1 Au sujet de ces poètes et des représentations métapoétiques qu’ils convoquent, voir A. Deremetz, Le miroir des Muses. Poétiques de la réflexivité à Rome, Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1995.
2 Cf. Suet., Vita Horati, 15 ; au sujet de l’exemplarité des poèmes lyriques d’Horace dans l’Antiquité, voir G. Showerman, Horace and his influence, New York, Cooper Square Publishers, 1963, p. 77 sqq. et R. Glinatsis, « L’Épître aux Pisons d’Horace dans l’Antiquité et au Moyen Âge : prégnance de l’interprétation théorique », Anabases, 2012, n° 16, p. 124-125.
3 « Puis, selon le précepte d’Horace, qui, dans son Art poétique, conseille de ne pas précipiter une publication et de la “garder en réserve pendant neuf ans”, je l’ai laissée reposer, pour que l’ardeur de la création se refroidisse, que je reprenne mon travail avec un soin accru et que j’en pèse bien le contenu, comme le ferait un lecteur. » (Epistola ad Tryphonem, 2). Pour les textes grecs et latins, sauf mention contraire, nous nous référons aux éditions et aux traductions des Belles Lettres. Pour l’Épître aux Pisons, les traductions sont les nôtres.
4 Quint., VIII, 3, 60. Voir, à ce sujet, G. Calboli, « Quintilian and Horace », Scholia, 1995, n° 4, p. 92.
5 « Aussi Horace l’entend-il dans les deux sens, lorsqu’il parle ainsi de l’intrigue : “Soit l’action se déroule sur scène, soit elle est racontée une fois qu’elle a été accomplie”, comme dans le chœur. Dans le drame grec, il n’y a généralement que trois personnages qui sont engagés dans l’action, et c’est la raison pour laquelle Horace dit : “Qu’un quatrième personnage ne s’efforce pas de parler”, parce que le quatrième est toujours muet. » (cf. le chapitre De poematibus au livre III de l’Ars grammatica ; notre traduction).
6 Il s’agit peut-être d’Helenius Acron, commentateur du IIe siècle de notre ère qui aurait également expliqué certaines pièces de Térence et peut-être les Satires de Perse (voir à ce sujet R. J. Tarrant, « Ancient receptions of Horace », dans S. J. Harrison (éd.), The Cambridge companion to Horace, Cambridge, University Press, 2007, p. 282).
7 Telle est, par exemple, la glose fournie par Porphyrion au vers 29 de l’Épître aux Pisons :
29. Qui uariare cupit rem prodigialiter unam. Aliud hoc praeceptum est : non esse fabulis indulgendum nec extenuandum usque in uitia materiam. « Qui cherche à apporter une prodigieuse variété à un sujet unique. C’est un autre précepte : il ne faut pas s’abandonner aux fables ni non plus épurer le sujet jusqu’au vice. » (voir F. Hauthal (éd.), Acronis et Porphyrionis commentarii in Q. Horatium Flaccum, vol. II, Amsterdam, Schippers, 1966, p. 651 ; notre traduction).
8 Durant cette période, on observe un délaissement général de la poésie et des préoccupations qui lui sont relatives. Ce sont des moines irlandais qui réintroduisent Horace en France vers le milieu de la période carolingienne, soit dans le courant du IXe siècle. Ils auraient d’ailleurs été les garants de la transmission manuscrite des œuvres du poète au cours des siècles précédents (voir M. Schanz et C. Hosius, Geschichte der römischen Literatur, Münich, Beck, 1911, p. 190-192).
9 P. Mehtonen (« Poetics, narration, and imitation: Rhetoric as ars aplicabilis », dans V. Cox et J. O. Ward (éds), The rhetoric of Cicero in its medieval and early Renaissance commentary tradition, Leiden / Boston, Brill, 2006, p. 289-293) fait état de cette association avec force détails et rappelle que la poétique est alors appréhendée comme une « sous-branche de la rhétorique ».
10 La formule est d’E. Faral (Les arts poétiques du XIIe et du XIIIe siècle : recherches et documents sur la technique littéraire du Moyen Âge, Paris, Champion, 1971, p. 79), qui analyse la « rhétoricisation » de l’Épître aux Pisons en déclarant qu’elle provoque l’absorption du particulier par le général.
11 Au sujet de cette attribution, parfois contestée, voir B. M. Olsen, La réception de la littérature classique au Moyen Âge (IXe-XIIe siècles), Copenhague, Museum Tusculanum Press, 1995, p. 40-41.
