Faisabilité juridique de la mise en place à partir de la vidéo d’un corpus de développement et de validation dans le cadre du projet Comportement Anormaux : Analyse, Détection, Alerte
p. 73-86
Texte intégral
1Le projet CAnADA (Comportements Anormaux : Analyse, Détection, Alerte) a pour objet de fournir une approche globalisée permettant la détection et la gestion en « temps-réel » de comportements propres à compromettre la sécurité des biens et des personnes dans des lieux caractérisés par un important flux d’individus (centres commerciaux, gares, etc.) : mouvement cyclique d’un individu, position statique prolongée d’un individu, vitesse de déplacement importante, éventuellement une orientation du regard non conforme au déplacement. Les situations en cause seront précisées au début du projet en coopération étroite avec les acteurs de la sécurité (partenaires du projet), en fonction de leur pertinence par rapport aux problèmes de la sécurité et en fonction de leur degré de réalisme par rapport à ce qui peut être réalisé au cours des trois années du projet.
2Les données que l’on envisage d’exploiter à cet effet seront issues de sources variées (caméras de surveillance, vidéos enregistrées, bases de données, etc.), bien que l’essentiel de l’information exploitée dans le cadre de ce projet soit issu de la vidéo. À partir de ces différentes informations disponibles, il s’agira de classifier les comportements d’individus et de groupe d’individus, comportements qui seront ensuite interprétés en terme de « menace », ceci afin de pouvoir acheminer l’information pertinente aux acteurs les plus à même de rendre à la situation son caractère normal, ceci par le biais des canaux de retour les plus adaptés.
3La mise en place d’un corpus de développement et de validation nécessaire à la réalisation du projet se trouve alors confrontée, de l’origine à son aboutissement, à l’état de l’ordonnancement juridique régissant la protection des données personnelles, la protection de la vie privée, le droit à l’image, l’exploitation et la conservation des données utilisées. La première question qui doit être posée est par conséquent celle de la faisabilité juridique de cette entreprise et des modalités juridiques envisageables de sa réalisation.
1. L’Objectif et l’organisation du corpus envisagé
4Le projet repose dès sa première phase sur le mise en place d’une infrastructure de test et de la constitution de corpus de développement de validation. La constitution même de ces corpus pose des problèmes de droit tant au niveau de l’objectif scientifique que du choix du site de test choisi.
1.1. L’objectif
5La condition première du projet CAnADA est d’être en mesure de disposer à terme de données représentatives des différents cas de figure envisageables à des fins de test et de validation. Ces banques de données qui devront permettre de tenir compte de la diversité des comportements des individus mais aussi des "dynamiques" des groupes, supposent que soient atteints un niveau quantitatif suffisant et des flux de personnes significatifs. On pourrait imaginer les constituer à partir de bandes de surveillance vidéo déjà existantes et antérieurement enregistrées dans les transports urbains, gares, métro, grands magasins… Nous verrons que la législation s’y oppose pour des motifs qui relèvent de l’ordre public et de la protection des libertés.
6On peut aussi envisager, dans le cadre particulier de la recherche, d’équiper spécifiquement un espace marchand de caméras filmant les clients de l’entreprise de façon à exploiter ces enregistrements spécifiques à des fins scientifiques. C’est l’option qui a été retenue dans un premier temps par les responsables du projet. Nous verrons qu’elle implique, sur le plan juridique, que soient remplies une série de conditions qui pourront être autant de contraintes.
1.2. La source envisagée, analyse juridique du contexte d’expérimentation : environnement Youg’s
7Partenaire industriel du projet CAnADA, Youg’s1, magasin d’informatique situé à Villeneuve d’Ascq, s’est proposé de fournir le « site de test primaire » du projet. Celui-ci sera constitué par l’une de ses surfaces de vente équipée en conséquence2. Youg’s administrant les demandes d’accès relatives au site primaire3.
8Cette solution présente sur le plan scientifique des avantages indéniables dont on peut retenir un certain nombre de traits. Il s’agit d’un site marchand, par nature confronté à un flux de personnes significatif. Son infrastructure informatique récente se prête particulièrement bien à l’intégration de nouveaux systèmes d’information spécifiques au projet CAnADA. Un certain nombre de situations et comportements (attachés au contexte applicatif de la vente en magasin) qu’il serait utile de caractériser sont d’ores et déjà bien connus. Peut-elle être retenue en l’état ? Sur le plan juridique la réponse est non. Un certain nombre d’obstacles s’y opposent a priori qui découleront notamment des textes internationaux et nationaux. Ils peuvent être examinés à partir de certaines rubriques.
