1 F. Cupaiuolo (L’epistola di Orazio ai Pisoni, p. 49-50) rappelle qu’à l’époque hellénistique s’est peu à peu constituée l’habitude de traiter de poésie suivant un plan stable qui présentait de nombreuses affinités avec celui qu’adoptaient les traités de rhétorique.
2 A. Rostagni (Arte poetica di Orazio, p. 59) signale même que la Poétique n’aurait bénéficié d’aucune réelle diffusion dans l’Antiquité. Il note cependant que les travaux d’Aristote sont remis à l’honneur au début du Ier siècle avant J.-C., comme l’atteste l’effort de classement entrepris par le savant éditeur Andronicus, et qu’il est vraisemblable qu’un érudit comme Philodème ait eu entre les mains le traité du Stagirite consacré à la poésie ; il en cite d’ailleurs plusieurs passages dans son Περὶ ποιημάτων.
3 Poet., 1448a.
4 Le siècle d’Horace compte ainsi quelques illustres tragédiens, tels qu’Asinius Pollion, dont Virgile salue le talent en le comparant à Sophocle, Varius, dont le Thyeste rencontre un immense succès au point qu’Auguste gratifie son auteur d’un million de sesterces, ou Ovide, dont la Médée semble également avoir goûté à une certaine gloire (voir H. Bardon, La littérature latine inconnue, Paris, Klincksieck, 1956, p. 23, 30 et 48). Néanmoins, le recensement opéré par H. Bardon n’indique aucune prédominance du genre tragique dans le panorama littéraire de la Rome du Ier siècle avant J.-C.
5 C. Guillen (« Poetics as system », Comparative literature, 1970, n° 22, p. 200) se fonde sur la notion de tradition critique pour expliquer la prépondérance de la tragédie dans l’AP : celle-ci procède, selon lui, d’une conscience transcendante de la continuité des normes littéraires, qui perdure d’une époque à l’autre. Aussi le concept de tragédie, grâce à son appartenance à un système relayé par les érudits alexandrins et solidement ancré dans l’esprit des hommes de lettres romains, demeure-t-il prégnant, même en un temps où le genre tragique lui-même n’est pas spécialement mis à l’honneur.
6 « En matière de caractères, il y a quatre buts qu’il faut viser : l’un d’eux, le premier, c’est qu’ils soient de qualité. (…) Le second point, c’est la convenance : un caractère peut être viril, mais il ne convient pas qu’une femme soit virile ou éloquente. Le troisième, c’est la ressemblance, ce qui est autre chose que de faire un caractère qui a qualité ou convenance au sens que j’ai dit. Le quatrième, c’est la constance ; et, même si celui qui fait l’objet de la représentation est inconstant et suppose un caractère de ce genre, il faut encore que ce caractère soit inconstant de façon constante. » (Poet., 1454a).
7 « Suis la tradition, écrivain, ou crée des caractères d’accord avec eux-mêmes. Si, d’aventure, tu remets au théâtre l’illustre Achille, qu’il soit infatigable, irascible, inexorable, ardent, qu’il nie que les lois soient faites pour lui, qu’il ne demande rien qu’aux armes. Que Médée soit farouche et inflexible, Ino gémissante, Ixion perfide, Io errante, Oreste sombre. Si tu risques sur scène un sujet qui n’a pas encore été traité et que tu oses façonner un personnage nouveau, qu’il reste jusqu’au bout tel qu’il s’est montré au début et qu’il demeure semblable à lui-même. » (AP, 119-127).
8 « Il faut marquer exactement les traits de chaque âge et peindre de couleurs convenables les caractères qui changent avec les années. » (AP, 156-157 ; nous soulignons).
9 Cf. Poet., 1461b sqq.
10 Poet., 1459a. D’après A. Nisard (Examen des poétiques d’Aristote, d’Horace et de Boileau, Saint-Cloud, Belin-Mandar, 1845, p. 52-53), convaincu que le discours critique de l’AP est essentiellement nourri de théorie aristotélicienne, le principe d’unité se pose sans nul doute comme celui qu’Horace a voulu rétablir avec le plus de force.
