Moi, Michel Foucault, ayant interrogé la grande famille indéfinie et confuse des anormaux…
p. 133-158
Texte intégral
« Où passent les rebelles ? Réponse : dans des catégories » Pierre Legendre, L’amour du censeur. Essai sur l’ordre dogmatique, Paris, Seuil, 1974, p. 165
1« La grande famille indéfinie et confuse des ‘anormaux’ dont la peur hantera la fin du XIXe siècle, ne marque pas simplement une phase d’incertitude ou un épisode un peu malheureux dans l’histoire de la psychopathologie ; elle a été formée en corrélation avec tout un ensemble d’institutions de contrôle, toute une série de mécanismes de surveillance et de distribution ». C’est ainsi que Michel Foucault ouvrait le résumé de son cours au Collège de France pour l’année 1974-1975 intitulé « Les anormaux ». Depuis son entrée dans la vénérable institution en 1970, Foucault avait consacré ses cours à ce qu’il présentait lui-même comme « la lente formation d’un savoir et d’un pouvoir de normalisation à partir des procédures juridiques traditionnelles du châtiment ». Le cours sur « Les anormaux » succédait à celui sur « Le pouvoir psychiatrique » et annonçait celui sur « Il faut défendre la société ». Enfin, dans le sillage immédiat de cet enseignement, Michel Foucault allait publier deux de ses ouvrages les plus importants : Surveiller et punir (1975) et La volonté de savoir (1976) (Foucault, 1975 et 1976). Le rappel de cette courte séquence permet de situer le cours sur « Les anormaux » dans sa temporalité scientifique immédiate. Il ne doit pas toutefois faire oublier que c’est l’œuvre entière de Michel Foucault qui ne cesse d’interroger les limites de la normalité, ou plus précisément, la manière dont s’élabore un savoir spécifique autour d’un problème dont le principal enjeu est de redessiner les frontières du normal et de l’anormal. Depuis ses premiers travaux sur la folie et la maladie, Foucault est parti à la rencontre de tous ces infortunés – fous, lépreux, criminels, vagabonds, libertins, vénériens et autres individus dangereux – que « l’agression rationaliste » entamée à l’époque classique saisira en pratiquant sur eux une opération d’exclusion, d’enfermement et de plongée dans le monde de la déraison. Une telle constance intellectuelle et scientifique ne signifie pas que Foucault se soit contenté au fil des ouvrages de creuser le même sillon en variant seulement les objets. Ce qui étonne, c’est au contraire sa très grande liberté de questionnements et sa disposition à « modifier les éclairages », c’est-à-dire à réinventer constamment de nouvelles problématiques, au risque, comme certains le lui ont reproché, de donner parfois l’impression de se contredire ou de jouer sur les glissements de sens de ses principaux concepts. Mais Foucault leur avait déjà répondu : « Ne me demandez pas qui je suis et ne me dites pas de rester le même : c’est une morale d’état-civil ; elle régit nos papiers. Qu’elle nous laisse libre quand il s’agit d’écrire » (Foucault, 1969a : 28).
2Notre ambition sera ici modeste. Nous entendons répondre à l’invitation que Foucault lui-même adressait à ses lecteurs d’utiliser ses travaux comme autant de « boîtes à outils », d’en faire des usages heuristiques en y empruntant et discutant ses lexiques et ses hypothèses. Donc, moins penser l’œuvre de Michel Foucault que de penser avec lui (Granjon, 2005). Un fil rouge nous tiendra tout au long de cette réflexion, une manière de ne pas nous perdre dans les plis tortueux d’une œuvre polyphonique : faire de l’anormalité le point d’épreuve théorique et pratique d’une philosophie critique du pouvoir, un pouvoir dont l’auteur nous a rappelé qu’il ne se possédait pas mais s’exerçait, notamment dans l’expérience des traçages de limites, cette infinité de « petits gestes obscurs, nécessairement oubliés dès qu’accomplis, par lesquels une culture rejette quelque chose qui sera pour elle l’Extérieur » (Maurice Blanchot). L’Extérieur n’est pas une altérité comme les autres, elle est non seulement celle que l’on ne veut pas chez soi, mais celle dont l’éloignement sanctionne et confirme le non-raisonnable, l’intolérable, l’inacceptable. À travers le prisme des anormalités, Michel Foucault nous offre à voir les manières dont le savoir social produit ses vérités, et comment ces vérités se transforment en mécanismes d’obéissance.
1. L’anormalité n’existe pas
3« Je n’ai jamais écrit que des fictions ». Foucault reconnaissait sans ironie l’une des clés principales de son épistémologie : délaisser la tentation des grandes fresques spéculatives, abandonner la recherche de l’unité des significations ultimes, investir le matériau historique et faire du philosophe celui qui raconte des histoires. L’objet « anormalité » chez Foucault est d’abord, et peut-être avant tout, le produit d’une méthode, dont il convient très brièvement de rappeler quelques-uns des principaux postulats théoriques.
1.1 - Histoire et archéologie
4Le terme « histoire », présent dans plusieurs titres des ouvrages de Michel Foucault est un trompe-l’œil car, si l’auteur ne s’est jamais privé d’investir les archives et de travailler sur des objets connus des historiens, son mode d’interrogation n’est pas celui propre à l’histoire. « Plutôt que d’une histoire au sens traditionnel du mot, il s’agit d’une archéologie », lecture que l’auteur définit ainsi : « Faire une tout autre histoire de ce que les hommes ont dit ». Dans l’Archéologie du savoir, que Paul Veyne considérait comme « ce livre maladroit et génial où l’auteur a pris pleine conscience de ce qu’il faisait et a poussé sa théorie jusqu’à son achèvement logique » (Veyne, 1978 : 203), Foucault adresse plusieurs griefs à l’histoire, notamment à l’histoire des idées. Celui de nier tout d’abord la discontinuité, la rupture, et de proposer des interprétations consolantes, destinées à installer les auteurs et les textes dans le confort des filiations rassurantes, des parentés, des influences et des prolongements. Histoire linéaire, fortement mâtinée d’esprit des Lumières, qui tend à privilégier les invariants, mais également histoire totalisante selon laquelle les événements épars trouveraient leur intelligibilité par la présence dans l’histoire même d’une Raison ordonnatrice. Mais que cherche-t-on donc à protéger en défendant une telle vision historique ?, s’interroge Foucault. L’unité et la continuité du sujet et de l’objet, « celle de l’homme comme auteur de connaissance et celle de l’objet comme domaine fixé de connaissance pour l’homme » (Ysmal, 1972 : 780). Cette mythologie de la « fonction fondatrice du sujet » conduit l’histoire à s’épuiser à rechercher ce que les hommes ont voulu dire et voulu faire, comme s’il devait exister un sens caché que le métier d’historien consisterait à dévoiler ou révéler, comme si les discours et les actes ne prenaient sens qu’à travers la présence d’une Vérité située ailleurs.
