Afrique : vers un partenariat euro-africain renouvelé ?
p. 161-171
Texte intégral
Un continent dans une dynamique positive
1Après l’afro-pessimisme généralisé des années 1990 (Smith 2003), prenant sa source dans les nombreux conflits sur le continent1, un indice de développement humain faible et un défaut de leadership, la décennie 2000 a été caractérisée par un dynamisme certain. Les premiers signes sont venus d’une amélioration du leadership à l’échelle continentale avec la création de l’Union africaine (UA), d’une plus grande stabilité due à la résolution de plusieurs conflits (Angola, Liberia, Sierra Leone, Mozambique) et d’une accélération de la croissance économique. Ces transformations vont se poursuivre d’ici 2020. Toutefois, les conjonctures africaines restent fragiles et les défis immenses.
Un développement économique dynamique, fragile et encore insuffisant
2La décennie 2000-2010 a généré l’espoir d’un décollage économique du continent. Une plus grande stabilité, une urbanisation rapide et la montée des cours des matières premières ont permis au continent africain de connaître, avant la crise de 2008, une croissance annuelle moyenne d’environ 6 %. Malgré cela, en 2008, le revenu national brut (RNB) cumulé de l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne se situait seulement à la 14e place mondiale, derrière celui de la Corée du Sud. La crise économique mondiale de 2008 a ralenti la croissance, mais la reprise devrait s’accélérer dès 2011 (Fonds monétaire international [FMI] 2010). Néanmoins, cette crise a rappelé la nécessité d’une diversification des économies africaines. Alors que le secteur bancaire africain reste à la marge du système financier mondial, l’Afrique a subi la chute du prix des matières premières et la baisse des investissements provoquées par la récession dans les pays développés. Par ailleurs, la croissance est très inégalement répartie à l’échelle du continent. La croissance de la plupart des pays africains reste encore éloignée des taux qui ont rendu possible le décollage économique des pays asiatiques et qui permettraient de faire face au doublement de la population africaine à l’horizon 2050. Si l’on écarte les pays disposant d’une rente d’hydrocarbures ou de ressources minières, le dynamisme économique est relativement faible et ne permet pas d’atteindre les « Objectifs du millénaire pour le développement » qui nécessitent un taux de croissance préalable de 8 %. Un des grands défis de la décennie à venir est de lever les derniers obstacles structurels qui empêchent l’enracinement d’une croissance forte et durable.
3Pour cela, les pays africains doivent être capables de définir par eux-mêmes les priorités pour leur développement. La décennie qui s’ouvre a débuté par l’incorporation du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (New Partnership for Africa’s Developement, Nepad)2, en cours d’essoufflement, au sein des structures de l’UA. On peut donc espérer un renforcement du rôle de celle-ci sur les thématiques économiques qui seront le cœur des relations entre l’Afrique et le reste du monde à l’horizon 2020. Le Nepad est une initiative africaine visant la réforme en profondeur des relations entre donneurs et récipiendaires, avec pour dispositif original un « Mécanisme africain d’évaluation des pairs » qui vise à comparer les résultats des politiques publiques menées. Non contraignant, ce mécanisme a pour but d’aiguiller différentes initiatives dans les secteurs de l’économie, de la gestion de conflit, de la gouvernance, de l’éducation, de la santé, de l’environnement ou de l’énergie. Les progrès de chaque pays africain devaient être accompagnés d’engagements du G8 à accroître les montants de l’aide au développement à leur attention3. En 2008, 29 pays avaient déjà adhéré au Mécanisme4. Les premiers résultats, bien que limités, participent à une dynamique de revalorisation, relative mais réelle, du rôle des États africains dans la conception et la négociation des partenariats avec leurs différents bailleurs de fonds et partenaires économiques.
Renforcement du leadership
4En termes institutionnels et politiques, on a assisté à un affermissement du leadership africain avec la naissance de l’UA en 2002 à l’initiative d’États pivots (Algérie, Nigeria, Afrique du Sud, Éthiopie). Conçue sur le modèle de l’Union européenne (UE), l’Union africaine est devenue un interlocuteur incontournable pour les partenaires extérieurs en ce qui concerne les questions diplomatiques, économiques, mais aussi de sécurité. Elle joue un rôle de porte-parole qui a permis aux États africains d’avoir des positions communes plus consistantes face aux partenaires internationaux, notamment dans les forums internationaux (G8, G20, sommet de Copenhague sur le climat). Au vu des discours entendus lors des G8/G20 post-crise économique de 2008, cette tendance à une meilleure association du continent africain à la gouvernance mondiale devrait se prolonger d’ici 2020.
