Migrations : risques et opportunités futurs pour l’Europe
p. 65-74
Texte intégral
1Le système migratoire mondial s’intensifie et se diversifie. Mus par des inégalités économiques, démographiques et politiques croissantes, de plus en plus d’hommes et de femmes quittent leur pays d’origine pour chercher en d’autres lieux, en deçà ou au-delà des frontières nationales, des perspectives de vie plus sûres ou meilleures. Dans les dix prochaines années, ne serait-ce qu’en raison de l’augmentation de la population mondiale, le nombre de migrants et de réfugiés continuera à croître au niveau mondial, de même, à fortiori, que le nombre d’immigrants vers l’Union européenne (UE).
2La présente contribution se concentre sur les défis politiques que l’ensemble de ces migrations posent à moyen terme aux États européens. Les effets des migrations sont ambivalents : d’une part, celles-ci offrent aux pays d’origine, aux pays d’accueil et aux migrants eux-mêmes des chances considérables d’évolution, mais, d’autre part, elles recèlent plusieurs risques. La prédominance de l’une ou l’autre de ces tendances tient en partie aux contextes politiques, et en particulier à la régulation des flux migratoires et à la façon de se comporter des sociétés d’accueil envers les groupes de population allogène.
3Quelles sont aujourd’hui les grandes tendances de la migration au niveau mondial, et européen ? Quelles évolutions marqueront la décennie à venir ? Quels sont les défis auxquels les États membres de l’UE se trouvent confrontés aux échelles mondiale, européenne et nationales ? Sont-ils seulement préparés à appréhender ces défis ? Disposent-ils des stratégies, des concepts et des instruments leur permettant à la fois de prendre en compte les chances des mouvements de migration et de limiter leurs risques ?
Les tendances migratoires globales et leurs effets sur l’Europe
4Le flux migratoire international est extrêmement varié. La dimension et l’évolution ne s’en laissent qu’approximativement évaluer, car les données dont on dispose sont lacunaires. Même dans les États dotés de systèmes de statistiques évolués, la qualité des données portant sur les migrations reste souvent insuffisante. Bien des gouvernements des pays industrialisés ne savent pas combien d’hommes et de femmes immigrent, émigrent ou vivent sur leur sol. En règle générale, les données sur l’intégration sociale des populations allogènes font défaut, en particulier les données longitudinales, susceptibles de livrer des informations sur les succès et les déficits de la dynamique d’intégration sur une durée relativement longue.
5Il n’est donc pas étonnant que les lacunes concernant les grandes tendances de la migration régionale et internationale soient plus grandes encore. Non seulement les défaillances des données statistiques nationales s’additionnent, mais les définitions et les méthodes de relevé diffèrent. Gouvernements et organisations internationales ont de plus en plus de mal à distinguer les différentes formes de migration, en premier lieu les catégories de migrants et de réfugiés – distinction pourtant vitale dans le contexte de la protection des réfugiés en droit international –, car elles ont de plus en plus tendance à se confondre. De même, les distinctions traditionnelles structurant le discours politique entre immigration temporaire, immigration permanente et immigration répétée ou encore entre immigration légale et illégale sont aujourd’hui de plus en plus difficiles à opérer. Ainsi, toute conclusion générale portant sur l’évolution de la migration internationale doit être considérée avec circonspection.
Les grandes tendances de la migration
6Selon les estimations des organisations internationales, environ 175 millions à 200 millions de personnes vivent, pour un temps délimité ou durablement, dans un autre pays que le leur. Cela correspond à une part – étonnamment mince – de 2,5 % à 3 % de la population mondiale. Ces chiffres viennent confirmer les conclusions de la recherche en migration, selon lesquelles les hommes et les femmes, même s’ils souffrent de conditions de vie médiocres ou alarmantes, restent souvent dans leur pays d’origine ; il faut que vienne s’ajouter une incitation ou une pression de taille pour les pousser à migrer ou à fuir. D’autre part, les migrants et les réfugiés, en règle générale, ne font pas partie, dans leur pays d’origine, des couches sociales les plus pauvres ou les moins cultivées. Il s’agit pour la plupart d’hommes et de femmes actifs, qui ne s’en remettent pas entièrement à un prétendu destin. Ils sont en mesure, en outre, de rassembler les moyens financiers nécessaires à leur migration ou disposent de contacts familiaux ou ethniques dans le pays de destination.