11 « Et il ne remonte pas à la mort de Méléagre pour raconter le retour de Diomède, ni à l’œuf des jumeaux pour narrer la guerre de Troie. Il se hâte toujours vers le dénouement, il emporte l’auditeur au milieu des faits, comme s’ils étaient connus, et tous les événements qu’il désespère de traiter avec éclat, il les laisse de côté, feignant avec un tel art, mêlant si bien invention et réalité, que jamais le milieu ne jure avec le début, la fin avec le milieu. » (AP, 146-152).
12 Cf. Poet., 1460a.
13 L’adjectif ἀκροαματικός renvoie, dans une première acception, à ce qui a trait à l’audition. Plus spécifiquement, il désigne un enseignement ésotérique que les philosophes donnaient à leurs disciples par voie orale et qui ne figurait dans aucun livre (voir TLG, col. 1309). Plutarque fait référence à ce type d’enseignement au paragraphe 7 de sa Vie d’Alexandre, lorsqu’il évoque l’éducation du jeune prince par Aristote.
14 Le propos se révèle lacunaire lorsqu’il s’agit de caractériser la comédie ; Aristote la définit avec concision au début du chapitre V (cf. Poet., 1449a). La promesse, au seuil du chapitre suivant (1449b), d’un traitement postérieur du genre comique n’est pas tenue. Cette absence ne laisse pas de surprendre, d’autant que la comédie est placée sur le même plan théorique que la tragédie et l’épopée (voir F. Dupont-Roc et J. Lallot (éds), Aristote. La Poétique, Paris, Seuil, 1980, p. 15 sqq.). Sur la base de deux témoignages issus de la Rhétorique (I, 11, 1371b-1372a ; III, 18, 1419b), certains ont émis l’hypothèse que le Stagirite s’était penché sur la comédie de manière approfondie dans un second livre de la Poétique qui ne nous est pas parvenu. D. de Montmollin (Aristote, La « Poétique ». Texte primitif et additions ultérieures, Neuchâtel, Messeiller, 1951, p. 117), pour sa part, suggère que le traitement aristotélicien de la comédie se trouvait peut-être dans la Pragmateia, cet ouvrage technique qui, destiné aux étudiants du Lycée, a disparu sans laisser de traces.
15 Plusieurs commentateurs ont noté la situation problématique du chapitre XII, qui vient interrompre le développement consacré aux parties de l’histoire (μῦθος) dans le cadre de l’analyse portant sur la tragédie (voir à ce sujet H. Laizé, Aristote. Poétique, Paris, PUF, 1999, p. 27-28).
16 « L’épopée et la poésie tragique, comme aussi la comédie, l’art du dithyrambe, et, pour la plus grande partie, celui de la flûte et de la cithare ont tous ceci de commun qu’ils sont des représentations. Mais il y a entre eux des différences de trois sortes : ou bien ils représentent par des moyens autres, ou bien ils représentent des objets autres, ou bien ils représentent autrement, c’est-à-dire selon des modes qui ne sont pas les mêmes. » (Poet., 1447a).
17 Au sujet du caractère systématisé des trois premiers chapitres de la Poétique, voir P. Somville, Essai sur la Poétique d’Aristote, Paris, Vrin, 1975, p. 11.
18 « Τels sont donc les trois critères de différenciation qui s’appliquent à la représentation, comme nous le disions au commencement : les moyens, les objets et le mode. » (Poet., 1448a).
19 Poet., 1450a.
20 La formule est d’A. B. Neschke (Die « Poetik » des Aristoteles. Textstruktur und Textbedeutung, Francfort, Klostermann, 1980, p. 173). Ce procédé consiste dans la division d’un concept général en sous-concepts qui, à un moment déterminé de la démonstration, sont eux-mêmes placés au cœur du discours et dominent un sous-ensemble théorique défini.
