Le beau souci de la preuve
p. 121-140
Texte intégral
1Francis Ruellan a soutenu sa thèse en décembre 1999 à l’université Charles de Gaulle – Lille 3. Il a su accepter de mettre un « point final » – ou plutôt des points de suspension, puisqu’il disposait encore d’autres données empiriques non exploitées et que sa réflexion ne s’est pas arrêtée avec la fin de la rédaction de ce mémoire – à un travail engagé depuis plus de 10 ans et qui paraissait interminable : le premier recueil des données en 1992 avait été précédé d’une phase de maturation commencée sous la direction de Michel Glattigny, professeur de linguistique à Lille 3 qui s’intéressait à l’enseignement du français, dont Yves Reuter a pris le relais en 1990, lors de son arrivée à Lille 3. Pendant une si longue durée, aujourd’hui anormale, l’œuvre et l’homme se sont sans doute construits simultanément, avec les bénéfices et les risques d’une telle alchimie, d’une telle implication.
2Le résultat de ce travail exceptionnel est un monument dressé à la gloire de ce que F. Ruellan en est venu à appeler, au fil des pages, non plus un mode de travail didactique (le titre du mémoire, Un mode de travail didactique pour renseignement-apprentissage de l’écriture au cycle 3 de l’école primaire, est de ce point de vue presque trompeur), mais le mode de travail didactique (MTD), le seul qui, à ses yeux, vaille d’être vécu et, vraisemblablement, préconisé. Le « chef d’œuvre » qu’il propose à la manière des Compagnons du Devoir comprend 2 volumes principaux (près de 900 pages) et 1 volume d’annexes (plus de 600 pages), une bibliographie finale de près de 160 titres (où ne sont pourtant pas reprises toutes les références citées dans le corps du texte, Romian (1979) par exemple), un dispositif quasi-expérimental avec 5 classes contrastées mais travaillant toute « en projet » et 1 classe témoin, l’analyse de près de 250 textes d’élèves de CM1 recueillis en pré-test, post-test et re-test, un suivi longitudinal pendant 5 semaines de la classe A (celle qui vit « le MTD »), de l’évolution des productions écrites des élèves de cette classe et de 6 d’entre eux pour essayer de comprendre la genèse des phénomènes mis en évidence « expérimentalement » et articuler l’évolution de ce que produisent les élèves et de ce qu’ils en disent rétrospectivement au cours de plusieurs entretiens conduits par F. Ruellan lui-même.
3La dimension la plus remarquable de la recherche menée par F. Ruellan réside, à mes yeux, dans la visée d’une complémentarité entre l’effort de contrôle « expérimental » dans le recueil et l’analyse des données empiriques et la tentative d’interprétation qualitative, entre la « fumée » et le « cristal », la complexité singulière et la réduction structurante, la science « classique » et la science « romantique » (Luria 1985 : 230-237, Sacks 1988 : 9-12), la compréhension et l’explication. De ce point de vue, F. Ruellan a sans doute eu tort de sacrifier à ce qui tend à devenir un discours convenu et de minorer ses résultats « expérimentaux » qu’il présente dans la 3è partie en une « petite » centaine de pages. Contrairement à ce qu’il écrit (Ruellan 1999 : 379), cette « entreprise » et ses résultats ne sont pas « vains », même s’ils ne correspondent pas tout à fait à l’espoir caressé d’une validation objective du MTD, dès lors du moins qu’on ne les surinterprète pas sans plus tenir compte des conditions de leur production. La déception (en réalité non-fondée) de l’approche nomographique ne peut trouver sa compensation dans une fuite en avant idiographique. Si « vanité » il y a, n’est-elle pas également dans la tentation d’« épuiser le réel » qui traverse la quatrième partie du mémoire consacrée à l’étude intensive de la classe A, en 450 pages, parfois – nécessairement – difficiles à lire quand le pointillisme descriptif paraît devenir une fin en lui-même ?
4Dans la mesure où toute recherche scientifique vise à produire des énoncés de savoir, elle est, au fond, toujours soumise aux mêmes questions critiques fondamentales :
compte tenu des données empiriques recueillies, quel énoncé de savoir est-il légitime d’affirmer et selon quelle modalité d’extension ?
quel est l’apport de la recherche à la communauté des chercheurs, voire, s’agissant de recherche en éducation, des enseignants-formateurs et des praticiens ?
5Prolongeant les discussions, les « disputes » que j’ai pu avoir avec F. Ruellan en l’accompagnant épisodiquement dans sa recherche entre 1990 et 1999 et lors de sa soutenance de thèse en décembre 1999, ces quelques pages esquissent des réponses à ces questions. Elles constituent une modeste pierre au tombeau « mallarméen » que forme cet ouvrage-hommage, pour que, par-delà la mort de celui qui la portait, vive sa pensée.