7Une analyse rétrospective montre que le nombre des migrants internationaux a doublé ces 30 dernières années et que cette augmentation concerne avant tout les pays développés. À l’inverse, dans les pays en voie de développement, le nombre de migrants a diminué. Selon les chiffres de l’Organisation des Nations unies (ONU), en 2005, environ 60 % des migrants résidaient dans les régions développées du monde et 40 % dans les régions moins développées, la plus grande partie d’entre eux en Europe (64 millions), en Asie (53 millions) et en Amérique du Nord (45 millions). Selon ces estimations, les États-Unis sont le pays comptant le plus d’immigrants (38 millions fin 2005), suivis par la Russie avec 12 millions et l’Allemagne avec 10 millions d’immigrants. Si l’on considère la part des immigrants rapportée à l’ensemble de la population en question, un autre schéma apparaît : les Émirats arabes unis (EAU) se retrouvent alors en première position avec une part d’environ 74 %, suivis du Koweït (57,9 %) et de la Jordanie (39,6 %, Département des affaires économiques et sociales des Nations unies 2009).
8Le nombre des nouveaux migrants et réfugiés dépasse vraisemblablement chaque année les 12 millions de personnes, parmi lesquels 7 millions à 8 millions en direction des pays industrialisés, dont un tiers en direction des États-Unis. Les nouveaux pays industrialisés ont accueilli une partie importante des immigrants. Depuis un certain temps déjà, ces zones du monde plus développées enregistrent des gains importants en termes de migration issue des autres régions du monde. Dans les années 1990, il s’agissait de quelque 2,6 millions de personnes en moyenne par an. L’augmentation la plus importante concerne l’Amérique du Nord – de 1960 jusqu’à la date prise en compte dans l’étude citée, l’afflux annuel net a triplé. Pour la décennie en cours également, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) prévoit une poursuite de cette tendance. À l’inverse, en ce qui concerne l’Europe, après une augmentation considérable jusque dans les années 1990, suivie d’un affaiblissement, on prévoit un recul des flux migratoires. C’est en Asie que les mouvements de départ ont augmenté le plus fortement, suivi de l’Amérique latine et de l’Afrique. Le FNUAP estime que les soldes migratoires resteront comparables durant les dix années à venir et que ce seront surtout les États économiquement les moins développés qui enregistreront des pertes migratoires.
Perspectives pour 2020 : les défis de politique migratoire pour les États de l’UE
9Les courants de migration, de plus en plus hétérogènes, placent les gouvernements de tous les États devant de sérieux problèmes de gestion et d’intégration. Cette dernière partie s’intéressera à trois champs d’action auxquels les États européens se verront particulièrement confrontés au cours des dix prochaines années : la démographie, l’économie et l’intégration.
Mutation démographique
10Deux tendances ambivalentes marqueront dans les années à venir l’évolution de la population au niveau international : vieillissement démographique et réduction de la population dans les pays industrialisés d’une part, et d’autre part, dans les pays en voie de développement, recul certes, mais maintien d’un fort taux de natalité1.