5Cette affirmation du leadership et de l’économie africains se retrouve dans l’évolution des relations avec l’Union européenne, principal partenaire politique, militaire, économique et bailleur de fonds.
UE/Afrique : une relation en voie de renouvellement
Une relation inégalitaire et obsolète
6Lors du premier sommet UE/Afrique du Caire en 2000, les relations entre les deux continents, séparés par une quinzaine de kilomètres, sont marquées par une forte asymétrie des rapports5 et des tensions perceptibles liées au complexe legs colonial.
7L’intérêt que porte l’UE à l’Afrique semble alors principalement guidé par la promotion de l’aide au développement encadrée par des conditionnalités politiques, la sécurité du continent (prévention, gestion et résolution des conflits), une volonté de contrôle des migrations, des prétentions humanitaires, le tout marqué par un ensemble d’attitudes paternalistes (Cargill 2010). La promotion des intérêts économiques et stratégiques de l’UE semble écartée des ambitions communautaires et laissée à l’attention de chaque État membre.
8Au début des années 1990, les anciennes puissances coloniales ont progressivement pris des mesures de normalisation des positions bilatérales privilégiées, notamment la France (discours de la Baule6, doctrine d’Abidjan en 19937, dévaluation du franc CFA en 1994, réforme de la coopération en 1997, multiples restrictions dans les politiques migratoires) et la Grande-Bretagne (politique du New Labour en 1997 renforçant la politique de coopération avec la création du UK Department for International Development [DFID]). Ces deux pays ont accru les conditionnalités politiques tout en transférant une partie importante de leur aide au développement à des opérations militaires ou diplomatiques sous pavillon européen ou multilatéral.
9Cette volonté d’afficher plus de transparence dans les relations bilatérales avait aussi pour but de convaincre les autres pays européens, notamment les pays nordiques et d’Europe de l’Est, de maintenir un tropisme africain au sein de l’UE. Cet intérêt pour l’Afrique existait depuis le traité de Rome : renforcement des Fonds européens de développement (FED), accords de Lomé, de Cotonou puis Accords de partenariat économique (APE), développement d’opérations dans le cadre de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Ainsi, malgré le déclassement stratégique de l’Afrique, qui s’est traduit par plusieurs décennies de marginalisation économique et politique, l’Europe est restée l’un des seuls acteurs internationaux à maintenir un intérêt pour le continent africain.
10Du côté des États africains, cependant, les réformes engagées en Europe dans les années 1990 ont été considérées comme la preuve d’un désintérêt de la part de l’UE et de ses États membres, et d’autant plus que ces changements ont été pensés et mis en œuvre de façon unilatérale et sans réelle concertation. De nombreux gouvernants africains ont qualifié de paternalisme ou d’ingérence la façon dont l’Europe liait son aide au développement aux conditionnalités politiques. Les revendications africaines portaient sur le respect de la souveraineté des États et la construction d’une politique de partenariat élaborée d’égal à égal.
La fin d’un tête-à-tête Afrique/Occident
11Depuis le début des années 2000, l’émergence de nouveaux acteurs tels que les pays asiatiques et latino-américains, mais aussi le réinvestissement de partenaires plus anciens (États-Unis, Russie), ont contribué à fonder en Afrique une nouvelle géo-économie et à redistribuer les cartes du jeu diplomatique. Les pays émergents sont attirés par le potentiel des secteurs des hydrocarbures, des mines et les réserves foncières. Ils visent aussi les marchés africains pour l’écoulement de leurs produits industriels. Promouvant une réforme des institutions internationales issues de Bretton Woods, notamment l’ouverture du Conseil de sécurité des Nations unies à de nouveaux pays, les pays émergents se sont engagés dans une course pour obtenir la voix des pays africains.