6• Philosophe de formation, F. Ruellan s’intéressait d’abord à des problèmes d’éducation et de pédagogie. C’est sans doute pourquoi toute la première partie de sa thèse (1999 : 8-163) est consacrée aux « Eléments pour un mode de travail pédagogique ». Ce MTP postulé idéalement et génériquement passe par le projet de production fonctionnelle, la résolution de problème et le conflit socio-cognitif, l’étayage et la zone proximale de développement, la conscience et la verbalisation, etc. Ce n’est que dans un second temps, dans la deuxième partie (« Concevoir un mode de travail didactique pour l’enseignement de compétences scripturales », 1999 : 164-275) que le MTP devient, dans la formulation, « mode de travail didactique » (MTD), quand il trouve à s’appliquer spécifiquement à un objet et à des contenus disciplinaires, en l’occurrence la rédaction d’un conte merveilleux, et à un contexte d’enseignement-apprentissage, le CM1 du cycle 3 de l’école primaire,
7Cette relation de dépendance entre pédagogie et didactique n’est pas l’effet conjoncturel d’une exposition rhétorique qui partirait du général pour aboutir au particulier. Elle est construite comme telle et, à ce titre, discutable. Prise à la lettre, elle laisse entendre que, quels que soient le domaine ou sous-domaine disciplinaire et l’âge des élèves, il n’y a qu’une seule façon d’apprendre (et donc d’enseigner). Elle tend à transformer les théories socio-constructivistes en prêt-à-penser d’une psychopédagogie générale à la mode voire dominante1. Elle tend à faire des didactiques des disciplines des pédagogies appliquées, des « pédagogies spéciales », comme on disait, jadis, dans les Ecoles Normales Primaires. Il est certes possible qu’il existe des invariants non-triviaux qui traversent les didactiques des disciplines scolaires, constituées ou en voie de constitution. Encore faut-il « y aller voir » réellement, comparer les didactiques ente elles, sans accorder a priori à l’une d’entre elles, du fait de son antériorité ou de son niveau de formalisation (la didactique des mathématiques telle que la conçoit Brousseau, par exemple), le statut de modèle de référence indépassable. A l’issue des travaux actuellement en cours sur cette question, on pourra, si l’on veut, qualifier de « pédagogiques » ces invariants.
8C’est dans cette perspective d’abord pédagogique qu’il convient peut-être de comprendre la formulation a priori surprenante de l’hypothèse soumise à l’épreuve des faits. Au terme de ses deux longues premières parties introductives (près de 300 pages), F. Ruellan avance en effet comme suit son unique hypothèse théorique (1999 : 279-280) :
« nous faisons l’hypothèse qu’un dispositif susceptible de favoriser l’auto-socio-construction de compétences scripturales se structure en articulant dialectiquement les composantes suivantes :
une pratique en situation de production/communication écrite pour faire l’expérience tâtonnée du contrôle de l’activité scripturale (engager le questionnement, concevoir et modifier des plans d’action, etc.) ;
une analyse « spontanée » de l’activité scripturale (repérage des réussites et des problèmes, des procédures efficientes), au cours d’échanges collectifs réguliers et non directifs ;
une analyse plus construite et formalisée des problèmes d’écriture sous la tutelle de l’enseignant, articulée à l’analyse spontanée et visant à la construction de réponses à investir lors des situations de production/communication ;
une co-élaboration évolutive de conseils pour écrire, censés contribuer à l’évolution des représentations des buts assignés associés aux moyens requis ainsi qu’à la construction d’un univers commun de référence ;
un accompagnement en situation de production pour favoriser l’autorégulation par des usages critiques et différenciés des outils critériés, utilisés comme « conscientiseurs » plutôt que comme des objets à caractère injonctif voire normatif ;
une clarification du fonctionnement du dispositif afin de faciliter la mutation des rôles par/pour la prise en charge de la responsabilité stratégique de l’activité par l’élève. […] C’est bien l’unité articulant ces composantes qui constitue l’hypothèse. »
9En général, une hypothèse ne porte pas directement sur le modèle que l’on soumet à l’épreuve des données empiriques, mais sur les données empiriques attendues : compte tenu de l’analyse de l’état de la question qui est l’objet de la recherche, des conjectures théoriques qu’il est logiquement possible d’en inférer, on s’attend à constater, lors d’une observation provoquée et contrôlée, une série de faits observables. Cette prédiction constitue l’hypothèse, qui sera déclarée validée ou non en fonction des données recueillies. Si l’hypothèse est validée, la conjecture théorique ou le modèle dont elle est issue sont jugés non pas vrais mais acceptables ou plausibles.
10Telle qu’elle est formulée, l’hypothèse avancée par F. Ruellan paraît destinée à montrer que tout développement de la compétence rédactionnelle s’explique exclusivement par « le MTD », le « bon modèle » à suivre. Elle impliquerait une investigation qui consisterait à partir des performances d’une série de classes à des épreuves de rédaction du conte, à décrire-formaliser les pratiques didactiques des maîtres de ces classes en matière d’enseignement-apprentissage de la rédaction et à évaluer leur degré de proximité avec le MTD. Cette démarche nettement inductive n’est pas impossible. Elle est parfois, en partie, mise en œuvre à grande échelle dans certaines académies quand, sur la base de résultats à des épreuves communes comme celles du BEPC, on met en évidence, « toutes choses égales par ailleurs », un effet établissement qu’on essaie d’expliquer par des pratiques pédagogiques ou didactiques dont on ne préjuge pas. Elle ne correspond cependant pas à la dynamique de la recherche entreprise par F. Ruellan qui vise à établir, classiquement, que le MTD produit des effets d’apprentissage rédactionnel significativement supérieurs à ceux produits par d’autres MTD et à comprendre comment ces effets, s’il existent, se construisent. De ce fait, telle qu’elle est formulée, l’hypothèse ne peut être testée.