5Michel Foucault oppose une autre réalité historique, faite de ruptures, de discontinuités et de seuils. La fécondité des césures, déjà présente dans l’Histoire de la folie, conduit à se porter dorénavant sur les gestes et discours qui partagent la folie de la non-folie, le malade du non-malade, le délinquant du non-délinquant, l’anormal du normal. La démarche archéologique consiste donc à saisir l’anormalité à travers cette fabrication de la mise à distance, dans ces manières de dessiner des topographies distinctes de la raison et de la non-raison, de retrouver les « seuils chronologiques » qui marquent les mutations des configurations du savoir (modifications concernant aussi bien les techniques d’observation, la reconnaissance de la subjectivité de l’individu, les manières de mettre l’anormalité en mots). En proclamant que « la folie n’existe pas », ou pire encore aux oreilles des historiens, « En un mot, on veut bien se passer des choses », Michel Foucault invitait les chercheurs à ne plus croire en l’existence d’une chose appelée « anormalité », mais à y repérer des pratiques, très datées, qui ont objectivé, naturalisé, cette catégorie de classement. Oublions donc l’anormalité et intéressons-nous aux pratiques et discours qui ont un jour identifié, désigné et traité des anormaux, demandons-nous dans quelles pratiques discursives des gens sont objectivés de telle manière qu’ils deviennent des anormaux, mais inversement interrogeons-nous aussi sur ce qui rendrait impensable de les qualifier ainsi. On voit la méthode à suivre : elle consiste à décrire très positivement ce que les gens disent et font, et à ne rien présupposer d’autre. En l’occurrence, restituer les discours et les pratiques de ceux qui se mettent à parler des anormaux, à s’en occuper à travers des mesures, des normes, des traitements. L’anormal n’existe pas en dehors de ce qu’on fait de lui et de ceux qui l’ont fait. Révolutionnaire Foucault ? Pas du tout, proteste Paul Veyne : « Foucault ne parle pas d’autre chose que ce dont parle tout historien, à savoir de ce que font les gens ; simplement, il entreprend d’en parler exactement » (Veyne, 1978 : 214). En arrachant le drapé des choses dites, on ne découvre aucun secret, aucun mystère, on montre simplement que ce qui est dit présente des partis pris, des réticences, des représentations dont les locuteurs ne sont nullement conscients. Et cette grammaire inconsciente délimite pour une époque le cadre de ce qui devient pensable et de ce qui ne l’est pas, un réseau dense d’opérations intellectuelles qui témoignent de la manière dont les hommes d’une période donnée pensent, comprennent et qualifient.
1.2. - Discours et savoirs
6Étudier ce qui s’est dit à un moment donné et qui parlait justement de l’anormal, telle est la démarche de Foucault qui consiste à repérer des discours, c’est-à-dire « des ensembles de choses dites » dans les différents domaines du savoir textes scientifiques, théoriques, religieux, littéraires, codes, traités, lois ou règlements. Matériaux souvent très humbles et délaissés. Ces nappes discursives sont composées d’énoncés effectifs, écrits ou parlés, présentés dans leur dispersion d’événements et dans l’instance qui est propre à chacun. La matérialité de ces discours en constitue l’historicité, ils viennent d’un lieu et d’une date, et ce régime d’existence des discours fait que ceux-ci prennent sens, au-delà de tout invariant lexical. « Les mots n’ont pas de sens mais seulement des usages » disait déjà Wittgenstein. Les discours sont des pratiques, répond Michel Foucault, des pratiques réglées qui « forment systématiquement les objets dont ils parlent » (Foucault, 1969a : 67). Le discours ne sera donc pas interprété, mais appréhendé dans son fonctionnement. L’archéologie analyse les discours dans leur formation et met en lumière « leur condition d’apparition, les formes de leur cumul et de leur enchaînement, les règles de leur transformation, les discontinuités qui les scandent » (Foucault, 1969b : 12). L’enquête archéologique ne cherche donc pas à établir l’histoire de l’anormalité, mais à reconstituer ce qui a rendu possible et pensable les discours sur l’anormalité, à un moment donné. Il n’y a pas d’ontologie de l’anormalité, seule existe sa relation avec le reste du monde et celle-ci se tisse dans l’ordre des discours qui institue la problématisation de l’objet. Michel Foucault définit les problématisations comme « l’ensemble des pratiques discursives et non discursives qui fait entrer quelque chose dans le jeu du vrai et du faux, et le constitue comme objet de pensée » (Foucault, 1984a : 18). Pour le dire autrement et l’appliquer à l’objet « anormalité », la problématisation renvoie aux opérations discursives qui ont permis de rendre pensable l’anormalité, et de vaincre ainsi la tentation de l’évidence : l’anormalité ne va pas de soi, elle relève des conditions qui autorisent sa qualification et son énonciation (Edelman, 2007)1.
7Ce travail de problématisation résulte d’un double processus : tout d’abord, retrouver le cheminement qui conduit à la pensée sur l’anormalité (à travers quelles représentations, quelles figures, quelles notions ?), c’est-à-dire le trajet qui conduit de l’impensable au pensable. S’il y a incontestablement des cimetières entiers peuplés de formes historiques d’anormalité (la sorcière, l’onaniste), nous vivons aujourd’hui dans un monde social en production de nouvelles anormalités. Nous désignons et consommons quotidiennement des figures de l’anormal (que l’on songe à la manière dont le pédophile incarne aujourd’hui la nouvelle monstruosité2). Ensuite, établir un savoir autour de l’objet devenu pensable. Le savoir selon Michel Foucault est d’abord le lieu où la distinction scientifique / non-scientifique perd toute sa pertinence, où les discours les plus divers possèdent leur positivité propre. Le savoir sur l’anormalité s’est ainsi forgé dans des matrices aussi peu scientifiques que les croyances populaires, les dogmes religieux ou les procès judiciaires. L’autorité de la science constitue l’une de ces ruptures épistémologiques fondamentales étudiées par Foucault, par laquelle un nouveau mode de légitimation promeut des discours et des pratiques qui proviennent d’un champ savant en construction, peuplé de médecins, de psychiatres, de spécialistes de plus en plus pointus. Si le paradigme scientifique l’a aujourd’hui emporté, ce n’est pas en raison d’une Vérité désormais atteinte par les modalités de la preuve, mais parce qu’au sein de nos sociétés modernes, la science et ses protocoles sont devenus les nouvelles valeurs sur lesquelles doivent s’aligner les prises de parole légitimes.
