Chapitre 3 : L’appropriation du risque d’inondation par les acteurs du territoire : de l’information obligée à la culture du risque
p. 163-224
Texte intégral
1Comme nous l’avons démontré, une gestion intégrée du risque d’inondation implique une meilleure prise en compte des hydrosystèmes, c’est-à-dire l’intégration du long terme dans les dimensions spatiales et temporelles de la gestion des inondations (Bravard, 1998).
2Il semble donc désormais acquis, à la lecture des textes de loi relatifs à l’eau, que la mise en œuvre locale de la gestion intégrée de l’eau s’inscrit :
dans une réflexion globale menée à l’échelle du bassin versant ;
dans le cadre d’un processus de décision politique basé désormais sur un principe de discussions « descendantes et remontantes » (top down and bottom up) entre les différents acteurs de l’eau (puissance publique, collectivités locales, experts et usagers).
3Cette participation d’acteurs issus de la société civile est souvent présentée comme le remède à certains maux de la démocratie. D’autant qu’à l’heure de la décentralisation et de son acte II mais aussi de la multiplication des échelles d’action, le succès des politiques publiques est de plus en plus dépendant de l’adhésion du public. Ce qui n’est pas sans effet sur les formes de participation de la population à la prise en compte du risque d’inondation dans les projets urbains et, plus globalement, dans les différents projets d’aménagement du territoire.
4Certains voudraient y voir une démarche répondant au concept de « gouvernance » et conduisant à l’émergence de procédures nouvelles de médiation (concertation, négociation) entre l’Etat et les collectivités territoriales, entre les institutions, le secteur privé et le secteur associatif au sein d’un espace de dialogue.
5Ne doit-on pas s’interroger sur la réalité que revêtent ces interactions entre acteurs ?
6Parmi les approches qui peuvent être menées pour apprécier le degré et les conditions d’appropriation par les acteurs locaux des nouveaux outils de la gestion du risque d’inondation (Laganier in Cosandey, 2003), on peut souligner :
Le degré d’implication des acteurs locaux qui est une première clé d’analyse. Elle s’évalue notamment par la capacité de mobilisation des acteurs et des réseaux d’acteurs pour mettre en œuvre une solidarité de bassin effective.
Le degré d’ouverture des espaces de concertation qui est une deuxième clé d’évaluation à la fois du bon fonctionnement des structures mises en place et de la capacité à créer un espace d’échanges pour une appropriation des actions.
7Alors que l’on parle de plus en plus largement de « culture du risque », de co-construction, d’acceptabilité et surtout de participation, il semble important de s’interroger sur les modalités de choix des représentants de la société civile (par qui ? sur quels critères ?). Ceci ne signifie pas pour autant que l’action publique est transparente mais renouvelle peut-être les pratiques délibératives « en modifiant les conditions du débat, l’argumentation des politiques, celle des experts et des profanes, ainsi que les ressources participatives des citoyens »1.
8Face aux ambiguïtés de ces nouveaux modes d’action publique, il est tout d’abord indispensable de faire quelques remarques sur ces approches concertées.
9Qu’il s’agisse de la gestion concertée de l’eau au sein des bassins versants, de la participation du public énoncée par la DCE, de l’information des populations en matière de risque ou encore de la volonté affichée par l’Etat de recourir à l’élaboration concertée des PPR, il convient de s’interroger sur ce que sous-tendent toutes ces pratiques et quels en sont les enjeux. En effet, elles renvoient à des activités distinctes mais un certain brouillage quant à leur contenu semble parfois entretenu, « le moins laissant croire au plus » comme le souligne Pierre Lascoumes2. Dans tous les cas, appliqués aux risques, ces approches posent la question de la capacité d’apprentissage des acteurs publics et privés, c’est-à-dire de leur aptitude à s’approprier de telles démarches dans la perspective d’une prévention du risque d’inondation et d’une responsabilité de chacun. En bonne logique, les représentations que se font les groupes sociaux des enjeux liés à la gestion du risque, comme leur articulation, interfèrent dans la prise de décision. Ainsi, le degré d’articulation des représentations diffère selon le mode de participation du public à la prise de décision. Aussi, quatre modes de participation peuvent être distingués : l’information, la consultation, la concertation et la négociation.
10Les deux premiers modes (information et consultation) s’inscrivent dans le cadre d’un débat public. Ils touchent un assez grand nombre de personnes, mais restent toutefois fondés sur un mode de relations unilatérales : l’Etat ou une collectivité territoriale informe la population sur un projet ou, au mieux, lui demande son avis avant d’agir (consultation). La finalité de la démarche est de convaincre la population du bien-fondé du projet. La prise en compte des représentations locales est très limitée, l’implication des populations et le degré d’influence du public le sont tout autant. Par exemple, les seules actions de communication sur le risque d’inondation n’impliquent pas nécessairement une appropriation des problèmes et une intégration de ceux-ci dans les pratiques du public. Les Atlas d’information sur le risque d’inondation définis par les services extérieurs de l’Etat, sont très rarement diffusés par les élus auprès des populations concernées, et lorsqu’ils le sont, ne suscitent pas nécessairement l’adhésion de ces derniers aux politiques préventives d’interdiction de construire en zones inondables3. Etablir une confiance sociale et une implication volontaire des individus nécessite la mise en œuvre d’un processus de dialogue qui va au-delà de la simple communication. Comme le souligne Florence Rudolf, « en se conformant à des objectifs précis et selon des modalités de communication institutionnelle, nombre de consultations orchestrées par les autorités publiques s’apparentent volontiers à des opérations d’enrôlement de la population et se privent, de la sorte, d’expérimenter de nouvelles configurations susceptibles de dynamiser la démocratie locale »4.
11Les deux autres modes de participation (concertation et négociation) laissent une place plus grande à l’échange des différents points de vue et à la définition collective des projets. Dans le cadre d’une concertation, le public concerné participe directement au débat, alors qu’en situation de négociation, le public concerné désigne son représentant chargé de négocier. En raison d’une démarche non plus unilatérale, mais multilatérale, le degré de partenariat et d’influence du public est plus important. Ces modes de participation se fixent pour objectif une appropriation des enjeux et des risques par l’ensemble des acteurs du territoire et l’élaboration d’actions acceptables par tous. Concertation et négociation peuvent être aidées par des outils permettant de formaliser la diversité des comportements sociaux et des stratégies individuelles ou collectives. Cette formalisation est généralement fondée sur une analyse comparative des représentations par les acteurs des problèmes liés à l’eau selon les cultures et les positionnements professionnels (institutionnels, scientifiques et usagers).
12Mais, de l’analyse des représentations des problèmes à leur prise en compte dans la politique territorialisée du risque d’inondation, il n’y a qu’un pas qu’il n’est toutefois pas toujours facile de franchir : les méthodes de sensibilisation, de concertation ou de négociation ne sont pas nécessairement adaptées. Par ailleurs, le partage du pouvoir de décision avec de nouveaux partenaires ne va pas de soi, l’implication volontaire des acteurs locaux non plus.
13Dans cette perspective, il convient de réfléchir à la nécessité de faire évoluer la culture que les citoyens peuvent avoir du risque et plus globalement de l’eau (Académie de l’eau et al, 2000). Les actions qui en découlent s’inscrivent dans un processus de patrimonialisation qui consiste à affirmer les référents des habitants en associant des images à des lieux, à des objets ou à des pratiques. Autrement dit, l’enjeu est de projeter la contrainte hydrologique dans l’espace public. Cette démarche peut s’opérer de façon progressive en s’appuyant sur des actions de sensibilisation, d’information, de concertation ou de manière plus brutale, suite à une crise hydrologique majeure suscitant dans l’urgence la mise en œuvre d’une réflexion collective. Finalement, ne doit-on pas s’interroger sur le profit que les décideurs peuvent retirer de la participation du public (Moster et al, 1999) ? Dans tous les cas, la concertation dans le domaine de l’eau est recherchée et affichée, alors que la politique d’aménagement du territoire souffre parfois de déficiences (Gleizes, 2002). Il convient de nous demander quels en sont les enjeux. C’est pourquoi, nous avons opté pour un découpage selon quatre modes de participation : l’information, la consultation, la concertation et la négociation sachant que ce découpage pourra sembler parfois plus heuristique que réel.
1. L’information : entre communication institutionnelle et responsabilité partagée
14L’information du public constitue le dénominateur commun de la prévention des risques naturels et technologiques.
15A ce titre, la loi du 30 juillet 2003 a mis en œuvre divers mécanismes d’information destinés à « développer une conscience et une culture du risque dans la population » tout en perfectionnant les outils traditionnels de prévention. Ainsi, les pouvoirs publics s’attachent à mettre en œuvre des dispositifs juridiques ou techniques, afin d’éviter aux populations de prendre inutilement des risques, mais également pour leur permettre de s’approprier une culture du risque, voire une culture de crise. L’information en matière de risque constitue « une forme de savoir » qui doit être partagée et adaptée au public destinataire, sans toutefois négliger les espaces distillant cette information.
16Qu’il s’agisse de protéger les populations exposées au risque d’inondation ou de mettre en œuvre les secours pour ces mêmes populations, l’information doit être connue pour être pleinement efficace et faciliter une sortie de crise plus rapide. En effet, les autorités ont tendance à croire qu’en cas de crise, les choses se déroulent selon les plans élaborés et les dispositifs mis en œuvre, mais les événements semblent les contredire.
17En ce sens, toute restriction de l’information relativise l’enjeu qui pourrait être l’amélioration de l’efficience de l’action publique ou l’instauration d’un espace de négociation ou de concertation. L’information concerne tout aussi bien la population exposée que les élus, car « la survenance d’un phénomène naturel est si rapide, que l’absence d’informations sur le risque encouru par les populations place le scientifique (qui « savait ») et le décideur (qui n’a pas agi) en position de « constructeur de crise »5. Nous envisagerons l’information avant la crise au travers de la répartition des compétences de l’Etat et des collectivités territoriales, mais également à travers la représentation spatio-temporelle du risque, les dispositifs d’organisation territoriale de la sécurité civile et la planification de la gestion des crises et enfin, la gestion de l’après crise, qui peut être une opportunité de conserver la mémoire des événements.
1.1. Avant la crise, l’information des services : d’une évolution du dispositif d’annonce des crues vers une véritable prévision des crues
18Si « gouverner, c’est prévoir » selon la formule de Pierre Mendès-France, les pouvoirs publics doivent prendre en considération les risques et plus globalement la vulnérabilité des sociétés face aux aléas hydrologiques. Il est demandé aux pouvoirs publics d’engager des actions précises de gestion du risque d’inondation. A ce titre, la prévention est une dimension essentielle de cette dernière. L’Etat cherche donc à prévenir pour prémunir, en mettant en avant des dispositifs juridiques ou techniques destinés à limiter les risques. Aussi, prévenir, c’est également informer et annoncer.
19Par son intensité, sa durée, son cumul et/ou son extension spatiale, 1a pluie est la cause la plus fondamentale des inondations des cours d’eau et des fleuves. Le facteur climatique est donc primordial et incontournable pour la gestion du risque d’inondation. Comme il n’est pas possible d’empêcher la survenance des inondations, il s’avère nécessaire de mettre en place différentes procédures permettant de prévoir le plus tôt possible la survenance d’une inondation afin de mettre en oeuvre les moyens visant à limiter les conséquences. L’une des techniques consiste en la prévision des conditions météorologiques, c’est-à-dire l’acquisition des informations le plus en amont possible de l’événement, en vue de connaître les données qui permettent de suivre son évolution et de savoir à quel moment les seuils de sécurité sont dépassés pour donner l’alerte.
20En France, cette mission de prévention relève des attributions de la puissance publique. D’ailleurs, historiquement, la société peut être analysée comme une tentative pour réduire les risques de l’état de nature. Corollairement, elle en crée d’autres.
21Parce que cette mission de prévention est inscrite dans les textes dans le cadre du pouvoir de police, comme l’énonce l’article L. 2212-2-5 et L. 2212-4 du Code Général des Collectivités Territoriales, il appartient au maire en vertu des pouvoirs de police qui lui sont conférés de prévenir la population contre la montée des crues.
22Toutefois, en raison de l’unité normative, l’Etat réglemente la prévention qui demeure l’une de ses fonctions. La reconnaissance par la réforme constitutionnelle de 2003 d’un pouvoir réglementaire aux autorités décentralisées ne semble pas devoir remettre en cause cette fonction.
23Ainsi, l’Etat a mis en place sur les cours d’eaux principaux des Services d’Annonce de Crue (SAC). Cette surveillance des crues s’effectue en collaboration avec Météo-France.
24Différentes collectivités ont également prévu des systèmes d’alerte "privés" ou spécifiques aux particuliers.
25Cette organisation vient d’être modifiée (SHAPI), notamment pour renforcer la coordination entre tous les acteurs concernés et pour délivrer au plus tôt l’information à destination du public.
De l’annonce à la prévision
26La surveillance des crues a pour but d’interpréter les données hydrométriques et météorologiques recueillies, de prévoir les crues, dans le temps et dans l’espace, d’alerter et d’informer les maires afin d’aider les services de Sécurité à gérer la crise en vue de mettre en sécurité les biens et les personnes. Le premier réseau de surveillance de l’aléa atmosphérique est assuré par un service de météorologie nationale qui se base sur des images satellitales et par l’enregistrement radar.
Météo France, une compétence scientifique
27Les missions d’Etat de Météo France sont définies par le décret du 18 juin 1993 et la circulaire interministérielle du 2 septembre 1993 qui précise notamment l’organisation relative aux alertes météorologiques : ALARME (Alerte Liée aux Risques Météorologiques) et BRAM (Bulletin Régional d’Alerte Météo). Dés qu’une situation météorologique prévue est telle qu’un seuil de précipitations, susceptible d’engendrer une crue, peut être dépassé, la Direction Interrégionale émet une alerte. Cette dernière peut être accompagnée d’une ALARME. Ces messages sont directement transmis aux services de Sécurité Civile (CODISC6, CIRCOSC7) qui avertissent alors la préfecture et retransmettent l’information vers le service d’annonce des crues. Lorsqu’une situation météorologique est sévère (BRAM et/ou BAP - Bulletin d’Alerte Pluvio), le centre météorologique interrégional suit de très près son évolution. Il reste à la disposition des professionnels qui les appellent en fonction de leurs besoins. Météo France a pris une initiative très intéressante le 1er octobre 2001 pour améliorer la prévision de l’alerte parce que l’information n’était pas portée suffisamment à la connaissance des principaux intéressés - les élus locaux et le grand public - et que d’autre part, elle était portée sous une forme incompréhensible pour tout autre que le spécialiste ayant rédigé le bulletin. Désormais, une carte de vigilance est publiée deux fois par jour, mise gratuitement à la disposition du public et diffusée à l’ensemble des médias, audiovisuels et écrits. En outre, après discussion avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), il a été prévu de passer une convention avec chaque chaîne hertzienne et chaque radio, même locale, afin qu’elle interrompe ses programmes et fasse une annonce spécifique en cas d’alerte rouge détectée trop tard.
28Par rapport à l’ancien système de diffusion de bulletins BRAM et ALARME, ce dispositif semble à la fois plus clair et plus précis. Cette initiative de Météo France est d’autant plus importante qu’en matière d’inondation, Météo France n’a pas de compétence réglementaire, alors qu’elle possède une infrastructure scientifique adéquate en termes d’ingénieurs et de super-calculateurs. Or, très souvent, l’information est disponible mais peu de personnes ont la compétence pour l’utiliser. De toute évidence, il manque en France un service chargé de donner une information opérationnelle, et considérée comme telle par les services de la sécurité civile.
Les services d’annonce de crues : une compétence administrative mais pas scientifique
29À l’inverse de Météo France, les services d’annonce de crues (SAC), quand ils existent, sont directement chargés d’annoncer les crues. Ils ont ainsi une compétence juridique, mais n’ont pas toujours les moyens scientifiques adéquats. Cette annonce est encore très loin de prendre la forme d’une prévision, car les SAC manquent des outils scientifiques nécessaires pour la réaliser8.
30L’annonce des crues n’est pas une obligation légale de l’Etat. Celui-ci a pourtant organisé l’annonce des crues et la transmission des avis de crue dans les bassins fluviaux les plus importants du pays qui ne sont pas nécessairement les plus dangereux. Le préfet est responsable de l’organisation de l’annonce des crues dans le département. Il s’appuie sur le service d’annonce des crues et sur les services de protection civile chargés d’alerter les maires.
31Le réseau actuel d’annonce des crues, mis en place à partir du XIXe siècle, est le résultat d’initiatives successives. Plus précisément, les premiers systèmes d’annonce des crues ont été initiés dès 1854 sur les bassins de la Seine et de la Loire, et en 1857 sur le bassin de la Garonne. La France possède aujourd’hui un réseau de surveillance, de prévision et d’alerte très élaboré, la plaçant parmi les premiers pays au monde, pour ce type de technique, avec les Etats-Unis et le Japon (Commissariat général du plan, 1997). Ces réseaux combinent des mesures au sol de la pluie et des débits des cours d’eau et des mesures en altitude des champs pluviométriques par l’intermédiaire des radars (réseau ARAMIS dont l’acronyme signifie Application RAdar à la Météorologie Infra-Synoptique). Les données des radars météorologiques, aptes à localiser, à mesurer et à suivre les champs pluviométriques, sont maintenant largement utilisées pour les besoins hydrologiques de la prévision et de l’annonce des crues. Il s’agit pour ces utilisations de détecter et d’évaluer des situations de risques en surveillant particulièrement les nuages pluviogènes et en fournissant des éléments d’aide à la décision à grande échelle. Ils viennent donc en complément des images satellitales visible et infrarouge (type Météosat, NOAA) qui montrent, à petite échelle, les transformations qui affectent l’atmosphère (identification des types de nuages et des structures nuageuses). L’exploitation des images du réseau radar ARAMIS et des observations satellitaires permet une surveillance efficace du territoire, immédiatement diffusée par les systèmes de télécommunication de Météo France.