11• Le MTD présenté par F. Ruellan a une histoire. Une possible généalogie est envisagée à l’ouverture de la deuxième partie (p. 165) :
« En pédagogie et en didactique du français, le projet de modélisation qui anime cette recherche n’est pas une idée neuve. A partir du Plan de rénovation (Rouchette 1971), la notion de style pédagogique que proposait Romian (1979), […] en attestent. ».
12Mais, sans doute parce que l’entrée est d’abord pédagogique et que le MTD est issu d’un MTP supposé valoir pour l’enseignement/apprentissage de toute compétence, la perspective est aussitôt abandonnée. Cet oubli de l’histoire de la didactique du français est dommage. Il aurait été utile non pas tant de reconnaître des dettes mais de mettre en évidence les spécificités du MTD élu par F. Ruellan et, ainsi, de contribuer à une forme de capitalisation des connaissances. Il aurait été utile de montrer que la recherche et les réformes en matière d’éducation peuvent ne pas simplement se prévaloir de l’argument éphémère de la nouveauté. Il vaut donc la peine d’y revenir.
13Le Plan de Rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire (1971) a très largement inspiré l’ensemble des textes officiels publiés entre 1972 et 1980 pour l’élémentaire mais aussi pour le premier cycle du collège2.
14L’économie générale du dispositif repose sur une dialectique « libération-pratiques de communication/activités spécifiques de structuration » qui accorde à la « communication » une priorité chronologique (temps 1) et quantitative (les deux tiers de l’horaire officiel dévolu au français, Best 1978).
15C’est parce qu’ils sont engagés dans des situations ou projets langagiers où ils ont à « parler, écrire pour de bon à l’école » que les élèves se libèrent, lèvent les inhibitions qui pèsent sur leur parole, se « désaliènent » (Best 1978 : 11) et tirent ensuite le meilleur profit des temps de structuration du langage à travers l’étude de la langue. La « vraie » motivation relève moins de l’affectivité d’un moi profond que de l’investissement dans une situation de communication qui, en principe, fait sens pour les élèves dans la mesure où elle est « fonctionnelle ». Référence est ici faite (Legrand 1973 : 99-133 : chapitre IX rédigé par Hélène Romian), un peu à Claparède (1958, 4° édition : 165 sq. en particulier : « Une méthode fonctionnelle d’enseignement de la langue ») et surtout à Jakobson (1963, Best 1978 : 28-30). Le fameux schéma de la communication et l’analyse des fonctions du langage à travers les traces linguistiques spécifiques que chacune laisse en surface des messages servent ainsi à caractériser les pratiques de communication auxquelles sont invités les élèves et à « programmer » de nouvelles situations. La grille « de Bourges » (1975 Repères 28), par exemple, a été produite dans cette perspective par les équipes INRP : ce classement d’une série d’activités de production écrite selon les fonctions de Jakobson devait constituer un quasi « référentiel » didactique. L’essentiel était que les maîtres diversifient les situations de façon à ce que, avec le temps, les élèves rencontrent et mettent finalement en jeu l’ensemble des fonctions du langage (Best 1978 : 11). Nulle interrogation donc sur la complexité réelle de toute situation de communication en milieu scolaire, même (et surtout) quand cette situation est dite « authentique » (Bautier-Castaing 1982), quand on fait comme si on n’était pas à l’école.
16Les activités d’apprentissages systématiques de la phase de structuration portent sur la langue et non sur la parole (au sens de Saussure). Ce sont les unités linguistiques infra-phrastiques ou phrastiques qui sont concernées. La seule activité de structuration où il pourrait être question de phénomènes textuels ou discursifs supra-phrastiques est la « reconstitution de texte ». Mais cet exercice d’imprégnation, qui n’est pas l’occasion d’analyse explicite même intuitive, est mis en relation avec des objectifs grammaticaux, orthographiques voire lexicaux et non pas proprement textuels. Ce sont d’ailleurs des paragraphes qui lui servent de supports et non des ensembles textuels courts mais complets.
17Tout se passe donc comme si l’école ne prenait pas en charge l’enseignement-apprentissage des compétences textuelles et discursives, ces composantes centrales d’une « compétence de communication » (Hymes 1972) qu’elle se donne pourtant comme objectifs3. Elle laisse aux élèves le soin d’intégrer comme ils le peuvent ces quasi pré-requis que sont les savoirs et savoir-faire (infra-)phrastiques dans leurs compétences à produire et à comprendre des textes et des discours. Or ce saut qualitatif de la phrase au texte est difficile à franchir. D’une part, l’environnement socioculturel de certains élèves ne leur offre vraisemblablement pas des pratiques sociales de référence qui pourraient les y aider. D’autre part et surtout, au lieu de clarifier cognitivement ce qui est en jeu dans le traitement des textes et des discours, la logique des démarches d’enseignement risque de faire croire aux élèves qu’un texte se réduit à une addition de phrases bien formées.