1.3. - Vérités et pouvoirs
8Deux ans avant sa disparition, Michel Foucault revenait sur son parcours : « C’était une entreprise pour dégager quelques-uns des éléments qui pourraient servir à une histoire de la vérité. Une histoire qui ne serait pas celle de ce qu’il peut y avoir de vrai dans les connaissances ; mais une analyse des ‘ jeux de vérité’, des jeux du vrai et du faux à travers lesquels l’être se constitue historiquement comme expérience, c’est-à-dire comme pouvant et devant être pensé. À travers quels jeux de vérité l’homme se donne-t-il à penser son être propre quand il se perçoit comme fou, quand il se regarde comme malade, quand il se réfléchit comme être vivant, parlant et travaillant, quand il se juge et se punit à titre de criminel ? À travers quels jeux de vérité l’être humain s’est-il reconnu comme homme de désir ? » (Foucault, 1984b : 12-13). Paul Veyne, dans un livre d’hommage à son ami, rappelle que pour Foucault il n’existe pas de vérités générales, transhistoriques, parce que tout ce que disent et font les hommes ne provient aucunement de la nature (Veyne, 2008). L’entreprise démystificatrice de l’archéologie consiste bien à raccorder la vérité au temps, à prélever des échantillons de vérité ou plus exactement des manières de dire qu’on s’accorde à penser vraies. Au lieu d’accréditer l’existence d’une Vérité, Foucault choisit de faire surgir des singularités, c’est-à-dire d’insister sur les différences. « Montrer que ce n’était pas si évident que ça » (Foucault, 1980-1988 : 23), que ce n’était pas si évident que les fous soient reconnus comme des malades mentaux, que les criminels soient qualifiés de monstres, ou qu’aujourd’hui les pédophiles incarnent la transgression absolue. Il n’est pas aussi évident que ça que les anormaux existent. Le scepticisme de Foucault, que certains ont un peu vite traduit en relativisme, conduit à une histoire des conceptions de la vérité englobant aussi bien les conditions structurelles de sa formation que les imaginaires sociaux propices à la fabrication du tenu pour vrai. « La vérité est de ce monde ; elle y est produite grâce à de multiples contraintes. Et elle y détient des effets réglés de pouvoir. Chaque société a son régime de vérité, sa politique générale de vérité » (Foucault, 1976-1979 : 158).
9Les discours produits par l’Occident ont toujours prétendu dire le vrai. S’il n’y a pas de vérité éternelle, il existe en revanche des agencements temporaires qui, dans une période donnée, disent le vrai. Ces « régimes de vérité » sont des accords sociaux autour desquels une société accepte de tenir pour vrais un certain nombre d’énoncés sur les anormaux. « Nous vivons dans une société qui marche en grande partie à la vérité, je veux dire qui produit et fait fonctionner du discours ayant fonction de vérité, passant pour tel et détenant par là des pouvoirs spécifiques » (Foucault, 1977a). En réduisant la vérité à un discours, Foucault ne péchait pas par excès de constructivisme, il entendait rappeler que dès lors que le réel s’énonce, il est déjà discursivement enchâssé. La connaissance se présente dès lors comme une tunique d’arlequins, avec ses pièces de savoir parsemées, ses îlots d’objectivité. La vérité n’est qu’un archipel. « Mon problème pourrait s’énoncer ainsi : comment se fait-il qu’à une époque donnée on puisse dire ceci et que jamais cela n’ait été dit ? » (Foucault, 1977b). La vérité est rare et ne « descendra jamais du ciel », c’est bien pour cela que les encyclopédies sont pleines de vérités mortes. L’anormal est donc, pour Michel Foucault, le produit de ces processus de fabrication sociale et institutionnelle du tenu pour vrai. C’est donc l’histoire des vérités reçues sur l’anormalité que l’auteur s’engage à mener. Et plus précisément les effets sociaux et politiques de ces vérités reçues. Et pas le moindre des effets ! Celui de contribuer aux dispositifs de domination. « L’enjeu de tout mon travail est de montrer comment le couplage entre une série de pratiques et un régime de vérité forme un dispositif de savoir-pouvoir » (Foucault, 1978-1979 : 123). Dans l’opération qui consiste à faire passer pour vérité circule un pouvoir, un instrument de docilité et d’obéissance. En effet à quoi obéir ? Sinon à la vérité et ceux qui s’en proclament les maîtres (Détienne, 1981 ; Edelman, 1981). L’individu anormal apparaît donc chez Foucault comme un millefeuille de vérités successives, parfois sédimentées. D’abandons de vérité en nouveaux « parlers exacts », l’histoire des anormaux égrène une liste de qualifications normatives qui ne font que traduire les mythes que les entrepreneurs en vérité (médecins, psychiatres, juristes, sociologues) tiennent sur eux-mêmes, à savoir leur capacité à proposer une définition objective de l’anormalité (Potte-Bonneville, 2004). La vérité est donc le résultat des stratégies visant à tracer les limites entre l’acceptable et l’intolérable.
2. L’invention des anormalités
10Dès l’Histoire de la folie, Michel Foucault annonçait son projet d’écrire une histoire de la différence et du partage sans cesse modifié entre folie et raison. L’histoire des anormalités est en effet celle du dialogue rompu entre la raison et la non-raison. Il s’agit en fait d’une véritable archéologie du silence, sur lequel le discours psychiatrique, véritable monologue de la raison sur toutes les formes d’anormalité, a pu progressivement s’installer. L’anormal est donc une brèche dans laquelle va s’engouffrer l’invention de l’Autre, celui qu’une société donnée considère à la fois comme l’intérieur et l’étranger, le péril interne qu’il faut traiter. Toute l’œuvre foucaldienne bruisse de déviants, de passeurs de limites, victimes d’une opération en anormalisation. Le terme n’est pas présent sous la plume de Foucault mais il nous semble bien circonscrire le processus par lequel s’ajuste la qualification sociale de l’anormal.
2.1 - Le beau cas
11Les opérations en anormalisation qu’analyse Michel Foucault semblent redécouvrir les pratiques de la casuistique. L’anormal est en effet d’abord un cas, mieux même, un « beau cas » (Chauveau, 2008 : 51-65). Le terme va d’ailleurs se répandre tout au long du XIXe siècle aussi bien dans la presse populaire (Thérenty, 2007) que dans les revues savantes. Les Archives d’anthropologie criminelle ou les Annales d’hygiène publique et de médecine légale consacrent ainsi une grande partie de leurs livraisons à des études de cas (« Un cas d’exhibitionnisme », « Un cas d’infanticide », Un cas de parricide »). Parallèlement, le Petit Journal ou L’Illustration font régulièrement leur couverture de faits divers horribles et singuliers (Kalifa, 1995 ; 2005). Cette « mise en cas » des déviances et autres bizarreries constitue un élément important et peu étudié de la fabrique du sujet anormal. Elle témoigne en premier lieu d’une sensibilité nouvelle pour les phénomènes considérés comme exceptionnels. L’extraordinaire se dégage, dès la fin de la Renaissance, de ses gangues religieuses pour entrer dans l’univers des observations et des expériences. Les anciennes catégories médiévales du mystérieux et du merveilleux se renouvellent au contact des sciences (Affergan, 1987). Le pouvoir de sidération de l’incroyable continue bien entendu de fonctionner mais se voit désormais accompagné d’interprétations savantes et médiatiques qui s’efforcent de le rationaliser. Foucault s’est lui-même dans son œuvre profondément amusé à restituer ces mises en scène de la singularité, à exhumer des archives le destin unique du sujet criminel ou malade, à truffer ses livres (souvent à les ouvrir !) par de longues citations restituant le sort dramatique d’un individu. Des hommes et des femmes dont les crimes, particulièrement effroyables, ont jeté le trouble dans l’institution judiciaire et divisé la société sur les moyens de les punir. Le « beau cas » est donc celui dont l’acte est à ce point exceptionnel qu’il isole et individualise son auteur en le sortant de la masse des anonymes. Cette mise en cas de l’anormal construit dès lors des « affaires » qui seront connues de tous, qui circuleront dans les commérages avant d’entrer dans les mémoires, qui fondent aussi des jurisprudences, des cas d’école.