11Sur le sol de l’UE, le nombre des naissances continuera à décliner. Même si elles maintiennent un taux de natalité comparable, les classes d’âge creuses enregistreront encore moins de nouveau-nés par an que la génération précédente et, de façon générale, le nombre des nouveau-nés continuera de baisser. D’autre part, dans les pays industrialisés, la mortalité continuera à reculer, et la moyenne d’espérance de vie à augmenter. Les conséquences de cette évolution démographique sont dramatiques, car les structures d’âge vont connaître une mutation en profondeur : la part des jeunes recule, celle des personnes âgées augmente. Ce phénomène se répercutera très clairement sur les capacités en main-d’œuvre dans les années à venir (capacités qui se réduisent déjà dans deux pays membres de l’Union, l’Allemagne et l’Italie), avec des conséquences très négatives à la fois sur la productivité et la capacité d’innovation des pays concernés et sur le financement et la structure des systèmes d’assurance sociale.
12La hausse globale de la population sera donc presque exclusivement le fait des régions du monde économiquement moins développées. Certes, la moyenne d’enfants par femme continuera à baisser, mais cette baisse, surtout dans les pays les plus pauvres, sera très lente. De plus, la part d’enfants et de jeunes y est considérablement plus élevée. On estime que dans les pays en voie de développement, la population en âge de travailler augmentera chaque année de 50 millions de personnes par an d’ici 2050, en premier lieu dans les régions du monde où l’économie ne se développe que lentement. L’Afrique enregistrera la croissance relative de population la plus forte. La population africaine passera des quelque 900 millions actuels à plus de 1,8 milliard en 2050. L’augmentation absolue la plus importante aura cependant lieu en Asie, dont la population passera des 3,7 milliards actuels à près de 5,3 milliards, ce qui, pour les États concernés, signifie un ensemble de charges sans commune mesure avec celles qu’ils ont dû affronter par le passé.
13Ces régions du monde connaîtront une urbanisation particulièrement rapide. Certaines mégacités s’étendront davantage, mais ce sont surtout les villes de taille moyenne qui connaîtront le développement le plus rapide. Ces nouvelles zones d’habitation n’auront cependant plus grand-chose à voir avec les conceptions traditionnelles (occidentales) que l’on se fait des villes ; elles seront avant tout marquées par un manque cruel d’infrastructures. La recherche est partagée sur les effets économiques, sociaux et politiques de cette urbanisation accélérée. Mais le consensus est quasi général sur le fait que ces régions à forte concentration urbaine seront très difficiles à approvisionner et à administrer, et qu’elles seront les vecteurs d’un potentiel de conflit très sérieux. Dans quelle mesure les hommes et les femmes prendront-ils la fuite devant ce genre de conflits urbains ? La migration, pour les plus pauvres, représente-t-elle une « option de sortie »2 réaliste ? Cet état de fait sera-t-il à l’origine de mouvements migratoires transfrontaliers en direction des pays industrialisés et de l’UE ? Autant de questions auxquelles il semble impossible de répondre de façon sérieuse avec le seul recours aux méthodes de prévision actuelles.
Économie et marchés du travail
14Pour la plupart des États de l’UE, le principal défi, en matière de politique migratoire, consistera à trouver un équilibre entre une ouverture aux migrants, que l’on sait économiquement nécessaire, et l’exigence de la population, très probablement constante, de limiter les mouvements migratoires sur le territoire national. Les entreprises feront pression en direction d’un élargissement de l’immigration afin de combler les failles du marché du travail, de faire baisser les coûts salariaux et d’obtenir, grâce à une plus grande flexibilité, un certain nombre d’avantages concurrentiels. De son côté, la population s’inquiétera de cette concurrence supplémentaire et de ses conséquences concrètes en termes de coût social. Cette problématique est devenue plus actuelle que jamais dans le cadre, entre autres, des débats menés au sein de l’UE et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur l’élargissement de la liberté de circulation des personnes et des services.