18Dans la mesure où les évaluations scolaires, en français mais aussi dans d’autres disciplines, se font souvent par le truchement de la production/compréhension de textes et de discours, l’école paraît ainsi classer, trier et sélectionner les élèves sur/au moyen de compétences qu’elle ne leur a pas enseignées/fait apprendre. Ces distorsions entre objectif général affiché, contenus d’enseignement effectifs et procédures d’évaluation peuvent constituer quelques uns des biais par lesquels, à l’école, se construisent les échecs scolaires, se transforment en échecs scolaires des différences ou inégalités socioculturelles.
19Plusieurs raisons peuvent expliquer ce qui apparaît, rétrospectivement, comme une impasse didactique. Elles relèvent, entre autres :
du primat de la linguistique phrastique : c’est elle qui est censée garantir la solidité didactique du Plan de Rénovation en permettant la mise au point de « nouveaux » contenus d’enseignement scientifiquement fondés qui rajeunissent la grammaire scolaire sans bouleverser les équilibres classiques. Textes et discours sont renvoyés dans le domaine non-connaissable de la parole ou de la performance, et donc du non-enseignable.
de l’idéologie du texte littéraire : avec, au début du XIXe siècle, la mort de la rhétorique de l’inventio et de la dispositio et la naissance de l’idéologie « romantique » du texte littéraire, de sa production (l’auteur comme subjectivité unique, originale et inspirée) et de sa réception (la communion de deux âmes), c’est l’idée même d’un enseignement des textes et des discours qui est récusée. La compétence à produire et à recevoir des textes et des discours ne doit pas s’enseigner sous peine de déshumanisation.
et du poids de la tradition scolaire française, de ce « préjugé séculaire [qui] réservait à l’enseignement secondaire les exercices de composition » (Rulon et Friot 1962 : 147). Les textes officiels réunis par Chervel (1992) montrent clairement l’origine, la persistance et le contenu de la dichotomie « primaire/secondaire » dont hérite la réflexion sur l’enseignement du français des années soixante-dix.
20• Le MTD théorique de F. Ruellan (1999 : 164-275) retrouve l’alternance constitutive du Plan de Rénovation (PR) et, plus largement, de la pédagogie Freinet et de l’Education nouvelle (GFEN). Il se démarque du PR par deux aspects majeurs : les objets langagiers travaillés et la place accordée à la verbalisation « méta » par les « situations différées ».
21A l’évidence, le MTD vise à construire et développer les compétences rédactionnelles des élèves et les objets de travail retenus sont d’ordre trans-ou supra-phrastique et textuel (le conte merveilleux comme genre du narratif). La perspective de F. Ruellan croise de fait le mouvement d’analyse critique menée, à la fin des années soixante-dix et au début des années quatrevingt, au sein même des équipes INRP à l’égard du PR et des IO qui l’ont suivi (par exemple Brassart et Gruwez 1983, 1984, 1985). Ce mouvement a été marqué, après les changements politiques de 1981, par la reconstitution d’équipes de recherche en didactique du français à l’INRP et en particulier, en 1984, du groupe EVA animé par Claudine Garcia-Debanc et Maurice Mas, dont les travaux sur l’évaluation des écrits à l’école primaire seront publiés entre autres en 19914. Il s’est traduit par la publication des I.O. pour l’école primaire dans lesquelles apparaissent les éléments d’une « rhétorique » de la production langagière (« genres » p. 34 ou « modes de discours » p. 33 descriptifs, narratifs, argumentatifs, explicatifs ; « règles de conception, de composition et de rédaction » p. 31), au moment où la psycholinguistique textuelle cognitive concrétise sa « percée » en France5.
22La contribution originale de F. Ruellan à la modélisation des didactiques du français est ailleurs. Alors que le modèle PR est une alternance spiralaire de deux moments : les situations fonctionnelles de communication (SF) et les situations de structuration (SSt), le MTD introduit un troisième type de situation : les situations différées (SD).
23L’idée et la formulation, un peu ambiguë, sont reprises de Jaffré entre autres (1986 : 59). Les SSt sont elles-mêmes des situations différées ou « distanciées » (Reuter 1996 :106-108) par rapport à la situation fonctionnelle d’écriture : on y travaille, par des exercices ou des entraînements proposés par l’enseignant dans un temps autre que celui de la production, des problèmes langagiers rencontrés et non résolus initialement et immédiatement dans les SF, dans l’espoir de construire des compétences qui seront mobilisées ensuite en SF6. Ce qui caractérise les SD n’est donc pas d’être disjointes des SF et de l’action de production. Les SD du MTD ne sont pas des moments de résolution de problème mais de « débats à fonction problématisante » animés et menés par l’enseignant (Ruellan 1999 : 137-138, reprenant Halté 1989 :19). Comme chez Jaffré (1986), les SD sont dites différées non pas par rapport aux SF mais par rapport aux SSt : c’est la résolution des problèmes repérés en SF et élaborés en tant que tels en SD qui est différée en SSt.