12Ces beaux cas n’ont pas vocation à disparaître, à s’engloutir dans la masse confuse des morts ordinaires. Ils laissent des traces et forment des buttes témoins. Henriette Cornier qui, dans un état de calme apparent, tranche le cou de la fille de ses voisins dont elle assurait la garde, Auguste Papavoine qui le 10 octobre 1824 égorge dans le bois de Vincennes deux enfants qu’il prenait pour les descendants de la duchesse de Berry, la femme de Sélestat qui avait tué sa fille avant d’en manger la cuisse qu’elle avait cuisinée avec des choux, le capitaine Bertrand aux pulsions nécrophiles ont tous en commun de ne pas avoir rejoint la cohorte obscure des Louis-François Pinagot (Corbin, 1998). Le beau cas est une pierre apportée au Grand Mémorial des monstruosités. Ces cas ont des noms, des visages, des corps, des hérédités, et surtout des histoires de vie dessinées comme des destins. Ils se prêtent à tous les récits, journalistiques, judiciaires, psychiatriques et médicaux. Une frénésie narrative s’en empare. Le beau cas se raconte témoignant ainsi que l’anormalité et les discours sur l’anormalité s’entrecroisent et se nourrissent. Il n’y a pas d’anormal sans son doublement par la parole : greffiers, chansonniers, médecins, procureurs, édiles communaux participent de cette écriture de l’anormalité, de son lyrisme, de sa poésie. C’est dans ce puzzle de proses où fourmillent rapports, chansons, dossiers, minutes, enquêtes, articles, que s’étanchent les soifs de dire et de faire savoir. Pierre Rivière représente bien entendu la quintessence du beau cas, lui qui non seulement fit l’objet de maints discours contradictoires, mais qui se transforma lui-même en auteur de son récit. Une certaine entomologie du détail monstrueux, de l’anecdote stupéfiante confirme cette gourmandise d’écrire. Ces figures de l’horreur semblent peupler le cabinet de curiosités d’un siècle avide de héros, sombres ou lumineux. Le beau cas est exemplaire en ce qu’il concentre tout ce que la société produit alors d’effroi et de fascination. Le beau cas suggère la rareté donc la valeur. L’anormal fait ainsi son apparition à l’époque où l’unique se propage comme catégorie de distinction et de reconnaissance, où les « montées en singularité » dessinent désormais les destins, artistiques notamment (Heinich, 2005). Ont-ils seulement la vocation ?
2.2. - Le classement
13Mais le beau cas n’émarge pas seulement à l’ordre esthétique du portrait individuel. La mise en cas de l’anormalité traduit aussi le souci taxinomique qui s’empare des sciences de l’homme et de la société à partir de l’âge classique. L’individu singulier dont la personnalité ou l’acte alimentent la fabrique des « affaires » se présente comme un cas concret, un spécimen, à partir duquel une démarche inductive va s’élaborer à des fins de classement, de catégorisation et de sérialisation. Les notions d’individu et de série se complètent. En effet, l’ordre disciplinaire et son mode de gouvernementalité consacrent « l’art des répartitions », c’est-à-dire la recherche du « meilleur rapport individu / emplacement en termes d’utilité sociale » (Revel, 2005 : 159). Le foisonnement des cas conduit en réalité à une mise en ordre des anormalités, à une science des nomenclatures. L’exotisme de l’exceptionnel se range dans des familles, des espèces, elles-mêmes consignées sous des titres et des rubriques. Le cas pathologique se transforme en type dont on construit avec bravoure l’étiologie. Les discours savants produisent de nouvelles étiquettes, des « ismes » et des « philes » nouveaux apparaissent, identifiant et rassemblant des collections de cas épars : exhibitionnisme, sadisme, fétichisme, presbyophiles, mixoscophiles. Dans Les anormaux, Michel Foucault identifie trois matrices d’anormalité qui promènent à partir du XVIIIe siècle leurs figures hybrides, fascinantes et répulsives à la fois. Le monstre, forme brutale de la contrenature, figure paradigmatique de celui qui se situe hors-la-loi ; l’incorrigible, dont l’anormalité plus pastel le destine davantage aux technologies du redressement ; l’onaniste, détenteur d’un secret universel, mais considéré comme la racine de toutes les pathologies. Construire de telles catégories suppose bien entendu l’invention de critères, l’identification d’indices, le repérage de preuves. La mise en cas de l’anormal repose donc, après une logique de narration, sur une logique d’observation et d’inventaire. On quitte le cabinet de curiosité pour embrasser l’ambition encyclopédique. Que l’on songe aux ferveurs nosologiques très fin de siècle du célèbre docteur von Krafft-Ebing (Krafft-Ebing (von), 1999) ! En réalité, on ne fait que prolonger un émerveillement devant la totalité. Hier, il s’agissait de la totalité d’un individu, d’un sujet anormal que l’on rendait insécable parce que l’on voulait savoir tout de lui, désormais la totalité se porte sur le générique, on veut tout apprendre de sa famille, de son genre, de son espèce, d’où ces déclinaisons inquiètes de faux-amis, d’exceptions, d’inclassables en marge de la grande tribu des anormaux. Le médecin, le psychiatre, le juriste mais également le journaliste, se transforment en forces de l’ordre taxinomique, en entrepreneurs de codages. Les Buffon de l’anormalité pullulent et leurs opérations de classement constituent une étape importante de la constitution d’un champ scientifique. Des querelles entre les médecins et les juristes autour de ces catégories nouvelles de l’anormalité et de la dangerosité répercutent des conflits de position et des entreprises de légitimation d’une profession. Les « bizarreries » de Pierre Rivière ne sont pas interprétées de la même façon par les experts médicaux (eux-mêmes divisés) et les magistrats. C’est à la lumière des Mots et des choses qu’il convient de comprendre cette lecture foucaldienne des anormalités, et la manière dont une archéologie du savoir conduit à montrer comment l’homme est devenu progressivement pensable. « Une chose en tout cas est certaine : c’est que l’homme n’est pas le plus vieux problème ni le plus constant qui se soit posé au savoir humain (…). L’homme est une invention récente » (Foucault, 1966 : 398). Et il semble, à lire Foucault, que la constitution du sujet occidental comme objet de savoir ait prioritairement emprunté le miroir des anormalités, le prisme des anomalies.