1.2.1. - Obstacles liés à la notion de vidéo-surveillance
9Ils découleront dans le projet du problème posé par la coexistence d’un système de vidéosurveillance antérieur et de l’appareil scientifique d’enregistrement vidéo. Les éventuelles justifications apportées pour la mise en place du système de surveillance ne peuvent en effet en aucun cas justifier un système ayant d’autres finalités. L’appareil scientifique envisagé ne peut pas être assimilé à un système de vidéosurveillance stricto sensu dans la mesure où il aura pour objet la détection des comportements des individus dans l’espace. Une démarche idoine devra donc être entreprise.
10Le fait de ne pas respecter les obligations et les procédures prévues par les textes, seront susceptibles d’entrainer des sanctions pénales (art. L. 226-16 du Code Pénal, 300 000 € d’amende, et 5 ans d’emprisonnement. Possibilité de retenir la responsabilité de la personne morale, et dans certains cas, art. L. 226-1 à 226-7 du CP : 1 an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. La responsabilité de la personne morale peut également être engagée) et des actions en dommages et intérêts par mise en jeu de la responsabilité civile du magasin et du responsable du projet.
1.2.2. Obstacles liés à la notion de données personnelles
11« Toute personne a, sur son image et l’utilisation qui en est faite, un droit exclusif »4. Le droit à sa propre image est un droit de la personnalité (Cornu, 2005) et fait partie des données personnelles de l’individu. À ce titre, la mise en place d’un dispositif ne répondant pas aux obligations et procédures mises en place par la directive européenne et par la loi Informatique et libertés, loi n° 78-17 du 6 Janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés5 serait illégale. Lorsqu’il s’agit de mineurs ce droit sera géré par leurs parents ou tuteurs. Le fait de ne pas respecter les obligations et procédures prévues par les textes seront susceptibles d’entraîner des sanctions pénales et des actions en dommages et intérêts par mise en jeu de la responsabilité civile du magasin et du responsable du projet (art. L 226-16 du Code Pénal, 300 000 € d’amende, et 5 ans d’emprisonnement. Possibilité de retenir la responsabilité de la personne morale).
1.2.3. - Obstacles liés à la protection de la vie privée
12Des difficultés pourraient apparaître en fonction des choix techniques opérés sur les types d’installation : caméras fixes (pas de difficulté particulière), caméras mobiles (difficultés), utilisation d’agrandissements en temps réel, ou à postériori (difficulté supplémentaire).
1.2.4. - Obstacles liés à la numérisation des données
13Des assurances devront être fournies portant sur les interrogations qui pourront être formulées quant aux possibilités de leur modification des données collectées, de leur altération, de leur possible détournement. Se posera également le problème de l’effacement des images numérisées en liaison avec la confidentialité et la sécurité des données personnelles ( =manipulation).
1.2.5. - Problèmes liés au stockage et à l’intégrité de la chaîne de stockage
14La durée légale de conservation des données étant normalement d’un mois, une autorisation spécifique (dûment justifiée) devra être demandée lors de la procédure de déclaration à la CNIL (cf. plus bas). Des réponses devront être apportées aux questions relatives aux possibilités envisagées d’exportation (ou non) des données, à leur marquage permettant d’empêcher une diffusion illicite des enregistrements opérés.
1.2.6. - Problèmes liés au droit du travail et aux conditions de travail des employés du magasin durant l’expérience
15Les employés du magasin étant susceptibles d’être filmés pendant la durée de l’expérience, et le fait d’être filmé pouvant être considéré comme un moyen détourné de les surveiller pendant leur travail (L. 121-8 du code du travail dispose : « Aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté à la connaissance du salarié ou du candidat à un emploi »), il pourra être utile d’informer le Comité d’entreprise du projet et de sa nature.
1.2.7. - Obstacles liés à la détermination du, ou des responsables du traitement des données
16Les textes faisant référence à la responsabilité des responsables du traitement (loi informatique et libertés articles ?). Il importera de déterminer avec précision qui devra être considéré comme responsable du projet, et, ou, des segments de projet (Jacques Boonaert) et, ou, responsable de Youg’s sur le site. Si à nos yeux le responsable est Jacques Boonaert, l’utilisation dans le projet de l’expression « Youg’s administrant » l’accès aux données sur le site primaire peut poser problème.