12L’émergence de nouveaux partenaires a été saluée par les élites africaines et utilisée comme contrepoids dans les négociations UE/Afrique. Ainsi la Chine a-t-elle exploité les frustrations africaines à l’égard des pays occidentaux comme argument publicitaire, en mettant notamment en exergue une voie de coopération économique « gagnant-gagnant », sans conditionnalités8, entre pays égaux du Sud, anciennement colonisés. Ce discours de démarcation de l’Occident, et de l’Europe en particulier, est très bien accueilli en Afrique alors même que les termes de la présence chinoise sur le terrain sont tout aussi inégaux :
concentration des investissements dans les secteurs énergétiques et miniers destinés au marché chinois ;
utilisation d’une main-d’œuvre chinoise considérée par les entrepreneurs chinois comme mieux formée et plus disciplinée ;
exportation de produits bon marché qui alimentent les marchés africains et tuent les jeunes pousses industrielles africaines incapables d’y faire face.
13En dépit du caractère toujours extraverti des économies africaines, les pays africains ont eu la possibilité de sortir de relations unilatérales avec les partenaires européens en négociant avec différents acteurs pour obtenir des partenariats plus avantageux et revisiter les normes imposées jusqu’ici par l’Europe. L’UE a commencé par diaboliser les nouveaux arrivants, visant particulièrement la Chine, avant de prendre acte de ce nouveau contexte et de revoir son approche vis-à-vis du continent africain.
Le nouveau partenariat stratégique Afrique/UE
14Dès 2005, la Commission européenne a ouvert le chemin en élaborant sa stratégie pour l’Afrique « dans un cadre global, intégré et à long terme » (Commission européenne 2005). Lors du second sommet UE/Afrique à Lisbonne (Commission européenne 2007a), en décembre 2007, le partenariat a été ratifié par l’UE et l’UA. Il dresse les objectifs des relations UE/Afrique des prochaines décennies. Dans le cadre de ce partenariat, l’Union africaine se charge de la coordination de la partie africaine en devenant l’interlocuteur officiel de l’UE. Un plan d’action a été rapidement mis en place pour la période 2008-2010 (Commission européenne 2007b). Au moment du troisième sommet UE/Afrique de novembre 2010, les premiers bilans de ce plan d’action montraient que la route est encore longue pour optimiser le partenariat9.
15Si celui-ci a pour but de développer une approche commune, les intérêts des deux parties ne convergent pas pour autant, notamment sur les questions des matières premières, du contrôle des migrations, ou encore des interventions militaires.
16Au niveau des structures, comment peut-on espérer l’émergence d’une nouvelle mentalité et un changement de nature des relations entre les deux continents en gardant les mêmes structures, les mêmes personnels et les mêmes attitudes ? Le partenariat stratégique inclut de nombreuses initiatives financées par l’UE pour renforcer les capacités de l’UA, mais l’asymétrie capacitaire de l’UA et de l’UE se maintiendra encore longtemps. Côté UE, la création d’un Service européen d’action extérieure (SEAE), prévu par le traité de Lisbonne, offre l’opportunité d’opérer ces changements mais nécessite une implication politique forte de la part de la Commission et des États membres. Paradoxalement, alors que le partenariat est une action censée relancer les relations politiques entre les deux organisations régionales, on observe de part et d’autre une faiblesse des initiatives politiques. L’origine du problème est liée aux problèmes de gouvernance interne des deux organisations continentales : une technocratie experte mais dépendante politiquement du degré d’implication des États membres, gardiens de l’initiative politique.
Les enjeux à l’horizon 2020
17D’ici 2020, les relations entre Afrique et Europe resteront centrées autour des thématiques du développement et de la sécurité. Cependant, le maintien d’une croissance économique forte en Afrique et les prévisions de croissance atones en Europe devraient inciter les entreprises européennes, comme celles des autres régions du monde, à regarder plus attentivement les opportunités au sud du Sahara. Pour permettre à ses entreprises de faire face à la concurrence des pays émergents, l’UE sera poussée par ses membres à développer des politiques de soutien.
L’africanisation du maintien de la paix
18Comme le souligne le Nepad, « la paix du continent africain est, en premier ressort, de la responsabilité des Africains eux-mêmes ». À l’horizon 2020, les capacités africaines devraient être plus conséquentes qu’aujourd’hui, notamment grâce à un renforcement des structures de l’UA et des organisations sous-régionales ainsi qu’à une meilleure coordination des bailleurs internationaux.