24Chez F. Ruellan, les SD ne sont pas seulement des prodédeutiques aux SST. D’une part, il peut arriver que le produit du travail en SD n’appelle pas une SSt et soit directement exploitable en SF. C’est le cas notamment des critères de réussite qui sont explicités et socialisés en SD à partir des « solutions bricolées » en SF et mis en perspective d’utilisation ultérieure en SF (Ruellan 1999 : 238 et 243). D’autre part, les SD ont aussi vocation à faciliter le réinvestissement en SF de ce qui a été travaillé en SSt en mettant le nouveau savoir en rapport avec ceux déjà acquis antérieurement et en le rendant opérationnel comme outil pour la production.
25Les SD sont ainsi au coeur du MTD développé par F. Ruellan (1999 : 386) selon une alternance rythmée par construction comme suit :
SF → SD (→ SF →SSt →SD) → SF….
26Conformément à ses options psychopédagogiques initiales, il met l’accent sur la verbalisation métacognitive et la prise de conscience, vise une maîtrise symbolique et non pas seulement pratique des compétences rédactionnelles. Il parie sur les interactions socio-cognitives pour dépasser les limites de la prise de conscience et ses écarts par rapport à la réussite observés par Piaget (1974 a et b).
27Peut-être F. Ruellan minore-t-il les effets des rapports sociaux au langage analysés par Lahire (1993) et dont il ne dit rien. Peut-être oublie-t-il que les compétences rédactionnelles et textuelles sont de l’ordre des savoir-faire et des connaissances procédurales, ou stratégiques étant donnée la complexité des tâches (Fayol 1993, Fayol et Monteil 1994) et que, si leur développement-acquisition passe sans doute par une ou des phases méta-procédurales (Karmiloff-Smith 1979, 1986, 1993) et s’accompagne d’un développement métacognitif (Flavell 1985 : 31), les effets de cette « activité méta » ne sont pas nécessairement toujours conscients ni verbalisables en un « comment j’ai fait pour… »7 et peuvent rester épilangagiers (Karmiloff-Smith 1979,1993, Culioli 1976).
28• F. Ruellan décrit très précisément les phases du travail en MTD mené dans la classe A où il s’incarne (1999 : 388-524). Ce « cahier-journal » du MTD pratique fournit les pièces qui nous permettent de formuler quelques remarques et questions et de moduler l’architecture théorique du MTD dont l’épure vient d’être présentée (Ruellan 1999 :164-274).
29On constate d’abord, en reprenant la catégorisation en SF, SD et SSt proposée par F. Ruellan lui-même des 78 moments qui scandent le travail, que la durée totale consacrée aux SF représente à peine la moitié de la durée du projet dans son ensemble. Le MTD pratique semble s’écarter significativement du PR qui préconisait de consacrer les deux tiers du temps aux activités de communication en SF.
30En réalité, les choses sont un peu plus compliquées du fait du caractère inévitablement discutable de la catégorisation des moments didactiques voire de leur repérage dans le continuum temporel.
Nombre | Durée totale | |
SF | 34 | 22 heures 30 |
SD | 24 | 11 heures |
SSt | 20 | 12 heures |
31On peut en effet se demander :
pourquoi sont étiquetées SF certaines activités de la première semaine (8-13/10) consacrées au choix d’une stratégie discursive, au rappel des outils à utiliser, ou la discussion collective de la situation 2 (vendredi 14/10, 9 h 30-10 h) sur « qu’est-ce qu’un conte ? », alors que la situation 4 (lundi 17/10 9 h 10-10 h) au cours de laquelle la classe discute de la place et du rôle des personnages est dite SD (Ruellan 1999 : 395) : est-ce parce que, par construction, les premières situations sont nécessairement fonctionnelles ? ;
ce qui différencie la SSt 10 de recherche collective sur le rôle des personnages du conte Aladin (jeudi 20/10, 9 h-10 h 15) de la SF 14 passée à visionner deux écrits (sic) à la bibliothèque municipale (Le Petit Prince et Le joueur de flûte de Hamelin) et à chercher à savoir si et pourquoi il s’agit de contes (vendredi 21/10, 15 h-16 h 20) (Ruellan 1999 : 395-395-396) ;
en quoi, autrement que par la variation petits groupes vs groupe-classe, les moments 26, 27, 32 et 39 identifiés comme SSt et consacrés à la critique de contes produits par des élèves de la classe, avec lecture individuelle, échanges en binômes ou rédaction individuelle des critiques et discussion collective, se différencient des moments 22 et 24 qualifiés de SF et consacrés à l’évaluation mutuelle en trinômes des premières versions des contes (Ruellan 1999 : 397-398).