12 Credite, Pisones, isti tabulae fore librum
persimilem cuius, uelut aegri somnia, uanae
fingentur species, ut nec pes nec caput uni
reddatur formae.
« Croyez-bien, Pisons, qu’à ce tableau s’apparentera complètement le livre dans lequel, pareilles aux songes d’un malade, seront façonnées des images éloignées de la réalité, figurant un corps dont les pieds et la tête ne se rapporteront pas à un type unique. » (AP, 6-9 ; nous soulignons).
13 « Il appelle espèces de livre les trois genres de style : bas, moyen et élevé. Il y a trois autres espèces contiguës ou contraires à ces trois espèces ou genres de discours, qui sont l’aride, le flasque et le mou, l’ampoulé. » (voir J. Zechmeister (éd.), Scholia Vindobonensia ad Horatii artem poeticam, Vienne, Gerold, 1877, p. 2 ; notre traduction).
14 Voir I. Hadjú, « Bemerkungen zu den mittelalterlichen Kommentaren zur Ars Poetica des Horaz », Acta classica Universitatis Scientiarum Debreceniensis, 1993, n° 29, p. 50.
15 L’édition de Bade est adressée aux « adolescentes optimi » de l’école de grammaire de Lyon, où l’érudit avait professé les belles lettres et travaillé en qualité de conseiller littéraire auprès des premiers éditeurs de la ville dans les années 1490 (voir L. Golden et al., Horace for students of literature: The Ars Poetica and its tradition, University Press of Florida, 1995, p. 160).
16 « Il en est qui la divisent en cinq parties. Dans la première, le poète, selon eux, extirpe les vices. Dans la deuxième, il établit la convenance verbale ; dans la troisième, les attraits qualitatifs des sujets et des personnages, ainsi que leurs distinctions. Il expose également les genres de poème et leurs inventeurs. Dans la quatrième partie, il s’agit des acteurs : il enseigne la forme dramatique et la façon dont elle a été achevée. Et dans la cinquième partie, il exhorte à châtier le style avec assiduité. » (notre traduction) ; nous utilisons la version du commentaire de l’Épître aux Pisons numérisée sur le site de l’ANR « Renaissances d’Horace » hébergé par le portail de l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3.
17 Voir R. Glinatsis, « L’Épître aux Pisons à la Renaissance : entre influence rhétorique et subordination à Aristote », Revue des études latines, 2014, n° 91, p. 237-239.
18 Telle est l’opinion de Giacopo Grifoli, qui, dans son In Artem poeticam Horatii interpretatio de 1550, voit dans la Poétique la source de toutes les idées développées par Horace au sein de l’Épître aux Pisons.
19 Certes, Jason de Nores, dans son In epistulam Q. Horatii Flacci de arte poetica interpretatio, pointe de manière explicite la dimension épistolaire de l’œuvre et remarque, dans sa préface, que « comme [Horace] écrit une épître, il ne veille pas à l’ordre et ne le préserve pas comme s’il écrivait un livre » (pour une reproduction de cette préface, voir B. Frischer, Shifting paradigms: New approaches to Horace’s Ars Poetica, Atlanta, The American Philological Association n° 27, 1991, p. 102-103). Mais si l’on se penche sur la glose de de Nores elle-même, on constate qu’elle ne se démarque en rien de celle des exégètes qui promeuvent la lecture du texte à l’aune des concepts de la rhétorique ou qui la subordonnent à Aristote.
20 Voir E.T. Dubois (éd.), René Rapin S.J. Les réflexions sur la poétique de ce temps et sur les ouvrages des poètes anciens et modernes, Genève, Droz, 1970, p. 9.
21 Pour J. Marmier (Horace en France au dix-septième siècle, Paris, PUF, 1962, p. 90), « le goût classique a choisi [Horace] pour guide » et a dégagé de l’Épître aux Pisons un « art de plaire » si bien que l’œuvre d’Horace a été soumise, dans une traduction parue en 1683, au découpage suivant : 1) Plaire à l’esprit, être agréable ; 2) Toucher le cœur, être pathétique ; 3) Plaire à l’oreille, être harmonieux.
22 Au sujet des différences significatives entre l’Épître aux Pisons et l’Art poétique de Boileau, voir P. Grimal, « Boileau et l’Art poétique d’Horace », dans Critique et création littéraires en France au XVIIe siècle : Paris, 4-6 juin 1974 / Colloque international du CNRS, Paris, Éditions du CNRS, 1977, p. 183-189.