2.3 - Arraisonner l’anormalité
14Dans La volonté de savoir (1976), Michel Foucault commente en ces termes le rapport médico-légal auquel donne lieu l’expertise de l’état mental d’un ouvrier agricole accusé en 1867 d’attentat à la pudeur sur une petite fille : « L’importance de cette histoire ? C’est son caractère minuscule ; c’est que ce quotidien de la sexualité villageoise, ces infimes délectations buissonnières aient pu devenir, à partir d’un certain moment, objet non seulement d’une intolérance collective, mais d’une action judiciaire, d’une intervention médicale, d’un examen clinique attentif et de toute une élaboration théorique » (Foucault, 1976 : 43). Il y a là, résumée, et ne concernant a priori que le dispositif de sexualité, toute la thèse de Foucault sur l’annexion progressive des anormalités à travers des mises en discours, souvent proliférantes, dont l’objectif est d’encadrer et de normer des pratiques devenues socialement inacceptables. Cette « attention bavarde » autour de l’anormalité participe d’une dynamique historique commencée dès le XVIIe siècle. Une grande partie de l’œuvre de Michel Foucault consiste en effet à repérer, dans le tissu historique, le moment et les conditions d’émergence d’un domaine du savoir autour des anormalités. Cet avènement d’un jugement sur l’anormal procède, selon la thèse de Foucault, d’une emprise agressive de la raison sur les jugements entamée à l’âge classique, mais dont on peut souligner qu’elle n’a depuis jamais cessé. L’expérience tragique de la folie témoigne de ce travail de rationalisation qui s’empare progressivement de ce que les sociétés occidentales considèrent comme leur altérité, leur en-dehors. « Il est impossible de comprendre l’œuvre de Foucault si l’on ne part pas, d’un côté, de ce qui est au cœur de la modernité, à savoir la capacité et la volonté d’appliquer les principes universels de la Raison à toutes les situations, et de l’autre côté, de son soupçon extrême, en fait de sa conviction la plus intime, que la Raison n’est ni une force de libération, ni non plus, au fond, un véritable enjeu conflictuel de la société moderne, mais le principe même de la domination » (Martuccelli, 1999 : 290). L’âge classique établit la frontière entre la folie et la raison et inaugure par là même le Grand Partage entre la nature et la déraison. La déraison n’est pas le contraire de la raison, son absence, mais une tension portée aux limites de la raison. La folie est donc à la fois le dehors de la raison, son autre, mais elle en est également l’objet. L’être de raison s’impose comme la raison d’être de la folie. La raison est la référence à l’aune de laquelle se jaugent toutes les figures de l’écart, de la différence et de la contradiction. Désormais, comme le précise Foucault, « la vérité de la folie ne fait plus qu’une seule et même chose avec la victoire de la raison, et sa définitive maîtrise : car la vérité de la folie, c’est d’être intérieure à la raison, d’en être une figure et comme un besoin momentané pour mieux s’assurer d’elle-même » (Foucault, 1972 : 57 ; Gros, 1997). Une nouvelle géographie se met en place, celle des exclusions, des exils, des bannissements qui vont éloigner et enfermer les nouveaux régiments d’anormaux. Les anormalités sont des champs d’expérience de processus de rationalisation à chaque fois spécifiques, mais participant tous au travail de détermination des limites. La déraison désigne désormais l’espace des désordres comportementaux, des anomalies physiques et morales, des déformations du corps et de l’âme. Elle dessine les régions où se relèguent les inadaptés aux valeurs de la famille, de la religion, du commerce, de la culture libérale bourgeoise. Dans un texte peu connu, Foucault s’interrogeait d’ailleurs sur l’idée d’une science nouvelle qui aurait « pour objet ces espaces différents, ces autres lieux, ces contestations mythiques ou réelles de l’espace où nous vivons » (Foucault, 2009). La déraison, est donc d’abord une topographie mentale et pratique, le territoire des anormaux, une hétérotopie où se localise la question des « figures négatives ». Si la Raison des Lumières s’est attaqué à l’arbitraire monarchique, elle n’en a pas moins maintenu, au nom du nouveau référentiel, l’horreur de la déviance et le souci de punir. Et Foucault de citer Rousseau : « tout malfaiteur, attaquant le droit social, devient, par ses forfaits, rebelle et traitre à sa patrie ; alors la conservation de l’État est incompatible avec la sienne ; il faut qu’un des deux périsse, et quand on fait périr le criminel, c’est moins comme citoyen que comme ennemi » (Rousseau, 1762).
2.4. - Paroles d’experts
15L’œuvre foucaldienne porte tout entière sur la grande machinerie discursive et institutionnelle, qui caractérise l’ordre moderne des transgressions. Hier indexées sur le sacré, celles-ci s’évaluent désormais à l’aune des atteintes morales portées à la cité. La sodomie, le blasphème, le fou ne troublent plus l’ordre naturel mais pervertissent l’ordre public en scandalisant un peu plus notre for intérieur. Cet avènement du jugement normatif s’accompagne d’un développement des figures d’autorité habilitées à énoncer ces discours sur la limite. Michel Foucault a multiplié, sans pour autant qu’un ouvrage ne rassemble ses intuitions, les occasions d’insister sur les conditions d’apparition et les modalités de fonctionnement de l’activité d’expertise. L’expert est celui qui énonce un discours de vérité sous la forme d’un avis, d’un examen et dont la légitimité provient d’une reconnaissance sociale du statut. La justice pénale fera appel dès la fin du XVIIIe siècle aux experts médicaux, aliénistes puis psychiatriques, afin de déterminer la responsabilité du criminel. L’anormalité se voit ainsi évaluée, qualifiée et catégorisée à partir de critères acceptés comme scientifiques. Autour de l’anormal se déroulent de formidables enjeux judiciaires et moraux. L’expertise requalifie l’anormalité en établissant un discours de vérité.