32De même, les SD ne semblent pas toujours jouer le rôle qui leur a été théoriquement assigné dans le MTD, celui d’engager un débat sur un problème rencontré dans une voire plusieurs SF qui précèdent et d’appeler, si nécessaire, à une ou des SSt ultérieures. Selon notre pointage, la moitié des 24 SD identifiées comme telles par F. Ruellan (1999 : 395-400) précède des SF. Parfois (Ruellan 1999 : 397), l’alternance SF/SD est très rapide au cours d’une même séquence horaire comme, par exemple, celle du lundi 7/11, 8 h 30-10 h :
19 SF (ou SD ?) : retour sur les enjeux du projet (8 h 30-8 h 45)
20 SF : lecture individuelle de la première version rédigée avant les vacances (8 h 45-8 h 55)
21 SD : échange d’impressions après la lecture de la première version (8 h 55-9 h 10)
22 SF : évaluation mutuelle des premières versions en trinômes (9 h 15-9 h 45)
23 SD : bilan collectif sur l’intérêt des échanges en trinômes (9 h 45-10 h)
33Du point de vue des élèves, ces questions n’ont sans doute pas grande importance puisque c’est l’ensemble des 78 moments qui est supposé prendre sens pour eux dans la mesure où chaque situation contribue à la réalisation du projet de communication auquel les élèves adhèrent en principe. Du point de vue de la recherche et de ce qu’on peut légitimement en conclure, il en va tout autrement puisque c’est le contrôle des variables qui président au recueil des données empiriques qui est en jeu et, plus fondamentalement, la caractérisation du MTD théorique soumis à l’épreuve des faits.
34Les SD constituent aux yeux de F. Ruellan l’option critique de sa thèse. Mais, d’une part, leur présence et leur poids relatifs dans le MTD pratique ne sont pas toujours clairement établis. D’autre part, il n’est pas sûr que les MTD pratiques des classes qui font a priori contraste avec la classe qui incarne le MTD élu par F. Ruellan, se caractérisent en réalité par l’absence de toute SD. Toutes ces classes (sauf une classe témoin) travaillent en effet en projet d’écriture longue (Ruellan 1999 : 293) et il est peu vraisemblable que ce mode de travail n’implique pas, quasi naturellement, des moments de SD, certes plus ou moins fréquents, importants et formalisés. Faute de disposer du « cahier-journal » de ces classes, il est cependant impossible de clarifier ce point pourtant essentiel pour la recherche.
35• Le dispositif quasi expérimental vise à comparer les effets du MTD mis en œuvre en 1992 dans la classe A à ceux produits par quatre autres modes de travail dans quatre classes auxquelles est ajoutée une classe témoin :
classe B : alternance SF et SSt mais pas de SD puisque, même si les critères de réussite sont élaborées collectivement en SSt, c’est l’enseignant qui assume, en grande partie, le passage des SF aux SSt en repérant et en formulant lui-même les problèmes rencontrés le plus fréquemment dans les textes des élèves,
classe C : accent mis sur l’implication dans les SF, avec peu de SD ou de SSt et sans explicitation socialisée et capitalisée de critères de réussite,
classe D : réécriture en SF à partir des notions travaillées en SSt selon un programme défini a priori par l’enseignant,
classe E : schématisations et critères textuels issus de lectures de contes, mais pas de pratique d’écriture,
classe T : ni écriture ni travail sur le conte.
36Les élèves des six classes sont soumis à un pré-test et à un post-test ainsi qu’à un re-test (rédiger un conte merveilleux). Leurs productions (238 textes) sont analysées selon sept critères :
ancrage de l’histoire dans un univers merveilleux (trois valeurs : univers quotidien, univers non-quotidien mais non-merveilleux ou éléments non-fonctionnels de merveilleux, univers merveilleux plus ou moins fonctionnel),
présence d’une trame narrative intégrant l’apparition, le développement et la résolution d’un (de) problème (s) (quatre valeurs : suite d’actions juxtaposées, séquence d’actions cohérente mais non dramatisée par un problème ou une intrigue, séquence narrative avec absence ou minoration de la situation finale, séquence narrative complète),
nombre de personnages, nombre de personnages à fonction précise, nombre de personnages à fonction précise bien amenée,
intégration des paroles de personnages : nombre de répliques fonctionnelles,
utilisation cohérente des désignateurs des personnages : nombre de chaînes anaphoriques simples vs variées,
emploi plus ou moins maîtrisé d’une base temporelle adaptée (temps et marqueurs de temps et de lieu de l’énonciation récit) : non-maîtrise, maîtrise partielle, maîtrise globale,
nombre de mots, considéré comme indice de l’implication des élèves dans l’activité d’écriture et, en association avec d’autres critères, du développement de la compétence (Ruellan 1999 : 324), nombre de phrases correctes du point de vue de la syntaxe et de la ponctuation, longueur des phrases.