32Le Centre de Météorologie Radar (CMR) de la Direction des Systèmes d’Observation (DSO) de Météo France gère le réseau de radars météorologiques, notamment le réseau ARAMIS qui comporte à l’heure actuelle 17 appareils bande C (longueur d’onde de 5 cm) et bande S (longueur d’onde de 10 cm) couvrant l’ensemble du territoire français. Le projet "Arc Méditerranéen", financé par le Ministère de l’Environnement a permis de compléter les radars de Nîmes (Gard) et Sembadel (Haute-Loire) par les radars bande S de Bollène (Vaucluse) et d’Oppoul (Pyrénées Orientales). La récente mise en service des radars bandes de Collobrières (Var) et d’Aléria (Corse) complète en partie ce réseau. Au terme de 2006, le réseau comprendra 24 radars. L’objectif de l’extension du réseau est, comme le rappelle Jacques Parent du Châtelet (Direction des systèmes d’observation de Météo France), de mesurer le champs pluviométrique dans les régions caractérisées par un relief vigoureux et des excès pluviométriques fréquents comme dans celles éloignées des radars actuellement en fonctionnement9 (Parent du Châtelet, 2003).
33L’annonce des crues consiste à alerter et informer les maires en cas d’inondations. Elle est confiée selon les cours d’eau aux services de la Navigation, aux DDE, DDAF ou aux DIREN. Actuellement, 16 000 km de cours d’eau sont concernés par l’annonce des crue : 53 services d’annonce des crues10 gèrent environ 2 200 stations hydrométriques et pluviographiques. Les arrêtés des 27 février 1984 et 11 février 1997 définissent et organisent la mission des SAC.
34Pour les bassins versants concernés, les hauteurs d’eau, les hauteurs de pluies sont mesurées et enregistrées automatiquement. Elles sont ensuite transmises au Service d’Annonce des Crues par le réseau téléphonique normal ou par les satellites du système ARGOS (InterActive thRee dimensionnal Graphic ObServatory). Le service en question se met en état de vigilance dès que certains seuils hydrométéorologiques sont dépassés. Si la crue s’élève au-dessus d’autres seuils prédéterminés, le service en informe le préfet du département par un bulletin d’alerte ; si une forte pluie ou une tempête sont prévisibles, ce bulletin est envoyé aux représentants de l’État : Préfets, services départementaux d’annonce des crues et centre interrégional de coordination opérationnelle de la sécurité civile. Ce bulletin, désormais simplifié par rapport aux documents précédemment émis qui étaient parfois difficiles à interpréter par des non spécialistes, est une carte de vigilance météorologique qui offre 4 niveaux :
le niveau 1, vert, signifie « pas de vigilance particulière »,
le deuxième, jaune, demande à se tenir au courant de l’évolution météorologique,
le niveau trois, orange, impose une grande vigilance, des phénomènes météorologiques dangereux sont prévus,
le niveau 4, rouge, demande une vigilance absolue, des phénomènes dangereux d’intensité maximale pouvant survenir.
35Dans le cadre des règlements départementaux d’annonce des crues, le préfet doit prévenir les services de la protection civile, les autorités locales et notamment le maire, qui doit lui-même en avertir la population.
36Depuis 2002, un réseau de 950 stations automatiques de mesures limnimétriques et pluviométriques au sol complète le dispositif (Lefèvre et Schneider, 2002). Les relevés sont transmis en temps réel aux 53 services d’annonce des crues (SAC) qui veillent sur 16 000 km de cours d’eau.
37L’ensemble des données est ensuite intégré dans des modèles numériques prévisionnels (VEYRET et al. 2003).
38Le rapport d’Haroun Tazieff de 198311 mettait en évidence les dysfonctionnements de ce système et notamment le fait que la transmission des informations se faisait par téléphone au centre de gestion et aux élus dans des conditions peu satisfaisantes12.
39L’annonce des crues est efficace et fiable pour les crues de plaine, où la montée des eaux est lente. En revanche, la prévision demeure très difficile et l’efficacité du système est souvent prise en défaut pour des crues de type torrentiel, dans les bassins méditerranéens et montagneux, si le délai de prévision est inférieur à quelques heures (Le Grand Bornand en 1987, Nîmes en 1988, Vaison-la-Romaine en 1992).
40Ce dispositif semble perfectionné. Il connaît pourtant des lacunes en raison de la complexité de la chaîne d’intervenants, mais aussi de sources d’informations incomplètes et insuffisamment corrélées. Ainsi, lors des inondations dans le Gard, les 8, 9 et 10 septembre 2002, 23 personnes ont trouvé la mort, dont 21 dans le Gard. Quatre maires de communes du Gard inondées (Aramon, Montfrin, Théziers et Comps) ont estimé que l’Etat avait sa part de responsabilité dans les récentes inondations qui ont affecté leurs municipalités. Ils ont donc porté plainte contre X pour "mise en danger de la vie d’autrui", estimant ne pas avoir été informés "dans les temps" par le service d’annonce des crues13 "Le but de notre action, c’est d’avoir des explications sur ce qui s’est passé pour que cela ne se reproduise"14, a déclaré Jean Mahieu, maire d’Aramon, un bourg de 3 800 habitants où cinq personnes sont mortes noyées après la rupture d’une digue. "Nous voulons notamment savoir si seules les précipitations sur les Cévennes ont suffi à causer ces inondations ou si d’autres phénomènes ont joué à la fois sur le niveau des eaux et sur la prise en compte du service d’annonce des crues", a-t-il précisé. Les élus visent les aménagements réalisés dans la vallée du Rhône, comme le tracé de la ligne de TGV ou les barrages gérés par la Compagnie nationale du Rhône.
La prévision des inondations n’est pas assurée
41Par ailleurs, les systèmes d’alerte mis en place au niveau des nappes phréatiques souterraines en France sont orientés vers l’épuisement de la ressource. C’est-à-dire qu’ils visent à alerter les pouvoirs publics en cas de baisse de la nappe phréatique pouvant entraîner des conséquences fâcheuses en termes de sécheresse. Concernant les nappes superficielles, il n’existe à l’heure actuelle aucun système de mesure permettant de constater leur remontée. Or en matière de risque d’inondation, la montée des nappes phréatiques est susceptible de provoquer des inondations.
42Enfin, si ces mesures sont globalement réalisées en France, elles ne sont pas agrégées de manière à permettre une véritable prévision. Ainsi, il y a des mesures de la pluviométrie, des mesures de l’évolution des hauteurs de crue opérées par les services d’annonce de crue, mais comme leur nom l’indique, ceux-ci font de l’annonce, de façon assez empirique, et en aucun cas de la prévision. Aussi l’annonce ne peut-elle se limiter à certains cours d’eau.
43Un système de prévision des crues susceptible de donner des renseignements aussi bien « quand cela baisse que quand cela monte trop » pourrait être envisagé et permettrait de se prémunir contre les crues exceptionnelles15.
44Soulignons cependant que, si la prévision par le biais de l’amélioration des connaissances est un élément essentiel pour une meilleure gestion des inondations, elle doit également composer avec certaines nécessités ou priorités. En effet, rappelons que VNF exerce des missions régaliennes sous l’autorité de l’Etat, en particulier celle de police des eaux et de la navigation et participe à l’annonce des crues. A ce titre, il arrive que le Préfet autorise des transferts d’eau d’un bassin vers un autre pour limiter les crues. Cette décision, prise par le Préfet et mise en œuvre par VNF relève d’un choix délicat susceptible de générer des tensions locales et pour lequel les services de l’Etat ne souhaitent pas toujours communiquer. La « rumeur d’Abbeville » sur laquelle VNF, s’est expliquée lors de son audition par la commission d’enquête a mis en évidence, alors qu’en l’occurrence tel n’était pas le cas, le recours à telles pratiques.
Le cloisonnement des disciplines scientifiques dans le domaine de l’eau
45Comme le souligne Christian Kert, dans son rapport pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologique16, on constate « une insuffisante synergie entre les météorologues et les hydrologues au niveau de la recherche mais aussi, dans une moindre mesure, au niveau opérationnel. Il n’y a pas d’obstacles de principe pour que météorologues, et hydrologues travaillent ensemble, il y a même manifestement, de part et d’autre, un désir de coopérer davantage ». Peut-être faudrait-il envisager des structures de prévision pluridisciplinaires mises en place par des organismes ayant un besoin impérieux d’une information fiable et précise.
46La mise en place de modèles de prévision combinant des données météorologiques et hydrauliques est donc possible.
47Déjà, le rapport de la mission interministérielle présidée par M. Claude Lefrou17 suite aux inondations de l’Aude, de l’Hérault, des Pyrénées-Orientales et du Tarn de 1999, indiquait « aujourd’hui, les dispositifs de mesure sont suffisants […]. Mais, surtout, ces différents outils sont gérés par des organismes distincts qui ne se communiquent pas leurs informations. Nous recommandons un rassemblement des données météorologiques, hydro-géologiques, hydrologiques, hydrauliques et la création d’un modèle de prévision »18. Interrogée cette fois par la commission d’enquête présidée par Robert Galley, il ajoutait que « compte tenu du caractère particulier des crues de la Somme, où les nappes phréatiques ont joué un rôle important, une prévision efficace aurait exigé une prise en compte de l’hydrogéologie »19. Doit-on considérer que le cloisonnement des disciplines scientifiques dans le domaine de l’eau explique largement l’effet de surprise de certaines inondations ? Il convient, en particulier, de mieux corréler les différentes sources d’information et d’orienter les travaux des hydrologues vers un suivi dynamique des nappes phréatiques.
48Dans cette perspective, 22 services de prévision des crues (SPC) remplaceront donc les 52 services d’annonce des crues (SAC) qui existent aujourd’hui. Ces services seront rattachés à 12 directions départementales de l’équipement (DDE), 7 directions régionales de l’environnement (DIREN), 2 services de la navigation (SN) et une direction interrégionale de Météo-France. Sur les groupements de sous-bassins qui leur seront confiés, ils assureront une mission de prévision des crues sur les cours d’eau principaux. Ils organiseront la cohérence avec la prévision de crues mise en place par l’Etat de l’intervention des collectivités territoriales exerçant pour leurs besoins propres des missions de prévision. Ils exerceront une mission d’expertise hydrologique sur l’ensemble du territoire où ils seront compétents.
49La mise en place des SPC se fera en 2 étapes sur les 3 années 2004, 2005 et 2006 :
regroupement sur chacun des 22 territoires des SPC, de l’activité des SAC actuels par les services en charge des futurs SPC (première phase dite de constitution des « pré-SPC »). Cette première phase doit être mise en œuvre dès 2004 pour plus de 50 % des SAC actuels.
montée en puissance vers le passage de l’annonce à la prévision : la plupart des SPC seront en place fin 2005.
50À la suite des dernières inondations de septembre 2002 dans le Gard, le ministère de l’Écologie et du Développement durable (MEDD) a créé en septembre 2003 un Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations, le SCHAPI, sensé corriger certaines remarques unanimement soulignées comme un obstacle majeur à la mise en place d’un dispositif de prévision.
Le Service Central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévision des Inondations (SCHAPI)
51La réforme des services d’annonce des crues décidée par le ministère de l’écologie et du développement durable s’avérait indispensable et prévoit une réorganisation complète des services d’annonce des crues, qui seront remplacés par un nombre plus réduit de services de prévisions des crues plus étoffés en moyens humains et techniques, adossés à un service central d’hydrométéorologie rassemblant des experts en hydrologie et en météorologie, implantés à Toulouse pour générer des synergies avec les services scientifiques de Météo France.
52Ainsi, l’arrêté du 2 juin 2003 prévoit la création du service central d’hydrométéorologie. Ce service, rattaché au directeur de l’eau du Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, est chargé à l’échelon national d’une mission d’appui aux services de prévision des crues situés dans des zones de crues à caractère torrentiel. Il aura également une mission continue de conseil et d’expertise.
53Le SCHAPI est implanté à Toulouse pour favoriser les synergies avec Météo France et les équipes scientifiques qui y sont rassemblées. Il réunit des experts en météorologie et en hydrologie. La création du SCHAPI doit contribuer aux actions de communication sur les événements hydrologiques en cours, en privilégiant une vision globale et synthétique en complément des services de prévision des crues. A cette fin, il publie, en liaison avec les services de prévision des crues une carte de vigilance « inondation ». Cette carte disponible à terme sur Internet délimitera une échelle de risque sur les cours d’eau faisant l’objet de prévision des crues et comprendra, suivant un code couleur, une représentation du réseau hydrographique, qui sera complétée par un commentaire sur les évolutions de la situation.
54Le SCHAPI sera d’astreinte tous les jours de l’année pour publier cette carte de vigilance inondation. Sa « mise en vigilance » sera effectuée selon des critères provenant de la carte de vigilance météorologique (couleur orange sur les secteurs surveillés) et des mesures de niveaux d’eau. Il pourra ainsi alerter les services d’événements hydrométéorologiques qui menacent leur territoire. En période de crise, la carte sera actualisée plusieurs fois par jour.
Le futur Centre Européen de Prévention du Risque d’inondation d’Orléans
55Le 3 juillet 2003, Madame Roselyne Bachelot et le Président du Conseil Général du Loiret ont signé une convention prévoyant la création, à Orléans, d’un Centre Européen de Prévention du Risque d’inondation, dont les missions seraient complémentaires de celles du SCHAPI. Ce centre sera chargé d’assister les collectivités territoriales dans leurs missions en matière de prévention du risque d’inondations.
56De toute évidence, il était urgent d’intégrer progressivement les services d’annonce des crues dans de véritables services de prévision par bassin, couplés aux services régionaux de Météo France. La loi du 30 juillet 2003 a instauré la mise en place d’un schéma directeur de prévision des crues pour chaque bassin en vue d’assurer la cohérence des dispositifs de surveillance des crues que peuvent mettre en place les collectivités territoriales, sous leur responsabilité et pour leurs besoins propres, avec les dispositifs de l’Etat et de ses établissements publics.
Le Schéma directeur de prévision des crues ou le passage de l’annonce à la prévision
57La création du schéma directeur de « prévision » des crues20, et non pas seulement « d’annonce » des crues, donne ainsi une base légale aux démarches engagées par l’Etat pour moderniser et réorganiser les services existants et améliorer l’information transmise aux maire21. Ce changement de terminologie est important car il traduit une modification de la nature du service assuré aujourd’hui par les services d’annonce des crues, présents sur 16 000 kilomètres de rivières et 300 000 kilomètres de cours d’eau, et dont les performances sont très inégales.
58La mise en place d’un schéma directeur de prévision des crues permettra de coordonner les dispositifs de l’Etat et de ses établissements publics avec les dispositifs que peuvent mettre en place, sous leur responsabilité et pour leurs besoins propres, les colectivités territoriales ou leurs groupements pour surveiller les crues de certains cours d’eau ou zones estuariennes.
59La mise en place d’un schéma directeur a pour objet la coordination et la mise en cohérence des services de l’Etat et des services créés par les collectivités territoriales. D’autant que certaines collectivités territoriales se sont équipées de systèmes d’alerte aux crues localisées, pour assurer la surveillance, tant de réseaux d’assainissement pluvial, notamment lorsqu’ils s’évacuent dans des rivières de faible capacité, que de bassins à réaction très rapide.
60L’article L. 563-3 (nouveau) du code de l’environnement précise que les informations et les prévisions élaborées par les services mis en place par les collectivités territoriales seront transmises aux autorités de police ainsi qu’aux responsables d’équipement ou d’exploitation intéressés. En outre, les collectivités territoriales ou leurs groupements auront accès gratuitement, pour le fonctionnement de leur système de surveillance, aux données et aux prévisions établies par les services de l’Etat et ses établissements publics, et notamment Météo France. Un décret en Conseil d’Etat définira les modalités d’application de l’article L. 563-3.
61Finalement, on fera le constat à la lecture de l’ensemble du dispositif existant en matière d’information, que l’on se trouvait face à une accumulation de connaissances qui supposait la reformulation de celles-ci à des niveaux différents et dans des objectifs diversifiés. Comme le souligne Francesco de Castri « l’information est un outil très utile si l’on s’en sert de manière appropriée, mais elle implique des ruptures dans les modes d’actions classiques »22. Bernadette de Vanssay dénonçait « l’élaboration de systèmes d’alerte […] inadaptés à la réalité du terrain malgré la dénonciation de leur échec patent » et insiste sur le fait que « ces ruptures sont difficiles à envisager pour des organismes fondés sur des principes hiérarchiques, des corporatismes […], une vision essentiellement institutionnelle des acteurs de l’environnement, des systèmes de prévention voués par construction à la paralysie, des systèmes souvent inadaptés à des situations d’urgence » et concluait en se demandant « comment de telles constructions ont pu voir le jour »23. Ce passage d’un système d’annonce à un système de prévision traduit un système cohérent, sur l’ensemble des bassins répondant à des critères objectifs définis a priori et connus de tous.
62Mission primordiale de l’Etat, la prévention ne peut être pensée qu’en lien avec les obligations incombant à certaines autorités locales telles que le maire. Ainsi, la jurisprudence a souligné qu’une commune ne saurait s’exonérer de sa responsabilité « dans l’exercice de la mission de prévention des inondations qui lui incombe » en invoquant les fautes qu’aurait commises le service d’annonce des crues mis en place par l’Etat et tendant à informer les services municipaux de la montée des eaux : CE 22 juin 1987, Ville de Rennes c/Compagnie rennaise du linoléum et du caoutchouc, Lebon, p. 223.
1.2. Avant la crise, l’information préventive à destination des populations et des élus
63Au-delà de la gestion de l’information lorsque la crise se produit, il convient de renforcer l’information de la population et des acteurs économiques pour que se développe une véritable « culture de crise » prenant en compte l’impact possible des catastrophes naturelles.
