare en faveur de la conception selon laquelle la composition de l’AP pourrait être saisie au sein même de l’œuvre (voir notamment J. Vahlen, « Über Horatius’ Brief an die Pisonen », p. 747). Au sujet de ce débat, voir M. Maróth, « Epikureische Elemente in der Dichtkunst des Horaz », p. 100-101.

14 H. L. Tracy (« Horace’s ‘Ars Poetica’: A systematic argument », Greece & Rome, 1948, n° 51, p. 111-112) suggère, quant à lui, qu’Horace était tout à fait en mesure de forger un mode de répartition de la matière original, vraisemblablement pas ex nihilo, mais dans la volonté affichée de prendre ses distances avec les schémas adoptés de manière traditionnelle.

15 C. Guillen, « Poetics as system », p. 195.

16 C. O. Brink, Prolegomena, p. 245 sqq.

17 Une telle prise de liberté par rapport aux modèles théoriques antérieurs a poussé nombre de commentateurs à refuser à l’AP toute organisation systématisée (voir en particulier W. Steidle, Studien zur Ars poetica des Horaz, p. 5, C. J. Classen, « Orazio critico », p. 403 et M. Maróth, « Epikureische Elemente in der Dichtkunst des Horaz », p. 103).