37Cette série de critères d’analyse des textes, qui constituent autant de variables dépendantes, couvre un très large spectre. Ils ne sont cependant pratiquement pas construits théoriquement. On ne trouve que trois références bibliographiques dans les pages que F. Ruellan consacre à leur présentation (1999 : 304-335)8. Le contraste est saisissant par rapport à l’abondante bibliographie psychopédagogique mobilisée par ailleurs, comme si, par-delà ces critères, les contenus didactiques propres aux disciplines pouvaient faire l’économie d’une problématisation scientifique critique et se satisfaire d’une culture devenue commune. De ce fait, en l’absence de tout cadrage théorique issu en particulier de la psycholinguistique génétique textuelle, les valeurs des critères semblent conçues comme les traces d’un développement linéaire vers une compétence experte supposée, comme des manques par rapport à cette référence normative. La longueur des textes est, par exemple, identifiée a priori par F. Ruellan comme indice d’investissement (psychoaffectif) des sujets dans la tâche, mais aussi et surtout comme signe de développement de la compétence rédactionnelle. Cette affirmation aurait pu être vérifiée empiriquement (ce qui n’est pas fait en dépit de ce qui était annoncé cf. supra), à la lumière de travaux comme ceux de Karmiloff-Smith (1986, 1993) qui montre que le développement d’une certaine maîtrise textuelle s’accompagne, dans un premier temps, d’une diminution de la longueur des productions.
38Par la synthèse des écarts pour chaque classe entre pré-test et post-test à chacun des sept critères d’analyse retenus9, F. Ruellan aboutit à un résultat qu’il interprète comme favorable à la classe B qui enregistre une progression très significative sur cinq des sept critères. Dans ces conditions, son hypothèse n’est pas validée dans sa dimension critique, celle du rôle des SD. La déception, à la hauteur de son engagement et de son espérance militants, le conduit à récuser la « vanité de [son] entreprise » expérimentale et à renoncer à tout « souci de généralisation » au bénéfice d’un pur et simple « constat singulier » (p. 379). Il a évidemment tort de « jeter le bébé avec l’eau du bain »10.
39F. Ruellan a mené son entreprise expérimentale honnêtement, aussi complètement que cela est possible en sciences humaines hors du laboratoire. Certes, hormis pour la classe A à laquelle il consacre une quasi monographie, la dynamique pédagogique et didactique des projets (durée totale réelle des activités durant les cinq semaines des projets, durée et rythme d’alternance de chaque type de situation SF, SD et SSt, types d’exercices réalisés en SSt par rapport à ceux proposés par F. Ruellan) n’est pas décrite finement. Mais son contrôle en situation de classe ordinaire est impossible. Tel est le prix à payer, et il n’est pas trop fort, à la validité écologique des résultats de la recherche.
40Les résultats de la classe A sont également positifs11, même s’ils sont moins spectaculaires que ceux de la classe B en raison d’un niveau initial élevé et d’effets de plafond sur certains critères.
41Enfin et surtout, la place et le poids réels des SD dans le MTD pratique de la classe A sont, on l’a vu, sujets à discussion, alors même que ces SD ne sont sans doute pas absentes dans la classe B. Dans ces conditions, F. Ruellan peut conclure avec une certaine confiance à l’intérêt d’une didactique de la composition écrite, au cycle 3 de l’école primaire, qui s’appuie sur une alternance entre SF liées à un projet de communication, SSt et SD formalisées ou non.
42Cet apport à la communauté des chercheurs et des praticiens est loin d’être négligeable. Dans une conjoncture historique différente, il aurait pu prendre l’allure de la validation d’un PR2.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 La publication du SGEN-CFDT de l’académie de Lille a récemment ouvert ses colonnes à une professeure des écoles stagiaires de l’IUFM Nord - Pas-de-Calais. Elle s’y plaint, au nom de sa liberté pédagogique, qu’on lui ait présenté les « pédagogies actives » comme les seules possibles, sans réelle analyse critique des pédagogies transmissives. Réaction saine sans doute, dès lors qu’une formation professionnelle universitaire se caractérise d’abord par le droit au libre examen, mais aussi fascinant retournement de l’histoire (pour les gens de ma génération…) qui frappe une proposition alternative, « récupérée » par l’institution et apparemment devenue, comme disait Barthes « encratique ».
2 1972 : Instructions relatives à l’enseignement du français à l’école élémentaire (issues des travaux de la commission Rouchette et en particulier du Plan de rénovation rendu public en 1971 sous le titre « L’enseignement du français à l’école élémentaire. Principes de l’expérience en cours » (Recherches Pédagogiques 47, Paris : INRDP), et, dans une présentation intégrale et militante, sous le titre « La réforme de l’enseignement du français vue par ceux qui l’enseignent… » (L’Enseignement Public, revue de la FEN, supplément au n° 5, décembre 1973, 3° édition). Cf. Legrand (1977 : 142-176) pour un retour critique sur cette période par l’un de ceux qui en furent les acteurs. 1978 : Contenus de formation à l’école élémentaire. Cycle élémentaire.
1980 : Contenus de formation à l’école élémentaire. Cycle moyen.
1977-1978 : Textes officiels sur l’enseignement du français et des langues anciennes en 6° et 5° des collèges.
3 « L’objectif majeur sera de développer chez tous les enfants la capacité de communiquer et de s’exprimer avec aisance, clarté et correction, oralement et par écrit, dans la langue d’aujourd’hui » (« dans les situations de communication courante », précise-ton pour l’oral). Cycle Moyen — 1980.