2. Les textes juridiques de référence et le modèle juridique proposé
17Le dispositif technique envisagé pour la réalisation du projet scientifique se décompose pour les juristes en plusieurs temps auxquels correspondront l’application de textes juridiques différents dont les principaux sont : pour la capture des données (vidéosurveillance et loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité (LOPRS)6), pour la constitution d’une base de données (loi n° 2004-801 « informatique et libertés »7), pour le traitement des données (loi n° 95-73 et loi n° 2004-801), pour la conservation des données (loi n° 95-73 et loi n° 2004-801). S’y ajouteront les dispositions pertinentes du Code civil (Article 9), du Code pénal (Articles L. 226-1-7 à 16), du Code du travail (Article L. 121-8), correspondant aux situations concrètes. Aux exigences de ces différents textes correspondront un certain nombre de procédures à accomplir.
2.1. Les impératifs posés par les textes
18Ils apparaissent tant au plan international que national.
2.1.1. - La Convention européenne des droits de l’Homme
19La Convention européenne des droits de l’Homme dispose en son article 8 :
Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
20Le non respect de cet article ouvre un recours juridictionnel auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme (si elle n’a pas encore eue l’occasion de se prononcer sur la question, la Cour européenne des Droits de l’Homme a rendu plusieurs arrêts en matière de surveillance des communications téléphoniques qui nous permettent de penser qu’elle serait susceptible d’adopter une interprétation large de la notion de violation de la vie privée). Il existe un lien entre le régime mis en place par la Loi 2004-801 Informatique et libertés et celui imposé dans toute hypothèse d’ingérence. Notamment, en ce qui concerne la finalité (cf. infra).
2.1.2. - Loi 2004-801 "Informatique et Libertés"
21Selon la loi Informatique et libertés, qui prévoit que l’informatique ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’Homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques (Article 1) un traitement automatisé de données à caractère personnel ne sera possible que sous certaines conditions, et selon certaines procédures. Sont considérés comme données à caractère personnel toutes informations relatives à une personne physique identifiée, ou pouvant être identifiée directement ou indirectement (Article 2, paragraphe 2). Etant précisé qu’il convient de considérer pour déterminer si une personne est identifiable l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification. Il est précisé par ailleurs (Article 2, paragraphe 3) que « constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction »
22La constitution et l’utilisation de fichiers composés d’images d’individus identifiables ou susceptibles d’être identifiés, rentrent par conséquent entièrement dans le domaine couvert par la loi. Elles impliquent à cet effet que soient respectés un certain nombre de conditions.
Les conditions relatives à la collecte. Les données doivent être collectées et traitées de manière loyale et licite (Article 6, paragraphe 1), ce qui impliquera une obligation d’information à l’égard des personnes concernées et leur accord (Articles 7 et 32). Même dans le cas du recours à un procédé d’anonymisation, préalablement reconu conforme aux dispositions de la présente loi (LIL) par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, des informations délivrées par le responsable du traitement à la personne concernée, devront porter sur l’identité du responsable du traitement et la finalité poursuivie par celui-ci (Article 32.II bis). On soulignera, dans la perspective de la détermination de profils des comportements anormaux, envisagée par les scientifiques, l’importance de l’article 8, paragraphe 1 de la loi, prévoyant qu’« Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci ».
Les conditions relatives à la finalité. La finalité doit être déterminée, explicite et légitime. Les données collectées ne doivent pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ses finalités. La finalité du traitement sert à justifier celui-ci. Il s’agit de répondre à la question du but de la mise en œuvre d’un ou plusieurs traitements. De même il peut y avoir plusieurs finalités. Le responsable du traitement – selon la définition – détermine la finalité. Il doit donc annoncer par avance le but du traitement qu’il s’apprête à réaliser. Pas question de fournir une justification après les travaux car cela constituerait un détournement de finalité passible de sanctions pénales.