L’information du public : une obligation légale forte
64L’information du citoyen sur les risques auxquels il est exposé est un droit reconnu par la loi du 22 juillet 198724 reprise dans le code de l’environnement à l’article L. 125-2, renforcée par la loi du 30 juillet 2003 qui énonce que « les citoyens ont un droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit s’applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles ».
65Le décret du 11 octobre 199025, dans son article 2, précise le champ d’application de cette disposition, les modalités de réalisation des documents devant servir à l’information des citoyens, ainsi que les règles de publicité attachées à ces documents.
66Par circulaire du 25 février 1993, le Ministère de l’Environnement a demandé aux préfets d’établir la liste des communes à risque, en leur demandant de définir un ordre d’urgence pour que tous les citoyens concernés soient informés sous cinq ans.
67L’information préventive est faite en priorité dans les communes où il y a des risques pour les humains. Elle portera donc d’abord sur les communes où les enjeux humains sont les plus importants, où les protections sont les plus fragiles (par exemple les campings).
68Cette action a été mise en œuvre au niveau départemental, à partir de 1994, sous le pilotage des préfets sur la base des travaux de la commission d’analyse du risque et de l’information préventive (CARIP)26. Chaque département est désormais couvert par un dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM)27. Ce document doit servir à l’élaboration d’une information plus détaillée par l’Etat à destination des communes, sous la forme d’un dossier communal synthétique (DCS)28. Il n’a pas pour finalité de se substituer aux documents spécifiques comme le PPRN. En outre, il doit être accessible à un large public, conformément à l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.
69Enfin, au niveau communal, un dossier d’information sur les risques majeurs (DICRIM)29 doit être porté à la connaissance de la population locale, sous la responsabilité du maire.
70Enfin, la loi du 30 juillet 2003 renforce l’obligation d’information des populations dans les communes les plus exposées aux risques naturels. Tous les deux ans, dans les communes dans lesquelles un plan de prévention des risques a été prescrit ou approuvé, le maire devra assurer une information des habitants, avec l’assistance des services de l’Etat et des représentants du monde des assurances. Le maire sera libre du moyen de cette information – réunion publique ou information écrite, notamment par le bulletin municipal.
Un bilan décevant
71En réalité, un bilan montre que si l’ensemble des départements est couvert par un DRM, peu de communes ont établi de DCS et de DICRIM. Le rapport annuel du délégué aux risques majeurs pour 2002 révèle que, s’agissant de l’élaboration des DICRIM, « cet élément à la chaîne de l’information reste encore faiblement répandu ».
72Le cas du département de la Somme est à ce titre assez révélateur : le DDRM qui a été établi traite largement du problème des inondations, mais aucun DCS n’y est recensé ; Philippe Vesseron, délégué aux risques majeurs, reconnaissait « qu’il aurait été souhaitable que l’Etat, c’est-à-dire les services, le préfet… se rendent plus rapidement compte, d’une par, que les inondations de 1995 ne représentaient pas le risque maximum que l’on pouvait rencontrer et, d’autre part, que tous ces événements appelaient une réponse réglementaire »30.
73En 2002, environ 1 100 DCS ont été portés « à connaissance » des maires ; le nombre total de DCS établi est maintenant de 6 350. Pour ce qui concerne les DICRIM, les résultats sont plus difficiles à comptabiliser et, a priori, moins satisfaisants puisque l’on dénombre à la fin 2002 un total de 1 600 dossiers établis par les communes dont 400 environ l’ont été en 200231.
74Cette difficulté est vraisemblablement pour partie liée à l’effet de redondance entre ces différents documents successifs et à l’obstacle matériel que constitue l’élaboration des DICRIM pour les petites communes.
1.3. Avant la crise, un outil privilégié pour informer sur le risque d’inondation : la représentation cartographique, une représentation spatialisée du risque
75Avant de réfléchir aux moyens qui sont nécessaires pour gérer le risque d’inondation, il faut d’abord connaître et identifier précisément celui-ci. La connaissance du risque passe par des travaux de recherche et d’analyse d’épisodes particulièrement violents ou jugés imprévisibles (retour d’expériences) qui peuvent faire l’objet de cartes, élaborées sur support papier ou sous format numérique. Celles-ci constituent l’outil privilégié pour ordonner, représenter et diffuser les connaissances sur le risque d’inondation à l’échelle locale. En effet, « la spatialisation du risque est la base de la domestication du danger » (Dagorne et Dars, 1999). A un point tel que la carte devient « une référence commune, un instrument de communication sociale, un facteur de standardisation, une norme partagée par tous » (Jacob, 1992). Par leur représentation spatiale des risques, les Atlas des zones inondables tout comme les PPR contribuent à la prévention du risque. Nous n’aborderons ici que les Atlas des zones inondables, les PPR ayant déjà été envisagés dans cet ouvrage.
Les Atlas des zones inondables
76Ces travaux vont conduire à la définition d’Atlas de zones inondables. A ce titre, l’Atlas des zones inondables constitue le premier maillon d’information de la connaissance de l’aléa. Généralisé à l’ensemble des cours d’eaux français présentant des risques, il s’inspire d’une initiative prise sur la Loire en 1990. Les Atlas des zones inondables sont réalisés par l’Etat. Ils permettent une connaissance des zones à risque et une identification des zones de stockage à préserver. Le MEDD synthétise la connaissance des crues sous forme d’Atlas des zones inondables et a la responsabilité des services de prévision de crues. L’objectif affiché est de couvrir l’ensemble des grandes rivières françaises par des atlas numérisés qui seront publiés d’ici 2005. Au-delà de la cartographie des crues, une meilleure appréciation des enjeux soumis au risque inondation est également nécessaire.
L’exemple du Nord-Pas-de-Calais
77La région Nord-Pas-de-Calais connaît des excès hydrologiques moins marqués que d’autres parties du territoire national. Les crues y sont moins violentes, mais elles sont fréquemment à l’origine de dommages considérables, pour les biens et les activités en raison de leur durée. La connaissance des zones inondables apparaît aujourd’hui indispensable, notamment pour les prises de décision en matière d’aménagement et d’urbanisme. C’est ce constat qui a amené l’Etat et la Région Nord-Pas-de-Calais à programmer la réalisation d’un Atlas des zones inondables dans le cadre des Contrats de plans. La circulaire interministérielle (Intérieur, Equipement, Environnement) du 24 janvier 1994, relative à la prévention des inondations et à la gestion des zones inondables, rappelle également la nécessité d’en établir la cartographie sous forme d’un atlas. Enfin, la connaissance de ces zones inondables a été retenue comme l’un des objectifs essentiels du volet "Gestion des Risques" du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) du bassin Artois-Picardie.
78La réalisation de l’Atlas des zones inondables doit permettre de porter à la connaissance de tous les risques en matière d’inondations. Le document se situe dans la perspective de la loi du 22 Juillet 1987 et de son article 125-2 du code de l’environnement qui précise que « Ies citoyens ont droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis […]. Ce droit s’applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles ».
79La cartographie sera également utilisée pour définir des orientations et des priorités en matière de gestion de l’espace, et doit être prise en compte par les procédures réglementaires (SCOT, PLU, PIG et PPR). Enfin, les informations pourront être utilisées par la Cellule d’Analyse des Risques et d’Information Préventive (CARIP).
La démarche
80Les informations existantes (bibliographie, cartes des crues historiques) sont rassemblées et capitalisées ; si nécessaire, des études complémentaires (topographique et hydraulique) seront lancées.
81Un Comité de pilotage, animé par la Direction Régionale de l’Environnement, a été constitué. Il est chargé de définir les priorités d’actions, de suivre les études et de valider les résultats. Par entité hydrographique cohérente, la cartographie des zones inondables est établie suivant une méthodologie qui a été adaptée aux spécificités de la région.
82A partir de ces données, la DIREN Nord-Pas-de-Calais est chargée d’élaborer les pièces constitutives de l’atlas. L’ensemble des informations cartographiques est ensuite intégré et exploité au sein du Système d’Information Géographique et d’Analyse de l’Environnement de la Région Nord-Pas-de-Calais (SIGALE Nord-Pas de Calais) et des systèmes d’information géographique des partenaires.
Le contenu
83Cette cartographie ne prétend pas représenter de manière exhaustive les plus hautes eaux recensées sur tous les cours d’eau de la région Nord-Pas de Calais, les inondations du passé n’étant pas toutes connues ni parfaitement délimitées dans leurs extensions maximales. Elle rassemble l’information existante et disponible à un moment donné. Des inondations de plus grande ampleur peuvent toujours se produire. La cartographie des zones inondables est donc amenée à évoluer.
84L’Atlas des zones inondables de la région Nord-Pas-de-Calais est consultable sur Internet mais se présente également sous forme papier au 1/25 000 l’extension des inondations de référence (décennale, contours d’inondations historiques connues, centennale) par grandes unités de référence. A titre d’exemple : le classeur "Sambre et affluents" (grande unité "Sambre") comprend des fascicules par vallée : la Solre, l’Helpe Mineure, l’Helpe Majeure, la Sambre.
85Pour chaque vallée, l’Atlas comporte une notice explicative, présentant les problèmes d’inondation sur le cours d’eau concerné et une application de cartographie interactive, ainsi qu’une carte des crues historiques où sont représentées les limites d’inondations observées ou modélisées. Sont également reportés les paramètres descriptifs des inondations (hauteur et durée de submersion).
86On y trouve aussi une carte de l’aléa où, à l’intérieur du périmètre de la crue centennale ou des plus hautes eaux connues, est établi un zonage, en fonction de la valeur calculée en chaque point, d’une combinaison de trois paramètres : la hauteur, la durée de submersion et la vitesse d’écoulement.
87La carte des zones d’expansion des crues à préserver indique les zones où les capacités de stockage et les zones d’écoulement qui doivent être maintenues.
88Les contours des zones inondables concernent essentiellement les vallées principales, même si les modélisations hydrologiques et hydrauliques réalisées ont pris en compte l’ensemble des bassins versants. La restriction des informations cartographiques à la vallée principale s’explique surtout par le coût d’acquisition de données topographiques et bathymétriques précises. Ainsi, faute aussi d’informations disponibles et fiables, de nombreux petits cours d’eau, sujets à débordements, ne sont pas présentés.
Echelle de représentation
89L’échelle de représentation choisie, le 1/25000ème, induit des simplifications (linéarisation des limites, suppression des très petits polygones) et peut conduire à l’apparition d’incohérences avec les fonds IGN anciens ou récents. Un report cartographique brut de limites d’inondations anciennes explique une partie des anomalies dans le cas d’aménagements récents (remaniements de terrains, remblais, modifications du lit du cours d’eau…).
Valeur réglementaire
90La cartographie "Atlas des zones inondables" constitue un inventaire qui n’a pas la valeur réglementaire d’un plan de prévention des risques d’inondation. Ce dernier document, une fois approuvé et annexé aux Plans d’Occupation des Sols ou Plans Locaux d’Urbanisme, est opposable au tiers.
91Si l’apport des Atlas est incontestable en matière de connaissance des aléas, ces documents n’en sont pas moins entachés d’un certain nombre d’imperfections qui peuvent en limiter la portée et notamment leur lisibilité par le public.
92Un premier bilan sur l’état d’avancement et sur la programmation des Atlas des zones inondables révèle qu’un peu plus de 20 000 km de cours d’eau sont cartographiés – par un atlas, par une carte informative ou réglementaire – regroupant près de 10 000 communes32.
93Enfin, en réaffirmant que la connaissance du risque est un préalable à toute action, la circulaire du 14 octobre 2003 souligne que l’Atlas des zones inondables « doit guider les collectivités territoriales dans leurs réflexions sur le développement du territoire », conseiller les service de l’Etat, dans la programmation de leurs actions, faciliter l’information des populations. Dans cette perspective, l’ensemble du territoire devrait en être couvert d’ici 2005. Au-delà de l’évolution juridique des textes, des moyens financiers seront nécessaires à leur mise en œuvre.
Quelles représentations cartographiques des risques hydrologiques pour quelles stratégies de gestion ?
94La production et la diffusion des représentations spatiales des risques hydrologiques obéissent à des logiques culturelles, politiques et sociales. La production des cartes dépend en effet des savoirs scientifiques qui cherchent à rendre intelligible le fonctionnement de l’hydrosystème et les impacts anthropiques. Mais quels sont ces savoirs scientifiques ? Et sur quoi s’appuient-ils ? Ces savoirs sont en effet en perpétuelle construction. Ils sont liés au mouvement des idées et des idéologies, tout comme aux méthodes et moyens techniques mis en œuvre, ce qui en relativise la portée et leur certitude. Par ailleurs, la diffusion et l’usage de ces cartes sont multiformes : outil de spatialisation des connaissances des risques ou des enjeux liés à l’eau dans un but de communication, outil de réflexion et de concertation pour une prise de décision. Les représentations cartographiques sont donc élaborées pour des objectifs variés à la demande d’acteurs ayant une stratégie au regard de la gestion à conduire. Aussi, l’analyse de la conception même des outils de présentation des informations spatialisées, les cartes, souvent présentées comme réalité objective, peuvent en effet être considérées comme un « discours » (Harley in Bailly, 1995) cherchant à promouvoir une stratégie (Momonier, 1995 ; Cambezy et de Maximy, 1995) ou au contraire peuvent traduire un compromis entre plusieurs acteurs.
95Il est intéressant d’analyser la façon dont prend forme ce discours : dans quel contexte ; à partir de quel type d’information, de quelle modélisation, de quelles approches empiriques ; enfin, comment s’effectue la validation de l’information ?
96Mais également, ces informations représentent-elles la réalité ou au contraire observe-t-on des distorsions (i. e. des oublis volontaires, une extension spatiale des aléas plus ou moins importante que la réalité) ? Egalement, la sémiologie graphique vient-elle en appui du discours (Choix des couleurs et des figures) ?
97L’étude des conditions et des modalités de prise en compte de ces outils dans les politiques publiques sectorielles ou globale peut nous renseigner sur leur place dans la perception des problèmes par les acteurs concernés par la gestion des risques hydrologiques. Quel rôle jouent-ils dans le fonctionnement des espaces publics et des procédures aptes à mettre en discussion et à organiser la définition et la gestion des risques hydrologiques ? Quels impacts éventuellement peuvent-ils avoir sur les pratiques spatiales ? Nous ne répondrons pas ici à toutes ces questions si ce n’est pour suggérer comme la réalité le prouve que ces outils sont souvent perçus comme une aide pour l’élaboration de la cartographie réglementaire.
98L’Atlas des zones inondables, comme le Plan de prévention des risques, peuvent donc être appréhendés comme une forme de discours, un langage de pouvoir, un processus de contrôle par les cartes. Si ces cartes se rapprochent de la réalité, elles n’en sont pas pour autant un reflet exact en raison des incertitudes scientifiques et des opérations de sélection, d’omission, de simplification et de symbolisation volontairement menées pour appuyer le discours qu’elles véhiculent. Elles offrent cependant l’avantage d’une visibilité nouvelle de risques en donnant à voir au lecteur une continuité hydraulique entre l’amont et l’aval des vallées inondables. Reste à considérer leur diffusion aux acteurs concernés.
La diffusion de l’information cartographique en question
99La question est maintenant de savoir comment ces documents cartographiques s’inscrivent dans l’espace public et comment ils sont à même de tisser de nouvelles relations entre les acteurs locaux de la scène du risque. L’objectif de la production des Atlas des zones inondables est de contribuer à la diffusion des connaissances afin de développer une culture du risque à l’échelle locale. Les services déconcentrés de l’Etat, l’Agence de l’Eau Artois-Picardie et la Région Nord-Pas-de-Calais, ont mis en commun leurs efforts pour produire un Atlas sur la grande majorité des cours d’eau de la région. Ces Atlas ont été envoyés aux communes. Comment l’outil a-t-il été perçu par les élus ? L’élu local a-t-il servi de relais auprès des populations locales pour diffuser ces informations ?
L’exemple du Nord-Pas-de-Calais
100Une évaluation, conduite33 auprès de 113 communes de la région Nord-Pas-de-Calais ayant reçu un Atlas des zones inondables, a été réalisée au printemps 2002. Un questionnaire portant sur l’information et le risque d’inondation comportait 26 questions réparties en quatre rubriques : la situation de la commune par rapport au risque d’inondation, l’information sur les inondations au niveau des communes, la lecture de l’Atlas des zones inondables, l’information des habitants. 47 communes du Pas-de-Calais riveraines de la Slack, du Wimereux, de la Liane ou de la Canche et 66 communes du Nord riveraines de la Marque, de la Sambre, de l’Helpe Majeure, de l’Helpe Mineure ou de la Solre ont été interrogées. Sur 113 communes interrogées, 73 ont répondu, soit un taux de réponse de 64,6 %.
101Bien que toutes les communes aient reçu l’Atlas des zones inondables, le PPR est perçu par les élus comme l’outil le plus à même d’apporter des informations sur le risque d’inondation. L’Atlas est en effet considéré comme un document présentant une échelle inadaptée (1/25 000) pour informer de façon précise les administrés. Aussi souhaitent-ils des cartes élaborées à une échelle plus grande, comprenant, lorsque c’est le cas, les affluents soumis au risque d’inondation. Par conséquent, l’Atlas est utilisé par un nombre très restreint de municipalités (4 sur 73) à la différence du PPR dont la cartographie réglementaire, élaborée à l’échelle du 1/5000, est imposée aux communes. Ce faible usage peut s’expliquer aussi par le fait que de nombreuses communes ne savent même pas qu’elles possèdent un Atlas (39 communes sur 73) alors que le document leur a été envoyé au cours des deux dernières années. Le changement de municipalité au cours des élections de mars 2001, comme la non circulation des informations peuvent être à l’origine de cette perte d’information. Le document est pourtant compréhensible pour près de 90 % des communes qui détiennent encore un exemplaire de l’Atlas. Cependant, la lecture des cartes demeure pour certains un exercice assez difficile en raison de l’échelle du document. Qu’en est-il dans ce cas du rôle du maire et de l’Atlas dans la diffusion de l’information sur le risque d’inondation auprès des populations ?