21 Cf. AP, 268-274.
22 « Si je ne puis ni ne sais respecter les caractéristiques et le ton propres à chaque œuvre, pourquoi me laisser saluer poète ? Pourquoi, par fausse honte, préférer l’ignorance à l’étude ? Un sujet comique ne veut pas être exposé en vers de tragédie ; de même, le festin de Thyeste s’indigne d’être raconté en vers bourgeois et dignes, ou peu s’en faut, du brodequin. Que chaque genre conserve la place qui lui convient et qui lui a été assignée. Quelquefois, pourtant, la comédie hausse la voix, et Chrémès, dans sa colère, enfle la bouche et s’emporte en paroles ; et, souvent, un personnage tragique exprime sa douleur en un langage familier, par exemple Télèphe ou Pélée lorsque, pauvres et exilés, ils rejettent tous deux les termes ampoulés et les mots d’un pied et demi, s’ils se soucient de toucher l’âme du spectateur de leur plainte. Il ne suffit pas que les poèmes soient beaux ; ils doivent aussi caresser et conduire à leur gré l’âme du spectateur. Le visage des hommes rit en voyant rire, de même qu’il pleure en voyant pleurer. Si tu veux me tirer des larmes, tu dois d’abord en verser toi-même ; alors, Télèphe, tes infortunes me toucheront, et les tiennes, Pélée ; mais si tu dis mal le rôle qui te revient, je dormirai ou je rirai. Les paroles doivent s’accorder à l’air du visage : tristes dans l’affliction, chargées de menaces dans la colère, badines dans l’enjouement, sérieuses dans la gravité. » (AP, 86-107).
23 Cette remarque – nous insistons sur ce point – n’est valable que dans l’optique d’une comparaison entre l’AP et la Poétique aristotélicienne.
24 Ce système, tel qu’il est conçu par Aristote, déborde en réalité le strict cadre de la poésie et de ses manifestations. L’art des Muses se trouve inclus dans un système plus vaste qui relie entre eux les grands champs disciplinaires que le Stagirite a été amené à étudier. C. Guillen (« Poetics as system », p. 197) rappelle que le penseur grec et ses disciples se sont notamment évertués à réconcilier la rhétorique et la poétique en s’appuyant sur les procédures de la métaphysique et de la logique ; d’une manière générale, l’enseignement aristotélicien sur l’art de la poésie tend à faire de ce dernier une discipline parallèle à toutes celles qui, aux côtés de la rhétorique, font appel aux mêmes outils analytiques : l’éthique, la politique, l’économie, la grammaire…
25 Cf. notamment Poet., 1449b. Pour une analyse approfondie de ces notions et de la signification à leur attribuer, voir R. Dupont-Roc et J. Lallot, Aristote. La Poétique, p. 188 sqq.
26 « Ou l’action se passe sur la scène, ou on la raconte quand elle est accomplie. L’esprit est moins vivement touché de ce qui lui est transmis par l’oreille que de ce qui est soumis au rapport fidèle des yeux et que le spectateur perçoit sans intermédiaire. Tu ne dévoileras pourtant pas sur la scène des actions dignes de se dérouler en coulisse et tu écarteras des yeux bien des faits, dont tu confieras ensuite le récit à l’éloquence d’un témoin. (…) Qu’elle ne soit ni plus courte ni plus ample que cinq actes, la pièce qui veut être réclamée et remise sur le théâtre. Qu’un dieu n’intervienne pas, s’il ne se présente aucun nœud digne d’un tel libérateur ; et qu’un quatrième personnage ne s’évertue pas à parler. Que le chœur soutienne le rôle d’un acteur et ait sa fonction personnelle, qu’il ne chante dans les entr’actes rien qui ne tienne au sujet et n’y soit étroitement lié. » (AP, 189-192).
27 Voir C. O. Brink, Horace on Poetry, 2, p. 254.
28 Cf. Poet., 1456a.
29 « Qu’il appuie et conseille en ami les honnêtes gens, qu’il modère ceux qui s’emportent et aime ceux qui craignent de faillir ; qu’il loue les mets d’une table frugale, les bienfaits de la justice et des lois, la paix qui ouvre la porte des villes ; qu’il garde les secrets, implore les dieux et les prie de ramener la Fortune vers les malheureux et de l’éloigner des superbes. » (AP, 196-201).
30 A. Rostagni (Arte poetica di Orazio, p. 57) signale que les successeurs alexandrins d’Aristote redéfinissent par exemple la notion de vraisemblable, considérée comme trop abstraite et spéculative chez le Maître (cf. Poet., 1451a-b).
31 « Dans ce livre, [Horace] a réuni les préceptes de Néoptolème de Parion au sujet de l’art de la poésie, pas tous assurément, mais les plus saillants. » (notre traduction ; voir F. Hauthal (éd.), Acronis et Porphyrionis commentarii in Q. Horatium Flaccum, vol. II, p. 649).