19Dès sa création, l’UA s’est dotée d’une Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS) avec la mise sur pied d’un Conseil de paix et de sécurité (CPS) ou encore d’une Force africaine en attente (FAA) composée au niveau de chaque organisation sous-régionale d’une brigade de 3 500 à 6 500 hommes10. L’organisation panafricaine souhaite peser de tout son poids sur la résolution des conflits qui perdurent (Somalie, Soudan, région des Grands lacs, Centrafrique, Tchad) et épuisent la bonne volonté de la communauté internationale. Cependant, les moyens de l’UA restent limités et dépendent essentiellement de quelques pays (Nigeria, Éthiopie, Afrique du Sud, Algérie) et surtout des financements et de l’assistance technique des bailleurs de fonds (UE, États-Unis, Organisation des Nations unies [ONU]). Ceux-ci devraient s’accroître dans la décennie à venir du fait du regain d’intérêt des Américains pour le renforcement des capacités sécuritaires africaines dans le cadre de la lutte contre le terrorisme post-11 septembre 2001. En 2008, les États-Unis ont inauguré un commandement pour l’Afrique autonome (AFRICOM) qui a pour but de coordonner le foisonnement des initiatives américaines dans le secteur de la coopération militaire. On observe aussi un activisme des pays asiatiques11 et un soutien renforcé fourni par l’UE.
20L’UE appuie fortement cette dynamique d’africanisation du maintien de la paix sur le long terme. Ainsi, initié par la France, le concept Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP) s’est européanisé en 2008 avec le partenariat UE/Afrique pour devenir l’initiative Amani Africa-EuroRecamp12. L’UE participe d’une tendance de fonds au sein de la communauté internationale de ne plus vouloir intervenir de façon unilatérale dans des opérations de maintien de la paix longues, peu légitimes aux yeux des opinions publiques africaines et des sociétés civiles occidentales (syndrome des interventions françaises au Rwanda et en Côte d’Ivoire, américaine en Somalie, pourtant toutes sous mandat onusien). Pour cela, elle s’est dotée d’une Facilité de soutien à la paix en Afrique au sein des neuvièmes et dixième FED. Cette enveloppe budgétaire lui a permis de soutenir l’institutionnalisation des structures sécuritaires de l’UA mais aussi de financer des opérations africaines sur le terrain13. Ce renforcement des capacités africaines est au cœur du partenariat stratégique UE-Afrique signé en 200714 avec trois secteurs déclarés prioritaires : un dialogue accru sur les défis de la paix et de la sécurité ; la mise en route opérationnelle de l’AASP ; des financements prévisibles pour les opérations de maintien de la paix sous commandement africain.
21On assistera donc d’ici 2020 à une plus grande autonomie des initiatives africaines. Néanmoins, en dehors du Maghreb et de l’Afrique du Sud, les capacités des armées africaines resteront très réduites et ne pourront pas faire face à une conflictualité qui se maintiendrait au niveau actuel. De ce fait, l’UE restera l’un des principaux acteurs des opérations de maintien de la paix, que ce soit au niveau des financements ou de l’expertise technique et en maintenant ses opérations propres.
Des relations commerciales UE/Afrique tendues autour de la question des APE
22Le deuxième challenge pour les relations Europe/Afrique d’ici 2020 concerne la protection des économies africaines à mesure qu’elles s’intègrent à l’économie-monde. Sur ce sujet, le débat autour des APE est assez révélateur des tensions entre l’UE et une partie des pays ACP qui refusent de les ratifier.
23Jusqu’en 2000, les relations commerciales UE/ACP étaient organisées par les accords de Lomé, consistant en un système d’échanges discriminatoire et non réciproque favorable aux économies africaines mais en contradiction avec certaines règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les accords de Lomé disposaient d’une clause de dérogation à ces règles jusqu’en 2008. En 2000, pour préparer le passage au nouveau régime, les accords de Cotonou ont été ratifiés, prévoyant, à terme, le régime des APE. La taille réduite des marchés africains étant un des obstacles à l’essor économique identifiés depuis longtemps par les économistes, l’UE souhaitait profiter de l’occasion pour contribuer à un renforcement des capacités africaines par un soutien financier et technique à la régionalisation des marchés africains, prônée par la Communauté économique africaine (CEA)15, en dessinant six régions pour les APE. De nombreux économistes estiment que la création de marchés régionaux permettrait de faire face aux immenses défis en termes d’infrastructures (développement de réseaux routiers et de chemin de fer, barrages hydroélectriques, oléoducs et gazoducs), d’ajuster les environnements juridiques (libre circulation des personnes, environnement des affaires, marchés communs) et fiscaux (pour compenser la réduction de la part des taxes douanières dans les budgets des États et éviter des politiques nationales de dumping).