102La démarche « Atlas » ne couvre pas vraiment ses objectifs d’information des populations. Elle reste avant tout une démarche incitative de l’administration qui vise à faire prendre conscience aux collectivités de traiter et de régler les questions liées aux risques. Elle a plus une fonction symbolique et politique qu’informative. Les Atlas affichent le risque comme un problème politique local et préparent les négociations à venir dans le cadre des PPR.
103La diffusion de l’information par les communes est loin d’être systématique même s’il convient de reconnaître des démarches intéressantes et des initiatives très volontaristes de certains élus. Parmi ces démarches, la création de lieux de mémoire mérite notre attention, car elle constitue une approche qui permet à chacun d’imaginer dans l’espace l’impact potentiel d’une inondation à partir de la mise en scène d’événements passés (Laganier 2002).
1.4. Un outil d’information à redécouvrir : les lieux de mémoire du risque, une représentation temporelle du risque.
104La question de l’efficacité des dispositions réglementaires et techniques prises en matière de prévention reste aujourd’hui posée. Les différents retours d’expérience et les évaluations effectués ces dernières années34 montrent la récurrence de certaines lacunes et conduisent à s’interroger sur l’appropriation des mécanismes et leur application sur le terrain. Si la prise de conscience du risque est patente, « elle se développe très inégalement et se heurte en certains endroits à d’autres enjeux ; ceci ressort nettement dans le domaine de la construction dont les techniques pourtant connues ne sont pas systématiquement appliquées alors que chacun s’accorde à dire qu’elles font partie des règles de l’art »35. Les informations à disposition des différents acteurs restent encore trop souvent administratives ou réglementaires, non hiérarchisées et détachées du terrain. Les décideurs locaux qui ne sont pas uniquement les élus, investisseurs, entrepreneurs… doivent pouvoir accéder de façon pratique aux informations essentielles qui les concernent et se sentir encouragés à approfondir leurs connaissances et la recherche de renseignements. Les lieux de mémoire participent à une appropriation du risque et comme nous l’avons énoncé au début de ce chapitre, si gouverner c’est prévoir, il faut y ajouter, en se souvenant.
Les objets de représentation
105« La raison d’être fondamentale d’un lieu de mémoire est d’arrêter le temps, de bloquer le travail de l’oubli, de fixer un état des choses, d’immortaliser la mort, de matérialiser l’immatériel pour enfermer le maximum de sens dans le minimum de signe. » (Nora, 1984). Ces lieux de mémoire rappellent sur le terrain un événement hydrologique majeur grâce à un support matériel ostensible.
106Les objets de représentation les plus fréquemment rencontrés sont les panneaux de signalisation routière mentionnant le risque d’inondation et les niveaux de crues datées, placés sur les piles des ponts ou sur les rives des cours d’eau. Dans le Nord-Pas-de-Calais, les agents de la DDE comme les services techniques des mairies et certaines associations36 installent des panneaux signalant un danger d’inondation. Ces lieux de mémoire sont le fruit d’une volonté. N’étant pas ordonnés par l’Etat, ils marquent l’affichage social du risque, la façon dont celui-ci demande à être transmis. Ces panneaux peuvent être installés temporairement, afin d’annoncer un danger immédiat ou de façon permanente, rappelant durablement une inondation potentielle. Pour maintenir la mémoire du risque d’inondation, des échelles de crue indiquent également des niveaux d’inondations historiques. Ils fixent l’état de risque et matérialisent une inondation alors que le cours d’eau ne déborde plus.
107La carte présentée ci-dessus inventorie de façon non exhaustive ces lieux de mémoire disposés le long de neuf cours d’eau de la région : La Marque, la Sambre, la Solre, les deux Helpes pour le Nord et la Slack, le Wimereux, la Liane et la Canche pour le Pas-de-Calais.
108C’est dans cette perspective que la loi du 30 juillet 2003 a rendu obligatoire la pose de repères de crues sur les édifices publics (C. env., art. L. 563-3). Cette disposition sera à la charge des maires, sur le fondement d’informations fournies par les services de l’Etat. Elle a pour objet de perpétuer la mémoire du risque au sein des populations.
La fonction de représentation commune
109Ces objets symboliques contiennent la mémoire collective tirée de l’histoire de ces vallées inondables. En effet, ces objets, qui traduisent à une représentation commune à tous, racontent et témoignent d’un événement hydrologique passé en dictant continuellement un message, une leçon pour le présent et l’avenir. En cela, ils constituent aussi une démarche pédagogique intéressante.
La fonction de mémoire
110Les inondations créent souvent moins de transformations radicales dans le paysage que d’autres catastrophes naturelles, et les traces de leur passage, une fois les eaux retirées, ne sont plus visibles. Les lieux de mémoire sont ces traces que la nature n’a pas laissées ; ils enregistrent un événement hydrologique passé et le matérialisent symboliquement. Ils fabriquent le souvenir et créent une mémoire pour les personnes qui n’ont pas vécu l’événement. Ils travaillent ainsi à la constitution et au maintien d’une mémoire collective du risque. Ces lieux de mémoire expriment la volonté de transmettre, de raconter un événement pour que celui-ci ne tombe pas dans l’oubli. Ces signes, au croisement du temps et de l’espace, représentent une mémoire transmise, ils sont petit à petit intégrés à la mémoire personnelle, signe de l’appropriation de la mémoire collective.
La fonction de prévention
111Les lieux de mémoire ont donc un rôle à jouer dans la prévention du risque d’inondation. En effet, la mémoire individuelle nécessite une condition : l’attention (Saint-Laurent, 1985). Lorsque le niveau de vigilance est faible, le fonctionnement des processus d’acquisition ou de mémorisation l’est aussi. Le maintien de la mémoire du risque, l’entretien de cette conscience collective ne peut donc se faire sans signe extérieur concret sur le terrain, sans rappel volontaire de la présence du risque. Pour les inondations, des panneaux de signalisation routière comme les échelles de crue constituent des outils de prévention. Ils permettent aux mémoires individuelles de s’approprier la mémoire collective. Le grand intérêt des lieux de mémoire est qu’ils ne demandent pas d’effort, pas de volonté de s’informer sur un risque. Ils permettent de maintenir la conscience du risque en attirant l’attention sur celui-ci. Ils diffusent en permanence l’information, tout comme peut le faire la publicité.
112Finalement, comme le souligne Jean-Marie Pontier, ce n’est pas la prévention qui s’est historiquement appliquée aux risques, mais bien le risque d’inondation qui a imposé une redéfinition de la prévention37.
1.5. Pendant la crise, les dispositifs contribuant à la gestion des impacts des inondations
113La démarche de prévention des risques d’inondation est une approche globale comprenant une évaluation des risques, une politique d’information des populations, une limitation des constructions en zone inondable, des mesures d’endiguements et d’entretien des rivières, une mise en place de dispositifs d’annonce de crues et une création de plans communaux d’alerte et de secours dans les communes les plus exposées. Mais elle ne serait pas complète sans la prise en compte de la gestion de crise qui, à défaut de réduire directement la vulnérabilité, peut indirectement susciter de la part des populations des comportements émotionnels et irraisonnés, notamment lors d’épisodes assez longs d’inondation. Les pouvoirs publics doivent alors rassurer les populations fragilisées qui cherchent des réponses assurées auprès d’experts. La gestion de crise dans cette perspective consiste à re-fabriquer au plus vite des repères, des savoirs, des logiques de sorties de crise. Maîtriser la crise implique la gestion du temps, de l’espace et des acteurs, afin de favoriser le retour à la normalité, de dresser au plus vite une « cartographie » de la situation et enfin, de mobiliser tous les relais d’opinion et d’action qui relayeront les décisions. A ce titre, tout manque de préparation risque d’avoir des répercussions dommageables.
114La gestion publique de crise implique de la part des autorités publiques qu’elles s’organisent pour répondre aux crises et mettre en œuvre les moyens appropriés.
115Ces dispositifs correspondent à un processus planifié incluant trois phases successives et indissociables. On distingue ainsi le temps de la préparation, dont l’objet est d’apporter dans la perspective de la survenance d’une crise une réponse théorique. Le traitement de la crise une fois enclenché correspond à la phase opérationnelle, tandis que le retour d’expérience constitue la dernière étape, celle de la réflexion critique. Si la réponse apportée à la crise s’articule autour de trois phases, elle varie également en fonction de la nature et de l’intensité des événements.
116Des dispositifs législatifs et réglementaires organisant la préparation à la gestion des crises ont été prescrits depuis notamment la loi du 22 juillet 1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs, ainsi que par le décret d’application du 6 mai 198838 relatif aux plans d’urgence. Cependant, il apparaît que dans certains départements cette planification de la gestion est demeurée lacunaire, comme ce fut le cas dans le département de la Somme lors des inondations de 200139.
117La préparation des mesures de sauvegarde et la mise en oeuvre des moyens de secours nécessaires sont déterminées par la loi dans le cadre de la répartition des compétences aux niveaux communal, départemental et national. Bien qu’institutionnalisée et hiérarchisée, cette organisation se révèle en pratique souvent confuse en raison d’un enchevêtrement complexe des compétences, d’une planification désordonnée dans la gestion des crises, voire d’un défaut de planification. Enfin, si tout le monde s’accorde sur l’importance de la communication dès le début de crise, on fera le constat qu’elle n’est pas toujours placée au cœur des dispositif de gestion de crise, alors qu’à chaque retour d’expérience, tout le monde souligne la nécessaire transparence sur le contenu de l’information – pour au moins – limiter les « rumeurs »40.
118L’organisation territoriale de la sécurité civile et la planification de la gestion des crises.
L’organisation territoriale de la sécurité civile
Au niveau communal
119La protection de la population contre les accidents de toute nature revient, en principe, et sous réserve de dispositions particulières, au maire de la commune comme le précise l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : « la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique »41. Cette responsabilité des maires remonte à la loi municipale du 5 avril 1884. A ce titre, le maire peut établir un plan communal de prévention et de secours qui comporte un inventaire à jour du matériel de sauvetage, de réanimation sanitaire, la localisation exacte du matériel et les personnels compétents. Mais ceux-ci ne sont pas obligatoires. En effet, aucun texte ne prévoit formellement ce plan de secours alors qu’il pourrait faciliter la réflexion des maires sur la gestion d’une crise et les guider dans le choix des dispositions urgentes à prendre.
Tableau 5 : Répartition des responsabilités, entre les différents acteurs, en matière d’information sur le risque (d’après Prim net)
Quoi ? | Qui ? | Comment ? |
La connaissance de l’aléa | Le ministère de l’écologie et du développement durable (MEDD) | Financement d’études scientifiques et techniques |
La connaissance de la vulnérabilité | Le MEDD | Financement d’études scientifiques et techniques |
La surveillance | Le MEDD | Equipements des zones en moyens de surveillance et d’alerte |
L’information | Le MEDD | Le préfet établit, sur financement du MEDD : le dossier départemental des risques majeurs et le dossier communal synthétique. |
L’éducation | Le MEDD | Inscription dans 5e, de 1re et des travaux personnels encadrés (TPE) |
Prise en compte du risque dans l’aménagement | Le MEDD | Etablissement des plans de prévention des risques |
Mitigation (réduction de la vulnérabilité) | Le MEDD | Formation des professionnels (architectes, ingénieurs) |
Préparation des plans de secours (mis en œuvre en cas de crise) | Le ministère de l’intérieur | Selon l’échelle, les services de protection civile ou le maire préparent la crise |
Gestion de crise | Le ministère de l’intérieur | Mobilisation des moyens |
120Elle met à la charge du maire la prévention des risques, autant que la préparation et l’organisation des secours.
121Ceci se justifie par le fait que la première réponse à apporter se situe au niveau local, qui est celui de la proximité. Ainsi, quatre habitants d’Aramon ont porté plainte contre leur maire pour non assistance à personne en danger, car ils estiment « qu’il n’a pas prévenu à temps la population »42.
122Ceci étant, certains événements, en raison de leur ampleur ou parce qu’ils dépasseraient le stricte cadre communal, requièrent le recours à des mécanismes de solidarité et des moyens issus tant du niveau départemental que national.
123Ainsi, le préfet de Région est-il compétent pour faire bénéficier les communes concernées de renforts en provenance d’autres départements.
124L’article L. 1424-3 du code général des collectivités territoriales prévoit que « les services d’incendie et de secours sont placés pour emploi sous l’autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police ».
Au niveau départemental : le SDIS
125La loi du 3 mai 199643 relative à la départementalisation des services d’incendie et de secours a modifié l’organisation des services d’incendie et de secours (SIS) était jusqu’alors communale, voire intercommunale. Ce qui générait une inégalité quant à l’accès au secours pour le citoyen selon le lieu de résidence et donc une organisation trop complexe. C’est pour pallier à ces écueils que la loi du 3 mai 1996 a voulu uniformiser les services d’incendie et de Secours (SDIS), dont l’institution devient obligatoire. C’est un établissement public qui réunit désormais dans le cadre de la circonscription départementale, le département, les communes, ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
126Le SDIS dispose d’un corps départemental de sapeurs-pompiers et comporte un service de santé et de secours médical, ainsi qu’un centre opérationnel d’incendie et de secours (CODIS). Le CODIS est l’organe de coordination de l’activité opérationnelle des services. A ce titre, il est immédiatement informé de toutes les opérations en cours et de l’évolution de la situation jusqu’à la fin des opérations. En outre, il est l’organe de renseignement des autorités préfectorales de gestion interministérielle des crises de la direction de la défense et de la sécurité civiles à Paris (COGIC).
127Enfin, pour améliorer les conditions de la prévention et assurer une meilleure adéquation des moyens aux risques, un schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR) est arrêté par le préfet sur avis conforme du conseil d’administration du SDIS.
Le niveau zonal
128Lorsqu’il s’agit de répondre à des crises dépassant le périmètre départemental ou que l’ampleur de l’événement dépasse les moyens départementaux, un état major de sécurité civile et un centre interrégional de coordination de la sécurité civile (CIRCOSC) sont créés dans la plupart de zones de défense. Le CIRCOSC constitue alors la cellule opérationnelle de l’Etat major de la sécurité civile.
129Dans la pratique, leur création est toujours attendue, ce qui fut encore le cas lors des inondations dans la Somme, qui dépendaient de la zone de défense de Lille, cette dernière n’étant dotée ni de CIRCOSC, ni d’un état-major de sécurité civile. Dans cette hypothèse, c’est le CODIS qui assure ce rôle, mais ses moyens sont bien moins importants. Un décret du 16 janvier 2002 est venu renforcer les pouvoirs du préfet de zone, ainsi que les outils dont il dispose. Désormais, ce texte lui confère un large pouvoir de coordination et d’arbitrage dès lors que plusieurs départements sont concernés par un événement. Ce décret a surtout institué l’état-major de zone et le centre opérationnel de zone (COZ), qui viennent renforcer les moyens d’analyse et de mise en œuvre du préfet. Cet état-major de zone assure une veille opérationnelle permanente, prépare les plans relevant de sa compétence et met en œuvre les mesures opérationnelles décidées par le préfet de zone en temps de crise.
130La zone de défense constitue le cadre privilégié de la coopération civilo-militaire, parce qu’elle autorise la mutualisation des moyens et permet au préfet de zone de garantir la cohérence et la complémentarité des plans civils de protection et des plans militaires de défense. Ceci favorise l’intervention des unités militaires, essentiellement du génie, lorsque les besoins dépassent les capacités des unités de sécurité civile44.
Le niveau national
131En cas de grande catastrophe, la direction de la défense et de la sécurité civile du ministère de l’intérieur (DDSC) peut intervenir
132en appui à l’action locale. Elle ne gère donc pas directement la crise, mais joue un rôle d’information et de relais des informations transmises par le CIRCOSC ou le CODIS. Elle peut également mettre à disposition des préfets des unités de détachement et d’intervention de la sécurité civile.
La planification de la gestion des crises
133Elle est organisée autour de trois phases que sont la préparation, la gestion opérationnelle et l’après crise.
La préparation
134Celle-ci est déterminée dans le cadre de Plans d’organisation dénommés plans ORSEC45 et plans d’urgence. Leur objectif est de permettre la mise en place rapide et efficace de tous les moyens de secours disponibles le jour de la crise, en fonction du type de risque encouru. Cette planification des secours a été définie par la loi du 22 juillet 1987, déjà citée, et par le décret d’application du 6 mai 1988.
- Les plans ORSEC (organisation des secours)
135Ils recensent les moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre en cas de crise et définissent les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours. Selon la nature et l’importance des moyens à mettre en œuvre, ils comprennent : le plan ORSEC national déclenché par le Premier Ministre, les plans ORSEC établis par chacune des zones de défense et déclenchés par le préfet de zone, enfin, les plans ORSEC départementaux élaborés et déclenchés par le préfet.
136Par dérogation à la règle, selon laquelle les dépenses de secours engagées par l’Etat sont à la charge de la collectivité territoriale bénéficiaire, le déclenchement d’un plan ORSEC a pour conséquence principale de supprimer cette obligation de remboursement.
137Cette disposition est parfois à l’origine de rumeurs comme le met en évidence le compte rendu suivant des inondations à Arles en décembre 2003 sur les ondes de la radio RTL. : « La polémique enfle sur l’action des services de l’Etat, jugés peu efficaces par les élus locaux. Pourquoi le plan Orsec n’a-t-il pas été déclenché, s’interrogent-ils ? A demi-mot, certains accusent l’Etat de ne pas le faire pour ne pas avoir à prendre les frais en charge. Depuis la fin de la semaine, Michel Vauzelle réclame la mise en oeuvre ʺde toute urgenceʺ d’un tel plan pour le pays d’Arles. ʺL’Etat a une responsabilité morale et financière envers les populations arlésiennes sinistrées. Il en va de la solidarité nationaleʺ, a lancé le président socialiste sortant de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. ʺLe plan Orsec ne sert à rien d’autre que ce qui a été faitʺ, assure pour sa part Christian Frémont. Selon le préfet, il s’agit d’un instrument du passé qui a été inventé il y a une trentaine d’années ou une quarantaine d’années, à une époque où on ne savait pas trop gérer les crises »46.