16Dans Les anormaux, Michel Foucault insiste sur la dimension pour ainsi dire performative de cette parole expertale qui accompagne les célèbres affaires criminelles de la Restauration. L’opinion publique et la communauté médico-légale se passionnent alors pour des crimes particulièrement effroyables où les tabous les plus solides ont été transgressés (anthropophagie, parricide, thanatophilie). Les plus grands aliénistes sont consultés, Adelon, Esquirol, Léveillé. La généralisation de ce savoir psychiatrique confère aux experts un pouvoir immense. Non seulement le pouvoir de faire échapper le criminel à la peine de mort, mais également celui de qualifier publiquement l’acte et son auteur. L’individu anormal expertisé se retrouve ainsi exposé, soumis à une transparence totale. Il se voit parlé, désigné, stigmatisé, au nom d’une compétence. Au milieu des années 1950, on pouvait encore lire ceci : « Z. est un être assez médiocre, opposant, ayant bonne mémoire, enchaînant bien ses idées. Moralement, c’est un être cynique et immoral. Il se vautre dans le stupre, il est manifestement fourbe et réticent (…) Il est particulièrement répugnant » (Foucault, 1978 : 6). La dangerosité est discutée et l’expert devient le témoin principal d’un procès où le pénal se conjugue à la morale. La main mise des vérités psychiatriques sur le procès a profondément modifié le sens de la punition, et notamment la réponse à la question : que punit-on ? Foucault constate que désormais on punit moins l’acte que l’individu, moins le crime que le monstre, moins l’infraction que l’écart à la norme. On sanctionne une dangerosité. « La notion de dangerosité signifie que l’individu doit être considéré par la société au niveau de ses virtualités, et non pas au niveau de ses actes ; non pas au niveau des infractions effectives à une loi effective, mais au niveau des virtualités de comportement qu’elles représentent » (Foucault, 1974 : 1461). L’accusé n’est pas seulement jugé pour les actes commis, mais aussi pour les risques qu’il fait encourir à la société. L’expertise est une alchimie qui transmue le rapport sur les faits du crime en avis sur la personnalité, voire l’âme, du criminel. Glissement considérable du geste coupable à la « virtualité d’actes », du crime au désir de crime, qui installe désormais au cœur du judiciaire la « souveraineté grotesque et infâme » d’un savoir qui transforme l’expert en juge3.
3. Le traitement des anormaux
17« Châtier, c’est exercer ». Lapidaire peut-être la formule de Foucault, mais profonde en ce qu’elle rappelle que la société disciplinaire n’agit pas exclusivement sur les criminels mais entend également atteindre le bon citoyen normal. Le traitement de l’anormalité va progressivement brouiller les limites de l’en-dehors, et l’on s’aperçoit que les qualifications d’anormalité deviennent au fil des ans des alibis pour intensifier la définition de la normalité et l’entreprise de normalisation. L’apparition d’un discours médical, psychiatrique et juridique, constitutif d’un savoir sur l’anormal témoigne de la manière dont le sujet occidental s’est historiquement constitué comme objet de connaissance pour lui-même. Mais ce savoir fondé sur la raison, en consacrant le sujet moderne comme l’Autre de l’anormal instaure également un lieu et un lien de pouvoir. La défense de l’ordre social et politique, la protection de la société, la sécurité des citoyens s’inscrivent dans un projet de gouvernement des hommes qui passe par le contrôle de leurs conduites. Le traitement de l’anormalité, qu’il s’agisse aussi bien de la technologie des soins que de l’art du châtiment, des pratiques de surveillance ou des procédures d’examen, relève donc d’une économie plus générale de la domination à travers les processus de normalisation et d’assujettissement. La montée en puissance des autorités expertales s’inscrit en effet dans la mutation des modes de régulation au sein des sociétés modernes, qui tendent, selon Foucault, à fonctionner de plus en plus à la norme et de moins en moins à la loi. Au régime de la loi et des interdits, caractérisé par des modes d’énonciation (règles, commandements) et des formes de pouvoir (tribunal, pénitence) s’est substitué le régime de la norme, celui du diagnostic et de la médicalisation.
3.1. - L’ordre disciplinaire
18« Le normal a pris la relève de l’ancestral ». C’est ainsi que Michel Foucault résumait le passage de la modernité occidentale à l’ère des disciplines. « L’homme calculable » succède à « l’homme mémorable ». Les anciennes identités généalogiques et les rituels par lesquels les sujets fixaient leurs positions laissent place aux insupportables tourments provoqués par le travail lancinant de la norme qui contraint désormais l’individu à se regarder en permanence dans le miroir de l’altérité. L’ordre disciplinaire est inséparable d’un nouvel investissement politique des corps. Le supplice de Damiens en 1756, dont la scrupuleuse chronique entame Surveiller et punir, illustre l’époque où la peine se déployait, dans son théâtre de l’atrocité, sur le corps même du condamné « parce que le corps était l’unique richesse accessible » et parce que le corps offrait une surface d’inscription de la loi absolue du prince. En revanche, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, apparaissent de nouvelles instances de contrôle qui soumettent les corps à une économie de la surveillance et de la rentabilité. Les gestes doivent être quadrillés, les comportements corrigés, les corps investis de micro-pouvoirs parce qu’ils sont désormais devenus utiles. Ce nouveau chapitre de l’histoire politique des corps, lié à la montée du libéralisme, se caractérise dans un premier temps par l’installation d’un « régime disciplinaire » que Michel Foucault définit à partir de trois éléments principaux : le développement d’abord des techniques de surveillance (examens, observations) et le « jeu ininterrompu des regards calculés », l’affirmation ensuite d’une approche orthopédique des corps, destinés désormais à être dressés, redressés, bref socialisés, l’introduction enfin dans la société d’un répertoire subtil de degrés de normalités permettant de pénaliser le domaine indéfini du non-conforme. C’est donc l’ensemble du régime des anomalies et des déviances qui se trouve non seulement réinvesti mais aussi traité par la nouvelle économie de la norme. L’obscurité du sujet anormal va disparaître sous l’effet de mécanismes qui le rendent désormais visible, transparent. Le monstre, le fou, l’onaniste, sont ainsi examinés, condamnés au « jugement perpétuel », soumis au regard aiguisé de l’expert en anormalités. La surveillance n’a pas complètement remplacé la punition, surveiller c’est toujours un peu punir. En effet, comme le rappelle Stéphane Legrand, « Pour surveiller, il faut avoir quelque chose à surveiller. Or, ce que l’on surveille ce n’est pas les autres, mais l’adéquation des autres à ce qui est exigé d’eux, à la norme » (Legrand, 2007 : 58). Le punissable est donc bien l’anormal, le non-conforme, l’illicite. La discipline fonctionne comme une mise en procès permanente. Minutieusement observé, l’anormal s’individualise et devient le sombre héros de rapports détaillés qui partent à la recherche de sa personnalité la plus enfouie, de ses hérédités les plus cachées. L’examen fait parler l’examiné et permet qu’on en parle. Il vient doubler les témoignages et les aveux. L’imaginaire panoptique saisit l’architecture des prisons, des ateliers, des internats, des asiles et des casernes, et ces institutions réalisent la synthèse de l’enfermement et de la visibilité. L’espace cellulaire quadrillé, codifié selon une différenciation fonctionnelle conjugue l’impératif de clôture et l’idéal de transparence. Les disciplines jouent également des temporalités. « On cherche aussi à assurer la qualité du temps employé ». Les lieux de la discipline deviennent des « institutions rythmiques » (Michon, 2007) où les emplois du temps déterminent le travail, les peines, la vie. La discipline s’apparente au genre utopique, dont les expériences fleurissent à l’époque. Comme lui, elle recherche une harmonie idéale, une sorte de perfection dans l’art de recycler les restes, les parts oisives et inutiles, dans l’intelligence d’ajuster la totalité des forces du sujet aux objectifs de l’industrie.