32 Voir W. von Christ, Geschichte der griechischen Literatur, Münich, Beck, 1959, p. 170.
33 Au sujet de l’activité de glossographe de Néoptolème, cf. Strabon, XIII, 1, 19.
34 C. O. Brink (Horace on Poetry. Prolegomena to the Literary Epistles, Cambridge, University Press, 1963, p. 44 sqq.) rappelle que Néoptolème est cité par Aristophane de Byzance et que, pour cette raison, il ne saurait être situé après 180 avant J.-C., date probable de la mort d’Aristophane.
35 C. O. Brink (Prolegomena, p. 103) affirme que dans sa τέχνη ποιητική telle qu’on peut la reconstituer d’après les témoignages de Philodème de Gadara, Néoptolème tend, par exemple, à généraliser certains principes aristotéliciens spécifiquement appliqués à la tragédie.
36 C. O. Brink (Prolegomena, p. 49) fait état du processus de reconstitution du passage de la colonne X qui mentionne pour la première fois le nom de Néoptolème ; le papyrus exhumé présente initialement les caractères suivants :
.]ΛΛΑΜΗΝC[……]ˉΟΛΕ ΟC.
C. Jensen (Philodemos über die Gedichte. Fünftes Buch, Dublin / Zürich, Weidmann, 1973, p. 26-27), après avoir déduit de cette barre en haut la présence d’un Τ avant le premier O, ce qui implique une désinence du dernier mot en -τόλεμος, et avoir assimilé le premier C du fragment à un article défini au nominatif singulier, c’est-à-dire à un O altéré, aboutit à ce résultat :
Ἀ]λλὰ μὴν ὅ [γε Νεοπ]τόλεμος (col. x, l. 32-33).
37 D. Sider, dans son édition des Épigrammes de Philodème, recense trente-huit pièces pouvant être légitimement attribuées au penseur épicurien, avec, toutefois, des degrés d’authenticité variables. La plupart d’entre elles comporte une dimension érotique patente ; les autres, en petit nombre, sont de facture dédicatoire, épidictique, protreptique ou symposiaque (voir D. Sider, The Epigrams of Philodemos, Oxford, University Press, 1997, p. 33). Pour un témoignage antique sur la figure de Philodème, cf. Cic., Pis., 70.
38 Lucius Calpurnius Piso Caesoninus, consul en 58 avant J.-C., devenu le beau-père de Jules César l’année précédente, celui-là même que Cicéron invective dans son In Pisonem, était en effet le patron de Philodème (cf. Cic., Pis., ibid.).
39 C’est précisément des vestiges de cette bibliothèque, ravagée par l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C., qu’est exhumé le papyrus portant le livre V du Περὶ ποιημάτων de Philodème (voir D. Armstrong, « The addressees of the Ars Poetica: Herculaneum, the Pisones and Epicurean protreptic », Materiali e discussioni per l’analisi dei testi classici, 1993, n° 31, p. 192).
40 Voir A. Tsakiropoulou-Summers, « Horace, Philodemus and the Epicureans at Herculanum », Mnemosyne, 1998, n° 51, p. 20.
41 Dans leur article « Satire as poetry and the impossibility of metathesis in Horace’s Satires » (dans D. Obbink (éd.), Philodemus and poetry: Poetic theory and practice in Lucretius, Philodemus, and Horace, Oxford, University Press, 1995, p. 233-254), D. Armstrong et S. Oberhelman perçoivent des similitudes frappantes entre les écrits théoriques de Philodème et les exposés poétologiques d’Horace dans les Satires, en particulier dans la Satire I, 4, au point de soutenir que le poète augustéen y aurait transposé la conception atomiste de la poésie défendue par Philodème et Lucrèce.
42 « Mais Néoptolème ne semble pas avoir séparé à bon droit l’arrangement des mots et le contenu, lorsqu’il a affirmé, comme nous l’avons vu, que celui-ci ne constituait nullement une partie plus petite ou plus importante. » (notre traduction ; col. x, l. 32-35 et col. xi, l. 1-4).
43 Voir E. Asmis, « An Epicurean survey of poetic theories », Classical quarterly, 1992, n° 42, p. 397, qui signale que ces six colonnes répondent à une progression de type dialectique, chaque idée constituant une réponse à une objection lancée contre une idée précédente.