Pour ce qui est de l’utilisation des données à des fins de recherche scientifique, le texte considère comme compatible avec les finalités initiales de la collecte des données un traitement qui serait réalisé dans le respect des principes et des procédures prévues aux chapitres II, IV, et à la section 1 du chapitre V de la loi, et s’il n’est pas utilisé, pour prendre des décisions à l’égard des personnes concernées (ce qui ne dispense pas des obligations précédemment soulignées, d’information, et l’obtention du consentement des personnes concernées). La définition des finalités scientifiques spécifiques de la mise en place d’un système vidéo dédié aura une importance déterminante dans la constitution du dossier CNIL. L’explication des modalités de traitement des données en fonction des finalités du projet devra être d’autant plus précise, qu’elle définira le cadre de l’utilisation légale du système mis en place.
2.1.3. - Loi 95-73 d’orientation et de programmation relative à la sécurité : Par rapport au projet CAnADA, la loi 95-73 intervient à deux niveaux
23Celui de l’installation du système d’enregistrement d’images d’une part. Celui de la durée de conservation des données d’autre part. Pour ce qui est du système d’installation, il sera nécessaire de vérifier l’état de l’autorisation du système déja existant, et éventuellement de celle de l’installation nouvelle (Article 10, III). Dans les deux cas, il sera rappelé la nécessité d’information du public sur l’existence même du système, la loi prévoyant en son article 13-1 II l’information sur l’existence d’un système de vidéosurveillance dans les lieux et établissements ouverts au public est apportée au moyen d’affiches ou de panonceaux. Afin de garantir une information claire et permanente des personnes filmées ou susceptibles de l’être, le format, le nombre et la localisation des affiches ou panonceaux sont adaptés à la situation des lieux et établissements. « Ces affiches ou panonceaux indiquent le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable auprès duquel toute personne intéressée peut s’adresser pour faire valoir le droit d’accès prévu au V de l’article 10 de la loi du 21 janvier 1995 susvisée, lorsque l’importance des lieux et établissements concernés et la multiplicité des intervenants rendent difficile l’identification de ce responsable ». Nous verrons plus bas que la mise en œuvre concrète de ces mesures pourra poser des problèmes liés à l’articulation même du projet, et à la nature des différents participants.
24Pour ce qui est de la durée de la conservation des images : la loi impose une obligation de destruction des fichiers dans un délai ne devant pas dépasser un mois (une décision préfectorale pouvant réduire ce délai à 3 jours pour les magasins). Se pose à ce niveau un problème technique pour le processus d’expérimentation envisagé pour lequel une autorisation spécifique devra être obtenue de la CNIL.
2.2. Les solutions possibles
25Elles relèveront du respect d’un certain nombre de procédures dont le caractère contraignant pourra être allégé en fonction du choix des solutions techniques qui pourront être choisies.
2.2.1. - Les solutions procédurales
26Si l’on se réfère à la lettre des textes que nous avons évoqués (LIL, LOPRS), il devra être porté une attention toute particulière lors de la mise en place du projet à différentes points.
Vidéo-surveillance dans les lieux et bâtiments ouverts au public et, ou, vidéos spécifiques. Les opérations de vidéosurveillance sont possibles à l’intérieur des lieux et établissements ouverts au public (par exemple magasins, banques) afin d’assurer la sécurité des personnes et des biens en cas d’exposition : à des risques d’agression ou de vol, ou à des actes de terrorisme. L’opération envisagée dans le projet CAnADA n’étant en rien susceptible d’être assimilée à de la vidéosurveillance, il devra être clairement indiqué quel est son objet. La confusion des genres serait le plus sur moyen de se mettre en position d’être poursuivi.
Droit à l’information. « Le public doit être informé, de façon claire et constante, de l’existence du système de vidéosurveillance et de l’autorité ou de la personne responsable. » Il faudra déterminer quelle est la personne en question (Youg’s ? Le responsable du projet ? Le responsable du traitement ?). On signalera à ce niveau le problème posé par un éventuel double archivage : Youg’s (1 mois), organisme de traitement scientifique (durée de la dérogation accordée). Il y a à ce niveau une possibilité de double accès. Et par conséquent, nécessité de double déclaration. La présence de pancartes sur lesquelles est représentée une caméra est obligatoire en cas d’utilisation d’un système fixe de vidéosurveillance de la voie publique. Dans les lieux et établissements ouverts au public, l’information s’effectue par affiches ou pancartes. Les établissements les plus importants (comme par exemple les grandes surfaces) doivent également indiquer le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable du système.