19La polyvalence du dispositif disciplinaire a conduit les sociétés modernes à requalifier la notion même d’anormalité. Celle-ci n’est plus attribuée à partir d’un fait ou d’un acte commis, elle n’est plus l’étiquette sanctionnant une réalisation précise. L’anormal doit être recherché dans le quotidien des détails, dans les gestes anodins. Son surgissement doit être prévenu, anticipé, repéré au plus tôt, comme une tare cachée qui ne demande qu’à être dévoilée. En définissant des normes, le pouvoir disciplinaire dénonce surtout l’individu qui s’en écarte : « Dans un système de discipline, l’enfant est plus individualisé que l’adulte, le malade l’est avant l’homme sain, le fou et le délinquant plutôt que le normal et le non-délinquant. C’est vers les premiers en tout cas que se sont tournés dans notre civilisation tous les mécanismes individualisants ; et lorsqu’on veut individualiser l’adulte sain, normal et légaliste, c’est toujours désormais en lui demandant ce qu’il y a encore en lui d’enfant, de quelle folie secrète il est habité, quel crime fondamental il a voulu commettre » (Foucault, 1975 : 195). Les disciplines inaugurent donc une science de l’homme dans laquelle plus précisément l’anormal devient le thème d’un savoir positif. Elles vont surtout permettre le développement d’une culture politique de la prévention, de l’anticipation et de la prévision. L’anormalité devient une potentialité comme en témoigne l’évolution de la notion de dangerosité. Et ce qui se corrige devient une virtualité menaçante.
3.2. - La biopolitique
20L’ordre disciplinaire renvoie donc aux stratégies et aux pratiques par lesquelles le pouvoir contrôle et modèle chaque individu dans le cadre d’institutions de normalisation. Historiquement, il correspond à cet âge charnière où l’individu se découvre à la fois comme objet de connaissance et sujet de pouvoir. L’anormalité y est dès lors traitée au cas par cas livrant à la publicité et la notoriété les dossiers de personnages emblématiques aux parcours édifiants. Mais avec le développement des idéaux d’utilité, de rentabilité propres à l’ère industrielle, les traitements de l’anormalité vont en quelque sorte changer d’échelle, et quitter l’individu pour investir les populations, l’espèce. La physique du pouvoir se métamorphose en une biopolitique, c’est-à-dire en une gestion politique de la vie. Le biopouvoir se présente comme « le complémentaire d’un pouvoir qui s’exerce positivement sur la vie et qui entreprend de la gérer » (Foucault, 1976 : 180). Michel Foucault conclut la fin de son cours sur Les anormaux en annonçant le thème de l’année suivante : « J’essaierai de reprendre le problème du fonctionnement, à la fin du XIXe siècle, de la psychiatrie comme défense sociale en prenant pour point de départ le problème de l’anarchie, du désordre social, de la psychiatrisation de l’anarchie. Donc un travail sur le crime politique, la défense sociale et la psychiatrie de l’ordre » (Foucault, 1978 : 301). Comme le remarque Guillaume Le Blanc, Foucault ne fait pas qu’achever, comme il le prétend modestement, un cycle de cours entamé en 1970 et consacré à la lente formation d’un savoir et d’un pouvoir de normalisation à partir des procédures juridiques traditionnelles de châtiment, il semble bien inaugurer, avec la problématique du biopouvoir, un nouveau chantier de réflexion : celui de la défense sociale, que l’on peut entendre comme la question des moyens mis en œuvre par une société pour se protéger des menaces qu’elle engendre elle-même contre son ordre propre (Le Blanc, 2003 : 27). La notion de dangerosité prend ici une extension importante et crée la catégorie de l’ennemi social contre lequel de nouveaux dispositifs de sécurité doivent être mis en œuvre. Cette mutation correspond à la substitution à l’ancien modèle juridique de la société élaboré à l’âge classique d’un modèle médico-social dont les interventions portent bien au-delà du malade et de la maladie. Le biopouvoir ouvre ses ambitions aux administrations de la santé, de l’hygiène, de la démographie, de la nuptialité, de la famille et instaure de façon permanente une distinction entre le normal et le pathologique, permettant la mise en place d’un système de normalisation des existences, au niveau des conduites comportementales et affectives. Michel Foucault est très clair sur ce projet de biopolitique : « par pensée médicale, j’entends une façon de percevoir les choses qui s’organise autour de la norme, c’est-à-dire qui essaie de partager ce qui est normal de ce qui est anormal ; elle se donne, elle cherche aussi à se donner des moyens de correction qui ne sont pas exactement des moyens de punition, mais des moyens de transformation de l’individu » (Foucault, 1976-1979 : 374). La question de l’anormalité se médicalise et avec elle bien entendu celle de la normalité. On administre les interdits en disant qu’ils n’existent plus.