- Les plans d’urgence
138Ils prévoient les mesures à prendre et les moyens de secours à mettre en œuvre face à des risques de nature particulière. Il existe un plan d’urgence lié aux inondations arrêté par le préfet du département en liaison avec les organismes concernés. C’est également lui qui le déclenche. Il fixe les modalités de transmission de l’alerte et de diffusion de l’information. Ils doivent être réactualisés tous les cinq ans.
- Le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR)47 (C. env., art. L. 565-2)
139Le SDACR, élaboré sous l’autorité du préfet par le service départemental d’incendie et de secours (SDIS), définit l’adéquation des moyens de secours à la réalité des risques. En effet, il dresse l’inventaire des risques sur le département auxquels doit faire face le SDIS et détermine les objectifs de couverture de ces risques par ce service. Il s’agit d’un document destiné à l’action quotidienne des services d’incendie et de secours et non particulièrement à la gestion des crises.
140Il contribue, d’une part, à mettre en oeuvre une politique départementale d’information préventive des élus et des citoyens sur les risques naturels et technologiques susceptibles de les affecter et, d’autre part, il analyse les risques courants ou particuliers, en prévoyant leur couverture au niveau de l’engagement et de la montée en puissance des moyens de secours. Cette information sur le risque doit s’accompagner systématiquement de la présentation des moyens de sauvegarde à même de protéger le mieux possible les personnes et les biens.
141Finalement, c’est un outil de référence qui doit permettre aux autorités en charge de décision (Préfet et élus du Conseil d’Administration) d’afficher une ambition et des orientations de couverture opérationnelle, ou également, de retenir des solutions en terme d’organisation, de dimensionnement et de gestion des ressources humaines et des moyens techniques.
142Pour la cohérence du dispositif, les SDAR doivent intégrer les plans de secours communaux.
La gestion opérationnelle
143Elle varie en fonction de la nature et de l’intensité de l’événement. A partir de là découle la mise en œuvre d’un processus complexe. Rappelons qu’il appartient au maire conformément à l’article L. 2212-12 du code général des collectivités territoriales « de prévenir, par des décisions, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents […] ». Si la crise est importante, la réactivité des services de l’Etat est assurée en premier lieu par un dispositif de permanence des agents compétents pour prendre immédiatement les décisions urgentes. Ainsi, au niveau de la préfecture, sont de permanence un membre du corps préfectoral et un « attaché » opérationnel. Le déclenchement rapide de l’alerte est par ailleurs rendu possible grâce aux moyens de communications appropriés et notamment aux nouvelles technologies. A titre d’exemple, le Département du Pas-de-Calais utilise le logiciel « Synergie » pour communiquer avec les autres services de l’Etat et permettre la diffusion d’une information continue avec la préfecture.
144Tant au niveau communal que préfectoral ou zonal, une cellule de crise est mise en place, qui s’articule autour de trois missions prioritaires : protéger les personnes, les biens et l’environnement, préserver les fonctions essentielles à la vie du territoire (ravitaillement, transport, production d’énergie, télécommunication…) et assurer la communication à destination du public et de la presse.
145Lorsque le préfet a pris la direction des opérations, le maire reste à sa disposition pour faire exécuter les missions que celui-ci peut être amené à lui confier. Dans cette hypothèse, un état-major de crise est formé afin d’apporter une aide à la décision au préfet. Ce dernier s’appuie alors sur deux types de postes de commandement (PC), auxquels s’intègrent les représentants de chacun des services utiles à la résolution de la crise.
146Un PC est organisé à la préfecture autour du service interministériel de défense et de protection civile (SIDPC). Ce service est le garant de la coordination des services impliqués dans la mise en œuvre des secours. Alerté par la survenance d’une crise, le SIDPC est en charge de l’activation de la salle opérationnelle de la préfecture. C’est habituellement dans cette salle que se réunissent les représentants des différents services et organismes mobilisés. Equipée de toutes les technologies de communication, elle doit permettre aux différents acteurs d’être informés de l’évolution de la situation sur le terrain et de prendre ensuite des décisions concertées. Dans ce cadre, le SIDPC participe aux évaluations en temps réel de l’efficience des moyens engagés.
147Un second PC est parfois établi au plus près des lieux d’actions, organisé autour du SDIS, lequel s’appuie sur son centre opérationnel : le CODIS.
148Il ressort de ces lignes que l’organisation de la sécurité civile est valorisée à l’excès, même si la complexité des procédures entraîne parfois des « ratés ». Elle vise à traiter les conséquences des risques négatifs. En pratique, il s’agit de planifier et de mobiliser les services concernés nationaux et locaux, de disposer d’effectifs et de matériels d’intervention, d’alerter, d’encadrer les populations et de les indemniser. Jean-Gustave Padioleau, insiste sur le fait qu’un autre dispositif de sécurité, la « sécurité territoriale environnementale », qui conjugue tout à la fois le traitement des causes et des conséquences des risques positifs et négatifs de l’urbanisation, devrait être davantage développé pour réduire « les opportunités d’intervention de la logistique et les intérêts de la sécurité civile ». Ainsi, « le ministère de l’Intérieur […] devient une force d’appui aux acteurs pivots de la sûreté environnementale (Agriculture, Equipement, Environnement, Défense, Santé, Finance, Justice) »48.
149Dans la pratique, on remarque globalement, un manque de visibilité dans l’action des ministères. Ainsi comme l’a souligné M. Philippe Vesseron, délégué aux risques majeurs, « jusqu’au début des années 1990, la direction de l’eau et la direction de la prévention de la pollution et des risques étaient une seule et même direction d’administration centrale. Lorsqu’elles furent constituées séparément, il y eut une répartition des responsabilités ». À ces deux directions compétentes s’ajoutent divers organismes dépendant du ministère, tels que le Comité national de l’eau, organisme consultatif dont le secrétariat est assuré par la direction de l’eau, ou l’Observatoire de l’eau, organisme également consultatif placé auprès des ministères de l’Environnement et de la Consommation, ou encore le Conseil supérieur de la pêche.
150Cette répartition des compétences entre les deux directions réserve parfois des surprises. Ainsi, la direction de la prévention des pollutions et des risques est chargée de la politique générale de l’information préventive sur l’ensemble des risques, de la programmation et de l’élaboration des PPR et de la coordination de l’action gouvernementale en matière de prévention des risques naturels. Pour sa part, les missions de la direction de l’eau concernent l’élaboration des Atlas des zones inondables, la mise en place des services d’annonce des crues, la gestion des cours d’eau domaniaux non navigables, la programmation des interventions financières de l’État en matière de travaux de restauration des cours d’eau non domaniaux et des zones naturelles d’expansion des crues et de protection des lieux habités contre les inondations d’origine fluviale. Cette répartition complexe est d’autant sujette à critiques que l’élaboration des Atlas des zones inondables, l’information préventive sur les risques et l’élaboration des PPR, qui ne sont pas sans lien, relèvent des deux directions. Le même problème se pose pour la coordination de l’action gouvernementale en matière de prévention des inondations et la programmation financière des interventions de l’État en matière d’aménagement et d’entretien des cours d’eau.
151Par ailleurs, d’autres ministères concourent à la politique de prévention des inondations. Le ministère de l’Intérieur comme nous venons de le préciser, intervient, entre autres, au titre de ses missions en matière de sécurité civile mais joue un rôle plus large, mais aussi plus proche de celui de la direction de la prévention des pollutions et des risques, dans la prévention des inondations.
152Le ministère de l’Équipement, du logement et des transports intervient au titre de ses compétences dans le domaine de la surveillance météorologique, de la gestion des cours d’eau navigables et du domaine public maritime. En matière d’urbanisme et de logement, ce ministère intervient au niveau des prescriptions, notamment dans les zones à risques. C’est la direction de l’aménagement foncier et de l’urbanisme qui est chargée de la prise en compte du risque dans l’urbanisme.
153Au sein du ministère de l’Agriculture et de la pêche, c’est la direction de l’espace rural et de la forêt qui est plus particulièrement compétente dans le domaine de l’eau et donc, indirectement, des inondations. Elle est en effet responsable de la politique forestière. Or, la forêt a une fonction très importante de prévention des inondations, notamment en zone de montagne. Elle participe également à la politique de gestion et de mise en valeur du territoire, via les schémas de services des espaces naturels et ruraux. Enfin, elle tente de développer dans le secteur agricole toutes les pratiques qui permettent de mieux prendre en compte les préoccupations environnementales (pratiques agri environnementales, notamment via les contrats territoriaux d’exploitation). Toute absence de vision commune du même problème, risque d’entraîner une déperdition de moyens humains et financiers. C’est pourquoi, M. Paul-Henri Bourrelier a souvent dénoncé des « logiques de pré carré » qui nuisent indéniablement à une bonne synergie et une réelle coordination des actions. Il est donc indispensable qu’il y ait une coordination interministérielle. C’est-à-dire une institution où tous les services des ministères concernés soient présents.
154Bien évidemment, la communication externe est un élément clef de la gestion de crise.
155Déjà en 1994, la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale49 sur les causes des inondations et les moyens d’y remédier avait porté « une appréciation mitigée sur l’information des maires » à l’occasion des crues, estimant que celle-ci était perfectible. Cette difficulté de communiquer pour les services de l’Etat avec la population et avec les élus a été une fois de plus constatée dans la Somme à l’occasion des inondations de 2001. Il était souligné l’importance de l’information de la population, laquelle « convenablement avertie, se rangerait plus facilement aux arguments des sauveteurs ». D’où la priorité pour elle de « recueillir en temps réel des informations fiables et précises, car il a été constaté que, dans de nombreux cas, des rumeurs non fondées avaient contribué à inquiéter inutilement les habitants ». On peut faire ce même constat en 200150.
156En dépit de l’organisation territoriale de la sécurité civile et de la planification de la gestion de crise, des dysfonctionnements sont apparus, notamment des problèmes d’articulation entre les différentes structures de commandements concernées. Face à ces défaillances, les élus locaux et la population improvisent, ce qui accentue leur sentiment d’isolement face à la crise.
1.6. L’après crise, les retours d’expérience : espace de mémoire ?
157En continuité avec les opérations de secours, l’après crise contribue au retour à la vie normale. Dès lors, l’aide aux populations change de nature, mais demeure indispensable pour satisfaire les besoins matériels : règlement, information et orientation des sinistrés. Comme nous l’avons déjà signalé dans l’un des chapitres précédent, pour être indemnisées, les communes doivent faire l’objet d’un arrêté interministériel CATNAT (Catastrophe naturelle) publié au Journal Officiel, qui les déclare sinistrées. Cette déclaration se fonde sur la loi du 13 juillet 198251 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles. C’est le préfet qui effectue cette démarche auprès des ministères par le biais du dossier de reconnaissance de catastrophe naturelle. Mais l’après crise c’est aussi la collecte rapide, voire immédiate, des données après l’événement et tout autant l’analyse complémentaire de l’événement, afin d’en tirer des enseignements et d’améliorer la prévention du risque d’inondation.
158Certains soutiennent que la combinaison des expériences vécues et des actions d’information pourraient faire évoluer les comportements face aux risques et plus globalement la culture du risque. Il est bien évident que le risque consenti et accepté, voire choisi, ne peut tirer profit des retours d’expérience.
159Les retours d’expérience améliorent la capacité d’anticipation et de veille. Aussi, ils peuvent prendre la forme de rapports dans le cadre de commissions d’enquêtes comme celui intitulé « inondations dans la Somme : des leçons pour l’avenir ». Dans ce rapport, Philippe Vesseron, délégué aux risques majeurs, soulignait lors de son audition devant la commission « un des risques, dû à notre culture, qui consiste à cesser de parler d’un événement catastrophique, lorsque celui-ci s’achève »52.
160Le rapport Dauge53 préconisait déjà le développement plus systématique d’une politique de retours d’expérience lors d’inondation, comme « un nouveau type d’aménagement fondé sur un nouveau mécanisme de décision, sur la connaissance scientifique et la mémoire ; en d’autres termes, un aménagement beaucoup plus transparent et objectif, afin de sortir du débat passionné et tendu du moment ».
161Ces espaces de mémoire sont une opportunité pour des personnes qui n’ont pas de relations entre elles par ailleurs de témoigner sur les dysfonctionnements relatifs aux procédures de gestion de crise. Ils permettent également aux populations d’exprimer leur désarroi. Ces espaces rassemblent toutes les parties concernées sous l’autorité d’un médiateur.
162Ces espaces de mémoire sont donc le complément de la mise en valeur des lieux de mémoire et participent ensemble à la constitution d’une culture du risque.
163Au-delà de l’information relative aux risques, la puissance publique tente d’institutionnaliser la participation sous des formes diverses : consultation, concertation et négociation afin de favoriser une prise de conscience et une prévention du risque de l’ensemble des acteurs locaux concernés. Si cette volonté de structuration des échanges reconfigure l’espace public, il n’en demeure pas moins que ces modalités différentes « conduisent à sommer certains individus à participer et à en éloigner d’autres »54. En effet, sous le terme de « participation », on retrouve tout aussi bien l’émission d’un avis au sein d’un espace public que l’approbation ou le rejet d’options en concurrence. Ainsi, l’intéressement à la vie publique est à géométrie variable. Quelle est la réalité de la participation citoyenne à la gestion du risque d’inondation et au sein de quels cadres se déroulent-elle ?
2. La consultation
164Si la gestion du risque d’inondation repose sur une stratégie locale de prévention, celle-ci implique qu’on y intègre tous les aspects de façon cohérente. La complexité des problèmes et la multiplicités des facteurs (matériels, techniques, humains etc.) réclament un effort de clarification des enjeux, des finalités à atteindre et des facteurs qui interviennent. Il importe donc d’accorder les acteurs concernés en engageant une concertation véritable. Le bon déroulement de la consultation devient lui-même un enjeu que des malentendus peuvent mettre en péril.
2.1. Les modalités de la participation en France pour la mise en œuvre de la DCE : des exigences de la Directive à la mise en œuvre pratique
165La DCE énonce en son article. 14 : « Les Etats encouragent la participation active de toutes les parties concernées à la mise en œuvre de la Directive, notamment à la production, à la révision et à la mise à jour des plans de gestion de district hydrographique… ». Elle précise dans son préambule que « le succès de la directive […] requiert l’information, la consultation et la participation du public, y compris des utilisateurs ». La réalité est plus nuancée, car comme nous venons de le souligner, elle renvoie à la subsidiarité nationale pour les moyens mis en œuvre en amont, en vue d’une consultation effective du public à partir de 2006. Ainsi, il appartient aux Etats d’organiser le calendrier de ces consultations et de définir les modalités de la participation du public. De façon précise, la DCE demande qu’après la réalisation de l’état des lieux, les Etats procèdent à trois consultations du public : la première avant la fin de 2006 sur le calendrier des travaux d’élaboration du plan de gestion, la seconde avant fin 2007 sur l’identification des problèmes principaux et la troisième fin 2008 à propos du projet de plan de gestion.
2.2. Que recouvre le terme « public » ?
166Par ce terme, l’Union européenne fait référence à la conception très large, de la convention d’Aarhus, ce qui va au-delà des consultations précédemment faites lors de l’élaboration du SDAGE.
167S’ils souhaitent satisfaire à l’objectif de transparence55 et d’appropriation des stratégies, il est préférable que les Etats organisent une information sur la gestion de l’eau suffisamment synthétique et compréhensible par des non initiés56 A cet effet, avant l’adoption de l’état des lieux par les comités de bassin concernés, une consultation du public devrait être réalisée courant 2004, afin de recueillir les observations éventuelles sur ces documents. Parallèlement, une information de la population sur le plan national devrait en France être préparée en s’appuyant notamment sur les relais locaux que constituent les collectivités territoriales, les organismes consulaires et les associations.
168Le gouvernement français a segmenté le débat pour la mise en œuvre de l’article 14 de la DCE en trois phases57 :
Une première phase nationale, achevée, a permis des contacts bilatéraux avec les représentants nationaux des principaux acteurs, afin de préciser les enjeux et le champ du débat local. Des contributions écrites ont été fournies.
Une deuxième phase de débat local, quasiment achevée, est placée sous l’égide des comités de bassin, ainsi qu’autour de l’initiative de régions ou de départements, voire de groupements de ces collectivités qui partageraient des préoccupations voisines. Un document de référence a été établi sur la base des enseignements inspirés par la première phase.
Une troisième phase a associé le « grand public » au travers d’un questionnaire largement diffusé lors de réunions de groupes d’usagers ou par le biais d’internet, de conférences dites de « citoyens », d’un questionnaire en direction des 10-14 ans et enfin, d’initiatives décentralisées. Cette phase s’est achevée par une conférence de synthèse en décembre 2003.
169Ce faisant, dans l’hypothèse où chacun pourrait avoir une compréhension différente des termes de « public » et de « participation », toute réflexion à ce sujet ne saurait faire l’économie d’un questionnement sur trois points : qui sont les acteurs de ce débat et de ces concertations et à quel moment doivent-ils participer et avec quelle régularité ? En effet, il ne suffit pas qu’une action compte une diversité d’acteurs pour être participative.
170Une distinction est nécessaire entre, d’une part, les participants « passifs » qui, par exemple, reçoivent une information lors de débats organisés ou qui répondent à des enquêtes par questionnaires et, d’autre part, les participants « actifs », sujets agissants du processus mis en œuvre (Baron, 2001). On a tendance à parler de « participant » sans tenir compte des différentes modalités de participation des acteurs, ce qui peut en donner une image faussée
171La mise en œuvre de l’article 14 de la DCE par l’Etat français se traduit concrètement par le choix d’une variation dans le degré d’implication des « groupes cibles ».