15Sur ce point, on observe des évolutions différentes selon les pays industrialisés. Tandis que les États membres de l’UE ont apparemment une certaine difficulté à traduire un évident besoin croissant de main-d’œuvre immigrée très qualifiée en une stratégie politique commune3, d’autres pays ont entamé une politique active et ont mis en place des politiques d’immigration attrayantes pour les migrants. La concurrence autour de cette main-d’œuvre s’est considérablement accrue. Des pays comme l’Allemagne, qui ont longtemps suivi une politique indécise et retenue en la matière, se retrouvent en position désavantagée. Selon toute vraisemblance, les pays membres de l’Union connaîtront dans les dix prochaines années un besoin de plus en plus important non seulement en main-d’œuvre hautement qualifiée, mais également en main-d’œuvre spécialisée et vraisemblablement en main-d’œuvre peu qualifiée. Mais le débat concernant l’immigration d’une main-d’œuvre peu qualifiée est sans doute encore plus délicat à mener que celui concernant une main-d’œuvre hautement qualifiée, car il est lié aux craintes d’un éventuel dumping salarial et des éventuelles évictions de la main-d’œuvre locale qu’une telle immigration pourrait entraîner.
Intégration
16La discussion sur les différentes façons de gérer l’immigration de main-d’œuvre dans le futur est intrinsèquement liée, dans les pays membres de l’UE, à des questions de politique d’intégration, et ce sous deux aspects. D’une part, on s’accorde généralement à dire qu’avant de planifier une vague d’immigration supplémentaire, il convient de mieux mettre à profit les potentiels nationaux. Selon l’analyse de nombreux experts du marché du travail, on y parviendrait grâce à une meilleure intégration des personnes au chômage, une hausse du taux d’activité des femmes, un rallongement de la durée de la vie active et une meilleure qualification des travailleurs nationaux grâce à la mise en place de programmes de formation générale et continue. D’autre part, dans tous les pays membres de l’UE, les doutes sont les mêmes quant au succès des stratégies d’intégration appliquées jusqu’à présent envers les immigrants, liés aux mêmes craintes de voir les problèmes d’intégration existants s’exacerber avec une nouvelle vague d’immigration.
17Dans tous les États membres de l’Union, la part des hommes et des femmes issus de l’immigration – les nouveaux immigrants, les immigrants des générations précédentes et leurs descendants – augmente. Il est difficile de chiffrer avec précision ces parts de la population et leur dynamique d’évolution, en partie à cause des différentes méthodes de relevés et de catégorisation dans les statistiques nationales. Selon les données d’Eurostat, l’office statistique des Communautés européennes, elles se situaient fin 2006 dans une fourchette allant de quelque 2 % dans certains nouveaux États membres à plus de 40 % au Luxembourg4. Cette proportion, comme celle d’hommes et de femmes issus de l’immigration dans les grandes villes et les zones de concentration urbaine, continuera très certainement à augmenter dans les dix prochaines années.
18Depuis quelques années, le débat public sur les problèmes d’intégration des immigrants s’est intensifié, car il est de plus en plus évident que leur non-résolution peut avoir les effets d’une véritable bombe sociale. Les émeutes de la jeunesse des banlieues françaises à l’automne 2005, les confrontations ethniques dans plusieurs villes anglaises et les meurtres à motif politique aux Pays-Bas ont été perçus comme autant d’événements révélateurs de l’urgence de la situation. On perçoit aujourd’hui beaucoup plus nettement qu’il y a encore quelques années l’étendue des problèmes posés par les déficits de l’intégration des immigrants. L’échec patent, souvent présumé, des politiques d’intégration en direction de certains groupes de la main-d’œuvre recrutée à l’époque comme travailleurs immigrés et de leurs descendants sert d’argument pour refuser en bloc une nouvelle vague d’immigration, toute intégration étant manifestement impossible.
19On observe ainsi avec une attention soutenue l’échec scolaire des jeunes migrants, le fort taux de chômage des immigrants non qualifiés, la criminalité plus forte de certains groupes en particulier, par rapport à la majorité de la société, ainsi que le repli constaté, chez certains immigrants, en communautés ethniques et religieuses. Nombreux sont ceux qui, au sein des États de l’UE, croient à un échec général de l’intégration des immigrants – et ce malgré le fait que manifestement, beaucoup d’entre eux, au cours des dernières décennies, se sont intégrés avec succès, souvent sans l’aide étatique, et de plus en plus indépendamment du modèle d’intégration proposé.