21La biopolitique ne consacre pas seulement un changement d’échelle, la notion ne renvoie pas au seul facteur d’extension des possibilités de l’État administratif d’agir sur les populations. Cette nouvelle technologie politique change de référent. Ce n’est plus l’interdit, comme pour la loi, ce n’est plus une figure idéale comme pour la discipline, il s’agira désormais d’amener les populations et les masses à entrer dans des moyennes, à respecter des taux et des seuils. Le gouvernement consiste donc à rechercher et affiner les modes de régulation afin de parvenir à ces points d’équilibre. Dans la lignée du pouvoir pastoral, la dimension biologique de l’espèce humaine qui était déjà entrée dans le champ d’intervention du pouvoir sous le régime des disciplines, se voit désormais portée par un projet de majoration, d’amélioration et d’optimisation. La question de la santé est exemplaire de cette nouvelle problématisation : « La possibilité de modifier la structure génétique des cellules n’affecte pas seulement l’individu ou sa descendance, mais l’espèce humaine tout entière ; c’est l’ensemble du phénomène de la vie qui se trouve désormais placé dans le champ d’action de l’intervention médicale » (Ibid. : 48). L’ordre disciplinaire et la biopolitique décrivent en réalité un même tournant épistémologique, celui qui marque l’investissement de la vie par un contrôle social dont les institutions psychiatriques, médicales, philanthropiques, criminologiques, pédagogiques constituent les principaux relais. Dans le dernier chapitre de La volonté de savoir, intitulé « Droit de mort et pouvoir sur la vie », Michel Foucault insiste sur les liens qu’entretiennent la biopolitique et le développement du capitalisme en rappelant que ce dernier a contribué à faire en sorte que le biologique pour la première fois se réfléchisse dans le politique : « le fait de vivre n’est plus ce soubassement inaccessible qui n’émerge que de temps en temps, dans le hasard de la mort et sa fatalité ; il passe pour une part dans le champ de contrôle du savoir et d’intervention du pouvoir. Celui-ci n’aura plus affaire seulement à des sujets de droit sur lesquels la prise ultime est la mort, mais à des êtres vivants, et la prise qu’il pourra exercer sur eux devra se placer au niveau de la vie elle-même » (Foucault, 1976 : 187-188). L’une des conséquences principales de ce développement du biopouvoir est de dramatiser, de politiser et d’étatiser le partage entre le normal et l’anormal. Dramatisation en ce sens que désormais le jugement met en cause des savoirs scientifiques et des autorités qui s’en réclament pour fonder leur légitimité politique. On sait l’importance des sciences humaines dans le développement d’une physiologie du corps social (l’âge d’or des enquêtes sociales). Politisation dès lors en effet que la question des anormalités se trouve posée au cœur des débats publics, des conflits idéologiques et des affrontements entre partis, et commence à traverser les opinions publiques. Étatisation enfin lorsque la problématisation de l’anormal accompagne les développements historiques de l’État providence et de manière plus générale les réponses que les sociétés modernes se donnent à la question sociale. Prenons l’exemple de l’hystérisation des femmes. Il s’agit du processus par lequel le corps de la femme a été analysé comme corps intégralement saturé de sexualité. Ce trop plein de sexualité sera médicalisé, c’est-à-dire qualifié de pathologique, et verra se déployer à son encontre toute une panoplie de dispositifs et de mesures destinés à circonscrire la dangerosité sociale de cette anomalie. À travers la « femme nerveuse », c’est l’État et ses administrations qui s’instituent responsables de la police des familles (Donzelot, 1977) et de la protection des enfants (Meyer, 1977), c’est également la criminologie qui repère les populations à risque (prostituées, ouvrières syndiquées), c’est enfin la littérature et une partie des sciences sociales qui construisent l’un des principaux poncifs fin de siècle en comparant la foule à la femme hystérique (Barrows, 1990). Une sorte d’éthique biologico-morale emporte les administrations modernes dans une cynégétique de l’anormalité. Au nom de la dangerosité sociale de l’anormal se multiplient depuis le XIXe siècle et jusqu’à nos jours des opérations de normalisation, c’est-à-dire d’apprentissage national de la docilité. C’est en effet dans le cadre des « bureaucraties patriotes », pour parler comme Pierre Legendre que se commet et se développe cette nouvelle raison d’État (Legendre, 1978). La normalité s’octroie avec la citoyenneté et la nationalité, elle est indexée à cette nouvelle naissance de l’individu qui devient le sujet de l’État nation.
Épilogue
22Michel Foucault aura donc tenté à travers toute son œuvre, de brosser l’histoire d’une raison fondée par rapport à ses marges, comme si la culture moderne de l’Occident se définissait moins par ce qui la fonde que par ce dont elle tente de se protéger. L’anormal est limite et son scandale consiste justement dans la manière qu’il a de rappeler aux sociétés qu’elles se sont construites autour d’une peur des écarts. La vérité de l’anormal est un peu la fausse monnaie de notre identité. C’est pour cela que l’ombre inquiétante des anormaux continue de rôder, que les monstres demeurent d’actualité et que les pervers prolifèrent. La folie criminelle n’est donc pas prête de quitter la scène. Non pas en raison d’une augmentation dramatique des actes violents, mais parce que notre besoin d’anormalité est impossible à rassasier. En effet, l’anormal fait société. Il crée une sorte de langage commun à toutes sortes d’institutions, et nourrit la doxa des débats contemporains. Nous inventons des anormalités pour qu’il reste toujours quelque chose à punir. Car il n’existerait plus de pouvoir là où il n’y aurait plus rien à punir.
23Cette sorte de loi élémentaire du politique est aujourd’hui réinterrogée à travers les évolutions récentes de notre culture judiciaire. Sous les effets conjugués d’un renforcement de l’impératif expertal dans la fabrique de la vérité judiciaire, de l’emprise croissante des thématiques de la dangerosité et de la sûreté, véritables référentiels totémiques de l’action publique, et de la victoire d’un imaginaire victimaire propice à tous les populismes pénaux, nous assistons à une montée générale des intolérances à l’encontre des réfractaires de la norme et de la loi (Salas, 2006 ; Harcourt, 2007). Le plus grand accord social se scelle aujourd’hui autour de « la volonté de punir ». Elites politiques et citoyens ordinaires communient dans une profonde lâcheté collective qui consiste à s’abandonner par peur des risques aux législations les plus répressives. Celles qui par exemple réinventent de nouvelles anormalités à travers la figure de « l’éventuel récidiviste », c’est-à-dire du criminel sans crime (voir la loi du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté). Les mânes de Cesare Lombroso et de la sinistre anthropologie criminelle ne sont jamais très loin ! Par ailleurs, nos démocraties se soulagent de plus en plus fréquemment dans la banalisation des théories de l’état d’exception (Agamben, 2003) en jouant des jeux dangereux sur les frontières crispées de leur espace moral (Fassin & Memmi, 2004 ; Fassin & Bourdelais, 2005). Enfin, les sophistications croissantes de l’ingénierie sociale et de l’ordre disciplinaire ont multiplié les acteurs complices du contrôle et de la surveillance en encourageant des formes de pouvoir beaucoup plus sophistiquées, des dispositifs beaucoup plus souples de gouvernement des conduites. « Le pouvoir carcéral étend désormais loin des hauts murs ses réseaux, à la fois ténus et omniprésents, avec la diffusion du travail social. Les travailleurs sociaux apparaissent alors comme les agents du contrôle social, modernes relais des instances moralisatrices qui s’étaient multipliées au XIXe siècle » (Boullant, 2003 : 121).
24Voilà pourquoi la Cité aura longtemps encore besoin de l’anormal.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 L’auteur montre avec beaucoup de finesse la puissance fabulatrice du droit qu’il localise justement dans son pouvoir de qualification.
2 On lira avec beaucoup de profit le numéro spécial de la défunte revue Recherches, n° 37, avril 1979, « Fous d’enfance. Qui a peur des pédophiles ? ».
3 Pour une analyse contemporaine des thèses de Foucault sur l’expertise psychiatrique, voir (Chevallier & Greacen, 2009).
Auteur
Professeur de sciences politiques à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille. Ses principaux thèmes de recherche sont les partis politiques (idéologies et structures), les discours et les cultures politiques, les symboliques et imaginaires politiques. Il a codirigé avec Cédric Passard et Juliette Rennes un numéro de la revue Mots (n° 91, 2009) intitulé « Que devient le pamphlet ? ».
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