« L’enseignement du français dans les collèges vise, en premier lieu, à donner à tous les enfants et adolescents, selon leur degré de maturation, la capacité de communiquer et de s’exprimer avec aisance et clarté, oralement et par écrit, dans la langue d’aujourd’hui. […] Apprendre à chacun à s’exprimer dans les conditions requises par toute situation de communication, sans risque de malentendu ou de disqualification, c est améliorer les échanges au sein de la collectivité et contribuer à harmoniser les chances. » Classes de Sixième et Cinquième — 1977.
4 Un Plan de Rénovation 2 (PR2) aurait pu voir le jour à ce moment, que, sur d’autres bases, appelait de ses vœux Hélène Romian dans sa préface à l’Essai d’évaluation des effets d’une pédagogie du français, i.e. du PR1 vs pédagogie Freinet vs « pédagogie traditionnelle ». (1980 et 1981). Tel n’a pas été le cas, peut-être parce que le Plan Rouchette/PR1 a été institutionnellement un échec dont certaines causes ont été analysées (Legrand 1977, Chobaux et Segré 1981).
5 C’est en 1985, chez Delachaux et Niestlé, que J.-P. Bronckart publie Le fonctionnement des discours et M. Fayol Le récit et sa construction.
6 On peut se demander si l’enseignement de la grammaire phrastique, toujours prévu dans les IO, n’implique pas nécessairement une progression et une programmation peu compatible avec le caractère opportuniste des SSt. D’où la proposition de réserver un temps spécifique à cet enseignement-apprentussage dans des situations dites décrochées (par rapport aux SF), distinctes des SSt différées (Brassart et Gruwez 1983, 1984, 1985).
7 Sur le « dire du faire », voir Lahire (1998a) qui, en tant que sociologue, tente de « situer dans le fonctionnement du monde social » les raisons de la fréquente « non-conscience » des acteurs à l’égard de leurs pratiques et de leurs savoirs, de la distorsion entre ce qu’ils font et savent et ce qu’ils disent faire et savoir. Voir aussi Lahire (1998b : 169-188 en particulier) pour une critique vive, aux accents parfois boudonniens, des notions bourdieusiennes d’habitus et de sens pratique. L’inégale aptitude des hommes à la maîtrise symbolique de la pratique en fonction de leurs conditions matérielles d’existence et du degré l’urgence de la pratique (Lahire 1998 :171 rapportant Bourdieu et Passeron 1970 : 64-65), n’est pas sans rappeler certaines « thèses » datées de Mauss (1991/1924 : 306) : « […] Seul l’homme civilisé des hautes castes de nos civilisations et d’un petit nombre d’autres […] sait contrôler les différentes sphères de sa conscience. Il diffère des autres hommes. […] Il est conscient. Il sait alors résister à l’instinct ; il sait exercer, grâce à son éducation, à ses concepts, à ses choix délibérés, un contrôle sur chacun de ses actes. [Il] n’est pas simplement un homme duplex, […] il est « divisé » : son intelligence, la volonté qui lui fait suite, le retard qu’il met à l’expression de ses émotions […] l’empêchent d’abandonner toute sa conscience aux impulsions violentes du moment. […] Mais ce ne sont pas ces hommes que nous, sociologues, avons généralement à étudier. […] L’homme moyen de nos jours – et ceci est surtout vrai des femmes – et presque tous les hommes des sociétés archaïques ou arriérées, est un « [homme] total : il est affecté dans tout son être par la moindre de ses perceptions ou par le moindre choc mental. »
8 Reuter (1991 Introduction à l’analyse du roman) sur quelques catégories narratologiques générales (1999 : 314 et 316), Fayol (1985) pour une reprise ponctuelle et partielle de l’approche psycholinguistique d’Applebee (1999 :317) et De Weck sur les chaînes anaphoriques (1999 : 328).
9 Faute d’avoir recours à un outil statistique comme l’analyse factorielle des correspondances, F. Ruellan ne croise pas ces critères (sauf univers et trame narrative) et ne permet pas au lecteur de le faire puisqu’il ne donne pas en annexes le détail des résultats de chaque élève. Il ne peut ainsi, malheureusement, mettre en évidence des « profils » de rédacteurs et situer l’analyse à un niveau intermédiaire entre les groupes-classes et les individus singuliers de sa quatrième et dernière partie.
10 Toute la quatrième partie (1999 : 388-858) est consacrée à une analyse compréhensive des dynamiques à l’œuvre dans la classe A, de l’évolution des productions des élèves de cette classe, d’entretiens avec six de ces élèves. Contrairement à ce que F. Ruellan écrit ici ou là, elle ne peut, faute d’éléments de comparaison, être conclusive quant aux effets du MTD. La richesse et la finesse de l’analyse sont telles cependant qu’elles autorisent (on l’a vu à propos des SD) l’émergence de nouvelles hypothèses. La mort a empêché F. Ruellan de les formuler précisément et de les soumettre, patiemment et humblement, comme il savait si bien le faire, à l’épreuve des faits.
11 Ils se maintiennent en re-test, six mois plus tard, dans des conditions trop faiblement contrôlées cependant pour que F. Ruellan s’autorise à en tirer des conclusions fortes.
Auteur
Equipe Théodile (E.A. 1764)
Université Charles de Gaulle - Lille 3
IUFM Nord - Pas-de-Calais
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