24Pourtant, en 2008, une grande partie des États africains a refusé de signer les APE, provoquant une très forte polémique sur les vertus et les biais des nouveaux accords. En 2000, les pays africains étaient dans une position de faiblesse dans la renégociation des accords commerciaux avec l’UE, principal partenaire économique et contributeur de l’aide au développement. En 2008, la situation a changé et une partie des pays africains, sollicités par les autres partenaires, Chine et États-Unis en tête, souhaitent une renégociation dans un contexte beaucoup plus favorable à leur égard. D’ici 2020, l’attractivité des marchés africains devrait continuer de croître et permettre aux États africains d’améliorer les termes de l’échange en leur faveur.
Les ressources énergétiques africaines : une priorité stratégique européenne ?
25La course aux matières premières16 africaines est ouverte à l’échelle mondiale et elle se renforcera d’ici 2020. Les pays émergents essaient de diversifier leurs sources d’approvisionnement énergétique pour assurer la pérennité de leur croissance. Pour arriver à leurs fins, ils mettent en place des politiques de sécurité énergétique sur le long terme et n’hésitent pas à offrir des prix supérieurs ou des partenariats plus attractifs grâce à un fort soutien étatique17. De leurs côtés, les États-Unis ont fait du pétrole du golfe de Guinée une priorité stratégique pour les décennies à venir.
26Du côté européen, la coordination se fait attendre et les ambitions communautaires sur le moyen et long terme restent limitées alors que se pose de façon urgente la dépendance aux ressources énergétiques russes ou d’Asie centrale18. Après le Maghreb, l’Afrique subsaharienne est l’option la plus plausible pour envisager une diversification des approvisionnements européens. En 2020, certains projets cadres initiés dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée (Transgreen, Desertec) seront entrés dans leurs phases de réalisation, générant un intérêt de plus en plus important de l’ensemble des pays européens pour les potentialités énergétiques africaines (gaz, pétrole, solaire, éolien). Pour optimiser ce potentiel, d’importants investissements d’infrastructure sont nécessaires pour extraire et exporter ces ressources. Pour combler son retard sur les seules infrastructures énergétiques, le continent africain aura besoin d’ici 2020 de trouver 40 milliards de dollars par an d’investissements19. Ces investissements en infrastructures sont vitaux pour permettre aux États africains de répondre à la forte croissance de leurs besoins énergétiques, d’initier leur industrialisation et de faciliter la diversification de leurs économies. Le partenariat stratégique UE/Afrique sera un des moteurs de ces investissements puisque le dixième FED consacre déjà un montant de base de 5,6 milliards d’euros aux infrastructures africaines dans leur ensemble. Au vu des intérêts stratégiques européens et des potentialités des marchés africains, nous devrions voir fleurir dans la décennie à venir l’annonce de nombreux projets euro-africains dans le secteur énergétique.
Bibliographie
Cargill, T., Our Common Strategic Interests: Africa, Growth and International Policy Post G8, Chatham House Report, Londres, Chatham House, juin 2010.
Commission européenne, Stratégie de l’UE pour l’Afrique : vers un pacte euro-africain pour accélérer le développement de l’Afrique, Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen, COM(2005) 489 final, Bruxelles, 12 octobre 2005.
Commission européenne, Le Partenariat stratégique Afrique-UE : une stratégie commune Afrique-UE, Bruxelles, 2007a,
<ec.europa.eu/development/icenter/repository/EAS2007_joint_strategy_fr.pdf>.
Commission européenne, Premier plan d'action (2008-2010) : pour la mise en œuvre du partenariat stratégique Afrique-UE, Bruxelles, 2007b,
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Fonds monétaire international, Perspectives économiques régionales. Afrique subsaharienne : retour à une croissance forte ?, Washington, D.C., 10 avril 2010.
Smith, S., Négrologie : pourquoi l'Afrique meurt, Paris, Calmann-Lévy, 2003.
Notes de bas de page
1 L’Union européenne (UE) fait la distinction entre ses relations avec l’Afrique du Nord, comprise dans l’Union pour la Méditerranée (ou accords Euromed), avec l’Afrique du Sud (accords de libre-échange) et avec le reste de l’Afrique subsaharienne comprise dans les accords de Cotonou (pays Afrique-Caraïbes-Pacifique [ACP]). Cet article concerne les deux dernières catégories citées.