23 Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « Art poétique ».
24 En réalité, Bentley n’est pas le premier à corriger le texte de l’Épître aux Pisons de façon significative : un siècle avant lui, le philologue hollandais Daniel Heinsius lui impose déjà des modifications, mais dans des proportions moindres.
25 P. Hofman-Peerlkamp (éd.), Q. Horatii Flacci Epistola ad Pisones, Leiden, Hazenberg, 1845, passim.
26 En cela, certains se sont inspirés d’un regard critique déjà porté à la Renaissance par Julius Cesar Scaliger qui, dans la préface aux Poetices libri septem de 1561, apparente l’Épître aux Pisons à une satire et avance qu’Horace a exposé sa conception de l’art poétique sans art (« ars sine arte tradita ») ; à ce sujet, voir M. Maróth, « Epikureische Elemente in der Dichtkunst des Horaz », Acta classica Universitatis Scientiarum Debreceniensis, 1993, n° 29, p. 99.
27 Voir H. Schütz (éd.), Q. Horatius Flaccus, Berlin, Weidmann, 1880-1883, p. 356-357.
28 Voir en particulier T. Birt, « Über den Aufbau der Ars poetica des Horaz », dans A. Dieterich, Pulcinella. Pompejanische Wandbilder und römische Satyrspiele, Leipzig, Teubner, 1897, p. 288 sqq.
29 Le concept est présenté et développé dans l’ouvrage intitulé Pour une esthétique de la réception.
30 B. Beugnot, « La lyre et le précepte : notes sur la réception de l’Art poétique d’Horace », Rivista di letterature moderne e comparate, 1999, n° 52, p. 198.
31 Voir R. Glinatsis, « De la Satire I, 4 à l’Épître aux Pisons : modalités et cohérence du discours critique horatien », Camenae, juin 2012, n° 12, p. 2-10.
32 Elle est notamment suivie par F. Cupaiuolo (L’epistola di Orazio ai Pisoni, Naples, Rondinella Alfredo, 1941, p. 109 sqq.) et L. Ferrero (La « Poetica » e le poetiche di Orazio, Turin, Stabilimento tipografico editoriale, 1953, passim).
33 Voir H. Nettleship, « The de Arte Poetica of Horace », The journal of philology, 1883, n° 12, p. 44 sqq.
34 Voir surtout G. Duckworth, « Horace’s hexameters and the date of the Ars Poetica », Transactions and Proceedings of the American Philological Association, 1965, n° 96, p. 73-95.
35 Au sujet de ces différentes tentatives de datation, qui s’échelonnent de 28 à 8 avant J.-C., et de leurs partisans respectifs, voir R. Glinatsis, « L’Épître aux Pisons dans le corpus des œuvres d’Horace : données pratiques et enjeux interprétatifs », Revue des études anciennes, 2013, n° 115 (1), p. 90-91.
36 G. Genette, Introduction à l’architexte, Paris, Seuil, 1979, p. 87-88, qui donne les genres littéraires comme exemples de « catégories transcendantes ».
37 A. Laird (« The Ars poetica », dans S. J. Harrison (éd.), The Cambridge companion to Horace, Cambridge, University Press, 2007, p. 133) remarque que peu de critiques ont appréhendé l’Épître aux Pisons pour elle-même : « The Ars is a difficult text to introduce in its own right, and it is frequently presented to new readers in relation to something else – to Horace’s own poetic practice, and his views on poetry expressed in other works (…); to Roman epic and drama; to Aristotle’s or Callimachus’ poetic theories; to Augustan mores; or to conceptions of art and literature in later times that have been determined by Horace’s precepts. » Un récent volume collectif, intitulé New approaches to Horace’s Ars poetica, fait état du caractère problématique du texte et de la question de son appartenance générique. Dans l’introduction à ce volume, A. Ferenczi (« Introduction. The new Horace and the Ars poetica », dans A. Ferenczi et P. Hardie (éds), New approaches to Horace’s Ars poetica, Materiali e discussioni per l’analisi dei testi classici, 2014, n° 72 (1), p. 11) parle ainsi de la nécessité d’une réévaluation (« reassessment »), et c’est dans cette perspective que vient s’inscrire notre étude.
38 Malgré notre propension à nommer le texte Épître aux Pisons, nous privilégierons, par commodité, celui d’Ars poetica (abrégé en AP) dans la première partie de notre étude, consacrée au versant théorique de l’œuvre, et parfois même au-delà.