Autorisation d’installation de caméras : L’installation d’un système de vidéosurveillance est subordonnée à une autorisation préalable du préfet du département du lieu d’implantation ou, à Paris, du préfet de police. Elle est donnée pour une durée de cinq ans renouvelable, après avis de la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance (sauf en matière de défense nationale) présidée par un magistrat du siège, ou un magistrat honoraire. La commission départementale peut à tout moment exercer un contrôle sur les conditions de fonctionnement des dispositifs autorisés en application des mêmes dispositions (Article 10 de la loi). Elle émet le cas échéant des recommandations et propose la suspension des dispositifs lorsqu’elle constate qu’il en est fait un usage anormal, ou non conforme à leur utilisation (Article 10 III. Al. 6)
Droit d’accès et conservation des images : Toute personne peut accéder aux enregistrements la concernant et en vérifier la destruction dans le délai fixé par l’autorisation préfectorale (Art. 10 V.). « Le délai de conservation des images ne peut dépasser un mois, sauf procédure judiciaire en cours. » Cette condition pose un problème en l’espèce : le projet de recherche implique une conservation plus longue des données enregistrées à des fins d’analyse scientifique. Ce qui conduira à obtenir une dérogation de la CNIL à des fins de recherche (confère finalité du projet). On signalera à ce niveau le problème posé par un éventuel double archivage : Youg’s (1 mois), organisme de traitement scientifique (durée de la dérogation accordée). Il y a à ce niveau une possibilité de double accès. Et par conséquent, nécessité de double déclaration. On indiquera également le problème qui peut se poser par rapport à la nature des images communiquées et à la nécessité éventuelle d’anonymisation des tiers apparaissant autour de la personne qui exerce son droit d’accès. La demande d’accès doit être adressée au responsable du système de vidéosurveillance. Cet accès est de droit. Un refus d’accès peut cependant être opposé pour un motif tenant à la sûreté de l’État, à la défense, à la sécurité publique, en cas d’instruction judiciaire ou pour protéger le secret de la vie privée de tierces personnes. Voire anonymisation.
Recours en cas de difficulté d’accès : Ils peuvent être exercés à différents niveaux. Recours auprès de la commission départementale : toute personne rencontrant une difficulté dans le fonctionnement d’un système de vidéosurveillance peut saisir la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance. Cette instance peut aussi, en dehors de toute saisine de particuliers, décider d’exercer un contrôle des systèmes (sauf en matière de défense nationale). Recours devant le juge : Que la Commission ait été saisie ou non, toute personne peut également s’adresser à la juridiction compétente, en cas de difficultés concernant un système de vidéosurveillance. Il peut s’agir du juge administratif ou du juge judiciaire, suivant les situations et l’objet du recours (notamment qualité publique ou privée de la personne responsable du système, recours en annulation de l’autorisation préfectorale, poursuites pénales). Dans le cas, par exemple, où Youg’s conserve les données, le problème posé dans le cadre d’une procédure d’accès judiciaire aux images relèvera de la double juridiction : civile pour Youg’s, administrative pour l’École des mines et les laboratoires publics. L’intéressé peut déposer, s’il le juge nécessaire, une demande en référé, procédure d’urgence qui permet d’obtenir dans des délais très courts une décision de justice. Cette procédure existe aussi bien devant le tribunal d’instance que devant le tribunal de grande instance et permet au juge d’ordonner des mesures urgentes : expertises, constatations, etc.