20Beaucoup d’États ont une grande difficulté à mener une politique d’intégration cohérente. Les principaux obstacles sont souvent d’ordre financier et organisationnel. L’intégration doit se faire à l’échelon local, l’échelon étatique ne pouvant que poser les conditions cadres de sa réalisation. En pratique, il s’agit la plupart du temps de questions fondamentales restées sans réponse : que signifie la notion d’intégration, et quel degré d’adaptation la société d’accueil est-elle en mesure et en droit d’attendre ? La plupart des pays industrialisés ont entamé un échange sur ces questions avec d’autres pays. Les États membres de l’UE, par exemple, ont demandé à la Commission européenne de mettre en place un réseau de « points de contact nationaux » susceptibles de servir un échange soutenu de l’information sur les concepts, les instruments et les « meilleures pratiques » de la politique d’intégration.
Perspectives d’action de l’Union européenne
21La pression sur les thèmes de l’immigration continuera de se faire sentir en Europe et, dans le même temps, le besoin démographique et économique en immigrants s’accentuera. Dans les dix prochaines années, cette migration ne pourra que partiellement faire l’objet d’une gestion politique et, de façon générale, dans les États membres, les populations et les programmes politiques vont devoir accepter la diversification croissante, ethnique et culturelle, de leurs sociétés. Dans l’ensemble des pays concernés, c’est encore bien loin d’être le cas, tant d’un point de vue pratique sur les méthodes d’intégration des anciens et des nouveaux immigrants que d’un point de vue théorique essentiel sur les moyens d’accéder à une cohésion sociale de base dans des sociétés de plus en plus hétérogènes.
22Le problème est que les États membres de l’UE sont loin de disposer des instruments nécessaires à la gestion des mouvements de migration. Beaucoup d’États membres ont certes une certaine expérience en la matière mais, en règle générale, une vision ou un concept d’ensemble font défaut. Dans tous les pays en question prévaut une gestion ad hoc, à coups de décrets et de réglementations, pouvant certes répondre aux besoins ciblés de chacune des branches de l’économie, mais ne suffisant pas à rendre une politique de migration, depuis les débats autour de sa conception et de ses buts jusqu’à sa réalisation sous la forme de mesures concrètes, assez transparente pour que l’opinion publique soit convaincue aussi bien de sa nécessité que de la pertinence de ses applications.
23Ce qui vaut pour la politique de migration nationale vaut à fortiori pour la politique de migration à l’échelle européenne. Ces dernières années, la Commission européenne, dans les limites de la mission que lui déléguaient les États membres, a régulièrement fait figure de moteur d’une politique de migration commune, et certains États membres ont souvent opéré un transfert stratégique de ces problématiques à l’échelon européen pour parer au dilemme de leur résolution au niveau national. Jusqu’à aujourd’hui, les divergences des intérêts nationaux sont un obstacle à la mise en place d’une politique de migration commune. Phénomène qui, de toute évidence, n’est pas appelé à changer dans les dix prochaines années.
24Jusqu’à présent, il n’est guère que les mesures de contrôle frontalier et de reconduction à la frontière des immigrants irréguliers qui aient pu faire l’objet d’un certain accord entre les États membres, tant en matière de politique intérieure et de justice commune qu’en matière de relations extérieures de l’Union. À l’inverse, ces mêmes États n’ont jusqu’à présent pas été en mesure d’entamer ne serait-ce que les prémisses d’un concept commun en matière de migration de travail, ni donc de trouver des réponses communes à la question de savoir quelles voies légales d’immigration instaurer. Les réserves des États membres sur le Livre vert sur les migrations économiques présenté par la Commission en janvier 2005, ainsi que l’insistance de celle-ci pour que les États membres prennent position et émettent des propositions en faveur d’une politique commune, sont autant de signes du caractère bien laborieux d’une approche communautaire dans ce domaine.