172En effet, le Comité de Bassin distingue deux catégories d’acteurs : les « parties intéressées » et le « public ». De surcroît, les modalités de participation de ces deux groupes varient dans le temps et selon la nature des opérations à effectuer, comme l’atteste la figure ci-dessous.
173A cet effet, la DIREN et l’Agence de l’eau Artois-Picardie ont créé une commission dans le cadre du bassin Artois-Picardie intitulée « participation du public », composée de représentants du comité de bassin, d’associations de consommateurs, de protection, de la pêche, de l’éducation à l’environnement, de l’éducation nationale, de la presse, de la commission locale de l’eau, de l’EPTB, et d’experts en communication dont le rôle est d’organiser et de favoriser la participation du public. Elle est aidée par la Commission Permanente SDAGE et milieux aquatiques, chargée de l’état des lieux58, créée préalablement.
174D’autres rendez-vous d’information et de sensibilisation du public ont été organisés en dehors des instances de bassin et notamment un séminaire de « groupe lecteurs » le 7 novembre 2002, un séminaire des animateurs de SAGE le 21 novembre 2002, et enfin, un atelier « eau et relais d’opinion » le 7 décembre 2002, qui vise essentiellement les associations. A ce stade, ne sont concernées que les « parties intéressées », conformément à la dénomination empruntée à la DIREN et à l’Agence de l’eau.
175Lors des débats publics, un questionnaire est remis aux participants et vise à « recueillir la perception sur une liste, non exhaustive, d’enjeux identifiés avec un groupe d’experts » (Strébelle, 2003) du Bassin. A l’examen de ce questionnaire, composé de cinquante et une questions, on a remarqué que ne figure aucune question relative aux conditions de la participation directe du grand public concerné, de même qu’il n’est pas fait état de la différenciation entre les parties intéressées participant directement au processus du public, lequel est simplement informé plutôt que consulté.
176Par ailleurs, les références dans la lettre d’accompagnement du questionnaire à l’enjeu collectif qu’implique la prise en charge de la gestion de l’eau par chaque individu ainsi qu’aux enjeux planétaires de l’eau, sont à mettre en comparaison avec les trois heures et demie de débat accordé et surtout avec l’organisation simultanée des ateliers qui ne permettent pas au grand public de s’informer davantage sur les dossiers techniques, alors même que certains documents de l’Agence de l’eau et de la DIREN insistent sur la « nécessité d’élaborer des documents non techniques »59, ce qui signifie compréhensibles par tous. Il est aussi à noter qu’on demande aux interviewés, en fin de questionnaire, de classer les priorités en matière de gestion de l’eau alors qu’on s’évertue à leur présenter la DCE comme une démarche globale et intégrée.
177Toutes ces opérations ont pour objet de « développer une culture de la participation, un enjeu de crédibilité et de transparence » de « clarifier les règles du jeu et les limites de l’exercice », enfin, « de prendre en compte les observations du public et d’en rendre compte »60.
178Au regard des objectifs affichés par l’Etat que sont le développement d’une culture de la participation, d’un enjeu de transparence et de crédibilité, il convient de se demander si les modalités de la participation retenues répondent à ces enjeux.
179Finalement, à propos de ce débat sur l’eau, on peut se demander s’il est possible de souscrire à l’idée selon laquelle ces nouvelles formes d’action de gouvernance seraient plus efficaces ou plus efficientes que les procédés antérieurs ? (Régulation croisée) En effet, les voies du débat et du dialogue sont déjà définies et encadrées et on ne voit pas comment l’Etat peut garantir la mise en œuvre d’un dialogue authentique et équitable entre tous les acteurs concernés. En poussant plus avant notre réflexion, on pourrait se demander si les pouvoirs publics se mobilisent de manière stratégique, avec la volonté de mettre en œuvre de nouvelles politiques, ou s’ils ont seulement le souhait de faire évoluer leur discours pour être « dans l’air du temps » et capter de nouvelles opportunités ou également, si le développement des procédures d’information et de concertation ne vise pas à réduire des menaces de contestation (Habermas, 1997) ? Le cadre procédural de la gouvernance maintient ici une démarche essentiellement « top-down ».
180Dans la mesure où la notion de risque doit être intégrée de manière positive et en permanence, aux réflexions et aux attitudes des décideurs et des planificateurs, sa prise en compte est un élément qui doit nourrir une politique d’aménagement et de mise en valeur du territoire. Aussi, souligne le guide PPR de la concertation, « la détermination du « risque acceptable » doit se faire au terme d’un processus d’analyses, d’échanges et de négociation plus démocratique, la fixation du niveau de risque, en définitive par l’État, sera alors mieux comprise, mieux acceptée, et sans doute plus facilement légitimée, le retour d’expérience n’est pas, aujourd’hui, correctement assuré, ni l’échange de connaissance et d’information entre tous les acteurs de la crise »61.
181D’autant que la France a ratifié la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information et sur la participation des citoyens à la prise de décision dans le domaine de l’environnement. Sa retranscription dans le droit français est consacrée par la loi du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité62. Son titre IV prévoit l’organisation de débats publics pour l’élaboration de grands projets, dont elle confie l’organisation à la Commission nationale du débat public (CNDP)63 : « La commission nationale du débat public, autorité administrative indépendante, est chargée de veiller au respect de la participation du public au processus d’élaboration de projets d’aménagement ou d’équipement d’intérêt national de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des personnes privées […] »64. D’ailleurs, ces aspects sont repris dans la Charte de l’environnement qui mentionne que « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement (art. 2) ; « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » (art. 7).
182Rappelons que les projets de développement, d’aménagement et de modification de l’occupation des sols, et plus généralement, l’évolution des activités peuvent avoir une influence sur le niveau de risque. C’est pourquoi des procédures prévoient la consultation du public tout au long de certains projets tels que les grands dossiers d’infrastructures. Il n’en demeure pas moins que ces démarches ne sont pas toujours considérées comme suffisamment démocratiques, le public n’en connaissant ni le déroulement ni les résultats. Ce qui a été relevé par l’Assemblée Nationale elle-même lors d’une mission d’évaluation et de contrôle : « la concertation avec le public est […] insuffisante. Le ministère des Transports est en relation avec les services administratifs locaux et les élus, mais rarement avec les citoyens »65.
183La réponse à certaines des insatisfactions du public passe notamment par des évolutions de procédure, ce que tente d’instaurer par exemple la circulaire Bianco66 et la loi Barnier67 (art. 2) mais ne peut être suffisant. Trop souvent, elles ne sont que le passage obligé vers la déclaration d’utilité publique alors qu’elles devraient être une étape d’amélioration du projet concerné, une étape d’information du public. Une véritable culture du débat public implique moins de débattre « avant » la décision que de discuter de façon ouverte de la décision et a fortiori quand il s’agit de prise en compte et de gestion du risque dans l’aménagement du territoire.
184Si l’Etat s’attache par l’organisation de débats à mettre en évidence un espace social visible de coopération, il n’en demeure pas moins que d’autres espaces demeurent des cercles fermés pour un grand nombre d’acteurs. La création de ces territoires concentriques de participation active les interrogations sur les lignes réelles de confrontation entre les exigences démocratiques de la participation et les nécessaires évolutions du système politico-administratif. L’Etat semble vouloir initier cette démarche de concertation dans l’élaboration des PPR. Qu’en est-il ?
3. La concertation : vers une gestion concertée et intégrée des territoires du risque d’inondation
3.1. L’appropriation de la réglementation sur le risque d’inondation par les acteurs locaux : les paradoxes d’une ambition affirmée
185Ainsi, dans le cadre des PPR élaborés par l’Etat, le recours à la concertation n’est pas une obligation réglementaire. Cependant, plusieurs rapports, notamment le rapport Dauge, recommandaient le recours à la concertation comme gage de réussite de la politique de prévention des risques. C’est pourquoi l’Etat tente d’initier un processus d’élaboration concertée des PPR68 : « La concertation est la méthode de participation des acteurs responsables à l’élaboration de la stratégie locale de prévention des risques »69. La loi Barnier et son décret d’application ont prévu une consultation des collectivités territoriales et de la population dans le cadre de la procédure d’enquête publique sur le projet de PPR établi par les services de l’Etat. Il s’agit d’envisager désormais les modalités d’une concertation et d’une communication publique qui précède ou accompagne la phase de consultation. Conformément à l’article 1er la Charte de la concertation, celle-ci commence à l’amont du projet « sans qu’une décision formalisée soit nécessaire ». On remarquera que certains textes parlent de concertation quand il ne s’agit en pratique que de consultation : d’où la difficulté de classer de façon précise cette modalité de participation. Finalement, un certain flou règne quant au contenu même des modalités de la participation. D’ailleurs, pour s’en convaincre, il suffit de lire le guide PPR de la concertation publié par le MEDD. La démarche concertée encouragée se divise en trois phases : la première concerne les préparatifs et l’information préalable à la prescription du PPR. A cette fin, trois actions sont envisagées :
action 1 : Informer les élus ;
action 2, Réunion exploratoire avec des représentants des élus mandatés par eux ;
action 3 : réunion pour la définition des collaborations. Le guide précise succinctement quels sont les acteurs qui participent à cette première phase de concertation : « Les acteurs principaux sont en premier lieu les élus représentant le territoire concerné (Maires) et les services de l’Etat chargés du PPR »70. Plus loin, le guide rappelle que les services de l’Etat et les élus peuvent y associer d’autres acteurs tout en précisant : « Il est clair que le choix et le mode de participation de ces autres acteurs doit être autant que possible concerté entre les élus et les services de l’Etat ». Enfin, ultime précision « Une séance d’information de la population peut-être aussi organisée », tout en indiquant que « Les acteurs sont choisis uniquement pour apporter une aide dans le processus d’élaboration concertée ».
186Là encore, le public n’intervient qu’au moment de l’enquête publique, ce qui contraste avec les recommandations du guide « la conception et la mise en place de moyens bien adaptés à la situation locale, selon de multiples possibilités (réunions publiques, médias, supports classiques ou modernes…) est une exigence incontournable ». On pourrait même y déceler certaines contradictions ou une explication à certains constats affirmés. Ainsi, affirmer que « L’autorité et la compétence des élus sur la question des rapports aux publics dont ils sont les représentants démocratiques est le meilleur gage d’efficacité » contraste avec l’idée selon laquelle « l’enquête publique révèle parfois un grand nombre de questions malgré les efforts de concertation ». Ne faudrait-il pas suggérer aux concepteurs de cette concertation d’ouvrir les espaces de dialogue et de rencontre à d’autres acteurs que les élus et leurs représentants afin de créer une véritable dynamique d’appropriation ? Ce serait peut-être cela l’innovation.
187L’objectif actuel des démarches d’information, de sensibilisation et de concertation menées par l’Etat, les Agences de l’eau, les collectivités locales et certaines associations consiste à construire un référentiel d’idées et de données communément partagées afin :
d’appréhender la question du risque d’inondation de façon globale et non plus sectorielle en développant une conscience commune pour éviter les conflits entre les différents secteurs usagers de la ressource et restaurer la confiance entre aménageurs, décideurs et usagers ;
de glisser d’une gestion des risques purement administrative vers une gestion plus responsable faisant appel à une reconnaissance individuelle des responsabilités dans les problèmes environnementaux ;
d’inscrire les projets de gestion de l’eau et d’aménagement du territoire dans un cadre de « responsabilité partagée » et de confiance réciproque.
188Une possible stratégie de participation implique d’abord que toute information soit partagée, donnée sans restriction, mais surtout qu’elle soit indépendante ou qu’elle soit le produit d’un débat contradictoire, enfin, que l’expertise et l’évaluation soient découplées de la gestion de la crise. C’est la définition même de l’action collective publique qui est en cause : transformation de l’Etat administrateur à un Etat animateur ou encore passage du « paradigme d’autorité au paradigme de confiance »71. La culture du risque relèverait de « l’écologie de l’information » (Guilhou, Lagadec, 2002).
189La loi sur l’eau du 3 janvier 1992 a donné un contenu légal aux expériences de gestion de l’eau par la concertation des acteurs locaux menée dans le cadre contractuel et volontariste des contrats de rivière, en instituant les SAGE et les Commissions Locales de l’Eau (CLE). C’est pourquoi, il convient d’examiner les modalités de cette concertation instituée par les textes réglementaires et législatifs.
3.2. La gestion par bassin versant : une concertation orchestrée
190La gestion de l’eau n’est plus une affaire de techniciens et de décideurs où seule la connaissance des processus hydrologiques et des moyens techniques serait nécessaire pour répondre aux problèmes posés par les aléas hydrologiques ou la pollution des eaux d’autant que « tout le monde est à l’aval de quelqu’un d’autre ». Par ailleurs, l’eau faisant l’objet de multiples usages qui dépendent les uns des autres, il importe que cette gestion soit désormais définie par tous les acteurs concernés.
191L’espace hydrologique apparaît comme un lieu d’enjeux spatiaux et de tensions sociales liées à des représentations, des stratégies et des intérêts différents (nous entendons par représentation, l’image de la réalité construite, collectivement ou individuellement). « Cette participation active des usagers est le meilleur moyen de régler des conflits d’usage : la concertation est le début de la sagesse » (RIOB, 1988)72. Par ailleurs, comme le souligne Bernard Guibert, « l’expérience montre ce qui se passe lorsque le degré et la qualité de la participation des citoyens à la prévention et à la gestion des risques augmentent : plus efficaces et moins coûteuses sont les mesures de prévention ; moindres sont les paniques et moindres sont donc les dommages »73.
192En effet, les procédures de planification n’ont pas seulement pour effet de faire émerger de nouveaux territoires d’action, elles formalisent également un processus de construction collective de projets, négocié et concerté avec des acteurs publics et privés (Gaudin, 1996 ; Le Galès, 1995). Cette gestion concertée apparaît ainsi, à travers la composition des organismes chargés de mettre en oeuvre la gestion des grands bassins hydrographiques, Comité de bassin et Agence de l’eau, mais aussi à travers le SDAGE et le SAGE. De cette façon, la gestion intégrée et concertée de l’eau à l’échelle du bassin versant renouvelle la question de la gouvernance de bassin (Getches, 1999) et plus globalement aussi celle de l’aménagement du territoire (par gouvernance on entend la participation de la société civile à l’action publique autrement dit : « action publique en tant qu’action collective, permettant de prendre en charge la double exigence d’une orientation plus politique et plus gestionnaire, condition de légitimité et d’efficacité de l’action publique. Elle donne la possibilité de débattre d’un nouveau domaine commun, de définir des enjeux collectifs permettant d’intégrer une diversité de valeurs et de dépasser des intérêts individuels » (Allain, 2002).
193De façon pratique, la gestion concertée de l’eau s’inscrit dans une démarche organisationnelle qui se fixe pour objectif d’introduire l’ensemble des acteurs de l’eau dans la prise de décisions. Consultations et négociations sont ainsi engagées au sein des CLE regroupant les représentants de la société civile (chambres consulaires, associations de riverains, associations de protection de la nature, association de pêche…), l’Etat et les collectivités territoriales. Les associations participent à l’action des organismes publics, aux échelles nationales et régionales, dans la mesure où des sièges leurs sont réservés (Comité national de l’Eau, Observatoire de l’eau, comités techniques régionaux de l’eau…).
194Autrement dit, la mise en œuvre locale des politiques en matière de gestion de l’eau s’inscrit dans une réflexion menée à l’échelle du bassin versant, dans le cadre d’un processus de décisions « descendantes et remontantes » (top down and bottom up) entre les différents acteurs de l’eau (puissance publique, collectivité locales, experts et usagers).
195L’interface entre le SAGE, outil de planification dans le domaine de l’eau, et l’aménagement du territoire ne doit pas être négligé, car le SAGE, outil de gestion intégré, dépasse le cadre stricto sensu de la gestion de l’eau pour créer des passerelles entre différentes politiques jusqu’alors sectorielles : agricoles, économiques ou touristiques. Ceci suppose donc la mise en place de politiques plus territorialisées qui dépasseraient la simple application d’une réglementation relative à l’eau.
3.3. Vers l’émergence de dispositifs partenariaux : rupture de l’espace public ou cohabitation paisible ?
196La création d’instituts ou d’observatoires des risques ne concerne pas seulement les politiques de prévention ou de gestion des risques (tant naturels que technologiques), mais plus largement les politiques publiques d’environnement et davantage encore les besoins, croissants dans le cadre de la décentralisation, d’informations économiques et sociales nécessaires à des « diagnostic et des évaluations partagées » des politiques publiques au niveau local.
197Nous avons déjà évoqué précédemment les modalités d’information locale du citoyen à propos du risque d’inondation au travers des DCS, DICRIM, tout en soulignant leurs limites.
198Dans cette perspective, certaines collectivités territoriales ont créé des observatoires locaux des risques dont la mission consiste à mesurer le degré d’acceptabilité des risques par les populations, ainsi que leurs représentations sociales et leurs comportements.
199A titre d’exemple, le Conseil Régional de Basse-Normandie a décidé dès le printemps 2001 de créer à Honfleur un Institut Européen des Risques (IER) dont la tâche consiste à évaluer l’acceptabilité des risques au niveau d’un territoire74 : « Convaincu que l’estuaire de la Seine peut devenir un espace européen de modernité, d’efficacité économique, mais aussi et avant tout de qualité, d’innovation et de sécurité - dédié à une approche territoriale des risques […]. Dans un tel espace, l’inadaptation des approches sectorielles du risque est particulièrement frappante. Sa vocation multifonctionnelle en a fait un lieu de spécialisation des risques à l’échelle internationale. Or, dès que les risques se superposent, le niveau d’exposition des populations s’accroît significativement, amplifiant le décalage entre l’exposition réelle et l’exposition perçue. Les impacts de ce niveau d’exposition sur l’économie locale sont accentués par l’effet d’image pouvant affecter les territoires touristiques (pays d’Auge et Côte Fleurie notamment) ».