2.2.2. - Les solutions techniques
27L’adoption de certaines solutions techniques aura pour effet d’alléger les contraintes juridiques s’imposant aux responsables du projet. Elles tourneront essentiellement autour du principe d’anonymisation et des différents procédés de sa mise en œuvre. L’article 32 IV de la loi informatique et libertés dispose : « Si les données à caractère personnel recueillies sont appelées à faire l’objet à bref délai d’un procédé d’anonymisation préalablement reconnu conforme aux dispositions de la présente loi par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les informations délivrées par le responsable du traitement à la personne concernée peuvent se limiter à celles mentionnées au 1° et au 2° du I. » (= identité du responsable et finalité poursuivie par le traitement). Le recours à l’anonymisation apparait dès lors comme un moyen d’alléger considérablement les procédures nécessaires à la mise en place de l’encadrement juridique du projet. Reste à savoir ce que l’on peut entendre juridiquement par "anonymisation" ? À envisager la compatibilité des concepts d’anonymisation tels qu’on les utilise en science et en droit (et aux risques qu’ils peuvent faire courir : réversibilité par exemple) ? Et à mesurer enfin la compatibilité de la notion juridique d’anonymisation avec le traitement envisagé ( =l’objet de la recherche) pour décider du protocole procédural qui sera choisi. À défaut d’une définition particulière de l’anonymisation, on peut partir des éléments d’identification retenus par la jurisprudence dans des affaires de droit à l’image, afin d’établir un certain nombre de critères permettant d’isoler les éléments de la personnalité aptes à discriminer un individu ; éléments qu’il conviendra d’anonymiser (entendu comme l’impossibilité définitive de reconnaître l’individu en cause). Cela peut concerner le visage (Tribunal de grande instance, Paris, Chambre 1 section 1, 29 Septembre 1999 "Gavazzi c. SA Télévision Française 1"), le regard, le code vestimentaire ou les marques corporelles (tatouages, bijoux, peintures, cicatrices…).
Liste des textes applicables
28Annexe 1 – Fiche technique des formalités à accomplir.
Vérifier l’état de validité des autorisations, des systèmes d’enregistrement existant dans le magasin.
Vérifier si registre des enregistrements de Youg’s et de leur destruction est à jour.
Vérifier l’affichage informatif du public de l’existence d’un système de surveillance video.
Obtenir de la Commission départementales l’autorisation d’installation du nouvel équipement spécifique.
Informer le public de l’existence d’une expérience en cours sur leur comportement et obtenir leur accord ( = attention au principe de l’utilisation conforme de la LIL)
Information du personnel et du Comité d’entreprise.
Déclaration à la CNIL par le responsable du fichier en respectant les prescriptions de la loi : enregistrement secret interdit, publication de l’identité du responsable du fichier, indication des finalités
29Annexe 2 – Déclaration CNIL (disponible sur le site de l’IREENAT, http://ireenat.univ-lille2.fr)
30Annexe 3 – Déclaration préfectorale / Commission départementale
Bibliographie
Cornu G., Droit civil : introduction, les personnes, les biens, Mont-chrestien, 12e édition, 2005
Notes de bas de page
1 http://www.yougs.fr/
2 Une attention particulière devra être portée à la description de l’équipement mis en place dans les dossiers de demande d’autorisation qui pourront être faits à la CNIL et à la commission départementale (cf. plus bas).
3 Ces demandes peuvent concerner l’acquisition des séquences video, l’obtention des séquences archivées, l’installation de matériels spécifiques, la mise à jour des logiciels.
4 CA Paris, 1re ch., 23 mai 95 (D. 96, somm. com. 75, obs. Hassler).
5 JORF du 7 janvier 1978 p. 227 ; modifiée par loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel, JORF n °182 du 7 août 2004 p. 14063.
6 http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PPEAQ.htm (page consultée le 20 mars 2008).
7 http://www.cnil.fr/index.php?id=301 (page consultée le 20 mars 2008).
Auteurs
Professeur de Droit Public, Faculté de Droit de Lille 2, Directeur du laboratoire IREENAT (EA n° 3612) et Responsable du Parcours "Cyberespace" du Master Droit. Il anime différentes recherches sur le développement des TIC en analysant les conséquences de leurs utilisations sur les catégories juridiques.
Maître de conférence à l’Université de Lille 2 et spécialiste du droit informatique. Il est membre de l’IREENAT.
Maître de conférences en sciences politiques à l’Institut d’Études Politiques de Lille, et membre du Centre d’Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales (Cnrs UMR 8026). Il a publié (avec David Hiez (dir.), 2008), La désobéissance civile. Approches politiques et juridiques. Presses Universitaires du Septentrion.
Maître de conférences en informatique à la faculté de Droit de Lille 2, chargé de mission pour le c2i métiers du droit. Ses principales activités de recherche portent sur les systèmes d’information et le droit, l’intelligence artificielle et le e-Learning. Il participe à différents projets ANR interdisciplinaires avec des juristes autour du thème de la sécurité et de la protection des données personnelles.
Docteur en Droit public, Membre de l'IREENAT.
Doctorant en Droit public et Membre de l'IREENAT. Il rédige une thèse consacrée aux aspects juridiques de la mise en œuvre de la carte d'identité électronique
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