2 Le Nepad est né en juillet 2001 de la fusion de plusieurs initiatives de présidents africains dont le Sud-Africain Thabo Mbeki, l'Algérien Abdelaziz Bouteflika, le Sénégalais Abdoulaye Wade, le Nigérian Olusegun Obasanjo et l’Égyptien Hosni Moubarak. Il a pour but d’éradiquer la pauvreté, de promouvoir le développement économique des pays africains individuellement et à l’échelle du continent, de lutter contre la marginalisation du continent dans le processus de mondialisation de l’économie et de promouvoir le rôle des femmes.
3 Depuis 2001, les sommets du G8 accueillent des représentants des pays africains. En 2002, à Kananaskis, les pays membres du sommet du G8 se sont accordés sur un plan d’action pour l’Afrique.
4 Voir le site Internet Aprm-international.org.
5 Inhérente aux relations entre donneurs et récipiendaires.
6 Discours du président François Mitterrand lors du sommet France/Afrique de la Baule le 22 juin 1990.
7 La doctrine d’Abidjan, appliquée par le gouvernement d’Édouard Balladur (1993-1995), a consisté en un préconditionnement de l’aide au développement française à la signature par les pays africains d’accords avec les institutions de Bretton Woods (FFMI, Banque mondiale).
8 Ce qui d’ailleurs est faux puisque le préalable chinois est la rupture des liens avec Taïwan.
9 J. Bossuyt et A. Sherriff, Quelle suite pour une stratégie commune Afrique-UE ? Perspectives de redynamisation d'un cadre innovant, Document d'orientation, Document de réflexion, n° 94, Maastricht, Centre européen de gestion des politiques de développement, mars 2010, p. 9-11.
10 D’autres institutions ont vu le jour : le Système continental d’alerte rapide, le Conseil des Sages, le Comité d’état-major, le Fonds spécial africain.
11 En 2009, le Japon a annoncé l’ouverture d’ici 2011 d’une base permanente à Djibouti dans le cadre de la lutte contre la piraterie. « Piraterie : des soldats japonais s’installent à Djibouti », Radio France Internationale, 25 avril 2011,
<www.rfi.fr/contenu/20100425-piraterie-soldats-japonais-s-installent-djibouti>.
12 Voir <www.amaniafricacycle.org/spip.php ?article7>.
13 Ces dernières années, l’UA a déployé des troupes au Burundi, au Darfour, en Somalie, en République centrafricaine ou pour assurer la sécurité des élections comoriennes (Mission de l’Union africaine pour la sécurisation des élections aux Comores, AMISEC). On a aussi observé une réactivité lors de l’émergence de nouvelles crises ou de conflits avec l’organisation de médiations et des sanctions. Ainsi, les suspensions de la Guinée, de la Mauritanie, de Madagascar et du Niger suite aux coups d’États militaires montrent un engagement ferme pour le respect de l’État de droit. En mars 2008, l’UA a même élargi son spectre d’action avec une opération militaire pour rétablir la souveraineté de l’Union des Comores sur l’île d’Anjouan en chassant Mohamed Bacar du pouvoir.
14 D. Helly, « ESPD and the African Union », in G. Grevi, D. Helly et D. Keohane, European Security and Defence Policy: The First 10 Years (1999-2009), Paris, Institut d’études de sécurité de l’Union européenne, 2009, p. 147-157.
15 Organe de l’UA, fondé par le traité d'Abuja signé en 1991, qui s’est fixé pour objectif de réaliser l’intégration économique du continent, en commençant par l’établissement de communautés économiques régionales puis, à terme, la fusion de toutes ces zones autour d’une union douanière, un marché unique, une zone de libre échange, une monnaie et banque centrale communes à l’horizon de l’année 2034.
16 Voir la contribution de M. Wedig dans cet ouvrage.
17 Cf. H. G. Broadman, Africa’s Silk Road: China and India’s New Economic Frontier, Washington, D.C., Banque mondiale, 2007.
18 B. Augé, Le Trans-Saharan Gas Pipeline : mirage ou réelle opportunité ?, Note de l’Ifri, Paris, Ifri, mars 2010.
19 Voir <www.infrastructureafrica.org/aicd/sectors/power>, site coordonné par la Banque mondiale recueillant les informations et les besoins en infrastructures pour un grand nombre de pays africains.
Auteur
Coordinateur du programme Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri) jusqu’en juillet 2010. Il s’est particulièrement intéressé aux relations entre la France et l’Afrique et à la présence chinoise en Afrique subsaharienne.
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