25En matière de politique européenne d’asile et de migration, seule une collaboration plus étroite est susceptible d’apporter des solutions concrètes. Face aux résistances régulières opposées par les États membres aux efforts de la Commission européenne pour une politique commune, l’enjeu portera sur la nature d’une collaboration future qui ménage le principe de souveraineté et les craintes des États membres de voir leurs prérogatives nationales en matière de politique de migration sacrifiées à l’autel communautaire.
26Il s’agit de penser et de mettre en œuvre une politique de migration européenne cohérente et globale. Dans le cadre du programme de La Haye, les chefs d’État et de gouvernement ont défini précisément ce qu’ils entendaient par « cohérence ». Dans l’« approche globale de la question des migrations », ils ont souligné qu’une véritable politique d’ensemble ne doit pas seulement viser une réduction de la migration irrégulière, mais proposer des solutions durables pour les réfugiés ainsi qu’une meilleure gestion de la migration légale.
27Si l’on considère ces objectifs, les tendances de migration évoquées plus haut et les enjeux politiques qui se profilent, il est possible de dégager un certain nombre de requêtes fondamentales en direction d’une politique européenne d’asile et de migration cohérente et globale pour la décennie à venir.
Le point de départ de cette politique doit être un inventaire précis des déficits des instruments de réglementation utilisés jusqu’alors (selon les exigences de transparence, de légitimité et d’efficacité).
Les gouvernements doivent investir plus d’énergie dans la justification démographique, économique et sociale de l’immigration.
Il convient de mettre en place un cadre européen homogène en matière de migration de travail, incluant des possibilités d’immigration différenciées selon le degré de qualification, une procédure orientée vers l’offre et centrée sur le capital humain pour la main-d’œuvre hautement qualifiée, une procédure orientée sur la demande et centrée sur le marché du travail pour la main-d’œuvre spécialisée, et enfin une réglementation transparente en matière d’emploi des migrants peu qualifiés.
Un débat est nécessaire sur les futurs territoires d’origine de la migration et sur ses effets en termes de politique de développement.
Les efforts en direction d’une plus grande intégration des nouveaux immigrants et des immigrés doivent être maintenus, et de nouveaux concepts d’intégration pour les migrants temporaires voir le jour.
Les États de l’UE doivent concentrer leurs efforts sur le rétablissement d’une protection efficace pour les réfugiés et leur offrir de nouveau un véritable accès aux procédures de demande d’asile dans les États membres.
Bibliographie
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Angenendt, S., Die Zukunft der europäischen Migrationspolitik. Triebkräfte, Hemmnisse und Handlungsmöglichkeiten, Berlin, Heinrich-Böll-Stiftung, 2008.
Sirkeci, I., « Transnational mobility and conflict », Migration Letters, vol. 6, n° 1, avril 2009.
10.33182/ml.v6i1.82 :Département des affaires économiques et sociales des Nations unies, Population Division, International Migration Report 2006. A Global Assessment, New York, ONU, 2009.
Notes de bas de page
1 Voir la contribution de G.-F. Dumont dans cet ouvrage.
2 Voir Sirkeci 2009, p. 3 à 14.
3 Au sujet de la directive européenne sur le recrutement d’une main-d’œuvre hautement qualifiée (directive « carte bleue »), voir Angenendt 2008.
4 Eurostat Migration Statistics (statistiques régulièrement mises à jour), <epp. eurostat.ec.europa.eu>.
Auteur
Chercheur associé à la Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP), à Berlin ; il travaille au sein du programme Questions globales sur les questions de démographie, migration, changement climatique et sécurité. Traduction : Stephanie Bauer.
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