200A ce titre, l’I.E.R entend développer et promouvoir une approche territoriale des risques en répondant à trois ambitions majeures : - Dresser un état global évolutif et permanent des risques (principalement technologiques, mais également naturels et sanitaires) sur le territoire Seine-Manche en prenant en compte l’ensemble des activités, des milieux et des interactions elles-mêmes porteuses de risques
201- recenser les éléments spatiaux, économiques, organisationnels et socioculturels de vulnérabilité permettant une gestion préventive des risques en même temps qu’une gestion efficace des épisodes.
202Cette initiative régionale a dès 2001 été inscrite dans la Directive Territoriale d’Aménagement (DTA) de l’estuaire de la Seine. Une Association de préfiguration de l’Institut rassemble aujourd’hui ses membres fondateurs et constitue la première concrétisation du partenariat institutionnel envisagé pour la création de l’institut sous la forme d’un groupement d’intérêt public. L’ambition est de rassembler en son sein : les grandes collectivités normandes (Conseils régionaux de Basse et de Haute-Normandie, conseils généraux, agglomérations de Caen, le Havre et Rouen), les universités : Caen, Le Havre et Rouen, les CCl du Pays d’Auge et du Havre, les entreprises concernées par les problématiques liées au risque L’Etat, au travers de ministères et des directions régionales de l’équipement et des DRIRE, les associations de défense de l’environnement.
203Dans le même esprit, les projets territoriaux doivent être élaborés selon une démarche participative, où les collectivités jouent un rôle central, en associant la société civile, l’Etat se positionnant à la fois comme un partenaire parmi d’autres au stade de l’élaboration, et comme le garant du respect des objectifs de la loi.
204Il s’agit dans tous les cas de décloisonner la réflexion en l’ouvrant à de nombreux acteurs, afin d’en intégrer les différents aspects : développement économique, environnement, habitat, transport, etc.
205En témoigne par exemple la composition des conseils de développement pour les pays et les agglomérations. Rappelons que les pays et les agglomérations ne sont pas des collectivités territoriales supplémentaires, mais bien des espaces de coordination, des cadres de l’action collective et partenariale. Ils doivent associer de façon transversale collectivités territoriales et société civile et l’Etat (notamment dans le cadre du CPER).
206Par ailleurs, la Charte de la concertation, élaborée par le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement en 1996, a prévu un dispositif pour promouvoir la participation des citoyens aux projets touchant à l’urbanisme, à l’aménagement du territoire, à l’équipement des collectivités et à la préservation de l’environnement. Ce document n’a certes pas de valeur juridique mais son objectif consiste à « améliorer le contenu des projets et faciliter leur réalisation en y associant, dès l’origine, aux côtés du maître d’ouvrage, le plus grand nombre possible d’acteurs concernés ; de fournir aux différents partenaires les éléments d’un code de bonne conduite définissant l’esprit qui doit animer la concertation et les conditions nécessaires à son bon déroulement »75. Cette démarche garantit une meilleure appropriation par les acteurs concernés.
207A cette fin, l’appropriation des outils de gestion par certains acteurs locaux et notamment par les agriculteurs, suggère de les intégrer dans les projets globaux de planification comme le SAGE, et renouvelle les relations traditionnelles qu’entretenait le monde agricole avec les autres acteurs. Qu’en est-il de ce partenariat ?
4. La négociation : contrainte ou incitation ?
208L’administration agricole a connu une évolution de ses missions, notamment, l’intégration des contraintes liées à la protection de l’environnement et l’impact des pratiques agricoles. La prise en compte du risque de pollution, du risque d’érosion et d’inondation, mais plus globalement de l’ancrage territorial des politiques et pratiques agricoles, sont à l’origine d’une évolution des modes d’action.
4.1. L’appropriation de la démarche contractuelle pour la gestion de l’environnement par les agriculteurs
209En utilisant le sol comme support de production, l’agriculture est intimement liée au territoire. Depuis plusieurs années, la remise en cause du productivisme, face aux dégradations environnementales observées et aux excédents agricoles que les Etats doivent gérer, met en évidence ce lien entre agriculture et environnement, mais aussi entre agriculture et territoire. Cette nouvelle approche du productivisme, aussi bien de la part de la société que de l’agriculture elle-même, plonge cette dernière dans une phase de transition sinon de mutation (Croix N., 1998 ; Vaudois, 1998). Face aux impacts environnementaux et aux problèmes engendrés par la surproduction, l’agriculteur en tant que gestionnaire du territoire est encouragé à modifier ses pratiques. A cet égard, la puissance publique s’efforce, depuis une quinzaine d’année, de garantir une utilisation durable des ressources par l’agriculture, tout en maintenant une agriculture économiquement efficace (Doussan, 2002). C’est l’agriculture « raisonnée ».
4.2. La prise en compte du risque dans les stratégies agricoles
Les mesures de contrôle de la vulnérabilité des parcelles inondables
210Une des premières mesures prises par les agriculteurs pour lutter contre les inondations est la mise en pâture des parcelles fréquemment inondées. Traditionnellement, les fonds de vallée étaient occupés par des pâtures, souvent encloses par des haies et « équipées » de fossés pour favoriser l’évacuation de l’eau. De nos jours, de nombreux agriculteurs les exploitent encore pour le même usage. « En général ces parcelles sont impraticables en hiver, mais constituent de bonnes prairies l’été ». La plupart des agriculteurs possédant de telles prairies n’envisagent pas de les cultiver. Tous invoquent les nombreuses contraintes des parcelles et en premier lieu, les inondations qui empêchent les travaux, mais aussi leur trop petite taille. En les laissant en prairies, en pâtures pour les bêtes, la vulnérabilité de ces parcelles est réduite au minimum. D’autres agriculteurs agissent aussi sur la vulnérabilité de leurs parcelles inondables en hiver, en cultivant des productions d’étés, comme la culture du maïs.
211En fait, plutôt que l’émergence d’une véritable volonté de maintenir des milieux humides et des zones inondables, il s’agit, de la part de ces agriculteurs, d’une adaptation temporaire très pragmatique liée au caractère peu rentable de ces parcelles. Tous les agriculteurs ne s’inscrivent pas dans cette logique.
212De nouvelles pratiques mises en œuvre dans le cadre de la politique de l’eau (concertation, négociation avec les parties intéressées mais aussi responsabilisation des populations concernées) ont des répercussions sur d’autres politiques locales qui ne peuvent plus être envisagées isolément. Ainsi, en matière agricole, le contrat territorial d’exploitation (CTE) instauré par la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999 comme les contrats établis dans le cadre de l’application de mesures Agri Environnementales (MAE) engagent l’agriculteur dans la lutte contre l’érosion, la préservation de la qualité des sols, de l’eau, de la nature et des paysages.
213Néanmoins, ces mesures ne sont pas forcément connectées entre elles. Ainsi, les agriculteurs peuvent prendre, dans le cadre ou en dehors du cadre de la contractualisation, des mesures qui réduisent la vulnérabilité des parcelles de leur exploitation sans concerner celle des parcelles adjacentes. Une faiblesse dans la coordination des actions peut ainsi se traduire par une neutralisation des mesures.
214La mise en œuvre des MAE reflète souvent une démarche individualiste davantage intéressée par le complément de revenus qu’elle octroie que par la logique qu’elle sous-tend. Aussi, même si les agriculteurs sont sensibles aux questions environnementales, l’échelle d’application des MAE (quelques parcelles par exploitation) ne modifie guère les pratiques culturales des agriculteurs et resitue difficilement les enjeux hydrologiques dans un contexte plus large que celui de l’exploitation.
215Dans la perspective d’une poursuite de ce type d’action, il apparaît nécessaire d’identifier et d’intégrer des acteurs du monde agricole dans des projets globaux de planification comme le SAGE, afin d’aller vers une appropriation active du risque par les agriculteurs. Le prolongement des MAE par le CTE constitue donc une démarche intéressante à condition que :
le lien entre érosion (ruissellement) et inondation soit bien établi ;
l’ensemble des bassins versants soit couvert par les contrats ;
les financements soient à la mesure des problèmes (ce qui n’est pas toujours le cas pour les mesures agri environnementales où les demandes des agriculteurs sont souvent largement supérieures aux subventions disponibles)
ce programme soit articulé avec d’autres programmes en cours ou à venir (ex : SAGE).
les risques hydrologiques (inondation, érosion, qualité des eaux) et leurs impacts négatifs doivent être correctement appréhendés par les individus à l’échelle de leur espace de vie. Cela suppose qu’ils soient en mesure d’apprécier la menace réelle ou potentielle qu’ils encourent tant sur leur propre personne que sur leurs biens matériels ;
les mesures de protection ou de prévention pour faire face à ces risques doivent également être connues. Cela implique une connaissance de l’efficacité des mesures par rapport à l’évaluation personnelle des risques encourus ;
les techniques de protection ou de prévention doivent enfin être économiquement acceptables et faciles à mettre en œuvre d’un point de vue technique.
216Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, le particulier, qu’il soit élu ou exploitant agricole, ne prendra pas de mesures de protection ou de mesures préventives et se contentera, au mieux, d’appliquer des contraintes prescrites de l’extérieur, sans se sentir personnellement impliqué.
217La loi du 30 juillet 2003 instaure des servitudes qui seront indemnisées. Il est en effet indispensable d’inciter les propriétaires et exploitants de l’amont, si l’on veut que ces derniers interviennent pour préserver les habitants en aval, et d’indemniser les pertes éventuelles de culture occasionnées par la sur inondation. Cette loi affirme donc la primauté de l’intérêt collectif sur les aménagements et pratiques culturales et décourage certaines techniques, tel que le labour parallèle au sens de la pente ou l’arrachage de haies.
218Ces constats posent avec force la question du développement de la culture du risque nécessaire au bon fonctionnement des différents modes de participation, faisant appel de plus en plus au dialogue entre les acteurs de l’eau. Les conditions d’une telle culture du risque restent à créer, gage d’efficacité des démarches réglementaire, organisationnelle ou contractuelle pour une gestion intégrée de l’eau. Elle constitue également une étape nécessaire à l’émergence d’une véritable gouvernance de l’eau. A ce titre, les expériences menées au travers des contrats de rivière semblent en être une illustration.
4.3. Le contrat de rivière : un outil complémentaire du SAGE
219Un contrat de rivière repose sur une forte mobilisation des élus locaux, des riverains et des usagers en faveur de la réhabilitation et de la valorisation de leur patrimoine aquatique. Des objectifs collectifs sont définis. Ils sont ensuite traduits dans un programme d’aménagement et de gestion privilégiant les méthodes douces et tirant parti des potentialités écologiques du cours d’eau. Le calendrier du programme se déroule le plus souvent sur cinq ans. L’agence de l’eau, le département, la région et l’État contribuent fortement à son financement. Les contrats de rivière ont évolué. Ils s’ouvrent désormais à l’approche globale de la gestion de l’eau et des milieux aquatiques à l’échelle d’un bassin versant. Ils ambitionnent notamment la restauration et l’entretien des berges du lit, la prévention des crues. Ils font l’objet d’un mode de concertation élargi et réunissent l’ensemble des acteurs de l’eau. Ils sont enfin appelés à devenir la traduction opérationnelle privilégiée du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE). A cette fin, la circulaire du 30 janvier 2004 relative aux contrats de rivière ou de baie modifiant la procédure d’élaboration du contrat détermine dans son annexe, les missions, le fonctionnement et la composition des comités de rivière ou de baie chargés de diligenter l’élaboration du contrat, d’en assurer le suivi, d’organiser la communication et la sensibilisation auprès des personnes qu’il représente, et de mettre en œuvre les modalités de participation du public. Mais elle décentralise également la procédure d’attribution du label « contrat de rivière ». Ainsi le comité de bassin sera impliqué dans la mise en œuvre de l’ensemble des procédures de gestion territoriale de l’eau.
220La mise en visibilité d’espaces de coopération ou de participation du public ne saurait justifier l’existence d’une nouvelle régulation de l’action publique ou n’être prise en compte que pour la part de légitimité qu’ils peuvent redonner à l’intervention publique.
221Les différentes formes de participation envisagées ci-dessus posent avec force la question du développement de la culture du risque nécessaire au bon fonctionnement des différents modes de participation. Plusieurs interrogations se posent notamment sur le traitement de la participation du public par l’Etat. On retiendra que l’approche ambiguë qu’à celui-ci de la participation laisse en dehors du débat démocratique les exigences mêmes de la participation. La logique de participation doit permettre aux populations de peser réellement sur le débat et de se mobiliser comme allié, par le développement de toute une gamme de dispositifs d’information, de communication d’éducation, de participation. En ce sens le développement d’une culture du risque accessible à tous s’émancipe des différents modes de participation inventoriés ci-dessus.
5. Le développement d’une culture du risque : réticence ou mobilisation ?
222L’analyse des démarches cartographiques de sensibilisation sur le risque d’inondation révèle que les cartes et les Atlas des zones inondables, documents informatifs permettant d’afficher le risque à l’échelle des vallées inondables et de susciter des interrogations de la part des élus sur les moyens d’agir, ne sont en rien des documents d’information à destination des populations locales. Ils constituent une approche préparatoire sur le plan technique et incitative sur le plan politique dans des zones où l’administration souhaite intervenir ultérieurement pour imposer (ou négocier) une cartographie réglementaire.
223Les véritables actions de sensibilisation sont à rechercher ailleurs. Elles prennent différentes formes (journées sur l’eau, classes d’eau, médias…) et sont réalisées sur l’initiative d’acteurs très variés (DDE, Agences de l’eau, communes, associations). L’exemple des lieux de mémoire montre comment des actions simples et peu coûteuses pourraient compléter les outils cartographiques réglementaires ou incitatifs en restituant dans un espace public une mémoire objective sur le risque d’inondation.
224Dans cette perspective, la prévention des risques naturels ne peut pas se développer sans une prise de conscience et une mobilisation de tous les acteurs, des citoyens, des associations, des élus, des collectivités locales, des représentants de l’Etat. Nombreux sont les moyens politiques, techniques et institutionnels actuellement développés pour médiatiser et ancrer cette nouvelle forme de représentation de la rivière et de l’eau dans la conscience collective : les discours publics et les slogans relayés par les médias écrits et audiovisuels, les « journées sur l’eau » organisées par des associations à sensibilité écologique ou les Agences de l’eau, les formes de diffusion d’informations cartographiques sur l’eau dans la presse ou auprès des élus, les excursions à travers le bassin versant organisées au cours de journées d’information du public, des élus (dans le cadre de la CLE) ou encore des agriculteurs (pour la mise en place de mesures agri environnementales), les « classes bleues »… Autant d’initiatives qui, par leur récurrence, peuvent permettre à chacun de mieux s’approprier la prévention des risques.
225Parmi les nombreuses initiatives, nous avons choisi d’en retenir quelques unes.
Contexte général du projet DCS@net
226Le ministère de l’environnement et de l’aménagement du territoire a lancé en 1998 la mise en ligne des cartes des risques sur internet. Il s’agit de publier sur Internet l’ensemble des cartes sur les risques naturels et technologiques majeurs (y compris les PPR), à destination des habitants mais aussi de l’ensemble des professions concernées : assureurs, notaires, aménageurs… Pour cela, il souhaite fournir aux préfectures un service pour la mise sur Internet de l’information préventive sur les risques majeurs. L’action est dénommée DCS@net76.
227Le comité interministériel pour la prévention des risques naturels majeurs a demandé, lors de sa première réunion du 17 décembre 2001, de poursuivre dans cette voie avec la mise progressive sur internet de l’ensemble des cartographies des risques.
228Le recours aux techniques modernes de communication permettant une utilisation plus systématique des données (documents, cartes, règlements, information générale…) est généralisé. Dans ce but, le site www.prim.net (base CORINTE77) fait l’objet de mises à jour régulières ainsi que d’ajustements dans sa présentation, afin d’en améliorer la convivialité. A terme, selon la circulaire du 14 octobre 2003, cette information sera reprise dans le progiciel GASPAR (Gestion assistée des procédures administratives relatives aux risques naturels) qui remplacera CORINTE. L’espace éducation de Prim. net78 est destiné au grand public et dispense des conseils pour l’enseignement des risques. Par ailleurs, les sites des services locaux sont développés. Le gouvernement souhaite favoriser l’information par le biais d’Internet et encourage ses services à concevoir des actions préalables d’information, notamment par une présentation à la commission départementale des risques naturels. De même, à la demande du préfet, des opérations d’information peuvent être organisées auprès des maires, par exemple lors de réunions mises en place par l’association des maires.
229Si la formation, scolaire ou professionnelle, appelle un investissement lourd et une grande disponibilité, il n’en demeure pas moins qu’elle est un levier essentiel de la diffusion de la culture du risque. Elle doit être attractive et vivante notamment en recourant à des situations concrètes issues du milieu environnant de nature à capter l’intérêt d’un auditoire. Ainsi, suite aux inondations dans le bassin de la Somme en 2001 qui ont suscité maintes interrogations sur les causes de ce phénomène et de son ampleur, les risques futurs et les moyens de s’y préparer, la Diren Picardie a produit en 2002 une vidéo, "La Somme, un fleuve si tranquille… en apparence", évoquant les conditions de déclenchement de cette crue de nappe, les mesures de surveillance et de prévention nécessaires, les moyens mis en œuvre… Un outil pédagogique prolongeant cette démarche va voir le jour début 2004. Il s’agit d’un cd-rom interactif de sensibilisation au risque d’inondation. Réalisé avec des enseignants, il offre- sur la base du scénario de la vidéo - plusieurs clés d’entrée ciblant des thèmes et sous thèmes relatifs aux inondations, avec des documents multimédias, des références et des liens.