44 Voir A. Rostagni, Arte poetica di Orazio, p. 86.
45 Col. ii, l. 6-11. À ce sujet, voir D. Lanternari, « Hor. Epist. II, 3 Ad Pisones », Rivista di cultura classica e medioevale, 1974, n° 16, p. 174.
46 Voir col. xi, l. 20 sqq. Voir à ce propos P. Boyancé, « À propos de l’Art poétique d’Horace », Revue de philologie, 1936, n° 10, p. 21.
47 C. Jensen, Philodemos über die Gedichte, p. 122.
48 Cf. col. xiii, l. 4-17.
49 « Les poètes veulent être utiles ou charmer, ou encore dire tout ensemble des choses qui puissent à la fois avoir de l’agrément et servir à la vie. (…) Mais il remporte tous les suffrages celui qui mêle l’utile à l’agréable, sachant à la fois charmer le lecteur et l’instruire. Son livre rapporte de l’argent aux Sosies, son livre passe la mer et fait vivre pour une longue durée le renom de l’écrivain. » (AP, 333-346).
50 « De manière tout aussi absurde, il place en tant que catégorie de l’art aux côtés du poème et de la poésie celui qui possède la maîtrise de l’art et le talent poétique. Comment peut-il concevoir cela aussi comme une catégorie de l’art ? Il aurait plutôt dû appeler poésies les sujets ou, mieux encore, œuvres les poèmes et sortes de tissus les poésies, et poète celui qui possède le talent naturel et crée grâce à lui. » (notre traduction ; col. xi, l. 5-20 (nous soulignons) ; voir C. Jensen, Philodemos über die Gedichte, p. 28-29).
51 Cf. Diog. Laert., V, 47-48, qui attribue en fait deux Περὶ ποιητικῆς à Théophraste.
52 Voir F. Cupaiuolo, L’epistola di Orazio ai Pisoni, p. 104-105.
53 Cf. Diog. Laert., V, 86-88.
54 F. Cupaiuolo (ibid.) explique que les Alexandrins, parce qu’ils étaient engagés dans une entreprise de codification des genres poétiques, se montrèrent plus sensibles qu’Aristote au procédé théorique de séparation du contenu et de la forme.
55 Théophraste et Héraclide du Pont rédigent leurs traités selon toute vraisemblance dans la seconde moitié du IVe siècle avant J.-C., et il ne doit pas s’écouler moins d’un demi-siècle entre leur parution et celle de l’ouvrage de Néoptolème.
56 « [Néoptolème] surprend également en affirmant que ce qui a trait à la ποίησις ne concerne que le sujet, alors que le ποίημα et absolument tout ce qui le touche relèvent de la ποίησις. En effet, la ποίησις est aussi un ποίημα, comme l’Iliade, dont les trente premiers vers sont certes un ποίημα, mais pas une ποίησις. La même observation vaut pour l’affirmation selon laquelle ce qui a trait au ποίημα n’a partie liée qu’avec l’arrangement des mots, et pas avec les idées, l’ordre, les actions, la représentation des caractères. » (notre traduction ; col. xi-xii, l. 26-35 et 1-6 ; voir C. Jensen, Philodemos über die Gedichte, p. 28-31).
57 Voir A. Ardizzoni, Poiema. Ricerche sulla teoria del linguaggio poetico nell’antichità, Bari, Adriatica Editrice, 1953, p. 18.
58 Philodème, en déplaçant l’axe de la définition de la dichotomie du fond et de la forme vers celle du tout et de la partie, retrouve le sens que Lucilius, quelques décennies auparavant, prêtait aux deux notions (cf. Lucil., IX, 2-3).
59 « Et le fait d’accorder la première place aux poèmes parmi les différentes catégories est incompréhensible, et il n’a pas fait preuve de subtilité lorsqu’il a dit cela ; s’il a voulu dire que le poème est le premier dans l’ordre, il s’est exprimé de façon tout à fait étrange. S’il a voulu dire qu’il est le meilleur, pourquoi l’a-t-il préféré à la ποίησις, à laquelle il a aussi relié le ποίημα ? » (notre traduction ; col. xii-xiii, l. 26-35 et l. 1 ; voir C. Jensen, Philodemos über die Gedichte, p. 30-33).