230Dans le même esprit, la loi du 30 juillet 2003 constitue une rupture en ce qu’elle responsabilise les décideurs publics et les citoyens, parfois victimes de l’illusion du « risque zéro ». A cet effet, elle prévoit :
231- la mention obligatoire du risque lorsqu’une transaction – location ou vente – est effectuée sur un immeuble dans une zone soumise à un risque technologique ou naturel. L’article 77 de la loi du 30 juillet 2003 énonce qu’« un état de risque est annexé à toute promesse de vente ou à tout contrat de vente ainsi qu’aux contrats de location » (C. env., art. L. 125-5-I). Les retours d’expérience des grandes crues torrentielles de l’Aude en 1999 ou du Gard en 2002 ont démontré que les nouvelles populations qui s’installent en milieu rural, après avoir longtemps habité en milieu urbain, ne connaissaient pas suffisamment les milieux naturels et n’avaient pas suffisamment conscience des risques auxquels elles pouvaient éventuellement être exposées. La mention obligatoire du risque lorsqu’une location ou un achat d’immeuble est effectué dans une zone identifiée comme dangereuse – au titre d’un ou plusieurs risques naturels ou techniques – devrait contribuer au développement de comportements préventifs. Ce dispositif déjà en application pour d’autres risques (termites, amiante, plomb, sols pollués) sera précisé par décret. Faute de satisfaire à cette obligation, l’acquéreur ou le locataire pourra poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix.
232Finalement, ceci revient à poser la question d’une transformation culturelle de la société dans la représentation du risque et dans sa prise en compte. En effet, si les populations ne perçoivent pas toujours le risque, elles s’en construisent une représentation, car « se représenter un risque, c’est l’appréhender activement en se construisant une connaissance cohérente et pratique »79.
233Bien qu’elle soit difficilement mesurable, on peut considérer aujourd’hui que la sensibilisation à la prévention des risques naturels est développée. Il n’en reste pas moins qu’elle demande un soutien, un entretien et une structuration. De nombreuses « enceintes » existent aujourd’hui. Elles sont autant d’espaces de communication et d’atouts dans la définition et la transmission de la culture du risque. Elles doivent compléter et tenter d’expliciter par des moyens plus conviviaux l’arsenal législatif qui reste dans une large mesure opaque et incompréhensible tant pour le grand public que pour la plupart des élus. Elles doivent également contribuer à faire partager l’approche des risques et la réduction de leurs effets. Une dynamique collective doit se fonder au mieux sur cette constellation qui permet à chacun de se retrouver dans un espace à sa dimension et donc accessible. Comme le souligne à juste titre Jean-Pierre Gaudin, (Gaudin 1997) la participation se pratique au grand jour dans le cadre de concertation ouverte, publique, argumentée, voire même médiatisée, mais qui demeure encore soumise à une communication codée qui ne cultive pas toujours l’échange et le partage. Or, la culture du risque ne peut se développer sans une réappropriation de l’« espace public »80 par l’ensemble des acteurs animés par la « reconnaissance réciproque d’un code commun partagé »81.
234La loi du 30 juillet 2003 relative aux risques technologiques et naturels souhaite renforcer l’information des populations par le biais de la mise à disposition « d’informations robustes et précises » (MEDD, 2003). Au-delà de la simple information, une politique de prévention des risques présuppose une meilleure connaissance des représentations sociales du risque. Ne conviendrait-il pas de s’attarder non seulement sur les ressorts mais également sur les mécanismes de ses représentations, afin de mettre en place une véritable concertation en matière de gestion ?
235Ces représentations permettent de comprendre les « résitances » au changement du fait, souligne Bernadette de Vansay, « de leur triple ancrage : émotionnel et affectif, cognitif et institutionnel ».
236Dans cette perspective, l’identification des profils d’attitudes ne participerait-il pas à une meilleure définition de la prévention ?
237Enfin, toute politique de prévention des risques d’inondation qui les ignorerait ne serait-elle pas par avance vouée à l’échec ?
Notes de bas de page
1 Lascoumes P., (2001) l’obligation d’informer et de débattre, une mise en public des données de l’action publique, in Gerstlé J. (dir), Les effets d’information en politique, p. 303
2 Lascoumes P., (2001) l’obligation d’informer et de débattre, une mise en public des données de l’action publique, in Gerstlé J. (dir), Les effets d’information en politique, p. 311
3 Cf. Lalo A., (2001), Le débat public sur l’indemnisation des inondations, in Alliage, Pour une nouvelle culture du risque, n° 48-49, p. 129 à 152
4 Rudolf F., (2003), La participation au piège de l’enrôlement, in Villes et Démocratie, Espaces et Sociétés, 112, p. 134.
5 In Bourrelier P.H., Deneufbourg G., Vanssay (de) B., 2000, Les catastrophes naturelles, le grand cafouillage, Eyrolles, p. 133
6 Centre opérationnel de direction de la sécurité civile
7 Centre interrégional de coordination des opérations de sécurité civile
8 Cf. les propos de M. Jean Dunglas, ingénieur général honoraire du génie rural : « Au risque de vous choquer, il faut savoir qu'à l'heure actuelle en France, dans les trois quarts des cas, les prévisions de crue des rivières de plaine sont toujours faites au moyen d'une méthode dite des « réglettes » ou abaques de Bachet, mise au point en 1934. Ingénieur général des ponts et chaussées, il a mis au point cette méthode, en partant du principe que, quand l'eau tombe sur un bassin versant, une onde de crue se forme, pouvant épouser une gamme de hauteurs de crue relativement importante et sa propagation ne dépend pas seulement de sa hauteur, mais de tout l'environnement. En se basant sur des crues antérieures et moyennant des extrapolations plus ou moins linéaires, on peut obtenir des hauteurs de crue à l'aval et des temps de parcours assez réalistes. L'avantage de cette méthode est que l'on peut former un technicien à leur utilisation efficace en deux ou trois semaines. Il devient excellent au bout de trois ans de pratique. C'est le terrain qui forme une sorte de calculateur analogique du phénomène. On utilise les observations passées pour déterminer ce qui se passera en aval et dans l'avenir » in Rapport n° 3386, A. N., rapporteur Jacques Fleury, novembre 2001, p. 60
9 La hauteur de la mesure de pluie croît au fur et à mesure que l’on s’éloigne du radar en raison de la rotondité de la terre et du profil vertical de l’indice de réfraction. A une distance de 150 km du radar, la mesure de la pluie se fait entre 3 et 6 km d’altitude. Cette pluie d’altitude peut donc être très différente de celle observée au sol.
10 Cf. Rapport du Sénat, n° 34, 2001-2002, Inondations dans la Somme : des leçons pour l’avenir, Pierre Martin rapporteur.
11 Tazieff H, (1983) Rapport annuel au Président de la République, Journal Officiel.
12 Les messages d’avis de crue étaient notamment trop généraux ou transmis lentement, voire pas du tout.
13 Plouzeau C. (LPJ : le journal des Français à l'étranger) 25 septembre 2002 : http://www.lepetitjournal.com/actu/sep2502-actuinond.html
14 Plouzeau C. (LPJ : le journal des Français à l'étranger) 25 septembre 2002 : http://www.lepetitjournal.com/actu/sep2502-actuinond.html
15 Ce point avait été mis en évidence par Michel Sapin, directeur de la défense et de la sécurité civiles au ministère de l'Intérieur en 2001.
16 Kert C., (1999), rapport pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologique sur les techniques de prévention et de prévention des risques naturels en France, volume 3, p. 97
17 Président de la mission interministérielle sur les inondations de la Somme et qui avait déjà rédigé en 1999 un rapport sur « Les crues des 12, 13 et 14 novembre 1999 dans les départements de l'Aude, de l'Hérault, des Pyrénées-Orientales et du Tarn ».
18 Rapport AN n° 3386, p. 61
19 Idem, p. 62
20 Article L. 563-3 du code de l'environnement
21 Circulaire du 1er octobre 2002 aux préfets coordonnateurs de bassin sur la création de service de prévision des crues (SPC).
22 Cité par Vanssay (de) Bernadette, (2003), Quand les sciences humaines éclairent l’analyse des risques », in Territoires : face aux risques, Pouvoirs Locaux, n° 56, 1/2003, p. 55
23 Vanssay (de) Bernadette, (2003), opus cit.
24 Loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs.
25 Décret n° 90-918 du 11 octobre 1990
26 Créée par arrêté préfectoral, cette cellule réunit les différents acteurs départementaux du risque majeur. La CARIP comporte un coordonnateur et un comité de pilotage. Ses missions sont de :
réunir les informations et documentations,
établir la liste des communes à risques majeurs,
élaborer les cartes,
réaliser les documents réglementaires (DDRM, DCS),
accompagner l’information préventive (rôle d’expert et de conseil auprès des communes.
27 Dossier départemental des risques majeurs
28 Document communal synthétique (décret n° 90-918 modifié du 11 octobre 1990). Il est construit par extension des parties du DDRM qui intéressent la commune en y ajoutant les points particuliers tels que définis par un PPR et rappelle les mesures prises. Il prévoit également, une campagne d’affichage.
29 Dossier d’information communal des risques majeurs (décret n° 90-918 du 11 octobre 1990, art. 3). Il reprend les informations contenues dans le DDRM et le DCS en précisant les mesures prises au niveau communal dans le cadre de la prévention, des pouvoirs de police du maire (plan de secours communal) et des documents d’urbanisme (PLU).
30 Cf. Rapport du Sénat, n° 34, 2001-2002, Inondations dans la Somme : des leçons pour l’avenir, p. 83
31 cf. Rapport annuel du délégué aux risques majeurs, 2002, p. 8, consultable sur www.prim.net
32 Circulaire du 14 octobre 2003, MEDD, NOR : DEVP0320351C
33 Enquête menée par H. Scarwell et Richard Laganier en 2001
34 Cf. Inspection Générale de l’administration, (2002), Les retours d’expérience des inondations catastrophiques et les inspections des services déconcentrés en charge des risques naturels réalisés depuis l’année 1999.
35 Rapport annuel du délégué aux risques majeurs, 2002, p. 18
36 Association SOS Marque : Cette association s’est créée suite aux inondations survenues en décembre 2000. Elle a pour objectif d’informer, et de sensibiliser les populations riveraines de la Marque, et de participer activement à toutes les prises de décisions concernant ce cours d’eau. SOS Marque organise certaines actions telles que les journées « pieds dans l’eau », durant lesquelles les citoyens volontaires nettoient le lit de la Marque, ou encore des marches vers la source de la Marque. Au cours de la journée anniversaire de l’inondation de 1995, l’échelle indiquant des niveaux de crues datés a été installée.
37 Cf. Pontier J.M., (2003), La puissance publique et la prévention des risques, AJDA, n° 33/2003, p. 1752 à 1761
38 Décret n° 88-622 du 6 mai 1988
39 Ce constat a été souligné par le Rapport du Sénat : inondations dans la Somme : des leçons pour l’avenir », n° 34, 2001-2002
40 cf. les déclarations de Monsieur Alain Gest, président du Conseil Général de la Somme (2001) à la Commission « Inondations dans la Somme » présidée par Marcel Deneux, rapporteur Monsieur Pierre Martin, Rapport Sénat n° 34 ? 2001-2002, tome I, p. 125
41 Ce texte définit le rôle de la police municipale : « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pouvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure » ou l’article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales qui énonce « qu’en cas de danger grave ou imminent (…), le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances ; il informe d’urgence le représentant de l’Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu’il a prescrites ».
42 http://news.tf1.fr/news/france/0,946818,00.html
43 Loi n° 96-369 du 3 mai 1996. Néanmoins, le terme SDIS est apparu avec un décret du 20 mars 1955 et qu’il tire outre son nom, ses origines, son statut et ses attributions. Il n’avait pas pour vocation de se substituer à la commune, mais à compléter et renforcer les services communaux et intercommunaux de secours et se superposaient à eux.
44 Cf. Amalric M, Scarwell H. J, Laganier R. (2003) : « La représentation médiatique du risque d’inondation : entre déni et rumeur : Le cas de la Somme (80) », Séminaire des 10 et 11 avril 2003, Grenoble MSH-Alpes.
45 Il fut crée en 1952 et la loi du 22 juillet 1987 en a confirmé les dispositions.
46 http://www.rtl.fr/rtlinfo/article.asp?dicid=162411
47 Cf. décret n° 97-1225 du 26 décembre 1997 organisation des services d'incendie et de secours Loi n° 96-369 du 3 mai 1996 services incendie et secours ; circulaire du 13 décembre 1993 analyse des risques et information préventive.
48 Padioleau J.G., (2003), « inondation : la corruption du Régalien », in Pouvoirs locaux, Territoires face aux risques, n° 56 ; 1/2003, p. 77.
49 Document A. N n° 1641 : tome I, pp. 101 et 102. Commission présidée par P. Mathot et dont le rapporteur était T. Mariani.
50 Amalric M, Scarwell H. J, Laganier R. (2003) : « La représentation médiatique du risque d’inondation : entre déni et rumeur : Le cas de la Somme (80) », Séminaire des 10 et 11 avril 2003, Grenoble MSH-Alpes
51 Loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 mais d’autres textes relatifs aux régime des catastrophes naturelles s’appliquent, notamment la loi n° 90-509 du 25 juin 1990, modifiant le Code des assurances et portant extension du régime aux départements d'Outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon ; Loi n° 92-665 du 16 juillet 1992 (article 34), modifiant l'article L. 125-1 du Code des assurances, portant adaptation au marché unique européen de la législation applicable en matière d'assurance et de crédit, et notamment ses articles 34 et 35 ; Loi 95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement et à la protection de l'environnement ; - Ordonnance n° 2000-352 du 19 avril 2000 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles dans les îles de Wallis-et-Futuna, - Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'Outre-mer ; - Loi n° 2002-276 du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité, et notamment son article 159 ; - Loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages et notamment les titres II et III. - Décret n° 82-706 du 10 août 1982 (art. L. 431-9 du Code des assurances) ; - Décret n° 92-1241 du 27 novembre 1992 (art. L. 125-6 du Code des assurances) ; - Arrêtés du 5 septembre 2000 du ministère de l'économie des finances et de l'industrie ; - Arrêtés du 4 août et du 10 septembre 2003 portant modification des articles A. 125-1 et A. 125-3 du code des assurances. - Circulaire n° 84-90 du 27 mars 1984, relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ; - Circulaire n° 111/C du 19 mai 1998, relative à la constitution des dossiers ; - Circulaire n° 267/C du 24 novembre 2000, relative aux arrêtés du 5 septembre 2000, renforçant le lien entre l'indemnisation des dommages résultant des catastrophes naturelles et les mesures de prévention de ces risques
52 Rapport du Sénat, (2001-2202), Inondations dans la Somme : des leçons pour l’avenir, n° 34, p. 81
53 Rapport sur les politiques publiques des inondations en France métropolitaine et outre-mer, 1999.
54 Rudolf F., (2003), La participation au piège de l’enrôlement, in Villes et Démocratie, Espaces et Sociétés, 112, p. 151
55 Le préambule 14 de la DCE énonce « le succès de la présente directive requiert l’information, la consultation et la participation du public »
56 Circulaire du 12 février 2002 qui précise qu’il est nécessaire d’identifier les attentes du public et de préparer le terrain par une sensibilisation appropriée.
57 Cf. le site du ministère de l’écologie et du développement durable
58 Cf. Discours du 7 décembre 2001 du Préfet de bassin.
59 Cf. Document commun de l’Agence de l’eau et de la DIREN, 21 novembre 2002 de Déricq C., et de Meerpoel S.
60 idem
61 Guide de la concertation PPR, p. 6
62 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002
63 C’est la loi Barnier du 2 février 1995 qui l’a créée.
64 Art. L. 121-1 du code de l’environnement
65 Cité par Gandil P. et Mazancourt C. (2001), Le débat public dans les projets autoroutiers : restaurer la confiance entre l’Etat et le public, in Vallemont S., Le débat public, LGDJ, p. 74
66 Circulaire n° 92-71 du 15 décembre 1992 relative à la conduite des grands projets nationaux d’infrastructures : elle prévoit, avant les études de tracé proprement dites, un débat sur les grandes fonctions de l’infrastructure dans une approche intermodale.
67 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « loi Barnier », elle prévoit un débat sur les objectifs et les caractéristiques principales des grandes opérations d’aménagement d’intérêt national, sous la responsabilité de la Commission nationale du débat public.
68 Cf.. Guide de la concertation PPR
69 Guide de la concertation PPR, p. 12
70 Guide de la concertation PPR, p. 20
71 Cf. Hatchuel A., (2001), « Agir public et conception collective : l’expertise comme processus démocratiqe » in Heurgon E et Landrieu J.
72 Réseau international des organismes de bassins (1998). Atelier RIOB : la participation des usagers à la gestion et au financement des organismes de bassin. (En ligne 14/09/2001) : http://www.oieau.org/ciedd/fra/frames/etatsituation/riobetatsit.htm.
73 Guibert B, (2004) « Information et concertation locale », in Territoire 2020, la Documentation française, n° 9, p. 37
74 Cf. http://www.siter.fr/ ; SITER, est une société de conseil spécialisée dans l'analyse, le partage et la diffusion de l'information sur les territoires.
75 Préambule de la Charte de la concertation
76 Carte des dossiers communaux synthétiques via le net
77 CORINTE (COmmunes à RIsques Naturels et TEchnologiques)
78 http://www.prim.net/education/espace_education.html
79 Cf. Commissariat au Plan, (2002), La décision publique face aux risques, rapport du Séminaire « Risques » animé par Matheu, La Documentation française, p. 47
80 Habermas J., (1986), L’espace public, archéologie de la publicité comme dimension consécutive de la société bourgeoise, Payot.
81 In Habermas, (1997), Droit et démocratie, entre faits et normes, Gallimard, p. 139.
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