60 Voir C. O. Brink, Prolegomena, p. 60.
61 « Mais si [Néoptolème] appelle poétique la pratique, alors que c’est par ailleurs le nom donné à l’art, il fait preuve d’ignorance ; il est en outre ridicule d’assimiler le poète à une catégorie de l’art. » (notre traduction ; col. xi, l. 20-26 ; voir C. Jensen, Philodemos über die Gedichte, p. 28-29).
62 C. Jensen, « Neoptolemos und Horaz », dans id., Philodemos über die Gedichte, p. 91-127.
63 Bien qu’il soutienne avec vigueur la reproduction par Horace de la tripartition de la ποίησις, du ποίημα et du ποιητής, C. Jensen (« Neoptolemos und Horaz », p. 124) émet finalement une proposition de plan qui, sur le modèle de ce qu’avait avancé E. Norden, reste fondée sur la bipartition ars / artifex.
64 Ce faisant, il opère une séparation nette entre les vers 38 à 41 et les vers 42 à 44, pourtant reliés par la notion d’ordo. Il rejette les premiers dans la section consacrée à la ποίησις, comme l’invite à le faire la présence du terme res, et intègre les seconds dans la partie du ποίημα en ce qu’ils s’attachent déjà, à ses yeux, à la mise en forme de l’œuvre poétique (voir A. Rostagni, Arte poetica di Orazio, p. 87-88).
65 O. Immisch (Horazens Epistel über die Dichtkunst, p. 20) explique cette répartition par un réajustement du sens des termes ποίησις et ποίημα. Contrairement à C. Jensen et à A. Rostagni, il n’envisage pas ce couple conceptuel à la lumière de la dichotomie du fond et de la forme, mais considère que la ποίησις, en tant qu’elle porte sur l’acte de création poétique et, en définitive, sur la poésie dans son ensemble, englobe ces deux dimensions. C’est la raison pour laquelle il fait se poursuivre sa section dans l’AP jusqu’au vers 152. Dans ces conditions, le ποίημα ne concerne plus que les genres, et sa partie dans l’épître horatienne est confinée aux vers 153 à 294.
66 « Bref, écris ce que tu voudras ; que du moins ton sujet ait simplicité et unité. » (AP, 23).
67 Voir H. Dahlmann, Varros Schrift ‘de poematis’, p. 136-137.
68 Dressant un bilan des efforts marquants fournis en ce sens par la critique au cours du XXe siècle, L. Golden (« Ars and artifex in the Ars poetica: Revisiting the question of structure », Syllecta classica, 2000, n° 11, p. 142) constate qu’aucune proposition de structuration, qu’elle provienne d’E. Norden, de C. Jensen, d’A. Rostagni, de C. O. Brink ou d’autres, n’est parvenue à imposer sa pleine autorité.
69 Nec reditum Diomedis ab interitu Meleagri, | nec gemino bellum Troianum orditur ab ouo ; | semper ad euentum festinat et in medias res | non secus ac notas auditorem rapit, et quae | desperat tractata nitescere posse, relinquit, | atque ita mentitur, sic ueris falsa remiscet, | primo ne medium, medio ne discrepet imum. « Et il ne remonte pas à la mort de Méléagre pour raconter le retour de Diomède, ni à l’œuf des jumeaux pour narrer la guerre de Troie. Il se hâte toujours vers le dénouement, il emporte l’auditeur au milieu des faits, comme s’ils étaient connus, et tous les événements qu’il désespère de traiter avec éclat, il les laisse de côté, feignant avec un tel art, mêlant si bien invention et réalité, que jamais le milieu ne jure avec le début, la fin avec le milieu. » (AP, 146-152).
70 Voir D. Armstrong, « The addressees of the Ars Poetica », p. 222, qui va jusqu’à interpréter la profonde intrication de la ποίησις, du ποίημα et du ποιητής au sein de l’AP comme la volonté horatienne de livrer une poétique « anti-néoptolémienne », du genre de celle que Philodème appelle de ses vœux dans le Περὶ ποιημάτων. Il se place ainsi au rebours de la lecture d’un C. O. Brink, par exemple, qui voit dans l’épître horatienne le reflet des théories de Néoptolème.
71 Voir C. O. Brink, Horace on Poetry, 2, p. 371.
72 Cf. AP, 99, 263, 276, 342, 377, 416.
73 Au sujet de la mise en doute de la fidélité horatienne au modèle néoptolémien, voir F. Cupaiuolo, L’epistola di Orazio ai Pisoni, p. 49.